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Full text of "L'Art médical; journal de médecine générale et de médecine pratique"

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L'Art  médical 


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|       L'ART  MÉDICAL 


REDACTEURS  : 


MM.  Bourgeois  (de  Tourcoing). 
Cuampkadx. 
Du  pu  esn  e  (de  Genève). 
Frédault. 
Hermbl. 

Imbert-Gourbbyre. 
Jorez  (de  Bruxelles). 
Jousset. 


MM.  Labrunne. 
Mailliot. 

MlLCENT. 
OZANAM. 

Patin. 

Ravel  (de  Cavailloo). 
Violet. 


Rédacteur  en  chef  :  M.  J.  Davasse. 


Par».  —  Typ.  de  A.  Parem,  rue  Mon»ieur-l«-Prin*e,  31. 


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L'ART  MEDICAL 


JOURNAL 

DE  MÉDECINE  GÉNÉRALE 

ET 

DE  MÉDECINE  PRATIQUE 

FONDS  PAR 

JEAN-PAUL  TESSIER 

PHILOSOPHIE  MÉDICALE 
HISTOIRE  NATURELLE  NOSOGRAPHIB 
ANATOMIE  ÉTIOLOGIB 
PHYSIOLOGIE  SÉMÉIOTIQUE 
HTGIKNK  ANATOMIE  PATHOLOGIQUE 

THÉRAPEUTIQUE  EXPÉRIMENTALE 
MÉDECINE   DP.S   INDICATIONS  POSITIVES 

{Soscimtis...  Ixdi  calboticam  senlenliam  ac  doctrinam 
de  bomine,  qui  corpore  et  anima  it.i  absolvatur,  ut 
anima,  eaque  ralionalis,  sit  vera  per  se,  atque  imme- 
diala  corporis  forma.  Pim  HP.  ix. 


Quinzième  année 

TOME  XXXI 


PARIS 

J.-B.  BAILL1ÉRE  it  F  ILS 

LIBBAIHFS   DB  l'a  C  A  B  Ê  M  I  B   IMPERIALE    DB   M  fi  1>  H  Cl  M 

Rue  Uaulefeuilie,  II» 

LONDRES  j  H  AD  AID 

Mirr.  Kuliùh»  C.  BAilXT-bàiixitM 

1870 


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L'ART  MÉDICAL 

JANVIER  1870 


HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE 


Etude  sur  nos  traditions. 

—  SUITE  — 

xv'  siècle.  —  Le  xve  siècle  est  le  véritable  point  de 
départ  d'un  nouvel  ordre  pour  les  sciences.  C'est  à 
tort  qu'on  fait  partir  du  xvi6  siècle  le  mouvement  dit  de 
renaissance  scientifique,  il  remonte  plus  haut.  Après  la 
grande  inondation  des  barbares  sur  l'empire  romain, 
un  premier  mouvement  de  renaissance  a  lieu  au  vi*  siè- 
cle, comme  nous  l'avons  vu  ;  puis  un  second  apparaît 
sous  Charlemagne,  qui  fonde  les  universités  et  agrandit 
l'école  de  Salerne.  Au  xii*  siècle,  l'école  théologique 
commence  avec  saint  Bernard  et  Pierre  Lombard,  et 
l'école  de  Paris  devient  illustre.  Au  xiii',  avec  Alexandre 
de  Haies,  Albert  le  Grand,  saint  Thomas,  Roger  Bacon, 
saint  Bonaventure,  l'élan  est  donné  aux  sciences  phy- 
siques et  naturelles  par  la  théologie  ;  et  déjà  Atratus, 
Basinge,  Campano,  Léonard  de  Pise,  Sacrobosco,  Arnaud 
de  Villeneuve,  Raymond  Lulle,  se  font  remarquer  dans 
la  physique  et  les  mathématiques,  sans  compter  les 
médecins  que  nous  avons  cités.  Au  xiv"  siècle,  pendant 
que  l'Europe  occidentale,  et  la  France  en  particulier, 
gémissent  sous  le  poids  des  guerres  et  des  famines, 
pendant  que  les  querelles  scolastiques  s'épuisent  entre 


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6  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

les  réalistes  et  les  nominaux,  entre  les  scottistes  et  les 
thomistes,  entre  les  averrhoïstes  et  les  alexandristes, 
on  sent  la  nécessité  de  recourir  aux  sciences  expéri- 
mentales, si  bien  lancées  déjà  au  xme  siècle  ;  et  c'est 
alors  qu'en  outre  des  médecins,  on  trouve  comme  phy- 
siciens et  mathématiciens,  les  Bradwardin,  Dace,  Da- 
gfomari  ou  Abace,  les  Dondi  père  et  fils,  Mûris  ou  Jean 
de  Meurs,  Waling'fort,  qui  suivaient  les  traces  du  grand 
Léonard  de  Pise  et  de  Jean  de  Holywood  (Sacrobosco). 
Le  xv*  siècle  héritait  donc  de  ce  mouvement  en  avant 
donné  aux  sciences  diverses  par  la  théologie  au  xiv*  siè- 
cle; et  comme  d'une  part  la  France  secouait  le  joug  de 
l'étrang'er  et  allait  revivre  d'une  vie  nouvelle,  que  d'une 
autre  part  les  querelles  scolastiques  s'épuisaient,  le  pé- 
ripatétisme  cédait  la  place  à  un  platonisme  plus  littéraire 
que  scientifique,  les  idées  devaient  êlre  portées  en 
grande  partie  vers  les  sciences  d'observation  et  d'expé- 
rience. 

Les  sciences  étaient  alors  cultivées  par  deux  sortes 
de  personnes  :  les  savants  eng-a^és  dans  les  ordres 
ecclésiastiques  et  un  petit  nombre  de  laïques,  plus  pai- 
ticulièrement  occupés  d'alchimie  et  de  médecine.  Dans 
les  siècles  précédents,  il  y  avait  eu  quelques  mathéma- 
ticiens et  médecins  laïques  et  mariés,  comme  Fibonacci, 
les  Dondi,  et  la  plupart  des  chirurgiens  ;  car  il  était  dé- 
fendu aux  clers  de  répandre  le  sang\  Cependant  l'uni- 
versité de  Paris  voulait  maintenir  la  cléricature  et  le 
célibat  pour  les  savants  et  les  médecins,  lorsque  le  car- 
dinal d'Estouteville,  envoyé  par  le  Saint-Siège  pour  la 
réformer  en  1452,  fit  lever  cette  interdiction.  A  partir 
de  ce  moment,  il  y  eut  encore  quelques  ecclésiastiques 
adonnés  aux  sciences  mathématiques  et  physiques,  mais  . 
la  plupart  des  médecins  furent  laïques. 

Du  reste,  le  mouvement  donné  aux  sciences  fit  dès 


ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  7 

lors  des  progrès  rapides.  Ainsi,  dans  l'ordre  physique 
et  mathématique,  nous  pouvons  citer  plusieurs  noms 
restés  célèbres.  Le  cardinal  Cusa  donna  l'idée  d'une 
nouvelle  entente  de  l'astronomie  et  remit  le  premier  en 
honneur  l'ancienne  théorie  de  Pythagore,  qui  supposait 
que  la  terre  est  ronde  et  qu'elle  tourne  autour  du  soleil. 
L'Autrichien  Peurbach  suivit  la  môme  voie,  donna  la 
Theoria  planetarumqin  fait  époque  et  fut  publiée  en  1488. 
L'Anglais  Batecombe  écrivit  le  De  sphaerœ  concavœ  fa- 
brica  et  mit ,  De  sphaera  so/iàa,  De  opnratione  astrolabii. 
Cordova,  médecin  astronome  de  Séville,  compléta  l'al- 
manach  perpétuel  de  Zacuth.  J.  Muller,  dit  Regiomon- 
tanus,  enseigna  l'astronomie  à  Padoue  et  publia  des  éphé- 
mérides  astronomiques,  un  calendrier,  des  tables  d'ob- 
servations. Bernard  de  Trévise  écrivit  quatre  livres  sur 
la  philosophie  hermétique,  ou  alchimie,  et  sur  la  recherche 
de  la  pierre  phtlosophale.  L.  B.  Alberti,  neveu  du  cardinal 
du  même  nom,  acheva  le  palais  Pitti  à  Florence  et  con- 
struisit le  palais  Buccellaï,  ainsi  que  plusieurs  églises. 
Il  est  le  premier,  paraît-il,  qui  inventa  les  écluses,  et  la 
chambre  noire  destinée  à  observer  les  étoiles.  Bernard 
de  Lates,  médecin,  inventa  un  anneau  dont  on  se  servit 
longtemps  pour  mesurer  la  hauteur  des  étoiles  et  du 
soleil.  G.  Nardi  et  de  Féravant  sont  célèbres  pour  avoir 
transporté  la  maison  de  ville  de  Bologne,  haute  de 
80  pieds.  Le  cordelier  Paccioli  reprit  lo*  mathématiques 
de  Fibonacci,  suivit  l'application  de  l'arithmétique  au 
commerce  et  enseigna  le  premier  la  tenue  des  livres  en 
partie  double.  Toscanelli  fut  l'un  des  meilleurs  mathé- 
maticiens conseillers  de  Christophe  Colomb. 

La  médecine,  on  le  comprend,  se  ressentit  de  ce  mou- 
vement, mais  aussi  des  agitations  fiévreuses  et  souvent 
folles  de  cette  époque. 
L'astrologie,  l'alchimie,  la  magie,  la  théosophie  pren- 


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8  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE* 

lient  une  grande  extension  et  préparent  les  doctrines  du 
xvi6  siècle.  On  explique  les  maladies  épidémiques  par 
la  conjonction  des  planètes  et  les  influences  astrales. 
Cependant  la  Faculté  de  Paris,  à  l'occasion  du  procès 
de  l'astrologue  Pharès,  condamne  la  théosophie  comme 
un  art  diabolique.  D'un  autre  côté,  à  Venise,  où  l'on 
dépouille  les  jésuates,  l'alchymie  est  formellement  inter- 
dite en  1488.  —  Les  sciences  s'affranchissent  de  plus  en 
plus  de  l'influence  théologique  :  après  avoir  vanté  l'au- 
torité dAristote,  comme  égale  à  celle  d'Albert  le  Grand 
et  de  saint  Thomas,  on  commence  à  ne  vouloir  d'aucune 
autorité  :  les  uns  s'adonnent  à  l'observation  et  à  l'expé- 
rience ;  d'autres  cherchent  la  science  dans  la  théosophie. 
Ce  sont  les  préludes  du  xvie  siècle.  —  La  division  entre 
les  médecins  et  les  chirurgiens  vient  se  compliquer  de 
l'intervention  des  barbiers  et  des  baigneurs,  et  de  là  les 
grandes  disputes  de  la  Faculté  de  Paris,  comme  nous 
l'expliquerons  plus  loin.  —  Les  pharmaciens  sont  sou- 
mis en  France  à  la  surveillance  des  facultés  et  à  celle  de 
médecins  salariés  par  l'Etat  (nouveaux  Archiàtres).  — 
Un  grand  avantage  pour  la  médecine  résulte  de  1  in- 
vention de  la  typographie,  qui  reproduit  en  gravures 
les  figures  des  plantes  de  l'ouvrage  de  Dioscoride  et  des 
planches  anatomiques. 

Des  maladies  épidémiques  nouvelles  vinrent  encore 
dans  ce  siècle  désoler  l'Europe.  —  La  mette  ou  sueur  an- 
glaise parut  pour  la  première  fois  en  Angleterre  et  y  fit 
de  grands  ravages.  Elle  se  répandit  de  là  en  Picardie  et 
dans  le  Poitou,  où  dominaient  les  Anglais  pendant  les 
malheurs  de  la  France.  —  Le  scorbut  se  déclara,  pour 
la  première  fois,  sur  un  navire  qui  visitait  l'Islande  et  la 
Norvège;  il  s'étendit  ensuite  sur  l'escadre  de  Vasco  de 
Gaina  dans  son  voyage  à  Calicut;  et  plus  tard  encore, 
en  1515,  sur  l'escadre  de  Cartier  pendant  son  séjour  au 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  9 

Canada*  —  La  coqueluche  se  déclara  à  Paris  et  dans  les 
environs,  pendant  la  guerre  des  Maillutim.  —  La  piique 
polonaise,  qui  existait  chez  les  Tartares  dès  1287,  se  pro- 
pagea lors  de  la  troisième  éruption  de  cette  race  au 
xv*  siècle,  et  se  répandit  en  Bohême,  en  Autriche,  dans 
toute  l'Allemagne.  —  Enfin,  la  syphilis  et  la  gonorrhêe 
éclatèrent  dans  plusieurs  parties  de  l'Europe  en  même 
temps,  sans  qu'on  puisse  savoir  exactement  leur  lieu 
d'origine.  Quelques  médecins  pensèrent  qu'elle  n'était 
qu'une  dégénérescence  de  la  lèpre  qui  n'existait  presque 
plus;  mais  d'autres  soutenaient  que  les  maladies  ne  se 
transformaient  pas,  comme  Freind  le  rapporte,  et  pré- 
tendaient que  c'était  une  importation  d'Amérique.  Ce  qui 
est  certain,  c'est  que  la  syphilis,  à  laquelle  on  rattachait 
la  gonorrhêe,  éclata  subitement  et  simultanément  dans 
plusieurs  parties  de  l'Europe,  pendant  l'été  de  1493;  les 
Français  l'appelaient  le  mal  napolitain,  et  les  Napoli- 
tains l'appelaient  le  mal  français. 

Parmi  les  auteurs  de  ce  siècle,  on  cite  :  —  Valescus 
de  Tarent u,  en  Portugal,  pratiqua  à  Montpellier  et  y  pu- 
blia une  compilation  de  matière  médicale.  —  Jacques  de 
Forli,  commentateur  d'Hippocrate  et  de  Galien.  —  Leo- 
nicène,  de  Padoue,  le  premier  qui  ait  traduit  Galien  en 
latin. —  Concoregio,de  Milan,  qui  exerça  à  Montpellier. 

—  Dencius  ou  Hwjues  de  Sienne,  qui  se  distingua  comme 
commentateur,  professeur  célèbre  à  Parme  et  à  Ferrare. 

—  Guainer,  professeur  à  Pavie.  —  Montagwna,  profes- 
seur à  Padoue.  Linacre  étudia  à  Florence  et  revint 
professer  à  Oxford,  sa  patrie,  et  à  Londres,  où  il  établit 
un  collège  et  fit  des  traductions  des  anciens.  -  Savo- 
narole ,  qui  a  laissé  deux  ouvrages  estimés  sur  les 
fièvres  et  sur  les  bains.  —  Achillini,  de  Bologne,  sec- 
tateur zélé  d:\ristote  et  des  Arabes.  —  Despars,  cha- 
noine et  trésorier  de  la  Faculté  de  Paris,  né  à  Tour- 


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10  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

nay,  traducteur  et  commentateur  estimé  de  Galien. — 
Chntnpier,  archiàtre  des  rois  Charles  VII  et  Louis  XII; 
auteur  de  nombreux  ouvrages. —  Cofot,  chirurgien  > 
le  premier  lithotomiste.  —  \ictoriis  de  Kaënza,  célèbre 
aussi  comme  philosophe.  —  Fracasfrr ,  fil  un  poëme 
sur  la  syphilis,  où  il  en  donna  la  première  description 
fidèle.  Il  fut  très-attaché  à  l'astrologie.  Enfin,  il  est 
célèbre  pour  avoir  établi  la  doc  trine  de  la  contagion  par 
des  contages.  —  l'racastnr  fut,  au  xv*  siècle,  la  person- 
nification la  plus  considérable  de  la  théorie  astrologique 
qui  admettait,  comme  causes  des  maladies,  [ps  influences 
astrahs.  Mais  c'est  par  son  ouvrage  De  enntugionp/ibritres, 
dont  la  publication  eut  lieu  au  xvie  siècle  que  ce  médecin 
fut  surtout  célèbre.  Il  y  enseigna  ladoctrinede  laconta  - 
gion,  c'est-à  dire  que  certaines  maladies  se  propagent 
en  se  communiquant  d'un  individu  à  un  autre,  par  l'en- 
tremise de  principes  contagieux  qui  viennent  des  exha- 
lations du  corps  des  malades  et  se  répandent  dans  l'air 
à  une  petite  distance,  au  delà  de  laquelle  ils  n'ont  plus 
d'action,  ou  s'attachent  à  certains  corps  comme  des 
brins  de  paille,  des  morceaux  de  corde,  des  lambeaux 
d'étoffe,  des  mouches,  des  toiles  d'araignée,  qui  les 
transportent  au  loin  et  suffisent  à  répandre  la  maladie 
dans  des  villes  entières.  Certains  corps,  tels  que  ceux 
que  nous  venons  de  nommer,  sont  plus  susceptibles  que 
d'autres  de  répandre  la  contagion,  ils  sont  appelés  con- 
tumaces. Fracastor  admettait  ainsi  trois  sortes  de  conta- 
gion :  la  contag'ion  par  contact,  la  contagion  par  l'air  et 
la  contagion  par  des  corps  intermédiaires.  —  Benivieni, 
de  Florence,  fut  célèbre  pour  avoir  donné  les  premières 
observations  d'anatomie  pathologique,  et  Montagnana 
ouvrit  beaucoup  de  cadavres  à  Padoue.  —  Alexandre 
Bencdet'i,  professeur  à  Padoue,  est  l'un  des  plus  anciens 
anatomistes.  —  Mais  à  la  fin  du  siècle,  paraît  Berenger 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  11 

de  Carpi.  qui  imprima  réellement  l'impulsion  à  la  re- 
naissance de  l'anatomie,  et  que  Faliope  appelle  le  pre- 
mier des  nstutrateurs  de  F anatumie  moderne.  -  On  pour- 
rait encore  citer  Zerbi,  qui  publia  un  livre  sur  l'anato- 
mie, mais  sans  importance.  —  Hundt,  célèbre  médecin 
de  Leipsick,  appartient  plus  au  xvie  siècle  qu'au  xvc. 

Doctrine  psychologique  au  moyen  âge.  —  La  physio- 
logie n'était  encore  constituée  dans  l'antiquité  que  sur 
un  petit  nombre  de  dogmes  et  d'expérimentations.  Avant 
(pic  les  sciences  modernes  se  fussent  livrées  à  l'expé- 
rience, l'époque  du  moyen  âge  était  une  sorte  de  période 
de  transition  qui  prépara  les  principes  généraux  de  la 
science.  Aussi,  la  physiologie  était  alors  partagée  en 
deux  branches,  l'une  de  doctrine  générale,  se  confondant 
avec  l'étude  philosophique  du  traité  de  l  ame,  l'autre 
toute  particulière  qui  ne  s'ocetipant  que  du  jeu  des  fonc- 
tions organiques  s'alliait  intimement  à  l'anatomie  et  se 
confondait  avec  elle.  C'était  dès  lors  dans  l'étude  du 
traité  de  l'âme  que  pour  les  médecins  du  moyen  âge 
résidait  plus  particulièrement  l'étude  de  la  physio- 
logie. 

N'était-ce  point  là  d'ailleurs  le  vrai  point  de  départ  de 
la  science  de  l'homme?  Nos  modernes,  il  est  vrai,  ne  le 
pensent  point  et  ils  ont  élagué  de  leurs  occupations 
scientifiques  cette  partie  générale  de  la  science  qui  en 
est  la  base  fondamentale  :  pour  eux,  il  n'y  a  pas  de 
physiologie  en  dehors  de  l'étude  des  fonctions  des  par- 
ties; mais  aussi,  leur  science  est  tombée  dans  un  maté- 
rialisme, autant  sot  et  ridicule  qu'il  est  grossier  et  mé- 
prisable. En  attendant,  il  faut  bien  courber  la  tète  sous 
la  brutale  violence  de  l'opinion  qui  nous  gouverne  :  je 
la  méprise  et  je  la  hais,  mais  je  suis  bien  obligé  de  re- 
connaître qu'elle  est  glorieuse  et  triomphante,  et  que  je 


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18  HISTOIRE  DR  LA  MEDECINE. 

suis  vaincu.  Cela  étant,  ne  nous  occupons  plus  que  du 
passé. 

J'ai  examiné  assez  longuement  cette  question  de  la 
doctrine  psychologique  au  moyen  âge,  dans  un  travail 
intitulé  :  Du  passage  de  la  psychologie  oTAristote  à  la  psy- 
chologie des  philosophes  chrétiens;  travail  inséré  dans  la 
Revue  du  monde  catholique;  Paris,  1866.  Je  n'en  repren- 
drai ici  que  les  traits  principaux  et  derniers. 

L'École  d'Aristote  à  laquelle  Galien  s'était  rattaché 
sans  l'avoir  jamais  bien  comprise,  fut  modifiée  après 
la  mort  du  maître.  Aristoxène  et  Dicéarque  faisaient 
déjà  de  l'âme  une  harmonie  au  lieu  d'un  principe  sub- 
stantiel. Straton  de  Lampsaque  réunit  l'intelligence  à  la 
sensation  dont  il  la  faisait  dériver,  précédant  ainsi  de 
près  de  vingt  siècles,  dans  les  mômes  idées,  notre  Con- 
dillac. 

Les  stoïciens  rattachés  à  Zenon  et  à  Cléanthe,  et  sur- 
tout Chrysippe,  leur  vrai  maître,  reconnurent  l'unité  et  la 
substantialité  de  l'âme  dont  ils  admettaient  huit  parties, 
mais  à  laquelle  ils  attribuaient  une  partie  dominante 
résidant  dans  le  cœur.  C'est  ainsi  qu'aux  lieu  et  place 
des  cinq  facultés  de  l'âme  admises  par  Aristote,  de  nu- 
trition, d'appétit,  de  sensation,  d'intelligence  et  de 
locomotion,  ils  n'admirent  plus  qu'une  seule  faculté  ca- 
pitale, d'où  ils  faisaient  dériver  les  autres,  la  faculté  vitale. 

Posidonius  qui  combattit  contre  Chrysippe,  soutint 
qu  on  avait  trop  exalté  l'âme  et  pas  assez  accordé  au 
corps,  auquel  il  voulait  reconnaître  une  certaine  in- 
fluence dans  la  vie.  Il  disait  que  trois  choses  sont  ca- 
pitales dans  l'homme  :  l'appétit  des  actes  naturels,  le 
courage  ou  la  vigueur  de  la  vie,  et  la  raison.  C'est  sans 
doute  des  enseignements  éclectiques  de  ce  maître  de 
Cicéron,  que  Galien  dériva  sa  doctrine  des  trois  facul- 
tés :  naturelles,  vitales  et  intellectuelles. 


ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  13 

A  l'École  d'Alexandrie,  Philon,  d'origine  judaïque, 
tenta  d'allier  la  philosophie  grecque  aux  traditions  rab- 
biniques  d'où  allait  dériver  le  Talmud.  Il  admit  que 
l'âme  tire  son  intelligence  de  la  raison  divine  qui  lui 
peut  être  associée,  et  qu'elle  est  ainsi  formée  de  deux 
parties,  l'une  corporelle  et  vitale,  imparfaite  et  destinée 
à  mourir,  l'autre  divine,  raisonnable,  qui  lui  peut  être 
accouplée  pendant  la  vie  et  retourne  après  la  mort  à  son 
foyer  divin.  Cette  doctrine  si  fortement  empreinte  de 
manichéisme  se  perpétua  avec  cette  hérésie  et  a  formé 
le  duo-dynamisme  physiologique  qui ,  par  les  écoles 
arabico-judaïques,  est  venu  s'implanter  dans  la  Faculté 
de  Montpellier. 

Alexandre  d'Aphrodise,  qui  fut  un  des  premiers  à 
faire  revivre  Aristote  et  qui  combattit  le  stoïcisme,  est 
considéré  comme  ayant  admis  un  principe  intermédiaire 
entre  l'âme  et  le  corps,  pour  en  faciliter  l'union  ;  c'est 
l'opinion  que  lui  ont  prêtée  plusieurs  auteurs,  entre 
autres  Vincent  de  Beauvais  et  plus  tard  Farnel.  Mais, 
quand  on  lit  son  commentaire  sur  la  métaphysique,  sa 
doctrine  paraît  tout  autre  :  il  fait  de  l'âme  une  simple 
figure,  non  plus  une  forme  active,  une  entéléchie;  il 
lui  supprime  sa  réalité  substantielle;  et  il  s'inspire  de 
Philon  pour  faire  de  l'intelligence  une  puissance  asso- 
ciée à  l'âme  et  la  seule  partie  immortelle  de  l'homme. 

Les  médecins  dits  arabes  qui  paraissent  avoir  connu 
Aristote  expliqué  par  Alexandre  d'Aphrodise  et  qui 
avaient  de  grandes  associations  d'idées  avec  les  doc- 
trines de  Philon,  accentuèrent  cette  théorie.  Ces  méde- 
cins dits  arabes  et  qui  paraissent  n'avoir  été  que  des 
juifs  déguisés,  comme  je  l'ai  montré  dans  un  travail 
sur  Averrhoës  et  taverrhoïsme  {Bévue  du  monde  catholique, 
1864) ,  avaient  déjà  paru  hétérodoxes  au  parti  reli- 
gie  ux  musulman  dans  la  personne  d' I  bn-Sina  (A  vicennes); 


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14  HISTOIRE  DR  LA  MEDECINE. 

et  c'est  contre  cette  hétérodoxie  que  Al-Gazzali  avait 
dirigé  son  livre  intitulé  la  Destmction  des  philosophes.  La 
philosophie,  ou,  comme  les  Arabes  l'appelaient,  la  filsa- 
/i?/,  n'était  autre  qu'une  doctrine  talmudiste  propagée 
chez  les  médecins  de  Bassora  ou  de  Bagdad,  lesquels 
médecins  étaient  presque  tous,  sinon  tous  juifs,  en  rela- 
tion avec  les  traditions  de  l'École  de  Philon  d'Alexandrie. 
Ces  doctrines  indiquées  déjà  dans  les  enseignements 
d'Ibn-Zohr  et  Ibn-Gebirol,  s'accentuèrent  chez  Ibn- 
ïofail  dans  l'Andalousie,  et  ce  lut  de  cet  Ibn-Tofail  que 
Ibn-Roschd  ou  Averroës  les  reçut  pour  les  diluer  et  les 
répandre. 

A  partir  du  xie  siècle,  elles  se  répandirent  dans  la 
Gaule  narbonnaise,  en  Italie  et  jusqu'à  Paris  avec  le 
livre  de  Cansis,  dont  on  a  tant  parlé  à  cette  époque,  et 
semblent  avoir  eu  pour  adeptes  chez  nous  Amaury  de 
Chartres,  David  de  Dinan  et  Michel  Scott,  le  traducteur 
à  la  cour  de  Frédéric.  Censurées  et  condamnées  dans 
la  Faculté  de  Paris,  en  1209,  elles  ne  se  répandirent  pas 
moins  en  s'unissant  aux  théories  hérétiques  des  Albi- 
geois, avec  lesquels  leur  origine  manichéenne  était  un 
trait  commun. 

Cependant,  les  philosophes  chrétiens  avaient  réagi 
vigoureusement  contre  ces  erreurs  et  les  hérésies  qui  en 
découlaient.  Saint  Augustin  luttait  en  faveur  de  l'unité 
du  principe  animateur.  Saint  Grégoire  de  Nysse,  dans 
son  Traité  de  la  formation  de  f  homme,  établit  trois  sortes 
de  vitalités  :  une  vitalité  nutritive  dépourvue  de  senti- 
ment; une  vitalité  à  la  fois  nutritive  et  sensitive;  une 
vitalité  de  raison  et  de  perfection.  Au  vie  siècle,  nous 
trouvons  avec  Boëce  cette  doctrine  implantée  dans  la 
psychologie,  et  nous  lisons  dans  son  Commentaire  sur  Por- 
phyre que  l'àme  a  trois  facultés  maîtresses  :  une  de  nu- 
trition, une  autre  de  sensibilité  et  de  mouvement,  une 


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étude  sur  nos  traditions.  15 

troisième  de  raison.  Au  vu*  siècle,  Jean  Philopon  fait  de 
ces  trois  puissances  trois  âmes  distinctes,  ce  qui  était 
contraire  à  l'imité  du  principe  animateur. 

C'est  alors  qu'arrivent  enfin  les  grands  siècles  de  la 
scolastique,  où  avec  Albert-le-Grand  et  saint  Thomas, 
la  doctrine  psychologique  unanimement  reçue  enseigne 
que  l'àme  est  la  forme  active  du  corps  et  lui  est  sub- 
stantiellement unie,  qu  elle  développe  tous  les  actes  de  la 
vie  par  trois  facultés  principales  :  la  faculté  végétative 
ou  nutritive,  la  faculté  sensible-motrice  ou  animale,  et 
la  faculté  intellectuelle.  Le  concile  de  Vienne  en  1311  et 
celui  de  Latran  plus  tard,  en  1515,  censurèrent  définiti- 
vement la  théorie  des  deux  âmes,  issue  du  manichéisme, 
propagée  dans  les  sectes  des  Albigeois,  de  Taverrhoïsme 
et  de  l'alexandrisme. 

La  doctrine  scolastique  parfaitement  étayée  chez  tous 
les  grands  docteurs  du  moyen  âge,  fut  certainement 
reçue  par  tous  les  médecins  jusque  vers  la  fin  du 
aivb  siècle  ou  jusque  dans  le  xve.  Ils  étaient  tous  clercs, 
attachés  à  l'Eglise,  et  en  cette  qualité  vivaient  dans 
l'orthodoxie.  Mais,  à  partir  du  xve  siècle,  la  médecine 
fut  pratiquée  par  bien  des  laïques  qui  n'avaient  plus  des 
raisons  autant  majeures  d'être  orthodoxes  et  qui,  plus 
soucieux  de  Galien  que  de  saint  Thomas  ou  d'Aristote, 
déclaraient  qu'on  devait  bien  plus  s'en  rapporter  à  l'ex- 
périmenté Galien  qu'au  philosophe  inexpérimenté;  et 
dès  lors,  en  médecine,  la  division  psychologique  de 
Galien  prenait  le  pas  sur  celle  de  saint  Thomas. 

Cette  double  tendance,  l'une  scolastique,  l'autre  galé- 
nique,  se  perpétua  quelque  temps  dans  la  phychologie 
médicale.  Nous  verrons  comment  au  xvie  siècle  Fusch 
et  Fernel  s'en  tirèrent  par  une  sorte  de  synchrétisme, 
où  cependant  l'influence  de  Galien  domina. 

F.  Fkédault. 

—  La  suite  au  prochain  numéro.  — 


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16 


MÉDECINE  GÉNÉRALE 


MÉDECINE  GÉNÉRALE 

ÉTUDE  CRITIQUE  SUR  VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE 

CELLULAIRE. 

—  TROISIÈME  ARTICLE.  — 

DES  NÉOPLASIES  ET  EN  PARTICULIER  DES  NEOPLASIES 

PATHOLOGIQUES. 

Virchow  applique  à  la  formation  des  produits  mor- 
bides sa  théorie  de  l'activité  cellulaire  :  c'est  Yirritation 
formative  qui  produit  les  néoplasies,  et  la  doctrine  des 
exsudais  et  des  blaslèmes  est  remplacée  par  celle  du 
développement  et  de  la  transformation  continue  des 
tissus.  Nous  retrouvons  donc  ici  la  thèse  que  nous 
avons  déjà  examinée  à  propos  de  l'inflammation.  Les 
néoplasies  se  forment  par  le  même  mécanisme  que  la 
génération  :  il  y  a  des  formations  par  segmentation  des 
cellules  ou  par  génération  endogène.  Les  premiers 
éléments  formés  se  ressemblent  tous,  au  moins  en  ap- 
parence; ils  sont  indifférents,  et  il  n'est  pas  possible  de 
dire  qu'une  néoplasie,  qui  est  encore  à  ce  premier  stade, 
deviendra  du  pus,  du  cancer,  du  tubercule  ou  un  tissu 
physiologique  quelconque. 

Les  néoplasies  ne  sont  point  des  sécrétions  morbides; 
ce  sont  des  transformations  des  cellules  préexistantes,  et 
en  particulier,  des  cellules  épithéliales  et  des  cellules 
du  tissu  conjonctif.  Les  néoplasies  se  divisent  en  ho- 
mologues et  en  hétérologues.  Virchow  donne  le  nom  de 
produit  hétérologue,  non-seulement  aux  tumeurs  ma- 
lignes, mais  encore  à  tout  tissu  qui  s'éloigne  du  type 
propre  au  lieu  où  il  se  forme.  Il  rappelle  que  les  tissus 


VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  17 

hétérologues  sont  tous  composés  d'éléments,  dont  on 
retrouve  les  analogues  dans  les  tissus  physiologiques. 

Le  pus  est  un  produit  hétérologue.  Sur  les  surfaces, 
il  se  produit  aux  dépens  des  cellules  épithéliales  ;  dans 
les  parenchymes,  par  la  transformation  des  cellules  du 
tissu  conjonctif.  Sur  les  surfaces,  il  y  a  d'abord  prolifé- 
ration des  cellules  épithéliales,  produisant  un  liquide 
puriforme,  puis  transformation  des  cellules  épithéliales 
en  cellule  de  mucus  et  en  cellule  de  pus.  Dans  les  paren- 
chymes, les  cellules  du  tissu  conjonctif  prolifèrent  avec 
une  rapidité  inouïe  et  se  transforment  en  globules  de 
pus.  Uans  tous  les  cas,  le  pus  est  le  produit  d'une  trans- 
formation des  éléments  solides  du  corps  vivant. 

La  tubercule  est  essentiellement  une  petite  tumeur,  et 
ce  qu'on  appelle  tubercule  infiltré  est  un  produit  inflam- 
matoire. Cette  dernière  lésion  doit  se  distinguer  du  tu- 
bercule, quoiqu'elle  se  rencontre  dans  la  même  maladie 
et  qu'elle  ait  une  terminaison  identique,  la  casêification. 
Les  gros  tubercules  sont  produits  par  l'agglomération 
djune  quantité  de  petits  tubercules  miliaires.  %Le  tuber- 
cule est  une  néoplasie  qui  est  toujours  extrêmement 
pauvre  et  qui  arrive  rapidement  à  sa  période  régressive; 
cette  période  régressive  commence  toujours  par  le  centre 
du  produit.  Elle  a  reçu  le  nom  d'état  caséeux.  L'état  ca~ 
séeux  est  commun  au  tubercule,  au  pus,  au  cancer,  aux 
produits  inflammatoires.  Toutes  les  néoplasies,  arrivées 
à  l'état  caséeux,  se  ressemblent;  aussi  est-il  souvent  im- 
possible de  dire  si  un  poumon  farci  de  masses  caséeuses 
est  tuberculeux  ou  non. 

Le  tubercule,  est  produit  par  la  prolifération  des  cel- 
lules du  tissu  conjonctif.  Il  est  composé,  comme  le  pus, 
d'éléments  très-petits  et  très-nombreux. 

La  cellule  tuberculeuse  a  son  analogue  dans  la  cel- 
lule du  ganglion  lymphatique. 

TOME  XiXI.  —  JANVI£a  4870.  2 


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18  MÉDECINE  GÉNÉRALE. 

Le  cancer  est  une  néoplasie,  composée  d'éléments  très- 
grands  et  très-rapidement  développés.  Elle  est  le  pro- 
duit de  la  prolifération  des  cellules  du  tissu  conjonctif  et 
des  cellules  épithéliales.  Elle  constitue  une  sorte  (T organe 
dans  lequel  les  cellules  épithêlioides  sans  enchâssées  dans  un 
siroma  du  tissu  conjonctif  vasculaire  de  nouvelle  formation 
(p.  430).  Le  cancroïde  ne  peut  pas  être  distingué  du 
cancer  proprement  dit  par  la  structure  épithéliale  de 
ses  éléments,  car  l'un  et  l'autre  tissus  possèdent  des 
cellules  à  aspect  épithélial  (p.  429).  Le  cancer  s'étend 
en  transformant  les  tissus  autour  de  lui,  et  l'inspection 
microscopique  démontre  que  les  tumeurs  cancéreuses 
sont  entourées  d'une  zone  en  voie  de  transformation  ; 
les,  tumeurs  cancéreuses  peuvent  se  reproduire  après 
l'opération  ;  enfin  elles  se  multiplient  et  apparaissent 
dans  plusieurs  points  de  l'organisme.  Pour  expliquer 
ces  différents  phénomènes,  Virchow  admet  qu'il  se  forme 
une  substance  contagieuse  qui  s'infiltre  et  se  propage 
par  les  anastomoses  des  cellules  du  tissu  conjonctif;  celte 
substance  contagieuse  sert  à  propager  le  cancer  au  loin 
par  le  système  lymphatique  et  peut-être  par  le  sang». 

Virchow  termine  le  chapitre  des  néoplasies,  en  pro- 
clamant bien  haut  que  la  forme  des  cellules  est  insuffi- 
sante pour  distinguer  les  tumeurs  malignes  des  tumeurs 
bénignes;  que  les  tumeurs  composées  de  tissus  homolo- 
gues, comme  les  myxomes  et  les  enchondromes,  peuvent 
devenir  malignes  si  elles  contiennent  beaucoup  de  suc; 
c'est  la  grande  quantité  de  suc  qui  fait  la  malignité. 

Nous  signerions  des  deux  mains  la  plupart  de  ces 
propositions.  J.-P.  Tessier  professait  que  les  néoplasies 
étaient  dues  à  la  transformation  des  solides  et  des  liquides 
coagulables  des  corps  vivants;  le  DrFrédault  a  démontré 
dans  ce  recueil  (année  1855)  que  les  tumeurs  hétérolo- 


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VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  19 

gues  étaient  composées  d'éléments,  ayant  leur  type  dans 
les  cellules  physiologiques  ;  dans  ma  thèse  inaugurale 
(1846),  j'ai  soutenu  contre  les  micrographes  l'identité 
de  nature  du  cancroïde  et  du  cancer  proprement  dit. 
Virchow  ne  fait  donc  que  reproduire  et  vulg-ariser  les 
enseignements  de  notre  école,  seulement  les  préjuges 
d'un  solidisme  exagéré  l'empêchent  de  reconnaître  que 
les  liquides  coag*ulables  peuvent  servir  à  la  formation  des 
néoplasies,  et  son  inintellig-ence  des  questions  de  patho- 
logie g-énérale  le  conduit  à  admettre  sur  la  propaga- 
tion et  la  multiplication  du  cancer  une  théorie  insensée. 
Mais  toutes  ces  questions  ont  une  importance  considé- 
rable, et  chacune  d'elles  mérite  un  examen  et  une 
discussion  détaillés;  c'est  ce  que  nous  allons  faire. 

§  I.  —  Les  néoplasies  sont  un  produit  de  l'activité 
cellulaire;  les  exsudats  et  les  blastèmes  n'existent  point. 
•  Ainsi,  avec  quelques  restrictions  peu  importantes, 
vous  pouvez  substituer  à  la  lymphe  plastique,  au  b  astème 
des  uns,  à  f  exsudât  des  autres,  le  tissu  conjonctîf  avec  ses 
équivalents,  et  vous  pouvez  le  regarder  commi  le  tissu  ger- 
minatif  par  excellence  du  corps  humain,  et  le  considérer 
comme  le  point  de  départ  rég-ulier  du  développement 
des  parties  nouvellement  formées  »  (p.  354). 

«  Les  néoplasies  qui  ne  rentrent  pas  dans  cette 

classe  sont  peu  nombreuses  :  ce  sont,  d'un  coté,  les 
formations  épithéliales;  d'un  autre  côté,  celles  qui  ont 
des  relations  avec  les  tissus  animaux  plus  élevés,  des 
vaisseaux  par  exemple.  »  (1*.  354.) 

A  propos  de  la  formation  du  pus,  Virchow  ajoute  : 
«  Il  est  douteux  que  la  troisième  série  des  tissus,  les 
muscles,  les  nerfs,  les  vaisseaux,  etc.,  produisent  le  pus, 
et  cela  parce  qu'on  ne  doit  pas  confondre  les  éléments 
du  tissu  conjonctif  qui  entrent  dans  la  composition  des 


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20  MÉDECINE  GENERALE. 

gros  vaisseaux,  des  nerfs  et  des  muscles,  avec  les  élé- 
ments musculaire,  nerveux  et  vasculaire.  —  Des  obser- 
vateurs compétents,  comme  0.  Weber,  ont  déjà  décrit 
dans  ce  genre  de  tissu  l'existence  du  pus  sorti  de  leur 
parenchyme.  Je  ne  puis  dire  à  cet  égard  rien  de  positif. 
La  règle  est  sans  aucun  doute  le  tissu  interstitiel.  »> 
(P.  396.) 

Ce  passage  est  d'une  obscurité  tout  à  fait  germanique, 
il  en  résulte  cependant  que  les  néoplasies  se  dévelop- 
pent non-seulement  aux  dépens  des  cellules  du  tissu 
conjonctifet  des  cellules  épithéliales,  mais  encore,  d'a- 
près les  recherches  de  0.  Weber,  aux  dépens  des  cel- 
lules des  tissus  musculaire,  nerveux  et  vasculaire,  ou 
en  bon  français,  que  les  néoplasies  se  développent  aux 
dépens  des  solides  du  corps  vivant,  ce  qui  est  la  moitié  de 
la  formule  de  J.-P.  Tessier  :  Les  néoplasies  se  développent 
aux  dépens  des  solides  et  des  liquides  coagulables  de  f  éco- 
nomie. 

Mais  la  deuxième  partie  de  la  loi  posée  par  notre 
école  est-elle  fausse  et  Virchow  a-t-il  réellement  dé- 
montré que  le  sang  et  les  éléments  fibrineux  ne  sont 
pas  susceptibles  d'entrer  dans  la  formation  des  néo- 
plasies ? 

Le  physiologiste  prussien  ne  veut  accepter  à  aucun 
prix  que  le  sang  et  la  fibrine  puissent  s'organiser;  son 
siège  est  fait  sur  cette  question.  Aussi  prend-il  à  l'avance 
toutes  les  précautions  imaginables.  La  transformation 
du  sang  en  pus  est  évidente  dans  la  phlébite.  Virchow 
nie  résolument  que  le  liquide  puriforme  trouvé  dans  les 
caillots  intra-veineux  soit  du  pus;  ce  liquide  est  com- 
posé de  fibrine  désagrégée  et  ayant  subi  une  espèce  de 
ramollissement  et  de  régression  chimique. 

Cette  opinion  étrange  est  venue  renverser  la  théorie 
de  la  phlébite.  Au  lieu  de  considérer  la  formation  du 


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VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  21 

caillot  intra-veineux  comme  le  premier  phénomène  de 
l  inflammation  veineuse,  Virchow  attribue  la  thrombose 
à  une  altération  inconnue  du  sang  (  encore  l'humo- 
risme  qui  reparaît,  tant  il  est  difficile  de  s'en  débarras- 
ser); puis  la  fibrine  subit  la  régression  chimique,  et  ce 
ramollissement,  en  vertu  d'une  loi  aussi  inconnue  que 
celle  qui  préside  à  la  formation  du  caillot  intra-veineux, 
se  transmet  à  la  paroi  veineuse,  dont  il  détermine  l'in- 
flammation et  la  suppuration  ! 

Ainsi,  Virchow  reconnaît  bien  qu'il  y  a  un  caillot, 
une  inflammation  des  parois  veineuses  et  une  suppura- 
tion. Seulement,  comme  il  ne  peut  admettre  que  la 
Obrine  se  transforme  en  pus,  il  suppose  que  Yirritation 
(Broussais,  pourquoi  es-tu  mort!),  causée  par  un  simple 
caillot,  suffit  pour  déterminer  l'inflammation  et  la  sup- 
puration des  parois  veineuses. 

Certes,  nous  ne  voulons  pas  proscrire  l'hypothèse  en 
tant  quelle  constitue  une  méthode  pour  trouver  la  vé- 
rité. Ce  que  nous  repoussons  de  toutes  nos  forces,  c'est 
l'hypothèse  à  l'état  permanent  et  définitif;  c'est  l'hypo- 
thèse prenant  droit  de  domicile  dans  la  science  et  posant 
pour  une  vérité  démontrée.  Virchow  fait  une  hypothèse: 
l'activité  cellulaire  du  tissu  conjonctif  produit  sans  blas- 
tème  préalable  toutes  les  néoplasies.  Puis,  au  lieu  de 
chercher  dans  l'observation  et  l'expérimentation  la  véri- 
fication de  son  hypothèse,  il  prend  les  faits  les  mieux 
connus,  le  processus  pathologique,  le  plus  étudié;  il  le 
torture,  il  intervertit  l'ordre  du  phénomène,  et  il  le  con- 
traint de  rentrer  sous  les  lois  de  la  pathologie  cellulaire. 

Nous  trouvons  le  procédé  par  trop  prussien,  et  nous 
opposerons  à  la  théorie  de  Virchow  sur  la  phlébite  les 
objections  suivantes  : 

1°  En  vertu  de  quelle  loi,  si  la  paroi  veineuse  n'est 
pas  enflammée,  se  forme-t-il  un  caillot  dans  un  point 


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22  MÉDECINE  GÉNÉRALE. 

déterminé  du  système  veineux?  L'altération  du  sang1, 
qu'on  a  décorée  du  beau  nom  d'inopexie,  n'est  qu'une 
hypothèse  accourue  au  secours  d'une  autre  hypothèse; 
mais,  même  en  l'acceptant,  elle  ne  suffit  pas  pour  ex- 
pliquer la  formation  d'un  caillot  dans  un  point  déter- 
miné ;  elle  expliquerait  tout  au  plus  la  coagulation  du 
sang*  en  masse,  ou  la  coagulation  dans  les  extrémités 
veineuses,  là  où  le  cours  du  sang-  est  retardé;  mais 
pourquoi  la  formation  d'une  thrombose  dans  la  veine 
cave,  dans  les  sinus  utérins,  dans  la  crurale,  dans  une 
veine  quelconque,  soumise  à  un  traumatisme? 

2°  Si  la  fibrine  qui  compose  le  caillot  intra-veineux  se 
change  en  un  liquide  puriforme,  en  vertu  d'une  loi  chi- 
mique, pourquoi  ce  phénomène  a-t-il  lieu  si  rarement 
et  pourquoi  la  plupart  des  phlébites  restent-elles  à  l'état 
de  phlébites  adhésives?  Les  lois  chimiques  ont  une  ap- 
plication nécessaire,  fatale  môme;  quelle  est  donc  la 
cause  qui  suspend  leur  action  dans  un  cas  et  qui  la 
précipite  dans  un  autre? 

3°  Si  c'est  le  caillot  intra-veineux  qui  détermine  l'in- 
flammation de  la  paroi  veineuse,  pourquoi  ne  la  déter- 
mine-t-il  pas  toujours,  et  comment  se  fait-il  qu'un 
grand  nombre  de  caillots,  môme  ceux  produits  par  l'art 
chirurgical ,  soient  complètement  innocents  pour  la 
pario  veineuse? 

.On  voit  que  la  théorie  de  Virchow  soulève  de  sérieuses 
objections.  Mais  le  fait  môme  sur  lequel  ce  physiologiste 
a  basé  sa  théorie  est  controuvé.  11  est  absolument  faux 
de  soutenir  que  le  liquide  puriforme  rencontré  au  centre 
des  caillots  intra-veineux  n'est  point  du  pus,  et  cette 
grande  découverte,  dont  on  a  fait  tant  de  bruit,  n'est 
qu'une  erreur  inventée  pour  la  justification  de  la  patho- 
logie cellulaire.  La  preuve  de  cette  erreur,  nous  la 
trouvons  dans  la  description  de  Virchow  lui-même. 


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V1RCHOW  BT  LA  PATHOIiOGIE  CELLULAIRE.  23 

Lisons  avec  attention  le  passage  dans  lequel  notre  au- 
teur établit  sa  théorie  : 

«  Étudiez  ces  thrombus  :  vous  verrez  la  masse  qu'ils 
renferment,  et  qui  ressemble  à  du  pus,  se  former  par  la 
transformation  des  couches  centrales  du  caillot;  vous  vous 
assurerez  qu'elle  ne  provient  pas  de  la  paroi  vasculaire  ; 
c'est  une  transformation  toute  chimique,  analogue  à  celle 
que  Ton  produit  artificiellement  en  laissant  lentement 
digérer  de  la  fibrine  coagulée  :  la  fibrine  se  décompose 
et  se  change  en  une  substance  finement  granulée,  et 
toute  la  masse  devient  un  détritus.  C'est  une  espèce  de 
ramollissement  et  de  régression  chimique  des  substan- 
ces organiques  :  dès  le  début,  une  quantité  de  petites  gra- 
nulations deviennent  visibles;  les  gros  filaments  de  la  fibrine 
se  divisent  en  morceaux  ;  ces  derniers  se  subdivisent  en  frag- 
ments plus  jwtits,  et  enfin  la  masse  finit  par  être  composée  de 
petits  granules  fin*,  pâles  »  (p.  174). 

Virchow  ajoute  :  Cette  masse  est  puriforme,  mais 
n'est  pas  du  pus  puisqu'elle  ne  contient  pas  de  cellules, 
et  qu'il  n'y  a  pas  plus  de  pus  sans  corpuscule  puru- 
lent que  de  sang1  en  l'absence  de  globules  sanguins. 
Très-bien;  mais  écoutons  jusqu'au  bout  l'auteur  de  la 
pathologie  cellulaire  : 

«  A  côté  de  ces  granules,  il  n'est  pas  rare  de  voir  un 
certain  nombre  d'autres  productions  :  par  exemple  des 
éléments  réellement  celluleux,  qui  sont  arrondis,  sphériques 
ou  anguleux,  dans  lesquels  on  voit  wn,  deux  ou  plusieurs 
noyaux,  souvent  serrés  les  uns  contre  les  autres  et  ayant  une 
grande  analogie  avec  les  corpuscules  du  pus,  avec  cette  seule 
différence  qu'ils  contiennent  souvent  des  granules  grais- 
seux ,  démontrant  qu'il  s'agit  ici  d'une  décomposi- 
tion »  (p.  i75). 

Ainsi  le  liquide  puriforme  qui  n'était  pas  du  pus , 
parce  qu'il  ne  contenait  pas  de  cellules,  contient  main- 


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24  MÉDECINE  GÉNÉRALE. 

tenant  «  des  éléments  réellement  celluleux,  arrondis,  à 
un  ou  plusieurs  noyaux,  »  c'est-à-dire  de  vrais  globules 
de  pus. 

Virchow  se  tire  de  ce  mauvais  pas  en  ajoutant  que 
«  souvent  ces  cellules  contiennent  des  granules  grais- 
seux ,  démontrant  qu'il  s'agit  ici  d  une  décomposi- 
tion; »  mais  cette  phrase  ne  démontre  qu'une  chose, 
c'est  l'extrême  embarras  de  Virchow  et  la  puissance  du 
préjugé  qui  obscurcit  son  esprit,  car  tous  les  anatomo- 
pathologistes  savent  bien  que  le  pus  est  un  liquide  qui 
entre  rapidement  dans  la  voie  régressive,  et  que  souvent 
on  rencontre  des  granules  graisseux  dans  le  pus  le 
plus  authentique. 

Nous  acceptons  donc  les  faits  tels  que  les  décrit  Vir- 
chow. Au  début  de  la  phlébite  il  y  a  un  caillot;  ce  cail- 
lot se  ramollit  à  son  centre  par  la  désagrégation  de  la 
fibrine;  et  il  est  très-vrai  qu'il  y  a  un  certain  moment 
où  le  liquide  puriforme,  placé  au  centre  du  caillot,  n'est 
pas  encore  du  pus,  et  qu'il  contient  presque  exclusive- 
ment de  fines  granulations  ;  mais  ce  n'est  là  que  le  com- 
mencement du  travail,  et  bientôt  apparaissent  des  élé- 
ments figurés ,  des  cellules  arrondies  à  un  ou  plusieurs 
noyaux,  des  cellules  de  pus  en  un  mot,  et  la  transforma- 
tion de  la  fibrine  coagulée  en  pus  est  achevée. 

Écoutons  maintenant  un  autre  micrographe,  M.  Ran- 
vier,  décrivant  les  mômes  phénomènes,  et  nous  nous  con- 
vaincrons que  les  caillots  intra-veineux  de  la  phlébite 
suppurent  bien  réellement,  puisqu'ils  contiennent  des 
éléments  cellulaires  nombreux  et  des  globules  de  pus. 

«  Dans  le  premier  cas  (quand  le  caillot  est  encore  so- 
lide), on  trouve,  en  dissociant  les  caillots,  une  très-grande 
quantité  de  cellules  épi thèliales  des  veines,  cellules  aplaties, 
en  apparence  fusiformes,  souvent  soudées  au  nombre  de 
deux  ou  trois  par  leurs  bords.  Toutes  ces  cellules  pré- 


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VIRCH0W  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  25 

sentent  dans  leur  intérieur  des  granulations  graisseu- 
ses d'une  grande  finesse,  mais  très-nettes.  A  côté  de  ces 
cellules,  on  en  voit  d autres  aplaties,  irrégulières  dans  leurs 
contours  et  chargées  également  de  granulations  grais- 
seuses. D'autres  cellules  rondes,  ayant  en  moyenne  15  mil- 
lièmes à  2  centièmes  de  millimètre,  à  un  ou  plusieurs 
îioyaux,  contiennent  aussi  des  granulations  graisseuses. 
On  remarque,  en  outre,  de  très-nombreuses  cellules,  tout 
à  fait  semblables  aux  globules  du  pus  ou  aux  globules 
blanc  du  sang*,  mais  contenant  toutes  des  granulations 
graisseuses  libres,  et  des  granules  solubles  dans  l'acide 
acétique.  Ces  derniers  semblent  provenir  d'une  disso- 
ciation moléculaire  de  la  fibrine  qui,  dans  beaucoup  de 
points  du  coagoilum,  se  présente  encore  à  l'état  fibri- 
laire.»(ln  Gazette  médicale,  1869,  n°  23,  p.  309.) 

Les  micrographes  se  suivent  et  ne  se  ressemblent  pas; 
M.  Ranvier,  qui  n'avait  point  à  défendre  une  théorie 
particulière,  expose  simplement  ce  qu'il  a  vu.  Il  ressort 
de  sa  description  que,  même  avant  la  liquéfaction  du 
caillot,  le  thrombus  contient  au  moins  quatre  espèces  de 
cellules  et  en  particulier  des  globules  de  pus;  tandis 
que  Virchow  qui  a  regardé  la  même  lésion  à  travers  le 
mirage  de  la  pathologie  cellulaire,  n'a  trouvé  que  des  gra- 
nulations fines  et  pâles,  quelques  cellules  et  beaucoup 
de  granules  graisseux. 

En  résumé,  quand  un  caillot  intra-veineux  est  sup- 
puré, on  rencontre  à  son  centre  des  cellules  de  pus  mé- 
langées à  des  granules  graisseux;  en  s'éloignant  du 
centre,  on  rencontre  des  couches  qui  renferment 
des  cellules  de  pus,  mélangées  à  des  cellules  épi— 
théliales,  à  des  granules  graisseux  et  à  de  la  fibrine 
désagrégée.  Plus  on  s'éloigne  du  centre,  et  plus  la 
fibrine  est  abondante  et  plus  elle  rapproche  de  l'état 
normal.  Ainsi,  formation  d'un  caillot  dans  le  point  où 


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26  MÉDECINE  PRATIQUE. 

la  veine  enflammée  a  perdu  son  élasticité  physiolo- 
gique et  où,  par  suite,  elle  est  rétrécie  (car  un  canal 
qui  ne  peut  se  dilater  est,  à  cause  de  c?  fait,  réellement 
rétréci)  ;  désagrégation  de  lu  fibrine  ;  disparition  de  cet 
élément,  qui  est  remplacé  par  des  cellules  de  pus  et 
des  granules  graisseux.  L'évolution  des  phénomènes 
prouve  donc,  en  dehors  de  toute  Ihéorie,  que  la  fibrine 
se  transforme  en  pus.  Voici,  du  reste,  une  étude  faite 
très  -  consciencieusement  et  très-  scientifiquement  qui 
établit  la  même  vérité  :  «  Scherer  a  examiné  avec  soin 
les  changements  que  du  sang*  extravasé  par  reflet  d'une 
contusion  à  la  cuisse,  subit  pendant  la  durée  de  son  sé- 
jour dans  le  corps;  quelques  jours  après  l'accident  il 
avait  perdu  sa  coagulabilité,  et  ne  contenait  plus  de  fi- 
brine; les  globules  y  existaient  encore,  mais  renflés  et 
sphériques;  ils  contenaient  plus  d'eau  et  moinsd  éléments 
solides  que  dans  l'état  normal.  Trois  jours  plus  tard, 
les  globules  avaient  disparu,  le  sang  était  devenu  bien 
plus  aqueux  encore,  et  il  s'était  déjà  produit  des  corpus- 
cules de  pus  ;  au  bout  de  quelques  jours,  il  était  trans- 
formé tout  entier  en  pus.  (Cité  dans  fArt  médical,  t.  III, 
p.  338.) 

Ainsi,  avant  de  se  transformer  en  pus,  la  fibrine  se 
désagrège,  se  détruit,  disparaît  comme  fibrine;  il  en  est 
de  même  des  tissus.  Les  solides  et  les  liquides  coagu- 
lables  ne  se  changent  pas  directement  en  néoplasie,  ils 
commencent  par  se  désagrégei%  et  par  se  détruire.  Virchowle 
dit  lui-même  textuellement  :  «  Toute  néoplasie  suppose, 
dans  le  point  où  elle  se  forme,  la  disparition  de  certains 
éléments  histologiques  du  corps  »  (p.  393).  Mais,  dans 
notre  École,  on  a  enseigné  cette  vérité  bien  avant 
Virchow  et  dans  un  autre  style  : 

a  Le  changement  d'un  tissu  en  un  autre  ne  peut  se 
faire  sans  transition  :  et  c'est  se  faire  une  bien  fausse 


uigitizeo  uy 


VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  Tt 

idée  des  choses  de  croire  qu'il  s'agit  ici  d'une  sorte  de 
métamorphose  cabalistique.  Évidemment  que,  pour  re- 
vêtir une  forme  nouvelle,  il  faut  quitter  l'ancienne  et 
qu'il  existe  un  moment  entre  la  perte  de  l'ancienne 
l'orme  et  la  prise  de  la  nouvelle  où  la  matière  est  désor- 
ganisée, amorphe.  Comme  pour  revivre  sous  un  mode 
nouveau,  il  faut  mourir  à  l'ancien,  le  tissu  meurt  à 
sa  texture  primitive  :  on  le  voit  disparaître  peu  à  peu, 
ses  éléments  devenir  plus  confus  et  se  perdre  enfin  dans 
un  blastème  amorphe  qui  est  tout  à  la  fois,  qu'on  me 
permette  cette  figure,  comme  le  tombeau  de  sa  première 
forme  et  le  berceau  de  sa  nouvelle.  »  (Prédault,  des 
Eléments  organisâmes  des  produits  pathologiques,  in  Art. 
médical,  t.  I,  p.  509.) 

Du  reste ,  Virchow  ne  peut  nier  que  la  fibrine 
ne  serve  à  la  formation  des  néoplasies,  il  y  croit 
comme  nous,  mais  la  nécessité  de  la  doctrine  cellulaire 
lui  fait  oublier  ce  qu'il  écrit.  Ainsi,  à  la  page  191,  il  dit 
textuellement  que  les  thromboses  peuvent  se  transformer 
en  tissu  cancéreux  !  «  Tantôt  l'altération  attaque  les  pa- 
rois veineuses  qui  deviennent  réellement  cancéreuses  et, 
au  bout  d'un  certain  temps,  le  cancer  pénètre  dans  le 
vaisseau  et  se  propage  dans  son  intérieur  ;  tantôt  il  se 
forme  un  thrombus  dans  le  point  attaqué  ;  le  thrombus 
entoure  plus  ou  moins  le  bouchon  cancéreux  et  il  est 
envahi  par  la  masse  cancéreuse.  » 

Ainsi,  la  loi  posée  par  J.-P.  Tessier  est  vraie,  les  néo- 
plasies résultent  de  la  transformation  des  solides  et  des 
liquides  coagulables  du  corps  vivant. 

§  II.  —  Les  néoplasies  se  divisent  en  homologues  et 
et  en  hétérologues.  Les  néoplasies  hétérologues  sont 
formées  de  cellules  ayant  leurs  analogues  dans  des 
types  physiologiques. 


28  MÉDECINE  GÉNÉRALE. 

Voici  les  passages  dans  lesquels  Virchow  expose  ses 
idées  sur  ce  point. 

«  Nous  devons  donner  le  nom  de  néoplasies  héléro- 
logues  non-seulement  aux  tumeurs  malignes  et  aux 
productions  dégénératrices,  mais  encore  à  tout  tissu  qui 
s'éloigne  du  type  propre  au  lieu  auquel  il  se  forme  : 
nous  nommerons  homologues  toutes  les  nouvelles  for- 
mations qui  reproduisent  le  type  du  lieu  où  elles  sont 
engendrées  »  (p.  394). 

Dans  ce  passage,  hêtérohgue  n'est  pas  synonyme  de 
malin,  puisque  Virchow  appelle  néoplasies  hé térologues, 
non- seulement  les  tumeurs  malignes,  mais  encore  celles 
qui  sont  constituées  par  des  cellules  étrangères  au  type 
du  lieu  où  elles  se  développent.  Mais,  à  la  page  suivante, 
h('térologue  et  malin  deviennent  synonymes,  comme 
aussi  homologue  et  hénin  : 

«Dans  le  sens  restreint  de  ce  mot,  on  ne  regarde 
comme  destructeur  que  les  néoplasies  hétérologues.  Les 
néoplasies  homologues  peuvent  devenir  nuisibles  par 
accident,  mais  elles  n'ont  pas  le  caractère  destructif  et 
malin,  dans  le  sens  qu'on  attache  traditionnellement  à 
ces  mots  »  (p.  395). 

A  la  fin  de  ce  même  chapitre,  les  relations  entre  les 
mots  malin  et  hétérologue,  bénin  et  homologue,  sont 
encore  changés,  puisque  les  tissus  homologues  peuvent 
devenir  malins. 

«  Les  tumeurs  analogues  aux  substances  de  tissu  con- 
jonctif  et  qui  semblent  entièrement  homologues  et  bé- 
nignes présentent  aussi  cette  particularité  d'être  plus  in- 
fectantes lorsqu'elles  sont  plus  riches  en  suc  et  de  l'être 
moins  lorsqu'elles  sont  sèches.  Un  myxome  qui  contient 
beaucoup  de  liquides  est  toujours  une  tumeur  suspecte  : 
suivant  la  quantité  de  suc  qu'elle  contient,  elle  récidivera 
ou  non.  »  (P.  431 .)  De  même  pour  la  tumeur  cartilagi- 


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VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  29 

neuse  (enchondrome),  de  même  pour  les  fibromes.  La 
malignité  n'est  donc  plus  constituée  par  l'hétérologie  mais 
par  la  quantité  de  suc  que  contient  la  néoplasieet  «surtout 
si  ce  liquide  peut  exercer  sur  les  parties  voisines  une  in- 
fluence pernicieuse,  être  contagieux  ou  irritant  »  (p.  430). 

Obscurité,  contradiction,  explication  fantaisiste,  tous 
les  défauts  de  Virchow  se  retrouvent  à  propos  de  cette 
distinction  des  néoplasies  en  homologues  et  hétérolo- 
gues.  Du  reste,  il  faut  avouer  que  le  sujet  est  aujour- 
d'hui extrêmement  difficile  à  débrouiller.  Les  néopla- 
sies présentent  d  une  part  des  tissus  qui,  comme  le  can- 
cer et  le  tubercule,  diffèrent  complètement,  au  moins 
quant  à  leur  forme  extérieure,  des  tissus  normaux;  de 
l'autre,  des  produits  qui  paraissent  de  simples  hyper- 
plasies  comme  les  tumeurs  fibreuses  et  les  lipomes.  Il 
semble  qu'il  y  ait  là  une  base  assurée  de  classification, 
mais  l'inspection  microscopique  vient  démontrer  que 
ces  tissus  en  apparence  si  différents  des  tissus  normaux 
sont  cependant  composés  d'éléments  anatomiques  ana- 
logues à  ceux  des  tissus  physiologiques.  Comment  alors 
appeler  hétérologues  des  néoplasies  composées  de  cel- 
lules homologues?  Ajoutez  à  ces  notions  déjà  contradic- 
toires que  les  tumeurs  composéss  de  tissus  parfaitement 
homologues,  des  tumeurs  qui  ne  sont  que  de  simples 
hyperpiasies,  peuvent  devenir  malignes,  et  vous  aurez 
une  idée  de  la  confusion  qui  règne  sur  ce  point  d'ana- 
tomie  pathologique. 

Cette  confusion  est  née  précisément  des  travaux  les 
plus  récents  sur  la  structure  intime  des  néoplasies  et 
de  la  valeur  trop  absolue  que  les  micrographes  et 
Virchow  en  particulier  ont  accordée  à  ce  fait  incontes- 
table aujourd'hui  :  les  néoplasies  sont  toujours  compo- 
sées d'éléments  anatomiques  qui  ont  leur  analogue  dans 
l'état  physiologique. 


30  MÉDECINE  GENERALE. 

Dans  la  première  partie  de  cet  article,  nous  avons 
exposé  les  opinions  de  Virchow  sur  ce  point.  —  Les 
tissus  hétérologues  sont  composés  de  cellules  apparte- 
nant à  un  autre  point  du  corps  ou  à  la  vie  embryonnaire, 
hétêrotopie,  hétêrochronie.  A  propos  de  l'histoire  des  néo- 
plasies  en  particulier,  notre  auteur  rapporte  la  cellule 
tuberculeuse  à  la  cellule  des  ganglions  lymphatiques, 
la  cellule  cancéreuse  à  la  cellule  épithéliale,  le  globule 
du  pus  au  globule  blanc  du  sang,  etc.,  etc.  Mais  l'er- 
reur de  Virchow  et  de  ses  élèves  consiste  à  faire  d'une 
analogie  une  similitude.  Pour  lui,  les  néoplasies  ne 
sont  pas  seulement  composées  d'éléments  dont  on  peut 
retrouver  des  types  dans  des  tissus  physiologiques,  ce 
sont  des  éléments  identiques  à  ces  tissus  physiologiques, 
mais  qui  se  sont  trompés  de  temps  ou  de  lieu,  ce  sont 
de  vraies  cellules  épithéliales  qu'on  retrouve  dans  le 
cancer,  c'est  bien  la  gélatine  de  Warthon  qui  compose 
certaines  tumeurs  colloïdes;  en  un  mot,  il  n'y  a  point 
de  cellules  pathologiques,  elles  ne  sont  telles  que  par 
hétêrochronie  ou  hétérotopie. 

Gomment  comprendre  maintenant  qu'avec  des  cel- 
lules parfaitement  physiologiques  on  puisse  faire  des 
tissus  pathologiques  ;  que  des  cellules  épithéliales  puis- 
sent constituer  un  tissu  aussi  étranger  à  l'organisme  que 
celui  du  cancer,  que  les  cellules  des  ganglions  lympha- 
tiques puissent  faire  du  tissu  tuberculeux  ou  même  que 
des  globules  blancs  dusangconstituent  un  liquide  aussi 
peu  physiologique  que  le  pus! 

Il  y  a  là  évidemment  une  erreur  et,  cette  erreur  vient 
d'une  exagération  que  notre  école  a  su  éviter. 

En  i855,  M.  Frédault  publia  dans  CArt  médical,  sur 
\ organisation  pathologique,  un  chapitre  remarquable  qui 
se  terminait  par  les  lignes  suivantes  : 

«  Il  n'est  donc  pas  possible  que  X élément  hétêrologue 


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VIRCHOW  ET  LÀ  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  31 

soit  autre  chose  qu'un  produit  pathologique,  c'est-à-dire 
une  forme  morbide,  une  aberration  de  l'acte  organisa- 
teur, et,  à  ce  titre,  il  est  de  même  nature  que  s'il  était 
analogue,  il  suit  la  même  loi  et  se  fait  par  le  même  acte. 
Seulement,  dans  un  cas,  l'acte  normal,  dévié  dans  sa 
raison  d'être,  reste  normal  dans  sa  forme,  tandis  que 
dans  t 'autre  il  est  altéré  dans  F  un  et  T  autre;  il  y  a  un  degré 
de  perversion  de  plus,  rien  au  delà.  Aussi  le  produit  hé- 
térologue  n'est  pas  changé  et  on  ne  peut  pas  dire  qu'il 
soit  tout  à  fait  sans  analogue,  car  il  rappelle  des  formes 
dont  il  est  une  déviation,  et  il  s'y  rapporte  au  même  titre 
que  toutes  les  déviations  possibles;  les  monstruosités 
peuvent  toujours  être  rapportées  au  type  dont  elles 
sont  une  aberration.  Aussi,  pour  nous,  la  question  est- 
elle  tout  entière  ainsi  fixée  :  rapporter  les  formes  hétéro- 
loques  aux  formes  normales  ou  aux  formes  analogues  dont 
elles  sont  une  aberration.  (Art  médical,  année  1855,  t.  Il, 
p.  268.) 

Le  Dr  Frédault  ne  s'est  pas  borné  à  émettre  d'une 
manière  purement  spéculative  celte  doctrine  de  l'ana- 
logie entre  les  cellules  des  tissus  hétérologues  et  les 
cellules  des  tissus  physiologiques,  il  s'est  appliqué  à  re- 
chercher cette  analogie  pour  le  tubercule,  pour  le  can- 
cer et  pour  le  pus.  On  ne  peut  donc  contester  que  le 
D*  Frédault  n'ait  devancé  Virchow  et  ses  élèves  sur  cette 
question,  comme  il  avait  été  devancé  lui-même  par  les 
travaux  de  Muller.  Mais,  de  plus,  notre  ami  n'a  pas  fait 
une  identité  de  ce  qui  n'est  qu'une  analogie;  il  a  séparé 
nettement  le  terrain  physiologique  du  terrain  patholo- 
gique, et  tout  en  rapportant  à  des  types  physiologiques 
les  éléments  des  néoplasies,  il  constate  que  ce  sont  des 
éléments  déviés  et  malades. 

En  résumé  et  pour  ce  qui  se  rapporte  à  la  question 
d'anatomie  pathologique  générale,  il  me  semble  dé- 


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32  PATHOLOGIE. 

montré  que  les  néoplasies  solides  et  liquides  sont  des 
transformations;  que  ces  transformations  sont  sous  la 
dépendance  du  même  principe  d'activité  que  les  forma- 
tions physiologiques,  principe  d'activité  dévié  par 
la  maladie;  que  les  néoplasies  se  font  aux  dépens  des 
solides  et  des  liquides  coagulables  de  l'économie. 

Nous  allons  exposer  maintenant  les  opinions  particu- 
lières de  Virchow  sur  le  pus,  le  tubercule  et  le  cancer, 
et  c'est  à  propos  de  cette  dernière  néoplasie  que  nous 
examinerons  l'étrange  opinion  de  Virchow  sur  l'exten- 
sion, la  reproduction  et  la  multiplication  du  cancer  dans 
l'organisme  à  l'aide  d'un  suc  contagieux. 

P.  Joussbt. 

—  La  suite  aa  prochain  numéro.  — 


PATHOLOGIE 

NOTES  SUR  QUELQUES  OBSERVATIONS  DE 
GARDO-AORT1TE  HÉMORRHOIDAIRE. 

Troisième  article  (V,. 

La  lecture  des  trois  observations  qui  précèdent  a  mis 
en  évidence  le  but  de  ce  mémoire.  Chacune  d'elles,  en 
effet,  présente  le  récit  d'une  de  ces  évolutions  patholo- 
giques, longues,  compliquées,  mobiles  dans  leurs  as- 
pects, qui  caractérisent  à  l'ordinaire  la  maladie  hémor- 
rhoïdaire.  A  travers  ces  affections  si  diverses  la  cardo- 
aortite  tient  une  place  importante,  parfois  prépondérante, 
toutefois  sans  qu'il  soit  jamais  possible  de  lui  attribuer 
le  rôle  de  cause  prochaine.  Cependant,  encore  bien 
qu'elle  apparaisse  toujours  subordonnée  au  mouvement 

(1)  Voir  les  numéros  de  septembre  et  décembre  4869. 


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OBSERVATIONS  DE  CARDO-AORTITE.  33 

morbide  d'une  maladie  constitutionnelle,  il  est  superflu 
de  démontrer  qu'il  est  de  réelle  importance  de  l'étudier 
à  part  et,  dégagée  des  autres  incidents  de  la  maladie.  Il 
doit  résulter  de  cette  appréciation  particulière  un  double 
profit  :  d'abord  pour  la  maladie  hémorrhoïdaire  qu'il 
importe,  plus  que  jamais,  de  sortir  du  vague  mal  défini 
où  la  délaissent  les  nosographes  modernes,  puis,  pour 
les  affections  du  cœur  tout  aussi  mal  définies  et  étroite- 
ment interprétées  par  l'organicisme  qui,  depuis  Laënnec, 
a  prévalu  dans  leur  histoire. 

Il  est  certain  que  l'étude  de  la  cardo-aortite  introduit 
une  distinction,  une  ligne  de  démarcation  utile  dans  ce 
sujet  où  la  multiplicité  des  détails,  la  subtilité  des  finesses 
du  diagnostic  local  et  organique,  obstruent  souvent  le 
jugement  du  médecin  plutôt  qu'elles  ne  l'enrichissent 
véritablement. 

Aussi  bien  ne  s'agit-il  point  ici  de  contester  aucun 
des  résultats  acquis, de  quelque  importaneequ'ils  puissent 
paraître.  Il  est  plutôt  question  de  subordonner  à  un 
ordre  hiérarchique  plus  scientifique,  par  conséquent 
plus  fécond,  les  innombrables  lésions  cardiaques  dé- 
crites par  les  anatomo-pathologistes. 

Or,  pour  parvenir  à  un  résultat  chaque  jour  plus  né- 
cessaire, il  est  évident  que  l'analomie  pathologique  et 
l  t-lude  des  altérations  fonctionnelles  superposées  sou- 
vent bien  péniblement  sur  les  lésions  cardiaques  sont 
insuffisantes.  Non  pas  qu'il  faille  nier  aucune  des 
nuances  observées,  mais  de  nouveaux  groupements,  de 
nouveaux  points  de  vue  sont  réclamés  pour  féconder  le 
sujet. 

La  cardo-aortite  est  un  de  ces  groupements  nouveaux, 
une  distinction  spécifique  d'autant  plus  importante 
qu  elle  résume  un  double  point  de  vue  :  des  signes  locaux 
et  des  réactions  ou  influences  constitutionnelles  et  dia- 

TOME  XXXI.  —  JANVIER  1870,  3 


34  PATHOLOGIE. 

thésiques.  En  d'autres  termes,  le  groupement  sympto- 
matique  des  signes  physiques  auquel  Bizot  et  Tessier 
ont  donné  le  nom  de  cardo-aortite  ne  demeure  pas  à 
l'état  de  simple  constatation  de  lésions,  comme  il  arrive 
si  souvent  dans  la  description  des  maladies  dites  orga- 
niques du  cœur,  il  appelle  immédiatement  des  influences 
pathologiques  générales.  Dans  le  mémoire  de  Tessier, 
c'est  la  goutte,  dans  les  observations  que  nous  présen- 
tons, c'est  la  maladie  hémorrhoïdaire  qui  est  la  cause 
prochaine  de  l'affection  locale,  en  tant  qu'il  soit  permis 
de  donner  le  nom  d'affection  locale  à  un  état  morbide 
qui  ne  se  présente  jamais  que  déterminé  par  une  in- 
fluence diathésique. 

Cependant,  reconnaissons-le  tout  d'abord,  si  la  cardo- 
aortite  nous  paraît  une  réalité,  une  distinction  des  plus 
utiles,  ce  n'est  pas  à  dire  que  dans  notre  pensée  le  sujet 
soit  complètement  élucidé,  qu'il  ne  demeure  encore  en- 
touré de  beaucoup  d'obscurités  et  de  chances  d'erreurs 
possibles.  Tout  ce  qui  a  trait  aux  maladies  du  cœur  est 
difficile.  Pour  la  cardo-aortite,  le  diagnostic  est  par- 
fois bien  malaisé.  Aussi  avantque  de  conclure,  trouvons- 
nous  utile  de  nous  arrêter  quelques  instants  pour  déli- 
miter autant  qu'il  sera  en  nous  les  signes  diagnostics 
de  cette  affection. 

Y  a  t-il  des  prodromes,  des  signes  précurseurs  de 
l'apparition  de  la  cardo-aortite?  L'affirmation  est  difficile 
à  établir,  si  l'on  songe  que  l'affection  s'intro  luit  à  peu 
près  toujours  dans  le  mouvement  d'une  maladie  com- 
mencée. Cependant  nous  ne  croyons  pas  trop  avancer 
en  disant  qu'un  peu  de  dypsnée  passagère  et  revenant 
par  intervalles,  de  la  jactitation,  de  l'insomnie,  sont  des 
symptômes  avant-coureurs  fréquents,  sans  oublier  des 
palpitations  de  cœur  procédant  par  attaques.  Chez  un 
de  nos  sujets,  ces  crises  de  cardo-aortites  sont  toujours 


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OBSERVATIONS  DR  C  ARDO-AORTITE .  35 

signalées  par  une  attaque  d'asthme  de  plusieurs  heures 
avec  sibilance  et  grand  bruit  dans  la  poitrine,  mais  ce 
n'est  pas  l'ordinaire.  Puis  les  signes  proprement  dits 
apparaissent. 

D'abord  la  douleur,  caractéristique  par  son  s-iége 
placé  en  haut  et  en  dedans  de  la  cagethoracique,  proche 
la  ligne  médiane,  sous  la  première  pièce  du  sternum, 
se  prolongeant  jusqu'à  la  clavicule.  Cette  douleur  est 
si  poignante,  si  aiguë,  que  l'on  ne  saurait  l'attribuer 
exclusivement  à  la  suffocation  produite  par  laphlegma- 
sie.  Il  faut  croire  que  les  nerfs  laryngés  récurrents  qui 
s'enroulent  autour  de  la  crosse  de  l'aorte,  tiennent  une 
certaine  place  dans  le  fait  physiologique  de  celte  dou- 
leur qui  nous  parait  bien  plus  aiguë  que  la  douleur  de 
l'endocardite. 

La  marche  de  l'œdème  est  caractéristique,  sui  yeneris, 
capable  d'être  distinguée  de  celle  de  tous  les  autres  œdè- 
mes aigus.  On  le  voit  débuter  par  la  main  gauche  et  se 
montrer  rapidement  à  la  main  droite,  puis  au  visage, 
puisa  la  poitrine.  Ce  n'est  que  plus-  tard,  quand  la  ma- 
ladie a  duré  et  fait  de  grands  progrès  que  l'on  voit 
l  enflure  gagner  le  dos  et  les  jambes.  Tant  qu  elle  est 
circonscrite  aux  extrémités  supérieures,  on  la  voit  pa- 
raître, disparaître,  varier  d'intensité.  Ces  alternatives 
peuvent  durer  pendant  bien  des  jours.  Quand  l'œdème 
sest  généralisé  et  que  l'on  croit  avoir  atteint  une  pé- 
riode cachectique,  c'est  la  rétrocession  possible  de  l'en- 
flure qui  étonne  et  qui  dislingue  l'œdème  de  l'aortite,  de 
1  hydropisie  ultime  dépendant  des  altérations  valvu- 
laires. 

Ici  encore,  plusieurs  alternatives  donnent  lieu  à  des 
variations  dévolutions  subordonnées  à  la  présence  de 
certaines  lésions. 

Si  comme  pour  notre  sœur  de  charité,  il  n'y  a  pas 


36  PATHOLOGIE. 

de  catarrhe,  peu  ou  point  d'oedème  pulmonaire,  on  voit 
cette  énorme  hydropisie  fondre  en  deux  ou  trois  jours 
avec  une  incroyable  rapidité  devant  la  détermination 
hémorrhoïdaire. 

S'il  y  a  des  localisations  pulmonaires,  comme  c'est 
l'ordinaire  chez  les  vieillards,  comme  on  en  voit  un 
exemple,  et  ici  dans  notre  seconde  observation,  la  dis- 
parition de  l'œdème  est  beaucoup  plus  lente.  Elle  peut 
durer  plusieurs  mois  à  s'opérer.  L'œdème  disparaît  le 
plus  souvent  après  qu'il  s'est  établi  un  flux  diarrhéique 
matutinal  substitutif  de  la  fluxion  hémorrhoïdaire,  qui 
ne  revient  guère  à  un  âge  avancé. 

Mais  les  signes  qu'il  faut  apprécier  avec  le  plus  d'exac- 
titude dans  la  séméiotique  de  la  cardo-aortite,  ce  sont 
ceux  qui  sont  présentés  par  le  pouls  et  les  battements 
du  cœur. 

Le  médecin  a  devant  lui  un  malade  qui  présente  à  un 
haut  degré  tous  les  symptômes  d'une  maladie  du 
cœur;  cependant  il  n'y  a  pas  de  bruits  valvulaires. 
On  constate  du  souffle  sur  le  trajet  de  l'aorte,  encore  pas 
toujours;  enfln,  une  parfaite  régularité  dans  lerhythme 
des  mouvements  du  cœur  et  dans  les  battements  du 
pouls. 

Cette  régularité  rhythmique  se  suspend  quelquefois  : 
nous  l'avons  vue  dans  des  moments  de  tumulte  nerveux, 
pendant  des  crises  d'asthme  ou  de  suffocation,  pendant 
l'essai  de  moyens  thérapeutiques  perturbateurs;  mais, 
après  les  moments  orageux,  elle  reprend  son  cours;  on 
ne  la  voit  pas  même  se  démentir  au  moment  des  pério- 
des inflammatoires,  pendant  lesquelles  le  pouls  s'accé- 
lère sous  l'impulsion  de  la  fièvre. 

Est-ce  à  dire  que  nous  ayons  la  pensée  d'avoir  stricte- 
ment exprimé  tous  les  signes  par  lesquels  la  cardo-aortite 
se  révèle  à  l'observateur?  Pas  le  moins  du  monde,  et 


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OBSERVATIONS  DE  CARDO-ÀORTITE.  37 

notre  prétention  ne  saurait  aller  aussi  loin.  Nous  avons 
g-arde  d'oublier  qu'en  définitive  la  cardo-aortite,  quoique 
n'étant  pas,  à  proprement  parler,  une  affection  du  cœur, 
doit  cependant,  par  nécessité  de  contiguïté  et  d'affinité 
immédiate,  participer,  dans  une  certaine  mesure,  à 
l'ensemble  de  conséquences  anatomiques  et  physiolo- 
giques qu'entraîne  avec  soi  la  présence  d'un  obstacle 
dans  les  voies  circulatoires. 

Ne  pas  perdre  de  vue  toutefois  que  nous  étudions  une  des 
affections  symptomatiques  de  la  maladie  hémorrhoïdaire, 
et  que  tout  en  accordant  une  juste  part  d'influence  à  l'ac- 
tion des  obstacles,  il  est  plus  important  ici  de  rechercher 
et  de  mettre  en  évidence  la  part  d'intervention  de  la 
maladie  constitutionnelle  sur  la  production  des  circon- 
stances qui  engendrent  ces  obstacles.  Or,  à  cet  égard, 
il  n'est  pas  possible  de  ne  pas  établir  de  grandes  dif- 
férences entre  les  maladies  qui  ont  la  faculté  de  pro- 
duire des  déterminations  sur  le  cœur  et  ses  annexes. 
On  sait  la  puissance  d'organisation  plastique  de  la 
goutte,  et  surtout  du  rhumatisme,  sur  l'endocarde  et 
les  orifices  valvulaires.   Il  est  admis  aussi   que  la 
chlorose  et  les  hémorrhoïdes  engendrent  plus  tardive- 
ment des  altérations  des  orifices  et  des  modifications 
hypertrophiques  dans  les  muscles  cardiaques. 

Dans  ces  deux  dernières  maladies,  le  cœur  est  soumis 
à  des  palpitations  nerveuses,  à  des  flux  <  ns  sanguines. 
Ces  circonstances,  à  la  longue,  engendrent  des  condi- 
tions d'hypertrophie  et  de  dilatation  dans  le  tissu  muscu- 
laire, des  insuffisances  aux  orifices  ;  par  voie  de  consé- 
quence, dans  ces  maladies,  le  cœur  est  soumis  aux  lois 
de  la  compensation,  puisa  l'asysto!ie,si  la  cachexie  sur- 
vient. Mais  combien  les  résultats  sont  ici  différents  de  ce 
qu'ils  sont  pour  la  goutte  et  le  rhumatisme!  Quelle  évo- 
lution différente,  quelle  intensité  moindre,  quelles  varié- 


38  PATHOLOGIE. 

tés  dans  les  temps  d'arrêts!  En  définitive,  les  dépôts 
plastiques  sont  moin^  fréquents  et  plus  tardifs,  de  même 
pour  les  déformations  valvulaires  aussi. 

Ces  remarques  préjudicielles  étant  faites,  il  est  permis 
de  se  demander  quelle  est,  à  l'égard  des  faits  de  com- 
pensation et  d'asystolie,  la  part  de  la  cardo-aortite.  Il  est 
certain  que  cette  part  d'influence  existe;  mais  en  même 
temps  il  est  impossible  de  dissimuler  que  rien  n'est 
encore  plus  difficile  que  de  donner  à  cette  part  d'action 
une  limite  exacte. 

Pour  pouvoir  le  faire,  il  faudrait  qu'il  fût  possible 
d'affirmer  que  toutes  les  lésions  du  cœur  et  de  ses  an- 
nexes se  traduisent  par  des  bruits  de  souffle  ou  autres 
exactement  correspondants.  Or,  qui  ignore  que  de  nom- 
breuses affections  des  valvules  mitrales  et  aorliques 
peuvent  accomplir  toutes  leurs  périodes  sans  se  révéler 
par  des  bruits  correspondants?  Il  est  plus  que  vraisem- 
blable qu'il  en  est  de  même  pour  l'aortite.  Cette  affec- 
tion, nous  l  avons  vu,  procède  par  fluxions,  qui  se  suc- 
cèdent à  des  époques  invgulières,  souvent  fort  distantes. 
Qui  peut  savoir  si  tous  les  mouvements  fluxionnaires 
qui  engendrent  l'aortite  laissent  des  traces,  et,  si  ces 
traces  persistent,  si  ces  lésions  sont  assez  accusées  sur 
les  tuniques  artérielles  pour  déterminer  des  signes  phy- 
siques? Il  est  bien  plus  probable  que  bon  nombre  de  ces 
cardo-aortites  légères,  passent  inaperçues,  et  qu'il  faut 
qu'elles  se  soient  souvent  reproduites  pour  laisser  sur 
les  tuniques  artérielles  des  lésions  sensibles.  Pour  se 
douter  de  leur  présence,  l'observateur  n'a  pas  d'autres 
guides  que  des  troubles  fonction nels,  qu'il  faut  savoir 
interpréter.  C'est  de  la  séuiéiotique  délicate  s'il  en  fût; 
car  ces  troubles  sont  des  dyspnées,  de  l'oppression  fu- 
gace, de  la  gêne,  une  certaine  angoisse  mal  définie. 
Ajouter  que  ces  troubles  fonctionnels  interviennent  sou- 


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OBSERVATIONS  DE  CARDO-AORTITB.  39 

vent  au  début  d'un  catarrhe  avec  des  fluxions  hémor- 
rlioïdaires  du  côté  du  foie  ou  de  l'estomac,  qu'il  n'y  a 
pas  de  bruit  de  souffle  ou  seulement  un  souffle  passa- 
ger, et  l'on  pourra  juger  de  l'incertitude  où  l'on  pourra 
tomber. 

11  y  a  des  degrés  infinis  depuis  la  fluxion  aortique 
légère  la  plus  aisée  à  méconnaître,  jusqu'à  des  attaques 
telles  que  celles  que  nous  avons  dù  décrire  dans  nos  ob- 
servations. Ces  attaques  présentent  les  signes  du  sum- 
mum d'intensité.  Tous  les  signes  que  nous  avons  con- 
densés tout  à  l'heure  s'y  rencontrent  :  le  souffle,  la 
douleur,  l'œdème  qui  apparaît  quand  la  lésion  aortique 
a  quelque  peu  duré.  Plus  de  doute  possible;  mais,  quand 
l'orage  est  tombé,  les  signes  s'aflaiblissentet  Ton  demeure 
élon  néde  la  variubili  té  q  ui  peutse  produire  dans  les  signes 
persistants.  Chez  certains  malades,  le  souffle  continue 
comme  dans  notre  observation  n°  3;  chez  d'autres,  le 
souffle  dispar  aît  comme  dans  l'observation  n°2.  Mais  ce 
qui  chez  nos  hémorrhoïdaires  (car  ne  perdons  pas  de  vue 
que  ce  sont  eux  que  nous  étudions)  manque  bien  rare- 
ment, pour  ne  pas  dire  jamais,  c'est  une  gêne  habituelle 
dans  la  respiration  ;  ce  sont  des  tumultes  prompts  vers 
le  cœur  à  la  moindre  émotion,  à  la  plus  petite  fati- 
gue, etc. 

Quand  l'aorte  et  le  cœur  sont  de  la  sorte  soumis  à  des 
lésions  anatomiques  et  à  des  troubles  fonctionnels  aussi 
évidents,  nul  doute  que  la  série  des  phénomènes  de  la 
compensation  ne  s'établisse,  de  même  que  ceux  de  l'asy- 
stolie,  si  manifestes  et  si  douloureux  chez  certains  hé- 
morrhoïdaires anémiques.  On  sait  les  accidents  de  syn- 
cope que  cette  disposition  organique  constitue  à  l'état 
de  menace  perpétuelle. 

Quand  les  hémorrhoïdaires  sont  forts  et  puissants,  les 
compensations  hypertrophiques  sont  pins  fréquentes; 


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40  PATHOLOGIE. 

mais  alors  ce  sont,  à  l'ordinaire,  les  dispositions  gout- 
teuses qui  dominent  chez  les  sujets  affectés.  Il  est  inutile 
de  revenir  ici  sur  les  relations  des  hémorrhoïdes  et  de 
lu  goutte;  cette  question  a  été  traitée  dans  la  première 
partie  de  ce  mémoire. 

Nous  n'insisterons  pas  sur  les  phénomènes  nerveux 
qui  se  superposent  si  souvent  aux  symptômes  de  la 
cardo-aortite.  Ils  peuvent,  nous  l  avons  vu,  réaliser  un 
degré  d'intensité  extraordinaire;  mais  ces  phénomènes 
sont  plutôt  dus  à  la  maladie  hémorrhoïdaire  qu'à  la 
localisation  aortique.  Il  suffit  d'en  signaler  la  possibilité, 
car,  par  leur  présence  et  l'infinie  variabilité  de  leurs 
aspects,  ils  compliquent  singulièrement  la  situation. 
Ajoutons,  toutefois,  qu'ils  peuvent  parfaitement  être 
absents. 

A  propos  des  phénomènes  nerveux  il  est  permis  de  se 
demander  si  l'intermittence  du  pouls  est  un  signe  de 
cardo-aortite.  Dans  les  périodes  d'acuité  et  de  violence  de 
l'affection  nous  ne  l'avons  jamais  constatée;  au  contraire, 
le  pouls  dans  ces  moments  où  la'phlegmasic  est  en  voie 
d'organisation,  le  rhythmeest  d  autant  plus  régulier  que 
les  pulsations  sont  plus  actives. 

Maintenant,  en  dehors  de  ces  périodes  d'acuité,  il  y  a 
des  irrégularités  dans  le  pouls  chez  plusieurs  sujets. 
Ces  irrégularités  sont  tantôt  l'intermittence  à  longues 
distances,  tantôt  des  variabilités  d'intensité  moins  ca- 
ractéristiques. Ces  différences  de  rhythme  s'observent 
plutôt  chez  les  vieillards  ou  chez  des  sujets  hémorrhoï- 
daires  disposés  aux  palpitations  tumultueuses.  Nous 
n'avons  pas,  à  ce  propos,  la  pensée  d'exprimer  un  sen- 
timent absolu;  mais,  dans  les  malades  qui  ont  été  soumis 
à  notre  observation,  l'intermittence  nous  a  paru  être  un 
symptôme  de  cachexie  chez  des  hémorroïdaires  voisins 
del'asystolie,  plutôt  qu'un  signe  proprement  ditd'aortite. 


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OBSERVATIONS  DE  CARDO-AORTITE .  41 

Enûn,  il  est  impossible  de  ne  pas  rappeler  ici  que 
dans  des  cas  d'insuffisance  bien  caractérisés  de  Ja  val- 
vule mitrale  traduits  par  le  souffle  classique,  on  voit 
tout  à  coup  le  souffle  disparaître;  la  lésion  ne  disparaît 
pas  cependant.  Des  faits  de  cette  nature  ont  été  constatés 
par  les  observateurs  les  plus  sérieux.  Tout  porte  à  croire 
qu'il  en  est  de  même  pour  l'aortite  et  que  l'observateur 
voit  tout  à  coup  dans  certains  cas ,  dans  certaines  cir- 
constances, qu'il  est  jusqu'à  présent  impossible  de  dé- 
Gnir,  le  souffle  faire  silence. 

Au  point  de  vue  du  diagnostic,  il  n'y  a  que  l'endo- 
cardite que  l'on  puisse  confondre  avec  l'aortite.  Il  est 
certain  que  la  confusion  a  dû  se  produire  souvent  et 
qu  elle  doit  encore  se  présenter.  Nous  avons  établi  tout 
à  l'heure  les  caractères  nosographiques  de  l'aortite.  II 
n'y  a  pas  lieu  de  les  reproduire  ici  :  rappelons  seule- 
ment—comme traits  séméiotiques  importants  de  l'aor- 
tite —  la  plus  longue  durée  delà  maladie  à  l'état  aigu, 
le  siège  de  la  douleur,  la  marche  de  l'œdème,  enfin  le 
rhylhme  du  pouls  qui  demeure  toujours  régulier  malg  ré 
lïntensité  du  mouvement  fébrile. 

Dans  l'endocardite,  la  maladie  est  moins  longue 
quelle  que  soit  son  issue.  Si  elle  doit  être  mortelle,  ter- 
minaison à  l'état  aigu  plus  fréquente  que  pour  l'aortite, 
la  conclusion  est  plus  rapide.  La  douleur  précordiale 
dans  l'endocardite  est  moins  poignante,  moins  aiguë, 
souvent  elle  est  nulle.  Le  rhythme  du  pouls  dans  l'endo- 
cardite s'altère  plus  vite,  ce  qui  se  conçoit,  par  le  fuit 
des  dépôts  plastiques  qui  s'opèrent  sur  les  valvules  et 
altèrent  rapidement  les  mouvements  par  la  production 
de  l'insu Aisance. 

.Mais  des  considérations  plus  élevées  dominent  heu- 
reusement le  menu  détail  des  symptômes,  ce  sont  les 
états  constitutionnels  qui  engendrent  ces  détermina- 


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42  PATHOLOGIE. 

lions  locales.  L'endocardite  aiguë  Irès-souvent  unie  à  la 
péricardite  est  à  l'ordinaire,  pour  ne  pas  dire  toujours, 
une  métastase  rhumatismale.  L'aorlile  est  un  symptôme 
de  l'alcoolisme,  de  la  dartre;  mais,  avant  tout  et  surtout 
de  la  maladie  hémorrhoïdaire.  Nous  n'oublions  pas  la 
goutte,  mais  c'est  encore  dans  l'évolution  complexe  des 
hémorrhoïdes,  combinées  avec  la  dartre,  que  l'on  trou- 
vera le  plus  souvent  les  types  les  plus  accuses,  les  plus 
distincts  de  la  cardo-aortite. 

Etudiée  sous  linfluencede  ces  données  nosologiques, 
nous  osons  croire  que  la  constitution  de  la  cardo-aortile 
est  d'une  réelle  importance  pour  élucider  la  nosogra- 
phie  si  obscure  encore  des  affections  du  cœur.  Ce  ne 
sont  certes  pas  les  matériaux  qui  manquent,  il  n'y  en 
a  que  trop.  Les  auteurs  modernes  ont  poussé  jusqu'à  la 
sublilité  l'élude  analytique  des  lésions  de  l'organe  et 
celle  des  phénomènes  physiques  qui  les  doivent  tra- 
duire, assure-t-on,  avec  une  régularité  mathématique. 
Il  y  a  là  du  luxe  inutile  au  milieu  de  vraies  ri- 
chesses. De  là  à  l'obscurité,  à  la  fatigue,  il  n'y  avait 
qu'un  pas,  et  qui  oserait  dire  qu'il  n'a  pas  été  fran- 
chi? 

Si  l'on  veut  débrouiller  ce  chaos  et  rétablir  l'intérêt 
dans  un  sujet  difficile,  il  faut  envisager  la  question  de 
haut,  il  faut  établir  des  distinctions,  en  étudiant  ces 
maladies  dites  du  cœur  ù  travers  les  maladies  constitu- 
tionnelles dont,  dans  l'immense  majorité  des  cas, ces  états 
organo-pathologiques  relèvent  comme  affections  sympto- 
matiques. 

La  cardo-aortite  lient,  à  l'égard  de  la  maladie  hémor- 
rhoïdaire, de  la  dartre,  de  la  goutte,  de  l'alcoolisme  et 
de  la  chlorose,  la  même  place  que  l'endocardite  et  la 
péricardite  tiennent  dans  l'histoire  du  rhumatisme.  Nul 
doute  que  de  réels  progrès  ne  résultent  pour  la  science 


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OBSERVATIONS  DE  CARDO-AORTITE .  43 

de  l'étude  approfondie  de  cette  affection  locale  en  re- 
gard de  ces  maladies  constitutionnelles. 

Eu  égard  au  pronostic,  la  valeur  de  l'aortite  est  con- 
sidérable et  doit  être  d'un  grand  poids  dans  les  résolu- 
tions du  médecin. 

L'aortite  aiguë  est  toujours  un  accident  grave;  elle 
peut  être  mortelle.  Mais,  quand  par  un  traitement  bien 
dirigé  le  sujet  est  parvenu  à  surmonter  le  mal,  il  n'est 
pas  immédiatement  exposé  à  entrer  dans  la  voie  chro- 
nique et  cachectique. 

D'autre  part,  il  faut  savoir,  et  ceci  est  un  fait  patho- 
logique jusqu'ici  inaperçu  de  beaucoup  de  médecins, 
que  1  aortile  procède  souvent  par  petites  attaques  aiguës, 
courtes,  chacune  en  soi  de  peu  de  gravité,  mais  qui  ne 
laissent  pas  que  d'avoir  de  la  valeur  pour  le  pronostic 
général.  Ces  petites  attaques  se  dissimulent  souvent  en 
se  combinant  avec  des  catarrhes,  des  (luxions  hémor- 
rhoïdaires,  des  crises  dégoutte  anomale  ou  de  sciatique. 

Interprétée  en  présence  de  ces  faits  d'ordre  divers, 
l'affection  si  caractéristique  de  l'aortite  acquiert  une 
importance  sérieuse.  Quand  cette  courte  étude  n'aurait 
d'autre  mérite  que  celui  d'attirer  l'attention  sur  des  faits 
obscurs  et  difficiles ,  nous  estimerions  utile  de  l  avoir 
entreprise. 

Quant  au  traitement  de  la  cardo-aortite,  quelques 
renseignements  utile  >  ressortent  de  notre  étude  ;  nous 
les  faisons  ressortir  avec  d'autant  plus  de  confiance 
qu'ils  sont  confirmés  par  des  faits  déjà  nombreux  rela- 
tés dans  les  mémoires  des  auteurs  qui  nous  ont  pré- 
cédé. 11  y  a  aussi  un  enseignement  indirect  à  recueillir 
dans  des  observations  de  maladies  du  cœur  dont  les 
auteurs  n'ont  point  songé  à  la  distinction  de  la  cardo- 
aortite. 

Dans  la  période  phlegmasique  de  début,  aconit,  bella- 


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44  MÉDECINE  PRATIQUE. 

dona,  apis,  sont  les  médicaments  appelés  à  rendre  ser- 
vice. —  Plus  tard,  quand  la  lésion  de  l'aorte  est  confir- 
mée, nua\  lachesis  sont  utiles,  mais  aucun  médicament 
ne  produira  des  effets  aussi  efficaces  que  lactande  et  l'ar- 
senite  d antimoine. 

Edouard  Dufresne 

(de  Genève). 


MEDECINE  PRATIQUE 


CAUSERIES  CLINIQUES 

TOMB  II 

XI 

TRAITEMENT  DE  IJl  DIPHTHÉRIB. 

I.  Il  y  a  déjà  quelque  temps,  j'abordai  cette  ques- 
tion en  conversant  avec  un  chirurgien  des  hôpitaux  :  je 
lui  demandai  quelle  médication  il  employait  contre  cette 
maladie  et  quels  en  étaient  les  résultats? 

—  J'ai  traité,  me  dit-il,  par  la  cautérisation  avec  le 
nitrate  d'argent,  environ  60  ou  80  angines  couenneuses 
et  j'en  ai  perdu  seulement  trois  ou  quatre,  qui  ont  suc- 
combé au  croup. 

—  Mais,  lui  répliquais-je,  quels  sont,  pour  vous,  les 
signes  caractéristiques  et  différentiels  de  l'angine  couen- 
neuse,  et  quelles  formes  de  celte  maladie  avez- vous  trai- 
tées? 

—  Quand  je  vois  chez  mes  malades  du  blanc  au  fond 
de  la  gorge,  me  répondit-il  familièrement,  je  cautérise. 
Si  j'ai  affaire  à  la  véritable  angine  couenneuse  diphthé- 
ritique,  je  la  guéris,  et  habituellement  je  préviens  le  déve- 
loppement du  croup.  Si  je  n'ai  à  soigner  qu'une  angine 
pseudo-diphthéritique,  je  la  fais  disparaître  d'autant 
plus  rapidement. 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  45 

Je  ne  poursuivis  pas  plus  loin  la  conversation;  car,  si 
j'avais  à  discuter  avec  un  chirurgien  fort  intelligent, 
studieux  même,  et  d'ailleurs  pourvu  de  toutes  les  con- 
naissances dites  classiques,  il  cherchait  peu,  on  le  voit, 
à  distinguer  de  la  diphlhérie  les  six  espèces  d'angines 
diphthériformes,  et  il  songeait  encore  bien  moins  à  dis- 
tinguer, entre  elles,  les  cinq  formes  de  la  diphlhérie  qui 
constituent  pourtant  comme  cinq  angines  différentes 
quant  à  la  gravité,  au  pronostic  et  au  traitement.  Dans 
ces  onze  sortes  d'angines,  il  voyait  du  blanc  au  fond  de  la 
fjorge^  suivant  son  expression,  et  il  cautérisait  et  recau- 
térisait. Le  plus  souvent,  paraît-il,  il  eut  à  soigner  des 
angines  diphthériformes  ou  des  diphthéries  de  forme 
bénigne  et  commune.  Aussi  obtint-il  un  nombre  consi- 
dérable de  guérisons  qu'il  attribue  à  la  cautérisation. 
Dès  lors,  celle-ci  est  devenue  pour  lui,  en  pareil  cas,  un 
spécifique,  grâce  à  la  double  confusion  nosologique 
qu'il  a  commise,  confusion  des  espèces  d'angine  et  con- 
fusion des  formes  de  la  diphlhérie. 

Du  reste,  je  le  présume,  la  plupart  des  médecins  et 
des  chirurgiens  des  hôpitaux  commettent,  comme  les 
simples  praticiens,  cette  double  confusion  nosologique; 
sinon,  on  n'aurait  pas  traité  un  aussi  grand  nombre  de 
malades  sans  avoir  trouvé  depuis  longtemps  déjà  les 
remèdes  appropriés  respectivement  aux  angines  diph- 
thériformes et  aux  cinq  formes  de  la  diphthérie. 

Pour  mettre  fin  à  la  confusion  nosologique  dont  j'ai 
voulu  citer  un  exemple  frappant,  confusion  qui  est  la 
première  source  des  errements  thérapeutiques,  je  vais 
essayer  de  décrire  brièvement,  d'une  part,  les  six  es- 
pèces d'angines  diphthériformes,  et,  de  l'autre,  les  cinq 
formes  de  la  diphlhérie,  en  signalant  surtout  leurs  carac- 
tères différentiels.  Puis,  analysant,  à  la  lumière  de  cette 
double  distinction,  les  observations  cliniques  plus  loin 


46  MÉDECINE  PRATIQUE. 

rappelées,  je  pourrais  classer  celles-ci,  chacune  dans  sa 
forme  respective,  sans  avoir  besoin  de  les  reproduire 
tout  entières,  ce  qui  abrégera  beaucoup  mon  mémoire 
et  surtout  m'évitera  des  répétitions  fastidieuses.  Cette 
étude  n'ayant  jamais  été  tentée  d'après  cette  méthode, 
le  lecteur  voudra  bien  être  indulgent  pour  l'essai  qui 
va  suivre. 

II.  Dans  le  Dictionnaire  encyclopédique  des  sciences  mé- 
dicales, actuellement  en  voie  de  publication,  le  Dr  -Michel 
Peter  a  donné,  à  l'article  angine  (IV,  709),  des  rensei- 
gnements instructifs  que  je  vais  reproduire  en  partie  et 
même  tâcher  de  compléter.  J'emprunterai  aussi  à  la 
Médecine  pratique  du  Dr  Jotisset  (I,  289),  des  documents 
que  je  tenterai  pareillement  de  compléter. 

Dans  sept  affections  différentes  du  pharynx,  on  ob- 
serve des  taches  blanches  ou  des  plaques  d'apparence 
couenneuse.  Autrement  dit,  on  constate  cette  lésion  dans 
sept  sortes  d'angines,  dont  les  unes  sont  essentielles, 
dont  les  autres  ne  sont  que  des  formes  ou  même  des 
variétés  anatomiques,  lesquelles  doivent  être  réparties 
en  quatre  catégories  : 

1°  Les  angines  avec  productions  d'un  élément  parasi- 
taire :  l'angine  du  muguet; 

2°  Les  angines  avec  sécrétion  exagérée  d'un  produit 
normal:  l'angine  tonsillaire  et  l'angine  pultacée; 

3°  Les  angines  avec  sécrétion  d'un  produit  anormal, 
la  fibrine,  et  avec  ulcération  de  la  membrane  muqueuse  : 
l'angine  aphtheuse,  l'angine  ulcéreuse  si  Y  angine  herpétique; 

4°  Les  angines  avec  sécrétion  d'un  produit  anormal, 
la  fibrine,  et  avec  intégrité  de  la  membrane  muqueuse  : 
l'angine  diphthéritique. 

Je  vais  rappeler  sommairement  les  caractères  locaux 
différentiels  de  toutes  ces  angines. 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  47 

III.  Première  catégorie:  angine  avec  production  d'un 
élément  parasitaire.  —  Le  muguet  est  une  maladie  propre 
aux  nouveau-nés  et  rarement  observée  chez  eux  après 
le  second  mois.  Il  est  caractérisé  par  l'inflammation  de 
U  muqueuse  digestive  et  par  la  production  de  Y  oïdium 
afbicans  sur  cette  muqueuse.  Il  est  constitué  par  des 
disques  formés  de  grains  blanchâtres,  arrondis,  isolés, 
comparables  à  des  grains  de  millet.  Ils  deviennent  ra- 
pidement d'un  blanc  semblable  à  celui  du  lait  caillé, 
■gros,  arrondis,  confluents  et  surtout  abondants  sur  la 
langue.  Il  apparaissent  sur  toutes  les  parties  de  la 
bouche  avant  ou  en  même  temps  que  sur  le  pharynx,  et 
celui-ci  n'est  jamais  atteint  isolément,  exclusivement. 
Le  microscope  les  montre  composés  d'un  amas  de  spores 
et  d'un  feutrage  de  cylindres  tubuleux.  La  forme  bénigne 
du  muguet,  caractérisée  par  l'absence  de  symptômes 
généraux,  guérit  facilement.  La  forme  commune  s'ac- 
compagne d'une  véritable  cachexie  ;  elle  est  mortelle 
20  fois  sur  22,  dans  les  hospices  de  nouveau-nés  (Val- 
leix). 

IV.  Deuxième  catégorie  :  angines  avec  sécrétion  exa- 
gérée d'un  produit  normal  :  l'angine  tonsillaire  et  l'an- 
gine pultacée. 

L'angine  tonsillaire,  ou  amygdalite,  est  caractérisée  par 
une  hypersécrétion  de  matière  sébacée;  elle  présente  des 
taches  blanches  à  l'orifice  des  follicules  amygdaliens. 
G  est  une  matière  caséeuse,  grasse,  assez  odorante;  on 
la  détache  des  conduits  qu'elle  encombre  en  pressant  ou 
en  frottant  ceux-ci  avec  une  spatule.  Cette  affection,  le 
plus  souvent  chronique  ou  subaiguë,  ne  s'accompagne 
pas  d'adénite  sous-maxillaire  et  guérit  toujours,  plus  ou 
moins  rapidement,  suivant  la  médication  employée. 

V.  L'angine  pullacée  est  une  angine  inflammatoire 


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48  MÉDECINE  PRATIQUE. 

avec  hyperémie  et  desquamation  de  l'épithélium.  Elle 
présente,  sur  une  et  le  plus  souvent  sur  les  deux  amygda- 
les, des  fausses  membranes  blanches  que  le  microscope 
montre  composées  de  cellules  épithéliales.  Ces  fausses 
membranes  sont  épaisses,  molles,  peu  adhérentes  et 
déposées  par  îlots  ou  plaques  sur  une  muqueuse  intacte. 
S'il  y  a  adénite  sous-maxillaire,  elle  est  peu  prononcée 
et  peu  douloureuse,  ce  qui  la  distingue  de  l'adénite,  de 
la  diphthérie,  qui  est  très-caracté  risée  et  beaucoup  plus 
douloureuse.  Elle  guérit  toujours,  môme  sans  traiteâ 
ment  et  plus  vite  si  celui-ci  est  bien  approprié.  Traite- 
ment préconisé  par  le  Dr  Jousset  :  solubilis,  belladona, 
lachesLs.  Ajoutons  :  cyanure  de  mercure,  huit  chlnricum. 

VI.  Troisième  catégorie  :  angines  avec  sécrétion  d'un 
produit  normal  librineux  et  ulcération  de  la  membrane 
muqueuse  :  angine  ou  stomatite  ulcéreuse,  angine  aph- 
theuse,  angine  herpétique. 

L'angine  ulcéreuse  accompagne  à  peu  près  toujours  la 
stomatite  ulcéreuse,  dont  elle  est  une  afTection.  Sur  95 
cas  de  stomatite  ulcéreuse,  M.  Bergeron  n'a  constaté 
que  6  fuis  l'angine  ulcéreuse  et  une  seule  fois  l'existence 
isolée  de  cette  angine.  Celle-ci,  comme  la  stomatite  ul- 
céreuse, est  une  maladie  de  caserne  et  d'hôpilaux,  rare 
pendant  l'allaitement  et  la  première  enfance.  Les  sym- 
ptômes et  lésions  de  la  stomatite  ulcéreuse  évoluent  dans 
l'ordre  suivant  :  après  quelques  jours  de  malaise,  gen- 
cives rouges,  boursouflées,  saignantes,  se  recouvrant 
bientôt  d'un  enduit  pultacé  grisâtre;  salivation  aug- 
mentée,  ganglions  sous-maxillaires  tuméfiés  et  légère- 
ment douloureux  au  toucher;  apparition  de  plaques 
jaunâtres  légèrement  saillantes  qui  se  réunissent  et 
constituent  alors  des  plaques  plus  grandes  et  très-adhé- 
rentes. Si  on  les  enlève,  on  trouve  l'épithélium  détruit, 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  49 

la  muqueuse  excoriée  et  saignante;  puis  se  montrent 
île  véritables  ulcérations  durant  des  semaines.  D'après 
M.  Bergeron,  les  ulcérations  débuteraient  toujours  par 
la  gencive  de  la  mâchoire  inférieure,  et,  quand  il  existe 
des  ulcérations  pariétales,  elles  sont  limitées  à  un  seul 
coté.  Plus  haut,  nous  avons  rappelé  que  ce  médecin  a 
constaté  une  seule  fois,  sur  95  cas,  l'ulcération  de  la 
muqueuse  existant  uniquement  sur  le  pharynx,  siège 
ordinaire  de  la  diphthérie.  L'altération  de  la  muqueuse 
guérit  plus  ou  moins  longuement,  difficilement,  mais 
elle  guérit  toujours,  à  moins  qu'elle  ne  soit  compliquée 
de  gangrène,  de  cachexie. 

VIL  L'  angine  aphtheme  n'existe  presque  jamais  sans 
la  stomatite  aphtheuse.  Celle-ci,  après  du  malaise  ou 
même  de  la  lièvre,  débute  par  une  vésicule  reposant  par 
une  papule  très-rouge  et  marquée  à  son  centre  d'un 
point  plus  sombre.  La  vésicule  s'élargit,  crève  et  laisse 
échapper  un  liquide  d'abord  blanchâtre,  puis  puriforme; 
à  la  vésicule  crevée  succède  une  ulcération  arrondie,  à 
bords  rouges  tuméfiés  et  taillés  à  pic.  Le  fond  de  l'ulcère 
est  grisâtre  et  ne  présente  jamais  d'induration,  ce  qui 
le  distingue  du  chancre  syphilitique.  Il  y  a  ordinaire- 
ment salivation,  mais  rarement  fétidité.  L'aphthe  occupe 
les  diverses  parois  de  la  bouche  et  il  est  rarement  isolé, 
aussi  est-il  exceptionnel  de  le  voir  siéger  exclusivement 
à  l'isthme  du  gosier  ;  sa  durée  est  d'un  septénaire,  quel- 
quefois de  deux. 

VIII.  L'angine  herpétique  présente  une  éruption 
d'herpès  sur  les  amygdales,  coïncidant  souvent,  sinon 
toujours,  avec  une  éruption  d'herpès  sur  les  lèvres,  la 
face,  les  parties  latérales  du  cou  ou  les  parties  génitales 
et  l'absence  d'adénite  sous-maxillaire;  cependant  on 

TOJIE  XXXI.  —  JANVIER  1870.  4 


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50  MÉDECINE  PRATIQUE. 

observe  quelquefois  celle-ci  chez  des  sujets  très-dartreux. 
Quand  leruption  est  bornée  aux  amygdales,  elle  se  ma- 
nifeste par  des  vésicules  siégeant  sur  une  base  enflam- 
mée. Ces  vésicules  se  rompent  et  se  recouvrent  de  lymphe 
plastique.  Ces  petits  disques  de  lymphe  plastique  sont 
très-adhérents  à  la  membrane  muqueuse,  puisqu'ils  sont 
des  produits  cicatriciels  à  la  surface  d'une  érosion. 
Quand  on  réussit  à  les  détacher,  on  constate  une  perte 
de  substance.  Si  on  assiste  au  début  de  l'angine  herpé- 
tique, qu'on  voie  les  vésicules  de  l'herpès  ou  qu'il  en 
existe  encore,  il  est  facile  de  la  distinguer  de  l'angine 
diphthéritique.  Mais  plus  tard  le  diagnostic  est  beaucoup 
plus  difficile,  lorsque  les  fausses  membranes  sont  con- 
fluenles  et  forment  plaques.  Pourtant,  si,  en  même  temps 
que  les  plaques  couenneuses,  il  n'y  a  pas  de  vésicules, 
ni  petites  ulcérations,  ni  petites  fausses  membranes,  et 
qu'il  y  ait  une  adénite  sous  maxillaire ,  on  devra  nier 
l'herpès  et  afGrmer  la  diphthérie.  L'angine  herpétique 
guérit  toujours  plus  ou  moins  rapidement,  en  trois  ou 
quatre  jours,  dit  le  DrJousset.  Remèdes  efficaces  :  solu- 
bilisa sulfur,  kali  chloricum,  etc. 

IX.  Quatrième  catégorie.  Angine  avec  sécrétion  d'un 
produit  anormal  fibrineux  et  intégrité  de  la  membrane 
muqueuse  :  la  diphthérie. 

L'angine  diphthéritique  présente  des  plaques  grises 
et  plus  souvent  jaunâtres,  confluentes  ou  le  devenant 
bientôt,  adhérentes  à  la  membrane  muqueuse,  quoiqu'on 
puisse  les  détacher  sans  excorier  celle-ci.  Ordinairement 
les  fausses  membranes  paraissent  d'abord  sur  une  seule 
amygdale,  puis  envahissent  l'autre  et  le  pharynx.  Elles 
ne  présentent  pas  des  dépressions  en  godet  ni  des  exco- 
riations de  la  muqueuse  comme  l'angine  herpétique.  La 
diphthérie  a  des  plaques  plus  étendues,  plus  jaunes, 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  51 

plus  consistantes  et  plus  adhérentes  que  l'angine  pul- 
tacée.  La  fausse  membrane  diphthéritique  offre,  à  l'exa- 
men microscopique,  de  la  fibrine  amorphe  ou  finement 
striée  et  contenant  de  nombreuses  cellules  de  pus.  La 
diphlhérie,  enfin,  présente  un  engorgement  des  gan- 
glions sous-maxillaires  et  môme  cervicaux,  plus  con- 
stant, plus  prononcé  et  plus  douloureux  que  dans  aucune 
autre  angine.  Je  n'ai  pas  besoin  d'ajouter  que  l'angine 
diphthéritique  est,  en  général,  beaucoup  plusgraveque 
les  autres  angines,  plus  ou  moins  suivant  la  forme 
qu'elle  revêt  :  sa  complication  avec  la  laryngite  diph- 
théritique la  rend  très-souvent  mortelle. 

En  décrivant  plus  haut  six  espèces  d'angines,  j'ai 
montré  que  deux  d'entre  elles  seulement,  l'angine  pul- 
tacée  et  l'angine  herpétique,  pouvaient  être  confondues 
avec  l'angine  diphthéritique.  Aussi  ai-je  mis  en  regard 
leurs  caractères  difiérentiels,  afin  qu'on  ne  jugeât  pas 
efficace  contre  la  diphlhérie  le  traitement  qui  aurait 
réussi  dans  l'angine  pultacée  ou  dans  l'angine  herpé- 
tique. Mais  comme  on  pourrait  encore  présumer  efficace 
contre  tous  les  cas  de  diphlhérie,  la  médication  qui  au- 
rait guéri  certaines  formes  de  la  diphlhérie,  je  vais 
exposer,  comparativement,  celles-ci,  dont  la  gravité  est 
fort  différente  :  cela  fait  déjà  prévoir  que  le  traitement 
doit  varier  avec  elles.  Quand  j'aurai  rappelé  au  lecteur 
les  caractères  différentiels  des  cinq  formes  de  la  diph- 
lhérie, je  pourrai  analyser  avec  lui  les  observations  cli- 
niques, publiées  sur  elle  jusqu'ici,  et  rechercher  quels 
médicaments  se  sont  montrés  efficaces  dans  chaque 
forme  de  cette  grave  maladie. 

La  diphlhérie  se  manifeste  sous  les  cinq  formes  sui- 
vantes :  la  forme  commune,  la  forme  bénigne,  la  forme 
croupale,  la  forme  putride  et  la  forme  ataxique. 


52  MÉDECINE  PRATIQUE. 

X.  La  forme  commune  débute  par  une  fièvre  violente 
ou  bien  par  une  fièvrequi  s  accroît  graduellement  et  peut 
monterjusqu'à  iGOenvirouchez  lesenfants.  Puis  survient 
le  gonflement  d'une  seule  amygdale,  sur  laquelle  ap- 
paraît une  tache  blanchâtre  qui  envahit  la  luette,  l'autre 
amygdale  préalablement  tuméfiée  et  quelquefois  enfin 
la  partie  postérieure  des  fosses  nasales  ;  il  y  a  alors  un 
léger  nasonnement,  mais  jamais  jetage  par  les  narines, 
comme  dans  la  forme  putride.  Il  y  a  quelquefois  enroue- 
ment, mais  peu  intense  et  peu  durable.  Les  ganglions 
sous-maxillaires  deviennent  douloureux  et  s'engorgent, 
rarement  au  début,  mais  le  plus  souvent  à  mesure  que 
se  développe  la  maladie,  dont  la  durée  est  de  cinq  à 
quinze  jours.  Les  fausses  membranes  sont  pareilles  à 
celles  que  je  viens  de  décrire,  comme  caractérisant 
l'angine  diphthéritique  proprement  dite.  Laformecom- 
mune  présente  deux  variétés  :  l'une,  relativement  lé- 
gère, dans  laquelle  le  pouls  monte  de  90  à  120  et  les 
symptômes  locaux  et  généraux  sont  modérés;  l'autre 
variété  plus  grave,  et  dans  laquelle  le  pouls  monte  de 
120  à  160,  la  fausse  membrane  épaissit,  jaunit,  noircit 
même,  durcit  et  quelquefois  exhale  une  odeur  gangré- 
neuse.  Si  la  première  variété  peut  guérir  sans  traite- 
ment ou  malgré  les  traitements  les  plus  intempestifs,  la 
seconde  variété  se  prolonge  et  emporte  la  malade  si  une 
médication  efficace  n'intervient  pas. 

XI.  La  forme  bénigne,  c'est  la  forme  commune  atté- 
nuée, abrégée  dans  ses  symptômes  généraux  et  locaux. 
L'adénite  sous-maxillaire,  si  elle  a  le  temps  de  se  mon- 
trer, est  peu  intense  et  surtout  peu  durable.  Si  la  fièvre 
est  forte,  par  hasard,  elle  est  passagère.  Les  fausses 
membranes  sont  peu  développées  ou  peu  persistantes. 
Trousseau  a  soutenu  qu'une  simple  angine  érythéma- 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  53 

teuse  suffisait  à  caractériser  la  forme  bénigne  de  la  diph- 
thérie,  et  cela  parce  qu'il  avait  observé  de  pareilles 
angines  érythémateuses  chez  des  personnes  exposées  à 
la  contagion  de  cette  maladie.  Son  opinion  paraît,  du 
reste,  confirmée  par  l'observation  de  simples  angines 
érythémateuses  disparaissant  sans  traitement  et  pour- 
tant suivies,  quelques  jours  ou  quelques  semaines  plus 
tard,  de  ces  paralysies  si  diverses,  consécutives  parfois 
aux  cinq  formes  de  la  diphthérie,  mais  cependant  plus 
prononcées  après  et  surtout  pendant  la  forme  ataxique. 

XII.  La  forme  croupale  est  caractérisée  par  la  succes- 
sion de  deux  périodes  :  la  période  angineuse  et  la  période 
croupale  ou  laryngienne. 

La  période  angineuse  débute,  avec  ou  sans  prodromes, 
par  une  fièvre  peu  marquée,  une  angine  tonsillaire 
avec  adénite  sous-maxillaire. 

«  L'angine  se  développe  rapidement;  elle  présente  la 
succession  des  symptômes  suivants  :  rongeur  générale 
du  pharynx,  tuméfaction  iïune  seule  amygdale,  sur  la- 
quelle apparaît  une  tache  blanchâtre  Lien  circonscrite. 
Cette  tache,  formée  d'abord  d'un  mucus  demi-transpa- 
rent, puis  d'une  fausse  membrane  peu  adhérente, 
constitue  au  boutde  quelques  heures,  une  plaque  saillante, 
convexe  et  fortement  adhérente.  Cette  fausse  membrane 
s'agrandit  rapidement,  elle  envahit  la  luette  de  son 
côté;  puis,  se  propageant  comme  l'érysipèle  malin  par 
des  ilôts  et  des  traînées,  elle  envahit  l'autre  amygdale 
préalablement  tuméfiée,  et,  au  bout  de  vingt-quatre  à 
quarante-huit  heures,  elle  occupe  l'isthme  du  gosier  dans 
sa  totalité.  Cette  évolution  est  d'autant  plus  rapide  que 
les  enfants  sont  plus  jeunes.  Le  gonflement  ganglion- 
naire est  considérable,  et  en  proportion  du  développe- 
ment de  la  fausse  membrane.  Enfin,  le  mouvement 


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54  MÉDECINE  PRATIQUE. 

fébrile  diminue  à  mesure  que  la  maladie  locale  aug- 
mente  :  autre  point  de  ressemblance  avec  l'érysipèle 
malin.  Les  jours  suivants,  la  fausse  membrane  s'épais- 
sit; elle  se  colore  diversement,  en  jaune,  brun  ou  noir, 
et  simule  la  gangrène. 

«  Seconde  période,  croupale  ou  laryngienne.  Carac- 
térisée par  l'extension  de  la  fausse  membrane  au  larynx, 
cette  période  s'annonce  par  une  toux  sèche  et  de  l'en- 
rouement. La  toux  et  la  voix  deviennent  rauques  et 
sourdes;  et  de  plus  en  plus  sourdes,  à  mesure  que  l'af- 
fection fait  des  progrès.  La  gène  de  la  respiration  appa 
raît  ensuite,  et  le  sifflement  larynoo-traMal  s'établit.  C'est 
un  bruit  qui  imite  assez  bien  celui  de  \a.scie-à-pierrc.  Il 
est  plus  fort  dans  l'inspiration  parce  que,  à  ce  moment, 
les  lèvres  de  la  glotte  se  rapprochent  et  diminuent  l'es- 
pace resté  libre. 

«  La  toux  s'éloigne  et  s'éteint,  la  voix  disparaît,  les 
acefc  de  suffocation  commencent.  Ce  sont  d'abord  des 
accès  de  dyspnée;  ils  reviennent  toutes  les  trois  à  quatre 
heures  et  sont  plus  fréquents  la  nuit.  Bientôt  la  dyspnée 
arrive  jusqu'à  la  suffocation.  La  malade  s'asseoit  brus- 
quement, la  tête  renversée  en  arrière,  la  bouche  large- 
ment ouverte,  les  muscles  inspirateurs  contractés,  la  face 
rouge,  1  anxiété  extrême.  Ces  accès  durent  de  deux  à 
cinq  minutes,  et  sont  suivis  d'un  calme  relatif,  pendant 
lequel  continue  le  sifflement  laryngo-trachéal. 

«Quand  la  maladie  doit  se  terminer  par  la  mort,  les 
accès  se  rapprochent,  deviennent  plus  intenses;  bientôt, 
ils  sont  continus  avec  exacerbation  et  rémission.  L'état 
des  malades  devient  alors  réellement  épouvantable  :  ils 
étranglent.  Enfin,  un  coma  môlé  d'asphyxie  s'établit; 
la  face  devient  pâle,  bouffie,  livide  ;  l'anesthésie  et  le 
froid  asphyxique  dominent;  il  y  a  un  calme  relatif  ;  les 
accès  de  suffocation  disparaissent  et  la  mort  survient 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  55 

lentement.  Plus  rarement,  les  malades  succombent  dans 
un  violent  accès  de  suffocation.  Souvent  celte  scène 
d'agonie  ne  marche  pas  d'une  manière  continue  ;  l'ex- 
pulsion d'une  fausse  membrane  ou  un  changement  dans 
l'innervation  des  muscles  respiratoires  rétablissent  la 
respiration  et  donnent  un  mieux  inespéré.  Puis  la  fausse 
membrane  se  reforme,  les  muscles  se  contractent  ou  . 
se  paralysent  de  nouveau,  et  les  accidents  reparaissent. 

«  Quand  la  trachéotomie  a  été  pratiquée,  la  mort 
n'arrive  point  par  suffocation  dans  la  forme  croupale, 
mais  par  quelques  complications  de  pneumonie  ou  de 
bronchite  pseudo-membraneuse. 

«  Si  la  maladie  doit  se  terminer  par  la  guérison,  les 
accès  de  suffocation  s'éloignent;  la  toux  devient  plus 
grasse  et  il  s'établit  une  expectoration  muqueuse,  jau- 
nâtre, contenant  dos  débris  de  fausses  membranes  qui 
ont  quelquefois  le  volume  et  la  forme  des  tuyaux  bron- 
chiques laryngé  et  bronchiques.  »  (Dr  Jousset,  I,  289.) 

Croup  d emblée.  —  Dans  cette  variété  de  la  forme  crou- 
pale,  la  première  période  manque,  la  fièvre  est  peu  in- 
tense, les  fausses  membranes  se  form  nt  d'abord  dans 
le  larynx,  puis  elle  remonte  dans  le  pharynx.  Il  n'y  a 
pas  d'adénite  sous-maxillaire.  Le  croup  d'emblée  pré- 
sente la  même  évolution  que  la  seconde  période  de  la 
forme  croupale  précédemment  décrite. 

XIII.  Diagnostic  différentiel  du  croup,  de  la  laryngite 
striduleuse,  du  spasme  de  la  glotte  et  Y  œdème  de  la  glo'te. 

Ayant  vu,  dans  maintes  observations,  les  praticiens 
confondre  la  période  croupale  et  surtout  le  croup  d'em- 
blée avec  les  trois  maladies  précitées,  je  vais  essayer  de 
prévenir  pareille  erreur  en  exposant  leurs  caractères 
différentiels  ;  je  rappellerai,  en  outre,  les  traitements 
efficaces  contre  ces  trois  dernières  maladies;  celui 


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56  MÉDECINE  PRATIQUE. 

contre  le  croup  sera  exposé  ultérieurement.  Le  lecteur 
pourra  dès  lors  les  relire  plus  rapidement  dans  des  cas 
de  diagnostic  incertains  et  pressants. 

La  laryngite stridulcuse  se  montre  habituellement  avant 
sept  ans,  très-rarement  après,  jamais  dans  l'âge  adulte. 
Elle  est  déterminée  :  1°  par  la  structure  du  larynx  parti- 
culière à  l'enfance  (existence  de  laglotle  vocale  et  absence 
de  laglolte  respiratoire)  ;  2°  par  l'accumulation  de  muco- 
sités sur  les  cordes  vocales  pendant  le  sommeil  ;  3°  par 
un  spasme  des  muscles  de  la  glotte  dû  à  une  action  ré- 
flexe. Son  début  est  caractéristique.  L'enfant, ap  rès 
avoir  éprouvé  dans  la  journée  un  peu  de  toux  et  d'en- 
rouement et  même  sans  avoir  rien  éprouvé,  est  brus- 
quement réveillé  vers  le  milieu  de  la  nuit  par  un  accès 
très-violent  de  suffocation  accompagné  d'une  toux 
rauque  éclatante,  d'une  inspiration  difficile  et  sifflante. 
La  voix  est  enrouée,  rauque.  L'enfant,  assis  sur  son  lit, 
anxieux,  haletant,  paraît  être  dans  un  état  extrême- 
ment grave.  La  toux  est  fréquente,  la  figure  animée,  la 
peau  chaude,  le  pouls  développé.  Cet  état  violent  se 
calme  peu  à  peu,  la  toux  devient  moins  sèche,  la  respi- 
ration moins  sifflante  et,  dans  les  cas  les  plus  simples, 
l'enfant  se  rendort  tranquillement;  le  lendemain,  il  ne 
présente  qu'un  peu  d'enrouement  avec  une  toux  rauque 
mais  déjà  grasse.  Dans  une  varirté  plus  grave  de  la 
laryngite  striduleuse,  les  accès  de  suffocation  se  répè- 
tent la  même  nuit  quand  l'enfant  a  dormi  quelques 
heures,  la  fièvre  est  très-violente.  I  e  lendemain,  la  voix 
et  la  toux  restent  rauques,  l'inspiration  difficile  et  les 
accès  de  suffocation  se  montrent  de  nouveau,  mais  sur- 
tout la  nuit  et  pendant  le  sommeil.  Cependant  ces  accès 
de  suffocation  présentent  pour  caractère  de  suivre  une 
série  décroissante  en  sorte  que  c'est  toujours  le  premier 
qui  est  le  plus  violent.  Dans  les  cas  les  plus  intenses,  la 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  57 

maladie  se  prolonge  trois,  quatre,  sept  jours,  mais  elle 
devient  alors  déplus  en  plus  semblable  à  une  laryngite 
simple.  Les  auteurs  rapportent  quelques  cas  de  mort 
survenue  pendant  l'accès  de  suffocation. 

Traitement  préconisé  par  le  Dr  Jousset  :  sambucus  et 
ipéca  pendant  l'accès,  arsenicum  pour  les  cas  se  prolon- 
geant plusieurs  jours;  le  vomissement  provoqué  fait 
habituellement  disparaît  re  tous  les  acciden  ts.  Une  éponge 
imbibée  d'eau  très-chaude  et  maintenue  sur  le  larynx 
produit  un  grand  soulagement.  11  y  a  des  cas  excessive- 
ment rares  qui  ont  nécessité  la  trachéotomie. 

XIV.  Le  spasme  de  la  glotte  a  été  appelé  à  tort  asthme 
thymi/fite,  pan  e  qu'on  l'avait  cru  coïncidant  toujours 
avec  l'hypertrophie  du  thymus;  c'est  une  névrose  du 
larynx,  caractérisée  par  la  convulsion  tonique  des 
muscles  constricteurs  de  la  glotte.  Ce  spasme  survient 
comme  affection  symptomatique  dans  le  cours  de  la  la- 
ryngite et  du  croup,  dans  l'hystérie  et  surtout  dans  les 
attaques  d'éclampsie  et  d'épilepsie;  il  est  quelquefois 
produit  par  des  tumeurs  ganglionnaires  qui  irritent  les 
nerfs  du  larynx.  Mais  il  existe  un  spasme  de  la  glotte 
constituant  une  maladie  essentielle  propre  à  la  première 
enfance  et  avant  des  rapports  intimes  avec  l'éclampsie. 
Ce  spasme  essentiel,  qu'on  observe  surtout  chez  les 
garçons  et  jamais  en  dèhors  de  la  première  dentition, 
procède  par  accès  irréguliers,  accès  survenant  au  réveil 
ou  à  propos  des  mouvements  de  déglutition,  ou  bien 
quand  l'enfant  se  met  en  colère.  Pendant  l'accès,  la 
respiration  se  suspend  brusquement,  la  figure  devient 
anxieuse  et  rougit  fortement  et,  dans  les  violents  accès, 
les  lèvres  bleuissent.  Puis,  après  trente  à  quarante  se- 
condes, la  respiration  se  rétablit  par  une  inspiration 
eonvulsive.  L'air,  en  passant  rapidement  par  h\  glotte 


58  MÉDECINE  PRATIQUE. 

encore  rétrécie,  produit  un  sifflement  aigu  prolongé. 
Ce  sifflement  caractéristique  ressemble  à  celui  qu'on 
observe,  en  dehors  de  toute  maladie,  chez  les  enfants 
colères  qui  se  pâment.  Quelquefois  la  maladie  se  com- 
pose d'un  accès  unique,  soit  que  l'enfant  succombe  au 
premier  accès,  soit  au  contraire  qu  elle  se  termine  brus- 
quement ainsi  par  la  guérison.  Mais  le  plus  souvent  les 
accès  se  multiplient  et  se  rapprochent;  on  voit  alors 
d'autres  muscles  participer  au  spasme  :  le  diaphragme, 
les  muscles  de  la  face,  ceux  des  extrémités;  quelques 
enfants  sont  pris  d'une  attaque  complète  d'éclampsie. 
Si  la  maladie  se  prolonge,  les  enfants  maigrissent,  pâ- 
lissent et  tombent  dans  une  sorte  de  cachexie.  Si  la  ma- 
ladie n'est  point  arrêtée  par  un  changement  de  lieu  ou 
de  régime,  ou  bien  par  un  traitement  approprié,  les  en- 
fants succombent  pendant  un  accès. 

Traitement  préconisé  par  le  Dr  Jousset  :  motchus  est 
le  principal  remède  qui  doit  être  administré  parfois  à  la 
dose  de  quelques  centigrammes  En  second  lieu,  con- 
viennent plat  in  a  et  zinewn  qui  ont  donné  des  succès, 
puis  cttprum.  Pendant  l'accès,  il  faut  relever  l'enfant,  le 
porter  à  l'air,  lui  jeter  de  l'eau  à  la  figure,  le  flageller. 

L'application  d'eau  froide,  d'huile  chloroformée  sur  la 
région  antérieure  du  cou,  sont  deux  moyens  propres  à 
rompre  le  spasme. 

XV.  L' œdème  de  la  glotte  est  mal  nommé,  car  ce  n'est 
pas  un  œdème  de  la  glotte,  mais  bien  un  œdème  du 
tissu  cellulaire  sous-muqueux  de  la  partie  supérieure 
du  larynx,  c'est-à-dire  des  replis  arythéno-épiglottiques 
et  de  l'épiglottc.  Ce  tissu  cellulaire,  comparable  par  sa 
laxité  à  celui  des  paupières,  peut  être  le  siège  d'un 
œdème  considérable.  Celui-ci  constitue  un  obstacle  au 
passage  de  l'air  surtout  pendant  l'inspiration,  pareeque 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  59 

la  colonne  d'air  précipite  les  bourrelets  œdématiés  vers 
l'ouverture  de  la  glotte,  les  rapproche  et  ferme  plus  ou 
moins  complètement  l'entrée  du  larynx.  L'expiration, 
au  contraire,  repousse,  éloigne  les  bourrelets,  aussi 
est-elle  comparativement  plus  tacile.  Les  symptômes 
communs  aux  œdèmes  de  la  glotte  sont  :  une  dyspnée 
avec  inspiration  difficile  et  sifflante,  une  expiration 
facile,  une  tuméfaction  de  l'épiglotte  perceptible  au  tou- 
cher. L'œdème  do  la  flotte  très-rarement  essentiel  est 
presque  toujours  une  affection  symptomatique  ou  une 
complication  de  Tune  des  maladies  suivantes  :  albumi- 
nurie, phthisie  laryngée,  ulcérations  syphilitiques,  abcès 
du  pharynx,  érysipèledu  pharynx,  angine  ulcéreuse  de 
la  variole  ou  !e  la  fièvre  typhoïde,  brûlure  de  la  gorge 
en  buvant  du  thé  bouillant  ou  bien  en  inspirant  de  la 
vapeur  d'eau. 

Traitement  préconisé  par  le  Dr  Jousset  :  beUadona 
quand  il  y  a  des  symptômes  d'angine;  ayis  /achesis,  ar- 
sen'eum  contre  la  dyspnée  laryngée  avec  sifflement  la- 
rvngo-trachéal  et  grand  effort  des  muscles  inspirateurs, 
aggravation  de  la  dyspnée  dans  la  position  couchée.  Ce 
dernier  symptôme  est  propre  à  l'œdème  de  la  glotte.  Il 
faut  toujours  préférer  Je  remède  qui  est  indiqué  contre 
la  maladie  dont  l'œdème  de  la  glotte  est  le  symptôme  ; 
ainsi  nrseniciim  dans  les  brûlures,  les  affections  du  cœur 
et  des  reins,  lanasarque;  apis  dans  l'albuminurie,  contre 
les  piqûres  d'insectes;  arseniewn  et  lachem  contre  la 
gangrène  de  la  bouche,  le  dernier  remède  contre  la 
forme  putride  de  la  diphthérie.  S'il  y  a  imminence  d'as- 
phyxie, il  faut  pratiquer  la  trachéotomie. 

XVI.  Aûn  de  les  mettre  encore  mieux  en  relief,  je  vais 
résumer  dans  un  tableau  synoptique  les  caractères  dif- 
férentiels des  quatre  maladies  précédemment  décrites. 


MÉDECINE  PRATIQUE. 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  61 

XVI f.  La  forme  putride  de  la  diphtérie  correspond  à 
Yangine  gntigrêneube  des  anciens,  à  Y  empoisonnement  diph- 
thèritique  des  modernes.  Elle  est  caractérisée  par  la 
prostration  des  forces,  par  la  tendance  aux  hémorrha- 
gies  et  à  la  gangrène,  par  la  multiplicité  des  localisa- 
tions diphthéritiques.  Elle  débute  souvent  par  des  vo- 
missements, une  fièvre  modérée,  une  adénite  et  une 
légère  douleur  pharyngienne.  Puis  survient  un  gonfle- 
ment considérable  des  ganglions  sous-maxillaires  ;  les 
amygdales  se  recouvrent  de  fausses  membranes  épais- 
ses, jaunâtres  et  putrides  ;  celles-ei  envahissent  les  fosses 
nasales,  après  avoir  été  souvent  précédées  d'épistaxis. 
On  observe  ensuite  de  la  prostration,  de  l'anorexie,  la 
pâleur  et  la  bouffissure  de  la  face. 

A  sa  période  d'état ,  la  maladie  est  caractérisée  par 
une  prostration  et  une  indifférence  complètes;  une  fièvre 
modérée  avec  tendance  au  refroidissement;  une  angine 
intense  avec  des  fausses  membranes  épaisses,  grisâtres, 
noirâtres,  ramollies  et  d'une  odeur  gangréneuse ;  des 
ganglions  et  le  lissu  cellulaire  fortement  tuméfiés,  in- 
durés et  présentant  une  rougeur  érysipélateuse  ;  un 
jetage  des  fosses  nasales  avec  ulcération  de  la  lèvre  su- 
périeure; par  la  multiplication  des  localisations  diphthé- 
ritiques sur  les  yeux  (localisation  coïncidant  avec  le 
coryza,  quelquefois  avec  la  perforation  de  la  cornée, 
mais  jamais  avec  la  laryngite),  sur  la  vulve,  le  prépuce, 
les  plaies,  la  surface  des  vésicatoires,  sur  le  larynx  (dans 
ce  dernier  cas,  sans  toux  ni  accès  de  suffocation,  mais 
seulement  avec  dyspnée  et  enrouement);  par  des  hé- 
morrhagies,  surtout  des  epistaxis,  des  ecchymoses,  des 
péléchies  ;  par  des  gangrènes  de  la  gorge,  de  la  vulve, 
de  la  peau  :  par  des  éruptions  très-diverses,  rubéoliques, 
scarlatiniformes,  miliaires,  ortiées,  le  pemphygus.  Les 
malades  plongés  dans  une  grande  prostration,  indiffé- 


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62  MÉDECINE  PRATIQUE. 

rents  atout,  pâles,  bouffis,  livides,  refusent  toute  nour- 
riture. Avec  un  pouls  faible,  tremblant,  souvent  ralenti, 
ils  se  refroidissent  graduellement  et  meurent  par  syn- 
cope ou  par  asphyxie  lente.  La  guérison  s'annonce  par 
le  retour  de  l'appétit  et  des  forces,  par  le  bon  aspect  des 
plaies  et  l'élimination  des  fausses  membranes. 

La  forme  putride  présente  plusieurs  variétés  :  Dans 
Tune  d'elles,  l'affection  locale  se  borne  à  quelques  faus- 
ses membranes  à  la  vulve  ou  derrière  les  oreilles  ;  dans 
une  autre  plus  grave,  les  fausses  membranes  se  mon- 
trent dans  le  pharynx,  sur  les  parois  de  la  bouche,  les 
gencives,  dans  les  fosses  nasales.  Celle  dernière  variété 
est  la  seule  dont  je  citerai  plus  loin  des  cas  de  guérison 
opérée  par  divers  médicaments. 

XVIII.  La  forme  (italique  de  la  diphlhérie  est  carac- 
térisée par  l'incohérence  des  symptômes,  par  une  marche 
irrégulière  et  imprévue,  par  la  prédominance  des  sym- 
ptômes nerveux.  Elle  présente  plusieurs  variétés  et  des 
affections  concomitantes  ou  consécutives. 

Variété  à  marche  très-rapide.  —  D'abord  légère  angine 
avec  quelques  plaques  blanches  dans  le  pharynx;  puis 
symptômes  locaux  peu  intenses  coïncidant  avec  un  mou- 
vement fébri  econsidérablequi  s'aggrave  incessamment; 
la  diphlhérie  envahit  les  fosses  nasales,  le  délire  éclate 
et  la  mort  survient  le  3*  ou  le  4*  jour. 

Variété  spasmodique.  —  Elle  revêt  les  allures  de  la 
forme  croupale,  seulement  il  y  a  toujours  diphthérie  des 
fosses  nasales.  Quand  les  fausses  membranes  ont  envahi 
le  larynx,  le  croup  s'accompagne  d'accès  de  suffocation 
hors  de  proportion  avec  l'étendue  et  l'épaisseur  des  pla- 
ques diphthéritiques.  Le  spasme  des  muscles  de  la  glotte, 
puis  leur  paralysie,  ensuite  la  paralysie  du  diaphragme 
contribuent  aux  accès  de  suffocation  ;  aussi  ces  derniers 


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CAUSERIES  CLINIQUFS.  63 

persistent  malgTé  la  trachéotomie  et  l'absence  d'obstacle 
laryngé  au  passage  de  l'air.  Souvent  la  malignité  de  la 
maladie  est  annoncée  par  des  paralysies  prématurées, 
soit  du  voile  du  palais  ou  de  la  langue,  soit  des  paupières 
ou  des  muscles  de  la  glotte,  du  diaphragme.  Les  paraly- 
sies, qui  sont  intermittentes,  produisent  des  accès  de 
suffocation  souvent  mortels.  La  convalescence  est  trou- 
blée par  de  graves  paralysies  consécutives.  La  mort  su- 
bite n'est  point  rare  dans  cette  forme,  soit  pendant  la 
maladie,  soit  pendant  la  co  valescence. 

Les  affections  consécutives  et  les  complications  de  la  forme 
ataxique  sont  les  suivantes  :  entérite  chez  les  très-jeunes 
enfants,  pneumonie,  érijsipèle,  albuminurie  (elle  est  d'un 
fâcheux  pronostic),  paralysie  limitée  ou  généralisée.  Li- 
mitée ,  elle  est  bornée  au  pharynx,  produit  la  chute  et 
l'inertie  du  voile  du  palais,  le  nasonnement,  la  dégluti- 
tion difficile  ou  impossible,  la  mort  (par  le  passage  du 
bol  alimentaire  dans  le  larynx).  La  paralysie  généralisée 
débute  par  le  pharynx,  s'accompagne  de  faiblesse  dans 
les  jambes,  de  paralysie  progressive  uvec  amaurose, 
paralysie  de  la  vessie,  du  rectum,  du  diaphragme.  Cette 
dernière  amène  la  mort  par  asphyxie. 

Les  paralysies  diphthéritiques  sont  plus  prononcées 
et  plus  fréquentes  pendant  et  après  la  forme  putride. 
Elles  se  montrent  plus  rarement  dans  les  quatre  autres 
formes  de  la  diphthérie  et  plutôt  après  que  pendant  leur 
évolution,  tandis  qu'elles  se  manifestent  plus  souvent 
pendant  qu'après  la  forme  putride. 

XIX.  Dans  ses  Eléments  de  médecine  pratique  (I,  280), 
le  Dr  Jousset  n'avait  décrit  que  quatre  formes  de  la  diph- 
thérie: la  forme  croupale  qu'il  appelait  forme  commune, 
la  forme  bénigne,  la  forme  putride  et  la  forme  ataxique. 
J'ai  cru  devoir  admettre  cinq  formes  :  la  forme  com- 


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64  MÉDECINE  PRATIQUE. 

raune,  la  forme  bénigne,  la  forme  croupale,  la  forme 
putride  et  la  forme  alaxique.  Gomme  on  l'a  vu  plus 
haut,  je  donne,  avec  la  tradition,  le  nom  de  forme  com- 
mune à  celle  où  la  diphthérie  plus  grave  que  la  forme 
bénigne  et  quelquefois  môme  mortelle,  est  bornée  au 
pharynx. 

J'espère  que  des  observations  ultérieures  porteront 
notre  confrère  à  reconnaître  la  forme  commune  telle  que 
je  la  décris  sommairement  et  à  ne  plus  donner  cette 
qualification  à  la  forme  croupale.  Du  reste,  il  a  déjà 
publié  dans  Y  Art  médical,  XXX,  450,  un  cas  de  diphthé- 
rie qu'il  doit  probablement  considérer  comme  n'appar- 
tenant pas  à  la  forme  bénigne  ni  à  ses  trois  autres 
formes;  or,  elle  représente  la  forme  la  plus  ordinaire, 
la  forme  commune  ,  et  celle-ci  fut  singulièrement 
amendée  et  abrégée  par  le  traitement  :  toutes  choses 
que  va  prouver  le  résumé  suivant  de  cette  observation. 

Observation  . 

Diphthérie,  forme  commune,  guérie  parla  cyanure  de  mercure. 

M"*  L.  B.,  âgée  de  i  ans  et  jouissant  d'une  bonne  santé,  est  at- 
teinte de  diphthérie. 

i«Tjour,  28  mai  180').  Pouls  à  116,  nausées,  enrouement  marqué 
et  pas  de  toux.  Une  plaque  de  fausse  membrane,  très-épaisse  et 
très-adhérente,  recouvre  toute  l'amygdale  gauche  et  même  empiète 
sur  la  luette.  Petite  tache  sur  l'amygdale  droite.  Les  ganglions  sous 
maxillaires  ne  sont  ni  engorgés  ni  douloureux.  Prescription  :  Cya- 
nure de  mercure,  3»  trit.  a  prendre  toutes  les  deux  heures. 

2*  jour,  29  mai.  Pouls  à  116,  chaleur  moins  forte,  malaise  dis- 
paru, la  fausse  membrane  commence  à  jaunir.  Ganglions  sous- 
maxillaires  gonflés  et  douloureux.  L'enfant  mange  des  potages  et 
des  asperges.  Même  prescription. 

3e  jour,  30  mai.  État  général  excellent,  sommeil  et  appétit.  L'en- 
fant se  lève  dans  la  journée  et  s'amuse.  La  fausse  membrane  semble 
plus  mince  à  sa  partie  inférieure,  l'amygdale  est  très-tuniéfiée  et 
l'arrière-gorge  exhale  une  odeur  de  gangrène  très-prononcée.  Les 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  05 

ganglions  sous-maxillaires  sont  toujours  très-en  gorgés,  mais  ils  ne 
sont  plus  douloureux.  Prescription  :  Cyanure  de  mercure  6'  en  inges- 
tion, et  on  touchera  l'amygdale  avec  le  mélange  suivant  : 
Cyanure  de  mercure,  1**..    10  gouttes. 

Eau   75  grammes. 

Alcool   25  — 

Dnns  la  journée,  l'enfant  a  eu  par  la  narine  droite  une  épistaxis 
qu'on  a  arrêtée  avec  du  perchlorurc  de  fer.  Elle  a  mangé  deux  fois 
de  la  viande  et  a  bu  deux  petites  verrées  de  vin  de  Malaga. 

V  jour,  31  mai.  Même  état  général.  La  fausse  membrane  a  moins 
d'odeur,  elle  est  plus  mince,  mais  elle  a  envahi  la  luette.  Les  nan- 
glions  inoins  engorgés.  Prescription  :  Cyanure  de  mercure,  V  trit., 
à  l'intérieur. 

5' jour,  Y*  juin.  Amélioration,  appétit  naturel.  La  fausse  mem- 
brane s'amincit.  L  engorgement  glandulaire  a  disparu.  Cependant  le 
pouls,  qui  était  à  112  et  120,  a  monté  à  130.  Les  fausses  membranes 
ont  envahi  toute  la  luette  et  une  partie  de  l'amygdale  ilroite. 

G'jour,  2  juin.  Amélioration,  pouls  revenu  à  112  et  101.  État 
général  excellent.  Tuméfaction  de  l'amygdale  presque  disparue. 
Fausse  membrane  très-diminuée.  Muqueuse  rouge  et  saignante 
dans  les  parties  où  la  fausse  membrane  a  disparu  ;  aussi  la  gorge, 
indolore  auparavant,  est  devenue  douloureuse.  Prescription  :  Cya- 
nure de  mercure,  2-  trit.,  à  l'intérieur,  et  bain  local  avec 

Cyanure  de  mercure,  lre  trit   0,05 

Eau   75 

Alcool   25 

7e  jour,  3  juin.  Diminution  progressive  de  la  fausse  membrane, 
la  çorge  de  plus  en  plus  rouge  et  douloureuse.  L'enfant  mange 
moins  à  cause  de  la  douleur  de  la  déglutition.  Même  traitement. 

8*  jour,  4  juin.  Luette  entièrement  débarrassée  de  la  fausse  mem- 
brane et  d'un  rouge  de  sang;  des  ilôts  séparés  sur  les  amygdales. 
Gorge  très-douloureuse.  Douleur  dans  l'oreille  en  avalant.  Pres- 
cription :  Belladone  2e  alternée  avec  cyanure  de  mercure  2*.  Garga- 
risme supprimé. 

,  9'  jour,  5  juin.  La  gorge  continue  à  se  nettoyer,  mais  l'enfant  est 
couverte  d'une  forte  éruption  d'urticaire.  Pouls  à  120.  Prescription  : 
Apis  3*  pendant  douze  heures,  puis  cyanure  de  mercure  pendant  douze 
heures. 

10*  jour,  6  juin.  Dots  de  fausses  membranes  dans  la  gorge.  La 

TOMl  XXXI,  —  JANVIER  1870.  5 


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66  MÉDECINE  PRATIQUE. 

douleur  d'oreilles  en  avalant  empêche  l'enfant  de  manger.  Pouls  à 
116.  L'urticaire  n'a  pas  diminué  et  empêche  l'enfant  de  dormir. 
Prescription  :  Urtica  urens  3*  toutes  les  deux  heures. 

I  Ie  jour,  7  juin.  Diminution  de  l'urticaire  et  de  la  fièvre.  L'enfant 
recommence  à  manger.  11  y  a  toujours  quelques  fausses  membranes 
dans  la  gorge.  Même  traitement. 

12'  jour,  8  juin.  Urticaire  très-intense.  L'enfant  mange  peu  à 
cause  de  la  douleur  d'oreille.  Prescription  :  alterner  toutes  les 
heures  cyanure  de  mercure  2e  et  astacus  fluuiatilis  2e  trit. 

13e  jour,  9  juin.  Amélioration  notable  qui  se  continue  les  jours 
suivants.  Appétit  très-bon.  Les  fausses  disparaissent  tout  à  fait, 
seulement  le  15'  jour.  On  supprime  cyanure  de  mercure  et  on  continue 
astacus  flucialilis,  parce  que  l'urticaire  se  prolonge  encore,  tout  en 
diminuant,  pendant  cinq  à  six  jours. 

Trousseau  et  d'autres  auteurs  soutiennent  que  de 
simples  angines  érythémateuses  et  durant  3  à  4  jours 
avec  peu  ou  pas  de  fièvre,  constituent  néanmoins  une 
forme  bénigne  de  la  diphtliérie  :  1°  parce  qu  elles  appa- 
raissent dans  le  cours  d'une  épidémie  de  cette  maladie; 
2°  parce  que,  chez  quelques  malades,  elles  sont  suivies  de 
paralysies  survenant  quelques  jours,  quelques  semaines 
après. 

Comparez  cette  forme  bénigne  de  la  diphthérie  avec 
celle  relatée  dans  l'observation  précédente  où  les  fausses 
membranes  n'ont  complètement  disparu  que  le  15e  jour. 
Ce  cas,  on  le  voit,  n'appartient  ni  à  la  forme  alaxique,  ni 
à  la  forme  putride,  mais  bien  à  la  forme  commune  ainsi 
nommée,  je  le  répète,  parce  que  c'est  la  plus  ordinaire, 
la  plus  fréquente.  Le  cyanure  de  mercure  l'a  améliorée 
rapidement  et  à  plusieurs  reprises,  en  faisant  tomber 
la  fièvre  et  disparaître  les  fausses  membranes  surve- 
nues plusieurs  fois. 

Dr  Gallavardin, 

de  Lyon. 

—  La  tuile  prochainement.  — 


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SÉANCE  DE  LA  SOCIÉTÉ  H0MŒ0PATHIQUB  DE  FRANCE.  67 

REVUE  CLINIQUE  A  LA  SOCIÉTÉ  HOMOEOPATHIQUE. 

—  Suite  et  fin.  — 

J'ai  tenu  à  rapporter  la  suite  de  cette  clinique,  parce 
que  j'ai  commis  une  erreur  de  thermométrie  médicale 
que  j'ai  voulu  rectifier  moi-même. 

«  Je  suis  obligé  de  confesser  une  erreur  bien  autre- 
ment grave  qu'une  erreur  de  diagnostic  sur  un  cas  in- 
dividuel. J'ai  fait  fond  sur  la  température  du  sujet, 
comme  sur  un  élément  de  diagnostic  précis.  Or  je  dois 
reconnaître,  contraint  par  le  témoignage  de  faits  nou- 
veaux, qu'il  faut  remettre  à  l'étude  la  thermométrie 
médicale.  Il  reste  vrai  sans  doute  que  dans  les  affec- 
tions graves  à  marche  rapide,  fièvre  intermittente  per- 
nicieuse, scarlatine,  etc.,  le  thermomètre  monte  vite  à 
une  hauteur  insolite.  Mais,  par  contre,  je  vous  signale 
une  ascension  du  thermomètre  à  40°,  dans  une  affection 
éminemment  bénigne,  dans  une  fièvre  éphémère  au- 
thentique, laquelle  ne  dura  pas  plus  de  vingt-quatre 
heures,  et  dont  je  viens  de  recueillir  l'observation. 

B...,  enfant  de  8  ans,  fut  pris  sans  aucun  prodrome 
d'un  mouvement  fébrile  intense  pour  lequel  je  fus  ap- 
pelé le  25  octobre  au  matin.  Je  trouvai  l'enfant  fort 
abattue,  la  face  rouge,  le  pouls  à  160,  et  la  chaleur, 
prise  dans  l'aisselle,  atteignant  40°  :  du  reste,  aucune 
affection  locale.  Ce  mouvement  fébrile  excessif  avait 
commencé  la  veille  au  soir,  il  se  prolongea  une  partie 
de  la  journée,  puis  cessa  dans  la  soirée,  vingt-qualre 
heures  après  son  début.  Quand  je  revins,  vers  six  heures 
du  soir,  je  trouvai  l'enfant  assis  sur  son  lit,  réclamant 
des  aliments;  le  pouls  battait  encore  à  96,  mais  la  cha- 
leur était  tombée  à  38°.  La  nuit  fut  excellente,  et  le  len- 
demain la  convalescence  était  complète. 


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68  MÉDECINE  PRATIQUE. 

La  clinique  d'aujourd'hui  vous  impose  la  lecture  de 
quatre  cas  de  pneumonie,  et  je  demande  à  en  ajouter  un 
cinquième,  sauf  à  vous  expliquer  ensuite  cette  insistance  : 
Pneumonie  guérie  le  neuvième  jour  de  la  maladie,  le 
cinquième  du  traitement  homœopathique  (bryonia). 
M"**  B...,  âgée  de  50  ans,  sujette,  aux   rhumes,  fut 
prise  le  samedi  23  octobre,  après  avoir  travaillé  beau- 
coup dans  le  ménag-e,  d'un  violent  mouvement  fébrile 
avec  toux  incessante,  dyspnée,  point  decôlé  adroite.  On 
appela  un  médecin  qui  habile  la  même  maison  que  la 
malade.  Le  médecin  diagnostiqua  une  pneumonie,  et 
administra  une  potion  stibiée  à  la  dose  de  40  centigram- 
mes de  tartre  atibié  pour  200  grammes  de  véhicule,  une 
cuillerée  toutes  les  deux  heures.  —  Cette  potion  fatig*ua 
beaucoup  la  malade  sans  diminuer  les  symptômes,  et  je 
fus  appelé  le  27  octobre,  cinquième  jour  de  la  maladie  : 
mouvement  fébrile  intense,  pou!s  à  108, chaleur  à 38°, 3 
malaise,  dyspnée,  toux  fréquente  et  grasse,  expectora- 
tion visqueuse  et  jaunâtre,  douleur  extrêmement  forte 
dans  la  rég-ion  de  la  fosse  sous-épineuse  droite.  Cette 
douleur  s'exaspère  par  la  toux  et  la  respiration;  elle 
n'est  pas  diminuée  depuis  le  début  de  la  maladie,  quoique 
nous  soyons  au  cinquième  jour.  Haie  crépitant  fin,  ég,al 
et  sec,  existant  seulement  dans  l'inspiration,  dans  le  tiers 
supérieur  du  poumon  droit  :  pas  de  soulfle. 

Bryonia,  12e,  quatre  globules,  eau  200  grammes, 
une  cuillerée  toutes  les  deux  heures  ;  tisane  de  fleurs  de 
mauve  coupée  avec  du  lait.  —  28  octobre,  sixième  jour  : 
amélioration  très-notable  du  point  de  côté;  diminution 
du  mouvement  fébrile;  pouls  à  96;  chaleur  à  38°. 
Cependant  la  malade  se  plaint  d'avoir  passé  une  mau- 
vaise nuit.  Même  signe  stéthoscopique,  même  traite- 
ment.— 29  octobre,  septième  jour  :  mieux  plus  marqué, 
douleur  de  côté  presque  nulle,  pouls  à  84,  chaleur  à 


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SEANCE  DE  LA  SOCIETE  HOMOEOPATHIQUB  DE  FRANCE.  69 

37°,2.  Pas  d'auscultation.  Môme  traitement.  —  30  oc- 
tobre, huitième  jour:  état  presque  stationnaire,  le  pouls 
est  à  84,  la  chaleur  à  37°,  le  râle  crépitant  n'existe  plus 
que  dans  la  fosse  sus-épineuse.  Môme  traitement.  — 
31  octobre,  neuvième  jour  :  excellente  nuit,  appétit, 
pouls  à  72,  chaleur  à  36°, 3,  à  peine  quelques  bulles  de 
raie  sous-crépi  tant.  Potages  ;  trois  doses  de  bryon.  par 
jour. 

Maintenant,  pourquoi  ce  luxe  d'observations  de  pneu- 
monie? C'est  que  je  m'obstine  à  poursuivre  un  argu- 
ment, à  savoir  :  que,  si  la  guérison  spontanée,  d'obser- 
vation germanique,  se  produit  par  une  crise  rapide, 
tellement  brusque  et  considérable  qu'on  a  créé  pour  l'ex- 
primer le  mot  de  dé/ervescence,  la  guérison  par  le  trai- 
tement homœopathique  s'opère  d'une  faron  tout  autre, 
par  l'abaissement  lent  et  progressif  du  mouvement  fé- 
brile :  cette  comparaison  fait  tomber  l'objection  qui 
assimile  à  l'expectation  pure  notre  traitement  de  la  pneu- 
monie. 

Si  je  n'ai  pas  à  craindre  de  fatiguer  l'attention  de  la 
Société,  je  demande  à  revenir  encore  sur  la  question  de 
lathermométrie  médicale,  pour  exprimer  de  nouvelles 
réserves  sur  les  conclusions  qu'on  a  prétendu  en  tirer, 
il  me  semble,  prématurément:  le  journal  de  M.  Marchai, 
ta  Tribune  médîciie,  a  surtout  patronné  ces  conclusions. 
M.  Kobert  de  la  Tour  a  donné  cette  formule  :  l'ascen- 
sion du  thermomètre  au-dessus  de  3  °  caractérise  les 
fièvres  et  les  sépare  des  phlegmasies.  Cette  caractéris- 
tique serait  précieuse,  si  elle  était  sûre.  Mais  l'expé- 
rience nous  montre  que,  dans  des  cas  de  méningite 
même  tuberculeuse,  le  thermomètre  s'est  élevé  à  plus 
de  39°,  et  que  dans  la  pneumonie  on  a  pu  noter  des  tem- 
pératures de  39°,  40°,  même  41%  d'après  G.  Sée.  Je  sais 
bien  qu'à  cette  objection  dernière,  ils  ont  fait  une  réponse 


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70  THÉRAPEUTIQUE . 

spécieuse  :  c'est  que  la  pneumonie  dans  ces  cas  n'est 
pas  une  phlegmasie  essentielle,  que  c'est  une  pneumonie 
catarrhale,  que  c'est  enCn  une  fièvre  essentielle.  Que 
M.  Marchai  nie  les  maladies  locales,  je  suis  d'accord 
avec  lui,  par  la  raison  que  toute  maladie  affecte  non  un 
organe  isolé,  mais  l'homme  tout  entier.  Qu'il  appelle 
pneumonie  catarrhale  la  pneumonie  qui  s'accompagne 
de  bronchite;  soit  :  mais  de  là  à  conclure  que  la  pneu- 
monie soit  synonyme  de  grippe,  il  y  a  loin.  Et  je  suis  de 
ceux  qui  distinguent  nettement  de  la  grippe  la  pneu- 
monie franche,  et  même  la  pneumonie  dite  catarrhe.  » 

P.  Jousset. 


THÉRAPEUTIQUE 


LA  GHÉL1  DOINE 

La  Chélidoine(Chelidonium  majus)  ne  serait-elle  point 
quelquefois  indiquée  dans  la  Purpura  hœmorrhagica, 
dans  la  forme  grave  de  l'Ictère  essentiel  et  dans  la  Fiè- 
vre jaune? 

a  Les  anciens  faisaient  un  grand  usage  (de  la  chéli'ioino),  et  c'est  in- 
justement que  nous  la  délaissons,  carello  recèle  des  principes  actifs  qui 
lui  supposent  des  propriétés  non  équivoques,  et  qui  ont  seulement  be- 
soin a  étre  mieux  appréciées  par  une  expérimentation  méthodique.  » 
Mérat  etdeLens,  Dict.  an.  de  mai.  m.,  1830,  11,218. 

Je  rencontrai  naguère  un  cas  d'empoisonnement  par 
la  Ghélidoine,  qui  frappa  mon  attention  et  me  fit  pen- 
ser que  cette  plante  pourrait  être  employée  dans  le  trai- 
tement de  la  purpura  hœmorrhagica  (4),  comme  elle 
l'est  d'ailleurs  dans  celui  du  scorbut. 

1)  Morbus  maculosus  Werlhofii.  morbus  haemorrhagicus  maculosus 
\Verlhofii,Ecchymoma  hecusium  (volunlarium,  spontaneum,  Ploucquet, 
Del.  sy st.  no*.,  1792,  III,  107-108,  bibliographie),  Hematosis,  Petechiano- 
sis,  Péléchianose,  Affection  pélocliiale  chronique  (Piltschall),  Héinacé- 
linose  (Charles  Pierquin ),  Hémorrhagie  pétéchiale  «F.  Hartmann,  Ther. 
nom.  des  mal.  aig.,  II,  231),  Maladie  tachetée  de  Werlhof  (Dict.  des  se. 
rnèd.,  1823,  LX,  p.  M3  des  Appendices  Brachct  cité). 


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LA  CHÉLIDOINE.  71 

«Pendant  le  cours  d'une  épidémie  de  fièvre  typhoïde, 
dit  le  docteur  Comyn  (de  Paschendaele) ,  un  homme 
d'une  trentaine  d'années,  qui  habitait  une  maison  dans 
laquelle  celte  maladie  avait  trouvé  accès,  crut  ne  pou- 
voir mieux  se  préserver  du  fléau  qu'en  se  gorgeant  à 
plusieurs  reprises  de  fortes  décoctions  de  chélidoine.  Il 
en  résulta,  au  bout  de  quelques  jours,  divers  accidents 
<(ui  l'obligèrent,  le  21  mai  1845,  d'aller  consulter 
M.  Comyn.  Celui-ci  crut  reconnaître  les  symptômes 
!  une  fièvre  bilieuse  au  premier  degré,  d'autant  plus 
|ue  c  était  la  maladie  régnante  dans  le  pays. 

«Outre  les  recommandations  hygiéniques  applicables  à 
la  circonstance,  un  purgatif  fut  administré.  Mais,  pen- 
dant que  le  médicament  opérait,  on  appela  le  Dr  Comyn 
pour  une  expuition  incessante  de  sang  qui  s'était  dé- 
clarée inopinément  et  s'accompagnait  d'un  malaise  gé- 
néral. Cette  expuition  n'inquiéta  guère  M.  Comyn,  qui 
la  prit  pour  une  sin  j.le  écrétion  momentanée.  Il  fut  ce- 
pendant frappé  de  voir  dans  toute  l'étendue  de  la  face 
interne  de  la  bouche  une  multitude  de  petites  taches 
noires,  dont  quelques-unes  laissaient  suinter  des  gout- 
telettes de  sang. 

«  M.  Comyn  se  retira  en  recommandant  qu'on  sur- 
veillât bien  le  malade.  Il  comptait,  d'ailleurs,  sur  l'effet 
du  purgatif,  qui  lui  réussissait  bien  contre  l'affection  ré- 
gnante. Mais,  pendant  la  nuit,  on  lui  annonça  de  nou- 
velles et  abondantes  évacuations  sanguines  par  les  selles 
et  les  voies  urinai res.  Les  taches  noires  de  la  bouche  se 
sont  converties  en  véritables  phlyetènes  sanguinolentes, 
de  la  grandeur  de  forts  pois,  lesquelles,  s 'étant  crevées 
par  un  coin  de  leur  base,  donnent  lieu,  non  plus  à  une 
simple  expuition,  mais  à  un  écoulement  hémorrhagique 
permanent.  La  peau  présentait,  dans  toute  son  étendue, 
à  des  intervalles  plus  ou  moins  rapprochés,  de  ces  ta- 


72  THÉRAPEUTIQUE. 

ches  arrondies  sans  élevures,  de  même  aspect  que  celles 
de  la  bouche  avant  leur  vésication.  Le  blanc  des  yeux 
est  parsemé  d'ecchymoses  moins  régulières,  d'une  belle 
couleur  roug^e-vermeil  qui  tranche  sur  le  fond  pâle  de  la 
sclérotique. 

«Le  Dr  Comyn  apprit  bientôt  quelle  était  la  cause  véri- 
table de  cette  étrange  hémorrhagie.  Il  lui  opposa  le  froid 
et  les  acides  sous  diverses  formes.  Malgré  cela,  le  sang 
continua  pendant  trois  jours  à  s  extravaser  par  les  voies 
digestives  et  urinaires.  Le  troisième  jour,  alors  que  le 
malade  était  presque  exsangue,  il  survint  une  épistaxis 
qui  faillit  l'enlever.  Cependant  cette  nouvelle  hémorrha- 
gie  ne  tarda  pas  à  s'arrêter.  Les  selles  sanguinolentes 
se  supprimèrent  ensuite  et  furent  remplacées  par  de  la 
constipation.  L'hématurie  cessa  aussi  petit  à  petit.  Le 
malade  a  parfaitement  guéri  »  (1). 

A  ce  cas  d'intoxication  par  la  Ghélidoine,  j'en  joindrai 
deux  autres  que  j'ai  trouvés  dans  le  même  journal. 

a  Dans  une  observation  d'empoisonnement  de  toute 
une  famille  par  celte  plante  (Phil.  Trans.,  t.  XX,  n°  242), 
en  même  temps  qu'une  purgation  intense  avait  lieu,  il 
survint  des  symptômes  cérébraux  tout  particuliers,  du 
délire,  des  visions,  etc.  »  (2). 

h  Une  femme,  âgée  d'environ  45  ans,  dit  M.  le  Dr  Pol- 
let,  débilitée  par  les  privations  qu'elle  s'imposait  habi  - 
tuellement,  vint  me  consulter.  En  l'absence  d'un  vice 

(I)  Journal  des  connaissances  médico-chirurgicales,  t.  XXVI.  mars  IS47, 
p.  I 18-119. 

{2}  P.,  La  Chélidoinc.  Matière  médicale,  thérapeutique,  toxicologie. 
Ibidem,  t.  XXXII  (lisez  t.  XXX),  janvier  1849,  p.  29:  le  cas  cité  par  P. 
c&t  sans  doute  le  suivant.  J.  Newton,  de  noxia  \i  Glaucii  lutei.  Phil. 
Trans.,  n°  242  (Haller,  Meth.  st.  med.t  1, 196,  et  Bibf.  med.  pr.y  IV,  254  ; 
James  Newton.  An  account  of  some  effects  of  papaver  corniculatum  lu- 
teum.  Philos.  Transact.  Y.  1698,  p.  2d3  (J.-I).  Reuss,  Rep.  romw.,  XI,  3(H, 
au  mot  Chelidonium  envisagé  comme  poison  ;  on  lit  dans  les  Transac- 
tions philosophiques  abrégées,  t.  I,  p.  4W,  que  le  Glaucium,  Chelidonium 
glaucium,  L.,  occasionne  parfois  le  délire,  et  que  tout  semble  alors  être 
changé  en  or  (F.-V.  Mérat,  SuppUm.  au  DicU  un.  de  m.  nu  ou  t.  VII, 


LA  CRÉLIDOINE.  73 

organique  appréciable,  je  n'avais  d'autre  remède  à  lui 
conseiller  qu'une  alimentation  plus  réparatrice.  Quel- 
ques jours  après  on  vint  me  prier  de  me  rendre  immé- 
diatement près  de  la  malade.  J'appris  que  la  malheu- 
reuse femme  était  tombée  sans  connaissance  après  avoir 
fait  de  vains  efïorts  pour  vomir.  Je  ne  pus  la  voir  que 
quelques  heures  après.  Je  la  trouvai  sans  connaissance, 
le  pouls  lent,  excessivement  petit,  la  face  pâle  et  très- 
abattue.  Bref,  malgré  mes  soins,  la  malade  expira. 

«  Je  ne  pouvais  me  rendre  raison  d'un  changement 
aussi  subit.  Les  voisins  m'apprirent  que  peu  d'heures 
avant  que  la  malade  eût  eu  des  nausées,  elle  avait  fait 
usag-e  d  une  grande  quantité  de  chélidoine  en  décoction 
(remèàe  qu'à  la  campag'ne  on  regarde  comme  un  toni- 
que par  excellence). 

«  L'autopsie  ne  put  être  faite  (1).  » 

Mathéo  -  José  -  Bonaventure  Orfîla  ayant  introduit 
12  grammes  d'extrait  aqueux  de  Chélidoine  dans  l'esto- 
mac d'un  petit  chien  et  dans  l'œsophage,  constata  qu'au 
bout  de  quatre  heures  la  sensibilité  et  la  mvotilité  étaient 
à  peu  près  anéanties  :  la  mort  eut  lieu  quelque  temps 
après  (2). 

Considérant  que  la  Chélidoine  produit  chez  l'homme 
sain  les  symptômes  suivants  :  Coloration  jaune  de  la 
peau  au  cou  et  à  la  poitrine.  Mains  colorées  en  jaune. 

—  Coloration  plus  foncée  de  la  peau  pendant  cinq  à  six 
semaines.  Le  blanc  des  yeux  est  d'un  jaune  sale.  Sin- 
gulière coloration  jaune  du  visage  comme  dans  l'ictère. 

-  Hémorrhag*ies.  —  Douleur  à  l'épig^astre  et  dans  l'hy- 
pochondre  droit.  —  Prostration  extrême  des  forces.  — 
Lenteur  du  pouls.  —  Peau  fraîche  :  sensation  de  froid 

(\)  Jour*,  des  eonn.  m.  eh.%  janv.,  1849,  p.  25. 
(i<  Ibidem,  p.  30. 


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^  THéRAPËTTTIQUB. 

général  à  la  peau.  —  Délire.  — Crampes.  —  Paralysies. 
—  Somnolence,  coma.  —  Mort  (1); 

Considérant  ce  que  la  Chélidoine  a  de  commun  avec 
arsenicum  qui  est  indiqué  dans  l'ictère  grave  (2)  ; 

Considérant  que  Dioscoride  (3),  Galien  (4),  Lazare  Ri- 
vière (6),  François  Joël  (6),  J.-G.-W.  Rademacher  (7), 
Antoine  Portai  (8),  O.  Buchmann  (9),  et  P.  Jousset  (10), 
ont  employé  cette  plante  dans  la  jaunisse  ; 

Je  crois  que  la  Chélidoine  peut  prendre  sa  place  dans 
le  traitement  de  la  forme  grave  de  l'ictère  essentiel. 

Toutefois  Chelidonium  majus  ne  me  semblant  pas  of- 

(I)  Jahr,  A*.  Man.  de  m.  hom.,  1843,  I,  197-98  (d'après  S.  Hahnemann); 
0.  Buchmann,  l'Art  mèd.t  t.  XXIV,  p.  9,  H,  14,  20,  43,  93,  t.  XXV, 
p.  106. 

(4)  L'arsenic  produit  «  une  faiblesso  incroyable,  du  délire,  dos  con- 
vulsions do  tout  le  corps,  un  pouls  lent,  inégal,  une  démangeaison  in- 
supportable, la  jaunisse,  un  pissemont  de  sang,  la  para  vsio.  oT.-P.  Caels. 
De  la  cure  des  maladies  produites  par  l'abus  des  minéraux.  Ou v race  traduit 
de  l'original  latin  publié  en  f  78 1  à  Amsterdam  et  à  Bruxelles  Paris.  La- 
grange,  1781.  in-8,  p.  fiS  fiU.  Ko  phosphore,  'acde  arsénieur,  l'antimoine, 
produisent  des  désordres  semblables  à  ceux  de  l'ictère  irrave.  M.  Julien 
Proust,  lin  genre  morbide  JctéYe  grave.  Paris,  A.  Parent.  IN"7,  in-4, 
p.  07.  Th.  do  dort  ,  n'  440;Cfr.  encore  M.  Blachc*,  la  Steato.se.  Paris, 
Leclerc.  ISiiG,  in-8,  p.  Hh. 

'3»  a  La  racine  (de  la  grande  Esclore)  beue  avec  vin  blanc  et  anis, 
prouffiloà  la  jaunisse.»  Les  sir  Itrres  d>  Podacion  Disoseoride  d'Anazar  be 
de  la  Matière  médicale,  translatez  de  latin  en  français  (par  .Martin  Malhoej. 
Lyon.  Thibauit-Payan,  13",,!,  in-'*,  p.  433,  ch.  !  1*3  du  second  livre.  Dans 
1  édition  de  Sprengel.  c'est  le  chap.  211,  vol.  XXV.  p.  331. 

(>)  Antomi  .Musa*  Brasavoli,  In  lec  refertissmus  in  omîtes  Galeni  Ubros. 
Vcnet.,  ap.  JunfiM,  l.VW,  fol.  p.  9(i,  verso. 

(3)  Len  ohmreations  de  médecine  de  L.  R.  qui  contiennent  quatre  centu- 
ries de  Guèrisons  très-remarqnabl-'s,  aurquelle*  on  a  joint  des  Obsercntions 
qui  luynvoient  rte  communiquées  Le  tout  mis  en  François  parM.  F.  Dobozo 
Lyon.  Jean  Certe,  1080,  pot.  in-8,  cent.  I.  obs.  fi,  17,  18,  p.  10.  43. 

('.)  Franç.  Joël,  Pra-t..  1.  V.  s-et.  I.  c.  8.  Op»ra.  Amst.,  1770,  in-4, 
p.   ti8,  etTli.  Uurnet.  The*,  med.,  Von..  1783.  p.  3*1. 

(7  S.-J.  Otterbi)  .r£.  Aperçu  historique  de  la  médecine  contemporaine  de 
l'Allemagne,  Paris,  liiqnouv,  l'So-2.  in-V,  Th.  de  dort  ,  n°  130.  p.  fil  ;  lier, 
de  thèr.  méd.-rhir.,  t.  III.  15  juillet  1K33,  p.  3ii8  ;  Dorvault,  liée,  pharmac. 
de  1833,  Snpalêm.  à  l'Officine  pour  183  5.  Paris,  Labé,  183IÏ,  in-8,  p.  13 
(dans  les  affections  chroniques  du  foie). 

(8  Obt.  sur  la  nature  et  le  traitera,  des  mal.  du  foie.  Paris,  Lonqchamps, 
1813,  in-4,  p.  l()3. 

i9j  Chelidonium  majus,  trid.  par  le  Or  Champeaux.  L'Art  médical, 
janv.  184.7,  p.  19.0.  B.  cite  Cretizhauer  1783  ,  Domin  s.  Schallern.  Ber- 
nhatd.  élève  do  Ra  lernacher.  Ibid.,  dec.  1806,  p.  447-48,  Bénédix  et 
Liebderk.  Ibid.,  t.  XXV,  p.  1H-17. 

(10)  Eléments  de  médecine  pratique  contenant  le  traitement  homœopathique 
de  chaque  maladie.  Paris,  J.-B.  Bailltcreet  pis,  1868,  in-8,  t.  II,  p.  411. 


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LA  CHELIDOINE. 


75 


frir  le  tableau  complet  des  symptômes  cérébraux  de  l'ic- 
tère malin  et  particulièrement  les  convulsions  éclamp- 
tiformes,  je  présume  que  cette  plante  serait  spécia- 
lement indiquée  dans  la  variété  hémorrhagique  de 
la  forme  grave  de  l'ictère  essentiel ,  tout  en  l'étant 
aussi  dans  la  variété  dite  typhoïde  et  dans  la  variété 
mixte  (1). 

De  même  que  le  phosphore,  dont  j'ai  cherché  à  dé- 
montrer l'indication  dans  l'ictère  malin  (2),  a  été  em- 
ployé (3)  et  préconisé  dans  la  fièvre  jaune,  de  même  la 
Chélidoine  me  paraît  indiquée  dans  cette  dernière  ma- 
ladie. Julien  Paumiers  (Palmarius),  auteur  d'un  Traité 
des  maladies  contagieuses  qui  a  été  publié  en  1578,  faisait 

(I)  Sur  ces  trois  variétés  Cfr.  P.  Blaehez,  De  l'Ictère  grave.  Thèse. 
Conc.  de  l'agrégat.  Paris,  Walder,  1860,  in-4,  p.  20. 

i-1  Le  phosphore  à  dose  infinitésimale  ne  sernit-tl  point  quelquefois  indique 
dans  la  forme  grâce  de  l'Ictère  essentiel?  —  Recherches  historique*  ef  rlini- 
qutf.  —  Et  amen  de  la  part  que  les  médecins  français  ont  prise  à  rétablisse- 
ment d< •cette  maladie  Paris,  J.-B.  Bail  ière  et  fils,  1861,  in-8,  64  p.  An.  : 
Hftue  international  de  la  doctrine  homœnpalhique.  Bruxelles,  Tircher,  in-8, 
Vie  an.,  15  juillet  186!,  p.  15-16;  15  juin  18>2,  p.  18i)-ll»0,  VII'  an., 
1^»  jollet  18fi2,  p.  I<>  (par  M.  le  Dr  Jorez);  M  Gallavardin,  les  Paralysies 
jthosphoriques.  Paris,  J.-B.  Baitlière  et  fils,  1865,  in-8,  p.  82.  —  Me  sera- 
l-il  jori!  k  do  eiler  la  phrase  suivante  :  «  Car,  de  ce  qu'un  médicament 
P'oduiHelle  affection,  il  n'est  nullement  démontré  qu'il  la  guérisse,  eten  pre- 
nant le  phosphore  comme  exemple,  je  voudrais  connaître  le  médecin  qui 
oserait  l'appliquer  comme  moyen  curutif  dans  l'ictère  grave,  sur  cette 
*eule  donnée  qu«»  T'empoisonnement  par  le  phosphore  donne  lieu  à  des 
symplûmos  très-analogues  à  ceux  que  l'on  observe  «Jans  cette  dernière 
maladie.»  M.  G.  Dujardin-Beaumelz.  Bull,  gèn.de  ihèr.  m.etchir  ,  15  mars 
lîftH.  p.  ii05. 

(3)  M.  le  Dr  Ad.  Cartier.  La  fièvre  jaune  de  la  Nouvelle-Orléans  :  Mé- 
moire envoyé  a  .MM.  les  Rédacteurs  de  l'Art  méd'ml,  t.  IX,  février  I8,VJ, 
|i.  106-107.  M.  le  Dr  Charles  Ozariam  m'écrivait  a  la  date  du  7  février 
Ml  :  «  Si  le  phosphore  ressemble  à  l'ictère  grave,  il  ressemble  bien 
ptus  encore  à  la  fièvre  jaune.  Ne  pourrait-on  pas  encore  l'employer  pour 
la  combattre?  Et  si  les  doses  homœopaihiqucs  sont  alors  insuffisantes, 
c»'  que  je  crois,  ne  pourrait-on  pas  le  donner  à  fortes  doses,  sous  forme 
de  phosphore  rouge  amorpi  e,  qui  est  sans  danger,  comme  je  l'ai  vérilié 
plusieurs  fois.  » 

Même  proposition  thérapeutique,  dans  une  lettre  du  7  juillet  1861. 
En  février  1864,  le  D'Ch.  Ozanam  a  formulé  sa  proposition  dans  l'Art 
*fd.,  t  XIX,  p.  lWï-l4i)  •  Empoisonnement  par  lo  phosphore.  Mort  le 
septième  jour.  — Indication  du  phosphore  dans  le  tiaitement  de  la  lièvre 
jaune.  De  son  côté  le  Dr  G.-H.-G.  Jahr  a  dit,  en  18!i2,  quo  phosphorus 
pouvait  être  indiqué  dans  la  troisième  période  de  la  fièvre  jaune  (Bulle- 
tin it  Cart  de  guérir  par  des  remèdes  spécifiques  rationnellement  indiqués. 
i"  vol.,  février  et  mars  1862,  p.  344). 


76  THÉRAPEUTIQUE. 

grand  cas  de  la  racine  de  cette  plante  dans  la  fièvre 
jaune  (1). 

Doses.  —  Je  conseillerais  d'abord  les  basses  dilutions, 
la  teinture  mère  ensuite.  Quand  il  y  aurait  lieu  à  don- 
ner du  vin  dans  la  purpura  hœmorrhag'ica,  il  serait  bou 
de  prescrire  le  Chelidonium  majus  en  teinture  mère,  vu 
que  le  vin  contrarie  les  effets  de  ce  médicament. 

Note  additionnelle.  —  Thomas  Bateman,  parlant  d'un 
cas  de  purpura  hœmorrhag'ica,  qui  s'était  terminé  par 
la  mort,  remarque  que  cette  maladie  survint  pendant 
une  salivation  très-forte,  qui  avait  été  produite  par 
quelques  grains  de  mercure  combinés  avec  de  l'opium,  et 
administrés  pour  la  guerison  d'un  rhumatisme  (2  .  Ce 
fait  ne  permettrait-il  |>as  de  conjecturer  que  Mcrcarius 
pourrait  <A,lre  employé  dans  la  purpura  hœmorrhagica 
comme  il  l'est  du  reste  dans  le  scorbut? 

La  racine  de  grande  Chélidoine  mêlée  à  du  vin  blanc 
et  de  l'anis  a  été  employée  par  quelques-uns  dans  la 
jaunisse  due  h  l'cbslruclion  du  foie  (3). 

La  racine  de  grande  Chélidoine  bue  avec  du  vin  et 
l'anis  guérit  ceux  qui  sont  en  proie  à  la  jaunisse  pro- 
duite par  l'obstruction  (4). 

Charles  Ravel. 

Cavaillon,  15  décembre  1869. 

(I)  P.,  dans  Journ.  des  eonn.  méd. -chir.,  janvier  18'»H,  p.  20. 

(2,  Abrège  pratique  des  Maladies  de  la  peau,  elas&t  es  d  après  le  système  no- 
$olo<nque  du  D'  Wtllan  ;  par  T.  B.,  tradutt  de  rawjlais  sur  la  ini>{itiftne 
et  dernière  édition,  par  Guillaume  Bertrand.  Pans,  Plancher,  J.-B.  Uail- 
lière,  1820,  in  8,  p.  151.  Ordre  3,  cl).  5. 

Ç\)  Aétius  d'Amide,  Tetrabibl.,  i,  serm.  i,  col.  58,  C. 

('•)  Paul  d'É-me,  De  te  med.,  I.  vu,  c.  3.  col.  ii'*i>,  C,  dans  i'édition 
qu'Henri  Eslienne  a  publiée  des  Media*  artis  principes. 


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A  NOS  LECTEURS. 


77 


B  U  L  L  E  T I  i\ 


A  NOS  LECTEURS. 

Quinze  ans  se  sont  écoulés  depuis  la  création  de  ce  journal,  et  sept 
demi  depuis  la  mort  de  son  fondateur.  L  Art  médical  compte  déjà 
trente  volumes. 

En  commençant  le  trente-unième,  quil  nous  soit  permis  de  jeter 
un  regard  eu  arrière  pI  de  voir  si  nous  sommes  restés  tidèlcs  à  la 
pensée  qui  uous  a  eréés. 

Gardiens  de  la  tradition  et  défenseurs  dévoués  de  tout  véritable 
propres,  uous  avons  constamment  suivi  la  voie  que  suit  la  vérité 
inediraie  entre  les  deux  erreurs  collatérales  :  l'esprit  de  routine  et 
i'esprit  de  secte  ;  l'une  qui,  de  nos  jours,  sous  un  faux  semblant  de 
nouveauté  et  de  rénovation  scientitique,  aboutit  à  l'ornière  du  phy- 
ïiologisine  et  du  microscope  à  outrance;  l'autre,  qui  se  parque  et 
-etoutfe  volontairement  dans  l'idée  d'un  seul  homme  et  dans  une 
méthode  exclusive. 

Toutes  les  parties  de  la  médecine,  depuis  les  problèmes  les  plus 
•taves  de  lu  philosophie  médicale  jusqu'aux  plus  minutieux  détails 
•le  la  médecine  pratique,  nous  les  avon?  étudiées  et  nous  les  étu- 
dions chaque  jour,  tantôt  sur  un  point,  tantôt  sur  un  autre,  à  la  lu- 
mière des  grandes  lois  que  notre  École  a  proclamées  et  qui  ont  pour 
fondement  :  la  tradition,  la  raison  et  l'expérience. 

Fidèles  disciples  de  la  vraie  philosophie  chrétienne,  nous  répu- 
dions le  vague  spiritualisme  aussi  bien  que  ie  matérialisme  audacieux 
de  deux  sectes,  en  apparence  opposées,  mais  se  touchant  par  les 
extrêmes;  et  nous  n'acceptons  pour  base  de  la  physiologie  générale, 
que  la  doctrine  féconde  de  l'unité  substantielle  de  l'homme,  du  com- 
pose humain. 

Eu  pathologie,  Yessentialité  des  maladies  nous  éclaire  d'une  lumière 
sûre  et  uous  garde  à  la  fois  de  la  confusion  des  états  morbides, 
ccued  de  la  médecine,  à  toutes  les  époques  de  son  histoire ,  et  des 
distinctions  arbitraires  entre  des  atlections  de  même  nature,  autre 
écueil  non  moins  funeste.  L'esse ntiali te,  la  fixité  des  espèces  mor- 
bides uous  a  permis  et  nous  permet  avec  certitude  de  résoudre  les 
problèmes  nosologiques  qui  ne  trouvent  ailleurs  aucuue  solution, 
tille  doune  une  base  certaine  a  la  nosographie  ;  elle  permet  de  la 
perfectionner  de  plus  en  plus  à  l'aide  des  formes  naturelles  que  com- 
prend chaque  espèce;  elle  seule  établit  un  rapport  légitime  entre  la 


78 


BULLETIN. 


physiologie  et  la  pathologie  et  rend  aussi  exacte,  aussi  rigoureuse 
que  possible,  la  médecine  pratique. 

En  étiologie,  la  doctrine  des  prédispositions  définies  nous  a  rendu 
et  nous  rend  tous  les  jours  d'immenses  services.  Elle  nous  tient  à 
égale  distance  de  ces  deux  faux  systèmes,  dont  l'un  cherche  dans  les 
altérations  organiques  du  corps,  dont  l'autre  prétend  trouver  dans  les 
modifications  des  milieux,  la  cause  exclusive  de  toutes  les  maladies. 
Les  rapports  de  l'homme  avec  le  monde  extérieur,  pas  plus  que  les 
lésions  élémentaires  des  tissus,  ne  donnent  la  clef  de  la  souffrance, 
de  la  maladie  et  de  la  mort,  qui  sont  soumises  à  des  modes  définis. 

La  loi  de  la  subordination,  de  la  dépendance  d>'s  symptômes  et  des  lé- 
sions aux  mala  iics  dont  ils  ne  sont  que  l'effet  et  le  signe,  nous  per- 
met de  chercher,  de  trouver  dans  des  phénomènes  morbides,  com- 
muns à  plusieurs  maladies,  des  modifications  spéciales  propres  a 
faire  reconnaître  chacune  d'elles.  Elle  nous  donne  une  séméiotique 
également  éloignée  de  t  elle  des  anciens,  qui,  à  force  de  s'appliquer 
a  tout,  ne  s'appliquait  nettement  à  rien,  et  du  diagnostic  physique, 
anatoraiqne  des  modernes,  qui,  n  allant  pas  au  delà  de  la  lésion,  ne 
résout  par  conséquent  qu'une  faible  partie  du  pioblème. 

Cette  loi  met  enlin  l'anatomie  pathologique  à  sa  place,  place  d'une 
haute  importance,  mais  non  exclusive  ;  elle  n'y  réduit  pas  toute  la 
pathologie,  comme  on  tend  trop  à  le  faire  aujourd'hui;  mais  elle  ne 
l'amoindrit  pas  non  plus  outre  mesure,  comme  on  l  a  fait  trop  long- 
temps. 

Enfin,  la  médecine  des  indications  positives  et  la  thérapeutique  ex- 
périmrtnta'e,  nous  sauve  du  scepticisme  ou  de  la  fantaisie,  double 
aboutis3ant  du  chaos  de  l'enseignement  officiel,  comme  aussi  du 
fanatisme  des  rares  et  trop  fidèles  disciples  du  pur  hahnemannisme. 

Telle  est  la  ligne  que  nous  avons  suivie  et  que  nous  continuerons 
à  suivre  entre  les  erreurs  contemporaines.  Nous  y  sommes  encou- 
ragés par  la  bienveillance  de  nos  lecteurs,  par  de  nombreuses  et 
importantes  adhésions,  par  le  sentiment  et  l'expérience  de  la  recti- 
tude de  nos  doctrines,  par  une  influence  incontestable  sur  les  idées 
d'un  grand  nombre  de  médecins,  enfin  par  le  spectacle  des  égare- 
ments de  nos  adversaires. 

Que  nos  amis,  que  nos  bienveillants  lecteurs  continuent  à  nous 
soutenir  de  leurs  sympathies,  de  leur  concours  généreux,  de  leurs 
travaux,  et,  avec  l'aide  de  Dieu,  nous  poursuivrons  encore  long- 
temps, pour  la  léguer  à  d'autres,  cette  œuvre  qui,  malgré  ses  imper- 
fections, a,  malgré  de  grands  obstacles,  malgré  la  mort  et  les  vides 
que  rien  n'a  pu  combler,  a  su  vivre,  se  fonder  solidement  et  ne  se 
sent  pas  près  de  mourir.  Alph.  Milcent. 


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NECROLOGIE 


19 


(Bxtrait  do  Bulletin  de  la  Société  homœopatniqu'.) 

Arnaud  (Jean -Baptiste -Martin)  naquit  en  1801,  à  Maraussan 
;Hérault),  iit  ses  études  au  collège  de  Clermont,  obtint  de  brillants 
succès,  et  put  être  reçu  bachelier  ès  lettres  le  18  août  1821  a  l'Age 
de  16  ans.  Ces  premiers  travaux  avaient  fatigué  cette  jeune  consti- 
tution, et  il  fut  obligé  de  se  reposer  sous  le  toit  paternel  pour  re- 
mettre sa  santé.  Nous  le  retrouvons  subissant  avec  succès  son  exa- 
men «lu  baccalauréat  ès  sciences,  le  24  mars  182r>.  Ce  fut  à  l'école 
de  Montpellier  qu'il  étudia  la  médecine  et  obtint  le  diplôme  de 
docteur,  le  30  août  1830. 

Des  cette  époque,  on  vit  chez  le  jeune  étudiant  se  montrer  cet 
amour  de  la  conciliation  et  de  la  justice;  à  dilFérentes  reprises,  il 
fut  choisi  par  ses  con  lisciples  pour  être  le  médiateur  dans  ces  divi- 
sions intestines  qui  animaient  la  jeunesse  de  cette  époque  contre  le 
corps  enseignant.  Tous  ceux  qui  l'ont  connu  ont  retrouvé  dans 
l'homme  mûr  cette  grande  bonté,  cette  douceur  et  cette  mansuétude 
qui  n'excluait  pas  une  grande  fermeté. 

Pendant  cette  période  où  les  soins  de  la  clientèle  laissent  au  jeune 
docteur  de  si  grands  loisirs,  nous  trouvons  Arnaud  cherchant  dans 
les  prédications  des  saints-simoniens,  puis  des  phalanstériens  la 
solu'ion  des  vastes  questions  d'économie  sociale.  Son  cœur  géné- 
reux  lui  frisait  oublier  ses  propres  intérêts  pour  travailler  au  sou- 
lagement des  prolétaires.  Conséquent  comme  un  homme  de  cœur, 
il  ne  s'en  tiiit  point  aux  théories,  mais  il  p;»ya  de  sa  personne. 
Aussi,  quand  il  crut  devoir  revenir  à  la  pratique  de  la  médecine, 
il  n'y  rapporta  pas  la  fortune  comme  tant  d'autres  ;  mais  il  con- 
serva ce  qu'il  prisait  beaucoup  plus  :  l'estime  de  tous  ceux  qui 
avaient  partagé  ses  recherches. 

Dès  l'apparition  de  l'homœopathie  à  Lyon,  il  s'en  occupa,  porté 
par  cet  esprit  d'investigation  qui  faisait  le  fond  de  son  caractère  ; 
ami  du  bien, Une  craignit  pas  le  ridicule  que  les  liommes  pratiques  dé- 
versent pour  se  venger  sur  ceux  que  l'amour  de  leurs  semblables 
anime. 

Il  fit  partie  des  premières  sociétés  médicales  homœopathiques,  et 
nous  trouvons  dansle  volume  de  1 845  «lu  Bulletin  de  la  Société  de  méde- 
cine komœopathique  une  proposition  qu'il  iit  àcette  société.  Nous  allons 
nous  y  arrêter  quelques  instants,  car,  à  notre  avis,  elle  peint  par- 
faitement celui  qui  fut  notre  ami. 

Il  propose  à  ses  confrères  un  plan  d'études  pour  la  théra- 
peutique et  la  matière  médicale  ;  mais  il  commence  par  affirmer  sa 
lAerU  scientifique  et  son  droit  d'examen,... 

Il  développe  sa  proposition,  montre  les  avantages  qu'eu  recueil- 
lerait la  doctrine,  pais  arrive  à  établir  son  credo  en  médecine  par  la 


80 


NÉCROLOGIE. 


critique  île  riiomœopathie  telle  que  voulaient  la  maintenir  les  par- 
tisans du  statu  quo.  Il  rencontre  des  oppositions  au  sein  de  la 
réunion,  mais  l'hommage  que  l'on  doit  rendre  à  ces  premiers 
disciples,  c'est  qu'ils  furent  pleins  de  tolérance  pour  des  idées 
qu'ils  ne  pouvaient  point  partager  intégralement.  Chacun  vint  ap- 
porter ses  objections  et  discuter  ce  premier  aperçu  d'un  travail  sur 
les  maladies  de  la  peau,  travail  que  notre  confrère  continua  seul. 

La  suite  du  recueil  nous  fournit  de  nombreuses  études  et  dos  ma- 
ladi  s  de  la  peau  et  des  médicaments,  qui  sont  les  mieux  indiqués. 
Il  est  regrettable  que  ces  divers  articles  n'aient  point  été  réunis  en 
un  seul  faisceau,  car  il  serait  plus  facile  de  consulter  ces  recherches 
si  précieuses  pour  un  ordre  de  main  lies  si  diflieiles  à  guérir.  Ce  qui 
pouvait  être  regardé  comme  un  acte  t  méraire  n'empêcha  pas  la 
société  de  nommer  pour  son  secrétaire  général  celui  qui  avait  osé 
porter  une  main  téméraire  sur  l'arche  sainte.  Arnaud  consacra  ses 
veilles  à  ses  nouvelles  fonctions  et  fut  pendant  de  longues  années 
un  des  membres  les  plus  laborieux  de  cette  société. 

Nous  nous  contenterons  de  renvoyer  ceux  qui  voudront  mieux 
l'apprécier  à  la  collection  du  BulLtin  de  la  Sociite  homœopalhique ... 

La  maladie  et  la  fatigue  tinrent  pendant  de  longues  années  Ar- 
naud éloigné  «le  nos  séances  ;  malgré  nos  vives  instauces,  il  oe 
pouvait  prendre  place  dans  ce  milieu  où  la  mort  avait  fait  tant  de 
vides,  où  il  ne  retrouvait  plus  ce  même  esprit  de  tolérance  seien- 
tiiique  dont  avait  besoin  son  esprit  si  lucide. 

Enlin,  il  y  a  quelques  années,  cédant  à  nos  vives  sollicitations, 
nous  le  vimes  revenir  parmi  nous;  il  semblait  qu'il  voulût  nous 
donner  ses  derniers  jours.... 

La  Société,  heureuse  de  le  retrouver,  s'empressa  de  le  nommer 
un  de  ses  vices-présidents,  iière  de  penser  qu'un  jour  il  dirigerait 
ses  travaux,  voulant  payer  un  tribut  de  reconnaissance  au  vaillant 
lutteur  que  rien  n'avait  pu  abattre. 

Il  nous  a  été  enlevé  après  trois  jours  de  maladie  

L.  Molin. 


Nouvelles.  —  Le  D*  Jousset  commencera  un  cours  de  clinique 
homœopathique  le  mardi  10  janvier,  à  8  heures  du  soir,  et  le  conti- 
nuera le  mardi  et  le  jeudi  de  chaque  semaine,  41,  rue  de  Verneuil. 


Le  Rédacteur  en  chef,  Julks  Davasse. 


Pnrîi.  —  Imprimerie  k.  Parent,  rue  Monsieur-lr-Pnoce,  3t. 


L'ART  MÉDICAL 

FÉVRIER  1870 


HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE 


ÉTUDE  SURjNOS  TRADITIONS. 
—  suite  — 

De  la  doctrine  pathologique  du  xii"  au  xvi*  siècle.  — 
II  faut  nous  arrêter  sur  un  point  capital  de  notre  his- 
toire, touchant  la  discussion  doctrinale  qui  se  manifesta 
vers  le  xme  siècle  et  eut  un  grand  retentissement  dans 
les  siècles  suivants. 

Nous  avons  indiqué  la  querelle  qui  s'éleva  entre 
deux  écoles  qui  apparurent  vers  le  xme  siècle  :  l'école 
qui  tenait  pour  l'antiquité  et  celle  qui  tenait  pour  les 
Arabes.  Nos  historiens  qui  s'en  sont  occupés  l'ont  telle- 
ment mal  jug^e  qu'elle  est  demeurée  une  obscurité  his- 
torique. J'espère  la  faire  voir  dans  tout  son  jour  et  en 
montrer  l'importance. 

Un  premier  démêlé  tout  théologique  au  premier 
abord  s'éleva  dès  la  fin  du  xne  et  le  commencement  du 
xin*  siècle,  entre  nos  théologiens  et  les  philosophes  qui 
nous  apportèrent  les  commentateurs  arabiques  d'Aris- 
tote.  Michel  Scott,  l'introducteur  d'Averrhoës  (Ibn- 
Hoschd),  et  les  autres  averrhoïstes  ou  arabisants,  soute- 
naient tout  à  la  fois  le  panthéisme  et  le  manichéisme; 
et  ce  sont  ceux  qui  formulaient  les  théories  que  les  Albi- 

TOME  XXXI.  —  FEVRIER  1870.  6 


82  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

geois  mettaient  en  pratique  (1).  Ils  admettaient  deux 
âmes  dans  l'homme,  et  en  même  temps  deux  principes 
dans  le  monde ,  le  principe  du  bien  et  le  principe  du 
mal.  On  comprend  que  nos  théologiens  ne  durent  pas 
être  insensibles  à  de  pareilles  doctrines  et  on  entrevoit 
la  vive  discussion  doctrinale  qui  dut  s'ensuivre. 

Mais,  il  est  bien  clair  que  cette  discussion  ne  pouvait 
demeurer  sur  le  terrain  purement  théologique  :  elle 
touchait  de  trop  près  aux  intérêts  et  aux  questions  capi- 
tales de  notre  science  pour  que  les  médecins  n'y  prissent 
point  part.  Il  s'agissait  poux  eux  de  savoir  si  la  maladie 
a  une  existence  propre,  une  réalité  substantielle  ou  non. 
•  Les  livres  des  médecins  arabes  nous  apportaient  la  des- 
cription des  maladies  nouvelles,  la  rougeole,  la  variole, 
qu'ils  attribuaient  à  des  principes  particuliers,  et  le  fond 
de  leur  thérapeutique  était  moins  dans  les  sirops,  les 
alcoolats  et  les  remèdes  qu'ils  employaient,  que  dans 
leurs  tendances  spécificiennes  qui  consistaient  à  traiter 
la  maladie  comme  un  être  morbide  habitant  en  nous. 
Joignons-y  leurs  doctrines  astrologiques  qui  faisaient 
intervenir  des  influences  astrales,  sortes  de  principes 
malfaisants,  et  nous  comprendrons  toute  la  portée  que 
pouvait  avoir  en  médecine  ce  qu'on  nommait  les  doc- 
trines des  Arabes.  C'était  une  préparation  de  la  Kabbale 
et  du  Paracelsisme,  deux  modes  du  spécificisme  dont 
nous  verrons  l'éclosion  au  xv°  siècle. 

Nos  médecins,  liés  avec  les  théologiens,  théologiens 
eux-mêmes  pour  la  plupart,  faisaient  appel  aux  doc- 
trines catholiques  sur  la  nature  du  mal  ;  et  de  là  la  lutte. 

Voyons  donc  d'abord  cette  doctrine  du  mal  telle  que 
les  Pères  et  nos  grands  docteurs  la  soutenaient,  et  quelle 
pouvait  être  son  influence  en  médecine. 

(4)  J'ai  étudié  celte  question  dans  mon  travail  sur  Averriwës  et  l'aver- 
rlwïme,  inséré  dans  la  Revue  du  Monde  catholique.  1864. 


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ETUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  83 

Saint  Denys  l'Aréopagite  est  de  tous  les  auteurs  le 
plus  clair  et  le  plus  complet  sur  cette  question;  non- 
seulement  il  a  sondé  la  nature  du  mal  en  g-énéral,  il  a 
aussi  indiqué  ce  qu'est  le  mal  dans  la  maladie.  Ne  pou- 
vant citer  tout  le  chapitre  qui  s'y  rapporte,  et  que  j'en- 
gage à  consulter,  je  citerai  au  moins  les  principaux 
passages  qui  nous  regardent.  Il  dit  :  «  Tous  les  êtres 
procèdent  du  bien.  De  plus,  le  bien  dépasse  infiniment 
tous  les  êtres  :  d'où  il  suit  qu'en  une  certaine  manière 
le  non- être  a  place  en  lui.  Mais  le  mal  n'est  ni  être,  car 
alors  il  ne  serait  pas  absolument  le  mal,  ni  non-être, 
car  cette  appellation  transcendantale  ne  convient  qu'à 
ce  qui  est  dans  le  souverain  bien  d  une  manière  surémi- 
nente.  Le  bien  s'étend  donc  loin  par  delà  tout  être  et 
tout  non-être  ;  et  le  mal  ne  sera  ni  être,  ni  non-être, 
mais  quelque  chose  de  plus  étranger  au  bien  que  le 
non-être,  quelque  chose  qui  n'arrive  pas  même  à  la 
hauteur  du  non-être  Le  mal,  en  tant  que  mal,  n'en- 
gendre ni  ne  produit  aucun  être  et  tend,  au  contraire, 
à  vicier  et  à  corrompre  la  nature  des  choses.  Si  l'on  dit 
qu'il  est  fécond  en  ce  que,  par  l'altération  d'une  sub- 
stance, il  donne  l'être  à  une  autre  substance,  nous  répli- 
querons, avec  vérité,  qu'autant  qu'il  est  corruption  et 
mal,  il  ne  produit  pas,  mais  plutôt  dégrade  et  ruine,  et 
que  le  bien  seul  est  un  principe  d'existence.  Ainsi,  de 
lui-même,  le  mal  est  destructeur,  et  il  n'est  fécond  que 
par  le  bien  :  tellement  que,  de  sa  nature,  il  n'est  rien  ni 
auteur  de  rien,  et  qu'il  doit  à  son  mélange  avec  le  bien, 
et  d'exister,  et  d'avoir  et  de  produire  quelque  chose  de 
bon.  De  plus,  ce  n'est  point  sous  le  même  rapport 
qu'une  chose  sera  bonne  et  mauvaise  à  la  fois;  la  faculté 
de  produire  et  d'altérer  ne  sera  pas  identique,  et  ne 
s'exercera  pas  indépendamment  du  sujet  où  elle  réside. 
Le  mal  absolu  n'a  donc  ni  être,  ni  bonté,  ni  fécondité. 


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81  HISTOIRE  DE  LA.  MEDECINE. 

et  n'engendre  aucun  être,  ne  produit  aucun  bien  

Si  donc,  par  la  corruption  d'une  substance,  une  autre 
substance  se  produit,  il  ne  faut  pas  l'attribuer  à  la  vertu 
du  mal,  mais  à  la  présence  d'un  bien  incomplet.  De 
même  la  maladie  est  une  altération  partielle  de  l'orga- 
nisation; je  dis  partielle,  et  non  pas  totale,  parce 
qu'alors  la  maladie  elle-même  aurait  disparu.  Mais  l'or- 
ganisme subsiste;  et  c'est  l'anomalie  dont  il  est  atteint 
qui  constitue  la  maladie.  Ainsi  ce  qui  ne  participe  nulle- 
ment au  bien  n'a  de  subsistance  réelle  ni  en  soi,  ni  dans 
les  êtres  


On  ne  doit  pas  attribuer  au  mal  une  existence  propre  et 
indépendante,  ni  un  principe  où  il  trouve  sa  raison 
d'être.  Oui,  il  revêt  une  couleur  plausible  aux  yeux  de 
quiconque  s'y  abandonne,  parce  qu'on  recbercbelebien; 
mais  au  fond,  il  n'est  que  désordre,  parce  que  l'on  estime 
bon  ce  qui  n'est  pas  véritablement  tel.  C4ar  autre  est 
l'intention  adoptée,  autre  le  fait  accompli.  Çonc  le  mal 
fausse  la  route,  n'atteint  pas  le  but,  trahit  la  nature, 
n'a  ni  cause  ni  principe  formels,  est  en  dehors  de  la  fin, 
des  prévisions,  des  désirs,  et  ne  subsiste  réellement  pas. 
Par  suite,  il  est  une  privation,  une  défectuosité,  un  dé- 
règlement, une  erreur,  une  illusion  ;  il  est  sans  beauté, 
sans  vie,  sans  intelligence,  sans  raison,  sans  perfection, 
sans  fixité,  sans  cause,  sans  manière  d'être  déterminée. 
Il  est  infécond,  inerte,  impuissant,  désordonné,  plein 
de  contradiction,  d'incertitude,  de  ténèbre;  il  n'a  pas  de 
substance  et  n'est  absolument  rien  de  ce  qui  existe. 
Comment  donc  le  mal  est-il  quelque  puissance?  Par  son 
mélange  avec  le  bien;  car  ce  qui  est  entièrement  dénué 
de  bien  n'est  rien  et  ne  peut  rien  

Le  mal  donc  n'est  point  un  être  et  ne  subsiste  dans  au- 


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éTUDK  SUR  NOS  TRADITIONS.  85 

cun  être.  Le  mal,  en  tant  que  mal,  n'est  nulle  part,  et 
quand  il  se  produit,  ce  n'est  pas  comme  résultat  d'une 
force,  mais  d'une  infirmité.  »  (Des  Noms  divins,  chap.4, 
Œuvres  de  saint  Denys,  traduction  de  M&r  Darboy.) 

Cette  doctrine,  qui  est  la  doctrine  catholique,  se  re- 
trouve tout  entière  dans  saint  Thomas ,  qui  s'appuie 
des  déductions  de  saint  Denys.  «  Utrum  malum  sil  natura 

•  guœdam? — Respondeo  dicendum  quod  unum  opposi- 
«  tum  cog-noscitur  per  alterum,  sicut  per  lucem  tene- 

•  brœ.  Undè  etquid  sit  malum,  oportet  ex  ratione  boni 

•  accipere.  —  Diximus  autem  supra,  quod  bonum  est 
«  orane  id  quod  est  appetibile;  et  sic,  cum  omnis  natura 
«  appetat  suum  esse  et  suam  perfectionem,  necesse  est 
«  dicerequodet  perfectio  cujuscumquenaturœrationem 

•  habeat  bonitatis.  Unde  non  potest  esse  quod  malum 

•  signifiée t  quoddam  esse,  autquamdam  formam,  seu 

■  naturam,  relinquitur  ergo  quod  nomine  mali  signifi- 
«  cetur  qusedam  absentia  boni.  —  Et  pro  tanto  dicitur 

■  quod  malum  neque  est  existens,  nec  bonum,  quia 

•  cum  ens,  inquantum  hujusmodi,  sit  bonum,  eadem 
«  est  remolio  utrorumque.  —  Ad  primum  ergt)  dicen- 
«  dum  quod  Aristoteles  ibi  Ioquitur  secundum  opinionem 
«  Pythagoricorum,  qui  malum  existimabant  esse  natu- 
«  ram  quamdam  ;  et  ideo  ponebant  bonum  et  malum 

•  gênera.  Consuevit  enim  Aristoteles,  et  prœcipue  in  lo- 
«  gicalibus,  ponere  exempla  quse  probabilia  erant  suo 
«  tempore  secundum  opinionem  aliquorum  philosopho- 
«  rum.  Vel  dicendum  sicut  dicit  philosophus  (in-4°,  Me- 

•  taph.%  text.  6),  quod  prima contrarietas  est  habilus  et 
«  privatio,  quiascilicet  in  omnibus  contrariis  salvatur; 
«  cum  semper  unum  contrariorum  sit  imperfectum  res- 
«  pectu  alterius,  ut  nigrum  respectu  albi,  et  amarum 

■  respectu  dulcis.  Et  pro  tanto  bonum  et  malum  dicun- 
«  tur  gênera  non  simpliciter,  sec  contrariorum;  quia 


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86  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

«  sicut  omnis  forma  habet  rationem  boni,  ita  omnis  pri- 
«  vatio,  in  quantum  hujusmodi,  habet  rationem  mali. 
«  —  Ad  secundum  dicendum  quod  bonum  et  malum 
«  non  sunt  diflerentiœ  constitutivœ,  nisi  in  moralibus, 
«  quœ  recipiunt  speciem  ex  fine,  qui  est  objectum  vo- 
«  luntatis,  a  quo  moralia  dépendent.  Et  quia  bonum 
«  habet  rationem  finis,  ideo  bonum  et  malum  sunt  dif- 
«  ferentiœ  spécificité  in  moralibus;  bonum  per  se,  sed 
«  malum,  in  quantum  est  remotio  debiti  finis.  Nec  ta- 
«  men  remotio  debiti  finis  constituit  speciem  in  mora- 
«  libus,  nisi  secundum  quod  adjungitur  fini  indebito  ; 
«  sicut  neque  in  naturalibus  invenitur  privatio  formœ 
«  substantialis,  nisi  adjuncta  alteri  formœ.  Sic  ig-itur 
«  malum  quod  est  diflerentia  constitutiva  in  moralibus, 
«  est  quoddam  bonum  adjunctum  privationi  alteri  us 
«  boni;  sicut  finis  intemperati  est  non  quidem  carere 
«  bono  rationis,  sed  delectabile  sensu  absque  ordine 
•  rationis.  Unde  malum,  in  quantum  malum,  non  est 

«  difîerentia  constitutiva,  sed  ratione  boni  adjuncti  

«  —  Ad  quartum  dicendum  quod  aliquid  agere  dicitur 
«  tripliciter.  Uno  modo  formaliler,  eo  modo  loquendi 
«  quo  dicitur  albedo  facere  album  ;  et  sic  malum  etiam 
«  ratione  ipsius  privationis  dicitur  corrumpere  bonum, 
c  quia  est  ipsa  corruptio,  vel  privatio  boni.  Alio  modo 
a  dicitur  aliquid  agere  eflective,  sicut  pictor  dicitur  fa- 
o  cere  album  parietem.  Tertio  modo  per  modum 
«  causœ  finalis,  sicut  finis  dicitur  effîcire  movendo  effi- 
«  cientem.  llis  autem  duobus  modis  malum  non  agit 
«  aliquid  per  se,  id  est,  secundum  quod  est  privatio 
a  quœdam,  sed  secundum  quod  ci  bonum  adjungitur. 
a  Nam  omnis  actio  est  ab  aliqua  forma,  et  omne  quod 
«  desideratur  ut  finis,  est  perfectio  aliqua.  Et  ideo  ut 
«  Dionysius  dicit  4  capi^.  de  Divin,  homin.,  part.  4, 
«  aliq.  aprinc.  lect.  23  :  Malum  non  agit,  neque  deside- 


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ÉTUDB  SUR  NOS  TRADITIONS.  87 

«  ratur,  nm  virtuteboni  adjuncti;  per  se  autem  est  infinitum, 
«  etprœter  vnluntatum  et  intentionem.  —  Ad  quintum  di- 
«  cendum  quod,  sicut  supra  dictum  est,  partes  universi 

*  habent  ordinem  ad  invicem,  secundum  quod  una  agit 
t  in  alteram,  et  est  finis  alterius  et  exemplar.  Hœc 
«  autem,  ut  dictum  est  in  solut.  ad  2  arg.,  non  possunt 
■  convenire  malo  nisi  ralione  boni  adjuncti.  Unde  ma- 
«  lum  usque  ad  perfectionem  universi  pertinet,  neque 

•  subordine  universi  concluditur,  nisi  per  accidens,  id 
«  esl,  ratione  boni  adjuncti.  »  {Simm.  Theolog.,  pars  1, 
quœst.  48,  art.  1.) 

II  faut  bien  méditer  ces  solutions,  parce  que  la  ques- 
tion est  grave,  plus  grave  que  peut-être  on  ne  le  pense. 
Nous  allons  voir  ses  conséquences  pour  la  médecine. 

Il  n'y  a  au  fond  de  la  question  du  mal  que  deux  doc- 

* 

trines.  L  une  catholique,  que  nous  venons  de  présenter, 
et  qui  admet  que  le  bien  a  seul  un  principe  et  que  le 
mal  n'en  a  pas,  que  le  bien  a  une  existence  réelle  et  que 
le  mal  n'en  a  pas,  que  le  bien  est  quelque  chose  de  sub- 
sistant et  que  le  mal  n'est  qu'une  négation,  une  priva- 
tion. L'autre  doctrine,  considérée  comme  fausse,  admet 
que  le  mal  a  un  principe  comme  le  bien  a  le  sien  :  c'est, 
on  le  sait,  la  doctrine  des  Manichéens. 

Si  nous  appliquons  ces  doctrines  à  la  médecine,  nous 
voyons  qu'il  résulte  alors  aussi  deux  doctrines  médi- 
cales. L'une,  d'accord  avec  la  doctrine  catholique,  admet 
que  la  maladie  n'est  rien  de  réel,  n'a  pas  de  principe  ni 
de  cause  spéciale;  quelle  n'est  qu'un  désordre,  qu'un 
état  anormal,  une  mauvaise  disposition  de  l'organisme, 
une  mauvaise  manière  d'être,  une  forme  morbide  de  la 
vie.  L'autre  doctrine,  en  rapport  avec  celle  des  Mani- 
chéens, admet  que  la  maladie  a  un  principe  d'existence 
comme  la  santé  a  le  sien,  qu'il  est  vrai  que  la  maladie 
n'est  qu'un  désordre  de  l'économie,  mais  un  désordre 


HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE, 

qui  a  son  principe,  sa  substance,  sa  forme,  sa  cause 
d'être.  Pour  la  première  doctrine,  la  maladie  n'est 
qu'une  forme  abstraite  et  négative,  opposée  à  la  santé. 
Pour  la  seconde  doctrine,  la  maladie  est  quelque  chose 
de  concret,  qui  a  son  principe  morbifique  réellement 
subsistant  dans  l'organisme. 

Saint  Thomas,  nous  l'avons  vu  plus  haut,  attribue  la 
doctrine  d'un  principe  du  mal  à  Py  lhagore,et  il  croit  qu' A- 
ristote  lui  prête  l'appui  de  sa  logique  en  faisant  du  mal 
un  prédicat  ou  attribut.  Or,  c'est  sur  cet  appui,  doublé 
de  l'appui  du  manichéisme,  que  la  doctrine  s'est  fait 
jour  en  médecine  et  a  voulu  représenter  la  maladie  par 
un  principe  morbifique,  opinion  que  nous  verrons  se 
produire  vigoureusement  dans  les  siècles  modernes. 

Mais,  cette  opinion  n'est  vraiment  pas  celle  de  la  tra- 
dition médicale.  Hippocrate,  tout  en  croyant  avec  Py- 
thagore  que  la  maladie  est  une  apirpia  de  l'organisme, 
n'admet  pas  cependant  que  la  maladie  ait  un  principe 
morbifique.  On  lui  a  attribué,  il  est  vrai,  cette  opinion, 
mais  elle  n'est  pas  de  lui  :  elle  vient  de  l'école  d'Alexan- 
drie et  du  méthodisme,  éclosions  malsaines  du  pytha- 
gorisme  où  Manès  a  puisé  son  hérésie.  Hippocrate  ad- 
met bien  une  altération  première  des  humeurs,  des 
solides  ou  des  facultés,  en  un  mot,  ce  que  l'on  a  appelé 
une  cause  prochaine  ;  mais  nulle  part  il  ne  l'a  donnée 
pour  la  maladie  elle-même,  elle  n'est  en  réalité  pour  lui 
que  l'effet  premier  de  la  maladie,  que  la  source  de  l'in- 
dication. Et  les  empiriques,  ensuite  Galien,  ont  très- 
bien  montré  aux  dogmatistes  égarés  et  aux  méthodistes 
que  la  cause  prochaine  n'était  pas  la  maladie ,  mais 
l'effet  premier  de  la  maladie.  Nous  l'avons  vu  plus  haut 
dans  le  chapitre  précédent. 

La  véritable  tradition  médicale  est  donc  avec  la  doc- 
trine catholique ,  non  avec  l'opinion  opposée.  Et  elle 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  83 

pourrait  encore  s'étayerdes  raisonnements  et  de  l'auto- 
rité de  Platon,  qui  comparant  la  maladie  au  désordre  de 
l'injustice,  fait  venir  le  mal  de  l'ignorance,  et  ne  man- 
que jamais  l'occasion  de  traiter  le  mal  comme  une  chose 
qui  n'existe  pas  par  elle-même,  qui  n'est  qu'un  désordre 
et  qu'une  privation  de  bien.  On  peut  voir,  entre  autres, 
le  premier  livre  de  la  République  et  des  lois  et  quelques 
dialogues. 

Il  suit  de  là,  que  la  maladie  n'est  qu'une  mauvaise 
manière  d'être  de  l'organisme  vivant,  et,  comme  on  l'a 
dit,  une  privation  de  la  santé,  une  forme  morbide  de  la 
vie,  qu'elle  n'est  rien  par  elle-même,  rien  d'existant,  rien 
de  réel,  rien  de  subsistant,  qu'elle  n'a  pas  de  principe 
d'existence,  pas  de  cause  formelle.  Donc,  dire  qu'il  y  a 
un  principe  morbifique  subsistant  de  la  maladie,  c'est 
aller  tout  à  la  fois  contre  la  doctrine  catholique,  contre 
la  raison  qui  l'appuie,  contre  la  tradition  médicale  qui 
s'y  conforme. 

Mais,  de  ce  que  les  maladies  sont  des  formes  morbi- 
des de  la  vie,  sans  existence  réelle,  s'ensuit-il  qu'elles 
ne  sont  pas  distinctes  les  unes  des  autres  comme  espèces 
distinctes?  Saint  Denys  dit  bien  que  le  mal  est  sans 
forme,  sans  fixité,  sans  manière  d être  déterminée  ;  mais  ce 
qu'il  dit  s'entend  du  mal  absolu,  du  mal  en  lui-même. 
Le  mal  n'est  rien  en  lui-même,  il  n'est  pas  même  rien  ; 
donc  il  est  bien  certainement  sans  forme,  sans  fixité,  et 
sans  manière  d'être  déterminée  ;  mais  le  mal  dans  les 
êtres  se  présente  sous  des  formes  déterminées,  non  pas 
lui,  le  mal,  encore  une  fois,  mais  l'être  qui  est  dépravé. 
Ce  n'est  pas  la  maladie  que  le  médecin  considère  :  la 
maladie  n'est  rien,  ce  n'est  que  l'homme  malade  qui  est 
quelque  chose,  quelque  chose  de  différent  de  l'homme 
en  santé,  et  différent  dans  telle  ou  telle  disposition  gé- 
nérale qu'on  nomme  une  maladie.  Aussi,  saint  Thomas, 


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90  HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE. 

dans  le  passage  que  nous  avons  cité,  explique  que  le 
mal  n'est  rien,  môme  en  morale,  mais  qu'il  se  présente 
en  morale  sous  des  formes  d'espèces  différentes,  selon  la 
fin  qui  le  détermine,  c'est-à-dire  que  le  vice  en  lui- 
même,  pris  absolument  et  en  dehors  de  tout  être,  n'est 
rien,  moins  que  rien,  mais  que  dans  les  êtres  vicieux,  les 
vices  se  présentent  sous  des  formes  d'espèces,  comme  le 
mensonge,  la  gourmandise,  l'assassinat.  Encore  une 
fois,  même  dans  ce  cas,  le  vice  n'est  rien,  mais  c'est 
l'être  vicieux  qui  est  menteur,  gourmand,  assassin.  11  en 
est  de  même  en  médecine,  où  chaque  espèce  morbide  n'est 
qu'une  forme  de  l'état  maladif,  une  manière  spécifique 
d'être  malade. 

La  plupart  des  médecins  des  xmet  xive  et  xve  siècles, 
alliés  à  des  théologiens,  ou  théologiens  eux-mêmes, 
comme  nous  l'avons  dit,  se  rattachaient  complètement  à 
cette  doctrine  pathologique,  assurée  sur  les  dogmes 
théologiques  et  si  bien  d'accord  avec  les  doctrines  an- 
ciennes, en  particulier  avec  les  doctrines  hippocratiques. 
Mais  quelques-uns  se  laissaient  entamer  soit  par  l'aver- 
rhoïsme,  soit  par  les  systèmes  astrologiques  qui  ensei- 
gnaient des  principes  malfaisants  réellement  subsis- 
tants. Ils  se  laissaient  surtout  fortement  impressionner 
par  ces  éclosions  de  maladies  nouvelles  que  l'antiquité 
n'avait  pas  connues:  la  rougeole,  la  variole,  le  feu  Saint- 
Antoine,  la  coqueluche,  la  suette,  le  scorbut,  la  plique 
polonaise,  la  syphilis,  la  gonorrlx'e  ;  et  ils  trouvaient 
à  expliquer  ces  maladies  nouvelles  soit  par  des  influen- 
ces astrales  particulières,  soit  par  des  influences  démo- 
niaques spéciales,  soit  par  des  principes  matériels  mal- 
faisants et  contagieux. 

Ainsi,  naissait  et  se  développait,  d'abord  sous  le  cou- 
vert de  l'arabisme,  la  doctrine  du  spêci ficisme  matérialiste 
qui  venait  faire  échec  à  la  doctrine  hippocratique,  aussi 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  91 

bien  qu'à  la  doctrine  oatholique,  et  qui  devait  avoir  de 
si  grands  retentissements  dans  les  siècles  suivants. 
Nous  avons  vu  comment  plusieurs  médecins  la  propa- 
gèrent, comment  quelques  autres  tentèrent  une  conci- 
liation sur  le  terrain  thérapeutique,  et  comment  Fracas- 
tor  fut,  en  définitive,  le  héros  des  tendances  nouvelles. 
C'est  par  lui,  et  avec  lui,  que  le  spécifîcisme  matérialiste 
se  transmit  dans  toute  sa  vitalité  aux  siècles  sui- 
vants. 

En  résumé,  la  tradition  médicale,  écrite  dans  Hippo- 
crate,  avait  consacré  que  les  maladies  sont  d'espèces 
différentes  les  unes  des  autres,  et  que  dans  leur  nature 
elles  sont  de  simples  modifications  de  l'être  sans  existence 
substantielle.  Cette  doctrine,  soutenue  par  les  successeurs 
d'Hippocrate  contre  ceux  qui  voulaient  assimiler  la  mala- 
die à  un  empoisonnement,  reçut  une  nouvelle  démonstra- 
tion rationnelle  de  la  philosophie  chrétienne.  Mais  le 
spécificisme  matérialiste  reçut  un  renfort  de  la  philoso- 
phie arabiste,  de  l'éclosion  des  maladies  nouvelles,  et  de 
la  théorie  des  contages  dont  Fracastor  fut  le  héros. 

Des  anciennes  Facultés  de  médecine.  —  Nous  avons 
déjà  indiqué  comment  naquirent  les  Facultés  en  Occi- 
dent sous  l'influence  de  la  papauté,  des  rois  francs  et 
des  évêques.  Nous  avons  vu  le  mouvement  de  renais- 
sance scientifique  et  lettrée  en  Occident,  briller  un  mo- 
ment sous  l'inspiration  heureuse  de  Charlemagne,  puis 
s'éteindre  et  s'arrêter  sous  les  descendants  du  grand 
empereur,  enfin  reparaître  pour  s'établir  définitivement 
sous  l'influence  du  pape  français  Sylvestre  II,  au  temps 
des  premiers  rois  de  la  troisième  race.  Examinons  main- 
tenant comment  les  Facultés  se  constituèrent,  quelles 
règles  elles  suivirent. 

Dans  ces  premiers  temps  de  la  fondation  des  Univer- 


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92  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

si  tés,  des  savants  qui  avaient  étudié  dans  les  cloîtres, 
loin  du  monde  et  du  tumulte  des  guerres,  furent  appe- 
lés par  les  évêques  près  des  cathédrales  pour  donner 
l'instruction  aux  clercs  ou  jeunes  gens  destinés  à 
l'Église.  Ainsi,  dès  le  début,  c'est  l'évêque  qui  fonde  un 
enseignement  sous  sa  haute  tutelle  :  les  professeurs 
sont  des  moines  ou  des  membres  du  clergé  séculier  : 
les  élèves  sont  des  clers  appartenant  à  l'Église. 

Bientôt,  l'affluence  des  élèves  fut  grande,  et  le  nombre 
des  professeurs  augmenta,  en  ce  sens  que  les  élèves  de- 
vinrent professeurs;  leur  talent  reconnu  les  désignait. 
Ces  nouveaux  professeurs  n'entraient  pas  dans  les  or- 
dres, ils  restaient  clercs  sans  être  plus;  quelques-uns 
seuls  étaient  ordonnés  et  se  rattachaient  de  plus  près  à 
l'Église.  L'affluence  des  élèves,  le  nombre  des  profes- 
seurs, la  nécessité  de  mettre  de  l'ordre  dans  l'enseigne- 
ment nécessitèrent  une  organisation  :  dès  lors,  les  Uni- 
versités et  les  Facultés  furent  constituées  ;  l'évêque  les' 
établissait,  le  pape  leur  donnait  une  organisation  et  le 
roi  subvenait  à  l'entretien  et  au  bon  ordre.  Une  Univer- 
sité instituée  dans  une  ville  ne  relevait  que  de  l'évêque, 
du  pape  et  du  roi  :  elle  était  en  dehors  et  au-dessus  de 
l'autorité  seigneuriale,  en  dehors  et  au-dessus  de  l'au- 
torité des  communes.  Les  professeurs,  les  élèves  et  tous 
les  gens  qui  en  dépendaient,  formaient  un  monde  à  part 
dans  la  société,  qui  bientôt  eut  son  organisation,  ses 
coutumes,  ses  privilèges,  et  par  conséquent  ses  abus. 
Dans  les  premiers  temps,  les  Universités  dépendaient 
immédiatement  de  l'évêque;  mais  quand  elles  furent 
organisées,  qu'elles  eurent  leur  grand  maître,  leur  jus- 
tice, leurs  traditions,  elles  vécurent  pour  ainsi  dire  en 
dehors  de  l'évêque,  s'affranchirent  peu  à  peu  de  son  au- 
torité, en  appelaient  au  pape  contre  l'évêque,  en  appe- 
laient au  roi  contre  le  pape,  et  trouvaient  ainsi  le  moyen 


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ETUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  93 

d'être  pour  ainsi  dire  indépendantes,  comme  celle  de 
Paris  le  devint. 

Un  grand  nombre  d'Universités  furent  fondées  dans  le 
moyen  âge.  Les  trois  premières  furent  celles  de  Paris, 
de  Bologne,  et  de  Montpellier,  à  la  fin  du  xn"  et  au  com- 
mencement du  xiue  siècle  ;  puis  vinrent  celles  de  :  Vi- 
cence,  1204;Padoue,  1222;  Naples,  1224;  Verceil,  1228; 
Toulouse,  1228;  Salamanque,  1240;  Lisbonne  trans- 
portée à  Coïmbre,  1290;  Lyon,  1300;  Rome,  1303; 
Cahors,  1332;  Avignon,  1340;  Pise,  1343;  Prague, 
1347;  Cracovie,  1347;  Huesca,  1354;  Pavie,  1361; 
Angers,  1364;  Vienne  en  Autriche,  1365;  Funfkirchen 
en  Hongrie,  1367;  Cologne,  1388;  Heidelberg,  1387; 
Erfurth,  1392.  Ce  mouvement  de  fondation  se  continua 
dans  les  siècles  suivants. 

L'Université  de  Paris  était  le  modèle  et  comme  le  type 
de  toutes  les  autres  :  il  nous  suffît  de  la  faire  connaître 
pour  que  Ton  sache  l'organisation  commune  à  toutes 
les  autres,  aux  exceptions  près  bien  entendu.  Nous  pre- 
nons d'ailleurs  cette  organisation  telle  qu'elle  résultait 
au  commencement  du  xvi'  siècle  de  ce  qui  avait  été 
constitué  antérieurement. 

On  appela  d'abord  Université  la  réunion  des  clercs 
étudiants  venus  de  pays  différents,  ainsi  que  les  profes- 
.  seurs;  c'était  l'ensemble  des  individus  enseignant  et 
étudiant.  Et,  comme  on  distinguait  quatre  provenances 
principales  des  élèves,  on  divisait  l'Université  en  quatre 
nations,  France,  Picardie,  Normandie,  Angleterre-Aile^ 
magne.  C'était  là  une  division  toute  provisoire  évidem- 
ment, et  Ton  comprend  ce  qui  l'avait  provoquée.  Les 
jeunes  gens  se  rapprochaient  entre  compatriotes,  et 
comme  ils  constituaient  quatre  groupes  de  nationa- 
lités, on  y  a  vu  quatre  sections  de  l'Université.  Cette 
division  qui  fut  plutôt  une  distinction  parmi  les  élèves 


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94  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

qu'une  division  parmi  l'Université,  n'empêcha  pas  l'or- 
ganisation Universitaire  en  Facultés,  qui  eut  lieu  peu 
après.  Pendant  longtemps,  et  jusqu'au  xvi*  siècle,  les 
clercs  de  l'Université  se  réunissaient  en  nationalités; 
mais  la  division  en  Facultés  existait  dès  la  fin  du 
xii*  siècle.  Il  y  avait  alors,  comme  il  y  eut  toujours 
depuis,  quatre  Facultés,  de  Théologie,  de  Médecine,  de 
Droit,  des  Arts.  Chaque  Faculté  avait  une  vie  à  part,  un 
dogme,  des  professeurs,  des  gradés.  Les  quatre  Fa- 
cultés réunies  formaient  l'Université  qui  avait  son  chan- 
celier ou  grand  maître. 

L'organisation  de  l'Université  de  Paris  fut  réformée 
sur  quelques  points  et  constituée  définitivement  par  le 
cardinal  d'Estoutevillc,  en  1452. 

La  Faculté  de  médecine  de  Paris  enseignait  dans  une 
salle  basse  de  la  rue  du  Fouarre,  salle  dénudée,  et 
garnie  seulement  de  paille  dont  on  obtenait  le  renouvel- 
lement de  la  bonté  du  roi.  Elle  avait  un  doyen,  des  pro- 
fesseurs et  des  gradés,  docteurs,  licenciés,  bacheliers. 
Son  assemblée  générale  se  faisait  au  bénitier  de  Notre- 
Dame,  plus  tard  elle  eut  une  chapelle.  Tous  les  ans,  à  la 
Saint-Luc,  le  18  octobre,  la  Faculté,  doyen  en  tête,  suivi 
du  massier,  des  professeurs  et  de  tous  les  élèves,  assistait 
à  une  grande  messe;  il  y  avait  amende  pour  quiconque 
y  manquait. 

Voici  maintenant  l'organisation  des  grades,  qui  n'ont 
été  institués  d'abord  que  dans  le  milieu  du  xuie  siècle. 

Quand  les  élèves  arrivaient  à  la  Faculté,  ils  se  faisaient 
inscrire  sur  des  registres.  Dès  ce  moment,  ils  étaient 
clercs  attachés  à  l'Université,  et  jouissaient  de  tous  ses 
privilèges. 

Après  deux  ans  d'étude,  on  pouvait  passer  l'examen 
de  baccalauréat.  Les  docteurs  chargés  de  faire  passer 
l'examen  interrogeaient  les  candidats  tous  les  jours* 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  95 

pendant  une  semaine,  sur  les  diverses  branches  de  l'en- 
seignement. Le  dernier  jour,  tous  les  docteurs  de  la  Fa- 
culté étaient  tenus  de  venir  pour  des  questions  ;  il  est  pro- 
bable que  lorsque  leur  nombre  fut  considérablement 
augmenté,  quelques-uns  seuls  étaient  désignés. 

Une  fois  reçu,  le  bachelier  prétait  serment,  et  conti- 
nuait ses  études  pendant  deux  autres  années  pour  passer 
l'examen  de  licencié.  Pendant  ces  deux  autres  années, 
non-seulement  il  était  tenu  de  suivre  les  cours  de  la  Fa- 
culté :  il  devait  encore  répéter  les  leçons  des  professeurs 
pour  ceux  qui  aspiraient  au  baccalauréat  ;  il  était  ainsi 
répétiteur  pour  les  matières  qu'il  avait  apprises  dans  les 
deux  années  précédentes,  et  il  lui  devenait  ainsi  impos- 
sible de  les  oublier,  puisqu'il  était  tenu  de  les  enseigner 
et  de  se  familiariser  avec  elles.  Combien  il  est  fâcheux 
qu'un  si  excellent  principe  ne  soit  plus  mis  en  pratique; 
de  nos  jours,  on  voit  des  jeunes  gens  qui,  à  la  fin  de 
leurs  études  médicales,  passant  leurs  thèses,  ont  oublié 
ce  qu'ils  avaient  appris  leurs  premières  années,  pour 
leurs  premiers  examens. 

Les  examens  pour  le  grade  de  licencié  duraient  huit 
jours,  comme  pour  le  grade  de  bachelier,  mais  avec 
beaucoup  plus  de  sévérité.  Au  dimanche  qui  suivait  cette 
semaine,  toute  la  Faculté  était  reunie,  et  alors  avait  lieu 
l  acté  de  Paranympkeqm  était  une  sorte  de  consécration  : 
le  candidat  à  genou,  tête  nue,  prêtait  serment  et  ensuite 
recevait  du  chancelier  de  l'Université  la  licence  d'exercer 
et  d'enseigner  hic  et  ubique  terrarum.  Le  licencié  pouvait 
assister  aux  assemblées  de  la  Faculté,  mais  il  n'avait  ni 
voix  délibérative,  ni  voix  consultative;  il  ne  participait 
pas  à  la  direction  de  la  Faculté.  Pour  avoir  ce  droit,  il 
lui  fallait  devenir  docteur-régent  ou  maître-régent. 

La  licence  avait  d'abord  été  exigée  vers  le  milieu  du 
xiii*  siècle  comme  une  garantie  de  l'orthodoxie  dans 


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96  HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE. 

l'enseignement.  Jusque-là  il  n'y  avait  aucune  restric- 
tion, et  tout  maître,  se  déclarant  tel,  pouvait  enseigner, 
sauf  à  encourir  des  censures,  s'il  s'écartait  de  l'esprit 
général  ou  s'il  tombait  dans  l'hérésie. 

La  pratique  médicale  était  accordée  comme  un  droit 
de  la  licence,  mais  il  fallait  bien  du  temps  pour  que 
l'Université  imposât  ses  grades  à  la  société,  et  il  me  pa- 
raît que  la  libre  pratique  de  la  médecine  par  des  méde- 
cins non  reçus  se  perpétua  pendant  bien  des  siècles.  Au 
commencement  du  xvme  siècle,  on  voit  la  Faculté,  selon 
Crevier,  réclamer  contre  les  médecins  non  diplômés  ;  ce 
qui  suppose  que  l'autorité  universitaire  voyait  encore 
s'élever  contre  elle  bien  des  opposants. 

On  arrivait  au  doctorat  quelques  mois  après  la  licence. 
Le  candidat  présentait  une  requête,  comme  pour  les  au- 
tres grades  :  le  doyen  fixait  alors  la  vespérie  et  le  jour 
de  réception.  La  vespérie  était,  comme  son  nom  l'in- 
dique, un  acte  qui  se  passait  le  soir;  un  docteur-régent 
ayant  au  moins  dix  ans  d'exercice,  le  présidait  et  ouvrait 
la  séance  par  une  discussion  avec  le  récipiendaire;  puis 
le  docteur,  qui  avait  présidé  l'examen  de  licence  du  can- 
didat, entrait  également  en  discussion;  enfin,  le  prési- 
dent prononçait  un  discours  latin,  dans  lequel  il  indi- 
quait les  devoirs  et  l'importance  du  doctorat.  C'était  là 
le  premier  acte.  Quelques  jours  après  le  jeune  docteur, 
escorté  de  deux  bacheliers  et  des  appariteurs  de  l'école, 
allait  rendre  visite  à  tous  les  docteurs-régents.  Enfin, 
avait  lieu  la  réception  à  laquelle  assistaient  au  moins 
vingt  docteurs  :  il  y  avait  serment  du  candidat,  discus- 
sion avec  le  plus  jeune  des  docteurs,  discussion  scienti- 
fique entre  le  président  et  le  docteur  qui  avait  présidé  la 
vespérie,  puis  discours  latin  du  récipiendaire. 

Tous  les  docteurs-régents  étaient  égaux  entre  eux, 
avaient  les  mêmes  droits  et  constituaient  la  partie  diri- 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  97 

gente  de  la  Faculté  de  Paris.  Cependant  on  distinguait 
les  jeunes  et  les  anciens,  les  uns  ayant  moins,  les  autres 
plus  de  dix  années  d'exercice.  Tous  avaient  le  droit  de 
pratiquer  et  d'enseigner  dans  le  ressort  de  la  Faculté. 
Cela  existait  dans  toutes  les  Facultés,  mais  il  y  avait  une 
exception  honorable  pour  celle  de  Paris,  dont  les  licen- 
ciés et  les  docteurs  avaient  droit  de  pratique  et  d'ensei- 
gnement nrbi  et  orbi,  droit  qui  leur  fut  conféré  par  le 
pape  Nicolas  V,  en  1160.  Tout  savant  ou  docteur  étran- 
ger qui  venait  à  Paris  ne  pouvait  y  enseigner  que  sous 
la  permission  et  l'autorité  de  la  Faculté;  il  en  était  de 
même  dans  toutes  les  Universités. 

Quoique  renseignement  fût  libre,  la  Faculté  nommait 
des  professeurs  et  des  examinateurs,  pour  assurer  la 
continuité  et  la  fixité  des  cours  qui,  sans  cela,  eussent 
pu  dépendre  de  la  bonne  ou  mauvaise  volonté  de  tel  ou 
tel.  C  était  un  acte  de  sagesse.  Mais  coque  l'on  ne  sau- 
rait trop  louer,  surtout  quand  on  voit  ce  qui  se  passe 
aujourd'hui,  c'est  le  principe  que  l'on  avait  établi,  que 
ceux-là  qui  sont  professeurs  ne  peuvent  être  examina- 
teurs. On  comprenait  la  partialité  révoltante  (pie  pou- 
vait avoir  un  professeur  examinateur  ;  on  ne  voulait  pas 
qu'il  pût  favoriser  à  l'examen  ceux  qui  suivaient  assi- 
dûment son  cours  et  nuire  à  ceux  qui  préféraient 
suivre  un  cours  libre  ;  on  craignait  que  le  professeur 
ne  fît  de  questions  que  sur  les  matières  qu'il  aurait  spé- 
cialement enseignées,  et  qu'ainsi  l'élève  fût  tenté  de 
n'apprendre  que  ce  qui  dépendait  d'un  seul  professeur. 
Il  suffit  de  voir  ce  qui  se  passe  actuellement  pour  juger 
combien  ce  principe  des  anciennes  Facultés  était  sage  : 
aujourd'hui  l'on  suit  assidûment  quelques  professeurs, 
on  se  fait  voir  a.  leurs  cours,  on  n'apprend  que  ce  qu'ils 
enseignent  ;  la  science  est  toute  renfermée  dans  l'école 
officielle  ;  et  les  jeunes  gens  sont  tenus  de  ne  rien  con- 

TOHE  XXXI.  —  FÉVRIER  1870,  7 


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98  HISTOIRE  DE  J,À  MÉDECINE. 

naître  en  dehors  de  ce  qu'elle  professe.  Monstruosité 
révoltante  de  partialité  et  d'intolérance  chez  les  profes- 
seurs, d'ineptie  et  d'incapacité  dans  les  études,  d'arrêt 
et  d'abaissement  dans  la  science. 

Tous  les  deux  ans,  la  Faculté  se  reconstituait  pour 
deux  années.  Tous  les  docteurs  de  la  Faculté  étant 
réunis,  les  appariteurs  apportaient  deux  urnes  :  l'une 
contenait  les  noms  des  jeunes,  l'autre  les  noms  des  an- 
ciens. On  tirait  au  sort  deux  noms  dans  l'urne  des  jeunes, 
et  trois  noms  dans  l'urne  des  anciens  :  à  ces  cinq  doc- 
teurs élus  par  le  sort,  la  Faculté  conférait  ses  pouvoirs 
pour  nommer  le  doyen,  les  professeurs  et  les  examina- 
teurs. Au  jour  désigné,  les  cinq  électeurs  assistaient 
avec  toute  la  Faculté  à  une  messe  du  Saint-Esprit,  puis 
se  réunissaient  dans  une  salle  isolée  et  procédaient  à 
l'élection.  D'abord,  ils  s'entendaient  sur  trois  docteurs 
dignes  du  décanat,  mettaient  les  trois  noms  dans  une 
urne  et  tiraient  au  sort:  le  premier  sortant  était  élu.  Les 
mômes  formalités  étaient  suivies  pour  la  nomination  des 
professeurs  et  des  examinateurs  :  on  désignait  trois  fois 
plus  de  noms  qu'il  en  fallait,  et  l'on  tirait  au  sort  le  tiers. 

La  Faculté  se  constituait  quelquefois  en  tribunal  pour 
rendre  des  décisions  administratives  ou  scientifiques, 
jug*cr  la  conduite  d'un  de  ses  membres,  prendre  partie 
dans  une  question  scientifique.  Dans  ces  circonstances, 
on  peut  comprendre  quelle  pouvait  être  cette  autorité, 
qui  quelquefois  suspendait  un  médecin  dans  son  exer- 
cice, admettait  ou  récusait  telle  opinion,  telle  formule  de 
traitement.  La  majorité  constituait  un  corps  tout  puis- 
sant qui,  souvent  emporté  par  ses  préjugés  ou  ses  pas- 
sions, nuisait  non-seulement  aux  individus  mais  aussi  à 
la  science,  en  ne  permettant  de  reconnaître  comme  bon 
que  ce  qu'elle  jugeait  tel.  Nous  en  verrons  les  tristes 
résultats. 


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ÉTUDE  SI  R  NOS  TRADITIONS.  99 

L'ancienne  Faculté  de  médecine  de  Paris  a  duré  cinq 
cents  ans,  depuis  le  milieu  du  xme  siècle  jusqu'à  la  fin 
du  xviii*.  L'Université  existait  dès  le  xne  siècle,  puisque 
le  pape  Céleslin,  mort  en  1492,  en  fait  mention,  ainsi 
que  le  remarque  J.  Riolan  ;  mais  il  paraît  probable  qu'on 
n'enseigna  d'abord  que  la  théologie,  qu  elle  ne  fut  con- 
stituée par  Philippe-Auguste  que  l'an  1200,  et  que  ses 
statuts  furent  rédigés  par  Robert  de  Gourson,  en  1215. 
Ce  n'est  qu'un  demi-siècle  plus  tard,  vers  1270ou  1280, 
qu'eut  lieu  la  division  et  séparation  des  quatre  Facultés 
de  l'Université,  Pierre  de  Limoges  étant  doyen  de  la 
Faculté  de  médecine.  C'est  alors  que  la  compagnie  prit 
un  sceau  particulier  et  la  masse  d'argent  ou  verge  sur- 
montée d'un  globe  et  enlacée  de  deux  serpents.  Les 
statuts  furent  confirmés  par  Philippe  de  Valois,  en  1331. 
Les  premiers  registres  connus,  et  qui  nous  restent,  da- 
tent de  1395. 

C'est  au  xive  siècle  que  la  Faculté  de  médecine  de 
Paris  commence  à  briller  de  tout  son  éclat,  et  cependant 
elle  était  bien  faible  encore.  On  la  voit  professant  dans 
les  salles  basses  et  non  pavées  de  la  rue  du  Fouarre, 
n'ayant  pas  même  la  propriété  de  ces  salles  et  y  ensei- 
gnant de  commun  avec  la  Faculté  des  arts.  Elle  a  une 
bibliothèque,  mais  fort  peu  riche;  on  y  compte  huit  ou 
neuf  ouvrages  :  la  Concordance  de  Jean  de  Saint- Amand, 
la  Concordance  de  Jean  de  Saint-Flour,  le  livre  de  Galien 
de  Usu  partium^  les  Médicaments  simples  et  la  Pratique  de 
Mézué,  le  Traité  de  la  Thériaque,  t Antidotaire  d'Albu- 
casis,  f  Antidotaire  clarifié  de  Nicolas  Myrepsus,  et  enfin 
le  plus  beau  et  le  plus  singulier  joyau  de  la  Faculté,  ainsi 
qu  elle  le  disait  à  Louis  XI  qui  lui  demandait  à  l'emprun- 
ter (en  1471)  pour  le  faire  copier,  et  auquel  elle  le  prêta 
moyennant  une  caution  de  douze  marcs  de  vaisselle 
d'argent  et  un  billet  de  100  écus  d'or  que  souscrivit  un 


100  MISTOIRK  DE  LA.  MÉDECINE. 

riche  bourgeois  pour  le  roi.  Ce  plus  beau  et  plus  singulier 
joyau  de  la  Faculté  était  le  Totum  continens  Rhasis  en  deux 
petits  volumes. 

A  la  fin  du  xiv*  siècle,  la  Faculté  comptait  trente  et  un 
docteurs-régents.  On  ig*nore  le  nombre  des  licenciés  qui 
avaient  droit  à  la  pratique.  Il  y  avait  également  des  chi- 
rurgiens, mais  qui  faisaient  bande  à  part,  et  avec  les- 
quels la  Faculté  venait  d'entamer  une  querelle  dont  nous 
avons  déjà  parlé.  Les  chirurgiens  formaient  un  collège 
à  part  et  en  dehors  de  la  Faculté  ;  ils  n'étaient  pas  même 
compris  dans  l'Université;  on  ne  les  considérait  que 
comme  des  artisans,  et  c'est,  à  ce  titre  que  saint  Louis 
leur  avait  donné  des  statuts  en  1268,  sous  la  direction 
de  Jean  Pitart,  les  désignant  sous  le  nom  de  maîtres  chi- 
rurgiens jurés  de  la  ville  et  des  faubourgs  de  Paris.  Gela  de- 
mande une  explication.  L'Université  était  cléricale,  tous 
ses  adhérents  étaient  clercs,  et  comme  tels  inaptes  à  ver- 
ser le  sang;  l'Eglise  le  leur  défendait.  Les  chirurgiens 
ne  pouvaient  faire  partie  de  l'Université,  on  le  comprend  : 
ils  versaient  le  sang.  Mais,  la  Faculté,  composée  de  mé- 
decins, avait  la  juste  prétention  d'être  au-dessus  des 
chirurgiens,  et  ne  considérait  la  chirurgie  que  comme 
la  servante  de  la  médecine.  Les  chirurgiens,  au  con- 
traire, ayant  reçu  une  certaine  instruction,  étant  lettrés 
comme  ils  s'intitulèrent  alors,  avaient  aussi  la  préten- 
tion d'être  les  égaux  des  médecins.  On  voit  de  suite  la 
rivalité  et  l'ombrage  des  deux  côtés  :  les  chirurgiens 
demandaient  à  faire  partie  de  la  Faculté.  La  Faculté  les 
repoussait.  Au  milieu  de  cette  discussion,  la  Faculté  prit 
la  détermination  d'appeler  à  elle  les  barbiers,  de  leur 
enseigner  l'anatomie  et  la  chirurgie,  et  de  les  livrer  à 
la  pratique  chirurgicale  sous  la  direction  des  médecins. 
Ces  barbiers  n'avaient  cependant  pas  de  diplômes,  et 
l' Université  semblait  ainsi  accéder  à  la  pratique  libre, 


*  •  • 


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étude  sur  nos  traditions.  loi 

mais  elle  son  tirait  par  une  fiction,  déclarant  que  ces 
barbiers  n'étaient  que  les  aides  des  docteurs  et  licenciés. 

Dans  le  xv*  siècle,  la  querelle  dont  nous  venons  de 
voir  les  débuts,  continue.  En  1425,  les  chirurgiens  de 
robe  longue  ou  lettrés  obtiennent  du  Parlement  un  ar- 
rêt qui  interdit  aux  baigneurs  et  aux  barbiers  de  faire 
de  la  chirurgie,  et  ne  leur  permet  que  de  panser  les 
plaies  et  d'arracher  les  cors  :  mais  la  Faculté  les  prend 
sous  sa  protection  et  les  couvre  de  son  autorité. 

En  1452,  le  cardinal  d'Estouteville  fut  chargé  par  le 
saint-siége  de  réorganiser  les  Facultés  de  théologie,  de 
droit  et  de  médecine.  II  abolit  la  coutume  qui  jusque-là 
exigeait  que  tout  médecin  fût  célibataire,  bachelier,  li- 
cencié et  docteur;  il  disait  que  les  hommes  mariés  sont 
surtout  ceux  auxquels  il  convient  d'accorder  le  droit 
d'enseigner  et  de  pratiquer  la  médecine.  Cet  acte  était 
d'une  importance  extrême,  car  il  consommait  la  sépara- 
tion de  la  médecine  d'avec  la  cléricature  ;  c'est  de  cette 
époque  en  effet  que  l'on  commence  à  voir  un  moins 
grand  nombre  de  médecins  engagés  dans  les  ordres. 
Le  cardinal  d'Estouteville  exigea  aussi  que  l'hygiène, 
Jusqu'alors  négligée,  fît  partie  de  l'enseignement ,  et 
qu'une  thèse  fût  soutenue  sur  cette  matière  par  les  ba- 
cheliers. C'est  lui  aussi  qui  fît  prendre  la  robe  rouge 
aux  professeurs. 

En  1454,  la  Faculté  existait  toujours  rue  du  Fouarre, 
dans  la  même  situation  où  nous  l'avons  vue,  et  ses  as- 
semblées se  tenaient,  soit  au  bénitier  de  Notre-Dame, 
soit  à  l'église  des  Mathurins.  Mais  elle  s'était  dévelop- 
pée, elle  comptait  plus  de  soixante  docteurs-régents,  et 
sa  réputation  était  universelle.  Jacques  Desparts,  cha- 
noine de  l'église  de  Paris,  et  médecin  du  roi  Charles  VII, 
convoqua  la  Faculté  au  bénitier  Notre-Dame,  sous  la 
présidence  du  doyen  Denis-dessous-le-Four.  «  Là,  dit 


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102  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

M.  Sabattier,  après  avoir  fait  sentir  la  nécessité  do  don- 
ner à  la  Faculté  des  écoles  plus  convenables,  il  proposa 
les  moyens  qui  lui  paraissaient  devoir  le  mieux  concou- 
rir à  l'exécution  de  ce  projet.  Mais  la  g*uerro  contre  les 
Anglais  obligea  pour  le  moment  d'en  ajourner  l'exécu- 
tion ;  et  lorsqu'on  put  y  revenir,  le  défaut  d'argent  de- 
vint un  obstacle  non  moins  puissant.  Alors,  Jacques 
Desparts  fit  don  à  la  Faculté  de  300  écus  d'or  (3,450  li- 
vres), et  d'une  bonne  partie  de  ses  meubles  et  de  ses 
manuscrits  pour  opérer  cette  construction  qui  fut  com- 
mencée au  bourg  de  la  Bucberie,  sur  le  terrain  d'une 
vieille  maison  qu'on  acheta  d'un  bourgeois  nommé 
Guillaume  Cbanteloup,  et  qu'on  réunit  à  celui  d'une  au- 
tre non  moins  vieille,  appartenant  aux  Chartreux ,  et 
achetée  dès  1369,  moyennant  10  livres  de  rentes  que 
l'Université  promit  de  payer  à  ces  religieux.  En  1495, 
la  Faculté  avait  fait  construire  près  de  l'entrée  de  la 
principale  porte  de  ses  nouvelles  écoles  un  petit  bâtiment 
qu'elle  érigea  en  chapelle  en  1511.  Elle  abandonna  dès 
lors  l'église  des  Mathurins,  où  jusque-là  elle  avait  fait 
célébrer  ses  offices.  La  plupart  des  docteurs  remplis- 
saient dans  l'origine  les  fonctions  de  chantres,  et  la 
messe  de  saint  Luc  était  chaque  année  chantée  en 
grande  musique.  A  l'égard  de  J.  Desparts,  la  Faculté  ne 
crut  pouvoir  mieux  faire  pour  lui  prouver  sa  reconnais- 
sance, que  de  lui  assurer,  de  son  vivant  même,  afin 
qu'il  n'en  ignorât,  un  obit  vigile  et  messe  à  chaque  an- 
niversaire de  sa  mort,  qui  eut  lieu  le  3  janvier  1457.  Ce 
service  fut  même  institué  à  perpétuité.  Perpétuité!  vain 
mot  que  les  hommes  attachent  à  leurs  trônes  comme  à 
leurs  autels,  et  qu'un  coup  de  vent  en  efface  comme  des 
lettres  sur  le  sable.  Il  n'y  a  plus  de  messes  pour  J.  Des- 
parts, mais  honneur  à  sa  mémoire,  car  il  fut  homme 
de  bien,  plein  de  zèle  pour  la  science  et  pour  ses  pro- 


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VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  103 

grès  auxquels  il  contribua  à  la  manière  de  ce  temps.  Il 
étudia  les  Arabes,  commenta  Avicenne,  composa  un 
abrégé  alphabétique  des  maladies  et  des  remèdes,  un 
livre  sur  le  régime,  et  une  recette  générale  des  médica- 
ments internes  et  externes.  Il  légua  par  testament  à  la 
Faculté  son  Avicenne  et  ses  commentaires.  » 

La  Faculté  s'installa  dans  son  nouveau  local,  rue  de  la 
Bucherie,  Tan  1505,  et  elle  y  demeura  jusqu'à  sa  chute. 
En  1460,  elle  recevait  du  pape  Nicolas  V,  une  bulle  qui 
accordait  à  ses  docteurs  le  droit  d'enseigner  et  de  pra- 
tiquer dans  toutes  les  Universités  du  monde  catholique. 
Son  autorité  grandissait  à  chaque  instant,  ses  décisions 
avaient  force  de  loi  dans  toutes  les  écoles  ;  et  dès  lors 
elle  dut  entrer  dans  la  décadence  qui  commence  tou- 
jours par  la  tyrannie.  Nous  verrons  plus  loin  ce  qu'il  en 
fut. 

F.  Frédault. 

—  La  suite  au  prochain  numéro.  — 


MÉDECINE  GÉiSÉRALE 


ÉTUDE  CRITIQUE  SUR.  VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE 

CELLULAIRE. 

—  QUATRIÈME  ARTICLE,  — 
III 

LB  TUBERCULE. 

Le  tubercule  est  un  produit  organisé,  il  est  constitué 
par  des  cellules  très-petites  et  à  noyaux  très-nombreux  : 
il  a  donc  quelque  analogie  avec  le  pus.  Son  organisation 


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104  MÉDECINE  GÉNÉRALE. 

est  fort  pauvre,  les  vaisseaux  sont  peu  nombreux  et  l'é- 
volution naturelle  du  produit  morbide  amène  prompte- 
ment  leur  oblitération.  Aussi  la  période  régressive  com- 
mence de  bonne  heure  pour  cette  néoplasie;  elle  débute 
toujours  par  le  centre,  elle  est  constituée  par  une  trans- 
formation granulo- graisseuse  du  tissu  qui  prend  l'as- 
pect caséeux,  elle  se  termine  le  plus  souvent  par  la 
fonte  puriforme  et  la  destruction  des  tissus  envahis. 
D'autres  fois  les  granules  graisseux  sont  résorbés  et  le 
tubercule  passe  à  l'état  crétacé.  La  caséification  n'est 
pas  propre  au  tubercule  comme  on  le  croyait  autrefois. 
Le  pus,  et  tous  les  produits  de  l'inflammation,  le  cancer, 
les  ganglions  lymphatiques,  peuvent  arriver  à  l'état  ca- 
séeux; tous  les  états  caséeux  se  ressemblent  et  il  est 
absolument  impossible  de  les  distinguer. 

Le  tubercule  est  produit  par  la  prolifération  ou  la 
transformation  des  cellules  du  tissu  conjonctif.  Le  type 
physiologique  de  la  cellule  tuberculeuse  est  la  cellule 
du  ganglion  lymphatique.  Le  tubercule  est  essentielle- 
ment une  petite  tumeur.  11  n'y  a  qu'une  espèce  de  tuber- 
cule :  le  tubercule  miliaire  ;  ce  qu'on  a  appelé  le  tubercule 
infiltré  est  un  produit  de  l'inflammation. 

Cette  description  est,  dans  ses  points  essentiels,  lare- 
production  des  travaux  de  Laënnec  et  des  connaissances 
classiques  sur  le  tubercule.  Certaines  propositions 
cependant  sont  nouvelles  et  appartiennent  en  propre  à 
l'école  micrographique,  ce  sont  les  suivantes  :  le  tuber- 
cule est  un  tissu  ;  ce  tissu  se  développe  exclusivement 
aux  dépens  des  cellules  du  tissu  conjonctif;  le  type 
physiologique  de  la  cellule  tuberculeuse  est  la  cellule 
lymphatique;  la  caséification  n'est  pas  exclusivement 
propre  au  tissu  tuberculeux.  Le  produit  morbide  connu 
sous  le  nom  de  tubercule  infiltré  n'est  pas  le  tubercule, 
c'est  un  produit  de  l'inflammation. 


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VIRCHOW  ET  LA.  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  105 

Certainement  le  tubercule  est  un  tissu,  et  c'est  là  une 
vérité  fort  importante,  due  aux  recherches  modernes. 
Mais  la  question  litigieuse  c'est  celle  qui  assimile  à  un 
produit  inflammatoire  ce  que  Laënnec  et  les  auteurs  qui 
l'ont  suivi  appelaient  tubercules  infiltrés;  c'est  pour  asseoir 
cette  opinion  qui  fait  d'un  très-grand  nombre  de  phthi- 
sies  une  forme  de  pneumonie  (pneumonie  caséeuse, 
pneumonie  épithéliale)  qu'ont  été  avancées  les  autres 
propositions  :  les  tubercules  se  développent  exclusive- 
ment aux  dépens  des  cellules  du  tissu  conjonctif.  La 
caséification  est  une  terminaison  commune  à  plusieurs 
produits  morbides  ;  voici  les  arguments  sur  lesquels 
s'appuie  cette  opinion  : 

L'inspection  micrographique  démontre  qu'il  existe 
dans  les  poumons  des  phthisiques  deux  lésions  d'aspect 
différent  :  la  granulation  tuberculeuse  et  la  pneumonie  ca- 
séeuse. La  première  de  ces  lésions  est  constituée  par  des 
noyaux  et  des  cellules  extrêmement  petites;  ces  cellules 
contiennent  habituellement  un  grand  nombre  de 
noyaux.  Elle  se  développe  aux  dépens  du  tissu  conjonctif. 

L'autre  lésion,  la  pneumonie  caséeuse,  a  son  siège  à 
la  fois  dans  les  alvéoles  et  dans  le  tissu  interalvéolaire. 
Elle  est  constituée  par  des  éléments  beaucoup  plus  volu- 
mineux que  les  précédents,  par  des  cellules  en  voie  de 
prolifération  mais  surtout  par  des  cellules  épithéliales. 

Les  deux  lésions  que  nous  venons  de  décrire  :  granu- 
lation tuberculeuse  et  pneumonie  caséeuse,  sont  égale- 
ment pauvres  en  vaisseaux  et  ont  une  tendance  à  passer 
rapidement  à  la  période  de  régression  graisseuse  (caséi- 
fication), elles  se  rencontrent  le  plus  souvent  chez  les 
mêmes  malades,  et  l'une  à  côté  de  l'autre,  dans  le  même 
poumon.  Cependant,  quelquefois  elles  semblent  exister 
isolément. 

À  notre  époque  où  les  idées  organiciennes  obscurcis- 


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106  MÉDECINE  GBNKRALE. 

sent  encore  la  plupart  des  intelligences  médicales,  on 
a  donné  à  ces  différences  de  lésion  une  importance 
exagérée,  et  l'histoire  de  la  phthisie  a  été  follement  bou- 
leversée du  point  de  vue  du  microscope.  La  magnifique 
unité  constituée  par  Laënnec  a  été  scindée.  Les  uns 
(Empis)  appelant  tubercule  et  phthisie  tuberculeuse  l'af- 
fection caractérisée  par  des  productions  caséeuses  (tuber- 
cules jaunes  des  auteurs)  ;  les  autres  réservant  le  nom 
de  tubercule  et  de  phthisie  tuberculeuse  à  la  produc- 
tion de  granulations  grises  dans  le  poumon. 

La  constatation  des  signes  d'un  travail  inflammatoire 
fréquent  là  où  l'école  de  Laënnec  enseignait  qu'il  existait 
seulement  une  néoplasie  a  été  la  première  cause  de  la 
confusion  a  laquelle  nous  assistons;  et  comme  l'illustre 
auteur  de  l'auscultation  avait  réagi  contre  Broussais  en 
niant  l'inflammation  dans  la  plupart  des  processus  pa- 
thologiques, les  descendants  de  Broussais,  les  organi- 
ciens  modernes,  ont  réagi  contre  Laënnec  en  donnant 
à  l'inflammation  une  importance  exagérée  dans  la  tu- 
berculisation.  La  vérité  se  trouve  dans  cette  loi  d'ana- 
tomie  pathologique  posée  par  J.-P.  Tessier  :  Les  néopla- 
sies  (pus,  cancer,  tubercules,  etc.)  se  développent  par 
deux  mécanismes  différents,  avec  ou  sans  inflammation. 

Il  est  donc  certain  que  l'inflammation  joue  un  rôle 
considérable,  plus  considérable  qu'on  ne  le  supposait 
avant  l'intervention  du  microscope,  dans  le  processus 
tuberculeux,  mais  nous  ne  pensons  pas  que  ce  soit  une 
raison  pour  couper  en  deux  l'histoire  de  la  phthisie. 
C'est  ce  que  l'étude  de  la  pneumonie  caséeuse  va,  je 
crois,  établir  d'une  manière  irréfragable. 

Qu'est-ce  donc  que  la  pneumonie  caséeuse? 

L'examen  à  l'œil  nu,  l'examen  macroscopique  permet 
de  constater  l'évolution  suivante  :  apparition  dans  la 
trame  du  tissu  pulmonaire  d'une  substance  grise,  plus 


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VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  107 

ou  moins  rosée,  mais  ayant  toujours  un  certain  degré 
de  transparence  (infiltration  g-élatiniforme,  pneumonie 
à  frai  de  grenouille).  Cette  substance  occupe  tantôt  de 
petits  points  multiples  et  circonscrits,  tantôt  une  partie 
plus  ou  moins  considérable  des  lobes  pulmonaires.  Elle 
est  très-peu  vasculaire  dès  le  début;  elle  se  sèche 
promptement,  perd  sa  transparence;  on  voit  apparaître, 
dans  des  points  multiples,  des  taches  louches,  opaques, 
de  plus  en  plus  jaunes,  et  bientôt  la  masse  entière  pré- 
sente cet  aspect  particulier  qui  lui  a  mérité  le  nom  de 
caséeux  (tubercules  jaunes  de  Laënnec);  en  même 
temps  les  rares  vaisseaux  de  la  néoplasie  s'oblitèrent 
complètement.  Plus  tard  ce  produit  morbide  passe, 
suivant  les  cas,  soit  à  l'état  de  ramollissement  puri- 
forme,  soit  à  l'état  de  calcification. 

L'aspect  extérieur  et  l'évolution  de  cette  lésion  res- 
semblent donc  complètement  à  l'aspect  extérieur,  à  l'évo- 
lution de  la  granulation  tuberculeuse  type  :  même  cou- 
leur grise,  même  transparence  au  début,  même  pauvreté 
de  vaisseau;  enfin  terminaison  par  un  état  caséeux 
identique.  Ajoutons  que  presque  toujours  on  rencontre, 
soit  dans  le  même  poumon,  soit  au  milieu  de  la  matière 
caséeuse,  de  véritables  granulations  tuberculeuses. 

L'examen  microscopique  ne  permet  point  de  consta- 
ter dans  le  tissu  qui  constitue  la  pneumonie  caséeuse 
les  noyaux  nombreux  et  les  petites  cellules  à  noyaux 
multiples  de  la  granulation ,  la  cellule  tuberculeuse 
manque  à  ce  produit  morbide.  En  revanche,  les  cellules 
épithéliales,  lésion  essentiellement  inflammatoire,  rem- 
plissent les  alvéoles  pulmonaires  et  constituent  une 
grande  partie  de  la  prétendue  infiltration  grise  :  donc 
il  n'y  a  point  là  de  néoplasie,  mais  un  produit  de  l'in- 
flammation. 

J'avoue  que  cette  arg-umentation  ne  me  satisfait  point 


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1(H  MÉDECINE  GENERALE. 

et  que  la  question  ne  me  paraît  pas  complètement  ré- 
solue. 

D'abord  la  présence  des  cellules  épithéiiales  ne  prouve 
absolument  rien  contre  la  nature  tuberculeuse  de  la 
prétendue  pneumonie  caséeuse.  Les  granulations  tuber- 
culeuses du  rein  et  du  testicule  développent  dans  les 
canalicules  urinifôre  et  spermatique  une  inflamma- 
tion tout  à  fait  identique  à  celle  qui  existe  dans  les  al- 
véoles pulmonaires  des  phthisiques;  et  dans  l'un  et 
l'autre  cas,  la  prolifération  des  cellules  épithéiiales,  suite 
naturelle  de  cette  inflammation  si  malheureusement 
appelée  catarrhale  (i),  par  Hérard  et  Cornil,  entre  pour 
une  grande  part  dans  la  constitution  de  la  masse  tuber- 
culeuse caséifiée. 

L'absence  de  la  cellule  tuberculeuse  dans  l'infiltra- 
tion grise  aurait  une  grande  valeur  s'il  existait  une 
cellule  tuberculeuse,  mais  il  n'existe  pas  plus  de  cellule 
tuberculeuse  que  de  cellule  cancéreuse;  les  petits  élé- 
ments qui  constituent  la  granulation  tuberculeuse  type 
se  rencontrent  identiques  dans  les  gommes  syphili- 
tiques et  dans  les  tumeurs  morveuses,  ils  n'ont  donc 
rien  de  spécifique,  ce  sont  des  éléments  communs  à 
plusieurs  lésions,  leur  absence  dans  l'infiltration  grise 
n'est  donc  pas  une  raison  suffisante  pour  nier  la  nature 
tuberculeuse  de  cette  lésion. 

Mais  il  ne  faut  pas  croire  que  la  prétendue  pneumo- 
nie caséeuse  ne  contienne  que  des  éléments  épithéliaux, 
des  leucocythes,  des  granules  graisseux  et  des  débris 
de  fibrine.  Ce  tissu  gris,  demi-transparent,  contient  une 

(I)  Ces  autours  appellent  la  pneumonie  caséeuse  pneumonie  catarrhale 
tuberculeuse,  parce  que  le  siège  principal  de  la  lésion  est  dans  les  cel- 
lules épithéiiales  des  alvéoles.  Mais  cette  expression  de  catarrhale  rap- 
pelle l'idée  d'une  maladie,  la  bronchite  grave,  qui  n'a  aucun  rapport 
avec  la  tuberculisalion.  Pneumonie  établissait  déjà  une  confusion  ;  ca- 
tarrhale double  pour  ainsi  dire  cette  confusion. 


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VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  109 

grande  quantité  de  cellules  à  noyaux  multiples,  plus 
grandes  il  est  vrai  que  les  cytoblastions  de  la  granula- 
tion tuberculeuse,  mais  qui  ne  sont  ni  des  leucocythes, 
ni  des  cellules  épithéliales.  Ces  éléments,  dont  parlent 
à  peine  Hérard  et  Cornil,  sont  des  cellules  en  voie  de 
prolifération,  des  cellules  jeunes,  des  cellules  qui  n'ont 
pas  encore  de  caractère. 

Il  est  nécessaire  de  rappeler  ici  que  Virchow  a  dé- 
montré qu'au  début  de  toutes  les  néoplasies  les  cellules 
nouvellement  formées  se  ressemblaient  toutes,  et  qu'il 
était  impossible  de  distinguer  par  l'examen  microscopi- 
que si  le  produit  nouveau  deviendrait  cancer,  tubercule, 
tissu  fibreux  ou  toute  autre  néoplasie;  qu'en  un  mot  il  y 
avait  un  moment  du  processus  où  les  éléments  étaient 
indifférents, 

Eb  bien,  les  grandes  cellules  de  l'infiltration  grise, 
ces  éléments  en  voie  de  prolifération  et  encore  sans  ca- 
ractère, que  deviennent-ils  plus  tard?  Ces  éléments 
entrent  prématurément  dans  la  période  régressive;  ils 
se  caséifient  avant  d'avoir  présenté  aucun  caractère 
spécilique;  il  meurent  avant  de  s'être  développés  complè- 
tement, et  c'est  pour  cela  que  l'infiltration  grise  ne  pré- 
sente pas  les  petites  cellules,  les  cytoblastions  des  gra- 
nulations tuberculeuses. 

J'ajouterai  que  la  granulation  grise  tuberculeuse  pré- 
sente h  sa  circonférence  des  cellules  très-analogues  à 
celles  que  l'on  rencontre  dans  l'infiltration  grise,  de 
grandes  cellules  en  voie  de  prolifération  ;  que  souvent 
ces  grandes  cellules  se  caséifient  avant  d'être  arrivées  à 
leur  état  complet  de  développement  et  sans  passer  par 
letat  de  cellules  tuberculeuses  types.  Cette  analogie 
d'évolution  d'une  part,  toutes  les  raisons  que  nous 
avons  énumérées  précédemment,  d'autre  part,  nous 
permettent  de  conclure  que  la  pneumonie  caséeuse  et 


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110  MÉDECINE  GÉNÉRALE. 

Ja  granulation  tuberculeuse  sont  deux  lésions  de 
môme  nature,  que  le  mode  d'évolution  est  seul  diffé- 
rent. 

La  pneumonie  caséeuse  est  donc  un  tissu  tuberculeux 
arrivé  prématurément  à  sa  période  régressive  ;  mais  en 
est-il  ainsi  de  l'affection  à  laquelle  on  a  donné  le  nom 
de  pneumonie  lobaire  caséeuse  ? 

Cette  affection  débute  comme  une  pneumonie  franche  : 
elle  s'accompag-ne,  au  début,  de  tous  les  signes  de 
l'hépatisation  ;  elle  siège  le  plus  souvent  dans  les  lobes 
inférieurs  et  se  termine  plus  ou  moins  rapidement  par 
la  mort  avec  des  symptômes  de  cachexie  tuberculeuse. 
La  lésion  consiste  dans  la  transformation  complète  d'un 
ou  de  plusieurs  lobes  du  poumon  en  une  substance  ana- 
logue à  du  mastic  de  vitrier.  Habituellement  on  ne 
trouve  pas  de  granulations  tuberculeuses  dans  les 
poumons,  comme  lésion  concomitante. 

Les  signes  stéthoscopiques  et  l'ensemble  des  sym- 
ptômes ne  permettent  pas  de  douter  qu'à  son  début 
cette  affection  soit  caractérisée  par  une  véritable  hépati- 
sation  fîbrineuse  du  tissu  pulmonaire.  Le  râle  crépitant 
véritable,  le  souffle,  les  crachats  visqueux,  sont  des 
signes  assurés  de  cette  lésion,  et  dans  les  trois  cas  qu'il 
m'a  été  donné  d'observer,  je  n'ai  pas  hésité  sur  le  dia- 
gnostic. La  suite  des  symptômes  démontre  que  cette 
pneumonie  se  change  en  phthisie  en  même  temps  que 
les  poumons  se  caséifient  complètement.  A  cet  état,  ils 
ne  laissent  plus  passer  l'air  et  donnent  à  l'auscultation 
soit  une  absence  de  bruit  respiratoire,  soit  du  souffle 
produit  par  le  retentissement  des  bruits  qui  se  passent 
dans  les  grosses  bronches.  Plus  tard  encore,  quand  la 
cachexie  apparaît,  les  râles  humides  et  le  gargouille- 
ment annoncent  le  ramollissement  de  la  masse  caséi- 
ûée.  A  l'autopsie  enfin,  à  la  place  de  l'hépatisation  rouge 


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VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  1 1 1 

qu'avait  annoncée  l'auscultation,  on  trouve  la  caséifica- 
tion  d'un  ou  plusieurs  lobes. 

Ces  faits  me  semblent  suffisamment  clairs  pour  qui 
n'est  pas  rivé  à  un  système;  et  ils  sont  la  démonstration 
de  la  transformation  du  tissu  pulmonaire  et  de  son 
exsudât  en  tissu  tuberculeux. 

Pour  terminer,  nous  citerons  un  long1  passage  du 
livre  de  M.  Villemin.  Le  lecteur  trouvera  dans  ce  pas- 
sade la  preuve  de  ce  que  nous  avons  avancé  sur  les 
caractères  histologiques  de  la  pneumonie  caséeuse. 

M.  Villemin  fait  remarquer,  en  premier  lieu,  que  dans 
les  tubercules  des  séreuses,  des  muqueuses,  des  gan- 
g-lions lymphatiques,  quand  on  examine  le  processus  à 
sa  période  initiale,  «  la  zone  proliférante  se  compose 
de  cellules  absolument  identiques  par  la  forme,  les 
dimensions  ou  tout  autre  caractère  aux  cellules  de  la 
pneumonie  caséeuse.  Ces  cellules  sont  globuleuses  ou 
allongées,  à  un  ou  plusieurs  noyaux,  et  ce  n'est  que  par 
leur  compression,  les  unes  contre  les  autres,  qu  elles 
prennent  quelquefois  des  faces  planes  qui  leur  donnent 
un  aspect  épithélial;  elles  ne  sont,  du  reste,  jamais 

soudées  entre  elles  On  a  donc  affaire  à  des  éléments 

conjonctifs,  en  voie  de  prolifération.  »  (P.  145-6.) 

Dans  le  passage  suivant,  M.  Villemin  combat  l'opinion 
qui  fait  de  l'infiltration  grise  un  produit  de  l'inflam- 
mation. J'ai  souligné  quelques  passages,  sur  lesquels  je 
désire  attirer  l'attention  du  lecteur. 

«  Dans  un  tissu  conjonctif,  la  tuméfaction  et  la  pro- 
lifération cellulaire  tuberculeuse  ne  diflërent  pas  de  la 
tuméfaction  et  de  la  prolifération  inflammatoire,  ce  n'est 
que  par  le  stade  final  qu'on  peut  juger  de  la  nature 
du  processus;  l'inflammation  aboutit  à  la  formation  du 

pus  ou  d'un  tissu  hypertrophique  

Mais  ce  qu'on  appelle  la  pneumonie  caséeuse  n'est  con- 


112  MÉDECINE  GENERALE. 

slitué  ni  par  du  pus,  ni  par  du  tissu  fibreux  :  cest  un 
produit  formé  de  cellules  au  stade  de  prolifération  qui  aboutit 
à  la  métamorphose  graisseuse.  Or  la  nécrobiose  ne  survient 
pas  dans  l'inflammation  à  cette  période  de  son  évolu- 
tion, tandis  qu'au  contraire  elle  constitue  un  des  carac- 
tères du  tubercule;  on  peut  s'en  assurer  dans  les  tissus 
simples  où  toute  confusion  est  impossible.  Du  reste,  on 
ne  manque  pas  de  rencontrer,  dans  ces  prétendues 
pneumonies,  des  nids  d'éléments  lymphatiques  (cel- 
lules de  granulations  grises)  d'une  dégénérescence  plus 
avancée  que  le  reste,  et  qui  marque  le  centre  des  foyers 
arrivés  a  leur  complète  évolution  ;  seulement  ces  élé- 
ments sont  ordinairement  de  la  grosse  espèce,  comme 
on  en  trouve  dans  les  tubercules  des  os,  ou  des  tissus 
conjonctifs lèches.  Quantauxautres  parties  du  processus, 
elles  représentent  la  néoplasie  au  stade  de  prolifération  et  cor- 
respond à  ce  que  nous  avons  décrit  comme  zone  moyenne  et 
externe  de  la  granulation  type.  Si  l'on  avait  affaire  à  un 
produit  inflammatoire,  de  nature  épithéliale  surtout,  on 
n  aurait  pas,  comme  cela  a  lieu,  une  suppression  delà  circu- 
lation dans  les  parties  malades,  et  le  poumon,  au  lieu  de 
prendre  dès  le  début  l'aspect  anémique  et  la  consistance 
sèche  propre  aux  tubercules,  serait  remarquable,  au 
contraire,  parla  turgescence  et  l'engluement  sanguin 
qui  caractérise  les  processus  inflammatoires.»  (P.  146-7.) 

Nous  sommes  Join  de  la  pneumonie  catarrhale  de 
MM.  Hérard  et  Cornil,  et  nous  avons  une  preuve  déplus 
des  erreurs  que  peut  enfanter  l'histologie  quand  elle 
n'est  pas  éclairée  par  les  lumières  supérieures  de  la 
pathologie  générale. 

Une  des  causes  persistantes  de  Terreur  que  nous 
venons  de  combattre  est  cette  funeste  manie  de  créer 
sans  cesse  des  mots  nouveaux,  et  le  choix  malheureux 
de  l'expression  caséipeation,  substitué  au  mot  de  dég-é- 


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VIRCHOW  ET  L\  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  113 

nérescencc  graisseuse.  La  première  expression  est  de- 
venue, clans  l'esprit  de  la  plupart  des  médecins,  syno- 
nyme d'affection  tuberculeuse,  de  sorte  qu'il  a  engendré 
et  qu'il  engendre  encore  une  confusion  regrettable  entre 
celte  néoplasie  et  les  produits  de  l'inflammation  quand 
ces  deux  lésions  sont  arrivées  à  un  stade  final  commun, 
la  régression  graisseuse.  Celte  confusion  s'augmente 
encore  quand  ces  deux  lésions  siègent  dans  le  même 
organe.  Aussi  sommes-nous  obligé  d'ajouter  ici  qu'il 
ne  faut  pas  conclure  de  notre  plaidoyer  en  faveur  de  Vin- 
filtrat  ion  tuberculeuse  que  nous  rejetions  l'existence  de 
lésions  inflammatoires  du  poumon  arrivé  à  la  période 
de  régression  graisseuse.  Ces  lésions  sont  incontesta- 
bles dans  certains  cas  d'asthme  et  de  catarrhes  chroni- 
ques. 

IV 

DU  PUS. 

Le  pus  est  une  néoplasie  constituée  par  des  éléments 
organisés,  la  cellule  purulente  et  un  liquide  intercel- 
lulaire, le  sérum  du  pus.  11  se  produit  aux  dépens  des 
cellules  du  tissu  conjonctif  dans  les  parenchymes,  et 
aux  dépens  des  cellules  épithéliales  sur  les  surfaces. 
La  doctrine  des  exsudais  est  fausse  pour  le  pus  comme 
pour  les  autres  néoplasies  ;  jamais  ce  produit  morbide 
ne  résulte  de  la  transformation  d'un  exsu  lat.  Le  rus 
est  une  transformation  et  non  pas  une  sécrétion.  Les 
cellules  du  pus,  comme  celles  de  toutes  le?,  néoplasies, 
ne  se  forment  pas  directement  de  la  cellule  conjonctive 
ou  épithéliale.  Le  premier  effet  de  la  prolifération  pa- 
thologique est  la  formation  de  cellules  jeunes,  sans  ca- 
ractère, indifférentes,  et  qui,  par  leur  développement, 
prennent  le  caractère  de  la  cellule  du  pus  (p.  400). 

TOME  XXXI.  —  FEVRIER  1870.  8 


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114  MÉDECINE  GENERALE. 

La  suppuration  n'est  pas,  à  proprement  parler,  une 
destruction  ;  c'est  une  formation  d'éléments  nouveaux. 
Seulement  ces  éléments,  contenus  dans  une  substance 
interccllulaire  liquide,  ne  peuvent  jouer  le  rôle  de  tissu 
solide.  La  suppuration  a  donc  pour  dernier  résultat  le 
ramollissement  et  la  liquéfaction  des  parties,  et  c'est 
ainsi,  ajoute  Virchow,  que  «  la  croissance  et  la  destruc- 
tion, ces  deux  processus  si  opposés  l'un  à  l'autre  en  ap- 
parence, ont  cependant  dans  le  fond  une  certaine  ana- 
logie »  (p.  104).  La  suppuration  s'accompagne  de  la 
formation  des  granulations.  Les  granulations  sont  consti- 
tuées par  un  tissu  en  voie  de  transformation  purulente  ; 
elles  présentent,  dans  la  partie  qui  s'éloigne  le  plus  de 
l'abcès,  des  cellules  arrondies  ne  possédant  qu'un 
noyau.  Ces  noyaux  se  multiplient  à  mesure  qu'on  se 
rapproche  de  la  surface  suppurante,  et  là  les  cellules  ne 
peuvent  plus  être  distinguées  de  l'élément  purulent. 
Vulcération  se  produit  par  la  prolifération  continue  des 
granulations,  par  la  transformation  en  pus  et  la  des- 
truction des  éléments  nouveaux.  La  membrane  pyogé- 
nique  est  due  à  l'organisation  des  cellules  conjonctives 
autour  du  foyer  de  suppuration.  Cette  membrane  n'en- 
gendre donc  pas  le  pus,  mais  est  produite  par  le  même 
travail  que  lui. 

Les  globules  du  pus  ne  peuvent  être  distingués  des 
globules  blancs  du  sang,  des  leucocythes.  Ces  deux  élé- 
ments se  ressemblent  complètement.  Cependant  le  pus 
n'est  pas  formé  par  les  leucocytes,  sortis  mécani- 
quement des  vaisseaux.  La  cellule  purulente  est  due  à 
une  élaboration,  à  une  génération  nouvelle.  Sur  les 
membranes  muqueuses,  en  particulier,  on  peut  voir  la 
prolifération  engendrer  successivement  des  cellules 
jeunes  n'ayant  encore  aucun  caractère  et  se  transfor- 
mant peu  à  peu  soit  en  cellules  épitliéliales,  soit  en 


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VIKCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  115 

mucus,  soit  en  pus.  On  retrouve  habituellement  les  trois 
processus  simultanés  sur  les  muqueuses  enflammées.  Si 
donc  la  cellule  purulente  est  due  à  la  transformation 
d'une  cellule  jeune,  d'abord  indifférente,  elle  n'est  pas 
constituée  par  un  leucocyte  sorti  des  vaisseaux.  Il  y  a 
des  liquides  purifonnes  qui  ne  contiennent  pas  de  cel- 
lules de  pus  et  sont  soit  des  cellules  épithéliales,  soit  du 
mucus,  soit  de  la  fibrine  désagrégée  (l). 

Le  pus  n'est  jamais  résorbé  en  nature;  quand  il  n'est 
pas  évacué  au  dehors  il  peut  se  présenter  deux  cas  : 
ou  bien  les  parties  liquides  du  pus  sont  seules  résor- 
bées, les  parties  solides  se  dessèchent,  subissent  plus  ou 
moins  la  dégénérescence  graisseuse,  et  passent  à  Y  état 
caséeux.  Cet  état  peut  persister  indéfiniment  ou  subir, 
au  contraire,  un  nouveau  ramollissement  qui  nécessite  l'ul- 
cération des  parties  et  l'évacuation  du  produit  morbide. 
Mais  quelquefois  la  résorption  du  pus  est  complète; 
elle  s'opère  par  le  mécanisme  suivant  :  les  parties  li- 
quides du  pus  ne  sont  pas  résorbées  ;  les  cellules  subis- 
sent rapidement  la  régression  graisseuse,  le  produit 
s'émulsionne,  devient  analogue  à  du  lait  et  est  résorbé 
directement. 

Tel  est  le  résumé  de  la  théorie  de  Virchow  sur  lafor- 
mation  du  pus. 

Le  physiologiste  de  Berlin  combat  victorieusement  la 
théorie  déjà  vieille  de  la  sécrétion  du  pus  et  celle  plus 
moderne  de  sa  formation  mécanique  parla  transsudation 
des  leucocytes.  Il  appuie  sa  démonstration  sur  l'évolu- 
tion du  processus  ;  la  formation  des  cellules  indifféren- 
tes, auxquelles  succèdent  graduellement  des  éléments 
complets.  Cet  argument  est  sans  réplique  et  ne  permet 

ti)  Voir  au  chapitre  des  néophsies  ce  que  nous  avons  dit  à  propos  du 
caillot  intra-veineux. 


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116  MEDECINE  GÉNÉRALE. 

pas  de  soutenir  l'opinion  qui  fait  de  la  suppuration  une 
simple  transsudation  de  leucocytes. 

La  justice  nous  oblige  de  rapporter  encore  ici  un 
passage  du  remarquable  travail  publié  par  le  Dr  Fré- 
dault  dans  [Art  médical  de  1856.  On  verra  que  Virchow 
se  borne  à  reproduire,  en  un  style  obscur,  des  idées 
exposées  beaucoup  plus  clairement  par  l'élève  de 
J.-P.  Tessier. 

«  Ainsi,  les  globules  du  pus  ne  ressemblent  pas  seule- 
ment aux  globules  muqueux  et  aux  jeunes  cellules  épi- 
tbéliales,  mais  bien  à  toutes  les  cellules  élémentaires  :  de 
sorte  que  le  globule  du  pus  n'est  pas  une  forme  extraor- 
dinaire étrangère  à  l'économie,  mais  au  contraire  une 
forme  qui  a  son  type  dans  [état  normal.  ïl  faut  remarquer 
aussi  que  les  globules  de  pus  n'ont  pas  une  forme  cel- 
luleuse  organisante,  car  le  pus  ne  produit  aucun  tissu  ; 
la  forme  de  ses  globules  est  une  forme  élémentaire,  et  qui, 
en  cette  qualité,  nes  'njnifie  aucune  organisation  précise  ;  c'est 
le  signe  d'un  travail  organisateur  en  général,  mais  d'un 
travail  non  spécifié.  Et,  ainsi,  lorsqu'une  partie  quel- 
conque, le  sang,  un  liquide  organisable,  un  solide 
même,  se  convertit  en  pus,  il  ne  fait  (pie  se  transformer 
en  un  clément  commun  d'organisation.  »  (Art  médical, 
t.  III,  p.  201.) 

Vircbow  a  donc  répété  M.  Frédault  quand  il  a  rap- 
proché la  cellule  purulente  de  la  cellule  muqueuse  et  de 
la  jeune  cellule  épilbéliale;  et  au  lieu  d'appeler  cet 
élément  nouveau  une  forme  élémentaire,  un  élément  coin- 
mun,  il  l'a  appelé  une  cellule  jeune^  une  forme  indifférente. 
L'expression  varie,  mais  l'idée  est  absolument  la  même; 
il  s'agit  toujours  d'un  élément  sans  caractère  propre,  et 
pouvant  servir  à  toutes  les  néoplasies  possibles. 

Dans  ce  même  passage  du  Dr  Frédault,  nous  retrou- 
vons encore  l'idée  de  l'analogie  entre  les  éléments  des 


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VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  117 

néoplasies  et  les  cléments  physiologiques.  La  cellule  du 
pus  a  son  type  dam  fêtai  normal.  Voici  un  passage  plus 
explicite  encore  :  . 

«  Et,  chose  vraiment  digne  de  frapper  l'esprit,  ce 
type  normal,  commun  de  toute  organisation,  se  retrouve 
dans  le  sang.  Le  sang  contient  un  globule  blanc  tout  à  fait 
semblable  au  globule  du  pus.  r.  (P.  262.)  Et  un  peu  plus 
loin  :  «  Je  ne  tiens  avant  tout,  ici,  qu'à  signaler  Yanalogie 
du  pus  avec  les  (/lobules  blancs  du  sang,  ce  type  de  la  forme 
commune  des  cellules  élémentaires.  Cette  analogie  fait 
reconnaître  que  le  globule  du  pus  a  son  type  dans  une  forme 
normale.  »  (P.  269.) 

Et  quant  à  la  nature  du  processus,  M.  Frédault  dit 
catégoriquement  : 

«  Que  le  globule  du  pus  se  forme  d'une  manière  ou 
d'une  autre,  toujours  est-il  qu  'il  se  forme  comme  une  cel- 
lule, qu'il  est  une  véritable  formation,  et  qu'il  a  son  type 
dans  le  sang  »  (p.  267). 

Une  connaissance  plus  approfondie  des  liquides  pu- 
rifornies;  l'impossibilité  reconnue  delà  résorption  du 
pus  en  nature  ;  la  description  des  divers  modes  régres- 
sifs des  collections  purulentes  non  évacuées  constituent 
un  véritable  progrès  dans  l'histoire  du  pus.  Cependant, 
nous  devons  faire  observer  que  le  pus,  arrivé  à  l'état 
caséeux,  n'est  plus  susceptible  de  subir  un  nouveau 
ramollissement.  C'est  pour  ce  produit  un  état  indéfi- 
niment stationnaire  et  qui  peut  tout  au  plus  tourner  à 
la  calcification.  C'est  la  confusion  du  tubercule  et  du 
pus  easéifié  qui  a  fait  croire  à  la  possibilité  du  ramollis- 
sement du  pus  arrive  à  la  période  de  régression  grais- 
seuse. 

Virchow  n'admet  pas  plus  pour  le  pus  que  pour  les 
autres  néoplasies  la  transformation  des  exsudats  et 
des  liquides  coagulablesdu  corps.  Nous  avons  déjà  traité 


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118  MÉDECINE  GÉNÉRALE. 

cette  question  à  propos  dos  néoplasies  en  général,  et 
nous  avons  démontré  que  les  caillots  intraveineux  su- 
bissaient réellement  la  transformation  purulente.  Il 
nous  resterait,  pour  compléter  notre  démonstration,  à 
rapporter  ici  l'évolution  des  suppurations  à  ]a  surface 
des  plaies  et  dans  les  cavités  formées  par  le  soulèvement 
de  l'épidémie.  Virchow  sait  aussi  bien  que  nous  que 
lorsqu'on  essuie  parfaitement  une  plaie,  ce  n'est  pas  du 
pus  qui  se  forme  immédiatement,  mais  un  liquide  trans- 
parent; que  dans  la  pustule  et  la  vésication,  c'est  un 
liquide  librineux  qui  apparaît  pendant  les  premières 
heures  et  qui  se  transforme  graduellement  en  pus.  Mais 
ces  phénomènes  gênent  la  théorie  cellulaire,  et  Virchow 
setirede  cette  difficulté  en  s'envcloppantdans  les  nuages 
d'une  obscurité  d'autant  plus  profonde  que  la  difficulté 
est  plus  grande.  Qu'on  en  juge  par  le  passage  suivant  : 
«  On  a  pensé  qu'il  se  formait  d'abord  une  exsudation, 
au  milieu  de  laquelle  le  pus  se  produisait,  et  les  re- 
cherches faites  sur  le  développement  du  pus  ont  surtout 
porté  sur  de  semblables  liquides.  Il  était  bien  naturel, 
tant  qu'on  n'admettait  pas  la  continuité  de  la  formation 
cellulaire,  qu'on  considérât  les  jeunes  cellules  comme 
des  formations  libres,  et  qu'on  pensât  à  la  formation 
des  germes  au  milieu  du  liquide  épanché,  germes  qui, 
devenant  peu  à  peu  plus  nombreux,  produiraient  les 
corpuscules  du  pus.  Mais  les  choses  se  passent  autre- 
ment. Quand  la  suppuration  dure  longtemps,  un  nombre 
de  cellules,  de  plus  en  plus  considérable,  subit  la  pro- 
lifération, la  pustule  s'élève  parce  que  le  nombre  des 
cellules  qui  viennent  s'y  rendre  est  augmenté.  Quand 
une  pustule  de  variole  se  forme,  elle  contient  d'abord 
une  gouttelette  de  liquide;  mais  ce  liquide  ne  produit 
rien  et  diminue  seulement  la  cohérence  des  parties  voi- 
sines. »  (P.  398.) 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  119 

Qu'est-ce  que  signifient  ces  jeunes  cellules,  regardées 
comme  des  formations  libres;  qui  sont  considérées 
comme  des  germes,  lesquels  germes  deviennent  des 
cellules  de  pus  ?  Et  cette  vérité  trop  véritable  que  la 
pustule  s'élève  parce  quo  le  nombre  des  cellules  devient 
plus  considérable?  Puis  celte  gouttelette  du  liquide  qui 
remplit  la  pustule  a  son  début,  mais  ne  produit  rien?  Il 
ne  s'agit  ni  de  germes,  ni  des  vérités  de  M.  de  La  Pa- 
lisse, mais  il  s'agit  de  la  succession  do  phénomènes  in- 
contestables, l'épanchement  d'un  liquide  fïbrineux  qui, 
graduellement,  est  remplacé  par  un  liquide  purulent. 
Eh  bien,  de  deux  choses  l'une:  ou  le  liquide  fïbrineux  est 
repris  par  l'absorption  pour  être  remplacé  par  du  pus, 
ce  qui  est  une  supposition  purement  gratuite;  ou  bien 
il  est  transformé  en  pus;  et  comme  c'est  là  l'expression 
d'un  fait  parfaitement  observé,  nous  pouvons  conclure 
que  le  pus,  comme  toutes  les  néoplasies.  est  produit  par 
la  transformation  des  solides  et  des  liquides  coagulables 
du  corps  vivant. 

P.  JOUSSET. 

—  La  suite  au  prochain  numéro.  — 


MÉDECINE  PRATIQUE 


CAUSERIES  CLINIQUES 

*  TOME  II 

XI 

TRAITEMENT  DE  LA  DIPHTHERIE. 
—  Suite  — 

XX.  Si,  par  un  coup  d'oeil  rétrospectif,  on  considère 
l'exposé  précédent  des  cinq  formes  de  la  diphthérie,  on 


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120  MÉDECINE  PRATIQUE. 

reconnaîtra  que,  dans  cette  maladie,  la  gravité  et  le 
pronostic  diffèrent,  non-seulement  suivant  la  forme, 
mais  encore  suivant  la  variété  de  la  forme.  Pour  per- 
mettre d'apprécier  la  valeur  d'un  traitement  dans  la 
diphthérie,  il  est  donc  indispensable  d'en  signaler  les 
formes  et  les  variétés  de  forme  contre  lesquels  il  a  été 
appliqué  :  ce  qui  n'est  généralement  pas  fait  par  les 
médecins,  hormis  quand  ils  exposent  avec  détail  les 
observations  cliniques. 

Vu  leur  pronostic,  les  cinq  formes  de  la  diphthérie 
pourraient  être,  pour  ainsi  dire,  considérées  comme 
cinq  maladies  différentes. 

Ajoutées  auxsix  précitées  (muguet, angines  tonsillaire, 
ulcéreuse,  aphtheuse,  pultacée,  herpétique),  elles  con- 
titueraient  onze  maladies  dans  lesquelleson  voit  du  blanc 
au  fond  de  la  gorge,  suivant  l'expression  familière  d'un 
chirurgien  des  hôpitaux.  Mais,  comme  sur  ces  six 
maladies  deux  seulement,  l'angine  herpétique  et  l'angine 
pultacée,  peuvent  être  quelquefois  confondues  avec  les 
cinq  formes  de  la  diphthérie,  il  ne  resterait  que  sept 
maladies  analogues  ou  semblables  quant  à  la  lésion 
apparente,  mais  très-différentes  quant  à  la  nature  ou  à 
la  gravité  et  au  pronostic. 

Le  chirurgien  précité,  on  se  le  rappelle,  ne  s'occupant 
nullement  de  distinguer  ces  sept  espèces  ou  formes 
d'angines,  appliquait  un  traitement  uniforme,  la  cau- 
térisation, aux  80  malades  qui  en  étaient  atteints.  Il 
attribuait  les  76  guérisons  obtenues  à  la  cautérisation, 
et  cela  bien  à  tort,  car  il  ne  devait,  je  le  répète,  ce  succès 
apparent  qu'à  la  double  confusion  nosologique  par  lui 
commise.  11  a  été  et  il  est  encore  trop  souvent  imité  sur 
ce  point  par  les  médecins  qui  écrivent  comme  par  ceux 
qui  pratiquent,  préconisant  presque  tous  plus  ou  moins 
aveuglément  une  médication  exclusive. 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  121 

Pour  éviter  leurs  errements  et  d'autant  mieux  recher- 
cher les  remèdes  efficaces  contre  la  diphthérie,  je  vais 
analyser  les  observations  cliniques  publiées  sur  cette 
maladie,  éliminer  celles  qui  ne  lui  appartiennent  pas, 
el,  quant  à  celles  qui  lui  appartiennent,  les  classer 
suivant  leur  forme  respective. 

Dans  une  première  partie  de  la  section  de  thérapeu- 
tique, je  consacrerai  un  premier  article  à  chaque  médi- 
cation préconisée  contre  la  diphthérie  et  à  ses  résultats. 
Dans  la  seconde  partie  de  cette  section,  je  passerai 
successivement  en  revue  les  cinq  formes  de  cette  maladie 
en  signalant  les  effets  heureux  ou  malheureux  des 
remèdes  employés  contre  chacune  d'elles.  Gomme  on  le 
présume,  cette  seconde  partie  constituera  une  sorte  de 
tableau  synoptique  exposant  les  indications  cliniques 
des  médicaments  dans  chaque  forme. 

On  a  préconisé  et  employé  contre  la  diphthérie,  la 
saignée,  la  glace,  la  cautérisation  avec  le  nitrate  ff  argent 
ouX  acide  chlorhydrique,  X inoculation  de  lamatièrediphthé- 
rilique  comme  préventif  et  curatif  et  les  médicaments 
suivants  :  aconit \  hepar  sulfuris  calcarcum,  spomjia  tosta, 
belladonn,  bnjonia  et  ipéca,  niercurius  vivus,  mercurius  solu - 
bilisymercurius  corrosivus  eisublimatus,mercuriicyanuratum , 
kali  chloricum,  kali  bichromaticum ,  mercurius  biiodaius, 
ammonium  causticum ,  arsenicum ,  argentum  nitricum  , 
ni  tri  acidum,  muriatis  acidum,  sulfuris  acidum,  capsicum 
an  mai  m  ,  phytolacca  decandra ,  chininum  arsenicosum , 
iodium,  bromum,  bromure  de  potassium,  bromure  de  mercure, 
sulfate  de  quinine,  nitrate  de  potasse  et  bicarbonate  de 
l h) tasse,  le  chlore  gazeux,  Veau  de  chaux. 

Je  vais  passer  en  revue  quelques-uns  de  ces  remèdes 
et  médications,  dire  leurs  succès  et  insuccès,  rechercher 
leurs  indications  et  contre-indications. 


122  MÉDECINE  PRATIQUE. 

XXI.  Saignées.  —  Le  Dr  Simorre,  de  Contres  (Loir-et- 
Cher),  pratique  une  saignée  toutes  lesquatre  heures,  habi- 
tuellement quatre  par  jour,  quelquefois  même  cinq,  six 
ou  sept.  La  guérison  a  lieu,  dit-il,  le  plus  habituellement 
en  vingt-quatre  heures.  Pendant  les  épidémies  de  1862 
et  1863,  il  a  traité  ainsi  avec  succès  53  malades  et  2  en 
1860.  Ce  médecin  ne  donnant  pas  les  signes  objectifs 
présentés  par  ses  malades,  je  présume  qu'il  n'a  eu  à 
soigner  que  les  formes  bénigne  ou  commune  légère  de 
ladiphthérieou  peut-être  môme  des  angines  herpétiques 
ou  pul lacées.  Ce  qui  me  porte  à  le  croire,  c'est  qu'il  met 
en  doute  l'efficacité  des  saignées  dans  le  croup.  Cette 
médication,  également  appliquée  par  le  Dr  Corsât,  de 
Contres,  ne  serait  donc  pas  employée  dans  les  formes 
graves  de  la  diphthérie  mais  seulement  dans  les  formes 
bénignes  et  probablement  aussi  contre  les  angines 
herpétique  et  pultacée,  qui  guérissent  spontanément  et 
même,  parait-il,  malgré  les  saignées.  {Tribune  médicale, 
t.  H,  p.  33  et  54.) 

XXII.  Glace.  —  Le  Dr  Bleynie  père,  après  le  Df  de 
Grandboulogne  et  le  Dr  Baudon,  préconise  ce  traitement 
chez  les  adultes  et  les  enfants  atteints  de  diphthérie.  Le 
malade  laisse  fondre  dans  sa  bouche  un  petit  morceau 
de  glace  immédiatement  remplacé  par  un  autre,  et  cela 
jusqu'à  la  disparition  des  fausses  membranes  qui  a  lieu 
du  deuxième  au  septième  jour.  Le  soulagement  est  im- 
médiat, on  donne  en  même  temps  du  vin  et  quelques 
aliments.  Le  Dr  Bleynie  déclare  n'avoir  jamais  eu  d'in- 
succès en  employant  cette  médication. 

La  Tribune  médicale  (t.  I,  p.  245)  emprunte  l'extrait 
précédent  à  la  Revue  médicale  de  Limoges,  sans  citer 
aucune  observation  clinique  à  l'appui,  aussi  ne  puis-je 
pas  savoir  quelles  espèces  ou  formes  d'angines  ont  traitées 


CAUSERIES  CLINIQUES.  123 

ces  Irois  médecins.  Cependant,  le  Dr  Lacaze  signale 
explicitement  deux  cas  de  forme  bénigne  ou  commune 
légère  et  un  cas  de  forme  putride  guéris  par  la  glace. 
Du  reste,  celle-ci  peut  être  employée  comme  un  utile 
adjuvant  de  concert  avec  le  traitement  homœopathique, 
car  elle  constitue  ainsi  une  des  nombreuses  applications 
de  l'hydrothérapie,  qui  provoque  si  puissamment  la 
réaction. 

XXIII.  Cautérisations.  —  Le  Dr  Augé,  de Rouilly  (Indre), 
expose  dans  les  termes  suivants  l'action  nuisible  de  la 
cautérisation  : 

«  Je  suppose  qu'il  s'agisse  d'une  angine  couenneuse 
commune  {herpès  du  pharjnx).  Un  médecin  peu  attentif  se 
contentera  du  symptôme  commun  (fausses  membranes) 
et  diagnostiquera  une  angine  couenneuse  qu'il  appel- 
lera aussi  du  nom  de  diphthérite.  Le  traitement  clas- 
sique sera  :  cautérisation  énergique  au  nitrate  d'ar- 
gent. 

«  L'amygdale  est  cautérisée ,  il  se  fait  une  eschare 
doublée  de  la  fausse  membrane,  plus  épaisse,  plus  dense 
et  plus  large;  car  vous  n'avez  pas  appliqué  le  crayon  ou 
le  pinceau  sur  la  fausse  membrane  seulement.  L'action 
du  caustique  s'est  étendue.  De  plus,  aussitôt  après* 
l'opération,  par  un  mouvement  de  déglutition,  il  y  a 
contact  des  deux  amygdales  et  le  caustique  se  porte  de 
l  une  sur  l'autre,  ainsi  que  sur  le  voile  du  palais;  de  sorte 
qu'au  lieu  d  une  eschare  vous  en  avez  deux  ou  trois, 
qui  seront  prises  pour  des  fausses  membranes,  et  qui, 
au  bout  de  quelques  heures,  pourront  être  recouvertes, 
en  effet,  d'une  véritable  fausse  membrane. 

«  Le  lendemain- on  trouve  une  fausse  membrane  plus 
blanche,  plus  épaisse  et  l'on  est  très- étonné  d'en  trouver 
sur  l'autre  amygdale  et  sur  le  voile  du  palais. 


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121  MÉDECINE  PRATIQUE. 

«  Le  médecin,  effrayé,  cautérise  éncrgiquemcnt.  Le 
surlendemain,  même  étonnement,  même  médication. 
Il  entretiendra  ainsi  pendant  long-temps  des  fausses 
membranes,  qu'il  appelleradiphthéritiques.  Mais  voyant 
qu'il  n'y  a  point  ou  seulement  peu  de  fièvre,  qu'il  y  a 
de  l'appétit,  il  cessera  ses  cautérisations.  Au  bout  de 
quelques  jours,  il  y  a  du  mieux;  les  eschares  se  déta- 
chent et,  en  peu  de  temps,  la  guérison  est  complète.  A 
ce  moment,  on  criera  victoire  !  et  ce  sera  la  cautérisation 
qui  aura  opéré  ce  magnifique  succès. 

«  Ce  que  je  raconte,  je  l'ai  vu  plusieurs  fois.  J'ai  vu 
deux  enfants  atteints  d'angine  couenneuse  herpétique, 
cautérisés  quatre  ou  cinq  fois  par  jour,  chez  lesquels 
les  amygdales  et  le  voile  du  palais  étaient  recouverts  de 
peaux  épaisses  et  fétides  dues  à  l'abus  de  la  cautérisation 
et  qui  n'ont  eu  du  mieux  qu'après  la  cessation  de  cette 
détestable  méthode.  Ils  ont  guéri  par  des  toniques  et  des 
gargarismes. 

a  Chez  une  petite  fille  atteinte  d'angine  couenneuse 
herpétique,  j'ai  fait  l'expérience  suivante,  pour  convain- 
cre la  mère  qui  voulait  que  sa  fille  f  ut  cautérisée,  parce 
qu'une  petite  voisine  l'était  quatre  ou  cinq  fois  par  jour. 
J'ai  touché  avec  le  nitrate  d'argent  pendant  huit  jours 
l'amygdale  droite  recouverte  d'une  fausse  membrane 
(herpétique),  et  je  ne  touchai  qu'une  fois  l'amygdale 
gauche  qui  était  atteinte  du  même  mal. 

a  Au  bout  de  deux  jours,  l'amygdale  gauche  fut  guérie, 
tandisque  j'entretins  pendant  huit  jours  la  fausse  mem- 
brane sur  l'amygdale  droite,  qui  ne  guérit  qu'après  la 
cessation  des  cautérisations;  j'entretenais  un  véritable 
cautère  sur  une  amygdale.  »  (Tribune  médicale  du  5  sep- 
tembre 1869.  —  L'Art  médical,  XXVIII,  311.) 

Voilà  bien  un  exemple  démontrant  qu'on  peut  aggra- 
ver, prolonger,  en  la  cautérisant,  une  simple  angine 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  125 

herpétique  qui  guérit  spontanément  et  même,  parait-il, 
malgré  ce  traitement. 

Le  Dr  Bouclier,  de  Sancergues  (Cher),  décrivant  une 
épidémie  de  18  cas  de  diphthérie  qui  avait  été  traitée 
avec  là  cautérisation  par  le  nitrate  d'argent  ou  le  perchlo- 
njre  de  fir  ou  Y  acide  chlorhydrique,  Y  alun,  ajoute  : 

«  Ce  traitement  local  na  jamais  rien  modifié.  Les  fausses 
membranes  se  sont  reformées  rapidement,  quelquefois 
après  une  heure,  avec  leur  adhérence  primitive  et  leur 
épaisseur  quelquefois  excessive. 

«  En  revanche \  ces  cautérisations  fatiguaient  beaucoup  les 
petits  muladest  .F en  ai  vu  deux  avoir  des  convulsions  à  la 
suite. 

«  Beaucoup  de  malades,  en  outre,  atteints  de  diphthé- 
rie. (juèrissent  journellement  sans  avoir  été  cautérisés. 

«Ainsi,  point  de  bénéfices  aux  cautérisations;  au 
contraire,  leur  pratique  entraîne  des  dangers,  épuise 
les  forces  si  amoindries  des  sujets,  provoque  des  convul- 
sions. 

«  Pourquoi  la  cautérisation,  en  effet?  La  fausse  mem- 
branes ri  est  rien  qu'une  étiquette.  Il  y  a  au-dessous  d'elle 
une  maladie  générale  qui  la  commande,  et  qu'on  n'atteint 
pas  par  les  caustiques.  Veut-on  une  preuve  à  l'appui  de 
<*tte  opinion? 

«La  rougeole,  la  scarlatine,  la  variole,  la  suette,  la 
lièvre  typhoïde,  la  fièvre  puerpérale,  le  choléra,  la  dy- 
s^ntérie,  sont  des  maladies  générales  résultant  d  une 
,nto.\ication  spéciale.  Elles  présentent  trois  caractères 
m'iles  rapprochent  et  eu  forment  un  groupe  parfaite- 
ment distinct. 

'  Ces  caractères  sont  :  l'état  du  sang,  la  contagion,  les 
loches  spéciales  à  la  peau.  Eh  bien  î  la  diphthérie  pré- 
sente le  même  état  du  sang;  elle  est  contagieuse  et,  de 
plus,  elle  a  des  taches  à  la  peau.  La  diphthérie  est  donc 


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■ 


126  MÉDECINE  PRATIQUE. 

une  maladie  générale  par  intoxication  et  qui  rentre  dans 
le  cadre  précédent.  »  {France  médicale  du  27  octobre  1860. 
—  LArt  médical,  XII,  461.) 

Dans  les  Archives  générales  de  médecine  (1850,  p.  53- 
54),  le  Dr  Empis  a  publié  une  Etude  de  la  diphthérite  cf  a- 
près  une  maladie  observée  à  r hôpital  Necker  en  1848,  étude 
à  laquelle  j'emprunte  le  passage  suivant  : 

«  Chez  plusieurs  de  nos  enfants,  la  diphthérite  débuta 
par  une  simple  plaque  très-souvent  circonscrite,  qui  fut 
vigoureusement  combattue  par  l'aclion  fréquemment 
réitérée  des  caustiques.  L'application  locale  était  pronip- 
tement  suivie  d  une  grande  amélioration.  La  diphthé- 
rite cessait  de  s'étendre  en  surface  et,  au  bout  de  quel- 
ques jours,  marchait  vers  la  cicatrisation.  Cependant 
alors  môme  que  la  cicatrisation  était  complète,  comme 
chez  plusieurs  de  nos  enfants,  on  voyait,  au  bout  de 
dix  à  quinze  jours,  la  diphthérite  se  répéter  avec  vio- 
lence sur  le  canal  aérien  et  produire  la  mort.  » 

Dans  sa  quatrième  lettre  à  M.  le  Dr  Marchai  (de  Calvi), 
rédacteur  de  la  Tribune  médicale,  le  Dr  Jousset  disait  : 

«  Vous  vous  rappelez,  très-honoré  confrère,  avec 
quelle  bruyante  satisfaction  Brctonneau  et  Trousseau 
ont  publié  les  succès  merveilleux  du  traitement  local 
dans  la  diphthérie!  Ce  traitement,  bien  appliqué,  arrêtait 
tous  les  accidents,  et  je  ne  me  rappelle  plus  dans  quel 
village  de  la  Touraine  une  bonne  femme  avait  guéri, 
avec  de  l'alun  insufflé  dans  la  gorge,  tous  les  malades 
qui  s'étaient  adressés  à  elle,  tandis  que  les  médecins 
étaient  arrivés  à  une  mortalité  effrayante. 

a  Malgré  ces  prétendus  succès,  vous  avez  vu,  très- 
honoré  confrère,  la  trachéotomie  devenir  chaque  jour 
plus  fréquente  et  témoigner  ainsi  que  le  traitement  lo- 
cal était  bien  souvent  insuffisant.  Enfin,  dans  ces  der- 
nières années,  Trousseau,  le  grand  promoteur  de  Y  alun 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  127 

et  du  nitrate  aaryent,  m'a  avoué  qu'il  se  bornait  à  tou- 
cher  l'arrière-gorge  avec  un  peu  du  jus  de  citron!  Voilà, 
en  dernière  analyse,  où  alxmtit  tout  le  tapage  de  ce  qu'on 
a  appelé  pompeusement  l'École  de  Tours,  sur  le  traite- 
ment local  de  la  diphlhérie.  »  {L'Art  médical,  XXIX,  97.) 

Si,  après  avoir  lu  ce  qui  précède,  un  médecin  préfère 
encore  employer  la  cautérisation  contre  la  diphthérie, 
c'est  qu'il  considère  les  fausses  membranes  comme  un 
poison  pouvant  envahir  tout  l'organisme  et,  à  cause  de 
cela,  devant  être  détruit  sur  place.  Ce  même  praticien 
cautérisera  aussi,  à  l'occasion,  le  chancre  induré,  croyant 
naïvement,  par  là,  prévenir  le  développement  de  la  sy- 
philis. 

Celle  doctrine  des  empoisonnements  morbides  n'est 
qu'une  hypothèse,  et  le  poison  diphthéritique  n'est 
qu'une  métaphore. 
En  effet,  comme  le  dit  très-bien  le  Dr  Jousset  : 
«  Les  empoisonnements  véritables  sont  essentielle- 
ment des  maladies  de  cause  externe  et  en  rapport  direct 
avec  un  agent  déterminé.  Un  poison  est  une  substance 
minérale,  végétale  ou  animale,  parfaitement  analysée 
et  susceptible  d'être  isolée.  Elle  a  trois  caractères  prin- 
cipaux : 

i*  Elle  agit  sur  tous  les  individus  d'une  même  espèce 
animale  ; 

2*  Elle  agit  immédiatement  et  sans  incubation; 

3*  Son  action  est  proportionnée  a  sa  quantité. 

«  Les  poisons  morbides  hypothétiques  se  distinguent 
des  précédents  : 

«  1°  Parce  qu'ils  agissent  sur  un  nombre  d'individus 
fort  restreint  dans  une  espèce  animale  ; 

«  2°  Parce  que,  pour  la  plupart,  ils  n'agissent  qu'une 
seule  fois  pendant  la  vie  d'un  même  individu; 

«  3"  Parce  qu'ils  ne  développent  leurs  effets  qu'après 


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1?8  MÊDECINIî  PRATIQUE. 

une  période  de  temps  plus  ou  moins  longue  (pi  on  ap- 
pelle incubation; 

«  4°  Parce  que  la  quantité  de  matière  inoculable  et 
contagieuse  est  tout  à  fait  indifférente  ;  qu'une  syphilis 
grave,  par  exemple,  peut  élre  produite  par  une  quan- 
tité infiniment  petite  de  liquide  inoculable,  tandis  qu'une 
quantité  dix  fois,  cent  fois  plus  considérable  produit, 
chez  un  autre  individu,  une  syphilis  bénigne,  et,  chez 
un  troisième,  ne  produit  rien  du  tout  ; 

«  5"  Enfin,  parce  que  les  poisons  morbides  sont  entiè- 
rement soumis  à  l'organisme  vivant,  qui  les  reçoit  ou 
les  repousse;  qui  engendre,  avec  le  même  agent,  des 
formes  morbides  diverses,  et  qui,  au  moins  pour  la  di- 
phthérie,  crée  la  maladie  de  toutes  pièces  et  en  l'absence 
de  tout  contage  ;  parce  (pie,  en  un  mot,  ces  prétendus 
empoisonnements  sont  des  maladies  de  cause  in- 
terne. 

«  C'est  donc  par  métaphore  qu'on  appelle  la  fausse 
membrane  inoculable  un  poison,  puisque  cette  substance 
a  des  propriétés  toutes  différentes  de  celles  des  vérita- 
bles poisons.  Or,  il  ne  convient  pas  à  une  science  comme 
la  nôtre,  qui  aspire  à  devenir  une  science  positive,  de 
prendre  une  comparaison  fausse  pour  une  vérité,  de  se 
nourrir  de  métaphores,  et  encore  moins  de  baser  tout 
un  traitement  sur  des  hypothèses  creuses. 

«  La  diphthéric  est  une  maladie  contagieuse,  premier 
fait.  La  fausse  membrane  est  l'agent  de  cette  contagion, 
second  fait.  De  ces  deux  faits,  on  ne  peut  légitimement 
conclure  qu'une  chose  :  c'est  qu'il  faut,  autant  que  pos- 
sible, soustraire  les  personnes  saines  aux  émanations 
des  personnes  atteintes.  Mais,  conclure  de  ces  deux 
faits  que  la  fausse  membrane  est  un  poison;  que  la  di- 
phthérie  est  un  empoisonnement;  et  qu'on  arrêtera  cet 
empoisonnement  en  détruisant  la  fausse  membrane; 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  129 

c'est  faire  un  roman,  propre  uniquement  à  égarer  la 
pratique  médicale. 

En  résumé...,  «  la  fausse  membrane  n'étant  qu'un 
produit  morbide,  un  effet  et  non  une  cause,  sa  destruc- 
tion ne  saurait  empêcher  ni  sa  reproduction ,  ni  son 
extension.  »  (LArt  médical,  XXIX,  100.) 

Insufflation  de  poudre  fine  de  nitrate  d'argent  à  l'aide 
d'un  tube  et  d'un  appareil  en  caoutchouc  (poire  com- 
pressible de  Galante;.  C'est  un  procédé  de  cautérisation 
préconisé  parle  Dr  Guillon  père. 

Il  a,  dit-il,  guéri  divers  malades  sous  les  yeux  de 
Bretonneau,  Blache,  Trousseau  et  Delpech.  Et  pourtant 
ces  médecins  n'ont  pas  adopté  son  procédé,  ce  qui  n'est 
pas  une  recommandation  en  sa  faveur.  {Tribune  médi- 
cale, I,  433.) 

XXIV.  Nitrate  de  potasse  et  bicarbonate  de  potasse.  — 
LcD'Constant-Cavenne  fait  boire  en  vingt-quatre  heures 
1  à  2  litres  d'une  tisane  d'orge  miellé  contenant  par 
litre,  soit  : 

Nitrate  de  potasse.    .    .    .    I  gramme. 
Bicarbonate  de  potasse.  .  .    3  — 

soit 

Nitrate  de  potasse.  ...  3  — 
Bicarbonate  de  potasse.  .  .  4  — 
«  Quand  je  voyais,  écrit  ce  médecin,  les  malades  uri- 
ner ou  suer  abondamment,  j'augurais  favorablement  de 
la  promptitude  et  du  bon  succès  de  la  cure.  Du  reste, 
presque  immédiatement  ou  parallèlement ,  je  voyais 
s'amoindrir  l'exsudation  plastique  et  l'engorgement 
sons-maxillaire  diminuer.  L'alcalinisation  des  humeurs, 
traduite  par  l'alcalinité  de  l'urine,  était  le  gage  de  la 
guérison.  Plus  d'une  fois  (c'est  ce  qui  résulte  de  mes 
observations)  le  sujet  ayant  cessé  de  boire,  l'urine  de- 

TOME  XXXI.  —  FÉVRIER  1870.  U 


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130  MÉDECINE  PRATIQUE. 

venait  neutre  ou  acide,  et  l'amélioration  était  enrayée, 
ou  même  l'état  de  la  gorge  empirait  ;  et,  avec  la  reprise 
des  boissons,  avec  le  retour  de  l'alcalinité  de  l'urine,  la 
diphthérie  rétrogradait  et  la  guérison  s'affirmait.  » 

Quoique  cet  auteur  s'élève  avec  véhémence  contre  la 
cautérisation,  il  cautérise,  néanmoins,  tous  ses  malades 
avec  le  nitrate  d'argent  ou  avec  le  miel  chl or  hydrique. 

Il  dit  n'avoir  perdu  que  deux  malades  sur  26  cos  de 
diphthérie.  Dans  la  Tribune  médicale  (t.  1,  p.  481,  498, 
521,  533).  il  a  publié  23  observations  de  malades  guéris, 
parmi  lesquelles  j'en  trouve  : . 

4  appartenant  à  la  forme  bénigne  (obs.  VII,  VIII, 
X,  XI)  ; 

16  appartenant  à  la  l'orme  commune; 

2  appartenant  à  la  forme  putride  (obs.  V,  XIII). 

XXV.  Insufflation  de  peurs  de  soufre  préférablement  non 
lavées,  parce  qu'elles  contiennent  un  peu  d'acide  sulfu- 
rique.  —  A  l'aide  d'un  petit  ballon  en  caoutchouc  muni 
d'un  tube  recourbé,  ces  fleurs  de  soufre  sont  projetées, 
trois  fois  par  jour,  ou  même  toutes  les  quatre  heures, 
sur  les  fausses  membranes,  lesquelles  disparaîtraient 
rapidement.  Telle  est  du  moins  l'assertion  du  DrAnto- 
nio-Maria  Borbosa  (de  Lisbonne),  qui  cite  deux  cas  de 
diphthérie,  forme  commune,  guéris  par  ce  traitement. 
Le  chlorate  de  potasse,  administré  antérieurement,  n'a- 
vait pas  paru  eflicace.  (Tribune  médicale,  t.  II,  p.  458.) 

XXVI.  Injections  deau  de  chaux  contre  le  croup,  par 
le  Dr  Albu,  médecin  de  l'hôpital  Saint-Lazare,  à  Berlin. 
—  Il  introduit  la  seringue  Pravaz  entre  les  anneaux  de 
la  trachée  et  injecte  quelques  gouttes  d'eau  de  chaux 
tiède.  Puis,  ne  voyant  aucun  accident  en  résulter,  il  en 
injecte  la  pleine  seringue,  sans  provoquer  d'accès  de 


CAUSERIES  CLINIQUES.  131 

suffocation.  Seulement  une  grande  excitation  et  de  la 
toux  en  résultent,  et  les  enfants  expectorent  subitement 
des  lambeaux  de  fausses  membranes  diphthéritiques. 

Sur  six  croups  traités  ainsi,  il  y  eut  un  succès  cbez 
unej  eune  fille  de  10  ans,  qui  allait  subir  la  tracbéotomie 
et  guérit,  grâce  à  deux  injections  d'eau  de  cbaux  par 
jour,  et  à  l'usage  interne  de  cette  eau  ot  de  la  décoction 
de  quinquina.  Ses  cinq  autres  malades  étaient  des  en- 
fants au-dessous  de  5  ans  et  arrivés  à  la  période  de 
suffocation.  'Berlin.  Klinik.  Wochenschrift,  n°  5.) 

Le  Dr  Albu  a  voulu  dissoudre,  sur  place,  les  fausses 
membranes  que  MM.  Bricbeteau  et  Adrian  avaient  dis- 
soutes dans  l'eau  de  cbaux. 

Ces  faits  prouvent  que  la  trachée  et  les  bronches  sont 
moins  sensibles  que  le  larynx  et  la  glotte,  et  que  ces 
injections  provoqueraient  moins  la  suffocation  que  lors- 
qu'elles sont  faites  par  la  bouche.  Mais  elles  sont  indi- 
quées seulement  contre  les  fausses  membranes  bron- 
chiques et  hypo-laryngiennes,  et  non  contre  les  fausses 
membranes  laryngiennes  que  leur  siège  rend  les  plus 
dangereuses.  {Union  médicale,  1869,  n°  70;  —  Lyon  mé- 
dical, 11,  413.) 

XXVII.  Le  copahu  et  le  cubèbe,  alternés  toutes  les 
deux  heures,  une  cueillerée  à  thé  du  sirop  de  l'un  ou  de 
l'autre,  ont  procuré  deux  guérisons  de  la  forme  bénigne 
et  commune,  et  une  de  la  forme  croupale  d'emblée.  Ce 
dernier  malade  prit,  en  six  jours,  60  grammes  de  sirop 
de  copahu  et  24  grammes  de  sirop  de  cubèbe.  [Bulletin  de 
thérapeutique,  t.  LXX,  p.  90.) 

XXVIII.  Phitolacca  decandra.  —  Le  Dr  Bayes  (de  Cam- 
bridge) a  guéri  une  diphthérie  de  forme  ataxique,  1°  en 
faisant  prendre  à  l'intérieur  : 


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132  MÉDECINE  PRATIQUE. 

Phitolacca  TM  6  gouttes. 

Eau  1  once, 

et  en  employant  le  gargarisme  suivant  : 

Acide  phênique   5  gouttes. 

Vinaigre  concentré.  ...  14  — 
Eau   1  once. 

{Bulletin  de  la  Société  homœopathique,  1866, 
t.  VII,  p.  177.) 

En  employant,  soit  phitolacca  6e  à  l'intérieur  et  phito- 
lacca TM  en  gargarisme,  soit  phitolacca  TM  à  l'intérieur, 
quatre  médecins  américains  disent  avoir  guéri  :  le 
Dr  Bayes,  4  cas;  le  Dr  Ed.  Blake,  1  cas;  le  Dr  Rhodes 
Keed,  4  cas,  et  le  Dr  Warner  Bubb,  13  cas  d'angines 
diphthéritiques.  Mais,  comme,  dans  leurs  observations, 
ils  n'ont  pas  signalé  l'adénite  sous-maxillaire,  ni  les 
autres  symptômes  objectifs  caractéristiques,  on  se  de- 
mande s'ils  ont  eu  à  traiter  des  angines  pultacées,  her- 
pétiques, ou  seulement  les  formes  bénigne  et  commune 
de  la  diphthérie.  (Bulletin  de  la  Société  hom.,  t.  VII, 
p.  178  et  186.) 

XXIX.  Kaolin  (terre  de  porcelaine).  —  Sur  120  à 
150  croups  traités  depuis  douze  ans,  le  Dr  Landesmann 
(de  Genève)  a  employé  15  à  20  fois  seulement  ce  remède, 
parce  qu'il  n'est  pas  appelé  au  début  ou  qu'on  a  donné 
les  anciens  remèdes  ordinaires.  Il  le  considère  comme 
efficace  dans  la  plupart  des  cas;  cependant,  il  n'en  cite 
que  deux  trop  brièvement  et  sans  l'exposé  des  signes 
objectifs  du  croup. 

Dans  le  premier  cas,  kaolin  6e  réussit  après  l'insuccès 
d'aconit,  hepar,  spongia,  bromitm,  phosphorus,  iodium. 

Chez  le  second  malade,  qui  devait  être  trachéotomisé 
le  lendemain,  kaolin  6e  réussit  après  l'insuccès  de  bro- 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  133 

mum  3\  {AUgemeine  Homœopatkische  Zeitung,  t.  LXX1X, 
p.  105.) 

Le  Dr  Aegidi  est  le  premier,  dit-il,  qui  ait  conseillé  et 
employé  kaolin  6e-3Ûe,  dans  les  formes  graves  du  croup. 
Mais  il  ne  cite  aucune  observation  à  l'appui  de  cette 
assertion. 

{Allg.  Hom.  Zeit.,  t.  LXXIX,  p.  118.) 

XXX.  Plumbum.  — -  Le  Dr  Schuessler,  d'Oldenbourg, 
après  avoir  vu  mourir  plusieurs  diphthéritiques  vaine- 
ment traités  par  apis,  iodium,  kali  bichromalicum , 
oralis  aciclum,  se  mit  a  la  recherche  d'un  remède  plus 
efficace.  Quel  est,  se  demanda-t-il,  le  symptôme  de  la 
maladie  qui  doit  décider  du  choix  du  médicament?  Ce 
n'est  pas  la  rougeur  et  le  gonflement  des  parties  molles 
de  la  gorge.  Ce  n'est  pas  non  plus  la  formation  de 
l  exsudat  ou,  si  l'on  veut,  l'apparition  du  champignon, 
Le  ramollissement  putride  grangréneux  des  fausses 
membranes  et  des  parties  mollesde  la  gorge  lui  semblè- 
rent être  les  lésions  qui  devaient  déterminer  le  choix  du 
remède.  Trois  médicaments  produisent  de  pareilles 
lésions  :  arsenicum,  plumbum ,  secale  comufum.  Ce  der- 
nier produisant  ces  lésions  avec  absence  de  douleur,  il 
l'élimina.  Il  lui  restait  donc  à  choisir  entre  arsenicum 
et  plumbum  dont  voici  les  symptômes  pothogénétiques 
consignés  dans  le  manuel  du  Dr  Jahr. 

Arsenicum  :  Inflammation  de  la  gorge  portée  jusqu'à 
la  gangrène. 

Inflammation  et  gonflement  des  parties  génitales 
portés  jusqu'à  la  gangrène  ; 

Tuméfaction  du  bras  qui  est  recouvert  de  pustules 
noires  d'une  odeur  putride  ; 

Plumbum  :  Epigastre  couvert  de  taches  gangreneu- 
ses, érosions  de  la  peau  par  places  ; 


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134  MÉDECINE  PRATIQUE. 

Eschare  avec  sanie  purulente  fétide  ; 

Gangrènes  de  l'aspect  le  plus  repoussant. 

Inflammation  des  yaisseaux  qui  circulent  dans  les 
ulcères  de  la  gangrène  froide  (?)  ; 

Violente  inflammation  des  parties  génitales  avec 
forte  fièvre  et  finalement  gangrène  des  parties,  ce  qui 
amène  la  mort. 

ArsemcitM,  présentant  un  nombre  moins  considérable 
de  symptômes  que  plumbum ,  le  Dr  Schuessler  se 
décida  à  prescrire  ce  dernier  médicament,  ce  qu'il  fit 
avec  un  succès  qui  contribua,  dit-il,  à  la  vulgarisation  de 
l'homœopathie  dans  un  district  où  régnait  une  épidémie 
de  diphthéTie.  Il  cite  très-brièvement  deux  cas  de  gué- 
rison  seulement  ;  ils  paraissent  appartenir,  l'un  à  la 
forme  ataxique,  l'autre  à  la  forme  putri<le.  Cette  dernière 
existait  chez  une  petite  fille  de  6  ans  traitée  par  un 
médecin  allopathe  qui  ne  lui  donnait  plus  que  deux 
jours  à  vivre. 

Le  Dr  Schuessler  prescrivait  Plumbum  4e  et  30e  à 
prendre  toutes  les  trois  heures.  Il  ne  peut  dire  quelle 
dilution  lui  a  paru  plus  efficace.  Alg.  Hom.  Zeitung, 
t.  LXXVIII,  p.  67. 

Ce  médecin  n'ayant  point  donné  d'observations  clini- 
ques avec  les  symptômes  objectifs  de  la  diphthérie,  on 
se  demande  quelles  formes  de  cette  maladie  il  a  traitées, 
ou  s'il  n'a  eu  à  soigner  que  des  angines  herpétiques  et 
pultacécs. 

Plumbum  me  paraît  indiqué  contre  les  paralysies 
concomitantes  (forme  ataxique)  et  consécutives  de  la 
diphthérie,  vu  les  symptômes  de  paralysie  qu'il  produit 
chez  l'homme  sain.  On  est  étonné  en  pensant  à  ceux  qui 
ont  déterminé  le  médecin  d'Oldenbourg  à  prescrire  ce 
médicament  chez  les  diphthéritiques.  Les  symptômes 
pathogénétiques  précités  porteraient  à  prescrire  plumbum 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  135 

contre  la  forme  putride  et  en  général  contre  toute  com- 
plication de  gangrène? 

XXXI.  Lachesis.  —  Chez  un  enfant  mourant  de  la 
forme  putride  et  vainement  traité  par  le  merci/re  et  le 
bromure  de  mercure,  le  Dr  Frédault  a  réussi  très  rapide- 
ment avec  lachesis.  Ce  remède  est,  du  reste,  générale- 
ment recommandé  contre  la  forme  putride  de  diverses 
maladies  :  diphthérie,  scarlatine,  variole,  etc. 

XXXII.  Cure  de  la  diphthérie  par  f  inoculation  de  la  ma- 
tière diphthéritique.  —  Pendant  une  épidémie  de  diph- 
thérie, le  Dr  Masotto  pratiqua  cette  inoculation,  io  fois 
dans  un  but  curatif,  20  fois  dans  un  but  préventif. 

Dans  la  première  série  des  quinze  inoculés,  la  ma- 
ladie se  montra  bénigne.  Dans  la  seconde  série  des 
vingt  inoculés,  deux  furent  atteints  de  la  maladie,  l'un 
vingt  jours,  l'autre  vingt-deux  jours  après  l'inocula- 
tion ;  mais  leur  diphthérie  fut  peu  grave,  de  courte  du- 
rée, et  guérit  presque  sans  traitement.  {Bulletin  de  thé- 
rapeutique, t.  LXXV1II,  p.  93.) 

En  pareil  cas,  doit-on  pratiquer  l'inoculation  chez 
l'homme,  comme  on  le  fait  chez  les  bestiaux  dans  une 
épidémie  de  péripneumonie?  ou  bien  doit-on  admi- 
nistrer la  matière  diphthéritique  diluée  comme  on  ad- 
ministre le  vaccin  à  la  3°,  6°,  30e  dilution? 

Si  le  Dr  Masotto  nous  avait  dit  les  formes  de  la  diph- 
thérie qu'il  a  traitées,  et  qui  régnaient  dans  cette  épi- 
démie, nous  serions  beaucoup  mieux  renseignés  sur  la 
valeur  de  l'inoculation  qu'il  a  pratiquée. 

XXXIII.  Aconit,  hepar  sulfuris  calcareum,  spongia  tosta. 
—  Ces  trois  médicaments  sont  les  premiers  qui  aient 
été  préconisés  contre  la  diphthérie  par  leshomœopathes. 
Mais  ceux-ci  n'ont  pas,  à  notre  connaissance,  donné 


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130  MÉDECINE  PRATIQUE. 

une  seule  observation  avec  les  signes  objectifs  de  cette 
maladie.  Pour  s'en  convaincre,  il  suffit  de  consulter  la 
Clinique  homœopathique  du  DrBeauvais,  deSaint-Gratien, 
et  les  Klinische  Erfahrungen  in  der  Homœopathie  du 
Dr  Rueckert. 

Cependant  le  Bulletin  de  la  Société  homœopallùque  de 
1860  (t.  I,  p.  130)  parle  de  plusieurs  cas  de  diphthérie, 
guéris  par  hepar  lre,  3e,  10e,  18e.  Mais  il  il  ne  dit  pas 
quelles  formes  de  cette  maladie  ont  été  traitées. 

Dans  la  laryngite  pseudo-membraneuse  de  la  rou- 
geole, le  Dr  Jousset  a  vu  échouer  hepar  et  spongia,  et 
réussir  bryoniael  ipéca.  (L'Art  médical,  II,  299.) 

Sil  y  a  complication  d'une  forte  fièvre  surtout  chez 
les  enfants,  aconit  me  paraît  devoir  être  fort  utile,  al- 
terné avec  un  autre  médicament  approprié  à  la  diph- 
thérie. 

Le  poly sulfure  de  potassium,  à  la  dose  de  10  centi- 
grammes dans  90  grammes  d'émulsion  d'amandes 
douces  et  amères,  a  permis  au  Dr  Lecorney  de  guérir 
deux  diphthéries  de  forme  croupale.  (LArl  médical, 
IX,  397.) 

XXXIV.  Iodium.  —  Dans  le  croup  d'emblée  et  à  son 
début,  le  Dr  Raymond  dit  avoir  fait  prendre  avec  suc- 
cès, toutes  les  heures,  une  cuillerée  à  café  de  la  potion 
suivante  :  Iodium,  TM,  6  gouttes;  eau,  150  grammes. 
Mais  ce  médecin  ne  cite  aucune  observation  clinique  à 
l'appui  de  son  dire.  (Bulletin  de  la  Société  homœopathique, 
1860,  t.  I,  p.  35.) 

Dr  Gallavardin, 

de  Lyon. 

—  La  suite  prochainement.  — 


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RECHERCHES  SUR  LA  TYMPAN  1TE. 


137 


NOSOGRAPME 


RECHERCHES  SUR  LA  TYMPAN ITE  ET  SON  TRAITEMENT. 

—  SUITE  — 

L'observation  que  je  viens  de  rapporter  (1)  présente 
aux  points  de  vue  étioiogique  et  thérapeutique  certaines 
particularités  qui  méritent  bien  qu'on  s'y  arrête  un  in- 
stant. Aussi  ai-je  cru  devoir  les  faire  suivre  de  quel- 
ques réflexions  sur  la  tympanite  et  son  traitement. 

Je  ne  parlerai  point  ici  des  tympanites  des  divers  or- 
ganes (vessie,  utérus,  etc.),  je  me  bornerai  à  indiquer 
les  variétés  de  tympanites  qui  ont  leur  siège  dans  le 
tube  digestif  et  ses  annexes  :  elles  sont  au  nombre  de 
cinq  :  1°  tympanite  de  l'œsophage;  2°  tympanite  de 
l'estomac;  3° tympanite  de  l'intestin  grêle  ;  4°  tympanite 
du  gros  intestin,  et  5°  tympanite  du  péritoine. 

Ces  variétés  peuvent  être  réunies  dans  une  seule  et 
même  classe  que  nous  étudierons  en  prenant  pour  type 
la  tympanite  de  l'intestin  grêle.  Nous  réservons  pour  le 
chapitre  du  diagnostic  les  caractères  différentiels  des 
cinq  variétés  que  nous  venons  de  nommer. 

Tympanite  de  ï intestin  grêle.  —  C'est  une  maladie  ca- 
ractérisée par  le  développement  et  l'accumulation  de 
çaz  dans  la  portion  d'intestin  comprise  entre  les  val- 
vules pyloriquo  et  iléo-cœcale. 

Etiotogie.  Au  point  de  vue  des  causes,  nous  diviserons 
les  tympanites  de  l'intestin  grêle  en  idiopathiques  et 
symptomatiçues . 

(1)  Voy.  le  numéro  de  décembre  *869  de  VArt  médical,  pages  453  et 
Mirantes. 


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138  NOSOGRAPHIE. 

A .  Nous  classerons  dans  un  premier  groupe  (tympa- 
nites  idiopathiques)  toutes  celles  qui  ne  dépendent  ni 
d'une  affection  locale  du  tube  digestif  ou  de  ses  annexes, 
ni  d'une  maladie  générale.  Ce  groupe  comprendra  les 
tympanites  qui  résultent  de  la  déglutition  de  l'air  atmo- 
sphérique (1),  celles  qui  se  développent  par  l'ingestion 
de  certains  aliments,  de  certaines  substances  toxiques 
(par  exemple  :  les  champignons,  le  venin  des  serpents) 
ou  de  certains  médicaments,  comme  les  purgatifs  sa- 
lins (2),  celles  qui  dépendent  de  la  suppression  acciden- 
telle de  la  transpiration,  celles  qui  résultent  d'une  va- 
riation brusque  de  la  température  ou  d'un  changement 
dans  la  pression  atmosphérique  (3). 

A  ce  groupe,  nous  devons  rattacher  les  tympanites 
qui  semblent  sous  l'influence  d'un  trouble  passager  de 
l'innervation,  comme,  par  exemple,  celles  qui  survien- 
nent à  la  suite  d'une  émotion  vive. 

B.  Au  second  groupe  appartiennent  les  tympanites 
qui  résultent  non  plus  d'un  état  nerveux  passager,  mais 
d'une  maladie  nerveuse  bien  caractérisée  comme  l'hy- 
pochondrie  et  l'hystérie.  On  pourra  m'objecler,  sans 
doute,  que  la  ligne  de  démarcation  est  souvent  difficile 
à  établir  entre  Y  état  ou  le  tempérament  nerveux  et  les 
maladies  nerveuses;  toutefois,  il  me  semble  que  c'est  la 
une  distinction  fort  importante,  tant  au  point  de  vue  de 
l'étiologie  qu'au  point  de  vue  du  traitement.  La  consti- 
tution de  Tindividu  mérite  d'être  prise  en  sérieuse  con- 
sidération dans  toutes  les  maladies;  mais  vouloir  faire 
de  cette  disposition  (qu'on  pourrait  aussi  appeler  du  nom 
barbare  d' idiosyncrasie)  la  cause  de  tous  les  états  mor- 

(1)  Voir  Gérardin  (Thèse  de  Paris,  1814),  et  Baumès  (Traité  des  ma- 
ladies venleuses,  183-2). 

(2)  Voir  Fodéré  (Essai  de  pneumatologie,  p.  51),  Sydenham  et  Baumès. 

(3)  Voir  FoJcré  (Essai  do  pneumatolo;zic,  p.  i)3  . 


RECHERCHES  SUR  LA  TYMPANITE.  130 

bides  qui  apparaissent  chez  l'individu,  c'est,  à  mes  yeux, 
uae  erreur  aussi  grande  que  de  ne  vouloir  admettre 
d'autres  causes  morbides  que  celles  qui  viennent  du 
dehors.  Pour  moi,  l'homme  agit  et  réagit  :  il  a  une  ac- 
tivité propre,  mais  cette  activité  est  modifiée  par  les 
divers  ag-ents  de  la  matière  au  milieu  desquels  il  vit. 
Et,  pour  en  revenir  a  l'observation  que  je  viens  de  pu- 
blier, je  prétends  que,  dans  le  cas  de  MMe  X...,  nous 
avions  bien  réellement  affaire  à  une  tympanite  idiopa- 
thique,  quoique  les  accès  aient  été  déterminés  deux  ou 
trois  fois  par  des  émotions  morales. 

Parmi  les  tympanites  symptomatiques,  nous  range- 
rons aussi, au  même  titre  que  les  tympanites  causées  par 
des  névroses,  les  tympanites  symptomatiques  d  une  ma- 
ladie g-énérale  telle  que  la  chlorose,  les  cachexies,  etc. 

Dans  le  même  groupe,  mais  dans  une  catégorie  spé- 
ciale, nous  placerons  les  tympanites  qui  proviennent 
d  une  altération  du  tube  digestif  ou  d'un  obstacle  méca- 
nique situé  sur  son  trajet.  Ici  encore  nous  rangerons 
les  tympanites  consécutives  à  une  entérite,  à  une  dysen- 
térie  ou  à  la  fièvre  typhoïde. 

D'après  M.  Labric  (thèse  de  Paris,  1852),  l'obstacle 
qui  s'oppose  à  la  sortie  des  gaz  et  des  matières  accumu- 
lées dans  l'intestin  peut  se  produire  de  trois  manières 
diflérentes  : 

1°  Ou  bien  l'obstacle  a  lieu  avec  altération  des  parois 
intestinales,  telles  que  l'hypertrophie  du  tissu  cellulaire 
sous-muqueux  de  l'intestin ,  la  formation  de  brides  ré- 
sultant de  cicatrices,  d'ulcérations,  comme  on  en  ob- 
serve à  la  suite  de  l'entérite  chronique,  les  tumeurs 
polypeuses  ou  cancéreuses,  etc.. 

2°  Parfois  l'obstacle  réside  dans  l'intestin,  comme, 
par  exemple,  les  corps  étrangers,  les  accumulations  de 


140  NOSOGRAPHIE. 

matières  fécales  (i),  les  amas  de  vers  intestinaux  (2), 
l'invagination  intestinale. 

3°  Enfin  l'obstacle  peut  siéger  en  dehors  de  l'intestin, 
comme  on  le  voit  dans  l'étranglement  interne  avec  toutes 
ses  divisions. 

Sêmêiologie.  La  tympan i te  de  l'intestin  grêle,  dégagée 
de  toutes  complications,  présente  des  symptômes  con- 
stants que  l'observation  de  M"B  X...  nous  a  fourni  l'oc- 
casion d'énumérer  dans  leur  ordre  de  succession. 

Mais,  le  plus  souvent,  la  tympanite  s'arrête  pour  ainsi 
dire  dans  son  évolution,  et  la  distension  abdominale  se 
termine  dans  la  majorité  des  cas  par  l'émission  natu- 
relle des  gaz.  Nous  laisserons  de  côté  ces  formes  bé- 
nignes de  la  maladie  pour  nous  occuper  seulement  de 
la  tympanite  à  forme  grave. 

Le  phénomène  le  plus  remarquable  de  cette  maladie 
est  un  ballonnement  du  ventre  parfois  très-considérable 
et  qui  se  fait  le  plus  souvent  d'une  manière  rapide.  La 
peau  de  l'abdomen  est  amincie,  luisante. 

Le  gonflement  demeure  constamment  le  même,  quelle 
que  soit  la  position  que  prenne  le  malade.  Souvent  on 
voit  se  dessiner  sous  la  peau  du  ventre  ainsi  distendue 
des  bosselures  formées  par  les  circonvolutions  intesti- 
nales; ces  bosselures  changent  de  place  chaque  fois 
qu'il  se  fait  un  déplacement  des  gaz  contenus  dans  la 
cavité  de  l'intestin. 

La  percussion  de  l'abdomen  donne  une  sonorité  exa- 
gérée, iympanique ;  cette  sonorité  ne  varie  pas  quand  on 
change  la  position  du  malade  et  qu'on  le  fait  coucher 
sur  les  côtés.  En  percutant,  on  obtient  au  doigt  une 

(1)  Voy.  Spœring,  cité  par  Morgagni,  lettre  38». 

(2)  Voy.  Hercule  Saxonia  (Praelect.  pract.,  t6  partie,  ch.  24)  et  Plater 
(obs,  p.  656). 


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RECHERCHES  SUR  LA  TYMPANITE.  141 

sensation  de  dureté  comme  si  on  frappait  un  morceau  de 
bois. 

L'auscultation  fait  entendre  par  intervalles  des  bruits 
amphoriques  que  l'on  peut  même  percevoir  à  distance. 
Ces  bruits  se  renouvellent  avec  plus  ou  moins  de  fré- 
quence; ils  précèdent  habituellement  les  douleurs  que 
ressent  le  malade. 

Les  douleurs  de  la  tympanite  sont  plus  ou  moins  vio- 
lentes, plus  ou  moins  rapprochées;  leur  durée  n'est 
ordinairement  que  de  quelques  secondes,  parfois  de 
quelques  minutes.  Ces  douleurs  ne  sont  pas  générale- 
ment augmentées  par  la  pression. 

Le  plus  souvent,  et  quand  le  ballonnement  a  atteint 
un  certain  degré,  le  maladeaurie  constipation  opiniâtre; 
cependant,  on  a  vu  dans  certains  cas  les  garde-robes 
avoir  lieu  (ainsi  que  le  prouve  l'observation  de  Mme  X...). 

Les  vomissements  sont  très-rares  dans  la  tympanite 
simple. 

La  distension  considérable  des  anses  intestinales  par 
les  gaz  produit  en  outre  des  symptômes  généraux  qui 
résultent  du  refoulement  des  organes  contigus  :  le  dia- 
phragme étant  repoussé  en  haut,  la  base  de  la  poitrine 
élargie,  il  en  résulte  une  gêne  de  la  respiration  et  de  la 
circulation;  l'asphyxie  peut  en  être  la  conséquence.  On 
a  alors  la  série  des  symptômes  de  l'asphyxie  imminente  : 
cyanose,  dyspnée,  etc. 

Parfois  aussi  on  observe  des  accidents  de  péritonite  à 
la  suite  d'une  rupture  de  l'intestin.  Lieutaud  (lib.  i, 
obs.  270-486)  cite  deux  cas  de  rupture  des  parois  intes- 
tinales produite  par  une  tympanite  essentielle.  Gendron 
en  rapporte  aussi  une  observation  (i)  :  «  Une  femme 
d'une  grande  corpulence  est  atteinte  d'une  colique  Ka- 
rl) Journal  de  médecine,  n°  80. 


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142  NOSOGRAOHIE. 

tulenlc  si  atroce,  qu'aucune  éruption  de  flatuosités  ne 
se  faisait  et  qu'elle  en  périt  bientôt.  Le  corps  ayant  été 
ouvert,  on  vit  que  les  parois  de  l'intestin  avaient  été 
déchirées.  »  (Benivenius,  lib.  i,  p.  287.) 

Quelquefois  la  rupture  peut  être  incomplète  (voy. 
Haller,  Opuscules  pathologiques,  obs.  26  ;  et  Morgagni, 
lettre  38f).  Ce  fait  a  été  constaté  à  l'autopsie. 

Diagnostic.  Après  la  description  des  symptômes  do  la 
tympanite  de  l'intestin  grêle,  il  convient  de  placer  un 
résumé  des  caractères  qui  servent  à  la  distinguer  d'avec 
les  autres  formes  de  tympanite. 

On  a  confondu  pendant  longtemps  la  tympanite  de 
l'intestin  grêle  avec  la  tympanite  péritonéale.  -Mais  en  y 
regardant  de  plus  près,  on  s'aperçoit  que  la  tympanite 
péritonéale  est  une  maladie  extrêmement  rare  et  fort  peu 
étudiée  par  les  modernes.  Ainsi  les  observations  de 
Littre  (i),  de  Lieutaud  (2),  de  Combalusier  (3),  portent 
presque  toutes  sur  des  cas  de  tympanites  intestinales; 
l'observation  fort  remarquable  sur  laquelle  Combalusier 
s'appuie  pour  défendre  la  théorie  des  tympanites  péri- 
tonéales  est  une  observation  de  kvste  hydatique  de 
J'épiploon  (4).  Duret  (5)  a  été  conduit  par  un  grand 
nombre  d'observations  à  émettre  les  conclusions  sui- 
vantes :  «  La  cause  matérielle  de  l'hydropisie  sèche 
n'est  autre  chose  que  le  vent  qui  est  contenu  dans  la 
capacité  des  intestins  et  non  dans  celle  du  bas-ventre.» 

Cependant  Portai  (6)  a  trouvé  à  l'autopsie  des  gaz 
dans  la  cavité  du  péritoine.  Mais  ce  développement  de 
gaz  accompagnait  une  gangrène  partielle  de  l'intestin. 

(I)  Mémoires  de  l'Académie  des  sciences,  1713. 
(-2)  Lieutaud  (lib.  i,  obs.  17,  70,  286). 

(3)  Combalusier  (Pneumalo-palhologie,  p.  32). 

(4)  Pneumalo-palhologie,  p.  40. 

(5)  Duret  [De  hydrope,  p.  283). 

(6)  Portai  (Pneumatie,  obs.  10,  p.  244). 


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RECHERCHES  SUR  LA  TYMPAN ITE.  H3 

Nous  trouvons  une  observation  analogue  dans  Morga- 
g-ni  (lettre  38,  f.  30)  et  dans  Lieutaud  (lib.  i,  obs.  270). 
En  1839,  M.  Fiaux  a  recueilli  l'observation  d'un  cas  de 
tympanite  péritonéale  dans  le  service  du  Dr  Rayer  :  le 
sujet  présentait  une  perforation  du  duodénum  qui  avait 
livré  passage  aux  gaz  épanchés  dans  le  péritoine.  Dans 
une  autre  observation  recueillie  par  MM.  Richard  et 
Duhordel,  et  publiée  dans  le  Journal  des  connaissances 
médico-chirurgicales  (novembre  1842),  il  s'agissait  d'un 
abcès  ou  d'une  gangrène  du  poumon  qui  avait  perforé 
le  diaphragme  et  l'air  passait  directement  des  bronches 
dans  la  cavité  péritonéale. 

Enfin  M.  le  Dr  Michel  Lévy  a  publié  en  1849,  dans  la 
Gazette  médicale  de  Paris,  un  cas  de  tympanite  périto- 
néale ne  résultant  pas  d'une  perforation  de  l'intestin. 

Du  reste,  le  diagnostic  différentiel  de  ces  deux  formes 
de  tympanite  est  assez  difficile  à  établir.  Dans  la  tympa- 
nite du  péritoine,  les  anses  intestinales  ne  se  dessinent 
pas  sous  la  peau  de  l'abdomen  ;  dans  cette  môme  tym- 
panite, il  doit  y  avoir  absence  de  gargouillements,  de 
constipation,  de  nausées.  La  percussion  fait  constater 
en  outre  une  égalité  parfaite  du  son  dans  toutes  les 
parties  de  l'abdomen  et  l'absence  de  matité  au  niveau 
de  certains  organes  comme  le  foie,  la  rate,  la  vessie  dis- 
tendue. 

Les  tympan ites  du  côlon  et  de  l'estomac  ont  pu  aussi 
dans  certains  cas  être  confondues  avec  la  tympanite  de 
l'intestin  grôle.  Mais  la  tympanite  du  côlon  résulte  le  plus 
souvent  d'une  obstruction  intestinale  (comme  dans  les 
cas  de  Broussais  et  de  Talma),  d'une  accumulation  de 
matières  fécales  ou  d'un  obstacle  quelconque  résidant 
dans  la  dernière  partie  de  l'intestin  et  que  l'on  peut  or- 
dinairement constater  par  le  toucher  rectal.  Dans  cette 
variété  de  tympanite,  les  coliques  se  font  sentir  sur  le 


144  NOSOGRAPHIE. 

trajet  du  gros  intestin,  surtout  dans  les  fosses  iliaques  ; 
le  ballonnement  et  la  sonorité  se  constatent  principale- 
ment sur  les  côtés  de  l'abdomen;  souvent  on  observe  de 
la  dysurie;  enfin,  dans  les  cas  où  la  tympanite  résulte 
d'un  spasme  rectal,  l'introduction  par  l'anus  d'une  sonde 
en  gomme  élastique  permet  aux  gaz  de  s'échapper  et 
fait  cesser  immédiatement  le  météorisme  (i). 

La  tympanite  de  r estomac  présente  aussi  des  caractères 
spéciaux  :  ballonnement  de  la  région  épigastrique,  dou- 
leurs dans  cette  région,  régurgitations  et  émission  de 
gaz  par  la  bouche,  absence  de  borborygmcs,  de  mouve- 
ments dans  le  ventre  ;  si  on  applique  l'oreille  sur  lépi- 
gastre,  on  a  la  sensation  d'un  bruit  assez  semblable  au 
murmure  d'un  ruisseau.  Et  cependant,  on  a  pu  con- 
fondre la  tympanite  stomacale  avec  l'hydropisie  ascite. 
On  en  trouve  des  exemples  dans  Morgagni  et  dans  Lieu- 
taud  ;  ce  dernier  parle  môme  d'un  cas  dans  lequel. une 
tympanite  stomacale  fut  prise  pour  une  grossesse,  et 
Franck  cite  des  observations  d'après  lesquelles  la  dis- 
tension de  l'estomac  par  des  gaz  était  telle  que  cet  or- 
gane descendait  jusqu'au  pubis.  On  a  vu  même  cette 
distension  amener  la  rupture  de  l'organe,  ainsi  que  j'ai 
pu  le  constater  moi-même  chez  une  vieille  femme  dans 
le  service  de  M.  le  Dr  Delaunay,  à  l'Hospice  général  de 
Poitiers. 

Quant  à  la  tympanite  de  r  œsophage,  c'est  une  maladie 
rare  et  qu'on  ne  peut  guère  confondre  avec  les  autres 
variétés  de  tympanite.  Je  ferai  remarquer  cependant 
que  le  spasme  de  l'œsophage  est  un  symptôme  fréquent 
de  certaines  névroses  et  que  l'accumulation  ou  la  ré- 
tention des  gaz  dans  cet  organe  peut  facilement  en  ré- 

(I)  Voy.  pour  les  iympanittsdu  œlon,  Portai,  Slorck,  Boerhaave,  Van 
Swieten,  Franck,  Gendron,  etc. 


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RECHERCHES  SUR  LA  TYMPANITE.  145 

sulter,  ainsi  que  cela  s'observe  chez  les  femmes  qui 
éprouvent  la  sensation  de  la  boule  hystérique. 

On  a  confondu  encore  les  tympanites  avec  un  certain 
nombre  de  maladies.  Ce  sont  :  1°  la  péritonite,  qui  s'ac- 
compagne souvent,  il  est  vrai,  de  développement  de  gaz, 
mais  qui  se  distingue  de  la  tympanite  par  les  vomisse- 
ments verdàtres,  les  douleurs  si  violentes  à  la  pression, 
la  fièvre,  etc. 

2°  La  physométrie  ou  tympanite  utérine,  maladie  assez 
rare  dans  laquelle  le  son  tympanique  n'occupe  pas  toute 
l'étendue  de  l'abdomen  et  ne  dépasse  guère  en  haut 
l'ombilic.  On  peut  le  limiter  à  la  percussion  par  une 
ligne  circulaire  qui,  partant  de  l'ombilic  et  n'arrivant 
pas  jusqu  aux  dernières  limites  des  régions  iliaques, 
dessine  la  matrice  distendue  (1). 

3*  L'ascite,  témoin  le  cas  de  cette  fille  à  laquelle 
Alph.  Leroi  et  Portai  se  disposaient  à  pratiquer  la  para- 
centèse, et  qui,  s'étant  couchée  un  soir,  se  trouva  tout 
à  coup,  le  lendemain  matin  à  son  réveil,  guérie  de  sa  tu- 
meur, qui  n'était  que  venteuse.  On  reconnaît  ordinaire- 
ment l'ascite  à  la  matité  qui  existe  au  niveau  du  liquide, 
à  la  fluctuation,  etc. 

4°  V emphysème  du  tissu  cellulaire  des  parois  abdomi- 
nales, facile  à  distinguer  par  la  crépitation  que  Ton 
obtient  en  comprimant  légèrement  le  ventre  avec  le 
doigt.  Combalusier  en  cite  quelques  exemples.  M.  La- 
bric  (2)  en  a  vu  un  cas  dans  le  service  de  M.  Piedagnel, 
chez  une  femme  âgée  de  69  ans  qui  succomba  à  un 
cancer  de  l'estomac  :  deux  jours  avant  sa  mort,  elle 
présenta  une  accumulation  considérable  de  gaz  dans  les 
mailles  du  tissu  cellulaire  de  la  paroi  abdominale.  A 

(I)  Voir  pour  la  tympanite  utérine,  Mauricpau,  de  La  Mo Uc,  Baudclocque, 
Franck,  Duparcque,  Lisfranc,  elc, 
(i)  Labric  (Thèses  de  Paris,  I852j. 

TOME  XXXI.  —  FEVRIER  1870.  \0 


* 

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146  NOSOGRAPHIE. 

l'autopsie,  on  trouva,  entre  la  tumeur  cancéreuse  et  les 
parois  du  ventre,  des  adhérences  qui  mettaient  en  com- 
munication la  cavité  stomacale  avec  le  tissu  cellulaire 
sous-cutané. 

5°  Les  kystes  de  l  ovaire,  qui  forment  au  début  une  tu- 
meur s'élevant  du  bassin  et  partant  d'un  côté  ou  de 
l'autre  de  la  ligne  médiane.  Cette  tumeur  se  développe 
lentement  ;  elle  offre  souvent  des  bosselures  à  sa  sur- 
face. À  la  percussion,  elle  donne  un  son  mat  dans  toute 
son  étendue. 

G°  La  grosseste,  difficile  à  reconnaître  dans  les  pre- 
miers mois,  surtout  lorsqu'elle  s'accompagne  de  tym- 
panile.  A  une  époque  plus  avancée,  la  confusion  ne  de- 
vrait plus  être  permise,  et  cependant  il  y  a  des  exemples 
nombreux  de  fausse  grossesse  dite  nerveuse  qui  prouvent 
que  souvent  les  accoucheurs  n'ont  su  diagnostiquer  la 
tympanite  qu'après  neuf  mois  et  môme  davantage  (1). 

7°  Diverses  tumeurs  abdominales,  comme  par  exemple 
les  corps  fibreux  de  l'utérus,  les  tumeurs  du  foie,  de  la 
rate,  etc.  Le  diagnostic  différentiel  de  ces  différentes 
sortes  de  tumeurs  serait  trop  long  à  faire  ici.  Je  me  con- 
tenterai de  rappeler  l'observation  citée  par  Portai 
(Pneumatie,  page  200),  d  une  dame  de  40  ans  présentant 
un  retard  dans  ses  règles  et  au-dessous  du  foie  une  tu- 
meur qu'on  disait  être  une  obstruction.  On  3e  disposait  à 
l'envoyer  à  Plombières  et  on  la  préparait  à  l'usage  de 
ces  eaux  par  du  petit-lait  et  des  apéritifs,  lorsque  la  pré- 
tendue obstruction,  qui  n'était  autre  qu'une  tympanite, 
disparut  tout  à  coup. 

Mécanisme  de  production  de  la  tympanite, —  Nous  venons 
de  passer  en  revue  les  différents  symptômes  auxquels 
donnent  lieu  le  développement  et  l'accumulation  des 

(I)  Voy.  Velpeau  (Traité  d'accouchements). 


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RECHERCHES  SUR  LA  TYMPAN ITE.  147 

gaz  dans  le  canal  digestif,  et  particulièrement  dans 
l'intestin  grêle  ;  il  dous  reste  maintenant  à  démontrer 
comment  un  semblable  développement  de  gaz  peut  se 
produire  et  surtout  persister  dans  les  cas  de  tympanite 

grave. 

Nous  n'insisterons  pas  sur  les  différents  modes  de 
production  des  gaz  :  peu  nous  importe  qu'ils  viennent 
du  dehors  ou  qu'ils  soient  développés  sur  place  par  la 
fermentation  ou  la  putréfaction  des  substances  renfer- 
mées dans  le  tube  digestif.  Nous  chercherons  seulement 
a  expliquer  le  mode  de  formation  des  tympanites, 
qu'elles  résultent,  soit  1°  d'une  production  anormale  et 
considérable  de  gaz,  soit  2°  d'une  disposition  spéciale  de 
1  intestin  entravant  la  circulation  des  gaz  qui  s'y  déve- 
loppent dans  l'état  physiologique. 

Le  développement  rapide  et  considérable  des  gaz  peut 
suffire  à  provoquer  des  tympanites  du  côlon  ou  de  l'es- 
tomac :  la  distension  de  ces  organes  amène  un  tel  rap- 
prochement des  bords  des  valvules  iléo-cœcale  et  pylo- 
rique,  qu'on  pourrait  voir  se  produire  la  rupture  des 
parois  plutôt  que  l'écartement  des  bords  de  la  valvule 
ainsi  rapprochés.  Mais,  pour  l'intestin  grêle,  il  est  im- 
possible d'admettre  la  même  explication.  Il  faut  qu'il  y 
ait  en  outre  une  disposition  spéciale  de  l'organe,  d'où 
résulte  un  obstacle  matériel  au  cours  des  gaz  qui  y  sont 
renfermés. 

Il  suffît  de  se  reporter  au  chapitre  de  l'étiologie  pour 
voir  que,  dans  un  grand  nombre  de  cas,  les  gaz  sont 
retenus  par  un  obstacle  mécanique  situé  dans  l'intestin 
lui-même  ou  dans  l'épaisseur  de  sa  paroi,  ou  quelque- 
fois en  dehors  d'elle. 

Il  est  aussi  incontestable  que  souvent  les  troubles  de 
l'innervation  ont  une  grande  influence  sur  la  produc- 
tion des  tympanites.  Les  observations  de  Morgagni,  de 


148  NOSOURAI'HŒ. 

Portai,  do  Lazare  Rivière,  de  Vidal,  de  Baumes,  etc., 
mettent  ce  fait  hors  de  doute. 

Aussi  les  anciens  admettaient-ils  que  le  spasme  était 
toujours  la  cause  de  la  tympanite  essentielle.  Cependant 
Willis  avait  démontré  que  la  ligature  de  la  8e  paire  de 
nerfs,  c'est-à-dire  des  pneumogastriques,  produisait  une 
sorte  de  paralysie  de  l'estomac  et  une  distension  de  cet 
organe  par  les  gaz.  Le  même  Willis  et  Fréd.  UofTniann 
avaient  aussi  remarqué  que  dans  l'agonie,  et  même 
après  la  mort,  on  voit  parfois  le  bas- ventre  ?e  remplir 
de  gaz  et  s'enfler  prodigieusement.  Ceci  donna  lieu  à 
cette  opinion  défendue  par  Slahl  (1)  que,  dans  certains 
cas,  la  tympanite  est  causée  par  Y  atonie  ou  la  faiblesse 
des  fibres  du  canal  alimentaire. 

Combalusier,  dont  l'opinion  est  d'un  grand  poids  en 
pareille  matière,  s'exprime  ainsi  {{)  :  «  Les  vents  dé- 
pendent ordinairement  d'une  double  cause  :  l'une  est 
matérielle,  c'est  l'air;  l'autre  est  pour  ainsi  dire  effi- 
ciente, c'est  lo  vice  du  tuyau  membraneux,  qui  souvent 
consiste  dans  le  spasme  et  quelquefois  dans  le  relâche- 
ment. Cette  vérité  est  conforme  à  l'expérience  qui  prouve 
qu'un  homme  sain  prend  pour  l'ordinaire,  sans  danger, 
presque  toutes  sortes  d'aliments.  Il  faut  cependant  con- 
venir qu'il  peut  quelquefois  se  développer  des  aliments, 
par  la  fermentation  ou  par  la  putréfaction,  une  si  pro- 
digieuse quantité  d'air  qu'elle  est  en  état  de  forcer  les 
parois  du  tuyau,  quelque  égale  et  quelque  vigoureuse 
que  soit  leur  résistance,  de  les  distendre  violemment  et 
de  produire  bien  des  fâcheux  symptômes.  « 

J'ai  cherché  à  vérifier  expérimentalement  ces  diverses 
hypothèses,  et  dans  ce  but  j'ai  pratiqué,  avec  l'aide  du 
Dr  Jousset,  plusieurs  expériences  que  je  vais  rapporter 

II)  Stahl.  Disput.  de  flalulent. 
v2)  rncumato-patboloyic,  p.  08. 


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RECHERCHES  SUR  LA  TYMPANITE.  149 

sommairement  :  On  prend  un  animal  vivant,  un  lapin 
par  exemple,  et  on  lui  incise  le  ventre  au  niveau  de  la 
partie  supérieure  de  l'intestin  grêle,  de  façon  à  produire 
une  hernie  de  cet  intestin.  On  introduit  par  une  inci- 
sion, dans  l'intestin  ainsi  hernie,  une  sonde  en  gomme 
élastique,  et  on  lie  sur  cette  sonde  les  bords  de  l'incision 
faite  à  l'intestin  ;  puis  on  recoud  les  bords  de  la  plaie 
abdominale  et  l'on  injecte  dans  l'intestin  une  solution 
saturée  de  bicarbonate  de  soude ,  et  immédiatement 
après  une  solution  égale  d'acide  tartrique.  Presque  aus- 
sitôt, on  voit  le  ventre  de  l'animal  se  ballonner  consi- 
dérablement, en  raison  de  la  formation  d'une  quantité 
notable  d'acide  carbonique.  Ce  ballonnement  constitue 
une  véritable  tympanite,  et  la  rupture  de  1  intestin  ne 
tarderait  pas  à  arriver  si  on  injectait  une  nouvelle  quan- 
tité de  gaz.  En  ouvrant  avec  précaution  l'abdomen,  on 
constate  le  fait  suivant  :  les  anses  intestinales,  dilatées 
par  place,  compriment  les  anses  voisines  de  façon  à 
empêcher  complètement  la  circulation  des  gaz  ;  mais, 
dès  que  le  ventre  est  largement  ouvert,  les  gaz  se  ré- 
pandent dans  tout  l'intestin  et  la  tympanite  disparaît. 

Ceci  nous  explique  pourquoi  l'on  ne  peut  produire  de 
tympanite  artificielle  chez  un  animal  dont  le  ventre  a 
été  préalablement  ouvert,  car  alors  la  paroi  abdominale 
ne  s'opposant  plus  aux  mouvements  de  la  masse  intes- 
tinale, les  gaz  passent  sans  difficulté  d'une  circonvolu- 
tion dans  l'autre,  au  lieu  de  séjourner  dans  une  anse 
d  intestin  qui,  dilatée  outre  mesure,  presse  les  anses 
voisines  contre  les  parois  de  l'abdomen. 

J'ai  produit  les  mômes  phénomènes  en  plaçant  un 
intestin  dans  un  manchon  de  verre  ouvert  aux  deux 
extrémités. 

C'est  par  un  mécanisme  analogue  à  celui  que  je  viens 
d'exposer  tout  à  l'heure  qu'on  voit,  dans  la  tympanite 


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150  THÉRAPEUTIQUE. 

de  l'estomac  des  ruminants,  le  rumen  distendu  compri- 
mer la  caillette  qui  se  trouve  au-dessous.  De  même  en- 
core dans  la  tympanite  du  cheval,  le  développement 
rapide  des  gaz  dans  une  portion  du  gros  intestin  donne 
lieu  à  une  tumeur  gazeuse  qui  comprime  les  anses  in- 
testinales voisines  et  empêche  les  gaz  de  s'échapper  au 
dehors. 

Ce  mécanisme  de  la  compression  des  anses  intesti- 
nales explique  comment  une  partie  des  matières  conte- 
nues dans  l'intestin  peut  être  évacuée  lorsque  la  com- 
pression devient  extrême  sans  que  les  gaz  soient  expulsés. 

Enfin,  il  est  facile  de  comprendre  comment,  au  bout 
d'un  certain  temps,  l'intestin  dilaté  perd  son  élasticité 
et  devient  absolument  impuissant  à  réagir  sur  la  masse 
gazeuse  qu'il  contient;  de  là  aussi  la  facilité  avec  la- 
quelle se  reproduisent  les  accidents  de  tympanite  après 
une  distension  extrême  de  l'intestin. 

Dr  Jean  Jablonski. 

—  La  fin  au  prochain  numéro.  — 


THÉRAPEUTIQUE 


ÉTUDES  DE  THÉRAPIE  ÉLECTRIQUE. 

—  6e  ARTICLE  (1).  — 

Venons-en  maintenant  à  l'objectif  de  tout  ce  qui  pré- 
cède, à  savoir  :  la  distinction  de  parallélisme  entre  les 
deux  modalités  électriques  employées  médicalement. 

Nous  avons  énoncé  le  fait  culminant  de  la  méthode  : 
l'électricité  statique  administrée  par  l'intermédiaire  de 

(4)  Voir  l'Art  médical  de  juin,  juillet,  août  4866,  mars  1867  et  février 

ma. 


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ÉTUDES  DE  THÉRAPIE  ÉLECTRIQUE.  151 

l'opérateur  lui-même.  Ce  précepte  est  un  progrès  que 
nous  ne  craignons  pas  de  nommer  immense,  et  c'est  à 
son  omission  qu'il  faut  attribuer  l'arrêt  qui  a  marqué  si 
fâcheusement  la  carrière  thérapeutique  de  l'électricité 
de  rotation,  alors  qu'apparaissait  la  découverte  de  Gal- 
vani. 

Depuis  la  moitié  du  dernier  siècle,  en  effet,  l'art  de 
guérir  a  scruté  les  propriétés  merveilleuses  d'un  agent 
réputé  l'analogue  du  fluide  vital.  Aussi  fut-il  adopté  avec 
enthousiasme,  d'autant  plus  que  la  thérapie  se  présentait 
facile,  ne  raisonnant  que  par  excès  ou  par  défaut  du 
fluide  électrique  ;  mais  bientôt  à  l'aveugle  confiance  suc- 
céda le  doute,  suite  nécessaire  des  mécomptes  du  vol- 
taïsme,  et  la  voie  salutaire  devait  rester  longtemps  in- 
comprise. Demandons-le  donc  hardiment  :  l'application 
à  la  médecine  des  appareils  d'induction  électro-magné- 
tiques et  électro-chimiques  a  t-elle  été  également  fé- 
conde, malgré  le  talent  de  ceux  qui  l'ont  érigée  en 
méthode?  Au  lecteur  impartial  de  faire  la  réponse.  Aussi, 
faisant  abstraction  des  hommes  pour  ne  voir  que  les 
choses  dans  leur  imposante  vérité,  évoquons  simplement 
des  phénomènes  principes  oubliés,  en  même  temps  que 
leurs  consolantes  conséquences,  dans  la  cure  des  mala- 
dies, notre  mobile  à  nous  médecins. 

Ainsi  que  tant  d'autres  physiciens,  et  avec  des  moyens 
nouveaux  (1),  M.  Beckensteiner  a  démontré  le  transport 
par  le  courant  électrique  des  métaux  et  des  acides  mis 
en  œuvre  par  les  appareils  d'induction.  Cela  seul  ne 
suffirait-il  pas  à  faire  rejeter  avec  lui  une  méthode  dan- 
gereuse en  elle-même?  Nous  en  trouvons  la  preuve 
dans  la  désorganisation  des  tubesencéphaliquesetmédul- 
laires  chez  les  animaux  soumis  à  de  longues  séances  ; 

(1)  Études  sur  l'électricité,  théorie  du  transport. 


152  THÉRAPEUTIQUE. 

comme  aussi  dans  les  prostrations  subites  et  les  douleurs 
interminables  de  la  colonne  et  des  membres  chez  ceux 
des  expérimentateurs  qui  se  sont  trouvés  par  hasard 
dans  le  courant  de  fortes  piles,  quelques  instants  seule- 
ment. De  trop  éclatants  exemples  en  font  foi  pour  mettre 
en  doute  une  action  qui  sidère  la  force  vitale  :  témoins 
MM.  Silbcrmann,  Bazin  (d'Angers)  et  tant  d'autres  sa- 
vants plus  ou  moins  connus. 

L'électricité  statique  est  par  contre  innocente.  De 
nombreuses  raisons  militent  en  outre  en  sa  faveur, 
comme  nous  allons  le  voir  en  quelques  traits  synopti- 
ques généraux  : 

L'électricité  statique,  qui  veut  dire,  comme  son  nom 
l'indique,  se  tenant  en  équilibre  sur  les  corps  (stat),  est 
essentiellement  expansive  et  agit  à  distance.  Les  machines 
de  rotation  la  produisent,  ou  plutôt  la  soustraient  à  l'air 
ambiant  d'où  elle  émane,  de  là  son  nom  à' atmosphérique. 
Nous  avons  signalé,  dans  nos  premiers  articles,  son 
rôle  primordial,  comme  agent  régénérateur  de  la  vie 
chez  tous  les  êtres  organisés;  elle  est  pour  toute  une 
école  l'analogue  du  principe  vital  lui-môme.  On  pressent 
de  là  sa  prééminence  en  médecine. 

L'électricité  dynamique  (force,  mouvement)  est  celle 
qui  se  propage  de  proche  en  proche  dans  les  molécules 
des  corps.  Aussi  l'a- 1  on  nommée  moléculaire  (par  op- 
posite à  expansive)  ;  elle  ne  peut  agir  à  distance.  On 
l'appelle  galvanique,  du  nom  de  l'inventeur,  quand  le 
courant  vient  directement  de  la  source  productrice  ; 
induite,  quand  elle  procède  elle-même  d'un  premier  cou- 
rant qui  a  électrisé  le  second  foyer  par  influence  (appa- 
reils d'induction).  Cette  électricité  est  celle  des  réactions 
chimiques,  de  l'agrégation  des  métaux  et  minéraux  ;  on 
l'a  nommée  de  là  tellurique.  Elle  décompose  les  liquides, 
l'eau  en  particulier,  tandis  que  l'électricité  statique  la 


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ÉTUDES  DR  THÉRAPIE  ELECTRIQUE.  153 

recomjme  ;  on  connaît  cette  expérience  vulgaire  des  cours 
de  physique. 

Ajoutons  qu'elle  oblige  le  médecin  ù  agir  sur  les  or- 
ganes privés  de  vêtement  ;  partant,  difficulté  dans  le 
traitement,  pour  ne  pas  dire  souvent  inconvenance; 
qu'elle  est  enfin  fort  douloureuse  par  l'application  des 
électrodes. 

Avant  môme  toute  comparaison,  le  simple  examen 
des  lois  harmoniques  de  l'univers  indiquerait  'e  choix, 
puisque  deux  courants  fluidiques  régissent  notre  globe  : 
l'un  sidéral,  qui  entretient  la  vie  des  animaux  et  des 
plantes,  l'autre  lellurique,  présidant  aux  lois  de  la  na- 
ture morte.  Laissons  donc,  avec  M.  Beckensteiner,  à 
chacune  sa  spécialité:  à  l'électricité  voltaïque,  la  solu- 
tion des  problèmes  de  métallurgie  et  de  chimie  ;  à  l'élec- 
tricité de  l'aimant,  abandonnons  les  problèmes  de  la 
force  mécanique  ;  mais  à  l'électricité  atmosphérique  ou 
de  frottement  appartiennent  les  problèmes  de  médecine, 
surtout  quand  elle  est  combinée  à  l'électricité  vitale  du 
corps  humain. 

Faisons  un  court  historique  à  ce  sujet,  —  Cette  idée  de  la 
communication  d  une  force  adœquale  à  l'organisme 
malade  est  très-vieille  en  médecine.  Sans  rechercher  les 
procédés  chinois  qui  remontent  au  moins  au  grand  jao 
contemporain  du  père  d'Abraham,  et  qui  nous  montrent 
ce  vieux  peuple  déjà  très  au  courant  de  l'électricité  ki, 
et  des  fluides  yong  et  i/n  (positif  et  négatif)  ;  sans  exhu- 
mer ce  livre  de  l'antique  Orient,  le  Zend-Avesta,  qui 
parle  d'un  principe  fluidique  s'élevant  du  centre  du 
corps  et  décrivant  les  lignes  que  la  récente  découverte 
du  pendule  magnétique  vient  de  nous  démontrer,  nous 
trouvons  chez  les  prêtres  de  l'ancienne  Egypte  des  pra- 
tiques, ou  mieux  des  secrets,  qui  étaient  la  principale 
médication  d'alors,  et  consistaient,  indépendamment 


154  THÉRAPEUTIQUE. 

d'une  autre  influence  sans  doute  extra  ou  supra-natu- 
relle, dans  l'imposition  des  mains,  les  frictions,  le  mas- 
sage méthodiques,  en  un  mot  une  sorte  d'entraînement 
magnétique  et  une  application  de  l'électricité  animale, 
terminée  par  le  sommeil  dans  lequel  tombaient  les  ma- 
lades avant  leur  entrée  dans  le  temple;  des  apparte- 
ments sous  les  portiques  étaient  destinés  à  les  recevoir. 
Ainsi  préparés,  ils  entraient  dans  le  sanctuaire  où  la 
pylhonisse  rendait  des  oracles,  en  vertu  d'une  sorte  de 
somnambulisme  clairvoyant  (1).  Les  historiens  du  temps 
nous  ont  transmis  la  renommée  des  sybilles  de  Cumes, 
Delphes,  etc.  L'application  d'une  torpille  vivante  dans 
la  goutte  et  la  céphalée,  recommandée  par  Dioscoride, 
Vossius,  Galien  et  Paul  d'Egine,  partait  du  même  prin- 
cipe évidemment,  l'action  d'un  aura  magnétique  vital. 
Nous  voyons  le  célèbre  Pythagore,  585  avant  J.-C, 
parler  de  l'art  de  guérir  qui  consistait  en  attouchements 
et  frictions  avec  chants,  à  l'instar  des  prêtres  de  Sérapis 
et  d  Esculape.  Hippocrate  connaissait  très-bien  aussi  la 
valeur  de  l'électricité  animale,  c'est-à-dire  l'influence 
d'un  individu  bien  portant  sur  un  malade.  Il  ne  pouvait 
en  être  autrement  de  l'héritier  des  pratiques  magnéti- 
ques des  prêtres  égyptiens. 

Nous  ferons  la  même  remarque  à  l'égard  de  Galien, 
dont  les  préceptes  cyniques  ne  sauraient  trouver  place 
ici,  mais  qui  n'étaient  au  fond  que  l'échange  entre  deux 
personnes  des  courants  de  leur  électricité  naturelle. 

De  cette  idée  médicale  vraie,  une  seule  chose  est  restée 
acceptée  par  tous  :  c'est  le  revêtement  d'une  peau  d'ani- 
mal fraîchement  ccorché  et  chaude,  comme  le  lapin  et 
le  mouton.  Evidemment  ces  peaux  agissent  surtout  par 

(1)  Qui  est  sur  la  limite,  difficile  à  fixer,  des  faits  naturels  et  des 
phénomènes  d'un  autre  ordre.  (Note  de  la  Rèd.) 


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ÉTUDES  DE  THÉRAPIE  ÉLECTRIQUE.  155 

Ieleclricité  vitale  dont  elles  sont  imprégnées  et  qu'elles 
communiquent  à  ceux  qui  ont  fait  des  chutes  graves  ou 
dont  la  vitalité  s'épuise  par  des  maladies  consomptives. 
Le  plexus  solaire,  ce  centre  de  vie  végétative  qui  est 
aussi  Xultimum  moriens,  se  ranime  à  ce  conlact  à' aura 
vi/alis  et  maintient  quelque  temps  encore  une  flamme 
d'emprunt,  bientôt  épuisée,  avec  une  chaleur  qui  n'a 
plus  son  foyer. 

Paracelse  (1)  admettait  qu'une  émanation  s'irradiait 
d'un  individu  sur  un  autre.  Le  premier  des  alchimistes, 
il  a  donné  un  axe  polaire  à  l'homme,  et  prétendait  même 
que  le  corps  suspendu  sur  des  eaux  tranquilles,  à  sa 
libre  direction,  aurait  la  tête  invariablement  tournée 
vers  le  nord  et  les  pieds  vers  le  sud.  Nous  avons  l'espoir 
que  ces  idées  de  polarité  reprendront  vie  dans  la  science, 
grâce  aux  remarquables  travaux  de  Behr  sur  les  cou- 
rants naturels,  qui  ont  fait  l'objet  de  l'article  précé- 
dent. 

On  voit  Van  Helmont  (2),  au  milieu  du  xvne  siècle, 
revendiquer  la  matière  subtile  et  impondérable,  ad- 
mettre les  attouchements,  les  frictions  et  l'imposition  des 
mains.  «  La  volonté  dirige  cet  esprit,  dit-il,  qui,  une 
fois  mis  en  mouvement,  n'est  arrêté  ni  par  la  distance, 
ni  par  le  temps.  La  volonté  est  la  première  de  toutes  les 
grandes  forces  humaines  et  la  cause  de  tous  nos  mou- 
vements. »  Evidemment  il  a  clairement  compris,  dès 
cette  époque,  l'électricité  animale,  sans  pouvoir  lui  don- 
ner un  corps  par  des  expériences  démonstratives. 

William  Maxwel,  médecin  dé  Charles  II,  roi  d'An- 
gleterre, a  été  plus  loin  :  a  Celui,  dit-il,  qui  est  capable  de 
mettre  en  action  son  fluide  et  d'influer  ainsi  sur  un 
autre  individu,  en  agissant  sur  son  esprit  vital,  peut,  au 

(1)  Tbeophr.  Paracelsi  opéra  omnia.  Genèvo,  1658. 
(i)  Van  Helra.  Opéra  omnia,  in-fol.  Frankfurt,  i682. 


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156  THÉRAPEUTIQUE. 

moyen  de  l'esprit  vital  universel,  guérir  t°l,tes  sortes 
de  maladies  »  (i). 

Le  P.  Kircher  (2),  ce  génie  scientifique  d  une  fé- 
condité si  remarquable,  dit  expressément  que  la  puis- 
sance d'agir  sur  un  autre  est  d'autant  plus  facile  que 
l'on  réunit  à  un  plus  haut  degré  les  trois  conditions 
suivantes  :  noblesse  de  l'âme,  grande  puissance  de  vo- 
lonté et  vivacité  de  l'imagination  ;  quand,  d'autre  part, 
le  sujet  ne  cherche  pas  à  repousser  l'influence  de  l'opé- 
rateur. Deux  savants  hors  ligne»  François  Bacon  et 
Isaac  Newton,  professaient  une  manière  de  voir  iden- 
tique. 

En  1740,  naquit  Mesmer,  à  Vienne  en  Autriche. 
Jeune  docteur,  il  s'empara  des  idées  éparses  sur  ce  su- 
jet et  donna  sous  le  nom  de  magnétisme  animal  ce  qu'il 
appelait  sa  découverte.  Il  eut  toutefois  le  mérite  d'ad- 
mettre, dès  son  premier  ouvrage,  une  influence  mu- 
tuelle entre  les  corps  célestes,  la  terre  et  les  corps  ani- 
més. Sans  entrer  dans  les  détails,  il  réalisait  l'applica- 
tion de  l'électricité  par  l'intermède  des  auras,  influences 
secrètes  ou  latentes  de  l'organisme  vivant.  Non-seule- 
ment il  opérait  par  l'influence  des  sens,  mais  encore  il 
soumettait  les  malades  à  l'action  d'un  appareil  connu  de- 
puis sous  le  nom  de  baquet  de  Mesmer,  qui  n'était  autre 
qu'une  sorte  de  machine  électrique  de  son  invention, 
et  qui  n'a  pas  peu  contribué  à  discréditer  une  idée  juste 
au  fond.  Nous  voulons  parler  de  sa  composition  com- 
plexe et,  disons  le  mot,  visible  des  couches  végétales 
superposées.  Mais  le  grand  point  que  tout  le  monde 
ignorait,  sauf  les  rares  adeptes  auxquels  le  baquet 
était  transmis,  c'est  que  ce  meuble  magique  renfermait 

(I)  Medici  magneli,  lib.  ni,  in-16.  Frankfurt,  4679. 
(î)  Kirch.  De  arle  magn.  Colo, 


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ÉTUDES  DE  THERAPIE  ÉLECTRIQUE.  157 

une  série  d'aimants  qui  contenaient  autant  de  tubes 
métalliques  et  dont  le  pôle  nord  était  tourné  en  haut; 
ils  communiquaient  avec  une  bonbonne  assez  semblable 
à  une  grande  bouteille  de  Lcyde.  Mieux  valait,  à  tous 
égards,  se  servir  de  la  machine  électrique,  en  lui  com- 
muniquant une  influence  vitale,  mais  alors  personne 
ne  l'eût  osé. 

Privati,  de  Venise,  eut  le  premier  l'idée  de  l'aire 
transporter  par  le  fluide  des  substances  solides.  Il  pré  - 
tendait, mais  à  tort,  que  les  émanations  traversaient  le 
verre  lui  même  qui  les  contenait  et  pénétrait  le  malade. 
Le  savant  abbé  Nollet  le  contredit  avec  raison,  et  celte 
idée  mère",  qui  portait  tout  l'avenir  et  les  suprêmes  res- 
sources de  la  thérapie  électro-statique,  fut  mécon- 
nue. 

En  1752,  Franklin,  en  Amérique,  soutint  qu'on  ne 
peut  jamais  mêler  la  vertu  médicinale  avec  le  fluide; 
erreur  qui  fit  taire  encore  ceux  qui  reprenaient  les  ex- 
périences de  Privati  sur  le  transport. 

Enfin  le  Dr  Jallabert,  de  Genève,  fit  appel  de  la  con- 
damnation qui  frappait,  dès  cette  époque,  l'électricité 
slatique,  et  publia  la  guérison  d'une  paralysie  datant  de 
quinze  ans;  puis  une  épilepsie  invétérée  qui  fut  guérie 
par  des  secousses  répétées  avec  la  bouteille  de  Leyde. 

Le  célèbre  de  Haen  eut  bientôt  une  série  de  guérisons 
(paralysies  de  causes  diverses,  chorées,  tremblements, 
aménorrhées,  etc.).  Le  Df  Watson,  un  cas  de  tétanos  de- 
sespéré. 

A  partir  de  cette  époque,  les  travaux  se  multiplient, 
el  nous  n'en  finirions  pas  si  nous  voulions  tous  lesénu- 
mérer.  La  France  a  eu  le  glorieux  privilège  d'être  à  la 
tète  de  ces  pionniers  de  la  science  et  de  la  charité, 
parmi  lesquels  il  faut  distinguer  deux  lyonnais,  l'abbé 
Bertholon  et  Bonnefoy,  que  nous  devons  honorer  double- 


158  THÉRAPEUTIQUE. 

ment  :  au  dernier  revient  même  la  g-loire  de  la  décou- 
verte du  télégraphe,  clairement  désigné  dans  son  mé- 
moire, ainsi  que  la  photographie  et  l'impression  sur 
étoffes  par  l'électricité  (1-2).  Découvertes  qui  ne  devaient 
pas  êtres  suivies,  et  dont  la  première  ne  devait  être 
complètement  réalisée  qu'un  demi-siècle  après  lui. 

Mode  d'administration.  -  Les  électrophiles,  jusqu'à  ces 
derniers  temps,  avons-nous  dit,  n'avaient  appliqué  le 
fluide  aux  malades  qu'en  s'isolant  eux-mêmes,  soit 
qu'ils  ignorassent  le  transport  des  atomes  mis  dans  le 
cercle  fluidique,  soit  qu'ils  craignissent  (à  tort)  cette 
sorte  de  mutualité.  L'opérateur  tenait  un  manche  iso- 
lant, en  verre  par  exemple,  auquel  étaient  fixés  les  di- 
vers excitateurs;  ceux-ci  communiquaient  au  sol  par 
une  chaîne  métallique.  Cette  pratique  ne  pouvait  donner 
que  des  effets  physiques  et  non  vitaux  comme  ceux  de 
la  méthode  par  communication  vitale.  Grâce  à  cette  der- 
nière, le  médecin,  se  mettant  lui-même  dans  la  sphère 
d'action  du  courant,  animalisant  ainsi  le  fluide,  calme 
ou  excite  à  son  gré,  et.  ne  se  bornant  point  aux  para- 
lysies, peut  sinon  gaiérir,  du  moins  soulager  un  certain 
nombre  de  maladies.  Voyons  donc  en  quoi  consistent  ses 
diverses  opérations,  suivant  dans  cet  examen  les  pré- 
ceptes de  l'auteur  lui-même  (3). 

Les  passes  électriques.  —  Comme  pour  le  courant  ma- 
gnétique, le  malade  étant  sur  le  tabouret  isolant  et  la 
machine  en  action,  l'opérateur  étend  les  deux  mains, 
distantes  du  patient  de  15  à  25  centimètres,  et  les  dirig-e 
parallèlement  de  la  tête  aux  pieds.  La  sensation  éprou- 
vée est  celle  d'une  effluve  moelleuse  qui  le  pénètre 
agréablement.  Si  l'opérateur  approche  les  mains,  sans 

(4)  Bertholon.  De  l'étude  du  corps  humain  en  santé  et  en  maladie. 
(£)  Bonnefoy.  Application  de  l'électricité  à  l'art  de  guérir,  1782. 
(3j  C.  Beckensteiner.  Études  sur  1  électricité. 


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ÉTUDES  DE  THÉRAPIE  ÉLECTRIQUE.  159 

les  approcher  assez  pour  déterminer  1  étincelle,  la  sen- 
sation est  plus  vive,  moins  agréable. 

Les  frictions  électriques.  —  Elles  consistent  simplement 
dans  le  passage  léger  des  mains  sur  le  corps  du  ma- 
lade, vêtu  de  laine  ou  de  soie;  ce  qui  détermine  une 
série  de  picotements. 

Le  massage  électrique.  —  Il  n'esl  autre  que  le  massage 
ordinaire,  mais  avec  une  puissance  incomparablement 
plus  grande  et  avec  cette  différence  que  la  partie  souf- 
frante peut  être  vêtue. 

Avec  la  main  armée  d'excitateurs,  le  médecin  produit: 

Les  courants  pnr  les  pointes.  (Tiges  métalliques  acumi- 
nées  à  une  de  leurs  extrémités.)  —  A  la  distance  d'une 
dizaine  de  centimètres  du  malade,  elles  lui  font  éprou- 
ver la  sensation  d'un  vent  frais  ou  chaud  suivant  la  na- 
ture des  substances  employées.  Ainsi  l'iode  procure  un 
vent  chaud  qui  est  frais  au  contraire  avec  l'argent,  le 
platine  et  l'or.  C'était  le  souffle  ou  T aigrette  des  anciens. 
Ceux-ci  avaient  bien  reconnu  comme  les  modernes  des 
diOérences  thérapeutiques  dans  l'emploi  des  excitateurs, 
ce  qui,  avant  toute  preuve  expérimentale,  pourrait  au- 
toriser, ce  semble,  à  admettre  le  transport  de  parcelles 
alomistiques  dans  le  corps  du  malade.  Partant,  modifi- 
cation profonde  de  la  trame  des  organes. 

Les  étincelles.  —  Une  surface  et  mieux  une  boule  mé- 
tallique les  produisent.  C'est  surtout  alors  que  l'union 
consensuelle  du  malade  avec  le  médecin  est  utile,  car 
ce  dernier  peut,  suivant  le  besoin,  modifier  le  degré 
des  décharges. 

La  commotion.  —  Cette  pratique,  très  en  usage  autre- 
fois, doit  être  rejetée  dans  les  cas  ordinaires,  même  ap- 
pliquée localement.  Les  actions  douces  ont  l'avantage 
de  ne  point  troubler  l'organisme,  et  sont,  au  demeurant, 
plus  efficaces. 


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160  THÉRAPEUTIQUE. 

Les  rubéfiant*  électriques.  —  On  peut  tenir  le  même 
langage  restrictif  sinon  réprobatif  à  leur  égard.  Cer- 
tains corps,  tels  que  le  charbon  de  bois,  peuvent  toute- 
fois donner  des  résultats  précieux  dans  des  cas  d'ur- 
gence, en  déterminant  en  une  ou  deux  minutes  la  ru- 
béfaction et  en  cinq  une  vésication  qui  vajusqu'au  moxa. 

Les  douches  électriques.  —  Le  liquide  est  projeté  sur  le 
malade  par  l'aura  fïuidique.  Elles  peuvent  servir  à  dé- 
montrer, sans  réplique,  le  double  courant  propre  a 
l'électricité  statique  seule.  Pour  cela,  il  suffit  que  deux 
personnes  tiennent  en  main  un  appareil  à  douche 
chargé  d'un  liquide  quelconque,  d'eau  par  exemple. 
L'une  est  sur  le  sol  et  l'autre  sur  le  tabouret  isolant. 
La  machine  étant  en  action,  les  deux  personnes  présen- 
tent les  appareils  à  la  rencontre  l'un  de  l'autre,  à  une 
distance  de  30  à  40  centimètres,  et  aussitôt  deux  jets 
aqueux  se  produisent  de  l'opérateur  à  l'opéré  et  vive 
versd.  C'est  une  répétition  plus  appréciable  de  la  belle 
expérience  de  Fusinieri  (i).  Une  forte  étincelle  éclatant 
entre  une  boule  d'or  et  une  boule  d'argent,  on  peut  voir 
manifestement  durant  quelques  instants  une  tache 
jaune  sur  l'argent  et  une  blanche  sur  l'or,  les  métaux 
s'étant  déposes  réciproquement  l'un  sur  l'autre. 

Depuis,  plusieurs  physiciens  ont  démontré  ces  échan- 
ges. Par  là  même  le  double  courant,  mais  sans  le  re- 
connaître ou  le  signaler  d'une  façon  sensible  pour  tout 
le  inonde,  comme  avec  l'appareil  à  douche. 

Nous  ne  donnerons  qu'une  preuve  du  simple  et 
unique  courant  dans  l'électricité  dynamique,  mais  elle 
nous  paraît  péremptoire.  C'est  que  les  procédés  usuels 
galvaniques  ne  pourraient  aucunement  servir  à  dorer, 
argenter,  etc.,  s'il  en  était  autrement. 

(I)  Journal  de  Paris,  im>  p.  405. 


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ETUDES  DE  THÉRAPIE  ÉLECTRIQUE.  \6\ 

On  le  sait  déjà,  l'électricité  n'étant  pas  seulement 
pour  nous  une  force,  mais,  et  plus  encore,  un  moyen 
de  transmission  des  substances  modificatrices  de  l'orga- 
nisme, une  bonne  partie  de  l'arsenal  pharmaceutique 
devient  ou  peutdevenir  l'auxiliaire  obligé  du  traitement, 
c'est-à-dire  la  médication  elle-même,  laquelle  est  ap- 
pliquée, absorbée  loco  dolenti,  constituant  ainsi  la  vraie 
méthode  à' électricité  localisée,  avec  bien  plus  de  vérité  que 
celle  des  appareils  d'induction,  qui  a  cette  prétention 
pour  de  simples  contractions  musculaires. 

Quant  aux  métaux,  étant  bons  conducteurs,  il  suffit 
d'avoir  un  excitateur  en  forme  de  tige  pointue  d'un 
côté,  renflée  de  l'autre.  Pour  l'or,  à  cause  de  son  prix, 
on  visse  une  boule  creuse  de  ce  métal,  ainsi  que  pour 
d'autres  métaux  précieux. 

Qu'on  nous  permette  ici  une  digression  qui  est  un 
rapprochement  :  les  sept  métaux  des  astrologues,  figu- 
res représentatives  de  sept  planètes,  viennent  peut-être 
aujourd'hui  nous  dévoiler  par  leur  action  iluidique  sur 
tel  ou  tel  appareil  d'organes  la  clef  d'une  science  qui 
ferait  sourire  nos  savants  du  jour  à  l'énoncé  de  ses  pro- 
positions. Mais  voici  le  fait,  qu'on  le  veuille  ou  non  :  Il  y 
a  des  correspondances  supéro-inférieures,  c'est-à-dire 
du  soleil  et  des  planètes  sur  les  corps  terrestres.  Sans 
doute,  on  a  pu  exagérer,  en  les  voulant  généraliser  et 
systématiser,  et  surtout  en  les  appuyant  sur  des  ana- 
logies qui  cependant  ne  paraissent  pas  sans  quelque 
fondement.  L'or  était  pour  les  anciens  le  métal  solaire. 
Eh  bien  !  le  cercle  dynamique,  on  s'en  souvient,  nous  a 
donné  son  équation  qui  est  précisément  celle  du  soleil, 
puisque  ces  deux  corps  ont  la  même  mesure  qualita- 
tive. Il  y  a  plus,  si  un  rayon  de  soleil  vient  à  frapper 
l'appareil  de  Behr,  pendant  que  l'or  est  mis  en  expé- 
rience, le  pendule  s'arrête.  La  corrélation  est  frappante. 

TOME  XXXI.-  fÉVBlEB  18"  0.  U 


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I«2  THÉRAPEUTIQUE. 

Comme  confirmation  thérapeutique,  nous  dirons  que 
les  courants  avec  de  l'or  ont  une  spécialité  d'action  in- 
déniable, spécialement  dans  la  plupart  des  affections  du 
cœur,  et  que  les  astrologues  et  les  alchimistes  faisaient 
grand  fond  sur  ce  métal  dans  ces  maladies.  On  sait, 
d'autre  part,  que  tous  les  courants  naturels  partent  du 
cœur,  et  que  le  soleil  est  le  centre  du  système  planétaire. 

Nous  en  dirons  autant  de  l'argent  comme  représen- 
tatif de  la  lune  et  spécifique  des  centres  nerveux,  mieux 
vaut  dire  spécial  à  ces  affections.  Les  applications  élec- 
triques n'ont  pas  fait  défaut  à  ces  remarques,  ainsi  qu'on 
s'en  convaincra  au  traitement  des  névroses. 

Nous  tiendrons  le  même  langage  pour  le  fer  (Mars) 
et  la  crase  du  sang;  —  pour  le  plomb  (Saturne)  et  les 
affections  spléniques  ou  intestinales  ;  —  pour  rétain  (Ju- 
piter) et  les  troubles  hépatiques  ;  —  le  cuivre  (Vénus)  et 
les  maladies  de  i'appareil  génital  (1);  —  le  mercure 
(Mercure),  et  les  maux  des  voies  respiratoires  et  lym- 
phatiques. 

Ajoutons  que  les  minéraux,  végétaux  et  animaux,  à 
effets  médicamenteux,  peuvent  se  rattacher  à  ces  métaux 
dans  le  même  ordre  morbigène. 

Un  exemple  va  rendre  cette  pensée  palpable,  comme 
aussi  pourra  guider  dans  les  expérimentations  astrales. 
Laissons laparole à  M.  ieDr  Blanc,  «l'obligeance  duquel 
nous  devons  cette  observation  inédite  :  «  Une  sensilive, 
tenant  l'index  de  sa  main  droite  en  regard  de  laplantte 
Jupiter,  ne  tarda  pas  à  recevoir  à  ce  doigt  l'impression 
d'un  fluide  tiède.  Cette  impression  augmenta  quand  je 
mis  en  contact  l'index  de  sa  main  gauche  avec  l'index 
de  la  droite  de  sa  mère;  le  contact  de  ce  même  index  de 
la  main  gauche  et  de  la  région  du  foie  de  la  mère  aug- 

(I)  Les  horoœopalhes  allemands  ont  môme  reconnu  que  le  cuivre  gué- 
rissait les  douleurs  qui  suivent  la  parturilion. 


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études  de  thérapie  électrique.  i&3 
menta  bien  plus  encore  l'intensité  de  l'impression.  Je 
substituai  au  contact  de  l'index  et  du  côté  droit  de  la 
mère  celui  d'un  morceau  d'étain  de  près  de  400  gram- 
mes, puis  celui  d'une  petite  branche  de  chélidoine.  Enfin, 
dégageant  la  main  gauche  de  tout  al  tracteur,  je  tins 
devant  les  yeux  de  la  sensitive  une  bande  de  vitre  jaune. 
Chacune  de  ces  trois  expériences  augmenta  l'intensité 
de  l'impression  ci-dessus,  et  chacune  aussi,  après  quel- 
ques instants  de  prolongation,  amena  la  déviation  de 
l'od  jupitérien,  lequel  se  porte  constamment  sur  le  foie 
pour  s'y  accumuler.  Ainsi  donc  cette  séance  a  eu  pour 
résultat  de  confirmer  les  correspondances  qualitatives  de 
Jupiter  avec  Yindex,  le  foie,  Yélain,  la  chélidoine  et  Yod 
qui  accompagne  la  lumière  jaune.  » 

A  l'objection  que  toutes  ces  forces  auraient  du  être 
mesurées,  pesées,  on  peut  répondre  par  la  difficulté,  la 
presque  impossibilité  môme  de  telles  expériences,  et 
qu'enfin  la  sensibilité  du  sujet  était  assez  éprouvée  pour 
que  ses  impressions  fussent  admises  à  l'instar  d'un  in- 
strument de  précision. 

Empruntons  encore  au  même  médecin  le  fait  suivant 
qu'il  appelle  affection  solaire,  et  qui  au  moins  est  fort 
singulier  :  a  Après  avoir  fait  constater  les  corrélations 
sidéro-terrestres  par  des  sensitifs,  dont  les  facultés  sou- 
mises à  de  rig-oureuscs  épreuves  ne  permettent  plus  le 
moindre  doute,  nous  sommes  bien  forcés  d'admeltre  que 
l'homme  correspond  par  ses  org;anes  aux  corps  célestes 
composant  le  monde  solaire,  et  que  ce  n'est  pas  sans 
raison  que  les  anciens  philosophes  l'ont  nommé  à  cause 
de  cela  microcosme  ou  petit  monde... 

II  y  a  peu  de  jours,  on  m'a  présenté  une  jeune  fille 
atteinte  d'une  affection  solaire.  Elle  se  porte  bien  l'hiver, 
mais  au  fur  et  à  mesure  que  le  fluide  du  soleil  pro- 
gresse en  puissance,  ses  malaises  progressent  en  pro- 


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Wi  '  THÉRAPEUTIQUE. 

portion.  Son  affection  n'est  pas  uniforme  pendant  la 
durée  du  jour,  mais  augmente  et  décroît  selon  l'éléva- 
tion et  l'abaissement  du  soleil.  La  malade  éprouve  à 
chaque  annulaire  (doigt  solaire)  une  douleur  assez  vive 
qui  se  propage  à  tout  le  reste  de  la  main,  à  l*excepti(/n 
du  mont  de  la  lune  qui  demeure  intact.  En  même  temps, 
le  cœur  irradie  sa  souffrance  à  l'estomac  et  au  cerveau. 
La  malade  perd  son  appétit,  ses  forces  et  le  calme  de  ses 
nerfs.  Une  pareille  affection  qui  paraît,  cesse,  croît  et 
décroît  selon  le  degré  de  la  puissance  d'action  du  soleil, 
est  évidemment  une  maladie  solaire.  » 

La  conclusion,  c'est  que  des  relations  encore  presque 
inconnues  ou  plutôt  oubliées  relient  les  êtres  de  la  créa- 
tion et  les  harmonisent;  il  peut  suffire  à  nos  études  d'en 
esquisser  les  grandes  lois  ;  aussi  bien  pourrions-nous 
craindre  de  dépasser  notre  sujet.  Mais  souvenons-nous 
que  les  forces  de  la  nature  se  coordonnent,  se  présup- 
posent et  s'harmonisent  dans  le  plan  divin. 


-  La  suit*  au  prochain  numéro.  — 


Dr  Frestier 

(de  Lyon  . 


Le  Rédacteur  en  chef,  Jules  Uayassr. 


Paris    -  lmprira  rie  \.  I'amnt.  ru*  Monsirur-lf-Princ»  31. 


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L'ART  MÉDICAL 

MARS  1870 


HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE 


ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS. 

—  SUITE  — 

CHAPITRE  IV 

DE  LA  MÉDECINE  AU  XVl'  SIÈCLE. 

On  considère  souvent  le  xvie  siècle  comme  le  point 
de  départ  de  tout  le  mouvement  scientifique  moderne, 
et  on  le  nomme  le  siècle  de  la  renaissance  :  nous  avons 
vu  comment,  en  réalité,  les  siècles  antérieurs  avaient 
préparé  cette  grande  éclosion  que  nous  avons  mainte- 
nant à  étudier.  La  philosophie  scolastique  avait  perdu 
grandement  de  son  importance  auprès  des  savants;  et 
il  semblait  qu'elle  ne  fût  plus  apte  qu'à  servir  la  théo- 
logie, elle  qui  cependant  se  basait  sur  le  péripatétisme, 
c'est-à-dire  sur  la  philosophie  scientifique  et  expéri- 
mentale par  excellence  (1).  En  sa  place  se  montrait 
une  sorte  de  néo-platonisme  introduit  en  Italie,  par  les 
Grecs  échappés  de  Constantinople  après  la  prise  de 

(l)  J'ai  tenté  d'expliquer  tout  lo  mouvement  scientifique  qui  a  inau- 
guré la  science  moderne,  dans  un  travail  qu'a  publié  la  Revue  du  monde 
wtWiÇH*,  et  qui  a  été  édité  séparément  :  De  la  Scolastique  à  la  science  mo- 
derne, chez  Palmé  ;  Paris,  4867. 

TOME  XXXI.       MABS  1870.  H 


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162  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

cette  ville  par  les  Turcs  en  1453;  et,  chose  singulière, 
c'était  cette  philosophie  nouvelle,  toute  imprégnée  de 
rêveries,  et  toute  contraire  à  la  science  expérimentale, 
qui  venait  prêter  la  main  à  une  révolte  contre  le  péri- 
patétisme.  Il  est  vrai  qu'en  s'unissant  aux  sciences 
nouvelles,  elle  faillit  les  entraîner  dans  la  voie  perni- 
cieuse de  la  Kabale,  sous  le  prétexte  de  donner  aux 
conceptions  de  l'esprit  une  réalité  concrète. 

Le  xvi°  siècle  nous  présente  donc  ce  double  courant 
singulier,  d'une  philosophie  tout  à  la  fois  averrhoïste, 
astrologique  et  platonicienne,se  repaissant  de  rêves  ima- 
ginaires, qui,  pendant  que  les  sciences  particulières 
travaillaient  à  leur  avancement  par  l'observation , 
l'expérience  et  le  raisonnement  sévère,  s'attachait  à 
matérialiser  toutes  les  essences  métaphysiques,  ou  tout 
au  moins  à  leur  donner  une  réalité  concrète. 

A  un  autre  point  de  vue,  ce  siècle  nous  présente 
encore  cette  nouvelle  contradiction  de  deux  autres  ca- 
tégories de  savants  :  les  uns  s'efïorçant  de  faire  revivre 
l'antiquité,  s'attachant  à  la  traduire  et  à  la  commenter  ; 
les  autres  faisant  fi  de  tout  ce  qui  a  été  fait  avant  eux, 
et  ne  s'attachant  qu'à  trouver  des  voies  nouvelles. 

Le  néo-platonisme  était  né  singulièrement.  En  1438, 
l'empereur  Paléologue  étant  venu  au  concile  de  Flo- 
rence pour  traiter  avec  le  pape  Eugène  IV,  de  la  réu- 
nion de  l'Église  d'Orient  avec  celle  d'Occident,  union 
qui  eut  effectivement  lieu  pendant  quelque  temps, 
amena  avec  lui  Gémisthius,  dit  Pléthon,  Bessarion  et 
Gennadius.  Déjà  Théodore  de  Gaza  et  Georges  de  Trébi- 
zonde  étaient  venus  en  Italie  vers  1430,  fuyant  l'invasion 
desTurcs,  le  premier  à  Ferrare,  le  second  à  Venise.  Quel- 
ques années  plus  tard,  après  la  prise  de  Constantinople 
par  Mahomet  II,  d'autres  Grecs  arrivèrent  à  Home  et  à 
Florence,  comme  Argyropoule  et  Ghalcondyle.  Tous 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  163 

s'occupèrent  de  traduire  les  principaux  livres  grecs, 
et  entre  autres  Aristote  et  Platon  dont  on  eut  ainsi  des 
versions  plus  exactes,  puis  Homère,  Théophraste, 
Alexandre  d'Aphrodise.  Mais  ils  apportèrent  avec  eux 
également  leur  esprit  de  passion  et  de  division.  Gémis- 
thius  se  disait  sectateur  de  Platon,  Gennadius  et  Gaza 
soute:  aient  Aristote.  Gémisthe  fit  paraître  un  traité 
comparatif  des  deux  philosophes,  où  il  donnait  l'avan- 
tage à  son  maître.  Bessarion,  pris  pour  arbitre,  apai- 
sait les  difficultés,  lorsque  Georges  de  Trébizonde 
entra  en  lice  avec  une  grande  vigueur  dans  un  pam- 
phlet célèbre  où  il  établissait  qu'Aristote  avait  soutenu 
des  opinions  plus  rationnelles  et  plus  en  accord  avec 
les  dogmes  chrétiens.  La  querelle  se  poursuivit  jusque 
dans  le  xvi'  siècle.  Mais,  pendant  que  Gémisthe  se 
faisait  et  demeurait  catholique  en  apparence,  soute- 
nant le  platonisme  qui  s'accordait  avec  les  réalistes 
{anti-nomina  listes)  alors  triomphants,  Georges  restait 
schismatique  et  donnait  à  Venise  des  traductions  soup- 
çonnées fortement  d'inexactitude.  Le  platonisme  triom- 
phait donc.  Gémisthe,  qui  de  retour  dans  le  Péloponèse 
publia  son  Traité  des  lois,  fortement  imbu  de  paga- 
nisme, donna  à  Côme  de  Médicis  l'idée  de  l'Académie 
platonicienne,  dont  Marcile  Ficin  fut  ensuite  pendant 
si  longtemps  l'inspirateur. 

Cette  école  néo- platonicienne  fortement  imprégnée 
de  paganisme,  d'arabisme  et  des  anciennes  idées  d'A- 
lexandrie, fut  représentée  par  Pomponace,  Pomponius 
Lœtus,  Marcile  Ficin;  et  pour  se  soutenir  donna  la 

(I)  Il  faut  se  souvenir  qu'au  xv«  siècle,  l'école  philosophique,  dile 
réaliste,  triompha  dans  l'Université  de  Paris,  et  qu'à  ce  moment  les  mé- 
decins s'unirent  aux  théologiens  pour  chasser  de  l'Univrsité  les  adhé- 
rents au  nominalisme.  Ce  fut  certainement  celte  victoire  du  réalisme, 
qui,  de  Paris  s'étendant  dans  toutes  les  écoles  occidentales,  prépara 
l'avènement  du  néo-platonicisme. 


•  104  HISTOIRE  DE  LA.  MEDECINE. 

main  à  Reuchelin,  Agrippa,  à  toute  la  nouvelle  Kabale 
issue  de  l'école  arabiste.  Mais,  d'un  autre  côté,  par  les 
littérateurs  qu'elle  contenait,  elle  suscita  cette  école 
d'humanistes  si  célèbre  sous  Léon  X,  au  commence- 
ment du  xvi*  siècle,  Laurent  Valla,  Ange  Politien, 
Lascaris,  Chalcondyle,  Accolti,  Bibbiéna,  Bembo,  Sa- 
dolet,  Erasme  ;  et  c'est  par  ces  humanistes  qu'elle  sus- 
cita en  médecine  les  traducteurs  et  commentateurs  de 
l'antiquité. 

La  lutte  contre  la  logique  aristotélicienne  était  sou- 
tenue par  le  Picard  Ramus  qui  luttait  à  Paris  contre 
Charpentier,  médecin  de  Charles  IX,  professeur  de 
mathématiques  au  Collège  de  France,  nouvellement 
fondé;  par  le  cardinal  Patrizzi,  l'un  des  plus  grands 
détracteurs  de  la  logique  péripatéticienne;  par  Cornélius 
Agrippa,  médecin  philosophe,  professeur  voyageur, 
qui  en  bloc  repoussait  toute  l'antiquité,  et  qui  fut  suivi 
par  Paracelse  et  son  école. 

Pendant  ce  temps,  les  travaux  de  détail,  d'observa- 
tion et  d'analyse,  se  faisaient  dans  tout  le  domaine 
scientifique.  La  découverte  de  l'Amérique,  les  grands 
voyages  autour  du  monde,  donnèrent  une  impulsion 
considérable  à  toutes  les  études  naturelles.  La  fondation 
du  Collège  de  France  donna  une  grande  impulsion  à 
l'étude  des  langes  orientales. 

Citons  les  principaux  travaux  de  ce  siècle  pour  donner 
une  idée  générale  de  son  mouvement  scientifique. 

Nous  signalons  d'abord  dans  la  linguistique,  les  tra- 
vaux de  Budé  qui  fut  surnommé  le  prodige  français  ; 
ceux  du  voyageur  G.  Postel  (1 51 0-1 584),  plus  ou  moins 
visionnaire,  qui  a  donné  les  premiers  éléments  de  l'é- 
tude comparée  des  langues;  ceux  du  naturaliste  Conrad 
Gessncr  (1516-1565),  qui  fut  aussi  voyageur  et  l'un  des 
plus  érudits  de  son  temps.,  et  qui,  dans  son  Mithridates, 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  165 

donna  les  éléments  de  130  idiomes  anciens  ou  mo- 
dernes, et  la  traduction  du  pater  en  22  langues.  Bi- 
bliander  fit  aussi  de  la  linguistique  comparée,  et  on 
peut  dire  qu'il  en  institua  la  science  dans  son  de  Ba- 
tione  communi  omnium  linguarum  et  litterarum  Commenta- 
rius  (1548).  Buxtorf  donna  une  grammaire  et  un  lexi- 
que de  l'Hébreu,  du  Chaldéen  et  du  Syriaque. 

Les  mathématiques  étaient  étudiées  concurremment 
avec  la  mécanique  et  l'astronomie,  ses  alliées  natu- 
relles. P.  Maurolico  (1549-1575)  perfectionna  Archi- 
mède,  Apollonius  et  Diophante,  donna  une  nouvelle 
théorie  des  sections  coniques,  et  rendit  les  gnomons 
plus  justes.  Tartaglia,  mort  en  1577,  appliquâtes  ma- 
thématiques à  l'art  de  la  guerre,  en  déterminant  le 
mouvement  curviligne,  découvrit  le  cube  de  deux  va- 
leurs, donna  la  solution  d'équations  diverses,  indiqua 
le  moyen  de  mesurer  l'aire  d'un  triangle  dont  on  con- 
naît les  trois  côtés,  sans  chercher  la  perpendiculaire  ; 
enseigna  à  remettre  un  bâtiment  à  flot  quel  qu'en  soit 
le  poids,  et  entrevit  la  loi  de  la  chute  des  corps.  Car- 
dan (1501-1576)  trouva  les  racines  négatives  dans  les 
équations  carrées;  la  transformation  d'une  équation 
cubique  en  une  autre  manquant  de  second  terme;  le 
calcul  des  racines  imaginaires;  une  méthode  pour  ré- 
soudre les  racines  bicarrées;  l'application  de  l'algèbre 
à  la  géométrie;  l'évaluation  approximative  de  la  pesan- 
teur et  de  la  résistance  de  l'air.  On  lui  attribue  aussi 
l'invention  du  cadenas  à  lettres.  Vièle  (1540-1603)  fut 
le  véritable  inventeur  de  l'algèbre;  il  indiqua  la  plu- 
part des  transformations  des  équations,  la  méthode 
pour  se  débarrasser  du  second  terme  et  des  coefficients, 
la  résolution  numérique  pour  un  degré  quelconque, 
l'analyse  des  sections  angulaires.  J.  Napier,  ou  Néper 
(1550-1617)  est  connu  pour  l'invention  des  logarithmes. 


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166  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

H.  Briggs  (1556-1630)  donna  la  formule  du  binôme  et 
perfectionna  les  logarithmes.  Ch.  Harriot  (1560-1621) 
acheva  définitivement  la  constitution  de  l'algèbre,  sub- 
stitua les  petils  caractères  aux  majuscules,  nota  les  in- 
connues par  des  voyelles ,  exprima  les  produits  en  met- 
tant les  facteurs  côte  à  côte,  et  donna  la  solution  du 
dernier  terme  de  l'équation. 

En  astronomie,  Copernic  (1474-1548)  reprenant  la 
question  du  système  planétaire  et  les  idées  du  cardinal 
Cusa  du  siècle  précédent,  indiqua  les  révolutions  des 
corps  célestes  en  1543,  qu'il  avait  déjà  trouvéescn  1515, 
et  qu'il  ne  cessa  d'étudier.  Tycho-Brahé  (1546-1601) 
voulait  que  les  planètes  tournassent  autour  du  soleil,  et 
que  le  soleil  tournât  autour  de  la  terre.  Il  découvrit  l'iné- 
galité des  mouvements  de  la  lune,  indiqua  que  les  co- 
mètes devaient  être  au  delà  de  la  lune,  et  nota  un  grand 
nombre  d'étoiles.  Galilée  (1564-1642),  qui  joignit  le 
xvie  siècle  au  xvit*,  et  qui  appartient  plus  encore  à 
ce  dernier  par  ses  diverses  découvertes  et  ses  aven- 
tures, trouva  la  loi  de  la  chute  des  graves,  le  mou- 
vement parabolique  des  projectiles,  la  loi  du  plan  incliné, 
la  loi  des  oscillations  du  pendule,  entrevit  le  thermomè- 
tre et  la  balance  hydrostatique,  découvrit  le  télescope 
après  Jansen  de  Middlebourg,  et  le  microscope.  Avec  le 
télescope  il  vit  les  taches  et  la  rotation  du  soleil,  déjà 
vues  par  Fabricius,  les  montagnes  de  la  lune,  les  pha- 
ses de  Vénus  et  de  Mercure,  les  satellites  de  Jupiter. 
Il  vit  encore,  mais  mal,  l'anneau  de  Saturne  que  Huygens 
décrivit  plus  tard.  Képler  (1571-1631),  qui  appartient 
plutôt  aux  débuts  du  xvne  siècle  par  ses  découvertes, 
fit  connaître  le  trois  grandes  lois  astronomiques,  l'in- 
clinaison de  l'orbite  lunaire  sur  l'écliptique,  la  ré- 
fraction de  la  lumière  qu'il  applique  à  l'analyse  de  la 
vision,  et  eut  l'idée  d'amplifier  la  puissance  du  télescope. 


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étude  sur  nos  traditions.  167 

En  1682,  sous  le  pape  Grégoire  XIII,  eut  lieu  la  réforme 
du  calandrier.  Les  découvertes  astronomiques  sont  liées 
pour  la  plupart  à  la  fabrication  des  lunettes  ou  verres 
grossissants,  qui  commença  en  Hollande  vers  la  fin  de 
ce  xvr  siècle. 

En  physique,  il  nous  faut  signaler  :  l'étude  des  forces 
mécaniques,  l'équilibre  sur  un  plan  incliné,  la  loi  de  la 
pression  des  liquides  par  Stevin  de  Bruges.  Gilbert,  mort 
en  1603,  étudia  le  magnétisme  et  donna  la  grande  hy- 
pothèse du  magnétisme  terrestre.  J.  B.  Porta  (1540- 
1613;  découvrit  la  chambre  noire,  interpréta  les  phéno- 
mènes de  la  vision,  les  lois  de  la  réflexion  de  la  lumière 
dans  les  mirois,  et  fut  un  des  grands  promoteurs  de  la 
physique  moderne.  De  Dominis,  évêque  de  Spalatro,  ex- 
pliqua 1  arc-en-ciel  et  les  couleurs  par  la  réfraction  de  la 
lumière  ;  premier  essai  d'analyse  que  devait  poursuivre 
Newton.  B.  Castelli  (1579-1644)  mesura  la  vitesse  de 
l'écoulement  des  liquides,  et  précéda  ainsi  Torricelli,  qui 
le  rectifia  dans  le  siècle  suivant. 

La  chimie,  qui  n'était  encore  que  l'alchimie  dans  le 
siècle  précédent,  fut  portée  à  la  recherche  des  essences  et 
à  la  préparation  des  médicaments.  Le  mercure,  le  sti- 
bium  découvert  par  Valentin,  les  mines  d'alun  décou- 
vertes par  Challoner,  les  études  sur  la  fabrication  du 
verre  que  Néri  divulgua  le  premier,  semble-t-il,  et  des 
préparations  diverses,  occupèrent  les  chimistes  de  ce 
temps,  Robert  Fludd,  Trollius,  Libavius,  Giauber, 
Fioraventi. 

En  histoire  naturelle,  les  connaissances  s'étendent 
d'une  étonnante  manière.  Léonard  de  Pesaro  ouvre  le 
siècle  avec  son  spéculum  laptdum  (1505).  Bientôt,  Ber- 
nard de  Palissy,  le  potier,  trouvera  la  science  des  fos- 
siles, Johnston  donne  une  grande  histoire  naturelle  des 
animaux.  Salviani  et  Rondelet  étudient  les  poissons, 


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168  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

particulièrement  ceux  de  la  Méditerranée,  et  commen- 
cent une  distribution  méthodique.  Le  grand  voyageur 
Belon  cherche  la  conformité  des  types  de  l'organisation 
et  compare  le  squelette  de  l'oiseau  à  celui  de  l'homme. 
Conrad  Gessner,  le  plu3  grand  naturaliste  de  l'époque, 
un  des  plus  érudits  de  son  temps,  que  nous  avons  déjà 
cité  à  propos  de  linguistique  et  que  Guvier  considérait 
comme  le  fondateur  de  la  zoologie  moderne,  quoiqu'il 
fût  non  moins  grand  botaniste,  a  donné  la  plus  grande 
compilation  naturelle  de  cette  époque.  Aldovrandi  com- 
mença les  collections  de  curiosités  naturelles.  P.  Co- 
lonna  s'occupa  des  coquilles,  Olina  des  oiseaux,  Mouflet 
des  insectes  ;  0.  de  Valdès  décrivit  les  plantes  d'Amérique 
et  fut  suivi  par  Cabeza  de  Vacca,  Lopez  de  Gomara, 
Seri,  Acostaet  d'autres.  A.  Gésalpin  étudia  les  organes 
de  la  fructification  des  plantes,  et  particulièrement  les 
cotylédons  qu'il  comparait  aux  éléments  de  l'œuf,  et 
rapprochait  la  génération  végétale  de  la  génération  ani- 
male. Colon na  commença  à  distribuer  les  plantes  par 
genres. 

Ces  grands  travaux  scientifiques,  propagés  par  l'im  • 
primerie  qu'on  avait  découverte  récemment,  et  qui  s'était 
enrichie  de  la  découverte  du  papier,  ne  pouvaient  man- 
quer d'avoir  leurs  analogues  en  médecine,  qui  les  avait 
en  partie  fournis.  C'est  en  effet  une  remarque  à  faire 
que  toutes  ces  grandes  études  et  ces  découvertes  diverses 
étaient  le  fait  d'écclésiastiques  ou  de  médecins,  et  ce  sont 
presque  tous  des  médecins  que  ces  grands  mathémati- 
ciens, physiciens  chimistes  ou  naturalistes  de  ce  temps. 
L'Église  fournisait  aussi  des  mathématiciens,  mais  plus 
encore  des  astronomes  ;  nous  verrons  comment,  au  siècle 
suivant,  on  vit  paraître  un  nouvel  ordre  de  savants  d'a- 
bord amateurs,  qui  ensuite  et  peu  à  peu  accaparèrent 
les  sciences  astronomiques,  mathématiques,  physiques 


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étude  sur  nos  traditions.  169 

et  naturelles,  en  se  couvrant  des  titres  d'académiciens 
et  professeurs. 

En  médecine,  nous  allons  distinguer  d'abord  trois 
grands  courants  auxquels  se  rapportent  les  doctrines 
principales.  Nous  verrons  ensuite  quels  ont  été  les  tra- 
vaux les  plus  remarquables  dans  les  branches  scienti- 
fiques* auxquelles  ils  se  rapportent.  Enfin,  nous  nous 
arrêterons  un  instant  sur  les  destinées  de  la  Faculté  de 
Paris,  célèbre  entre  toutes. 

§  I.  —  Doctrines  générales. 

1.    HlPPOCRATO-GALENISTES    CONCILIATEURS.  —  Dès  les 

siècles  précédents,  on  s'était  attaché  à  traduire  et  à 
comprendre  les  anciens.  Mais  le  xvie  siècle  fut  non  moins 
célèbre  par  son  mouvement  littéraire  que  par  son  mou- 
vement scientifique,  et  nous  eûmes  en  médecine  des  hom- 
mes distingués  qui  s'attachèrent  plus  particulièrement 
à  traduire  les  anciens  et  à  les  commenter;  nous  ne  cite  • 
rons  que  les  principaux  qui  continuent  le  travail  auquel 
Léonîcène  et  de  Linacre  s'étaient  adonnés  au  xve  siècle. 

Guillaume  Kock,  docteur  de  la  Faculté  de  Paris,  tra- 
duisit plusieurs  ouvrages  grecs. 

Jean  Gonthier  d Andernach,  dont  le  vrai  nom  était 
Winther  (1487^4574),  passa  d'abord  de  l'Allemagne  où  il 
était  né,  à  l'université  de  Louvain  où  il  devint  profes- 
seur de  langue  grecque,  et  où  il  eut  Vésale  pour  élève. 
Il  vint  ensuite  faire  de  la  médecine  à  Paris,  se  fît  rece- 
voir à  la  Faculté,  où  il  prit  tous  ses  grades,  et  bientôt  fut 
attaché  comme  médecin  à  la  maison  de  François  Ier.  Il 
s'adonna  à  l'anatomie,  comme  nous  le  dirons  plus  loin, 
et  fit  en  môme  temps  des  cours  où  il  s'efforçait  d'expli- 
quer Hippocrate,  Aristote  et  Galien,  mais  sans  oublier 
Déraosthène,  l'un  de  ses  auteurs  favoris.  Ayant  em- 


170  HISTOIRE  DE  LA  il  É  DEC  IN  R. 

brassé  le  prostestantisme,  il  fut  obligé  de  s'en  aller  à 
Metz,  où  il  continua  ses  travaux,  et  mourut  d'une  fièvre 
grave  près  de  Strasbourg*,  étant  allé  visiter  un  seigneur 
qu'il  soignait.  Il  traduisit  presque  tout  Galien,  Oribase, 
Paul  d'Egine,  Alexandre  de  Tralles,  et  Gœlius  Aurelia- 
nus.  Il  donna  en  outre  de  nombreux  ouvrages  de  com- 
mentaires. 

Jean  Hagenbut,  ou  Hagenpol,  traduisit  aussi  Hippo- 
crate  et  Galien,  Platon,  Plutarque,  Dioscoride  et  Aétius. 

IJonard  Fusch  commenta  Galien  et  Hippocrate,  dont 
il  revit  les  textes,  donna  plusieurs  volumes  de  commen- 
taires et  plusieurs  autres  de  botanique  et  de  matière  mé- 
dicale, fit  spécialement  un  ouvrage  destiné  à  attaquer 
l'autorité  des  Arabes,  et  doit  être  remarqué  comme  un 
des  premiers  institutaires.  A  ce  dernier  titre,  nous  le  re- 
trouverons un  peu  plus  loin.  Il  était  né,  vers  1501 ,  à 
Wembdingen  en  Bavière  ;  vers  l'âge  de  trente  ans,  il  se 
rendit  à  Tubinge  où  il  demeura  jusqu'à  sa  mort,  en 
1566. 

Jean  de  Gorris,  ou  Gorreus,  était  né  à  Paris  en  1505,  et 
y  devint  doyen  de  la  Faculté,  en  1548.  Il  occupa  une 
grande  situation  médicale,  fut  lié  avec  de  Thou,  et  uni- 
versellement estimé  pour  son  grand  savoir,  sa  doctrine 
et  son  urbanité.  Il  a  laissé  plusieurs  livres  de  commen- 
taires sur  Hippocrate  et  Galien,  des  livres  sur  la  matière 
médicale  et  sur  la  saignée,  et  surtout  un  Dictionnaire 
des  définitions  médicales,  aujourd'hui  œuvre  fort  rare, 
mais  qui  est  demeurée,  malgré  de  nombreux  imitateurs, 
le  véritable  tableau  de  l'ancienne  médecine  :  c'est  dans 
ce  livre  qu'il  faut  encore  aujourd'hui  aller  chercher  la 
véritable  interprétation  de  la  science  ancienne. 

Castelli,  qui  vécut  vers  la  fin  du  même  siècle,  a  repris 
l'œuvre  de  Gorreus,  et  son  Lexicon  a  eu  beaucoup  plus 
de  succès.  Il  est,  en  effet,  plus  complet  dans  l'ensemble, 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  171 

mais  Gorreus  sur  quelques  points  me  paraît  préférable. 

On  ne  peut  séparer  Louis  Duret  (1526-1586)  et  Jacques 
//0i/rV/(pr(1515-1562  environ),  les  deux  plus  grandes  répu- 
tations de  ce  siècle,  à  Paris,  comme  médecins  galénistes  ; 
et,  l'un  le  maître,  l'autre  l'élève.  /.  Houiller  était  d'É- 
tampes;  issu  d'une  famille  riche,  il  devint  doyen  de  la 
Faculté  de  Paris,  en  1546,  et  exerça  dans  la  capitale  jus- 
qu'à sa  mort  avec  un  immense  succès.  11  s'attacha 
comme  élève  Louis  Duret,  né  à  Baugé-en-Bresse  d'une 
famille  de  gentilshommes  piémontais,  qui,  comme  lui, 
était  adonné  à  l'étude  des  lettres  et  des  anciens,  et  qui 
devint  professeur  au  Collège  royal  ou  Collège  de  France. 
Les  divers  livres  que  ces  deux  médecins  ont  donnés, 
principalement  les  commentaires  sur  les  prénotions  eï 
sur  les  aphorismes,  ont  joui  longtemps  d'une  immense 
réputation. 

Amtce  Foës  naquit  à  Metz  en  1528,  vint  à  Paris  où  il 
suivit  les  leçons  de  J.  Houllier,  et  retourna  plus  tard  à 
Metz,  où  il  mourut  en  1595.  Outre  plusieurs  commen- 
taires, il  donna  une  sorte  de  dictionnaire  semblable  à 
celui  de  Gorreus  {jEconomia  Hippocratis  alphabeti  série 
dhiincta);  mais  surtout,  il  édita  le  premier  la  collection 
complète  des  œuvres  hippocratiques,  sérieusement  re- 
vues. Ce  grand  travail,  édité  un  grand  nombre  de  fois, 
et  qui  est  resté  dans  la  science,  lui  coûta  six  années  de 
labeur,  avec  une  incroyable  ardeur,  qui  épuisa  ses  forces. 

JeanKat/e>  ou  Cajus,  professeur  à  Cambridge,  corrigea 
les  textes  de  Galien,  de  Celse  et  de  Scribonus  Largus. 
Mercuriaiis  de  Forli  donna  une  édition  critique  des 
œuvres  d'Hippocrate,  fort  inférieure  à  celle  d'Anuce 
Foes,  et  un  livre  sur  la  gymnastique  des  anciens,  œuvre 
d'érudition.  Montanus,  de  Padoue,  donna  ses  soins  à 
1  édition  des  œuvres  de  Galien,  publiée  à  Venise.  Chris- 
tophe de  Veya%  docteur  et  professeur  en  l'Université 


172  MÉDECINE  GÉNÉRALE. 

d'Alcala,  est  connu  pour  ses  commentaires  sur  Hippo- 
crate  et  Galien. 

Quelques  autres  médecins  de  ce  temps  entreprirent  de 
concilier  la  doctrine  des  Arabes  sur  les  humeurs,  avec 
celle  de  Galien.  /.  Sylvaiicus  serait  le  plus  intéressant  et 
le  plus  instructif  de  tous.  On  peut  encore  citer  :  S.  Cham- 
pier,  médecin  à  Lyon,  qui  fut  ensuite  attaché  aux  ducs 
de  Lorraine,  Jean  Manard,  Nicolas  Borarius,  médecin  à 
Udine,  F.  Vallesius,  professeur  à  A Icdla,  AL  de  Neustain, 
Michel  Servet,  dont  nous  reparlerons  plus  loin. 

F.  Frédault. 

—  Li  suite  au  procbaio  numéro.  — 


MÉDECINE  GÉNÉRALE 


ÉTUDE  CRITIQUE  SUR  VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE 

CELLULAIRE. 

—  CINQUIÈME    ARTiCLB.  — 

V 

DU  CANCER. 

Comme  toutes  les  néoplasies,  le  cancer  commence 
par  des  cellules  indifférentes  (p.  404).  Ces  cellules  se 
développent  rapidement;  de  volume  variable,  elles  sont 
en  général  plus  grandes  que  celles  des  autres  néopla- 
sies. Elles  affectent  des  formes  diverses,  mais  la  plupart 
revêtent  la  forme  épiihêlinle;  il  n'y  a  donc  pas  de  cellule 
cancéreuse  spéciale  (p.  428).  Le  tissu  cancéreux  subit 
une  régression  centrale  comme  les  autres  néoplasies 
(p.  407)'  mais  cette  régression  est  tardive.  Le  cancer  ne 


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- 


V1RCH0W  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  H3 

se  compose  pas  seulement  de  cellules  cancéreuses,  il  pos- 
sède en  outre  des  vaisseaux  et  un  stroma  de  tissu  con- 
jonctif  ;  c'est  une  néoplasie  en  forme  d'organe  (p.  430). 
La  tumeur  cancéreuse  s'accroît  par  sa  circonférence,  et 
elle  est  toujours  entourée  d'une  zone  de  tissu  en  voie  de 
transformation.  Cette  zone,  qui  a  de  3  à  5  lignes  de 
largeur,  n'est  pas  reconnaissable  à  l'œil  nu  (p.  407).  Le 
diagnostic  du  cancer,  par  le  caractère  de  ses  cellules, 
est  complètement  impossible,  et  la  jeune  école  s'est  fait 
illusion  en  croyant  pouvoir  distinguer  par  le  microscope 
le  cancroïde  du  cancer  (p.  427-428). 

Le  cancer  se  propage  et  se  multiplie  au  moyen  d'un 
suc  contagieux  qui  s'infiltre  par  les  ouvertures  du  tissu 
conjonclif,  par  les' vaisseaux  lymphatiques  et  peut-être 
par  les  vaisseaux  sanguins  (p.  408-409). 

De  cet  exposé,  nous  examinerons  seulement  trois  pro- 
positions :  les  deux  premières,  parce  qu'elles  sont  la  con- 
firmation des  vérités  que  nous  soutenons  depuis  plus 
de  vingt-cinq  ans  ;  la  troisième,  parce  qu'elle  constitue 
"ne  erreur  qui  ressort  directement  de  la  théorie  humo- 
riste de  Yùi/ectioni  théorie  que  nous  avons  constam- 
ment combattue. 

§  1er.  Les  éléments  du  cancer  n'ont  rien  de  spécifique; 
ds  ne  peuvent  suffire  au  diagnostic;  il  n'y  a  point  de 
cellules  cancéreuses. 

Virchow  expose  cette  opinion  dans  plusieurs  pas- 
sages que  nous  allons  rapporter. 

«C'est  en  vain  que  l'on  s'efforce  de  séparer  la  can- 
croïde du  cancer  proprement  dit  par  la  structure  épi- 
Ihéliale  de  ses  éléments.  Le  cancer  possède  également 
des  éléments  à  aspect  épithélial.  »  (P.  427.) 

«La  simple  forme  des  éléments  qui  composent  la  tu- 


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174  MÉDECINE  GENERALE. 

meur  n'a  aucune  valeur.  11  est  faux,  comme  on  l'a  dit, 
que  le  cancer  soit  malin,  parce  qu'il  a  des  éléments 
hétérologues  (spécifiques),  et  le  cancroïde  bénin,  parce 
qu'il  a  des  éléments  homologues  (hyperplastiques).A  vrai 
dire,  aucune  de  ces  tumeurs  ne  possède  d'éléments  hé- 
térologues et  aucune  n'est  bénigne.  •  (P.  428.) 

a  Le  reproche  le  plus  grave  et  le  mieux  fondé  qu'on 
ait  fait  à  la  jeune  école  micrographique,  c'est  d'avoir 
affirmé  que  les  néoplasies  reproduisant  des  tissus  nor- 
maux et  préexistants  avaient  toujours  une  marche  bé- 
nigne. »  (P.  60.) 

La  pensée  de  Virchow  est  maintenant  clairement 
exprimée.  L'examen  micrographique  ne  suffit  point  au 
diagnostic  du  cancer.  Le  cancroïde  est  une  tumeur  ma- 
ligne, quoiqu'il  soit  composé  d'éléments  homologues  ; 
la  cellule  cancéreuse  n'a  rien  de  spécifique.  Nous  avions 
donc  raison  d'écrire,  en  1845,  dans  notre  thèse  inau- 
gurale : 

«  Mais  la  conclusion  qui  arrive  à  placer  sérieusement 
le  no/i  me  tangere  (cancroïde)  à  côté  des  verrues  et  des 
cors  aux  pieds  n'est  pas  une  opinion  soutenable.  En 
effet,  \enoiime  tangere  est  caractérisé  par  une  petite  tu- 
meur qui  s'ulcère  indéfiniment,  qui  peut  se  reproduire 
après  les  opérations  les  plus  attentives,  qui  détermine 
quelquefois  l'engorgement  des  ganglions  lymphatiques 
et  la  transformation  de  ces  ganglions  en  tissu  encépha- 
loïde,  et  enfin  qui  se  termine  par  la  cachexie  cancé- 
reuse et  la  mort  ;  par  conséquent,  le  noli  me  tangere  est 
un  cancer,  quels  que  soient  d'ailleurs  les  caractères 
microscopiques  que  présente  son  tissu.  »  (P.  48.) 

Dix  ans  plus  tard,  M.  le  D*  Frédault  publiait  dans 

t  Art  médical  un  travail  sur  la  cellule  cancéreuse,  et  fort  de 
ses  connaissances  spéciales  en  micrographie,  il  démon- 


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VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOQÎE  CELLULAIRE.  1*5 

trait  l'inanité  de  l'opinion  qui  veut  diagnostiquer  le 
cancer  par  ses  éléments  microscopiques. 

«Ainsi,  la  doctrine  nouvelle  qui  veut  distinguer  le 
cancer  par  le  globule  (la  cellule  cancéreuse),  et  les  ma- 
ladies selon  les  tissus  morbides  différents  est  une  doc- 
trine médicale  fausse.  Il  en  résulte  qu'elle  ne  veut  pas 
admettre,  comme  étant  de  nature  cancéreuse,  des  tu- 
meurs où  elle  ne  rencontre  pas  le  globule,  et  que,  ce- 
pendant, l'observation  médico-chirurgicale  soutient  être 
de  nature  cancéreuse.  *  (Art  médical,  t.  I,  p.  30  ) 

Virchow  est  donc  venu  confirmer,  sur  ce  point  impor- 
tant du  diagnostic  des  affections  cancéreuses,  les  en- 
seignements de  Fécole  de  J.-P.  Tessier,  et  désormais 
l'épithélioma,  le  fibrôme,  l'enchondrome  et  tous  ces  tis- 
sus que  la  jeune  école  avait,  au  nom  du  microscope,  ar- 
bitrairement séparés  des  tissus  cancéreux,  retrouvent 
leur  signification  à  la  place  que  nous  leur  avions  assi- 
gnée dans  notre  thèse, c'est- à-dire  qu'ils  constituent  des 
lésions  diverses  dans  la  grande  unité  morbide  :  le  can- 
cer. 

§  2.  Le  cancer  se  produit  et  s'accroît  par  la  transforma- 
tion des  tissus.  La  théorie  cellulaire  tout  entière  repose 
sur  cette  idée  que  les  néoplasies  ne  sont  que  des  trans- 
formations de  tissu,  et  Virchow  se  sert  très-souvent  de 
cette  expression.  Or,  à  l'époque  où  nous  écrivions  notre 
thèse  (1845),  l'école  régnante  contestait  cette  transfor- 
mation des  tissus  en  cancer  ;  elle  préférait  admettre  les 
hypothèses  les  plus  aventureuses  plutôt  que  de  renoncer 
à  la  théorie  humoriste  des  sécrétions  morbides,  et  nous 
dûmes  à  ce  moment  démontrer  par  des  observations 
particulières  la  transformation  du  tissu  musculaire  et 
du  tissu  nerveux  en  tissu  cancéreux  (thèse  inaugurale, 
p.  32).  Nous  ajouterons  que  J.  -P.  Tessier  et  ses  élèves 


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176  MÉDECINE  GÉNÉRALE. 

ont  constamment  défini  lés  néoplasies  des  produits 
morbides  développés  aux  dépens  des  solides  et  des  li- 
quides coagulables  du  corps  vivant;  que,  par  consé- 
quent, ils  ont  enseigné  bien  avant  Virchow  que  les 
néoplasies  se  produisaient  et  s'accroissaient  par  la 
transformation  des  tissus.  Le  physiologiste  de  Berlin  n'a 
donc  fait  ici  que  prêter  son  autorité  à  une  vérité  pour 
laquelle  nous  avons  eu  à  soutenir  non-seulement  les  con- 
tradictions, mais  encore  les  persécutions  des  humoristes 
officiels. 

Dans  notre  troisième  article,  nous  avons  démontré 
que  Virchow  avait  tort  de  nier  la  transformation  des 
exsudats  et  des  liquides  coagulables  du  corps  vivant  en 
néoplasie  ;  nous  ne  reviendrons  point  sur  cette  question 
à  propos  du  cancer. 

§  3.  Le  cancer  se  propage  et  se  multiplie  au  moyen 
d'un  suc  contagieux. 

Virchow  a  repris  cette  opinion  dans  sa  Pathologie  des 
tumeurs  et  rapplique  aussi  au  tubercule  (p.  48).  Voici 
les  passages  de  la  pathologie  cellulaire  où  cette  idée 
est  exposée  : 

«Cette  observation  a,  d'après  moi,  une  importance 
fort  grande;  elle  nous  montre  que  toutes  ces  formations 

ont  une  tendance  à  la  contagion        Mais  il  est  de  toute 

évidence  quune  substance  contagieuse  se  forme  dans  le 

foyer  (cancéreux)  lui-même  C'est  ce  qui  m'a  amené 

à  conclure  (et  la  chose  ne  saurait  guère  s'expliquer 
autrement)  que  l'infection  est  transportée  immédiate- 
ment par  les  sucs  malades  du  foyer  d'altération  aux  élé- 
ments voisins  qui  sont  liés  avec  lui  par  des  anastomoses 
sans  Fintermédiaire  des  vaisseaux  et  des  nerfs:»  (P.  408.) 

Dans  sa  Pathologie  des  tumeurs,  Virchow  dit  plus 
clairement  et  en  moins  de  mots  :  »  J?ai  pour  la  première 


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VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  177 

fois  démontré  cette  doctrine,  selon  moi  d'une  haute  im- 
portance, dans  J 'histoire  de  l'enchondrome,  où  j'ai  dé- 
montré en  môme  temps  que  l'imbibition  des  sucs  infec- 
tants se  fait  par  les  anastomoses  du  tissu  connectif,  et  que 
ceux-ci  sont  le  point  de  départ  de  nouveaux  foyers  de 
tumeurs.  »  (P.  48,  en  note.) 

Ainsi  l'augmentation  de  la  tumeur  cancéreuse  est  due 
à  l'absorption  et  à  la  circulation  dans  les  anastomoses 
du  tissu  connectif  (i)  d'un  suc  contagieux. 

Virchow  est  très-notablement  embarrassé  pour  expli- 
quer la  multiplication  du  cancer  dans  l'organisme.  Ce 
qu'il  veut,  avant  tout,c  cstsupprimer l'humorismeet  se 
passer  de  l'altération  du  sang*.  Il  accepte  tour  à  tour,  et 
suivant  les  besoins  de  la  cause  :  la  théorie  des  métastases 
mécaniques;  la  cellule  est  entraînée  par  les  lymphatiques 
elles  veines;  —  la  théorie  d'une  action  catalytique  ana- 
logue à  celle  du  sperme  sur  l'ovule  ;  —  puis,  pour  les 
cas  qui  ne  peuvent  être  expliqués  par  ces  hypothèses, la 
théorie  de  Y  infection  produite  par  le  suc  cancéreux. 

Il  est  nécessaire  que  le  lecteur  fasse  comme  nous; 
qu'il  s'arme  de  patience  et  d'attention  pour  lire  et  suivre 
les  divagations,  les  contradictions  et  les  obscurités  que 
Virchow  a  accumulées  sur  ce  point.Nous allons,  suivant 
notre  habitude,  le  laisser  parler,  en  prenant  la  liberté 
de  souligner  certains  passages,  de  placer  quelques  pa- 
renthèses, afin  de  le  rendre  intelligible. 

La  principale  préoccupation  de  Virchow  est  de  se  dé- 
barrasser de  l'idée  de  dyscrasie,  de  l'idée  d'une  maladie  : 
«Les  formes  (les  maladies)  dans  lesquelles  on  regrette 
surtout  l'insuffisance  des  moyens  thérapeutiques,  celles 
dans  lesquelles  on  croit  avoir  affaire  à  une  dyscrasie  chro- 
nique,  profonde \  incurable,  sont  justement  celles  qui  peu- 
Ci)  Les  anastomoses  et  les  canalicules  du  tissu  connectif,  sur  lesquels 
reposent  tout  le  système  de  Virchow  sont  eux-mêmes  contestés  ! 

TOMI  XXXI.  —  MARS  1870.  H 


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178  MÉDECINE  GENERALE. 

vent  le  moins  s'expliquer  par  une  modification  primi- 
tive du  sang*;  et,  dans  ce  cas,  la  cause  de  ladyscrasie  est 
une  modification  profonde  de  certaines  parties  ou  de 
certains  organes.  Je  ne  puis  rien  conclure  des  recherches 
faites  sur  ce  point,  mais  ce  que  je  puis  affirmer,  c'est 
l'inutilité  des  recherches  micrographiques  et  des  ana- 
lyses chimiques  pour  démontrer  l'altération  du  sang 
dans  ces  affections,  tandis  qu'il  a  toujours  été  possible 
de  reconnaître  des  altérations  d'organes  et  de  parties 
d'organes,  et  chaque  jour  on  se  trouve  de  plus  en  plus  porté 
à  supposer  que  la  dyscrasie  est  secondaire  et  dépendante  de 
certains  organes  altérés. 

«  C'est  surtout  à  l'occasion  de  la  propagation  des  tu- 
meurs malignes  qu'il  nous  faudra  discuter  cette  ques- 
tion ;  on  pense  en  général  que  la  malignité  dépend  du  sang  et 
non  de  f  affection  locale;  et  pourtant  c'est  surtout  dans  la 
marche  des  tumeurs  malignes  quil  est  aisé  de  démon- 
trer le  mode  de  propagation  soit  dans  les  tissus  les  plus 
rapprochés  du  lieu  affecté,  soit  dans  les  organes  éloi- 
gnés, i.  (P.  190.) 

Virchow  est  toujours  préoccupé  de  remplacer  un  hu- 
morisme  étroit  par  un  soiidisme  plus  inintelligent  en- 
core, et  jamais  il  ne  s'élève  à  l'idée  de  maladie.  Il  ne 
soupçonne  pas  que  le  cancer  soit  un  état  contre  nature 
de  l'organisme  vivant  tout  entier,  et  qu'il  soit  puérile 
de  rechercher  si  c'est  le  sang  qui  rend  les  solides  ma- 
lades, ou  si  c'est  les  solides  qui  altèrent  le  sang.  Tout  est 
ca?icéreux  chez  un  cancéreux,  les  solides  et  les  liquides  ;  et 
comment  Virchow  s'arrête-t-il  à  cette  objection  que  le 
microscope  et  l'analyse  chimique  ne  démontrent  rien 
dans  le  sang  des  cancéreux,  lui  qui  enseigne  que  le 
microscope  ne  peut  pas  reconnaître  si  les  premiers  élé- 
ments d'une  néoplasie  sont  destinés  à  former  un  cancer 
ou  une  tumeur  bénigne.  A  propos  de  l'inflammation, 


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VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  179 

nous  avons  montré  Virchow  retombant  dans  l'humo- 
risme  qu'il  avait  stigmatisé  pendant  tout  un  chapitre; 
l'histoire  du  cancer  nous  offre  le  même  spectacle  d'un 
chef  d'école  enseignant  le  oui  et  le  non  sur  la  même 
question.  Ainsi,  dans  sa  Pathologie  des  tumeurs,  Virchow 
dit  textuellement  : 

«  Pour  ma  part,  je  n'ai  pas  la  moindre  hésitation, 
dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances,  à  céder  à  la  né- 
cessité et  à  chercher  dans  le  sang",  par  conséquent 
dans  un  principe  dyscrasique,  la  cause  du  développe- 
ment de  certaines  tumeurs.  Je  ne  connais  pas  du  moins 
d'autre  explication  à  un  certain  nombre  de  maladies, 
par  exemple  les  tumeurs  syphilitiques  et  beaucoup  de 
cancers.  »  (T.  I,  p.  38.) 

Mais  Virchow  va  nous  enseigner  le  mode  de  propa- 
gation des  tumeurs  malignes.  Il  a  bien  la  naïveté  au- 
dacieuse de  dire  que  cela  est  aisé;  nous  allons  bien  le 
voir.  Voici  ses  trois  explications  : 

Première  explication  :  métastase  mécanique.  —  Voici  le 
texte  où  est  exposée  cette  théorie. 

«  Ce  mode  de  propagation  répond  parfaitement  d'or- 
dinaire à  celui  que  nous  avons  déjà  étudié  :  les  vaisseaux 
lymphatiques  sont  les  conducteurs  de  l'altération  et  les 
ganglions  lymphatiques  sont  envahis  par  elle;  seule- 
ment, après  ces  lésions,  on  voit  des  actes  morbides  ana- 
logues se  reproduire  plus  loin.  Tantôt  l'altération  at- 
taque les  parois  veineuses  qui  deviennent  réellement 
cancéreuses,  et  au  bout  d'un  certain  temps,  le  cancer  pé- 
nètre dans  le  vaisseau  et  se  propage  dans  son  intérieur; 
tantôt  il  se  forme  un  thrombus  dans  le  point  attaqué  ; 
le  thrombus  entoure  plus  ou  moins  le  bouchon  cancé- 
reux et  il  est  envahi  par  la  masse  cancéreuse.  La  ma- 


180  MÉDECINE  GENERALE. 

ladie  peut  donc  se  propager  dans  deux  directions  (1)  ; 
mais  c  est  seulement  dans  une  direction  et  lorsque  la  veine  est 
rompue  quelle  peut  se  propager  par  des  particules  solides:  à 
vrai  dire,  une  résorption  des  cellules  cancéreuses  par  les  vais- 
seaux lymphatiques  ne  serait  pas  chose  impossible  ;  mais  il  est 
impossible  dans  ce  cas  que  la  maladie  dépasse  les  gan- 
glions lymphatiques  avant  qu'il  soit  devenu  entièrement 
cancéreux  ;  les  masses  cancéreuses  prennent  dès  lors 
leur  point  de  départ  des  ganglions  et  s'étendent  dans 
les  vaisseaux  qui  en  émergent.  —  //  est  impossible  qu  un 
vaisseau  lymphatique  transporte  jusque  dans  le  sang  les 
cellules  cancéreuses  comme  il  le  fait  pour  le  suc  cancé- 
reux ;  ceci  n'est  admissible  que  pour  les  veines,  et  encore  ici 
est-il  probable  que  la  propagation  de  la  maladie  ne  se  fait 
pas  fréquemment,  car  les  métastases  du  cancer  ne  ré- 
pondent pas  en  général  aux  métastases  que  nous  avons 
étudiées  à  propos  de  l'embolie.  »  (P.  191.) 

Est-ce  assez  obscur?  Nous  croyons  nécessaire  d'expli- 
quer la  pensée  de  Virchow  pour  les  lecteurs  qui  ne  sont 
pas  familiarisés  avec  ce  style. 

Les  cellules  cancéreuses  peuvent  être  absorbées  par  les 
lymphatiques  et  par  les  veines  ;  mais  celles  qui  sont 
absorbées  par  les  lymphatiques  trouvent  dans  les  gan- 
glions une  barrière  infranchissable.  Ce  sont  donc  seule- 
ment les  cellules  absorbées  par  les  veines  qui  pourraient 
aller  former  des  métastases  dans  les  organes  éloignés. 
Mais  la  distribution  des  métastases  ne  répondant  pas  à 
la  distribution  veineuse,   et  le  cancer  du  sein,  par 
exemple,  allant  déterminer  des  métastases  dans  le  foie 
et  dans  les  os  sans  en  faire  naître  dans  les  poumons,  il 
faut  renoncer  à  cette  théorie.  Donc  la  première  expli- 
cation de  Virchow  n'explique  rien.  Voyons  la  seconde. 

(1)  Comprends  si  tu  peux  et  choisis  si  tu  l'oses  ! 


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VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  181 

Deuxième  explication:  infection,  —  Voici  cette  théorie 
solido-humoriste. 

■  La  forme  ordinaire  de  la  propagation  métastatique 
du  cancer  indique  une  tendance  à  se  porter  vers  les  or- 
ganes sécréteurs.  Le  cancer  attaque  bien  plus  rarement 
le  poumon  que  le  foie,  non -seulement  lorsque  le  can- 
cer a  débuté  par  l'estomac  ou  l'utérus,  mais  encore 
lorsqu'il  a  d'abord  attaqué  la  mamelle  ;  pourtant  cest  le 
contraire  qui  devrait  arriver,  si  cette  terrible  maladie  se  pro- 
pageait par  le  transport  des  particules  cancéreuses,  déve- 
loppant la  maladie  dans  les  points  où  elles  s'arrêtent. 
Le  mode  de  propagation  métastatique  nous  fait  suppo- 
ser plutôt  qu'elle  a  lieu  par  le  transport  de  certains  fluides 
ayant  la  propriété  d'inoculer  la  maladie,  et  de  disposer 
certaines  parties  à  la  reproduction  de  la  masse  cancé- 
reuse primitive.  Supposez  une  marche  semblable  à  celle 
que  nous  observons  en  grand  dans  la  variole.  Le  pus 
variolique  peut  transmettre  la  maladie  par  inoculation  ; 
mais  la  contagion  est  volatile,  et  les  personnes  qui  ont 
respiré  un  certain  air  peuvent  aussi  avoir  des  pustules 
virulentes  à  la  peau.  —  Les  choses  semblent  se  passer  ainsi 
dam  les  dyscrasies  (les  métastases)  survenant  à  la  suite 
d'affections  hétéropathiques  (de  cancer);  les  nouvelles 
éruptions  de  la  maladie  se  font,  non  pas  dans  la  direc- 
tion des  vaisseaux  sanguins  et  lympathiques,  non  pas 
dans  les  points  qui  semblent  être  exposés  d'abord  à 
l'altération,  mais  dans  les  organes  éloignés.  »( P.  192.) 

Voilà  une  réfutation  péremptoire  de  la  première  expli- 
cation de  Virchow,  de  la  théorie  des  métastases  méca- 
niques. La  distribution  des  nouveaux  foyers  cancéreux 
démontre  jusqu'à  l'évidence  qu'il  ne  sont  point  pro- 
duits par  le  transport  mécanique  de  cellules  enlevées 
au  foyer  primitif.  La  nouvelle  explication  de  Virchow 
qui  trouve  dans  l'absorption  d'un  fluide  comparable  au 


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182  MÉDECINE  GÉNÉRALE. 

contagium  volatil  de  la  variole  la  raison  de  la  multiplica- 
tion des  cancers  dans  l'organisme  est-elle  plus  accep- 
table? 

Virchow  aurait  dû  commencer  par  démontrer  les  pro- 
priétés contagieuses  du  suc  cancéreux.  Cela  était  d'au- 
tant plus  nécessaire  que  toutes  les  expérimentations 
faites  jusqu'à  ce  jour  ont  été  négatives.  Mais  le  physio- 
logiste prussien  nous  a  déjà  habitué  à  ce  sans-façon  qui 
consiste  à  remplacer  les  expérimentations  par  des  sup- 
positions. Il  faudrait  nous  expliquer  ensuite  comment 
un  suc  contagieux  peut  traverser  le  poumon  sans  inocu- 
ler le  cancer  et  aller  produire  son  effet  dans  un  os 
éloigné  par  exemple. 

Nous  repoussons  donc  les  hypothèses  de  Virchow 
parce  qu'elles  sont  non-seulement  indémontrées  mais 
encore  contradictoires  avec  la  succession  des  phéno- 
mènes qui  constituent  le  processus  morbide. 

Gomment  ce  micrographe  n'a-t-il  pas  compris  que  la 
cause  qui  suffisait  à  engendrer  le  premier  cancer  suffi- 
sait à  sa  multiplication.  Mais  Virchow  n'a  pas  l'idée 
des  maladies;  il  se  préoccupe  de  deux  hypothèses  ri- 
vales: Thumorisme  et  le  solidisme,  et  il  ne  voit  rien  au 
delà. 

Du  reste,  il  est  inutile  de  s'arrêter  plus  longtemps  à 
cette  théorie  de  Y  infection;  si  chère  qu'elle  semble  au 
cœur  de  Virchow  à  la  page  192,  il  la  réfute  lui-môme 
à  la  page  409. 

«  On  n'a  pu  découvrir,  jusqu'à  présent,  si  l'infection 
peut  se  propager  aux  organes  lointains  au  moyen  des 
sucs  altérés  comme  cela  se  fait  pour  les  parties  voisines  ; 
on  ignore  si  le  sang  peut  se  charger  de  liquides  nui- 
sibles en  traversant  le  foyer  et  les  transporter  dans  un 
point  éloigné.» 

Comment,  vous  avouez  maintenant  qu'on  n'a  pu  dé- 


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VIRCHOW  ET  LA.  PATHOLOGIl?  CELLULAIRE.  183 

couvrir  si  la  multiplication  des  cancers  avait  lieu  par 
infection  ;  que  vous  ignorez  si  le  sang*  peut  se  charger 
d'un  liquide  infectieux,  et  tout  à  l'heure  vous  trouviez 
fort  aisé  d'expliquer  la  multiplication  des  tumeurs  ma- 
lignes par  le  transport  d'un  suc  contagieux  ï  Mais  Vir- 
chow  va  se  rejeter  encore  une  fois  dans  les  métastases 
mécaniques  pour  les  désavouer  de  nouveau. 

«Je  dois  avouer  que  je  ne  possède  pas  de  faits  assez 
probants  pour  résoudre  cette  question  (de  la  propaga- 
tion par  des  sucs  contagieux),  et  que  je  ne  puis  pas  re- 
jeter f  idée  de  généralisation  du  mal  par  des  cellules  prove- 
nant des  tumeurs  et  transportées  au  loin  par  le  sang.  » 
(P.  409.) 

Voilà  donc  la  théorie  des  métastases  mécaniques  qui 
reparaît,  mais  cela  ne  dure  guère  et  Virchow  ajoute 
tout  aussitôt  : 

a  Cependant  il  y  a  des  faits  nombreux  qui  semblent 
s  élever  contre  l'infection  au  moyen  de  cellulesdétochées: 
ainsi  cette  circonstance  que  certaines  altérations  se  pro- 
pagent en  remontant  le  cours  de  la  lymphe;  que  le  foie 
peut  devenir  malade,  après  un  cancer  mammaire,  sans 
que  le  poumon  soit  altéré,  etc.  Il  semble  probable,  dans 
ce  cas,  que  les  sucs  altérés  causent  la  généralisation  du 
mal.»  (P.  409.) 

Ainsi,  dans  la  même  page,  Virchow  prend,  quitte  et 
reprend  les  hypothèses  des  métastases  mécaniques  et  de 
l'infection,  et  en  définitive  les  réfute  toutes  les  deux,  en 
sorte  qu'il  ne  nous  reste  plus  d'espoir  de  trouver  l'expli- 
cation de  la  multiplication  des  cancers  ailleurs  que  dans 
V action  cataly tique. 

Troisième  explication  :  action  catalytique.  —  Nous  trou- 
vons cette  explication  à  la  page  193: 
•  Il  n'en  suit  pas  que  desélémentscelluleux  ne  puissent 


184  MÉDECINE  GÉNÉRALE. 

dans  certains  cas  èive  les  agenh  de  la  contagion. Qu'on  consi- 
dère les  altération  s  particulières  del'épiploon,  du  mésen- 
tère et  d'autres  parties  du  péritoine  dans  les  cas  de 
cancer  de  l'estomac  ;  admettre  qu'elles  résultent  du 
transport  de  certains  fluides,  sera  bien  plus  difficile  à 
expliquer  que  d'admettre  que  des  cellules  cancéreuses 
se  sont  détachées  accidentellement  de  la  surface  de  f  estomac, 
sont  tombées  sur  le  péritoine,  et  y  ont  germé  en  quelque 
sorte.  * 

Que  d'impossibilités,  disons  le  mot,  que  d'absurdités 
accumulées  en  quelques  lignes!  Voyez- vous  les  cellules 
qui  se  détachent  accidentellement  d'un  cancer  de  l'esto- 
mac, qui  viennent  se  semer  et  germer  sur  le  péritoine  : 
tout  à  l'heure  Virchow  faisait  du  cancer  une  néoplosie 
contagieuse,  maintenant  il  en  fait  un  parasite  suscep- 
tible de  se  semer  et  de  germer,  et  il  fait  détacher  les 
cellules  cancéreuses  de  l'estomac  pour  ensemencer  le 
péritoine,  sans  réfléchir  que  le  cancer  de  l'estomac  s'al- 
tère toujours  du  côté  delà  membrane  muqueuse  et  que, 
par  conséquent,  il  ne  peut  en  aucune  sorte  semer  ses 
cellules  dans  le  péritoine.  Mais  ayons  la  patience  de  lire 
et  poussons  jusqu'au  bout  pour  voir  jusqu'à  quel  point 
le  fantaisisme  (qu'on  nous  permette  ce  mot)  uni  à  l'igno- 
rance des  premiers  principes  de  la  science  médicale 
peut  égarer  un  homme  fort  intelligent  d'ailleurs. 

«Ces  cancers  secondaires  du  péritoine,  par  leur  mul- 
tiplicité, leur  forme,  leur  siège,  ont  la  plus  grande  res- 
semblance avec  les  maladies  de  la  peau  causées  par  les 
parasites  végétaux,  comme  le  porrigo,  le  pityriasis  ver- 
sicolor,  dans  lesquels  on  voit  les  spores  se  détacher, 
tomber  et  causer  de  nouvelles  éruptions.  Mais  dans  ces 
cas  de  cancer  il  n'est  pas  prouvé  que  ce  soient  les  cel- 
lules cancéreuses  détachées  elles-mêmes  qui,  par  leur 
prolifération,  forment  les  tumeurs  secondaires  ;  on 


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VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  185 

pourrait  plutôt  leur  prêter  une  action  contagieuse,  cata- 
lytique  sur  le  tissu,  analogue  à  celle  du  sperme  sur 
l'ovule.  »  ^ 

Nous  voilà  maintenant  dans  la  catalyse,  puis  nous 
allons  retourner  au  suc  contagieux  si  nous  continuons 
notre  citation  :  «  L'observation  directe  nous  enseigne 
que  dans  toutes  ces  tumeurs  secondaires,  les  jeunes 
éléments  de  la  tumeur  naissent  du  tissu  préexistant  ; 
mais  il  y  a  longtemps  que  j'ai  dit  qu'une  contagion  lo- 
cale, qui,  du  siège  primitif  du  mal,  se  répand  peu  à  peu 
dans  le  voisinage,  ne  peut  avoir  lieu  que  par  des  /i- 
guides  qui  pénètrent  le  tissu  sans  exercer  sur  lui  une 
action  catalytique  et  y  déterminent  de  nouvelles  pro- 
ductions indépendantes.  Il  y  a  donc  là  une  infection  hu- 
morale à  laquelle  le  sang  n*  participe  pas,  qui  passe  di- 
rectement d'un  élément  à  l'autre.»  (P.  193.) 

Et  dire  que  cet  homme  est  un  maître;  qu'il  a  une 
école,  des  élèves  en  Allemagne  et  en  France  !  Quel 
abaissement  dans  le  niveau  des  intelligences  médicales 
suppose  un  semblable  résultat.  Mais  n'anticipons  pas 
sur  nos  conclusions. 

Je  pense  qu'il  est  inutile  de  réfuter  cette  dernière 
explication  de  la  multiplication  des  cancers  dans  l'éco- 
nomie. Sans  compter  qu'elle  ne  s'appliquerait  qu'aux 
cancers  de  l'estomac  et  aux  cancers  secondaires  du  pé- 
ritoine. 

Il  nous  semble  tout  à  fait  superflu  de  réfuter  la  théo- 
rie de  la  catalyse  et  du  parasitisme,  auxquels  Virchow 
n  accorde,  du  reste,  aucune  importance,  et  que  son 
imagination  féconde  a  déjà  sans  doute  remplacée. 

De  tout  cela  nous  devons  cependant  tirer  un  ensei- 
gnement: c'est  que  la  multiplication  des  cancers  dans 
l'organisme  ne  s'explique  ni  par  les  métastases  méca- 
niques, ni  par  la  théorie  de  l'infection,  si  chère  à  notre 


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186  MÉDECINE  PRATIQUE. 

époque  ;  c'est  que  le  physiologisme  allemand  est  aussi 
infécond  que  le  physiologisme  de  Broussais,  et  qu'en 
dehors  de  l'idée  rigoureuse  et  définie  de  la  maladie,  on 
ne  trouve  que  contradiction,  confusion  et  divagation. 
Continuons  donc  à  enseigner  que  le  cancer  est  une  ma- 
ladie caractérisée  par  la  tendance  à  la  production  dans 
l'organisme  du  tissu  cancéreux;  que  le  tissu  cancé- 
reux est  une  néoplasie  qui  se  développe  aux  dépens 
des  solides  et  des  liquides  coagulables  des  corps  vivants 
et  dont  la  caractéristique  clinique  est  de  s'ulcérer  indé- 
finiment. 

Dans  le  prochain  article  nous  examinerons  la  pyohé- 
mie  et  Y  embolie. 

P.  JOUSSET. 

—  La  suite  au  prochain  numéro.  — 


MÉDECINE  PRATIQUE 


CAUSERIES  CLINIQUES 

TOME  II 

XI 

TRAITEMENT  DE  LA  DIPHTHERIE. 
—  Suite  - 

XXXV.  Mercurius  solubilis  6',  prescrit  par  le  Dr  Van 
Coetsem,  a  procuré  la  guérison  d'une  diphthérie  de 
forme  oommune  {Bibliothèque  homœopathique,  II,  362). 

J'ai  entendu  un  de  nos  confrères  préconiser  contre 
la  diphthérie  mercurius  vivus  3*  et  hepar  3'  alternés, 
mais  il  ne  citait  aucune  observation  clinique  pour  con- 
firmer cette  indication.  En  pareil  cas,  le  plus  efficace 
des  sels  de  mercure  est  probablement  le  suivant. 


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CAU8ERIES  CLINIQUES.  187 

XXXVI.  Le  cyanure  de  mercure  a  été  recommandé 
d'abord  par  le  Dr  Berk,  ensuite  par  le  Dr  de  Villers. 

Ce  dernier  a  publié,  dans  la  Bibliothèque  homœopathi- 
çue  (t.  II,  p.  3,  56,  69),  douze  observations  de  guéri- 
sons  opérées  par  la  6e  dilution  de  ce  remède. 

10  appartiennent  à  la  forme  bénigne  consécutive  à 
la  scarlatine. 

1  appartient  à  la  forme  putride  (p.  59). 

1  appartient  à  la  forme  ataxique  (p.  5). 

Ce  médecin  n'a  jamais  signalé  alors  l'adénite  sous- 
maxillaire. 

Le  Dr  Beck  ne  la  cite  que  deux  fois  sur  15  observa- 
tions publiées  dans  la  Bibliothèque  homœopathique,  t.  II, 
p.  129.  Dans  les  observations  publiées,  je  trouve  les 
résultats  suivants  : 

4  cas  de  la  forme  commune  (III,  IV,  VI,  VII),  guéris. 

2  cas  de  la  forme  putride  (I,  II),  guéris. 

1  cas  de  la  forme  croupale,  après  la  trachéotomie 
(V),  euéri. 

1  cas  de  la  forme  ataxique  (VIII),  mort. 

La  forme  putride  chez  un  dartreux  (obs.  i)  était  tel- 
felnent  grave  qu'elle  avait  été  vainement  traitée  par 
bel/adona  6e,  mercurius  6'  et  4e,  iodium  3*,  bromum  3e, 
merc.  corrosivus  36,  apis  38.  Le  malade,  allant  de  mal 
en  pis  jusqu'au  68  jour  et  à  ce  moment  dans  un  état 
désespéré,  prit  alors  seulement  le  cyanure  de  mercure 
avec  un  succès  très-rapide. 

1  cas  de  forme  putride  a  été  guéri  avec  le  cyanure  de 
mercure  4-  et  6e  par  le  Dr  Pitet  (Bibliothèque  hom.,  II, 
360). 

1  cas  de  la  forme  commune  aveo  ce  même  remède, 
6*  dil.,  par  le  Df  Van  deh  Berghe  {Bibliothèque  hom.,  II, 
363). 

1  cas  de  la  forme  commune,  avec  le  cyanure  de 


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188  MÉDECINE  PRATIQUE. 

mercure  par  le  Dr  Jousset.  (rArt  médical,  XXX,  450.  ) 

i  cas  de  forme  commune,  avec  le  même  remède 
par  le  Dr  L.  Molin  [Bulletin  homœopathique ,  1870, 
t.  XII,  p.  245). 

Mais,  après  tous  ces  succès,  voici  les  revers. 

Le  Dr  Sybel  signale  2  cas  de  diphthérie  (quelles 
formes)  vainement  traités  par  la  cyanure  de  mercure. 

De  mon  côté,  j'ai  eu  l'occasion  de  traiter  avec  ce 
remède  un  enfant  atteint  de  la  forme  croupale  qui  a 
succombé  après  une  amélioration  momentanée.  Il  me 
semble  opportun  de  relater  brièvement  cette  observa- 
tion, soit  pour  atténuer  l'engouement  actuel  des  méde- 
cins homœopathes  au  sujet  de  ce  médicament,  soit 
pour  montrer  comment  cette  forme  a  quelquefois  une 
rapidité  imprévue.  D'ailleurs  il  me  parait  aussi  utile 
de  raconter  les  insuccès  que  les  succès;  les  uns  et  les 
autres  sont  également  instructifs.  Les  médecins,  qui 
ne  citent  que  les  derniers,  entreprennent  la  conspira- 
tion du  silence  contre  la  vérité  et  contribuent  singuliè- 
rement à  retarder  les  progrès  de  la  thérapeutique.  En 
satisfaisant  ainsi  leur  petit  amour-propre,  ils  causent 
plus  ou  moins  indirectement  la  mort  d'une  foule  de 
malades.  Et,  d'ailleurs,  il  faut  bien  qu'ils  l'apprennent 
dans  leur  propre  intérêt  :  en  signalant  les  succès  et 
non  les  insuccès,  les  indications  et  non  les  contre-indi- 
cations du  remède  qu'ils  préconisent,  ils  préparent  son 
discrédit  et  son  abandon  de  la  part  des  praticiens  qui 
oublieront  bientôt  et  le  médicament  et  son  prôneur. 

OBSERVATION. 

Diphthérie,  forme  croupale,  traitée  par  mercurii  cyanuratum  3*. 

Mort. 

Un  petit  garçon  de  4  ans,  robuste,  est  atteint  de  diphthérie. 
jour,  5  juillet  1869,  plaques  diphthéritiques  sur  les  amyg- 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  189 

daks. Adénite  sous- maxillaire. Pouls  à  125. —  Prescription:  Mercur. 
cyanuratum,  3"  trit.  dans  une  verrée  d'eau;  à  prendre  une  cuillerée  à 
café  toutes  les  heures. 

3*  jour,  6  juillet.  Expulsion  d'une  fausse  membrane,  pouls  à  125. 
—  Même  prescription. 

4e  jour,  7  juillet.  Expulsion  de  deux  fausses  membranes.  Pouls  à 
130  le  matin  et  à  125  le  soir.  —  Même  traitement. 

5*  jour,  8  juillet.  Çxpulsion  d'une  fausse  membrane.  Pouls  à  120 
le  matin  et  à  1 12  le  soir,  8  heures.  —  Même  prescription. 

6«  jour,  9  juillet.  L'ayant  cru  en  voie  de  guérison  la  veille,  j'al- 
lai voir  cet  enfant,  ce  jour-là,  plus  tard  qu'à  l'ordinaire,  c'est-à-dire 
à  9  heures  du  matin.  J'arrivai  au  moment  où  il  expirait,  asphyxié 
par  le-s  fausses  membranes  qui  avaient  envahi  le  larynx  dans  la 
nuit.  Et  je  n'avais  sur  moi  aucun  instrument,  pas  même  un  trocart, 
pour  tenter  la  trachéotomie,  la  ponction  de  la  trachée,  suivant  le 
procédé  de  notre  confrère,  le  D'  Du  Planty.  Les  parents  de  ce  petit 
malade,  qui,  auparavant,  venaient  tous  les  jours  chez  moi,  n'eurent 
malheureusement  pas  la  pensée  de  venir  m'appeler  pendant  la  nuit. 

Cette  observation  est  un  enseignement  pour  les  pra- 
ticiens à  qui  elle  montre  avec  quel  soin  ils  doivent  sur- 
veiller cette  maladie,  dont  la  marche  est  si  rapide  et 
parfois  si  imprévue. 

En  résumé,  dans  la  diphthérie,  le  cyanure  de  mercure 
a  jusqu'ici  donné  les  résultats  suivants  : 

10  cas  de  forme  bénigne,  guéris. 
8        —  commune,  guéris. 

4        —  putride,  guéris. 

2        —  ataxique,  dont  i  mort. 

1        —  croupale,  mort. 

J'omets  à  dessein  le  cas  de  forme  croupale  traité  après 
la  trachéotomie. 

Le  Dr  Beck  avait  lu  l'histoire  de  cinq  personnes  qui, 
ayant  été  empoisonnées  par  le  cyanure  de  mercurey  pré- 
sentaient, après  la  mort,  la  gangrène  de  la  bouche. 
C'est  cette  parlicularité  qui  lui  avait  suggéré  l'idée  de 


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190  MÉDECINE  PRATIQUE. 

la  prescrire  à  l'enfant  du  Dr  de  Villers,  atteint  de  la 
forme  ataxique.  Ce  médicament  est  donc  indiqué  con- 
tre la  gangrène  de  la  bouche,  compliquant  soit  diverses  ma- 
ladies aiguës,  soit  la  diphthérie.  C'est  dans  les  formes 
commune  et  putride  de  cette  dernière  maladie  qu'il 
me  paraît  le  mieux  réussir.  Il  ne  faudrait  le  prescrire 
qu'avec  réserve  dans  la  forme  ataxique.  Mais  on  a  bien 
eu  tort  de  le  préconiser  contre  le  croup,  dont  il  n'a  pas 
guéri  un  seul  cas  jusqu'ici. 

XXXVII.  Apis  mellifera.  —  Le  Dr  Neuschaefer  a  traité 
avec  ce  remède  40  cas  de  diphthérie  en  14  semaines  : 
27  cas  chez  des  malades  âgés  de  3  à  27  ans,  13  cas 
chez  des  malades  âgés  de  9  mois  à  3  ans.  De  ces  13, 
6  moururent  du  croup.  Tous  les  autres  atteints  de 
diphthérie  (quelles  formes?)  guérirent. 

Dans  la  plupart  des  cas,  apis  3e  suffît,  employé  en 
ingestion,  gargarisme,  inhalation,  mélangé  à  l'al- 
cool (1/3)  et  à  l'eau  (2/3).  On  touchait  la  gorge  avec  un 
pinceau  imbibé  de  ce  mélange  et,  par  là,  on  provo- 
quait la  toux  et  l'expulsion  des  fausses  membranes. 

Les  plus  malades  avaient  quatre  petits  frères  ou 
sœurs,  qui,  pendant  l'épidémie,  prirent,  deux  fois  par 
jour,  apis  en  ingestion,  gargarisme,  inhalation.  Ils 
furent  préservés.  Aussi  l'auteur  recommande-t-il  ce  re- 
mède comme  préventif. 

Aconit  fut  alterné  avec  apis  dans  les  cas  de  forte 
fièvre  et  avec  succès. 

Hepar  suif,  cale,  ou  spongia  furent  aussi  donnés  avec 
succès.  Dans  quelles  formes? 

Dans  les  cas  graves,  arsenic  et  chininum  arsenicosum 
furent  nécessaires. 

Pendant  cette  épidémie  périrent,  traités  par  les  mé- 
decins Allopathes,  beaucoup  de  malades  âgés  de  1  an 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  191 

et  moins  a  14  ans.  {Allg.  Hom.  zeitung,  t.  LXXVIII, 
p.  102.) 

A  part  les  6  malades  qui  succombèrent  au  croup, 
le  Dr  Neuschaefer  a  oublié  de  nous  dire  à  quelles  for- 
mes appartenaient  les  34  autres  cas  et  dans  lesquelles 
furent  efficaces  apis  d'une  part  et,  de  l'autre,  arsenic  et 
ckininum  arsenicosum.  « 

Le  Dr  Polie,  de  Hanovre,  a  été  plus  précis  en 
nous  citant  cinq  cas  de  dipbthérie,  forme  putride  (dont 
l'un  après  la  scarlatine),  guéris  par  apis  3°,  3  gout- 
tes toutes  les  deux  heures  ;  cataplasmes  chauds  autour 
du  cou;  injections  dans  les  fosses  nasales,  et  gargarisme 
d'abord  avec  vin  rouge  1/3  et  eau  2/3,  ensuite  avec  al- 
cool, 3  gouttes,  et  eau,  une  cueillerée  abouche,  ou  1/5 
d'alcool  et  4/5  d'eau  ;  enfin  en  touchant  les  fausses  mem- 
branes avec  un  pinceau  imbibé  de  la  dilution  alcoolique 
ou  d'alcool  étendu. 

Ce  médecin  cite  avec  détails  deux  observations  de  la 
forme  putride  qui  était  très-caractérisée,  surtout  chez 
un  enfant  de  4  ans,  ayant  fausses  membranes  d'o- 
deur putride  d'abord  sur  l'amygdale  gauche,  puis  dans 
le  pharynx,  la  bouche,  l'angle  des  lèvres  et  les  fosses 
nasales,  adénite  sous-maxillaire  et  cervicale.  Ce  petit 
garçon  guérit  en  quinze  jours,  grâce  au  traitement  pré- 
cité. [Allg»  Hom.  zeitung,  t.  LXXIX,  p.  19.) 

Le  Dr  Schuessler  dit  avoir  perdu  une  diphthérie 
(quelle  forme?)  traitée  par  apis. 

En  résumé,  quatre  cas  de  diphthérie,  forme  putride , 
guéris  par  apis  3e. 

XXXVIII.  Bryonia  et  ipéca.  —  Le  Dr  Teste  avait 
prescrit,  le  premier,  contre  la  diphthérie  ces  deux  remè- 
des qui  m'ont  paru  très-efficaces  contre  la  toux  quin- 
teuse  et  que  le  Dr  Jousset  conseille  comme  très- 


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192  MÉDECINE  PRATIQUE. 

actif  dans  la  bronchite  capillaire,  pouvant  quelquefois 
compliquer  la  diphthérie. 

Le  Dr  Teste  a  fini  par  reconnaître  que  la  guérison 
de  cette  dernière  maladie  devait  être  attribuée  à  bryonia 
seule,  et  cela  après  la  publication  du  Dr  Curie.  [Bulletin 
delà  Soc.  hom.,  1860,  t.  I,  p.  213.) 

Ce  dernier  médecin  dit  {Bulletin  hom.,  I,  35)  avoir 
guéri  vingt-cinq  à  trente  cas  d'angine  couenneuse  et  de 
croup,  et  n'avoir  perdu  qu'un  seul  malade. 

Le  Dp  Lintilhac  a  eu  également  plusieurs  succès  et  un 
seul  insuccès. 

Le  Dr  Curie  prescrit  6  gouttes  de  bryonia  T  M  dans  de 
l'eau  sucrée  à  prendre  une  cueillerée  d'heure  en  heure. 
La  maladie,  écrit-il,  est  enrayée  au  bout  de  douze  heu- 
res, c'est-à-dire  que  les  fausses  membranes  ne  font  plus 
de  progrès,  la  gène  de  la  respiration  diminue,  les  mu- 
queuses deviennent  moins  sèches.  Après  quarante-huit 
heures  du  traitement,  les  fausses  membranes  commen- 
cent à  se  détacher. 

Ces  deux  médecins  ne  nous  disent  pas  combien  ils 
onttraitéet  guéri  de  cas  appartenant  à  chacune  des  cinq 
formes  de  la  diphthérie.  Ils  ne  précisent  donc  pas  suffi- 
samment l'indication  de  bryonia. 

Le  Df  Malaper  du  Peux,  de  Lille,  a  guéri  seize  cas  de 
diphthérie  en  traitant  l'angine  couenneuse  (quelles  for- 
mes?) par  mercurius  3e  et  le  croup  par  bryonia  et  ipéca 
alternés.  (Bulletin  de  la  Société  hom.,  1860,  t.  I,  p.  206.) 

Sur  ces  seize  cas  de  diphthérie,  combien  de  croups 
ont  été  traités  par  les  deux  derniers  médicaments? 

Le  Dr  Teste  a  guéri  deux  angines  couenneuses  (quel- 
les formes?)  et  un  croup  d'emblée  par  bryonia  3e,  une 
cueillerée  toutes  les  dix  minutes.  Le  second  jour  du  trai- 
tement, l'amélioration  était  manifeste.  (Bulletin  de  la  Soc. 
hom.,  1860,  t.  I,  p.  213.) 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  193 

Avec  bryonia  12e,  le  Dr  Emery  a  guéri  une  bronchite 
pseudo-membraneuse  persistant  depuis  plusieurs  an- 
nées; le  malade  expectorait  des  fausses  membranes 
avant  la  forme  et  le  volume  des  tuvaux  bronchiques. 

Ce  médicament  pourrait  être  employé  contre  la  métrite 
pseudo-membraneuse,  l'entérite  pseudo-membraneuse 
et  contre  ladiphthérie  se  prolongeant  dans  les  bronches. 
Serait-il  indiqué  dès  lors  contre  toutes  les  variétés  de  la 
forme  putride  ? 

En  1847,  le  Dr  Teste  a  vu,  dans  un  village  delaCote- 
d'Or,  une  femme  de  50  ans,  qui,  pour  se  guérir  d'une 
hernie,  avalait,  chaque  jour  depuis  quatre  mois,  10  à 
12  grains  (0,50  à  0,60)  de  bryonia.  Celle-ci  avait  pro- 
duit une  diphlhérie  chronique  dans  la  bouche,  le  pha- 
rynx et  les  bronches;  aussi  celte  femme  expectorait 
constamment  des  fausses  membranes.  (Journal  de  la  So- 
ciété gallicane ,  1850,  t.  I,  p.  205.) 

Le  Dr  Curie  a,  je  crois,  produit  également  des  fausses 
membranes  dans  le  pharynx  et  les  bronches  en  donnant 
la  teinture  mère  à  des  chats  ou  à  des  lapins. 

Quant  aux  résultats  cliniques,  les  auteurs  précités 
n'ont  pas,  en  général,  relaté  leurs  observations  avec 
des  détails  objectifs  suffisants,  pour  que  je  puisse  dire 
dans  quelles  formes  de  la  diphlhérie  bryonia  est  indiquée. 
D'après  la  clinique  et  la  pathogénésie,  ce  remède  me 
paraît  devoir  réussir  surtout  contre  la  forme  putride, 
variété  chronique. 

XXXIX.  Brome.  —  Divers  travaux  ont  été  publiés  sur 
ce  remède  par  Frantz  (1827),  Barlhez  (1828),  Butske 
(1829),  Fournet  (1830),  Czcrwiakowski  (1833),  Heimer- 
dinçer  (1837),  Horing  (1838),  Glover  1842),  Attomyr 
(1845),  Stapf  (1846),  Lippe  (1846),  Noack  et  Trinks 
(1847),  Roth  (1852),  Jahr  (1858),  et  surtout  par  notre 

TOME  XXXI.  —  MARS  1870.  i  \ 


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194  MÉDECINE  PRATIQUE. 

confrère  le  DT  Charles  Ozanam.  En  effet,  par  ses  mémoi- 
res de  1856,  1859,  1861  et  1869,  il  a  plus  que  personne 
contribué  à  vulgariser  l'emploi  de  ce  médicament. 

Dans  son  mémoire  de  1869  (voy.  Art  médical,  XXX,  52 
et  104),  il  relate  20  observations  cliniques  de  diphthérie 
appartenant  : 

10  à  la  forme  bénigne  (obs.  ix),  guéries  ; 

5  à  la  forme  commune  (obs.  n,  iv,  vu,  ix),  guéries  ; 

4  à  la  forme  croupale,  dont  3  guérisons  (obs.  m,  vi, 
p.  13),  et  1  mort  (obs.  îx); 

2  à  la  forme  ataxique.  Ses  paralysies  consécutives 
ont  été  guéries  par  la  noix  vomique  et  l1 électricité  (obs.  vm) 
et  par  la  noix  vomique  et  la  strychnine  (obs.  i). 

Je  recommande  le  lecture  de  l'observ.  m,  qui  est  très- 
remarquable. 

Le  Dr  Ozanam  employait  autrefois  bromum  6",  12e,  4e. 
Aujourd'hui  il  prescrit  une  solution  d'eau  bromée 
au  l/1000c  ou  bien  au  1/1500°.  Cette  solution  est  admi- 
nistrée d'heure  en  heure  par  goutte  dans  autant  de 
cueillerées  d'eau  sucrée,  de  manière  à  donner  1/2  à  2 
grammes  de  solution  dans  les  24  heures. 

11  recommande  surtout  les  fumigations  bromêes  contre 
le  croup.  «  Pour  cela,  dit-il,  on  pose  devant  le  malade 
un  vase  plein  d'eau  bouillante,  muni  d'un  entonnoir  en 
papier  ou  bien  on  verse  dans  l'eau  une  forte  pincée  de 
bromure  de  potassium  ou  de  sel  marin,  destiné  à  lixer  le 
brome  dans  la  solution,  afin  qu'il  ne  s'évapore  pas  tout 
de  suite  ;  puis  Ton  ajoute  peu  à  peu,  en  deux  ou  trois 
fois  pendant  l'espace  de  cinq  à  dix  minutes,  une  cuil- 
lerée à  café  de  la  solution  d'eau  bromée.  Le  malade  en 
respire  lentement  les  vapeurs,  qui,  mélangées  à  une 
grande  proportion  de  vapeur  aqueuse,  n'ont  plus  rien 
d'irritant  et  pénètrent  profondément  dans  les  bronches.  » 

Comme  préservatif,  il  fait  prendre  Veau  bromée  en 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  195 

boisson.  Ayant  à  prévenir  la  diphthérie  dans  un  pen- 
sionnat déjeunes  filles  avoisinant  un  hôpital  où  régnait 
cette  maladie,  il  fit  faire  des  fumigations  dans  les  dor- 
toirs, en  versant  8  à  10  gouttes  de  brome  pur  dans  des 
assiettes  remplies  d'eau.  Ce  corps  si  difïusible  imprégnait 
latmosphère;  aussi  on  ne  mettait,  dans  les  dortoirs,  les 
assiettes  que  le  jour,  on  les  en  retirait  la  nuit.  Dès  lors 
on  ne  vit  plus  reparaître  la  diphthérie  qui  avait  déjà 
atteint  7  pensionnaires,  avant  les  fumigations.  On  con- 
tinua néanmoins  celles-ci  pendant  vingt-cinq  jours  pour 
empêcher  le  retour  de  cette  maladie,  dont  l'incubation 
est  parfois  très-longue. 

Je  rappelle  ci-après  les  cas  de  diphthérie  traités  avec 
le  brome,  par  divers  praticiens. 

GUÊRISONS. 

1  forme  croupale.  —  Dr  Lescarbault. 

i    —    croupale  avec  brome  4".  —  Dr  Milcent,  Art 

médical,  VII,  30. 
i    —    croupale  avec  brome  3e.  —  Dr  Patin,  id. ,  IV,  3. 

1  —    commune.  —  Dr  de  Léséleux,  Tribune  médi- 

cale, II,  5. 

2  —  commune  avec  brome  3*.  —  Dr  Gallavardin. 
1    —    putride  avec  eau  bromée.  —  Dr  Gallavardin. 

MORTS. 

3  formes  croupales.  —  Dr  Pau  lier,  Tribune  médicale, 

II,  2. 

3     —     croupales.  —  Dr  Ebrard,  id.,  id.t  p.  H3. 

Le  Dr  Dufresne,  de  Genève,  écrit  le  Dr  Ozanam,  a 
traité  avec  le  brome  7  diphthériques,  dont  2  sont  morts. 
Mais  à  quelles  formes  appartenaient  les  uns  et  les  au- 
tres? 

Dans  sa  Clinique  homœopathique,  le  Dr  Rueckert  rap- 


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190  MÉDECINE  PRATIQUE. 

porte  bien  13  guérisons  de  diphthérie  par  le  brome,  mais 
je  n'y  trouve  pas  signalés  les  caractères  objectifs  de  celte 
maladie. 

En  résumé,  parmi  les  cas  de  diphtbérie  publiés  et 
dont  la  forme  a  pu  être  déterminée,  j'en  trouve  : 
10  de  forme  bénigne,  guéris; 
8      —      commune,  guéris; 
2      —      ataxique,  guéris  ; 
13      —      croupale,  dont  7  morts  et  6  guéris. 

XL.  Bromure  de  potassium.  —  Le  Dr  Ozanam  recom- 
mande l'emploi  de  ce  remède  de  0,25,  0,50,  1  ou  2  gram- 
mes, même  dans  les  cas  graves.  Le  médicament  est 
dissous  duns  200  grammes  d'eau,  dont  le  malade  prend 
d'heure  en  heure  une  cuillerée  à  bouche. 

Notre  confrère  a  guéri  ainsi  :  3  diphthéries  de  forme 
commune  (obs.  10,  U,  12).  Le  Dr  Noack  a  guéri  une 
diphthérie  de  forme  putride,  en  prescrivant  0,75  de 
bromure  de  potassium  dans  150  grammes  d'eau.  (Art  mé- 
dical, XXIII,  360.) 

En  employant  le  bromure  de  potassium  bromé,  ainsi 
préparé  : 

Eau   150  grammes, 

Bromure  de  potassium.        0,05  centigr., 
Eau  bromée   10  gouttes, 

le  Dr  Ozanam  a  guéri  une  diphthérie  de  forme  com- 
mune (obs.  13). 

La  médication  suivante  se  rapproche  de  celle  de  notre 
confrère,  aussi  je  l'expose  immédiatement  après  la 
sienne. 

XL1.  Eau  a" Adélaïde  (Reïïbrunn).— Dans  un  Mémoire 
publié  en  1860  sur  Y  angine  couenneuse  et  le  croup,  le 
Dr  Wilhelin  Zimmermann  raconte  qu'il  a  traité  de  1856  à 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  197 

1858,  dans  la  commune  d'Anzin,  184  cas  de  diphthérie, 
appartenant  : 

112  à  la  forme  putride. 
72       —  croupale. 

Il  n'a  eu  que  29  morts  :  j'ignore  de  quelle  forme  rele- 
vaient ces  derniers,  car  je  ne  connais  le  Mémoire  de  ce 
médecin  que  par  l'analyse  qu'en  a  faite  le  Dr  Frédault, 
dans  rArt  médical,  XIII,  151.  Supposez  même  que  ces 
29  décès  appartiennent  à  la  forme  croupale,  il  resterait 
43  guérisons,  ce  qui  constituerait  un  très-beau  résultat. 

Le  Dr  Zimmermann  attribue  ses  succès,  relativement 
considérables,  à  la  médication  suivante. 

Il  faisait  appliquer  sur  les  côtés  du  cou,  8  fois  dans 
les  vingt-quatre  heures,  des  linges  imbibés  d'une  solu- 
tion dont  voici  la  formule  : 

Iode  pur   12  grammes. 

Alcool  rectifié   1 25 

Iodure  de  potassium.  .  4 
Bromure  de  potassium.  4 

Eau  distillée   15 

Il  faisait  prendre,  en  outre,  comme  boisson,  à  ses  ma- 
lades l'eau  artificielle  de  la  Source  (f  Adélaïde  tTHeilbrunn, 
dont  il  avait  fait  préparer  les  trois  formules  suivantes  : 

N°  l.  Na  2.  N°3. 

Bicarbonate  de  soude  saturé.  15  gram.  10  gr.  5gr. 

Sel  marin   15           10  5 

Iodure  de  potassium   4             3  2 

Bromure  de  potassium.  ...  1            0,75  0,50 

Eau  filtrée   1000        1000  1000 

Dans  les  cas  légers,  il  prescrivait  la  potion  n°  3,  et 
dans  les  cas  plus  graves,  le  n°  2,  et  même  le  n°  1,  en 
faisant  prendre  30  grammes  par  heure. 

Gomme  le  remarque  avec  à-propos  le  Dr  Frédault,  les 


198  THÉRAPEUTIQUE. 

agents  actifs  de  ces  formules  sont  employés  depuis  long- 
temps par  les  homœopathes.  En  les  prescrivant  à  doses 
faibles,  ils  évitent  les  aggravations  que  signale  le  Dr  Zim- 
mermann  et  qui  l'obligèrent  à  diminuer  ses  fortes  doses, 
lorsqu'elles  produisaient  :  la  céphalalgie,  l'intumescence 
et  la  rougeur  de  la  face,  l'injection  des  conjonctives,  un 
larmoiement  très-ahondant. 

Dr  Gallavardin, 

de  Lyon. 

—  La  suite  prochainement.  — 


THÉRAPEUTIQUE 


DE  LA  PURPURA  ILEMORRHAGICA. 

Le  Mercure  [Mercurius),  le  Sulfate  de  quinine  (Chi- 
nimtm  sulfuricum),  le  Tabac  (Tabacum),  l'If  (Toxus  bac- 
cata),  à  dose  infinitésimale,  ne  seraient-ils  point  quel- 
quefois indiqués  dans  le  traitement  de  la  Purpura 
Hœmorrhagica  ?  Notice  bibliographique  de  cette  maladie. 

I.  Mercurius. 

Je  citerai  d'abord  un  fait  que  Thomas  Bateman  a 
consigné  dans  son  Abrégé  pratique  des  maladies  de  lapenu. 
Cet  auteur  rapporte  que  la  Purpura  hœmorrhagica  sur- 
vint pendant  une  salivation  très-forte  qui  avait  été  pro- 
duite par  quelques  grains  de  mercure  combinés  avec  de 
l'opium,  et  administrés  pour  la  guérison  d'un  rhuma- 
tisme; la  terminaison  de  la  P.  H.  fut  mortelle. 

A  Charles  Florent  Tortual  ou  Tourtual  (de  Munster), 
sont  dus  les  deux  cas  suivants  de  maladie  maculée  hé- 
morrhagique.  «  Dans  le  premier,  il  s'agit  d'un  doreur 


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DE  LA  PURPURA  HJEMORRHAGICA.  199 

• 

sur  métaux,  chez  lequel  la  maladie  succéda  à  des  acci- 
dents occasionnées  par  les  vapeurs  mercurielles.  Il  mou- 
rut douze  jours  après  la  première  hémorrhagie.  Dans 
le  second,  il  est  question  dun  dame  qui,  après  avoir  été 
atteinte  d'une  affection  vénérienne  longtemps  mécon- 
nue qui  exigea  un  traitement  mercuriel  énergique,  et  avoir 
éprouvé  une  longue  suite  de  chagrins,  éprouva  tous  les 
symptômes  qui  caractérisent  la  maladie  hémorrhagique  ; 
l'usage  des  toniques  lui  rendit  la  santé  »  (1). 

Le  mercure,  d'ailleurs,  sous  forme  de  protochlorure,  a 
été  employé  dans  le  traitement  de  la  P.  hœmorrhagiea. 
J.-C.  Sabatier  a,  dans  le  pourpre  simple  aigu,  recom- 
mandé le  calomel  et  pour  vaincre  la  constipation,  lors- 
qu'elle existe,  et  pour  favoriser  peu  à  peu  la  résorption 
des  taches  pourprées  (2).  «  Hunt  a  souvent  vu  une  forme 
bien  caractérisée  de  diathèse  hémorrhagique  liée  à  une 
congestion  hépatique  et  à  une  obstruction  de  la  veine 
porte,  quelquefois  avec  complication  de  jauuisse  (3). 
L'emploi  des  astrigents,  des  toniques  et  des  analeptiques 
aurait  alors  des  conséquences  fatales.  La  seule  chose  à 
faire,  c'est  de  purger  le  malade  au  moyen  de  doses  ré- 
pétées de  calomel  et  de  jalap,  dans  le  but  de  débarrasser 
les  intestins  des  matières  noires  et  poisseuses  qu'ils  con- 
tiennent toujours  »  (4).  L.-V.  Duchesne-Duparc  dit  que 
les  purgatifs  et  parmi  eux  le  calomel  sont  fréquemment 
employés  dans  le  traitement  de  la  P.  (5).  W.  Whalley  a 
publié  un  cas  de  P.  H.  dans  lequel  il  ordonna,  entre  au- 
tres remèdes,  un  mélange  d'acide  gallique  et  de  proto- 

M)  Nouv.  Bibl.  mèd.,  2e  ann.,  t.  V.  Paris,  1824;  8,  p.  220-21. 
(2)  Bull,  de  thêrap.,  1834;  VII,  109-10. 

(3>  Il  est  permis  de  conjecturer  que  «  Chelidonium  majus  »  serait 
aussi  indiqué  dans  cette  occurrence. 

(4)  L.  Noirot,  Annuaire  de  litt.  m.  étrnng.  pour  1857  ;  I,  278-79. 

(5)  Traité  prat.  des  dermatoses.  Paris,  1859,  p.  377. 


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200  THÉRAPEUTIQUE. 

chlorure  de  mercure,  et  obtint  une  guérison  rapide  (1). 
Robert-James  Graves  mentionne  \ecalomel  comme  ayant 
été  donné  dans  un  cas  de  P.  H.  dit  Exanthema  haemor- 
rhagicum  (2). 

II.  Chininum  Sulfuricum. 

On  sait  que  le  sulfate  de  quinine  est  employé  dans  le 
traitement  de  la  P.  H.  Je  citerai  à  ce  propos  Thomas 
Pridgin  Teale  (3),  Emile  Pereyra  (4),  de  Nolhac  (5), 
Boureau  (6),  un  anonyme  (7),  F.  Rilliet  et  E.  Bar- 
thez  (8),  Hunt,  Habershon  (9)  etW.  Whalley.  Eu  décem- 

(1)  Noirot,  Ann.  pour  i8C0;  IV,  244-47. 

(2)  Leçons  de  clin,  m.,  tr.  par  Jaccoud  ;  61e  leçon,  obs.  Paris,  1862, 
II,  504. 

M.  Renault  (  Dict.  annuel,  par  P.  Garnier;  4»  ann.,  18G7,  p.  411-12) 
rapporte  un  cas  de  P.  H.  observé  sur  une  611e,  à  l'hôpital  de  Lourcine, 
cas  anormal  dont  on  n'a  pas  pu  saisir  l'étiologie.  Cette  fille  était-elle  ou 
avait-elle  été  soumise  à  un  traitoment  mercuriel  ? 

«  Le  vif-argent,  appliqué  imprudemment  à  la  surface  extérieure  d'un 
corps  animé,  soit  en  linimcnls,  soit  en  emplâtres,  produit  souvent  la 
dissolution  de  tout  le  sang,  le  crachement  do  sang,  et  les  autres  sortes 
d'hémorrhagies.  • 

T.  P  Cacls,  Delà  cure  des  mal.,  etc.,  p.  42-43.  —  Cfr.  Fréd.  Hoffmann» 
De  Metailurgia  morbif.,  §  19,  p.  a  29;  édit.  de  1713.—  F.-F.  Fodéré,  Mèd. 
lèg.\  1813,  IV,  147,  §  301.  —  Hipp.  Cloquet,  Dict.  des  se.  mèd.,  1820. 
XLIII,  540-54.1.  —  Mérat  et  do  Lens,  Dict.,  1832.  IV,  377.  —  Galtier, 
Mat.  m.,  H,  704.  —  A.  Trousseau  et  II.  Pidoux,  Thèr.,  3*  édit.,  1847,  I, 
187-8S  200.  —  Maslieurat,  Journal  des  conn.  m.  c,  avril  1841,  XIII,  133. 
-  Grisolle,  Path.,  1840,  I,  823.  —  P.  Brentano,  l'Art  médical,  mai  1865, 
XXI,  389-390. 

(3)  Giacomini,  Mat.  mèd.,  344. 

(4)  Journ.  des  conn.  m.  ch.,  juillet  1840,  XII,  30. 

(5)  Ibidem,  juin  1844,  XX,  223-24. 
(<i)  Bull,  de  thèr.,  1847,  XXXII,  390. 

(7)  Ibidem,  1851,  XIM  380,  426. 

(8)  Maladies  des  enfants,  2e  édit.,  1853,  II,  331.  (Le  sirop  de  quinquina 
pourrait  être  prescrit.)  Nous  citerons,  ajoutent  R.  et  B.,  un  cas  de  pur- 
pura secondaire,  où  l'emploi  du  sulfate  de  quinine  a  été  suivi  de  succès. 
Cfr.  le  t.  111,  publié  en  1854,  p.  (00-101.  — Auguste-César  Baudelocque 
et  J.-F.-N.  Jadelot  employaient  le  sulfate  de  quinine  dans  la  variole, 
avec  purpura  hiemorrhagica. 

(9)  Noirot,  Ann.  p.  1859,  111,  li-1-193. 


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DE  LA  PURPURA  ILtfMORRHAGICA.  201 

bre  1869,  à  un  femme  âgée  de  74  ans,  atteinte  de  Pur- 
pura simplex,  j'ai  eu  l'occasion  do  prescrire  avec  succès 
le  sulfate  de  quinine,  à  fortes  doses,  mais  dans  le  but 
de  combattre  des  accès  de  fièvre  intermittente  qui  étaient 
venus  se  joindre  à  la  P.,  comme  ils  se  joignent  d'ail- 
leurs, depuis  plusieurs  an  nées,  à  beaucoup  de  maladies, 
dans  le  Comtat  Venaissin. 

Or,  dans  plusieurs  cas  observés  par  Vépan,  la  qui- 
nine, employée  toujours  chiniquement  pure,  a  paru 
déterminer  l'apparition  de  la  Purpura  Hœmorrhagica. 
Ainsi,  chez  une  femme  de  50  ans  qui  prit,  toutes  les  six 
heures,  10  centigrammes  de  sulfate  de  quinine  pour  une 
névralgie,  et  15  centigrammes  le  lendemain,  un  vési- 
caloire  ayant  été  appliqué  à  l'aisselle,  le  jour  suivant,  la 
place  du  vésicatoire  était  toute  noire  ;  il  en  suintait  une 
sérosité  sanguinolente  et  tout  le  corps  était  recouvert 
de  taches  de  Purpura.  La  quinine  fut  supendue,  et  l'on 
y  substitua  les  acides  minéraux;  au  bout  de  neuf  jours, 
tout  le  corps  était  sain  ;  l'aisselle  était  guérie  au  bout  de 
quinze  jours.  L'auteur  prescrivit  ensuite  de  la  quinine 
à  la  malade  pour  des  douleurs  de  dents,  et  le  Purpura 
reparut. 

•  Une  autre  femme  prit  de  la  quinine  pour  se  débar- 
rasser d'une  fièvre  tierce;  le  second  jour  elle  eut  une 
épistaxis  ;  le  corps  était  couvert  de  taches  de  Purpura,  les 
gencives  saignantes.  Les  selles  étaient  foncées  et  sangui- 
nolentes. On  suspendit  la  quinine  et  l'on  donna  des  aci- 
des minéraux  pendant  trois  jours,  puis  un  laxatif,  et 
au  bout  de  buit  jours  les  taches  avaient  disparu. 

Un  garçon  de  12  ans,  présentant  une  faiblesse  géné- 
rale, prit  de  la  quinine.  Au  bout  de  quelques  jours,  il  se 
développa  du  Purpura,  mois  la  quinine  fut  continuée 
assez  de  temps  [!]  pour  essayer  son  action  [!];  le  Pur- 
pura augmenta,  les  gencives  saignèrent.  On  cessa  la 


202  THÉRAPEUTIQUE. 

quinine,  on  donna  des  purgatifs  salins,  et  au  bout  de 
dix  jours  la  peau  était  saine. 

«Enfin,  un  homme  qui  prenait  de  la  quinine  pour 
une  fièvre  larvée,  ne  présentait  encore  au  bout  de  quinze 
jours  aucune  trace  d'affection  cutanée.  Rendu  attentif 
à  ce  sujet,  on  crut  qu'il  y  échapperait  ;  trois  jours  après, 
il  eut  néanmoins  vingt  taches  sur  les  épaules  »  (1). 

Donc  Chininum  sulfuricum,  à  dose  infinitésimale, 
pourra  être  quelquefois  indiqué  dans  le  traitement  du 
morbus  maculosus  Werlhofîi. 

III.  Tabacum. 

Le  Tabac  (Nicotiana  Tabacum)  produit  aussi  la  Pur- 
pura Hœmorrhagica,  comme  le  montrent  les  faits 
suivants. 

a  J'ai  observé,  dit  Jacques-Pierre  Pointe,  rarement  il 
est  vrai,  sur  les  pieds  et  les  jambes  de  quelques  ouvriers 
[employés  à  la  manufacture  de  tabacs  à  Lyon]  une 
éruption  cutanée  qui  consistait  en  une  multitude  de  ta- 
ches d'un  rouge  assez  vif,  et  qui  ne  disparaissaient  pas 
sous  la  pression  ;  ces  taches  étaient  larges  comme  des 
lentilles  environ,  et  assez  douloureuses  ;  plusieurs  d'entre 
elles  se  terminaient  par  de  petits  ulcères.  Cette  maladie, 
après  avoir  résisté  pendant  deux  à  trois  mois  aux  divers 
moyens  que  j'ai  employés  pour  la  combattre,  a  paru  se 
terminer  spontanément. 

«Exanthème  ressemblant  à  celui  du  morbus  maculosus 
Werlhofii.  —  Jean  Bonnet,  âgé  de  39  ans,  revenu  de  la 
campagne  de  Russie  avec  les  pieds  gelés,  entra  à  la  ma- 

(1)  Dict.  annuel,  par  P.  Garnier,  \*  ann.,  1867,  p.  412;  De  la  quinine 
comme  cause  de  purpura,  par  V.  Bull,  de  thèr.,  15  fdvrier  1807,  LXX, 
11-140;  Cfr.  Jul.  Aug.  Édouard  Monneret,  Journ.  de  méd.,  par  Beau,  fé- 
vrier 1844.  II,  45-46  (hémorrhagies  ;  pétéchies  produites  par  le  sulfate 
de  quinine). 


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DE  LA  PURPURA  ILŒMORRHAGICA.  203 

nufaclure  en  1821  ;  il  n'éprouva  dans  les  premiers  temps 
de  l'exercice  de  cette  nouvelle  profession  aucune  incom- 
modité dont  il  ait  conservé  le  souvenir,  et  il  n'eut  au- 
cune maladie  grave  jusqu'en  décembre  1826;  à  cette 
époque  la  partie  inférieure  des  jambes  et  les  pieds  devin- 
rent le  siège  d'un  œdème.  Peu  babitué  à  s'écouter,  J.  B... 
continua  de  travailler.  Vers  la  fin  de  janvier,  quelques 
petites  taches  rouges  se  montrèrent  sur  les  mollets;  une 
légère  douleur,  qui  se  faisait  sentir  surtout  vers  les  ar- 
ticulations des  membres  inférieurs,  se  manifesta  d'abord 
d'une  manière  assez  obscure,  et  devint  ensuite  plus 
forte.  Quoique  cette  maladie  fît  des  progrès  sensibles,  cet 
ouvrier  restait  toujours  dans  les  ateliers,  et  ne  se  plai- 
gnait point.  Les  symptômes  prirent  plus  d'intensité,  les 
taches  se  multiplièrent,  elles  occupèrent  bientôt  toute  la 
superficie  des  membres  pelviens,  et  une  partie  des  pa- 
rois abdominales;  ce  fut  alors  que  J.  B...  réclama uncer- 
tifîcatde  maladie.  J'examinai  cette  affection  que  j'avais 
déjà  rencontrée  sur  un  autre  ouvrier ,  mais  point  aussi 
développée;  ces  taches  étaient  semblables  à  celles  du  mor- 
bus  macu/osus  hœmorrhagicus  Werlhofii,  leur  rougeur  était 
foncée  lie  de  vin,  et  ne  disparaissait  pas  sous  la  pression, 
leur  largeur  très-variable  depuis  un  simple  point  rouge 
jusqu'à  2  ou  3  lignes  de  diamètre  ;  un  assez  grand 
nombre  d'entre  elles  se  touchaient;  la  partie  infé- 
rieure des  membres  pelviens  offrait  un  léger  œdème,  et 
les  articulations  étaient  un  peu  doulouleuses;  il  n'y 
avait  point  de  fièvre,  les  autres  fonctions  n'avaientpoint 
éprouvé  d'altération  notable.  Tel  était  Tétait  de  J.  B... 
lorsqu'il  se  présenta  à  ma  visite,  sa  maladie  a  résisté 
longtemps  aux  divers  moyens  que  j'ai  alternativement 
employés  pour  la  combattre:  boissons  délayantes  etni- 
trées,  tisanes  acidulées,  médication  tonique  essayées, 
sans  succès,  etc.,  et  moyens  hygiéniques  appropriés  à 


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S04  THÉRAPEUTIQUE. 

ces  différentes  méthodes;  ce  n'est  qu'après  six  mois  de 
durée,  sans  que  cet  ouvrier  ait  cependant  jamais  été 
alité,  que  les  taches  qui  couvraient  ses  membres  infé- 
rieurs et  une  partie  du  tronc  ont  commencé  à  disparaî- 
tre; la  plus  grande  partie  de  ces  macules  s'est  terminée 
par  résolution,  un  assez  grand  nombre  de  celles  surtout 
qui  occupaient  les  pieds  a  passé  à  l'état  de  suppuration, 
et  il  en  est  résulté  de  petits  ulcères  dont  la  cicatrisation 
a  été  difficile  à  obtenir  ;  les  autres  phénomènes  de  la 
maladie  se  sont  également  dissipés,  et  J.  B...  est  rentré 
à  la  manufacture  parfaitement  bien  portant.  »  (1). 

Le  labac  peut  donner  lieu  à  des  hémorrhag-ies.  Ber- 
nardin Ramazzini  a  vu  une  jeune  fille  juive,  occupée 
pendant  tout  le  jour  à  déployer  des  paquets  de  tabac, 
rendre  beaucoup  de  sang*  par  les  vaisseaux  hémorhoï- 

(1)  Observations  sur  les  Maladies  auxquelles  sont  sujets  (es  ouvriers 
employés  à  la  Manufacture  royale  de  Tabacs,  à  Lyon  (1828),  dans  Mé- 
langes de  médecine,  par  J.-P.  Pointe,  précédées  d'une  notice  biographi- 
que sur  l'auteur,  par  J.-P.  Bourland-Luslerbourg.  Lyon,  A.  Yingtrinier, 
4861.  8.  p.  198-200.  Cfr..  p.  204;  It-s observations  occupent  les  pag.  173- 
211  des  Mel.  demèd,  sur  J.-P  Pointe,  Cfr.  l'Art  médical,  mai  1860,  XI, 
394-400.  A  rénumération  des  nombreux  écrits  de  J.-P.  P..  que  j'ai  faite 
dans  ce  recueil,  je  joindrai  l'indication  des  articles  et  opuscules  sui- 
vants :  Observations  de  pleuro-pneumonie  suivie  d'un  vaste  dépôt  dans 
le  poumon  gauche,  par  P.,  et  extrait  du  rapport  de  M.  de  Kergaradec. 
JVowo.  BiM.  mèd.,  18*4,  IV,  214-15.  —  Observations  sur  des  gastro-enté- 
rites avec  fièvre  rémittente  et  intermittente,  guéries  par  le  bulfate  de 
quinine  administré  en  frictions.  —  Rapport  de  Bagneris,  Itard  et  Miquel 
à  l'A.  R.  de  M.,  sect.  de  M.,  s.  du  i>2  août  1826,  Arch.  gèn.  de  méd.,  sep- 
tembre 1826,  XII,  133-34.  —  Conseils  pour  les  temps  de  choléra.  Lyon, 
1854,  8,  16  p.  an.  Rev.  thér.  du  Midi,  Vil ,  16'. -65  (par  L.  Saurel).— 
Création  d'un  lycée  impérial  pour  les  enfants  de  l'âge  de  six  à  douze  ans, 
sur  la  commune  de  Saint-Rambert  l'Ile- Barbe,  près  Lyon.  Lyon,  Louis 
Perrin,  1858,  8 ,  29  p.  an.  Reo.  Ihêr.  du  Midi,  1858,  XII,  517-20  (par 
Louis  Saurel).  —  Monographie  des  Thermes  de  Weissembourg,  dans 
Mèl.  de  mèd.,  p.  1-132.  —  De  la  grippe  qui  a  parcouru  la  France  en  1837, 
Ibid.  p.  133-171.  —  Pointe  signale  (p.  153)  les  accidents  du  côté  du  sys- 
tème nerveux  (p.  155);  un  mouvement  fébrile  intermittent  dans  cette 
grippe. 


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DE  LA  PURPURA  HVEMORRHAGICA.  205 

daux  pour  s'être  reposée  sur  ces  paquets  (1).  «  Morgagrii, 
dit  Antoine-François  de  Fourcroy,  semble  attribuer  une 
apoplexie  mortelle  [une  hémorrhagie  cérébrale?]  à  l'u- 
sage excessif  du  tabac  auquel  le  malade  était  adon- 
né (2).—  Une  fille  de  23  ans  avait  la  galle  :  un  chirur- 
gien fit  appliquer  dessus  des  linges  imbibés  d'une 
décoction  de  trois  onces  de  feuilles  de  tabac  ;  trois  heures 
après,  [cette  fille]  vomit  du  sang  »  (3). 

Mais  voici  une  observation  qui  me  paraît  tout  à  fait 
concluante,  si  l'on  accepte  Tétiologie  invoquée  par  l'au- 
teur. 

«Je  fus  appelé,  dit  le  Dr  Georges  Wiliis,  auprès  d'un 
jeune  homme  de  bonne  famille,  âg-é  de  22  ans,  et  qui, 
environ  quinze  jours  auparavant,  jouissait  encore  d'une 
très  bonne  santé.  A  la  suite  d'un  refroidissement,  il  se 
plaignit  d'une  toux  insupportable.  Le  9  novembre,  il 
rendit  en  toussant  une  grande  quantité  d'un  sang  noir 
et  continua  à  expectorer  le  même  liquide,  toutes  les 
fois  qu'il  toussait,  jusqu'au  moment  de  ma  visite.  Je 
tournai  d'abord  mon  attention  vers  la  poitrine  et  ne 

(1)  Essai  sur  les  mal.  des  Artisans,  trad.  du  lalin  de  Ramazzini,  avec 
des  noies  et  des  additions  par  M.  de  Fourcroy.  Paris,  Moutard,  1777, 
lî,  ch.  16,  p.  430. 

(2)  Joseph  Lanzooi ,  Oper.,  1738,  II,  394.  Obs.  H4  (coma ,  apoplexie 
et  mort  produits  par  lo  tabac).  —  Hist.  morb.  Vralislav,  p.  293.  -  Joseph 
Frank,  Path.t  111,  13-14,  note  53.  —  Notons  o  qu'on  se  sert  de  la  décoc- 
tion de  tabac  dans  la  paralysie,  l'hémiplégie,  l'apoplexie,  la  léthar- 
gie, etc.  »  Mérat,  Dict.  des  se.  méd.,  1821,  LIV,  200.  L'examen  de  l'ar- 
ticle que  Mérat  a  consacré  au  tabac  me  fournirait  l'occasion  de  plusieurs 
rapprochement*  qui  viendraient  à  l'appui  de  la  formule  de  similitude. 

i,3)  Trad.  de  Ramazzini,  p.  200*201.  —  Les  ouvriers  employés  aux 
manufactures  de  tabac  sont  sujets  au  flux  de  sang  (F.-V.  Mérat),  p.  190. 
-  Parent  Du  Chatelet  et  D'Arcet  prétendent  que  c'est  à  tort  que  l'on  a 
regardé  lés  hémorrhagies  comme  l'apanage  des  ouvriers  des  fabriques 
de  tabac,  Nouv.  Bibl.  mèd.y  1829,  UI,  119.  Parent  Du  Chatelet  et  D'Arcet 
n'ayant  pas  rencontré  les  faits  constatés  par  divers  observateurs,  et  en 
des  pays  différents,  Irur  négation  n'infirme  pas  des  afGrmalions  pOSi- 
tHCS. 


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206  THÉRAPEUTIQUE. 

trouvai  aucune  particularité  dans  le  bruit  respiratoire. 
Le  pouls,  à  96  par  minute,  était  rebondissant.  La  lang  ue 
était  chargée  et  offrait,  à  sa  surface,  une  tache  noire 
de  la  grandeur  d'un  shilling";  on  trouvait  beaucoup  de 
ces  mêmes  taches,  mais  plus  petites,  sur  les  gencives. 
Je  demandai  à  voir  les  membres,  et  les  trouvai  couverts 
de  taches  semblables  à  des  ecchvmoses  mêlées  à  un 
grand  nombre  de  petites  pétéchies  d'un  brun  noirâtre, 
Le  diagnostic  était  suffisamment  clair.  Mais,  comme 
mon  malade  était  d'une  condition  sociale  assez  élevée, 
comme  en  tout  temps  il  avait  eu  une  nourriture  géné- 
reuse, que  de  plus  il  habitait  une  localité  très-saine,  je 
ne  pus  d'abord  me  rendre  raison  de  ces  symtômes  si 
évidents  de  Purpura  hœmorrhagica,  ni  rapporter  à  une  « 
autre  affection  ce  concours  de  symptômes  et  de  circon- 
stances. Ces  pensées  me  portèrent  à  prendre  de  plus 
amples  informations  sur  les  habitudes  de  mon  client; 
j'appris  alors  que,  grand  fumeur,  il  expectorait  une 
quantité  de  salive  énorme  et  qu'il  était  dans  un  état 
continuel  de  salivation.  J'ordonnai  :  mixture  acide, 
une  dose  de  pilules  apéritives,  car  les  intestins  n'étaient 
pas  libres.  Les  trois  jours  suivants,  même  traitement, 
en  ajoutant  un  grain  dipécacuanha  aux  pilules. 
L'hémoptysie  céda.  Le  13,  le  malade  souffrit  pendant  la 
nuit,  d'une  manière  cruelle  dans  un  testicule;  la  dou- 
leur disparut,  mais  le  malade  observa  du  trouble  dans 
son  urine.  Je  vis,  en  effet,  qu'il  avait  rendu  beaucoup 
de  sang-  en  urinant.  Le  15,  les  intestins  sont  libres, 
mais  l'urine  conserve  toujours  le  même  aspect.  J„es 
taches  de  la  langue  ont  disparu,  deux  petites  paraissent 
seules  sur  la  lèvre  supérieure  et  le  côté  du  nez.  — 
Même  traitement.  Le  16,  pas  d'amélioration.  Je  change 
le  traitement.  Suspendre  les  acides  et  les  remplacer  par 
la  térébenthine,  selon  la  formule  suivante  : 


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DE  LA  PURPURA  HvEMORRHAGICA .  207 

Essence  de  térébenthine.  ...     8  grammes. 

Sucre  blanc   8 

Poudre  d'acacia   8 

Teinture  de  lavande   4 

Eau  de  menthe  poivrée  ....  250 
Faites  une  mixture  (i). 

«  Le  17,  l'urine  est  plus  claire.  Régime  :  huîtres  et 
lait  ad libitum.  Le  20,  la  térébenthine,  toujours  employée, 
produit  les  meilleurs  effets.  L'urine  présente  sa  couleur 
normale  et  le  malade  exprime  lui-môme  le  bien  qu'il 
éprouve.  Je  lui  permets  de  se  lever  et  de  continuer  à 
prendre  la  mixture,  pour  laquelle  il  n'accuse  aucun  dé- 
goût. —  Le  23,  les  taches  ecchymotiques  ont  disparu 
généralement,  laissant  seulement  une  trace  pâle  qu'in- 
dique leur  contour,  comme  cela  se  voit  à  la  suite  d'une 
contusion.  Je  suspens  la  térébenthine  et  je  prescris  à  la 
place  quelques  gouttes  de  muriate  de  fer,  deux  fois  par 
jour,  avec  une  pilule  de  rhubarbe  comme  apéritif.  — 
Depuis  cette  époque,  aucun  des  symptômes  que  nous 
avions  pu  étudier  n'a  reparu. 

«  Réflexions.  Je  me  contenterai  d'arrêter  l'attention 
du  lecteur  sur  trois  points,  ajoute  le  Dr  G.  Willis  : 

«  1°  Sur  le  caractère  étendu  des  manifestations  lo- 
cales du  désordre  du  sang,  indiqué  par  une  grande 
éruption  et  par  la  libre  exsudation  du  sang  par  les  mu- 
queuses de  l'organe  respiratoire,  des  reins  et  de  la  ves- 
sie. 

«  2°  Sur  la  cause  de  l'état  morbifîque  du  sang.  N'est- 
ce  pas  F  abus  du  tabac?  Pour  moi,  je  ne  vois  pas  d'autre 
cause.  Je  crois  que  la  fumée  de  tabac,  longtemps  inha- 

(t)  c La  térébenthine  va  très-bien  sous  cette  forme,  si  on  la  mêle 
avec  soin.  On  pile  d'abord  ensemble  la  poudre  et  lo  sucre;  on  ajoute 
ensuite  la  térébenthine,  et  enfln  ta  teinture  et  l'eau.  Le  malade  en  prit 
une  once  par  jour.  »  G.  Willis. 


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208  THÉRAPEUTIQUE. 

lée,  possédant  des  propriétés  nartico-irritantes,  est  aussi 
capable  d'amoindrir  la  consistance  du  sang1  que  les 
autres  agents  de  la  même  espèce,  et  que  Yessence  (!)  des 
symptômes  du  pourpre  consiste  dans  la  fluidité  ou  défi- 
brination  du  sang»  (1). 

«  3°  Le  traitement  de  ce  cas  est  une  excellente  preuve 
de  l'efficacité  de  la  térébenthine  dans  le  pourpre,  et 
justifie  les  recommandations  du  Dr  Neligan  sur  ce  su- 
jet »  (2). 

IV.  Taxi  s  baccata. 

L'If  (Taxus  baccaia)  peut  également  donner  lieu  à  un 
état  analogue  à  la  Purpura  hœmorrhagica. 

a  Un  garçon  âgé  de  cinq  ans,  dit  Chrétien-Théophile 
Selle,  eut  à  la  plante  du  pied  gauche  une  douleur  qui 
l'empêchait  de  marcher  et  qu'on  attribuait  à  une  pi- 
qûre d'épingle  qui  lui  était  entrée  dans  le  pied; 
on  y  voyait  en  efîet  une  tache  de  la  grandeur  d'un  demi- 
pouce,  de  couleur  de  sang;  j'ordonnai  des  cataplasmes, 
que  le  chirurgien  avait  jugé  à  propos  d'appliquer 
froids.  L'enfant  avait  en  même  temps,  presque  partout 
le  corps,  des  taches  semblables  à  des  piqûres  de  puce, 
mais  qui  étaient  d'une  couleur  extrêmement  foncée, 
comme  sont  les  pétêchics  de  la  plus  mauvaise  espèce  (3). 
Il  se  sentait  au  reste  parfaitement  bien,  si  ce  n'est  qu'il 
paraissait  un  peu  bouffi,  pâle,  qu'il  était  enroué  et  qu'il 

(1)  Les  altérations  du  sang  doivent  être  considérées  comme  des  ques- 
tions de  séméiotique,  et  non  comme  des  questions  d'éliologie.  Ces  alté- 
rations no  sont  pas  la  cause,  la  mère  des  maladies,  mais  l'effet,  les  en- 
fants de  la  maladie,  et  elles  servent  a  constituer  des  caractères  nosolo- 
giques.  Jean-Paul  Tessier,  leçon  du  o  janvier  1843. 

(i)  Annuaire  de  mèd.  et  de  chir.  prat.  pour  1855  ,  par  A.  Jamain  et  A. 
VVahu.  10e  ann.,  1851,  p.  97-101. 

(3)  a  Ducan  [Duncan?]  a  observé  de  pareilles  pétéchies  sans  fièvre, 
chez  une  personne  qui  avait  mangé  de  grosses  fèves.  Voyez  son  Histoire 
des  maladie*,  o.  68.  »  Selle. 


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DE  LA  PURPURA  H.EMORRUAGICA.  l'09 

avait  la  poitrine  embarrassée  :  j'attribuai  ces  accidents 
en  partie  aux  cataplasmes  froids,  et  en  partie  à  un  cra- 
chement de  sang  qui  lui  était  survenu.  Comme  il  était 
naturellement  plein  d'humeurs,  je  crus  que  sa  maladie 
n'était  autre  chose  qu'un  rhume  de  poitrine,  occasionné 
par  quelque  froid.  Quant  aux  taches,  il  m'était  impos- 
sible de  croire  qu'elles  eussent  quelque  rapport  avec 
celte  affection  de  poitrine,  d'autant  plus  qu'il  n'y  avait 
presque  point  de  fièvre  qui  pût  avoir  produit  une  si 
grande  dissolution  des  humeurs.  Je  lui  ordonnai  le  vin 
émétique  à  petites  doses,  dans  la  vue  de  dissoudre  et 
d'évacuer  la  pituite.  Il  vomit  à  différentes  reprises  et 
la  poitrine  fut  soulagée. 

Cependant  les  forces  diminuaient  de  plus  en  plus;  il 
ne  pouvait  plus  se  tenir  sur  pied  ;  quelques  jours  après, 
le  pouls  devint  fébrile.  Les  lèvres,  qu'il  avait  toujours  eu 
fort  pâles,  commencèrent,  la  supérieure  surtout,  à  se 
tuméfier,  et  à  prendre  une  couleur  noirâtre.  Je  me  dou- 
tai alors  que  quoique  j'eusse  pourvu  à  ce  qui  paraissait 
le  plus  urgent,  je  n'avais  point  saisi  le  véritable  état  de 
la  maladie.  Ce  fut  dans  le  même  temps  que  je  découvris 
que  l'enfant  avait  mangé  une  quantité  de  baies  rouges 
d'if.  Je  me  rappelai  aussi  que  l'humeur  rejelée  par  le 
vomissement,  et  qu'on  avait  alors  regardée  comme  du 
sang-,  était  d'une  couleur  d'orange  foncée,  et  que  par 
conséquent  elle  pouvait  bien  être  la  mucosité  des  baies 
de  l'if.  Celle  conjecture  paraissait  d'autant  plus  vraisem- 
blable, que  l'appétit  dont  il  manquait  quelques  jours 
auparavant,  était  revenu  immédiatement  après  le  vomis- 
sement. Aussitôt,  j'ordonnai  un  second  émétique,  des 
boissons  acides  et  des  vésicatoires.  Mais  un  extrême 
abattement  de  forces  survenu  tout  à  coup,  finit  par  en- 
lever le  malade  au  bout  de  seize  heures  ou  environ. 

A  l'ouverture  du  cadavre,  je  trouvai  l'estomac  un  peu 
tome  xxxi.  — -  mars  1870.  14 


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210  THERAPEUTIQUE. 

enflammé,  et  couvert  d'une  mucosité  noirâtre.  Il  y  avait 
aussi  dans  les  intestins  grêles  une  humeur  gélatineuse 
de  la  même  couleur,  qui,  selon  toutes  les  apparences, 
était  un  reste  des  baies  d'if  corrompues.  La  tache  à  la 
plante  du  pied  était  encore  rouge  ;  mais  l'épiderme  en  était 
enlevé,  et  l'on  n'y  voyait  aucun  vestig-e  de  blessure. 

La  maladie  avait  duré  environ  quatorze  jours.  Le 
malade  avait  eu  constamment  la  tête  libre,  jusqu'au 
dernier  moment  ;  et  lorsque  le  pouls  ne  se  faisait  plus 
sentir,  il  conservait  encore  sa  présence  d'esprit  ordi- 
naire. Une  heure  avant  de  mourir,  il  ne  pouvait  plus 
retenir  aucune  boisson. 

«  C'est  sans  doute  aux  baies  d'if  qu'il  faut  attribuer  la 
douleur  du  pied,  ainsi  que  les  taches;  car  toute  la  ma- 
ladie n'a  point  affecté  la  marche  d'une  fièvre,  et  on  ne 
connut  pas  plutôt  sa  nature  que  ses  effets  funestes. 

«  Les  effets  mortels  de  ce  poison  furent  aussi  prompts 
que  son  développement  avait  été  lent.  »  (1). 

«  Il  y  a  des  plantes  (par  exemple  les  baies  d'If),  dit  en- 
core Selle,  qui  occasionnent  quelquefois  des  taches  sem- 
blables aux  pétéchies,  quoiqu'elles  ne  soient  point  ac- 
compagnées de  fièvre,  elles  exigent  le  même  traitement. 
On  emploie  avec  le  plus  grand  succès  l'acide  vitriolique, 
après  avoir  évacué  les  restes  des  baies  qui  pourraient 
encore  se  trouver  dans  les  premières  voies.»  (2). 

(1)  0b$.  de  mêd.,  trad.  de  l'allemand,  du  Dr  Selle,  par  Coray.  Paris,  A. 
Crouilebois,  096,  8,  1"  obs.,  p.  4-4,  an.  Jean-George  Puihn,  Materia 
Venenaria  regni  teyetabilis.  Lipsiac,  ap.  C.  G.  Hilscherum,  I78o,  8,  p.  100, 
§  245.  Cfr.  H.  Percival  (de  Manchester),  Bill,  mcd.,  1808,  XXII,  90.  — 
Hartmann  (de  Francfort)  a  fait  l'autopsie  d'une  jeune  fille  qui  s'était 
empoisonnée  par  l'usage  d'un  décodé  do  feuilles  de  taxus  baccata,  à 
l'aide  duquel  elle  se  voulait  faire  avorter;  Noue,  liibl.  mcd.  1827,  II,  125. 
—  Heurtrel  d'Arboval  dit  avoir  vu  toutes  les  vaches  d'une  exploitation 
atteintes  d'hématurie,  pour  avoir  mangé  des  feuilles  d'if.  P.  Rayer,  f£x- 
pèrience,  t.  I,  5  mai  1838,  n°  37,  p.  577,  note  1. 

(2)  Mcd.  clin.,  ou  Man.  du  prat.,  trad.  de  l'allemand,  du  DrC.-G.  Selle, 


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DE  LA  PURPURA  IL43M 0 R R H AQ IC A . 


211 


Dans  le  tableau  que  S.  Hahnemann  a  fait  des  effets 
de  l'if,  j'aperçois  les  hémorrhag-ies  (une  dissolution  du 
coagulum  fibrineux  rouge)  et  les  pétéchies  (1). 

Quelques  traits  de  la  pathogénésie  de  la  Taxus  bac- 
cala  (2)  viennent  aussi  à  l'appui  de  la  proposition  que 
je  fais  en  ce  moment  pour  la  thérapeutique  du  morbus 
macufosus  Werlhofii. 

V. 

Notice  Bibliographique  de  la  Purpura  Hœmorrhagica. 

Werlhof  (Paul-Godefroy),  en  1735,  dans  A.  J.  H.  Jourdan, 
Biogr.  méd.  VIT,  49  i  et  Dezeimeris,  Dict.  hist.,  IV,  396;  — Rod., 
Aug.,  Behrens,  en  1735,  dans  Haller,  Meth.  st.  med.,  1751,  II,G53; 
—  Ploucquct,  Delineat,  s.  n.  III,  107  et  Lit.  1808,  II,  2-3,  au  mot 
Ecchymosis  spontanea,  sine  violentia  externa;  1 809,  V.  55  et  au  mot 
Haemorrhagia  universalis,  II,  255-56  :  IV,  421  :  V.  86  (bibl.)  ;  — 
Wolf  {de  Varsovie),  hist.  d'une  suffusion  hémorrhagique  plaquée 
dans  Bibliothèque  médicale,  5e  année,  t.  XVIII.  Paris,  1807,  8,  p. 
258-60  (chez  une  fille  de  11  ans  :  tamponnement  des  narines  avec 
de  la  charpie  imbibée  dans  une  dissolution  d'alun,  gargarisme  avec 
une  infusion  de  sauge  mêlée  de  vinaigre  et  d'eau-de-vie,  potion  avec 
l'eau  de  menthe,  de  cannelle,  la  mixture  d'acide  sulfurique,  le  lauda- 
num et  le  sïrop  d'écorces  d'oranges.  —  Lotions  avec  l'esprit-de-vin 
camphré,  et,  à  l'intérieur,  apozème  de  quinquina,  de  simarouba  et 
de  serpentaire  de  Virginie,  avec  éther  sulfurique  et  sirop  d'écorces 
d'oranges. —  Injection  d'un  fort  soluté  d'alun  dans  les  narines:  gué- 

par  Coray.  2«  édit.  française,  Montpellier,  Tourne!,  p.  et  f.,  an  3  (1795), 
8,  i,  I,  p.  148-49.  Je  note  l'emploi  de  l'acide  sulfurique,  qui  est  un  des 
médicaments  employés,  dans  les  deux  méthodes,  contre  le  morbus  ma- 
culosus  WerlhoGi. 

;  t)  Essai  sur  un  nouveau  principe  pour  découvrir  les  vertus  curatives 
des  substances  médicinales,  suivi  de  quelques  aperçus  sur  les  principes 
a'imis  jusqu'à  nos  jours  (1790).  Etudes  de  méd.  homœop.,  par  S.  H., 
2'  sér.,  2*  art.  Paris,  J.-B.  B.,  1855,  8,  p.  84,  et  l'Art  médical,  décem- 
bre 1855,  II,  478.  —  Taxus  baccata  me  parait  aussi  être  indiquée  dans 
le  traitement  de  la  forme  grave  de  l'ictère  essentiel,  si  je  considère  les 
effets  palhogénésiques  do  ce  poison  dans  les  écrits  de  S.  Hahnemann, 
de  Carminali,  de  Harmand  de  Montgarni. 

<3;  G.-H.-G.  Jahr,  N.  Man.,  4*  édit.,  18;  5, 1,  716-77.  . 


212  THEEAPEUTIQUE. 

rison  rapide)  ;  —  J.-Ii.  Demangeon,  Ibidem,  -200  (Bang,  Werlhof, 
Baehrens,  Klinge,  Consbruch  et  Henning  eités)  ;  —  Horst,  jeune, 
méd.  à  Cologne,  Obs.  sur  une  sutf.  hémorrh.  plaq.  (morbus  macu- 
losus  hacmorrhagicus  Werlhofii,  haeraorrhaea  petechialis;,  1808, 
XXI,  237-42  (chez  une  demoiselle  de  13  ans,  et  à  la  suite  d'un  re- 
froidissement :  guérison  au  bout  de  13  jours)  ;  —  Allemand,  Obs. 
sur  une  maladie  dans  laquelle  le  malade  rendait  le  sang  par  la  bou- 
che et  les  narines.  Annales  clin,  de  Montpellier,  n°83.  Novembre 
1809,  p.  259-64  (le  soir,  à  l'intérieur  de  l'une  des  joues,  couple  de 
pustules  noires,  dures  et  élevées,  d'où  coulait  le  sang  qui  était  rendu 
avec  de  la  salive  :  oxyerat  miellé  pour  gargarisme  :  l'hémorrhagie 
dura  toute  la  nuit.  Camphre  à  hautes  doses,  fort  décocté  de  quin- 
quina acidulé  et  gargarismes  de  même  nature,  vin  généreux,  fumi- 
gations de  gaz  acide  nitreux  dans  la  chambre,  lavements  d'eau  vi- 
naigrée le  3e  jour,  urines  teintes  de  sang,  le  4e  jour  hématurie,  le  5' 
jour  apparurent  les  pëtéohics  :  le  sang  coulait  toujours  par  la  bou- 
che et  par  les  urines  :  vin,  bouillon,  quinquina  en  décoction,  acides 
délayés,  camphre  :  —  amers  toniques  :  guérison  au  bout  de  1  7  jours. 
—  Kruegclstein,  sur  le  morbus  hacmorrhagicus  de  Werlhof.  Bi- 
bliothèque méd.,  181 1,  XXX11I,  392  (sur  trois  cas  deux  ont  été  pro- 
voqués par  une  irritation  vermincuse,  et  le  troisième  par  une  sup- 
pression brusque  de  la  transpiration)  ;  —  Boehrae,  Hist.  remarquable 
d'un  m.  m.  h.  Werlhofii,  1815,  XLIX,  205  (saignée,  purgatifs. 
Boehmc  employa  les  toniques  et  les  astringents  :  guérison)  ;  —  IIu- 
feland,  L,  390  :(«  Un  garçon  de  7  ans,  atteint  d'un  m.  m.  W., 
échappa  au  plus  grand  danger  par  l'usage  du  quinquina,  des  acides 
et  des  bains  d'écorce  de  chêne.  Chez  cet  enfant,  qui  auparavant  avait 
été  très  -  scrofuleux ,  la  maladie  du  système  sanguin  se  reporta, 
aussitôt  après  sa  guérison,  sur  le  système  lymphatique,  de  sorte  que 
l'état  scrofuleux  reparut)»;  — A.  de  Laudun,  1811,  XLIV,  382 
(acides  et  quinquina  triomphèrent  promptement  de  la  m.  t.  h  );  — 
IJ.  Latour,  Hist.  phil  et  méd.  des  causes  essentielles,  imméd.  ou 
proch.  des  Hémorrhagies.  Orléans,  Guyot  aîné,  1815,  8. 1. 1.  p. 
394-93,  obs.  -433  (aménorrhée  : —  rougeole,  purpura  haimorrh.)  : 
p.  390  obs.  -434,  t.  II,  p.  31,  obs.  471  (Lordat,  Hémorrhagie  tache- 
tée de  toute  la  peau,  après  un  mouvement  de  colère  ;  p.  134,  obs. 
592  (D.  Latour  lui-même)  ;  p.  178-79,  obs.  603  (Sporlius,  d'après 
Fabr.de  Hilden)  ;  p.  180-83,  obs.  004  (Horst  jeune,  que  j'ai  déjà 
cité);  p.  180,  obs.  007  (RiedhV;  p.  153,  obs.  590,  et  p.  187,  obs.  009 
(Don.  Monro);  p.  189-92,  obs.  011  (D.  Latour);  p.  192-93  (IX  La- 


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DR  LA  PURPURA  H/EMORRIIAGÏCA 


213 


tour};  p.  193,  obs. 613  (Vandcrmonde) ;  p.  197-98,obs.6l9(Horstius); 
p.  222-23,  obs.  629  (D.  Latour).—  Henning.  Exemples  du  m.  m.  de 
W.  chez  trois  enfants  :  Bibl.  méd.,  1818,  LXII,  397-98  (toniques  et 
aromatiques,  boissons  acidulées);  —  J.  D.  Rcuss,  Rep.  1818,  XIII, 
230  (bibliogr.) ;  — Tb.  Bateman,  Mal.  de  la  peau,  p.  1-47-37;  — 
Pittschaft,  Bibl.  méd.,  1820,  LXIII,  399-400  (deux  cas)  ;  —  F.  E. 
Fodéré,  Dict.  des  se.  méd.,  1820,  L,  219  (m.  dite  t.  h.  est  une  va- 
riété du  scorbut.  Bellefonds  cité);  —  Ségalas,  Obs.  d'une  exbalation 
de  sang  dans  1  épaisseur  de  la  peau  et  à  la  surface  des  membranes 
muqueuses  en  général.  Analysée  et  critiquée  par  de  Lens  dans  la 
Bibl.  méd.,  septembre  1820,  LXIX,  381-83  (chez  un  jeune  homme 
de  20  ans,  à  la  suite  d'un  refroidissement  :  une  saignée  était  indi- 
quée au  début;  elle  fut  suppléée  par  la  persistance  d'une  épistaxis 
et  d'une  hémoptysie  évidemment  actives  :  guérison); —  H.  Golfin, 
Obs.  sur  un  cas  de  m.  m.  h.  sthénique.  Ibid.  juillet  1821,  LXXIII, 
95-96  (successivement  traitée  par  les  purgatifs,  les  toniques,  les  as- 
tringents, les  antiscorbutiques,  les  acides  et  un  régime  très-nourris- 
sant, la  maladie  faisait  tous  les  jours  de  nouveaux  progrès  ;  régime 
anuphlogistique,  prompt  succès)  ;  —  Ch.  Grossi,  méd.  àMontericco, 
province  de  Reggio,  Obs.  sur  un  cas  très -grave  de  la  maladie  dé- 
crite par  Werlhof  soi'S  le  nom  de  m.  m.  h.  Ibid.  96  97  (asthénique  : 
acides,  toniques,  astringents,  rubéfiants  sans  effet;  l'opihm,  secondé 
par  l'emploi  du  camphre,  du  quinquina,  de  l'eau  de  cannelle  spiri- 
tueuse,  du  bon  vin  rouge  et  d'une  nourriture  animale  procura  la 
guérison); —  Bourgeois,  Obs.  sur  un  cas  de  mal.  dite  tachetée  hé- 
morrhagique  de  Werlhof.  Ibid.,  déc.  1822,  LXXVIII,  393  (ratania 
obtint  ici  un  succès  remarquable); —  de  Lens,  Ibid.,  394  (Vaidy 
cité;;  —  Mérat,  Appendices  du  Dict.  des  se  m.  1822,  LX,  1 13-14; — 
Jacques  Poilroux,  de  Castellane  ^Basses-Alpes),  Nouvelles  Recher- 
ches sur  les  Maladies  chroniques,  et  principalement  sur  les  affec- 
tions organiques  et  les  maladies  héréditaires.  Paris,  Crochard,  Poil- 
roux  neveu,  1823,  8,  p.  105;  — J.  A.  Rochoux,  Dict.  de  méd.  en 
21  vol.,  janvier  1827,  XVII,  451  ;  —  A.  P.  Isidore  Polinière,  Etudes 
din.  sur  les  émiss.  sang,  artificielles,  1827,  II,  796  805  (Sain le- 
Marie  et  Bellefonds  cités.  Cinq  obs.  :  1"  obs.  :  saignée  au  moment 
où  une  hémorrhagie  cérébrale  se  consommait  :  mort;  2*  obs.  :  huit 
sangsues,  saignée,  guérison  ;  3'  obs.  :  deux  sangsues,  guérison  ; 
4*  et  obs.  :  rubéfiants  cutanés,  boissons  douces  et  acidulés,  puis 
toniques  et  astringentes,  régime  très-analeptique,  guérison  dans  ces 
deux  cas  :  Polinière  a  suivi  les  indications  thérapeutiques);  L.  Ch. 


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214  THÉRAPEUTIQUE. 

Roche  et  J.  L.  Sanson,  N.  Elém.,  2*  éd.,  1828,  V.  616-18  (héma- 
célinose.  Gautier  Bellefonds,  Claude  Ch.  Pierquin  de  Gembloux 
(qui  a  donné  un  article  bibliographique  très-étendu  sur  la  p.  h. 
(Cal'isen),  P.  Rayer  cités,  ;  —  J.  F.  Lobstein,  Traité  d'Anatomie  pa- 
thologique, t.I.  Paris,  Strasbourg,  Levrault,  1820,  8,  p.  204,  209, 
210,  216,  §218,  252,  254,  261;  —  Louis  Pfeiffer,  Un.  Rep.,  1833, 
II,  36  37,  137;  J.  G.  Sabatier,  Considérations  thérap.  sur  le  P.  et 
son  traitement  :  Bull,  de  thér.,  VII,  105-11  ; --  Table  des  onze 
prem.  an.  delà  Revue méd.  Par.,  1 835,  p.  1 10;  —  Jean-Louis  Alibert, 
Monogr.  des  Dermatoses,  2*  éd.  Paris,  Germer-Buillière,  1835,  4, 
p.  720  27  (Dans  sa  Nosographie,  A.  se  servait  du  mot  Hématospilie  ; 
dans  ses  Dermatoses,  il  adopte  celui  de  Péliose,  il  doune  une  synony- 
mie étendue,  il  dit  que  c'est  le  morbus  UenosmîiQs  anciens,  le  molopas 
d'Aristote  et  de  Galien  (1),  il  cite  encore  Werlhof,  Behrens,  Bra- 
chet,  Duncan,  Adair,  Ferris,  Willan,  Austen.  Dans  le  cours  de  son 
travail,  A.  cite  S wediaur,  Buckhaave,  Plumbe,  rapporte  trois  obs., 
deux  lui  sont  personnelles,  et  préconise,  entre  autres  remèdes,  le 
décocté  de  quinquina  aiguisé  avec  l'acide  sulfurique);  H.  Lin d au, 
Un.  Reg,  183G,  p.  7  (bryonia,  rhus)  ;  —  Grandjean,  Un  mot  sur  le 
P.  H.  et  sur  son  traitement  :  Bull,  de  thér.,  1837,  XII,  258-60 
{trois  obs.  :  trois  guérisons);  —  Roth,  Clin.  Ilomœop.,  1838,  M, 
214-15,  obs.  2,925,  par  Muller  ^Rhus)  :  obs.  2,926,  par  Bethmann 
(ledum  palustre);— C.  W.  Hufeland,  Man.  de  Méd.  prat.,  trad.  par 
E.  Didier,  1838,  I,  5il-22,  —  Rûekert,  Traitera.  Ilomœop.  des  mal. 
de  la  peau.  Paris,  1838,  lre  p.,  ch.  XIII,  p.  149-54  (à  consulter  pour 
les  médicaments);  —  P.  Rayer,  Hématurie  avec  gravelle  d'acide 
urique,  suivie  de  pétéchies,  chez  un  colon  de  l'Ile  de  France.  Dans 
l'Expérience,  t.  1,  5mai  1838,  n°37,  p.  581-82  (?j;-  Emile  Percyra 
(tamponnement  des  fosses  nasales,  limonade  sulfurique  :  sulfate  de 
quinine,  sinapismes  aux  pieds  :  vésicatoires  sur  l'abdomen,  aux 
cuisses  :  guérison);  —  B.  C....y,  Journal  des  connaissances  médica- 
les pratiques  et  de  pharmacologie,  t.  VIII,  novembre  1840,  p.  33 

(1)  Castelli  Lexicon.  Genevœ,  ap.  fratres  de  Tournes,  1746,  4,  p.  505, 
au  mot  Molops.  —  J.-E.  Hebenstreit,  Exegesis  nominum  grœcorum,  quœ 
morbos  definiunt.  Leipzig,  1751,  4,  p.  330.  —  filancardi  Lexicon.  Lovanii, 
1754,  8,  I,  57  i,  au  mol  Molopes.  Ce  mot  désigne  los  pétéchies  qu'on  ob- 
serve dans  les  Gèvres  dites  malignes  et  pestilentielles.  Etienne  Blancard 
renvoie  au  mot  Enchymoma  (p.  353),  où  il  parle  des  tacbes  scorbu- 
tiques. 


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DE  LA  PURPURA  H/EMORRHAGICA.  215 

(mort) ;  —  Louis-Félix  Capitaine  (1),  Ibidem,  p.  33-3-i  (homme  de  35 
ans,  dans  le  service  de  Pierre-Marie  Honoré,  à  l' Hôtel-Dieu  de  Paris  : 
rirop  de  cachou  acidulé  ave;  de  l'eau  de  Rabel,  ergot  de  seigle  :  gué- 
rison  au  bout  de  deux  mois)  ;  —  E.  A.  J.  Berton,  Mal.  des  Enf., 
2*  éd.,  1812  p.  694;  —  L.  S.  Holtrop,  Bibl.  med.  ch.  Hag.  com., 
18-12,  p.  80  de  l'Index  System,  latin  us  (dix  auteurs  cités);  —  M.  S. 
Krikger,  Scripta  mcd.-chir.,  1842,  p.  334  (bibliogr.); — A.  Bouchar- 
dat,  Annuaire  de  Thér.,  p.  1843,  III,  166;  —  F.  Foy,  Formai .  des 
méd.  prat.,  4*  éd.,  1844,  p.  CXVII;  —  Jeun-Paul  Tessicr,  Cours  de 
Médecine  professé  à  l'École  pratique  de  Paris.  1"  année,  1843-1844 
(La  P.  H.  est  une  maladie  essentielle,  distincte  et  différente  du  ty- 
phus, de  la  fièvre  typhoïde  avec  pétéchies  et  du  scorbut.  On  a  em- 
ployé plusieurs  médications,  les  toniques,  les  saignées,  les  purgatifs 
et  une  méthode  mixte  :  il  faut  suivre  les  indications);  —  de  Nolhac 
(P.  H.  compliquée  de  fièvre  typhoïde;;  —  A.  Legrand,  le  Pourpre 
est  une  affection  générale,  et  c'est  a  tort  qu'on  range  cette  maladie 
parmi  les  affections  de  la  peau.  —  Un  mot  sur  son  traitement.  Bull, 
de  thér.,  1845,  XXIX,  200-204;  Journ.  des  conn.  m.  ch.,  sept. 
1845,  XXIII,  124  (chez  un  malade  atteint  d'un  pourpre  hémorrha- 
gique  essentiel,  Kouthier,  interne  du  professeur  Amiral,  ayant  ana- 
lysé le  sang,  a  constaté  une  diminution  marquée  de  la  fibrine  et 
une  diminution  dans  le  chiffre  des  globules.  L.  rapporte  deux  cas 
de  P.  symptomatique  suivis  de  mort,  et  un  cas  de  P.  essentiel  ter- 
miné par  la  guérison)  ;  —  A.  F.  Mordret,  Difficultés  de  diagnostic, 
Congestion  cérébrale.  —  Hémorrhagie  successive  des  principaux 
organes.  —  Mort  après  six  jours  de  maladie.  —  Souvenirs  médico- 
philo'ophiques  d'un  médecin  de  province,  suivis  d'observations. 
Paris,  J.-B.  Bailliêrc,  1845,  8,  obs.  n°  1,  p.  173-181  (Postillon,  âgé 
de  27  ans,  faisant  un  usage  immodéré  de  vin  et  de  liqueurs  alcooli- 
ques; congestion  cérébrale;  hémoptysie;  éruption  confluente  sem- 
blable à  de  larges  morsures  de  puces;  vomissements  et  selles  mé- 

(I)  Sur  ce  médecin,  trop  tôt  enlevé  à  sa  famille,  à  ses  amis,  à  la  science 
(né  le  21  août  1809,  mort  en  18H).  Cfr.  la  Notice  biographique  que  Ch. 
Martin»  a  insérée  dans  le  Journ.  des  conn.  méd.  prat.  et  de  pharmacol., 
i.  Mil,  février  1841,  p.  150-51,  et  le  discours  prononcé  au  nom  de  la 
Faculté  de  médecine  de  Paris,  sur  la  tombe  de  M.  L.-F.-C,  par  A.  Bou- 
cturdat,  agrégé  de  la  Faculté,  Ibid.  p.  160.  —  Journ.  des  conn.  mèd.-chir., 
par  H.  Gouraud,  J.  Lebaudy,  A.  Trousseau,  février  1841,  XIII,  88.  — 
Pour  les  articles  que  L.-F.  Capitaine  a  insérés  dans  le  Journ.  des  conn. 
w.  pr.  et  de  pharmacol.,  Cfr.  la  Table  générale  des  matières  contenues  dans  les 
dix  premiers  volumes  (1833-1843).  Paris,  1844,  p.  8. 


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216  THKRAPEUTIQU  k  . 

langés  d'une  assez  grande  quantité  de  sang  noir  ;  hématurie;  surface 
du  corps  recouverte  de  taches  pourpres  noirâtres,  larges  comme  des 
lentilles  (pétéchics);  trois  saignées;  boissons  astringentes,  acidulées 
avec  l'acide  sulfurique.  —  C'est  bien  là  un  cas  de  morbus  maculosus 
Werlhofii,  de  maladie  tachetée  hémorrhagique  de  Werihof)  ;  — 
L.  Vesin,  Quelques  réflexions  sur  le  Pourpre,  considéré  comme 
affection  générale  et  sur  son  traitement.  Bull,  de  thér.,  XXIX, 
548-52  (Behrens,  Werihof,  Zeller,  Aaskowh,  Rayer,  Legrand,  cités. 
Vesin  dit  que,  s'il  existe  des  cas  de  pourpre  avec  diminution  de 
la  fibrine,  il  en  existe  aussi  sans  diminution  ou  même  avec  aug- 
mentation de  ce  principe.  1  obs.  de  V.  :  tamponnement  des  fosses 
nasales,  boissons  acidulées  avec  l'eau  do  Rabel,  quinquina,  opium, 
ratania  :  plus  tard,  eau  de  Seltz,  vin  de  Bordeaux,  infusé  de 
houblon,  ferrugineux,  régime  tonique.  Au  bout  de  deux  mois,  nou- 
velle hémorrh.  nasale  :  pouls  fréquent,  dur;  saignée  suivie  de  plu- 
sieurs autres  :  guérison  ;  il  existe  des  pourpres  sthéniques  et  des  p. 
asthéniques  (Bateman,  Parry,  Rayer); — A.  Grisolle,  Path.,  1, 
648-51;  —  J.  Moore  Neligan.  Traitement  du  P.  II.  par  l'huile 
essentielle  de  térébenthine,  Jour,  des  conn.  m.  ch.,  mai  1846, 
XXIV,  207-208  ;  Rev.  méd.-chir.  de  Paris,  janvier  1847,  1,  40-41; 
Bull,  de  thér.,  XXXII,  157;  Annuaire  p.  1848,  par  Bouchardat. 
Paris,  Germer-Baillière,  VIII,  «7  ;  —  Boureau,  Quelques  réflexions 
pratiques  sur  le  Pourpre  hémorrhagique  et  son  traitement.  Bull,  de 
th.,  XXXII,  388-91  ;  —  Conradi,  Journ.  d.  conn.  m.  ch.,  mai  1848, 
XXVIII,  205-200  (élixir  acide  de  Haller,  quinquina.  P.  II.  et  P.  ur- 
ticans  :  quinquina,  eau  de  Rabel,  ferrugineux  :  camphre,  quinquina, 
élixir  de  Mynsicht,  topiques  aromatiques,  cautérisations  avec  la 
pierre  infernale);  —  A.  Costes  (de  Bordeaux),  hist.  crit.  et  philos, 
de  la  doctr.  physiologique.  Paris,  G.  Baillièrc,  1849.  8,  p.  156-58 
(Objections  de  Brachet  contre  le  système  de  Broussais  dans  son  ap- 
plication au  m.  m.  W);  — R.  Krebel,  Gesch.  des  Scorbuts.  St-Pe- 
tersb.,  1849.  8,  p.  109  (Th.  Coycock  cité);  —  Lossetti,  Journ.  d. 
conn.  m.  ch.,  février  1849,  XXXII  (lisez  XXX),  73  (sept  saignées  : 
guérison  :  heureux  accouchement;;  —  F.  Hartmann,  Thér,  hom. 
des  mal.  aig.,  1850,  II,  231-32  (bryon.,  bell.,  acon.,  arn.,  ledum., 
rhus,  sec.  corn.,  phosph.,sulphurisacidum,  kreosotum,  arsenicum). 
Lucas-Championnièrc,  Table  an.  des  vingt  premiers  vol.  du  Journ. 
de  m.  et  de  chir.  prat.  Par.,  1850,  p.  51 1-12,  art.  248, 2,506,  3,510; 
—  Essai  avec  l'acide  gallique  dans  le  traitement  du  P.  H.,  Bull,  de 
thér.,  1851,  XL,  379-80  :  Gfr.  la  page  426  où  se  trouve  rectifiée  une 


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DE  LA  PURPURA  H^MORRHAQICA.  217 

erreur  qui  s'était  glissée  dans  une  formule  :  Journ.  des  conn.  m.  ch., 
1"  nov.  1851,  XXXIV,  601-602  :  Annuaire  p.  1853,  par  Bouehar- 
dat,  XIII,  188;  —  Grantham,  Bons  effets  de  l'acide  gallique  dans  le 
P.  H.  Bull,  de  thér.,  30  novemb.  1853,  XLV,  475-76,  et  Annuaire 
p.  1854,  par  Bouchardat,  XIV,  215  (trois  cas  :  trois  guérisons)  ;  — 
F.  Rilliet  et  E.  Barthez,  Mal.  des  enf.,  2e  éd.,  1853,  II,  314-35  : 

1854,  III,  100-101  ;  —  F.  L.  J.  Valleix,  Guide  du  méd.  prat.,  3*  éd. 
1851,  V,  290-96;  —  G.  H.  G.  Jahr,  N.  Man..  6«  éd.,  1855,  II,  138 
(bryon.,  rhus,  coccin.,  iod..  led.,  sec.  corn.);  —  Ch.  Meaux  Saint- 
Marc,  Tables  alphab.  des  cinquante  volum.  de  la  lr°  série  (1829  à 
1853). des  Annales  d'hyg.  publ.  et  de  Méd.  lég.  Paris,  J.  B.  B., 

1855,  8,  p.  73  ;  —  E.  Bouchut,  Mal.  des  n.  nés.,  3e  éd.,  1855,  p. 
652^ P. sunplex  dans  la  rougeole  hémorrhagiquc) ;  — A.  Marfan, 
Pseudo-croup.  Purpura  hœmorrhagica .  —  Albuminurie.  Ann.  clin, 
de  Montpellier  par  Alexis  Alquié,  10  juin  1855,  III,  105-107  (quin- 
quina, ratania);  —  Georges  Willis;  —  Hunt,  Annuaire  p.  1857 
par  Noirot,  I,  278-79  (Lorsque  la  P.  dépend  d'un  état  de  faiblesse 
générale  ou  d'une  alimentation  insuffisante,  recourir  aux  analepti- 
ques et  aux  astringents;  quand,  sans  cause  apparente,  chez  des  su- 
jets sains  et  robustes,  survient  la  P.  avec  des  hémorrhagies  qui  en- 
traînent souvent  la  mort,  il  faut  faire  vomir  fréquemment  le  malade. 
—  Les  pétéchies  qui  s'observent  dans  la  fièvre  typhoïde  et  les  fièvres 
éruptives  exigent  l'emploi  des  acides  minéraux,  de  la  quinine  et  des 
analeptiques);  —  Alph.  Devergie,  Traité  prat.  des  mal.  de  la  peau. 
2*  éd.,  1857.  p.  323-30. 

Jules  Bouteiller,  Table  des  Bull,  de  la  Soc.  anatomique  de  Paris, 
1857,  p.  203;  —  Linck,  Morb.  H.  W.  Revue  internationale  de  la 
doctrine  homœopathique  par  Jorez.  Bruxelles,  Tircher,  8,  an., 
octobre  1857,  p.  63-64  (chez  un  garçon  de  8  ans  :  rhus,  acid.  suif, 
dilué  :  guérison  au  bout  de  douze  jours)  ;  —  Pingault,  Obs.  de  P. 
H.,  ou  de  m.  m.  h.  Annuaire,  par  A.  Cavasse,  lre  an.  1857, 1,  148 
(astringents  et  toniques)  ;  — Charcot,  P.  H.  et  tuberculisation  aiguë, 
Ibidem,  165;  —  Péan,  P.  IL  congénitale.  Apoplexie  du  thymus.  Ibid. 
2*  an.  1858,  II,  173  (les  taches  existaient  sur  toute  la  peau  et  les  m. 
muqueuses.  Mort  en  quelques  jours);  —  Habershon,  Ann.  p.  1859 
par  Noirot,  III,  188-93  (P.  simple,  P.  hémorrhagique  qui  se  ratta- 
chent à  une  affection  de  la  rate  ou  du  foie  :  P.  érythématique  et 
urticans,  résultant  d'un  état  d'hyperémie  aiguft  de  la  peau  :  P.  con- 
gestif  qui  s'observe  dans  les  affections  du  cœur  :  P.  pétéchial,  dans 


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218  THÉRAPEUTIQUE. 

le  typhus  et  la  fièvre  typhoïde.  Etude  de  l'altératioa  de  la  rate  dans 
deux  cas  de  P.  II.);  —  L.  V.  Duchesne-Duparc,  Dermatoses,  p.  373- 
77  ;  —  Ch.  Caillaut,  Mal.  de  la  Peau  chez  les  Enfants,  1859,  p.  219- 
56;  —  De  l'emploi  du  perchlorure  de  fer  dans  le  traitement  du  P. 
H.  et  de  son  action  sédative  sur  le  cœur,  par  Pize.  —  Rapport  de 
Marie-Guill.- Alphonse  Devergie  (Académie  I.  de  médecine,  22  mai 
1870^  dans  Annuaire  par  Cavasse,  4a  ann.,  1860,  IV,  268-70;  — 
Séances  de  l'A.  I.  de  m.  du  29  mai  et  du  5  juin  1860,  Blacho  lit 
une  note  dans  laquelle  il  revendique,  en  faveur  de  Thierry  et  De- 
leau,  la  priorité  de  l'emploi  du  perchlorure  de  fer  dans  le  traite- 
ment du  P.  H.  —  Devergie  refuse  la  priorité  à  Deleau.  Ibidem,  p. 
270;  —  Trousseau  examine  la  question  de  thérapeutique  spéciale 
soulevée  par  Pize,  p.  270-71  ;  —  Séances  du  12  et  du  19  juin  :  De- 
vergie dit  que  les  doutes  élevés  par  Trousseau  à  l'égard  de  l'effica- 
cité du  perchlorure  de  fer  dans  le  traitement  du  P.  H.  sont  dénués  de 
tout  fondement,  p. 271;  —  Piorry,  en  1857,  a  administré  avec  succès 
le  perchlorure  de  fer  à  des  malades  atteints  de  P.  H.  :  il  prescrivait 
en  même  temps  les  sucs  d'herbes,  p.  275;  sur  l'emploi  du  perchlo- 
rure de  fer  contre  la  purpura,  Cavasse  (p.  282)  cite  les  observations 
publiées  par  Argoing,  Zane,  Mazaé,  Azéma,  Lizé,  Mignot,  Souf- 
flet, Sassicr,  Bertet,  Pons;  —  Huet,  Ibidem,  p.  282  (petite  épi- 
démie de  P.  à  la  prison  des  jeunes  détenus  :  le  perchlorure  de  fer 
n'amenait  pas  une  guérison  plus  sûre  ou  plus  rapide  que  les  toni- 
ques en  général;  —  Fernandez-Meunilla,  quelques  réflexions  sur 
une  épidémie  de  P.  observée  à  l'hôpital  militaire  de  Lille,  en  1860  : 
An.  Ann.  p.  Cavasse,  IV,  282-83  (antiscorbutiques  purs  doivent 
avoir  le  pas  sur  tous  les  autres  agents;  le  perchlorure  de  fer  n'a  pas 
une  puissance  d'action  plus  grande  que  celle  des  simples  ferrugi- 
neux); —  Léo  de  Perry,  quelques  considérations  sur  le  P.  II.  idio- 
pathique  (m.  t.  h.  de  W.,  m  m.  h.  W.)  Ibid.,  p.  283  (d  après  Buc- 
quoy  :  seule,  la  P.  H.  idiopathique  correspond  à  la  maladie  appelée 
par  Werlhof,  morbus  maculosus.  La  P.  ne  reconnaît  pas  seulement 
pour  cause  l'affaiblissement  produit  par  les  privations,  les  chagrins 
ou  une  mauvaise  hygiène,  on  le  rencontre  au  moins  aussi  fréquem- 
ment chez  les  sujets  jeunes,  vigoureux  et  dans  la  plénitude  de  la 
santé  :  c'est  à  tort  qu'on  admet  dans  la  P.  une  altération  constante 
du  sang,  elle  manque  souvent,  surtout  au  début  de  la  maladie  ; 
quand  elle  existe ,  tantôt  c'est  la  déhbrination ,  tantôt,  au  con- 
traire, un  état  tout  opposé,  correspondant  à  la  pléthore.  Ce  earac- 


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DE  LA  PURPURA  H^MORRHAGICA.  219 

• 

tore  différencie  la  P.  du  scorbut,  dans  lequel  l'altération  consiste 
dans  letat  de  dissolution  (1)  :  dans  un  certain  nombre  de  cas,  la 
P.  H.,  accompagnée  de  lièvre,  a  la  plus  grande  analogie  avec  les 
fièvres  éruptives  (Purpura  exanthématique)  :  le  traitement  de  la 
P.  H.  repose  sur  deux  indications  principales,  qui  résultent  de  la 
nature  sthénique  ou  asthénique  de  la  maladie);  —  Worms,  obser- 
vations de  P.  Ibid.,  283  (trois  obs.  :  un  cas  simulait  dans  son  inva- 
sion le  rhumatisme  articulaire  aigu  :  l'hémorrhagie  sous-cutanée 
détermina  la  mortification  des  ecchymoses).  —  Japhet,  du  P.  H.  de 
nature  rhumatismale.  Ibid.,  283-84.  (  «  Un  homme,  au  quatrième 
jour  de  l'invasion  d'un  rhumatisme  articulaire  aigu,  a  présenté  des 
taches  ecchymotiques  qui  ressemblaient  à  celles  de  la  P.,  dont  cet 
homme  ne  présentait  auparavant  aucune  trace  »);  —  Dubourg,  Mé- 
moire sur  la  P.  H.  mentionné  dans  l'Art  médical,  février  1861, 
XIII,  156;  —  Raige-Delorme,  Ch.  Daremberg,  N.  Dict.  iexicogr., 
1851-1863,  p.  1102;  — F.  Barrier,  Traité  pr.  des  mal.  de  l'en- 
fance, 3*éd.,  Paris,  Lyon,  1861,  8,  p.  591-97;—  Alfred-Marie  Fou- 
cart,  P.  H.;  emploi  du  perchlorure  de  fer,  non  suivi  de  succès.  Ann. 
par  A.  Jamain  et  A.  Wahu,  1861,  XVI,  56  (deux  cas,  dont  un  ter- 
mine par  la  mort)  ;  -  A.  Espanct,  Mat.  méd..  Par.,  1861,  p.  768 
(rhustox.);  —  Robert- James  Graves,  Clin.,  II,  502-19.;  —  Bons 
et  rapides  effets  du  perchlorure  de  fer  dans  le  P.  H.  Bull,  de  thér., 
30  août  1863,  LXV,  180-82;  —  C.  baron  de  Bœnninghausen,  Les 
Aph.  d'Hippocratc ,  accompagn.  des  glose9  d'un  homœopathe, 
trad.  de  l'allem.,  par  Mouremans.  Paris,  J.-B.  Baiilière  et  fils, 
1864,  8,  t.  II,  p.  27, 1.  VI,  aph.  20  (arnica,  sulfuris  acidum);  — 

(1)  Un  médecin  célèbre  (Lindj  a  saigné  des  malades  dans  les  diverses 
périodes  du  scorbut  do  mer,  et  le  sang  lui  a  toujours  paru  conserver  sa 
tendance  à  la  coagulation,  ot  n'a  pas  donné  plus  de  signes  de  putridité 
que  celui  des  personnes  attaquées  de  pleurésie.  Reid,  Phth.  pulm.  Lyon, 
1792,  p.  7-2-73.  —  Pierre  Frank  cile  deux  cas  d'épistaxis  scorbutique  : 
deux  saignées  furent  pratiquées  chez  chacun  de  ces  deux  malades,  et 
le  sang  présenta  la  couenne  phlogistique,  Mèd.  pral.,  trad.  par  Gouda- 
reau.  III.  2S2-83,  §  590.  —  Deyeux  et  Parmenlier,  cités  par  Louis-René 
Lecanu,  Éludes  chimiques  sur  le  sang  humain.  Th.  de  doctorat,  Paris, 
1837,  p.  38  ;  Budd  en  18'»U;  Becquerel  et  Rodier  en  1847.  —  Ritchie  et 
Buchanan,  dans  l  Union  mid.;  1847,  n°«  127  et  14t.  —  P.  Joussel  (1, 149) 
remarque  que  Becquerel  et  Rodier  ont  opéré  sur  des  cas  de  scorbut  à 
la  première  période,  tandis  que  M.  Andral  a  analysé  le  sang  de  scorbu- 
tiques très-avancés.  L'altération  du  sang  ne  saurait  être  la  cause  du 
scorbut,  puisqu'elle  n'apparaît  que  dans  les  dernières  périodes. 


220  THÉRAPEUTIQUE. 

Armand  Trousseau,  Clin.  mért.  de  l'Hôtel-Dieu  de  Paris,  V  éd. 
1865, 1,  148-49,  6#  lec.  (Purpura  dans  la  rougeole  se  présente  sous 
une  forme  bien  différente  du  morbus  hœmorrhagicus  de  Werlhof, 
très-différente  du  P.  aigu,  tel  que  nous  le  connaissons  :  un  cas  de 
rougeoie  avec  purpura)  :  HT,  36,  leçon  66»  (Purpura  dans  la  dys- 
pepsie); —  Vepan;  —  E.  Bouchut  et  Armand  Després,  Dicl.  de 
thér.  m.  etclûr.,  Paris,  Germer-Baillière,  1867,  gr.  in-8,  p.  1248; 
—  Henaidt  ;  —  Baudon,  P.  H.  guéri  rapidement  par  le  perclilorure 
de  fer.,  Bull,  de  thér.,  29  février  1868,  LXXIV,  174-76;  —  Tables 
des  Arch.  gén.  de  méd.  table  IV  (de  1838  à  1842),  p.  36  :  table  V 
(de  1843  à  1852),  p.  82  :  table  VI  (de  1853  à  1862),  Paris,  P.  As- 
selin,  1868,  p.  63;—  P.  Jousset,  Elém.  de  méd.  pr.,  1868, 1,  155-59 
(Phosphorus,  Belladona,  Lachesis,  Ferrum  percbloricum,  Thlaspi 
bursa  pastoris,  Millefolium,  Aconitum,  Secale  cornutum.  Injec- 
tions avec  le  perclilorure  de  fer,  tamponnement  avec  de  la  ebarpie 
imbibée  de  ce  Liquide  :  ce  sel  doit  être  mêlé  à  l'eau  dans  la  propor- 
tion d'un  dixième.  —  Les  c  altérations  du  sang  varient  avec  la  pé- 
riode de  la  maladie.  Dans  les  premiers  temps,  il  y  a  augmentation 
de  fibrine;  plus  tard,  la  proportion  d'eau  augmente  considérable- 
ment, la  fibrine  diminue  et  finit  même  par  disparaître  complète- 
ment (Hérard.)  »  ;  —  J.-B.  Baillière  et  fils,  Cat.  gén.  des  Livres  de 
méd.,  juillet  1869,  p.  66,  94.  (G.-G.  Bauer(1828),  Brevet  (1843;, 
cités);  —  Charles  Ravel,  La  Chélidoine  (Chelidonium  majus)  ne 
serait-elle  point  quelquefois  indiquée  dans  la  Purpura  Hœmorrha- 
gica,  dans  la  forme  grave  de  l'ictère  essentiel  et  dans  la  fièvre 
jaune?  L'Art  médical,  t.  XXXI,  janvier  1870,  p.  70-76  et  à  part, 
Paris,  typ.  A.  Parent,  1870,  in-8«,  8  pages.        Charles  Ravel. 

ERRATUM.  —  Page  156  du  numéro  de  février  :  à  la  4e  avant- 
dernière  ligne  du  texte,  lire  visible  au  lieu  de  visible. 


ETUDES  DE  THÉRAPIE  ÉLECTRIQUE. 

—  7  e  ARTICLE  (1).  — 

Nous  avons  parlé  dernièrement  du  transport  des  sub- 
stances mises  en  action  dans  le  courant  fluidique  et,  par 

(1)  Voir  l'Art  médical  de  juin,  juillet,  août  4866,  mars  1867,  février 
1869  et  février  1870. 


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ÉTUDES  DE  THÉRAPIE  ELECTRIQUE.  221 

conséquent,  des  médicaments.  Donnons-en  de  suite  un 
remarquable  exemple  en  faisant  l'histoire  complète  et 
encore  inédite  de  l'eau  électrisée  avec  de  l'or,  qui  sera 
du  reste  à  sa  pince  légitime;  car  nous  aborderons 
aussitôt  après  le  traitement  des  maladies  par  l'électri- 
cité statique  animalisée,  ou  mieux  vitalisée,  d'autant 
plus,  que  cette  eau  constituera,  nous  l'espérons,  une  des 
principales  ressources  thérapeutiques,  bue  même  en  de- 
hors de  la  machine  de  rotatien. 

PRODUIT  d'ÉLECTRISATION  STATIQUE. 

[Nouvel  or  potable.) 

Quelque  étrange  que  puisse  paraître  ce  titre,  le  fait  si 
important  de  la  cure  de  maux  réputés  incurables  n'en 
restera  pas  moins,  revendiquant  une  vérité  et  s'étayant 
d'un  souvenir.  Aussi  ne  craignons-nous  pas  d'annoncer 
la  découverte  de  cette  sorte  de  polychreste,  croyant  que 
le  scepticisme  railleur  n'aurait  que  faire  devant  la  ma- 
jesté du  vrai,  d'où  qu'il  vienne,  de  l'art  comme  de  la 
nature.  Qu'on  nous  pardonne  donc  de  ne  pas  suivre  les 
lois  connues  de  la  science  à  l'endroit  de  la  genèse  de 
notre  médicament,  qui  rappelle  une  panacée  du  moyen 
âge;  à  ce  propos,  il  ne  sera  pas  sans  intérêt  de  rap- 
peler ce  qu'était  la  puissance  formale  d'après  les  anciens 
philosophes,  pour  comprendre  le  premier  être  des  corps, 
et  en  induire  l'or  naissant. 

Opinions  des  anciens  sur  la  nature  des  corps  (i).  —  «  A 
l'inverse  des  idées  nettement  exprimées  dans  les  éléments 
de  pharmacie  de  Baumé,  Paris,  1797;  dans  Y  Encyclopédie 
de  Vorrepicrre,  et  dans  tant  d'autres  traités  plus  ou  moins 

[1)  Nous  devons  encore  5  l'obligeance  de  M.  le  Dr  Blanc  cette  note 
substantielle  inédite. 


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222  THERAPEUTIQUE. 

modernes  (1),  tous  les  anciens  philosophes  sont  d'avis 
unanime  que,  pour  extraire  de  l'or  sa  véritable  teinture, 
il  faut  d'abord  ouvrir  ce  métal,  puis  le  disoudre  dans 
un  dissolvant  de  même  nature  que  lui  et  nullement 
corrosif.  Pour  mieux  attester  l'absence  de  corrosivité  de 
ce  dissolvant,  l'un  d'eux  va  jusqu'à  dire  que  l'artiste 
peut,  sans  inconvénient,  opérer  cette  dissolution  dans  le 
creux  de  sa  main.  Or,  une  doclrine  suivie  et  professée 
sans  exception  par  les  chimistes  philosophes  de  diver- 
ses époques  et  dilférents  pays,  mérite  le  respect  des 
hommes  sensés,  et  il  paraît  bien  étrange  que  la  plupart 
de  nos  savants  modernes  se  soient  jetés  dans  la  contro- 
verse avec  une  si  téméraire  légèreté.  Pour  se  ranger  de 
notre  côté,  il  n'est  besoin  que  de  considérer  le  grand 
nombre  d'illustrations  de  plus  d'un  genre  que  l'on 
compte  parmi  les  adeptes  ou  ceux  qui  aspirent  à  l'être  ; 
il  suffît  de  citer  Albert  le  Grand,  saint  Thomas  d'Aquin, 
son  disciple,  Raymond  Lulle,  le  plus  profond  logico- 
méthodisle  qu'on  ait  jamais  vu,  qui,  après  s'être  arraché  à 
la  cour  du  roi  de  Minorque,  où  il  vivait  dans  le  faste  et 
les  plaisirs,  devint  missionnaire  ardent  et  martyr;  Van 
Helmont,  qui  au  détriment  de  l'éclat  et  des  prérogatives 
de  sa  noblesse,  des  richesses  qui  devaient  lui  échoir,  et 
môme  de  l'affection  des  siens,  persista  dans  son  amour 
pour  la  haute  chimie;  Géber  l'inventeur  de  l'algèbre; 
Avicenne  et  Rhazès  dont  les  noms  sont  liés  à  l'histoire 
de  la  médecine;  Duchenne  de  la  Violette,  médecin  du  roi 
Henri  IV;    David  de  Planiscampy,    chirurgien  de 
Louis  XIII;  le  comte  Bernard  de  Trêves,  Jean  d'Espa- 
gnet,  président  du  parlement  de  Bordeaux,  etc. ,  etc.,  pour 
convaincre  lo  lecteur  que  la  vraie  teinture  d'or  des  phi- 
losophes n'est  point  une  fable.  Car,  comment  supposer 

(i)  Nous  laissons  à  M.  le  D'  Blanc  toule  la  responsabilité  des  opinions 
qu  il  émet,  et  de  toute  doctrine  ou  hypothèse  admise  ici  sans  démons- 
tration suffisante.  (Note  de  la  rèdact.) 


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ÉTUDES  DE  THERAPIE  ELECTRIQUE.  223 

que  de  tels  hommes  se  soient  tous  accordés  à  pour- 
suivre une  chimère  issue  de  la  crédulité  et  de  l'igno- 
rance? 

«  D'un  autre  côté  les  notices  biographiques  émanées 
de  contemporains  dignes  de  foi,  relatent,  au  sujet  de 
l'or  potable,  des  cures  aussi  surprenantes  que  nom- 
breuses, devant  lesquelles  pâlissent  celles  que  le  docteur 
Chrestien  obtenait  de  son  or  préparé  selon  les  procédés 
ordinaires  de  la  chimie.  Sans  parler  de  tant  d'autres 
adeptes,  ces  notices  affirment  les  guérisons  opérées  par 
d'Espagnet  dont  elles  élèvent  le  chiffre  à  trois  mille, 
nombre  qui  étonne  quand  on  considère  que  ce  président 
du  parlement  n'avait  pas  toujours  le  loisir  de  s'occuper 
des  malades.  Mais  c'est  assez  d'exemples.  Venons-en  à 
la  matière  et  à  la  forme. 

Matière  et  forme  des  corps.  —  «  Le  simple  bon  sens 
oblige  à  admettre,  en  tout  être  organisé  vivant,  un  dy- 
namisme occulte,  ne  se  manifestant  sensiblement  que 
par  la  matière  qu'il  assujettit  à  son  type,  dynamisme 
nommé  pas  beaucoup  forme,  puissance  formate,  arc/iée. 
Cette  puissance  de  forme  n'est  pas  toujours,  avec  la  ma- 
tière servant  à  sa  manifestation,  en  acte  dans  des  pro- 
portions identiques.  Dans  les  germes,  la  première  est 
prépondérante  ;  mais,  une  fois  que  leur  développement 
nutritif  les  a  transformées  en  espèces  accomplies,  la 
puissance  formale  est  saturée  par  la  matière  qui  la  ma- 
nifeste. Parvenues  à  ce  point,  ces  mômes  espèces  ne  de- 
meurent pas  à  l'état  stationnaire,  mais,  obéissant  à  une 
loi  générale  de  la  nature,  subissent  une  modification  in- 
cessante, en  vertu  de  laquelle  la  matière  de  l'agrégat 
acquiert  une  plasticité  progressive,  cause  d'inactivité, 
en  même  temps  que  le  dynamisme  de  sa  forme,  perdant 
graduellement  de  sa  puissance,  finit  par  ne  plus  pou- 


224  THÉRAPEUTIQUE. 

voir  lier  et  assujettir  les  parties  matérielles  qui  lui  ser- 
vent de  manifestation  et  de  réceptacle.  Alors  ces  parties, 
dégagées  des  forces  organiques,  rentrent  dans  le  do- 
maine des  affinités  chimiques,  se  disséminent,  et  pour- 
ront servir  de  récipients  à  de  nouvelles  puissances  for- 
males,  ce  qui  a  fait  dire  à  François  de  Soucy  sire  de 
Gerzan,  médecin  de  Henri  de  Lorraine:  «La  génération 
n'est  pas  autre  chose  que  l'introduction  d'une  nouvelle 
forme  dans  la  matière.  » 

«Ainsi  donc,  dans  l'ordre  naturel,  la  puissance  for- 
male  des  substances  organiques  accomplies  tend  gra- 
duellement à  perdre  son  empire  sur  la  matière  qui  lui 
est  asservie,  mais  l'art  de  la  spagyrie  peut  imprimer  une 
inarche  rétrograde  et  ramener  en  ces  substances  la  pré- 
dominance de  la  forme.  A  l'aide  de  cet  art,  on  obtient  la 
desagrégation  philosophique  ou  corruption  (mot  dérivé 
de  rumperc  cum),  exprimant  la  rupture  du  lien  cohésif 
qui  unissait  les  molécules  les  unes  avec  les  autres,  la- 
quelle corruption  fait  séparer  la  matière  impure  sous 
forme  de  fèces,  des  parties  pures  et  incorruptibles,  en 
lesquelles  réside  toute  la  puissance  formale. 

«  Alors  la  substance  ainsi  ennoblie  par  l'art,  est,  selon 
le  langage  des  philosophes,  réduite  à  son  premier  être, 
ramenée  à  Y  état  potentiel,  par  opposition  à  celui  de  la 
manifestation  en  acte,  pendant  lequel  la  forme  était  en- 
chaînée et  saturée  par  la  matière.  Quand  la  substance 
ainsi  élevée  en  perfection  appartient  à  la  médecine,  elle 
constitue  le  médicament  spagyrique,  forma  pollens,  non 
materia,  qui,  en  raison  du  départ  de  ses  impuretés,  s'est 
affranchi  de  tout  ce  qui  pouvait  exister  en  lui  de  véné- 
neux ou  acre,  et  ne  se  compose  que  des  parties  essentiel- 
les, balsamiques,  au  direde  l'école  ;  qui,  en  outre,  sous  le 
rapport  de  sa  forme  médicatrice,  laisse  bien  loin  der- 
rière lui  les  produits  pharmaceutiques. 


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ÉTUDES  DE  THÉRAPIE  ÉLECTRIQUE.  025 

<»Ce  que  nous  venons  d'exposer  touchant  les  deux  rè- 
gnes organiques  doit,  selon  l'enseignement  unanime  des 
hermétiques,  s'appliquer  également  au  minéral,  bien  que, 
dans  un  très-grand  nombre  d'espèces  de  ce  règne,  les 
modifications  graduelles  se  dérobent  à  l'investigation  de 
l'homme,  soit  par  les  corps  opaques  qui  les  recouvrent, 
soit  par  la  densité  et  la  résistance  de  la  matière  qui  les 
compose,  deux  propriétés  en  vertu  desquelles  ces  modi- 
fications sont  tellement  lentes  et  insensibles  que  la 
science  fluidique  transcendentale,  ou  autrement  la  phi- 
losophie corpusculaire  est  seule  capable  de  les  appré- 
cier et  percevoir,  pendant  que  la  science  officielle  consi- 
dère lesdites  espèces  comme  jouissant  en  leur  état  de  la 
fixité  absolue. 

«L'or  en  germe.  — Voulant  éviter  les  longueurs,  nous 
laisserons  de  côté  des  détails  particuliers,  et,  nous  con- 
formant à  cet  adage  connu  :  ab  uno  disce  omnes,  nous 
aborderons  exclusivement  notre  sujet  actuel  qui  est  l'or. 
Pour  cela  faire,  invoquons  de  nouveau  la  doctrine  des 
alchimistes,  qui  tous  enseignent  qu'avant  d'être  métal 
mûr,  l'or  existait  à  l'état  de  germe;  que  ce  germe  s'est 
développé  en  absorbant  et  transmutant  en  sa  propre 
nature  diverses  substances  minérales,  et  en  même  temps 
a  graduellement  acquis  une  densité  croissante  jusqu'à 
ce  que,  passant  de  l'état  potentiel  à  celui  de  la  manifesta- 
tion en  acte,  il  se  convertît  en  un  métal  accompli,  dans 
lequel  la  puissance  formale  est  saturée  par  la  matière. 
Ce  métal  accompli  est  nommé  par  les  philosophes  or 
vulgaire,  parce  qu'il  constitue  celle  des  modifications  ou 
formes  de  l'or  qui  est  généralement  connue  de  tous  ;  or 
fixe,  parce  qu'il  ne  peut  plus  végéter,  et,  à  moins  des  cir- 
constances accidentelles,  ne  présente  jamais  à  l'homme 
de  modification  sensible;  et  enfin,  or  mort,  parce  qu'il 

TOMB  XXXI.-  MARS  (870.  i» 


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226  THERAPEUTIQUE. 

ne  peut  plus  transmettre  la  vie  auréeuse  à  des  sub- 
stances métalliques  en  dehors  de  lui.  Néanmoins,  dans 
cette  condition  de  maturité,  l'or  n'est  pas  irrévocable- 
ment lié  à  son  actualité;  car,  de  même  qu'il  en  est  pour 
les  substances  organiques,  l'art  de  la  spagyrie  peut,  au 
moyen  de  la  putréfaction  philosophique,  éliminer  ses 
parties  impures,  et  par  cela  même  le  ramener  en  arrière, 
c'est-à-dire  à  l'état  potentiel.  Ainsi  rajeuni,  il  a  perdu 
toutes  ses  propriétés  vénéneuses  attachées  à  ses  impuretés, 
et  ne  contient  plus  que  des  parties  balsamiques;  alors  il 
est  nommé  or  vivant  parce  qu'il  peut  étendre  sa  vie  au- 
réeuse à  des  substances  métalliques  étrangères;  or  végéta- 
ble  parce  qu'il  a  le  pouvoir  de  végéter  et  s'accroître  en 
se  nourrissant  d'autres  métaux.  Et  c'est  là  le  véritable  or 
potable  qui  par  sa  grande  pureté  a  la  vertu  de  purifier  le 
corps  de  l'homme,  comme  par  ses  qualités  solaires  et 
maturatives,  qu'il  possède  à  plus  haut  degré  que  toutes 
les  autres  substances  connues,  réveille  sa  chaleur  vitale 
et  mûrit  toutes  ses  crudités.  » 

Cet  exposé  suffit  pour  instruire  le  lecteur  sur  la  na- 
ture essentielle  de  Y  or  potable  et  préparer  son  esprit  à 
la  connaissance  du  médicament  auréeux  que  nous  allons 
lui  proposer.  Ce  médicament  nommé,  par  M.  Beckenstei- 
ner  et  par  nous-môme,  eau  aurifère,  consiste  en  miasmes 
auréeux  que  l'électricité  statique  a  séparés  à  la  fois  d'un 
or  fixe  et  d'un  autre  or  réduit,  par  un  dissolvant  non 
corrosif,  à  l'état  de  terre  visqueuse  noire,  pour  les  com- 
biner avec  l'eau  commune.  Dans  cette  préparation  l'ex- 
trême subtilité  de  l'agent,  la  vivification  de  l'une  des 
deux  substances  qui  le  fournissent,  et  la  nature  du  mens- 
true  exempt  de  toute  corrosivité,  sont  autant  de  perfec- 
tions qui  méritent  à  bon  droit  pour  cette  eau  le  titre  de 
succédané  de  l'or  potable. 


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ÉTUDES  DE  THÉRAPIE  ÉLECTRIQUE.  227 

Lot  des  anciois  et  la  Kabbale.  —  L'or  est  connu  depuis 
les  temps  les  plus  reculés  et  dans  tous  les  pays,  puisque 
les  peuples  sauvages  môme  le  reconnaissent  et  le  dis- 
tinguent à  son  éclat.  Il  a  servi  à  fabriquer  les  instruments 
en  métal,  et  les  livres  saints  mentionnent  le  travail  qu'on 
apportait  aux  coupes,  encensoirs  et  candélabres  d'or. 
Onsait  que  Moïse  fit  brûler  le  veau  d  or;  que  môme,  au 
rapport  de  Stahl,  l'auteur  de  la  théorie  du  phlogistique, 
il  avait  le  secret  de  l'or  potable,  puisqu'il  fit  boire  de 
l'eau  de  ces  cendres,  et  délivra,  par  ce  moyen,  les  Israé- 
lites des  fruits  de  leur  conduite  plus  que  désordonnée. 
Pline  (i)  dit  que  ce  métal  se  trouve  à  l'état  parfait  dans 
la  nature,  tandis  qu'il  faut  l'intervention  du  feu  pour 
parachever  tous  les  autres.  Enfin  l'école  cabalistique, 
rêvant  sans  cesse  de  la  transmutation  en  or  des  métaux 
inférieurs,  a  rempli  le  monde  de  ses  chercheurs,  dont  la 
plupart  n'ont  pas  peu  contribué  à  discréditer  leur  doc- 
trine par  le  manque  de  science  ou  par  la  jonglerie  ;  c'est 
que  la  méthode  du  petit  nombre  d'initiés  n'a  jamais  été 
connue  du  public,  cachée  qu'elle  était  sous  le  voile  des 
métaphores  plus  ou  moins  ingénieuses,  disons  même 
inextricables. 

Gouttes  fif or  pharmaceutiques.  —  Toutefois,  nous  re- 
trouvons à  toutes  les  époques  la  transmission  de  cet 
arcane  de  famille  en  famille,  jusqu'à  la  fin  du  dernier 
siècle.  A  cette  époque  on  vendait  encore  à  Paris  les 
gouttes  dor  de  madame  la  générale  de  Lamotte;  mais,  à 
en  croire  Baumé,  la  dissolution  n'était  point  celle  des 
alchimistes,  c'est-à-dire  naturelle  et  non  corrosive. 

A  l'époque  où  écrivaient  Baumé  et  Vorrepierre,  épo- 
que de  tourmente  révolutionnaire,  l'horizon  de  la  pensée 
ne  pouvait  rester  calme  et  reprendre  en  silence  des  étu- 

U)  Histoire  naturelle,  XXXIII,  3. 


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228  THÉRAPEUTIQUE. 

des  que  l'avènement  de  la  nouvelle  chimie  aurait  pu 
éclairer;  mais  tel  est  l'orgueil  scientifique  qu'une  com- 
plète indifférence  attendait  les  travaux  des  alchimistes, 
eux  les  vrais  auteurs  de  la  science  nouvelle,  et  les  prépa- 
rations d'or  qui,  en  particulier  depuis  Geber,  avaientjoui 
de  la  plus  grande  faveur,  tombèrent  dans  l'oubli.  Les 
docteurs  Chrestien,  de  Montpellier,  etLegrand  ont  cher- 
ché, dans  un  temps  qui  nous  touche,  à  les  remettre  en 
honneur,  surtout  pour  combattre  les  affections  syphiliti- 
ques, suivant  en  cela  le  conseil  que  G.  Fallope  donnait 
au  xvie  siècle.  Ces  médecins  ont  réussi,  au  moyen  des 
sels  auriques.  à  modifier  un  grand  nombre  d'états  dys- 
crasiques,  mais  ces  remèdes  ont,  on  le  sait,  des  propriétés 
toxiques,  et  partant  dangereuses,  sans  parler  de  leur 
médiocre  efficacité  sous  ces  formes  corrosives.  Aussi 
croyons-nous  que  la  découverte  de  la  préparation  auri- 
fère, objet  de  ce  travail,  sera  précieuse  pour  l'art  de  gué- 
rir,  en  rendant  possible  l'introduction  de  l'or  dans  l'or- 
ganisme, soit  directement  par  les  courants  et  par  l'étin- 
celle électriques,  soit  dissous  dans  l'eau  par  les  mêmes 
agents  sans  la  participation  du  malade. 

M.  Beckenteiner  avait  indiqué  déjà  sommairement 
l'œuvre  dans  ses  études  sur  F  électricité,  p.  315.  Les  pre- 
miers essais  datent  du  mois  d'avril  1837.  Il  n'avait  en- 
core rencontré  aucun  cas  spécial  où  le  traitement  élec- 
trique dût  être  appliqué  à  l'intérieur,  lorsqu'un  des 
grands  négociants  de  notre  ville,  M.  P'",  le  fit  prier  de 
lui  venir  en  aide,  pour  parer,  s'il  se  pouvait,  à  la  médi- 
cation qu'il  subissait  d'après  le  conseil  d'habiles  chirur- 
gieds  du  reste.  Elle  consistait  en  applications  de  sangsues, 
environ  tous  les  deux  jours,  à  l'eflet  de  combattre  l'in- 
flammation des  organes  génito-urinaires,  et  de  suppléer 
à  l'introduction  des  sondes  dans  l'urèthre.  Ce  canal 
était  tellement  rétréci,  qu'à  peine  pouvait-il  admettre 


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ÉTUDES  DE  THERAPIE  ELECTRIQUE.  229 

l'instrument  le  plus  délié,  et  l'urine  ne  s'écoulait  qu'avec 
d'horribles  souffrances,  goutte  à  goutte;  le  ventre 
était  ballonné ,  dur  au  toucher  ;  l'haleine  elle-même 
avait  une  odeur  urineuse  caractéristique.  L'avis  de  tous 
était  qu'un  pareil  état  ne  pouvait  être  longtemps  com- 
patible avec  la  vie.  Cet  intéressant  malade  fut  électrisé 
trois  fois  par  jour,  et  but  à  chaque  séance  un  verre  à  li- 
queur d'eau  électrisée  avec  de  l'or.  Peu  de  jours  après 
il  urinait  plus  librement,  et,  au  bout  de  trois  mois,  il  était 
guéri.  Depuis  cette  époque,  chaque  fois  que  notre  ami 
jugeait  utile  d'employer  l'action  électrique  à  l'intérieur, 
il  donnait  à  boire  de  l'eau  qu'il  électrisait  sur-le-champ. 
Voici  comme  : 

Electrisation  de  F  eau  par  for.  —  Le  malade,  assis  sur 
l'isoloir,  tenait  à  la  main  un  verre  dans  lequel  l'opéra- 
teur versait  de  l'eau  fraîche  d'une  certaine  hauteur.  La 
machine  étant  en  mouvement,  l'eau  s'électrisait,  et  si 
l'expérience  avait  lieu  dans  l'obscurité,  on  voyait  comme 
de  l'esprit  de  vin  enflammé,  tombant  de  la  carafe  dans  le 
verre.  Pour  les  uns,  ce  liquide  avait  une  saveur  acide; 
pour  d'autres,  une  odeur  sulfureuse  ou  phosphorique; 
chez  tous,  le  besoin  d'uriner  se  faisait  sentir  peu  après 
l'ingestion,  phénomène  qui  explique  suffisamment  le 
rôle  de  l'eau  électrisée  dans  les  rétentions  d'urine,  même 
avec  obstacle  matériel,  comme  dans  le  précédent  exemple. 
Une  fois  l'eau  versée,  au  moyen  d'une  tige  d'or  terminée 
par  une  petite  sphère  également  en  or,  on  faisait  déton- 
ner une  série  d'étincelles  qui  chargeaint  d'autant  la 
liqueur,  en  y  ajoutant  le  précieux  métal,  grâce  au  trans- 
port, aujourd'hui  indiscutable. 

Emploi  dun  lingot  alchimique,  suivi  d'un  fait  de  transmu- 
tation.—M.  Beckensteiner  employait  donc  ainsi  l'eau  plus 
ou  moins  électrisée  sur  l'isoloir,  depuis  bien  des  années, 


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230  THÉRAPEUTIQUE, 

lorsqu'une  circonstance  imprévue  vint  le  mettre  sur  la 
voie  d'une  modification  capitale  :  un  de  ses  confidents, 
à  la  suite  de  lectures  attentives  sur  les  œuvres  des  alchi- 
mistes, lui  fit  part  de  sa  pensée  d'entreprendre  l'opéra- 
tion de  Yceuf  philosophique,  dans  l'espoir  fondé,  disahVil, 
de  trouver  quelque  moyen  héroïque  dans  les  maladies. 
Ils  consultèrent  ensemble  leur  ami  commun,  M.  l'abbé 
L  ,  très-versé  dans  la  connaissance  des  ouvrages  her- 
métiques et  spagyristes  des  xv%  xvie  et  xvne  siècles. 
M.  Magnin  (tel  était  son  nom)  se  mit  donc  au  travail 
sur  ses  conseils,  et,  depuis  le  24  juin  1846  jusqu'au 
24  juin  1847,  il  entretint,  sans  interruption,  un  feu  de 
lampe  sous  la  mixture  cabalistique,  laquelle  était  ren- 
fermée dans  deux  fioles  dites  de  médecine,  qui  étaient 
fixées  intimément  ensemble  parle  col.  Au  bout  de  l'année, 
le  patient  chercheur  avait  obtenu  une  matière  grisâtre, 
semblable  à  de  la  boue  desséchée.  U  prétendait  que,  pour 
obtenir  la  poudre  de  projection,  capable  de  transformer  les 
métaux  inférieurs  en  or,  il  faudrait  qu'il  mêlât  les  sub- 
stances que  contenaient  ces  vases,  avec  d'autres  sub- 
stances, et  qu'il  fît  encore  la  même  opération  pendant 
deux  années,  suivie  encore  d'une  troisième  opération  con- 
tinuée durant  trois  ans.  Mais  sa  patience  était  épuisée, 
et,  ne  voulant  pas  achever  ces  manipulations,  il  pria 
notre  ami  de  lui  faire  fondre  le  contenu  de  ces  fioles.  M.  le 
Dr  Lambert,  alors  professeur  de  chimie,  fut  chargé  de  la 
mission  et  voulut  bien  faire  la  fonte  lui-même  ;  il  obtint  un 
petit  lingot  d'or  à  la  surface  supérieure  duquel  existait  une 
sorte  de  cristallisation  imitant  des  feuilles  de  fougères 
entrelacées.  Ce  phénomène  n'avait  jamais  été  observé 
dans  les  fusions  analogues.  M.  Puy,  essayeur,  auquel  ce 
lingot  fut  soumis,  déclara  que  l'or  était  pur  à  1000/1000 
sans  aucun  mélange,  et  qu'il  était  certainement  le  pro- 
duit d'un  alchimiste.  On  ne  fit  alors  aucune  observation 


< 

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ÉTUDES  DE  THÉRAPIE  ELECTRIQUE.  231 

à  M.  Puy  sur  l'or  alchimique,  et  plus  tard,  quand  on 
voulut  avoir  des  explications  à  ce  sujet,  M.  Puy  était 
mort.  Quant  à  M.  Magnin,  il  était  mécontent,  croyant 
avoir  un  plus  gros  lingot,  et  ne  reparla  plus  de  l'œuvre 
jusqu  en  1854.  Obligé,  à  cette  époque,  de  se  retirer  à  la 
campagne,  il  proposa  à  M.  Beckensteiner  de  lui  acheter 
le  résidu  de  ses  expériences;  c'est  ainsi  que  ce  dernier 
devint  propriétaire  du  lingot  alchimique  qui  devait  lui 
être  si  utile  un  jour  dans  la  confection  de  l'eau  d'or. 

Jusqu'alors,  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  notre  opéra- 
teur électrisait  l'eau,  séance  tenante,  le  malade  étant 
sur  l'isoloir,  mais  il  vit  que  cette  action  était  fugitive,  et, 
pour  qu'elle  se  continuât  de  manière  à  changer  les  modes 
vicieux  des  fonctions  troublées,  surtout  chroniquement, 
il  résolut  de  la  faire  boire  au  domicile  des  malades  et 
aussi  fréquemment  que  besoin  serait.  A  cet  effet,  il  se 
servit  de  flacons  de  verre,  armés  à  l'extérieur  d'une 
feuille  d  etain,  comme  s'il  se  fût  agi  de  la  construction 
d  une  bouteille  de  Leyde.  et  qu'il  électrisa  au  moyen 
d'une  tige  d'or  introduite  dans  l'eau  du  flacon  ;  sur  cette 
lige  se  déchargeaient  les  étincelles.  Peu  après,  il  eut  la 
pensée  bien  naturelle  de  prendre  une  bonbonne  ou  bou- 
teille de  grande  dimension,  30  litres  environ,  dans  la- 
quelle il  introduirait,  sous  la  forme  des  plus  grandes 
surfaces  possibles,  une  plus  grande  quantité  d'or  (la 
valeur  de  1,000  francs  environ). 

En  conséquence,  il  fit  préparer  des  bandes  d'or  lami- 
nées et  des  boules  d'argent  faites  en  deux  parties,  de 
façon  à  pouvoir  être  dorées  à  l'intérieur  comme  à  l'exté- 
rieur, afin  d'augmenter  les  surfaces,  et  il  affecta  une 
partie  du  lingot  alchimique  à  la  dorure  des  boules  d'ar- 
gent. C'est  alors  qu'un  fait  curieux  se  produisit,  qui  dé- 
montrerait à  lui  seul  la  valeur  de  ces  préparations 
alchimiques  taxées  de  rêves  de  nos  jours  :  un  pauvre 


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232  THÉRAPEUTIQUE. 

doreur  de  son  état,  auquel  notre  ami  avait  démontré  la 
dorure  et  l'argenture  électriques,  et  cédé  un  grenier 
pour  y  faire  son  laboratoire,  était  chargé  de  dorer  ces 
boules  d'argent,  mais,  comme  pour  la  dorure  au  mer- 
cure on  peut  donner  plus  d'épaisseur  à  la  couche  d'or 
que  par  le  galvanisme,  il  fut  convenu  de  les  dorer  au 
mercure  et  d'y  déposer  plusieurs  couches  d'or  succes- 
sives. Chaque  boule  d'argent  fut  pesée  soigneusement  et 
numérotée  pour  qu'on  pût  retrouver  facilement  les  deux 
mêmes  valves  symétriques;  il  en  fut  de  même  de  la 
masse  d'or  à  y  déposer.  Dans  la  dorure  au  mercure  il  se 
manifeste  toujours,  on  le  sait,  une  perte  sur  l'or  em- 
ployé, et  c'est  pour  évaluer  cette  perte,  que  toutes  les 
boules  d'argent  avaient  été  pesées  avec  soin,  ainsi  que  l'or 
à  ce  destiné.  Mais,  au  contraire,  ce  fut  un  excès  de  poids 
qui  se  manifesta,  le  double  environ  de  l'or  réservé  à  ch  aque 
boule.  Pour  que  le  poids  total  se  fût  ainsi  accru,  il  fallait 
donequ'une  partie  de  l'argent  des  boules  se  fût  changée 
en  or,  ou  que  le  mercure  employé  à  la  dorure  ne  se  fût 
pas  entièrement  évaporé.  Les  boules  dorées  furent  de 
suite  chauffées  au  degré  suffisant  pour  l'évaporation, 
mais  elles  n'en  conservèrent  pas  moins  le  même  poids. 

Bien  qu'assez  incrédule  jusqu'alors  sur  les  manipu- 
lations alchimiques,  notre  ami  ne  put  se  refuser  à  croire 
aux  phénomènes  qu'il  avait  sous  les  yeux.  Il  lui  res- 
tera le  regret  de  n'avoir  pas  conservé  la  note  des 
pesées  pour  'pourvoir  rendre  compte  d'une  manière 
exacte  de  l'opération  de  dorure  des  boules  d'argent 
qu'il  possède  encore  à  l'heure  présente. 

Toutefois  le  fait  n'en  reste  pas  moins  certain,  quoique 
moins  rigoureux.  Une  circonstance  récente  vient  de 
fournir  une  nouvelle  preuve  de  cette  transmutation  : 
il  y  a  quelques  mois  à  peine  une  plaque  d'argent  dorée 
ayant  été  introduite  dans  une  de  ces  bonbonnes,  en  a 


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ÉTUDES  DE  THÉRAPIE  ÉLECTRIQUE.  233 

été  retirée  à  peu  près  privée  de  son  or,  par  l'effet  du 
transport  électrique,  tandis  que  les  boules  dont  nous 
venons  de  faire  l'histoire  sont  aussi  jaunes  que  le  pre- 
mier jour  et  elles  servent  constamment  au  même  usage 
depuis  douze  à  quatorze  ans. 

Mode  (félectrisation  des.  bonbonnes.  —  Chaque  bon- 
bonne contient  une  quinzaine  de  ces  boules  ;  elle  est 
revêtue  extérieurement  d'une  feuille  d'étain  jusqu'aux 
trois  quarts  de  sa  hauteur,  comme  on  le  fait  pour  une 
bouteille  de  Leyde,  et  fixée  dans  une  corbeille  d'osier. 
Une  chaîne  fait  communiquer  l'armature  extérieure 
avec  la  machine  électrique  :  le  tout  est  placé  sur  l'iso- 
loir. Dès  la  mise  en  action  de  l'appareil,  des  étincelles 
éclatent  entre  la  boule  d'or  d'un  excitateur  qu'on  pré- 
sente, ou  mieux  qu'on  fixe  à  un  support  au-dessus  de 
l'eau,  et  les  boules  contenues  dans  le  vase,  se  propa- 
geant comme  un  feu  de  file  à  toutes  les  parties  métal- 
liques. Le  jour  on  n'aperçoit  qu'une  étincelle  entre  la 
boule  de  l'excitateur  et  celle  du  vase  qui  est  la  plus 
rapprochée  de  lui,  mais  dans  l'obscurité  on  voit  l'eau 
du  vase  toute  lumineuse,  et  une  série  d'étincelles  entre 
les  boules  elles-mêmes.  Trente  à  quarante  tours  de 
roue  suffisent  à  électriser  l'eau  de  la  bonbonne.  A  ce 
moment  les  étincelles  sont  faibles,  bientôt  même  elles 
cesseraient,  bien  que  l'on  continuât  la  rotation  du 
disque  de  la  machine.  C'est  qu'il  faut  arrêter  l'électri- 
sation  pour  éviter  la  rupture  du  vase  pour  surcharge 
du  fluide.  Un  accident  de  ce  genre  nous  est  arrivé  :  une 
des  boules  qui  avait  reçu  la  décharge  des  autres,  fut  pro- 
jetée avec  une  telle  violence,  qu'elle  perfora  la  paroi 
du  verre  et  alla  s'aplatir  contre  une  plaque  de  chemi- 
née. Sa  force  de  projection  fut  telle  que  l'orifice  de 
sortie  était  rond  et  de  la  dimension  exacte  de  ce  pro- 


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234  THÉRAPEUTIQUE. 

jectile  d'un  nouveau  genre.  Il  est  facile  d'obvier  à  cet 
accident  au  moyen  d'un  électromètre  qui  indique  par 
son  élévation  le  point  auquel  il  faut  s'arrêter.  L'électri- 
sation  de  l'eau  doit  être  continuée  de  quart  d'heure  en 
quart  d'heure  pendant  plusieurs  heures,  et  répotée  plu- 
sieurs jours,  c'est-à-dire  un  mois  durant,  de  deux  à 
trois  heures  par  jour,  pour  atteindre  la  plus  grande 
efficacité  possible. 

Quand  elle  est  ainsi  chargée,  on  la  soutire  dans  des 
flacons  de  verre  bouchés  à  l'émeri,  autour  desquels  on 
a  collé  une  feuille  d  étain,  comme  à  une  bouteille  de 
Leyde.  Enfin,  avant  de  boucher,  on  électrise  encore  avec 
l'excitateur  d'or. 

L ozone  dam  leau  électrisèe.  —  Il  s'exhale  toujours 
des  flacons  récemment  préparés  une  odeur  caractéristi- 
que d'ozone,  qui  n'est  autre  que  celle  des  pluies  d'o- 
rage, que  chacun  connaît.  La  formation  de  l'ozone 
(oxygène  électrisé)  est  ici  toute  naturelle.  Or,  il  n'est 
plus  besoin  aujourd'hui  de  faire  connaître  le  rôle 
immense  que  joue  l'ozone  dans  tous  les  phénomènes 
de  la  vie  soit  animale,  soit  végétale ,  à  ce  point  qu'il 
peut  être  nommé  le  dispensateur  de  la  santé  et  de  la 
maladie.  Deux  exemples  suffiront  à  établir  cette  asser- 
tion, quelque  hardie  qu'elle  paraisse  :  n'a-t-on  pas 
vu,  dans  les  épidémies  de  choléra,  les  papiers  ozono- 
métriques  exposés  à  l'air  rester  intacts,  tandis  qu'ils 
décelaient  de  plus  en  plus  la  présence  de  l'ozone  dans 
la  mesure  du  retrait  du  fléau?  N'a-t-on  pas  reconnu, 
d'autre  part,  que  l'air  des  grandes  villes  comme  Lyon 
en  contenait  faiblement,  quelquefois  point,  alors  qu'il 
abondait  déjà  dans  la  banlieue  ? 

Qui  ne  sait,  en  effet,  que  la  vitalité  est  plus  grande 
à  la  campagne  qu'à  la  ville? 


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ÉTUDES  DE  THÉRAPIE  ÉLECTRIQUE.  235 

(1  nous  suffira  de  citer  dans  cette  question  capitale 
d'hygiène  publique  les  noms  de  savants  tels  que  Van- 
marum,  Schœnbein,  général  Morin,  MM.  Houzeau, 
Frémy,  Wolf,  Bérigny,  Bœckel,  E.  de  Beaumont,  Bous- 
singault,  et  les  docteurs  Leclère,  de  Pietra-Santa, 
Becquerel ,  Scelles  de  Mondlésert,  etc.,  qui  tous  con- 
cluent à  la  nécessité  d'ozoniser  l'air  des  habitations  et 
des  villes,  lequel  deviendrait  alors  un  comburant  éner- 
gique, détruirait  les  causes  morbigènes  et  préserverait 
des  épidémies. 

Inaltérabilité  de  Peau  électrisée.  —  L'eau  électrisée 
n'impressionne  nullement  le  goût  et  peut  même  être 
conservée  indéfiniment,  qualité  suréminente,  capable 
de  rivaliser  avec  les  plus  belles  créations  de  l'hygiène 
navale,  qui  ferait  l'acquisition  la  plus  précieuse,  car 
les  marins  auraient  désormais  une  boisson  saine, 
agréable  et  incorruptible,  propriétés  encore  introuvées, 
en  dépit  de  toutes  les  recherches  de  nos  chimistes,  pour 
les  voyages  de  long  cours.  Nous  appelons,  sur  ce  point 
palpitant  d'intérêt,  l'attention  des  hygiénistes  et  même 
des  hommes  d'État.  Il  suffit  d'annoncer,  pour  prouver 
1  inaltérabilité  de  ce  produit,  que  des  flacons  vidés  à 
moitié  depuis  plusieurs  années,  ont  encore  tous  les 
caractères  de  l'eau  de  table  ordinaire. 

Lor  à  Tétat  atomistique  dans  F  eau  électrisée.  — Analysée 
par  plusieurs  chimistes,  il  a  toujours  été  impossible  d'y 
constater  l'or  par  les  réactifs  ;  mais  exposée  aux  rayons 
solaires,  on  voit  apparaître,  si  le  vase  contenant  offre 
une  vaste  surface  et  peu  de  profondeur,  au  bout  de 
dix  à  quinze  minutes  environ,  une  couche  d'un  reflet 
métallique  rougeâtre  et  miroitant.  Nous  pouvons 
avancer  que  l'eau  retint  de  l'or  à  l'instar  de  celle  qui 


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236  THÉRAPEUTIQUE. 

bouillie  avec  du  mercure,  prend  les  qualités  vermifuge 
et  purgative,  sans  que  le  poids  du  mercure  ait  dimi- 
nué, ni  que  l'analyse  chimique  ait  pu  dévoiler  sa  pré- 
sence. En  faisant  évaporer  au  soleil  le  contenu  d'une 
dizaine  de  flacons,  en  plein  air  et  successivement,  on 
voit,  sur  le  vase  qui  a  servi  à  l'évaporation,  de  petites 
paillettes  d'or  bien  caractérisées  ;  ces  paillettes  dispa- 
raissent en  même  temps  que  les  rayons  lumineux  et 
reparaissent  à  la  surface  de  l'assiette  dès  que  ceux-ci 
l'éclairent  de  nouveau  ;  on  parvient  même,  en  réunis- 
sant ces  quelques  gouttes,  résidu  de  l'évaporation  de 
chaque  flacon  dans  un  seul  très-petit,  de  la  contenance 
d'une  once,  puis  en  évaporant  à  son  tour  ce  résidu 
qui  est  rougeàtre  (couleur  ordinaire  de  l'or  en  couche 
mince),  a  obtenir  une  véritable  dorure  intérieure  du 
petit  flacon,  avec  l'aspect  caractéristique  de  l'or  bruni 
ou  luisant,  éclat  qui  tient  sans  doute  à  l'enveloppe  du 
verre  ;  quelques  gouttes  d'eau  gommeuse  mélangées  à 
la  liqueur  sont  ici  nécessaires  pour  que  la  couleur 
dorée  apparaisse. 

Dr  Frestier 

(de  Lyon). 

—  La  suite  au  prochain  numéro.  — 


Le  Rédacteur  en  chef,  Jules  Davasse. 


I  iri>       Imprimmo  K.  Iahint.  rue  Monsieur-le-Pnnce.  3t. 


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L'ART  MÉDICAL 

AVRIL  1870 


HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE 


ÉTUDE  SURfNOS  TRADITIONS. 

—  SUITE  —  • 

IL  Institutaires.  —  On  donne  le  nom  d'institutaires 
aux  médecins  qui  se  sont  plus  particulièrement  occupés 
de  coordonner  les  diverses  parties  de  la  science  médi- 
cale, par  cela  qu'eux-mêmes  ont  nommé  leurs  œuvres 
des  Institutes  ou  lmtitutfones  medicœ. 

Ces  mots  ne  sont  pas  très-anciens,  non  plus  que  les 
idées  qu'ils  représentent  ;  leur  orig-ine  est  du  xvi"  siècle. 
Hippocrate  avait  bien  indiqué  ses  idées  générales  sur  la 
science  dans  plusieurs  livres,  mais  il  n'avait  pas  donné 
la  systématisation  générale  de  la  science  comprenant  les 
diverses  branches  particulières  et  les  définitions  capitales. 
Galienavaitcomprisl  importancede  cette  systématisation, 
et  il  semble  qu'il  ait  voulu  l'embrasser  dans  plusieurs  de 
ses  livres,  en  particulier  dans  les  suivants  :  Ars  med'ca; 
de  Partibus  arlis  medicœ  ;  de  Optima  sec/a;  Introduction  seu 
Medicus.  Oribase  fut  le  premier  à  réunir  sous  le  nom  de 
Synopsis  toute  la  science  antérieure  ordonnée  selon  ses 
diverses  parties  ;  et  cela  dans  le  même  temps  que  l'em- 
pereur Justinien  faisait  recueillir  le  Corpus  jurisy  auquel 
on  a  donné  le  nom  (ïlnslitutes;  de  sorte  que  si  ce  nom 
apparut  pour  la  première  fois  dans  la  science  du  droit, 

TOME  XXXI.  —  AVRIL  1870.  16 


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238  HISTOIRE   DR  LA  MEDECINE. 

l'idée  qu'il  représente  reçut  peut-être  sa  première  appli- 
cation en  médecine.  A  partir  de  ce  moment,  on  eut  des 
Synopsis,  des  Pandec/es,  des  Canons,  des  Compendium;  et 
ainsi  Aaron,  médecin  d'Alexandrie  en  622,  Sylvius 
Pandectarius,  plus  tard,  écrivirent  des  Pandectes.  Les 
Arabes,  Avicennes,  Mésué,  écrivirent  des  Canons,  qu'on 
peut  nommer  en  français  la  doctrine  des  règles  géné- 
rales; en  1248,  Gilbert  l'Anglais  fit  un  Compendium  to- 
tius  medicinœ.  Mais  ce  ne  fut  qu'au  xvie  siècle  que  l'idée 
fut  vraiment  mûrie  et  put  éclore. 

Léonard  Fuschs  paraît  avoir  été  le  premier  à  donner 
les  Instihitîones  medicinœ  ;  son  livre,  petit,  fort  incom- 
plet,  très-rare  aujourd'hui,  parut  en  1530.  En  1544  et 
1569  Fente/  donna  le  sien,  beaucoup  plus  complet  et 
qui  fait  époque  dans  la  science.  Mercado  en  donna  un 
autre  beaucoup  plus  vaste  encore,  plein  de  subtilités  et 
de  divagations ,  plus  comparable  à  une  Encyclopédie 
qu'à  de  véritables  Institutes.  Dans  le  même  siècle  on 
eut  encore  ceux  de  Heum  et  de  Castelli,  et  nous  verrons 
que  la  tradition  s'en  est  perpétuée  dans  les  siècles  sui- 
vants. Nous  ne  nous  arrêterons  ici  que  sur  Fuschs  et 
Fernel. 

Léonard  Fuschs  suit  à  peu  près  Galien,  ou  du  moins 
s'en  inspire.  Son  ouvrage  se  divise  en  cinq  livres  dont 
voici  les  titres  :  liv.  1,  Medicina  generatiua,  et  resnntura- 
les;  liv.  2,  lies  non  naturales  ;  liv.  3,  De  rébus,  prxtcrnatu- 
ram;  liv.  4,  De  signis  medicis,  de  judiciis,  de  urinis,  de 
puhibus;  liv.  5,  De  curandi  ratione.  Au  chap.  vu  du  liv.  1, 
il  s'explique  nettement  que  la  médecine  est  divisée  en 
cinq  parties,  et  voici  comme  il  l'entend  de  la  manière 
suivante  :  «  Prima  «fcycirAoytxT]  dicitur,  ut  est,  quœ  uni- 
aversam  hominis  qui  medicœ  artis  subjectum  et  mate- 
«  ria  est  naturam  et  constitutionem  indagat,  ac  perquirit, 
«hoc est  quœ  de  hominis  elementis.  humoribus,  spiriti- 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  239 

abus,  temperamentis,  partibus,  earumque  facultatibus, 
«et  actionibus  tractât:  ad  cam  igùtur  medicinœ  partim 
«speclanl  Galeni  libri  de  Elementis,  de  temperamentis, 

•  de  facultatibus  naturalibus,  de  fœtus  formatione,  de 
«semine,  de  placitis  Hippocratis  et  Platonis,  de  admi- 
«  nistratione  anatomica,  de  usu  partium  liumani  corpo- 
«ris,  et  id  g-enus  alii.  Hos  idcirco  naturales  vocat,  quod 
«scilicet  de  bumani  corporis  natura  tractent,  et  in  iis 
«  causœ  constitutionis  partium  totius  animalis,  et  hu- 
imani  corporis  assiquentur.  Atque  jam  dici  libri  Galeni 
«a  medicinœ  initialis  dilig-enter  cog^noscendi  sunt,  quod 
«fieri  nequeat,  ut  ea  quœ  a  naturali  constitutione  re- 
«cesserunt  probi  teneamus,  nisi  prius  eaquœ  secundum 
«naturam  se  habent,  et  naturalia  nominant,  cog"nosca- 

■  mus.  —  Altéra  est  uyteivv),  quœ  sanilatim  tuetur  et 

•  quo  minus  in  morbus  incidat,  corpus  prœcavit.  Cœle- 
«rum  sanitatis  custodia  e  quatuor  rébus  pcndet,  admo- 

•  vendis,  educendis,  faciendis,  et  extrinsecus  incidenti- 
«bus.  Admovendum  autem  nomine  cibus,  potus,  et  si 

•  quid  medicamentorum  intro  sumitur,  etiam  sit  attrac- 
«tus,  intellig"itur.  Faciendorum  vero,  frictio,  ambulatio, 

•  vectio,  equitatio,  et  omnis  alià  corporis  exercitatio.  In 

•  hoc  génère  continentur  somnus,  vig-ilia,  vinus,  animi 

■  aflectus.  Foris  incidunt,  aer  nobis  circumdatus,  un- 
«guenta,  lavacra.  Educenda  quœ  in  alvo,  jecore,  liene, 
«venis  et  arteries,  reliquisque  corporis,  partibus  excre- 

•  menta  collig'untur.  Hanc  partim  in  libris  vere  aureis, 
«quibus  de  tuenda  sanitale  titulum  indidit,  et  in  iis 

•  quos  de  alimentorum  facultatibus  ac  in  eo  quem  de 
«boni  et  mali  succi  cibis  inscripsit  Galenus,  absolutis- 
«sime  tradidit.  —  Tertia  AiTioXoywn,  et  alio  nomine  ilaOo- 
Ojoya?}  dicta  est  quœ  causas,  afiectus  prœlernaturam, 
«et  symplomata  inquirit  ad  hanc  medicinœ  partem  per- 
tlinent  Galeni  libri  de  morborum  et  symptomatum  dif- 


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240  HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE. 

«ferentiis  inscripti.  —  Quarta  i'r,as-.oTixYi,  indicia  tradit, 
«quœ  et  intégrant  et  adversam  valetudinem  luculenter 
«  demonstrant.  Adque  adeo  prœteritorum  cognitionem, 
«prœsentium  inspectionçm  ,  et  futurorum  prœdiclio- 
«nem  continent,  rem  certe  omnium  maximi,  et  ad  aflec- 
«tuum  dignotionem  necessariam,  et  ad  curandi  ratio- 
«  nem  valde  utilem.  Ad  eam  medicinœ  parlim  spectant 
«  Hippocratis  libri  omnes,  quibus  titulum  fecit  de  praesa- 
«giis.  Item  Galeni  libri  de  laborantibus  locis,  dejudiciis, 
a  de  diebus  decretoriis,  de  difTerentiis  febrium,  de  prœ- 
«notione,  de  difTerentiis  pulsuum,  et  de  prœdictione  ex 
«pulsibus.  —  Quinta  espareuTuwj,  est  quœ  legitimorum 
a  praesidium  admonitione  morborum  propulsât,  sanita- 
«temquerestituit,  et  in  summa  medendi  rationem  docet. 
«  Hanc  partim  omnium  calculo,  doctissime  et  plenissime 
«Galenus  14  libris  de  Medendi  methodo,  et  duob.  Ad 
«.  G/'iucon.  Item  in  quinto  maxime  de  simpl.  facult.  trac- 
•  tavit.  — Ad  bas  itaque  quinque  partes,  ea  quibus  me- 
«dicina  constituitur,  et  nequaquam  ad  medicinœ  fi  nem 
«respicienles  nonnulli,  medicinam  partim  tbeoreticem, 
«partim  practicem  faciunt.  Num  eam  partem  quœ  uni- 
ci  versam  corporis  humani  naturam  et  constitutionem 
«inquirit  :  itemque  eam  quœ  alïectus  prœternaturam 
«indagat,  et  eam  eliamque  sanitatem  tuetur,  et  eam 
«  quœ  morbos  propulsât,  quod  in  actione  consistent,  prac* 
«  ticas.  Verum  quum  certis  ipsœ  ex  fine,  ut  dictum  est 
«judicandœ  et  distingoiendœ  sint,  hœc  ratio  ab  eruditis 
«omnino,  tanquam  inutilis,  et  a  velerum  sententia  eva- 
«  rians,  contemnenda  et  repudienda  erit.  »  (Edition  de 
1554,  p.  33  et  suivantes.) 

J.  Fernel,  qui  se  disait  d'Amiens,  était  né  à  Clermont, 
en  Beauvoisis,  en  1497,  selon  Plantius,  qui  avait  toute 
sa  confiance;  d'autres  disent  à  Montdidier,  en  1486  ou 
1506.  Il  vint  finir  ses  études  scolaires  à  Paris,  y  sui  vit 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  241 

les  cours  de  la  Faculté  de  médecine,  y  devint  l'un 
des  plus  célèbres  médecins  de  ce  siècle,  et  y  mourut  en 
1558.  Son  corps  fut  déposé  dans  l'église  Saint-Jacques— 
la-Boucherie,  dont  il  ne  reste  aujourd'hui  qu'une  tour. 
Il  a  laissé  bien  des  écrits  sur  les  fièvres,  sur  les  médi- 
caments, sur  les  comiUoru'm  medicinalium,  sur  la  patho- 
logie. Son  ouvrage  capital  parut  en  1544  sous  le  titre 
de  Médicinal  et  plus  tard  sous  celui  de  Universa  medicina, 
comprenant  alors,  outre  le  principal  ouvragée,  des  ad- 
jonctions sur  des  maladies  particulières.  Dans  la  Préface, 
l'auteur  écrit  que  la  médecine  est  divisée  en  cinq  parties, 
comme  l'avait  indiqué  Galien  :  «  Prima  omnium  prima 
«existet  *uaioX</ru«j,  quœ  hominis  intègre  sani  naturam, 
«omnes  illius  vires  functiones  que  perquiret.  —  Altéra 
«HxfoV>Yo«j,  morbos  et  afîectus  indagans  qui  prœterna- 
o  turam  homini  possunt  impendere,  et  quœ  illos  causse 
«efficiunt,  quœ  signa  demonstrant.  —  Tertia  npopaxTuv) 
«explicans,  quibus  medici  futura  prœsentiunt,  et  quis 
«  morborum  decursus,  qui  existus  fit  futurus.  —  Quarta 
«TyuwcTj,  quœ  formans  corporis  constitutionem  bona  vi- 
«vendi  légende  conservât,  et  imminentia  maie  arcet; 
«simul  œgrotis  propriam  et  accommodatam  virtus  ra- 
«tionem  deceruit.  Omnia  postremo  pars  0e:«i«uTucYj 
«œgram  corporis  afTectionem  salutariam  usu  et  admo- 
•  nitione  propulsai,  sanitatemque  restituit;  quœ  ut 
«summa  totius  medici nœ  artem  via  et  ratione  condit, 
«varia  que  prœsidia  suggerit,  quibus  tum  loti  corporis, 
«tum  acique  laboranti  particular,  opportum  succur- 
rit.  » 

Cependant,  l'ouvrage  ne  contient,  en  réalité,  que  trois 
parties  :  la  Physiologie,  qui  comprend  sept  livres,  sur  la 
description  et  l'usage  des  parties,  les  éléments,  les  tem- 
péraments, les  esprits  et  la  chaleur  innée,  les  facultés, 
les  fonctions  et  les  humeurs,  la  génération  ;  la  Patholo- 


242  HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE. 

gie,  qui  comprend  trois  livres,  sur  les  maladies  et  leurs 
causes,  les  symptômes  et  les  signes,  le  pouls  et  les  uri- 
nes; la  Thérapeutique  comprend  sept  livres,  sur  la 
guérison,  la  saignée,  la  purgation,  les  actions  et  les 
genres  de  médicaments,  de  l'usage  des  médicaments, 
des  médicaments  externes,  et  des  médicaments  com- 
posés. 

11  est  bien  clair  que  Fernel,  tout  en  acceptant  la  tra- 
dition de  Galien,  la  voulait  réformer  et  visait  à  faire 
rentrer  dans  la  pathologie  l'étude  des  causes  et  celle 
des  signes.  Mais  ce  ne  fut  que  plus  tard,  avec  Gau- 
bius  et  Astruc,  que  la  séméiolique  prit  décidément  sa 
place  dans  la  pathologie,  bien  qu'elle  ait  été  l'objet  de 
quelques  travaux  dans  le  xvie  siècle.  Nous  reviendrons 
plus  loin  sur  la  pathologie  de  Fernel. 

III.  Réformateurs.  —  Les  médecins  étaient  au  cou- 
rant des  deux  principales  tendances  qui  se  partageaient 
les  écoles  philosophiques  du  temps,  les  nouveaux  plato- 
niciens et  les  nouveaux  péripatéticiens.  Ils  virent,  ce 
qui  était  vrai,  les  deux  courants  de  l'esprit  humain  re- 
présentés par  les  deux  grands  philosophes  de  l'anti- 
quité, l'un  idéaliste,  mais  réaliste,  l'autre  expérimental 
et  observateur,  mais  nominaliste;  et  aussi  se  parta- 
geaient-ils ainsi  eux-mêmes  en  deux  groupes  :  l'un  de 
rêveurs  et  spéculateurs  idéalistes,  l'autre  d'observateurs 
et  expérimentateurs  qui  firent  les  découvertes  dont  nous 
parlerons  plus  loin.  Mais  les  observateurs  laissaient 
bien  loin  les  doctrines  philosophiques  d'où  ils  sortaient, 
abandonnant  la  discussion  aux  philosophes,  et  se  ren- 
fermant dans  l'étude  des  faits.  Il  est  donc  assez  remar- 
quable que  la  théorie  réaliste  qui  fît  le  mouvement  pré- 
tendu réformateur,  n'eut  qu'une  apparence  de  triomphe, 
et  que  ce  fut  la  doctrine,  en  apparence  battue,  qui 


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ÉTUDE  8UK  N08  TRADITIONS.  «18 

triompha  définitivement.  L'étude  du  xviu*  siècle  nous 
montrera  cette  étonnante  solution. 

Nous  ne  voulons  d'abord  nous  occuper  que  de  ceux 
qui  accueillirent  les  nouveaux  rêves  platoniciens. 

Cette  école  néoplatonicienne,  dont  nous  avons  parlé 
au  commencement  de  ce  chapitre,  apportée  de  Constan- 
tinople  par  Gémiste,  Pomponace,  Pomponius,  Lee  tu  s, 
Marcile  Ficin,  trouvait  un  terrain  tout  préparé  en  Occi- 
dent pour  la  recevoir  :  ce  terrain  qu'avait  cultivé  l'ara- 
bisme  pendant  les  xiii%  xive  et  xve  siècles,  et  dont  nous 
avons  parlé  dans  le  chapitre  précédent.  Il  y  avait  dans  le 
néoplatonisme  et  l'arabisme  les  mêmes  rêves  idéalistes, 
la  même  doctrine  sur  le  réalisme  morbide,  les  mêmes 
conceptions  astrologiques ,  la  même  opposition  au  oa- 
tholioisme  e*t  au  péripatétisme.  Et  de  fait,  ce  n  étaient 
en  réalité  que  deux  courants  émanés  du  même  foyer, 

I  ancienne  école  d'Alexandrie  ;  et  qui,  après  leur  passage 
l'un  chez  les  Grecs,  l'autre  chez  les  Arabes,  venaient  se 
retrouver  en  Occident  et  unir  leurs  puissances.  C'est  à 
ce  double  courant  que  doivent  être  rattachés  tous  nos 
réformateurs  du  xvic  siècle. 

Quelques  noms  résument  les  voies  différentes  dans 
lesquelles  ces  réformateurs  s'engagèrent. 

Jean  Argentier,  de  Castel-Nuovo,  en  Piémont,  paraît 
le  premier  à  soulever  une  révolte  ouverte  contre  Galien. 

II  faut  cependant  remarquer  qu'il  est  tout  différent  des 
autres  réformateurs  dont  nous  allons  parler,  car  il  est 
plutôt  dans  la  doctrine  des  scolastiques.  En  le  mettant, 
comme  tous  les  historiens  l'ont  fait,  à  la  tête  des  réfor- 
mateurs, on  n'a  pas  été  parfaitement  exact  sur  son 
compte;  on  a  vu  surtout  la  violente  opposition  qu'il 
faisait  avec  juste  raison  au  g>alénisme,  comme  ayant 
altéré  la  tradition  hippocratique  ;  on  n'a  pas  assez  ac- 
centué l'esprit  scolastique  dont  il  était  animé.  En  réalité, 


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244  HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE. 

il  est  nominaliste,  et  non  réaliste  comme  les  autres  ré- 
formateurs. Aucune  des  idées  du  médecin  de  Pergame 
ne  reste  à  l'abri  de  ses  critiques  :  il  lui  reproche  le  grand 
nombre  d'esprits  qu'il  avait  admis  pour  expliquer  l'ac- 
tion des  diverses  facultés;  il  dit  que  ces  esprits  sont  des 
êtres  purement  imaginaires,  et  qu'il  suffît  d'une  seule 
force  pour  expliquer  la  vie  ;  il  s'élève  contre  la  confu- 
sion de  la  maladie  et  de  la  cause  prochaine;  il  soutient 
que  les  maladies  ne  viennent  pas  des  qualités  élémen- 
taires, que  ce  sont  des  manières  d'être  désharmoniques 
de  l'économie,  des  ametria  fondées  sur  la  complication 
des  parties  du  corps.  Les  galénistes  et  humoristes  l'at- 
taquaient. Il  fut  soutenu  par  Laurent  Joubert  et  Rondelet, 
de  Montpellier,  Jérôme  Capivacci,  professeur  à  Padoue, 
Dudith  de  Honkowicz,  Hongrois,  et  beaucoup  d'autres. 

Cornélius  Agrippa,  de  Netlesheim,  suivit  une  autre 
voie  :  il  tenta  définitivement  l'alliance  de  la  kabale  et  de 
la  médecine.  Il  précédait  Paracelse  et  voulait  pour  son 
art  ce  que  Renchelin  et  Pic  de  la  Mirandole  faisaient 
pour  leur  philosophie.  Suivant  lui,  il  y  a  trois  mondes  : 
le  monde  intellectuel,  ou  monde  des  idées,  des  esprits, 
des  démons  ;  le  monde  céleste,  ou  le  moncle  des  astres  ; 
le  monde  élémentaire,  ou  le  monde  des  corps  terrestres. 
Ces  trois  mondes  se  correspondent  réciproquement,  de 
sorte  que  ce  qui  se  passe  dans  l'un  influence  ce  qui  se 
fait  dans  les  deux  autres.  Ce  sont  des  particules  éma- 
nées des  corps  terrestres  qui  font  en  outre  communi- 
quer les  corps  terrestres  ensemble.  Du  reste,  les  formes 
substantielles  sont  les  fondements  des  qualités  occultes  ; 
les  formes  terrestres  correspondent  aux  formes  spiri- 
tuelles et  aux  formes  célestes  ;  et  leurs  formes  exem- 
plaires, ou  idées  premières,  sont  dans  X Archétype.  Les 
humeurs,  les  particules  matérielles,  certains  mots  et 
certaines  paroles,  certains  nombres  établissent  la  cor- 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  245 

•  respondance  entre  les  trois  mondes  ;  et  c'est  le  mage 
qui  a  la  clef  de  ces  correspondances.  Nous  sommes, 
comme  on  le  voit,  en  pleine  kabale,  en  pleine  magie; 
aussi  Agrippa  se  vantait  de  faire  de  l'or.  —  Cette  doc- 
trine fut  tour  à  tour  combattue  et  soutenue  avec  achar- 
nement. Wger  combattit  vigoureusement  la  kabale  et 
la  croyance  aux  démons,  à  la  sorcellerie.  Guillaume- 
Adolphe  Scribonius  écrivit  contre  Wyer,  et  soutint  l'exis- 
tence des  démons  et  de  leur  influence.  Jean-liaptistc 
Porta  tenta  d'expliquer  tout  le  surnaturel  par  les  sym- 
pathies et  les  antipathies  du  corps  dépendant  de  la  grande 
âme  du  monde;  c'est  l'âme  du  monde  de  Platon,  dont 
il  fait  une  force  spirituelle  qui  anime  toute  la  création. 
Porta  est  le  précurseur  du  mesmérisme. 

C'est  alors  que  de  tous  côtés  pullulèrent  à  l'infini  des 
livres  sur  la  démonologie,  la  nécromancie,  l'astrologie, 
la  chiromancie.  Parmi  tous  les  auteurs  nous  citerons 
Bartolomé  Bocca,  ou  Codés,  auteur  célèbre  sur  la  chiro- 
mancie ;  Jean  dEndagine  et  André  Comi,  qui  écrivirent 
aussi  sur  la  chiromancie.  Jacques  Horst  écrivit  sur  une 
prétendue  dent  miraculeuse,  d'or,  qu'il  disait  être  pous- 
sée sur  un  enfant  de  dix  ans,  en  Silésie;  il  fit  des  pro- 
phéties d'après  cette  dent.  Valentin  Truliger,  astrologue, 
mit  en  vogue  l'usage  des  calendriers.  Michel  Nostrada- 
mus,  né  en  Provence,  docteur  de  Montpellier,  allia  l'as- 
trologie à  la  médecine.  Il  en  fut  de  même  de  A .  Mizaud, 
de  Montluçon,  de  J.  Carvin,  de  Montauban,  de  Bartisch, 
qui  écrivit  sur  les  maladies  des  yeux,  de  Settala,  qui 
écrivit  sur  les  taches  de  naissance. 

Fracastor,  qui  commença  de  paraître  au  xv*  siècle, 
comme  je  l'ai  signalé,  appartient  cependant  bien  plus 
au  xvi°.  Il  était  né  en  1483,  à  Vérone,  et  revint  mou- 
rir aux  environs  de  sa  ville  natale  en  1553.  Son  livre 
de  Contagioiiiôus,  qui  a  eu  une  si  grande  influence,  ne 


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246  HI8T0IRE  DE  LA  MEDECINE. 

parut  qu'en  1526;  son  poëme  sur  la  Syphilis  est  de  1530. 

L'Alchimie  se  développait  concurremment  avec  la  ka- 
bale;  elle  cherchait  à  faire  de  l'or  en  transmutant  les 
métaux  ;  elle  décomposait  les  corps  et  en  reformait  de 
nouveaux;  et  s'il  y  avait  en  elle  de  folles  idées,  au  moins 
il  en  existait  de  sérieuses,  et  la  chimie  moderne  était  en 
germe  dans  ces  opérations  extraordinaires.  Basile  Va- 
lentin%  que  quelques-uns  ont  cru  un  bénédictin  alle- 
mand, paraît  avoir  été  le  premier  auteur  alchimiste  de 
ces  temps;  mais  les  uns  le  font  vivre  au  xiva  siècle, 
d'autres  le  placent  au  xvi8.  Après  lui  on  cite  Quirinus 
Apollinaris,  médecin  à  la  cour  de  Bayreuth;  Isaac  Ilol- 
landus,  qui  perfectionna  l'art  de  l'émailleur,  Nicolas  Ba- 
ruaud,  dans  le  Dauphiné,  transmutateur  célèbre;  Ewald 
ou  Theobald,  de  Hogheland  ;  Jean-Aurelius  Augurelti,  de 
Ri  mini  ;  Michel  Sendivogius,  de  Pologne. 

L'alliance  de  la  kabale  et  de  l'alchimie  en  médecine  fut 
surtout  établie  par  Paracelse.  Il  ne  s'agissait  plus  d'être 
médeoin  et  alchimiste,  ou  médecin  et  théosophe,  méde- 
cin et  magicien,  etc.  :  il  fallait  être  tout  cela  à  la  fois  ;  il 
fallait,  dans  une  seule  synthèse,  réunir  toutes  ces  scien  • 
ces.  Ce  fut  l'œuvre  que  tentèrent  Paracelse  et  ses  sec- 
tateurs. 

Paracelse^  dont  le  nom  était  Philippe-Auréole-Théo- 
phraste  Bnmbast  de  Hohenheim,  naquit  en  1493,  à  Ein- 
silden,  près  de  Zurioh,  en  Suisse,  selon  les  uns,  ou  a 
Gaiss,  dans  le  canton  d'Appenzell ,  selon  Haller.  Son 
père  était  médecin  et  fort  attaché  a  l'alchimie.  Le  fils 
s'attacha  d'abord  à  cette  science,  eut  successivement 
plusieurs  maîtres,  et  commença  une  suite  de  voyages 
qu'il  ne  termina  qu'avec  sa  vie.  Pendant  quelque  temps 
il  fut  professeur  à  Bàle,  en  1526,  mais  il  se  fit  chasser 
pour  ses  débauches.  On  rapporte  qu'il  ne  montait  jamais 
en  chaire  sans  être  ivre.  Il  paraît  qu'après  avoir  étudié 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  247 

l'alchimie,  il  voulut  étudier  la  médecine  dans  Galien  ; 
mais  il  trouva  cette  manière  d'apprendre  trop  lente,  et, 
son  imagination  aidant,  il  se  forgea  un  système.  Il 
commença  par  faire  brûler  publiquement  Galien  et  Avi- 
cennes,  attaquant  les  anciens  avec  vigueur,  ne  respec- 
tant guère  qu'Hippocrate,  et  se  faisant  bonneur  de 
mépriser  la  science,  que  d'ailleurs  il  ignorait.  Une  seule 
méthode  lui  suffisait  :  c'était  une  sorte  d'intuition  théo- 
sophique,  au  moyen  de  laquelle,  disait-il,  l'homme  doit 
se  mettre  en  rapport  intime  avec  Dieu  et  les  choses 
créées.  Dans  l'intuition  se  trouve  une  lumière  mystique 
qui  enseigne  toutes  choses  à  l'esprit,  et  lui  donne  la  force 
de  chasser  les  démons;  par  elle  il  communique  avec  Dieu, 
de  qui  l'on  tire  toutes  choses,  car  l'homme  n'invente 
rien.  Adam  contenait  toutes  les  sciences  en  contenant 
les  germes  de  toutes  les  créatures  ;  et  c'est  en  retrou- 
vant en  soi  l'homme  adamique  que  l'on  retrouve  la 
science. 

Ce  procédé  intuitif  de  Paracelse  fut  un  principe  fon- 
damental à  la  philosophie  gnostique  de  l'école  d'Alexan- 
drie, dont  les  théosophes  du  xvi°  siècle  n'étaient  au 
fond  que  les  disciples.  «  Selon  Paracelse,  un  homme 
qui,  en  renonçant  à  toute  sensualité  et  en  obéissant 
aveuglément  a  la  volonté  de  Dieu,  est  parvenu  à  pren- 
dre part  à  l'action  qu'envient  les  intelligences  célestes, 
possède  par  cela  seul  la  pierre  philosophale.  »  (Spren- 
gel, ///$/.  de  la  méd.,  t.  III,  p.  303.)  Cette  belle  indication 
ne  fut  jamais  qu'un  mot  pour  les  gnostiques  et  les 
théosophes.  Aussi,  il  ne  faut  pas  prendre  les  expressions 
de  Paracelse  à  la  lettre.  Pour  lui,  comme  pour  son  école, 
comme  pour  l'école  gnostique,  renoncer  à  toute  sen- 
sualité et  obéir  aveuglément  à  la  volonté  de  Dieu,  ce 
n'est  pas  autre  chose  que  de  tomber  dans  l'extase,  et 
c'est  ce  que  Cardan,  l'un  de  ces  célèbres,  nous  apprend, 


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248  (^HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

lorsqu'il  «  prétend  qu'il  pouvait  à  volonté  tomber  dans 
une  extase  pendant  laquelle  il  voyait  et  entendait  tout 
ce  qu'il  lui  plaisait,  et  découvrait  même  l'avenir,  car 
les  signes  des  événements  futurs  se  peignaient  sur  les 
ongles  de  ses  doigts.  »(Sprengel,  ibid.,  p.  276.)  «  Aussi, 
le  mépris  pour  toutes  les  connaissances  acquises  à  force 
de  travail  et  d'application,  et  l'orgueil  de  croire  tenir  la 
sagesse  immédiatement  de  Dieu ,  sont  deux  qualités 
communes  à  Paracelse  et  aux  autres  fanatiques,  tant 
anciens  que  nouveaux.  Dans  tous  les  temps,  la  véritable 
théosophie  (de  ces  gens)  consistait  à  se  réunir  intime- 
ment à  Dieu ,  le  père  éternel  de  tous  les  bons  esprits  ; 
réunion  qui  opère  par  la  contemplation  intérieure  des 
perfections  de  l'être  suprême,  et  l'abnégation  non-seu- 
lement de  toutes  les  sensations,  mais  encore  de  toutes 
les  facultés  de  l'àme.  Quel  besoin  a  donc  le  théosophe 
de  s'adonner  à  des  études  pénibles,  puisque  sans  elles, 
et  en  tenant  son  âme  dans  un  état  entièrement  passif, 
la  Divinité  elle-même,  dont  il  est  une  émanation,  lui 
fait  part  de  ses  lumières  et  de  sa  sagesse?  D'ailleurs, 
comme  il  acquiert  de  cette  manière  un  empire  unique 
sur  les  démons,  ceux-ci  lui  procurent  tout  ce  qu'il  peut 
désirer.  Le  tbéosopbe  qui  s'est  rendu  digne  de  partici- 
per ainsi  à  la  lumière  divine,  n'a  pas  plus  besoin  d'a- 
dopter une  religion  positive,  ni  de  s'assujettir  à  des  cé- 
rémonies religieuses.  La  lumière  intérieure  et  les 
théopbanies  auxquelles  la  Divinité  l'assimile  remplacent 
tous  ces  usages  vulgaires  et  les  surpassent  même  de 
beaucoup.  »  (Ibid.,  p.  298.)  Ce  procédé  gnostique,  trans- 
mis de  l'école  d'Alexandrie  à  la  kabale,  de  la  kabale  à 
la  théosopbie,  fut  par  elle  transmis  aux  anabaptistes,  et 
de  ceux-ci  aux  illuminés. 

L'homme,  disait  Paracelse,  est  un  microcosme,  ou  petit 
monde,  qui  correspond  à  l'ensemble  de  l'univers,  ou  ma- 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  249 

croeosme,  g*rand  monde  ;  et  toutes  les  parties  de  l'orga- 
nisme sont  contenues  spirituellement  dans  le  macrocosme. 
Il  y  a  dans  chaque  corps  deux  essences,  l'une  spirituelle, 
l'autre  matérielle  :  la  spirituelle  peut  aussi  être  appelée 
sydérique,  parce  qu'elle  a  son  idée,  ou  paradigme,  dans  les 
intelligences  célestes  qui  habitent  les  astres  ;  la  matérielle 
contient  les  signes  ou  figures  du  corps  spirituel,  et  tout 
l'art  du  théosophe  consiste  à  retrouver  la  signification 
de  ces  signes.  Pour  retrouver  les  essences  spirituelles  des 
corps  matériels,  il  faut  que  l'homme  renonce  à  toute 
sensualité,  obéisse  aveuglément  à  la  volonté  de  Dieu, 
et  plonge  son  intelligence  dans  la  communication  avec 
les  intelligences  célestes  :  par  là  il  possède  la  véritable 
pierre  philosophale.  Galien,  en  se  basant  sur  les  quatre 
qualités,  s'est  trompé  du  tout  au  tout,  car  les  qualités 
ne  sont  rien,  il  n'y  a  qua  les  essences  qui  soient  quelque 
chose,  des  choses  réelles.  Dans  les  corps,  il  y  a  trois 
principes  essentiels  élémentaires,  le  sel,  le  soufre»  et  le 
mercure;  ils  peuvent  acquérir  des  qualités  différentes 
sous  l'influence  de  la  chaleur,  du  froid,  du  sec  ou  de 
1  humidité;  ils  sont  sous  la  dépendance  du  corps  sydé- 
rique, qui  est  une  force  particulière,  sorte  de  force  vi- 
tale, Yarchêe,  dont  le  siège  est  principalement  dans  l'es- 
tomac, mais  qui  est  aussi  par  tout  le  corps.  Les  maladies 
ne  sont  ni  des  altérations  des  qualités  premières,  ni  des 
lésions  organiques,  comme  le  disait  Galien  ;  ce  sont  des 
essences  ou  entités  réelles  qui  nous  pénètrent,  et  qui 
viennent  de  cinq  causes  principales  :  1°  ens  astrorum, 
ou  entités  astrales  qui  impriment  sur  le  corps  les  modi- 
fications que  déterminent  les  astres  ;  2°  ens  veneni,  qui 
sont  les  poisons  et  substances  alimentaires  ;  3°  ens  natu- 
rale,  entités  naturelles  soumises  aux  entités  astrales  ; 
4°  ens  spirituale,  les  esprits,  les  démons;  5°  ens  deale, 
effets  immédiats  de  Dieu  sur  nous.  La  thérapeutique 


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250  HISTOIRE  DE  LA  «MEDECINE. 

doit  trouver  des  remèdes  propres  à  chaque  entité  mor- 
bide, et  pour  cela  il  faut  encore  suivre  la  méthode  théo- 
sophique  ;  les  plantes  ayant,  comme  toutes  choses,  leur 
paradigme  astral,  les  formes  qu'elles  présentent  sont  des 
figures  ou  signes  de  ce  paradigme  ;  et  ainsi  leur  ana- 
tomie,  ou  étude  analytique  et  synthétique  des  signes, 
fait  connaître  leurs  correspondantes  ;  c'est-à-dire  que  la 
figure  de  la  plante  indique  l'idée  astrale  qui  correspond 
à  sa  forme  ou  essence  ;  c'est  la  théorie  des  signatures. 
Enfin,  comme  c'est  cette  essence  qui  agit,  et  non  la 
qualité  du  corps,  il  faut  distiller,  alambiquer,  faire  des 
extraits,  des  teintures,  pour  arriver  à  saisir  cette  essence 
active. 

Ce  système  demanderait  à  être  examiné  fort  au  long, 
car,  à  vrai  dire,  d'une  part  il  contient  toute  la  médecine 
moderne,  et  d'un  autre  côté  ce  n'est  qu'un  extrait  d'i- 
dées qui  avaient  précédé.  Nous  sommes  obligés  d'être 
brefs.  La  distinction  de  la  matière  et  de  sa  forme  n'est 
que  la  théorie  d'Aristote  rajeunie  par  Albert  le  Grand  et 
saint  Thomas.  L'idée  que  les  qualités  des  corps  ne  sont 
rien,  et  que  leur  substance  est  tout,  est  encore  une  idée 
toute  scolastique.  L'autre  idée  de  faire  des  maladies  des 
essences  et  non  des  altérations  de  qualités  se  retrouve 
dans  beaucoup  d'auteurs  de  ce  siècle;  mais  Paracelse 
donne  une  sorte  de  realité  solide  à  l'essence  morbide,  et 
par  là  il  s'éloigne  de  la  doctrine  scolastique,  pour  laquelle 
le  mal  n'a  pas  de  réalité  subsistante.  Il  se  rapprochait 
donc  de  la  doctrine  de  Fracastor,  qui  avait  pour  ainsi 
dire  fait  de  la  maladie  un  être  mal  représenté  par  le 
contage  ;  et  il  acceptait  la  doctrine  des  espèces  morbides 
telle  qu'elle  s'était  posée  au  xv«  siècle.  Enfin,  d'accord 
avec  cette  pathologie,  il  installa  la  thérapeutique  de 
la  spécificité,  déjà  si  bien  lancée  par  Torrigiani  au 
xiv-  siècle. 


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ÉTUDE  SUR  N08  TRADITIONS.  251 

Paracelse ,  résumant  de  grandes  idées,  a  fait  faire 
un  pas  à  la  médecine,  en  vulgarisant  la  doctrine  des 
espèces  morbides;  mais  comme  homme,  il  est  flétris- 
sable  à  plus  d'un  titre.  L'histoire  lui  reproche  d'avoir 
été  un  cynique  charlatan,  coureur  de  carrefours,  et 
vendeur  de  remèdes;  de  s'être  fait  passer  pour  avoir 
trouvé  la  pierre  philosophale ;  enfin,  de  s'être  livré  à 
une  débauche  crapuleuse.  Il  mourut  âgé  de  48  ans. 

Cardan  naquit  en  1501,  à  Milan.  Il  raconte  cynique- 
ment la  débauche  à  laquelle  il  dut  sa  naissance.  D'abord 
professeur  de  mathématiques,  ensuite  médecin,  il  pra- 
tiqua à  Paris,  à  Bologne,  puis  à  Berne,  où  il  mourut 
à  l'âge  de  75  ans.  Esprit  brillant  et  pénétrant,  trôs- 
érudit,  mais  d'une  exaltation  extrême,  comme  l'a  dit 
Boerhaave,  très-sage  quand  il  est  sage  et  très-fou  quand 
il  s'égare;  sapientior  nemo,  ubi  sapit,  dementior  nullus, 
ubi  errai.  Sa  méthode  philosophique  était  l'extase  dans 
laquelle  il  tombait  à  volonté,  et  par  laquelle  il  se  met- 
tait, disait-il,  en  relation  avec  tous  les  êtres  et  avec 
toutes  choses.  Il  veut  que  tout  vienne  de  la  terre  et  de 
l'eau  sous  l'influence  de  la  chaleur  céleste.  Il  n'y  a  que 
deux  qualités,  la  chaleur,  qui  est  la  cause  formelle,  et 
l'humidité,  qui  est  la  cause  matérielle.  Tous  les  corps 
organisés  sont  animés.  Tout  naît  de  la  putréfaction. 
Tout  est  régi  par  les  nombres  qui  mettent  en  rapport  les 
choses  terrestres  et  les  constellations.  Il  n'y  a  pas  pro- 
prement de  principe  général  qu'on  puisse  appeler  na- 
ture. Galien  s'est  trompé  du  tout  au  tout,  surtout  en 
thérapeutique,  où  le  principe  contraria  contrariis  curan- 
tur  est  absolument  faux,  et  où  le  principe  de  similitude 
est  plus  vrai.  Du  reste,  Cardan  est  perpétuellement  en 
contradiction  avec  lui-même,  affirmant  et  niant  tour  à 
tour  les  mêmes  choses.  Il  s'était  mêlé  à  l'astrologie,  à  la 
magie  et  à  toutes  les  extravagances  de  son  temps.  Il 


252  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

avait  de  lui-même  la  plus  haute  opinion  :  prétendant 
qu'il  ne  naît  un  grand  médecin  que  tous  les  mille  ans, 
et  qu'il  était  le  septième  à  citer.  Travailleur  sans  repos, 
érudit  comme  pas  un  de  son  temps,  très-versé  dans  les 
mathématiques  et  dans  la  physique,  où  il  a  excellé,  Car- 
dan n'est,  en  somme,  pour  la  médecine,  qu'une  sorte  de 
doublure  de  Paracelse.  S'il  a  poussé  l'usage  de  la  médi- 
tation jusqu'à  la  folie,  il  faut  cependant  reconnaître  qu'il 
a  montré  combien  grande  pouvait  être  l'utilité  de  ce 
procédé  intellectuel,  trop  négligé  de  nos  jours. 

Parmi  les  autres  médecins  qui  appartiennent  à  cette 
école  de  Paracelse  et  Cardan,  on  cite  les  suivants  :  77/ ur- 
neyner,  de  Bàle,  alchimiste  de  grande  réputation,  qui 
passa  pour  avoir  fait  de  l'or,  pour  le  compte  du  roi  d'An- 
gleterre et  le  margrave  de  Brandebourg;  il  se  rendit 
célèbre  par  des  guérisons  heureuses  en  Hongrie,  fit  une 
fortune  immense  et  périt  misérablement.  Adam  Iioden- 
stein  expliqua  les  termes  obscurs  de  Paracelse.  Pierre 
Sêverin  est  le  plus  célèbre  des  paracelsistes;  il  a  publié 
un  exposé  de  la  doctrine  de  son  maître.  Ce  fut  lui  qui 
précisa  l'idée  réaliste  des  essences  morbides  qu'il  ap- 
pelait des  semences,  semina  morborum,  unissant  ainsi  la 
doctrine  de  Paracelse  à  celle  de  Fracastor,  et  posant  les 
maladies  comme  des  analogues  des  espèces  végétales  et 
animales. 

D'autres  médecins  s'efforcèrent  d'unir  la  doctrine  de 
Paracelse  à  celle  de  Galien  ;  mais  cette  tendance  n'eut 
de  grands  représentants  que  dans  le  siècle  suivant. 

Si  nous  nous  rendons  bien  compte  des  pensées  qui 
emportaient  les  réformateurs  dont  nous  venons  de  par- 
ler, nous  remarquerons  que  leurs  tendances  vraies 
étaient  réalistes,  comme  nous  l'avons  signalé,  c'est-à- 
dire  qu'ils  voulaient  donner  aux  abstractions  médicales 
une  réalisation  concrète,  une  existence  substantielle. 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  253 

Ainsi,  la  maladie  n'était  plus  pour  eux  comme  pour  les 
scolastiques  de  la  grande  époque,  et  d'ailleurs,  selon 
la  tradition  médicale  antérieure,  un  simple  état  de  la 
personne  malade  :  ils  devenaient  spécificiens  réalistes 
dans  le  sens  où  Fracastor  avait  posé  la  question  :  la 
maladie  avait  pour  eux  une  existence  propre  et  réelle, 
matérielle,  pour  ainsi  dire,  représentée  par  un  contage, 
une  vapeur  éthérée  morbide,  une  cinquième  essence  de 
la  nature,  une  semence  vraie,  ou  une  sorte  d'esprit 
astral. 

Léonard  Furchs,  dont  nous  avons  parlé  parmi  les  In- 
sfîiutaires,  .disait  que  la  maladie  est  une  substance  ;  et, 
dans  le  siècle  suivant,  Plempius  le  lui  reprochera  amè- 
rement. 

Toutes  leurs  idées  étaient  tournées  vers  cette  cin- 
quième essence  qu'ils  imaginaient  devoir  entrer  dans 
tous  les  corps.  Les  anciens,  disaient-ils,  avaient  admis 
quatre  essences:  l'eau,  la  terre,  le  feu  et  l'esprit;  il 
doit  en  exister  une  cinquième  qui  est  entre  l'esprit  et 
les  trois  autres  matérielles.  Ils  supposaient  cette  cin- 
quième essence  dans  tous  les  corps  et  tous  les  êtres; 
ils  lui  attribuaient  d'être  un  principe  de  vie  entre 
l'àme  et  le  corps  ;  ils  lui  attribuaient  d'être  un  moyen 
de  relation  des  corps  entre  eux  et  des  êtres  terrestres 
avec  les  êtres  planétaires;  ils  lui  attribuaient  de  consti- 
tuer des  principes  morbides;  ils  lui  attribuaient  enfin 
d'être  le  principe  d'action  des  médicaments  et  de  pouvoir 
être  abstrait  des  corps  :  d'où  ce  nom  iïabstrac/eurs  de 
quintessence  donné  aux  alchimistes,  aux  théosophes,  aux 
paracelsistes,  et  que  le  rire  mordant  de  Rabelais  finit 
par  tourner  en  dérision. 

11  est  impossible  de  rien  comprendre  à  tout  ce  mou- 
vement médical  et  scientifique  du  xvi*  siècle,  si  on  ne 
se  pénètre  pas  de  ces  idées  issues  du  mouvement  philo- 

TOMB  XXXI.  — AVBIL  1870.  17 


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251  HISTOIRE  DR  LA  MEDECINE. 

sophique  néoplatonicien  et  kabalisle  auquel  le  réalisme 
scolastique  prépara  la  voie. 

§  II.  —  Physioloyie,  anatomie. 

Jusque  dans  le  milieu  du  xvi"  siècle,  la  physiologie  et 
l'anatomie  étaient  ce  que  Galien  les  avait  faites,  c'est-à- 
dire  à  l'état  d'indication,  non  de  constitution.  On  étu- 
diait dans  le  médecin  de  Pergame  les  traités  sur  les 
facultés,  sur  l  aine,  sur  les  facultés  naturelles,  le  de  itsu 
parlium  et  le  de  ndminislrxtionibus  anatomicis.  On  y  joi- 
gnait l'étude  du  de  anima  tel  qu'on  le  trouvait  dans 
Aristote,  dans  les  thomistes  et  dans  les  scottistes.  On  se 
tirait  du  tout  comme  on  pouvait. 

Les  institutaires,  et  en  particulier  Fernel,  dont  l'in- 
fluence fui  si  considérable,  rendirent  cet  immense  ser- 
vice de  constituer  la  science,  de  lui  donner  un  corps, 
d'en  marquer  les  divisions  et  de  lui  instiller  les  doc- 
trines du  temps.  G  est  donc  dans  Fernel  qu'il  faut  aller 
chercher  ce  qu'on  entendait  alors  dans  l'opinion  cou- 
rante sur  la  physiologie. 

Il  donne  le  nom  de  physiologie  à  la  science  des  choses 
naturelles,  et  la  définit  ainsi  dans  sa  Préface  :  «  Om- 
«  nium  prima  est  «puGtoXoyavj,  quae  homines  intègre  sani 
«  naturem  omnes  illius  vires  functiones  que  perse- 
a  quitur.  » 

Il  la  divise  en  cinq  livres,  c'est-à-dire  cinq  parties  : 
i°  m  r/uo  partes  cor  ports  necessaris  describvntur  ;  2°  de  ele- 
mentis;  3°  de  temperamentis  ;  4°  de  spiritibus  et  calido  t>i- 
nato;  5°  de  facultatibus  ;  6°  de  finie tionibus  et  humoribus; 
7°  de  hominis  procreatione  atquc  de  semble. 

La  science  est  ainsi  suffisamment  ordonnée  et  se  pré- 
sente sous  une  certaine  grandeur.  Ce  n'est  que  du  Ga^ 
lien,  il  faut  en  convenir,  mais  du  Galien  mis  en  ordre, 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  855 

éclairé  et  supérieurement  vulgarisé.  Le  maître,  en  s'y 
retrouvant,  eût  été  satisfait  de  son  disciple.  L'anatomie 
est  là,  non  distincte  sans  doute,  mais  elle  a  sa  place 
dans  le  premier  livre  qui  traite  des  parties;  car  elle  n'est 
vraiment  elle-même  qu'une  division  delà  physiologie; 
et  après  elle,  plus  loin,  vient  régulièrement  l'étude  des 
puissances  et  des  fonctions. 

Mais,  pendant  que  Fernel  et  les  institutaires  consti- 
tuaient ainsi  l'œuvre  galénique,  les  idées  qu'ils  met- 
taient en  ordre  étaient  singulièrement  ébranlées.  La 
doctrine  des  éléments  était  vigoureusement  attaquée  et 
manifestement  en  décadence;  à  sa  place,  la  doctrine 
aristotélique  et  scolastique  de  la  substance  était  carré- 
ment posée,  et  partout  on  admettait  qu'un  corps  ou  un 
être  quelconque  est  formé  d'un  principe  matériel  et  d'un 
principe  actif,  ou  evr£>sxia,  ou  forme,  substantiellement 
unis;  ainsi,  l'homme  est  composé  d'une  âme  spirituelle 
substantiellement  unie  à  un  corps  matériel.  Fernel  ne 
se  dissimule  pas  cette  conversion  des  idées,  et  il  tente 
de  l'arranger  tant  bien  que  mal  avec  la  théorie  des 
quatre  éléments.  Il  l'accepte  d'ailleurs  carrément,  et, 
dans  le  curieux  traité  De  rerum  abditis  causis,  il  se  montre 
un  scholastique  achevé. 

D'un  autre  côté,  les  alchimistes  commencent  à  dé- 
montrer que  la  terre  n'est  pas  un  élément;  qu'elle  est 
un  composé  de  plusieurs  substances  particulières.  Bien- 
tôt, on  analysera  l'eau,  puis  l'air,  et  la  théorie  des  quatre 
éléments  succombera.  11  faudra  deux  siècles  encore,  il 
est  vrai;  mais  déjà  l'édifice  est  ébranlé  par  l'analyse  de 
la  terre,  et  les  principes  chimiques,  considérés  comme  des 
substances,  mettent  déjà  la  théorie  en  déroute. 

D'un  autre  côté  encore,  on  admet  une  prétendue  cin- 
quième essence,  que  même  on  prétend  abstraite,  et  dont 
Galien  n'avait  jamais  parlé.  On  en  fait  dans  l'homme 


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256  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

un  principe  d'existence,  principe  vital.  Qu'est-ce?  Kernel 
est  embarrassé.  Il  se  décide  à  voir  dans  ce  principe  vital 
une  sorte  de  tiers  parti  entre  l'àme  et  le  corps,  dont  il 
attribue  l'idée  à  Alexandre  d'Aphrodise.  Il  dit  :  «  Hanc 
«  corporis  atque  animi  communionem  confirmans  Alexan- 
«der  Aphrodiseus,  spiritum  quem  proponimus,  ait,  per 
aquem  idoneam  vinculum  illis  interpositis,  qui  adversas 
«  naturas  interjectu  suo  conciliet  alque  contineat.  Is 
«cnim  extreino  utique  similaris  et  accommodatus,  cum 
«non  sit  prorsus  sine  corpore,  crasso  quidem  corpori 
«  inseri  potest  :  cum  vero  tenuior  splendidiorque  sit,  po- 

•  test  cum  anima  connecti.  Sicque  utriusque  quodam- 
a  modo  particeps,  naturam  corporis  injustum  cum  na- 

•  tura  corporea  copulat,  immortalemcummortali,puram 
«cum  impura,  divinam  cum  ievrena.»  (Physioloy.,  lib.  ix, 
cap.  2.) 

D'un  autre  côté,  beaucoup  de  réformateurs  admet- 
taient deux  principes  dans  l'homme  :  une  âme  plus  ou 
inoins  matérialisée  subvenant  aux  fonctions  du  corps, 
et  un  principe  d'intelligence  dont  les  uns  faisaient  une 
àme  véritable,  pendant  qu'à  l'exemple  de  Paracelse, 
ils  nommaient  la  première  Yarchéc,  ou  commandante,  de 
àpxr,.  C'était  un  ressouvenir  de  la  doctrine  des  Albigeois. 
D'autres,  divisés  en  averrhoïtes  et  alexandristes,  s'en- 
tendaient bien  pour  reconnaître  que  le  principe  spirituel 
ne  devait  être  qu'une  émanation  de  la  Divinité,  un  rayon 
de  l'intelligence  divine;  mais  les  premiers  faisaient  de 
l'àme  un  vrai  principe  matériel,  tandis  que  les  seconds 
n'en  faisaient  qu'une  pure  forme.  Enfin,  beaucoup  de 
médecins  attachés  à  la  scolastique,  dont  la  Sorbonne  de 
Paris  représenta  les  principes  jusque  dans  le  xvme  siè- 
cle, adoptaient  la  doctrine  des  philosophes  du  xme  siècle, 
les  uns  l'entendant  à  la  façon  de  saint  Thomas,  en  sou- 
tenant que  l'individuation  est  purement  matérielle,  les 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  257 

autres  disant,  avec  Scott  et  saint  Bonaventure,  que  cha- 
que individualité  a  un  principe  d'hœccéi/é,  principe 
simple  et  tout  spirituel,  selon  les  bonaventuristes,  ou 
double,  spirituel  et  matériel,  selon  les  purs  scot- 
tistes  (i). 

Enfin  Galien  avait  admis  trois  sortes  de  facultés  prin- 
cipales :  naturelles,  animales,  et  vitales  ;  ces  dernières 
lui  avaient  été  suggérées  par  les  stoïciens.  Mais,  au 
XVIe  siècle,  il  faut  tenir  compte  des  cinq  facultés  de  l'àme 
admises  par  Aristote,  réduites  à  trois  par  les  scolasti- 
ques.  Fernel  pense  aussi  tenir  compte  des  facultés  mo- 
rales admises  par  quelques  philosophes  du  temps,  et 
tente  vainement  de  concilier  ces  divergences  en  se  ran- 
geant cependant  à  l'avis  de  Galien.  Il  est  vrai  que  cela 
sera  peut-être  mal  d'accord  avec  l'étude  des  fonctions 
organiques.  Mais  qu'y  faire?  Nous  verrons,  dans  le 
siècle  suivant,  comment  la  division  galénique  triompha 
jusqu'à  nos  jours. 

Par  d'autres  points,  cette  constitution  était  bien  fra- 
gile. Plusieurs  médecins  scolastiques,  comme  Joubert, 
attaquèrent  la  réalité  de  ces  prétendues  puissances  ou 
facultés  admises  autrefois  :  nominalistes  déterminés,  ils 
traitaient  toutes  ces  conceptions  de  principes  purement 
nominaux,  sans  existence  réelle  ;  ou  bien  ils  disaient, 
avec  les  scottistes,  que  l'àme  n'a  pas  besoin  de  puis- 
sances adjointes,  qu'elle  agit  par  elle-même.  Et  pendant 
ce  temps,  d'autres  savants,  laissant  toutes  ces  questions 
doctrinales,  s'attachaient,  par  l'observation  et  l'expé- 
rience, d'abord  à  contrôler  Galien,  puis  à  le  boule- 
verser. 

(1)  Pour  que  les  Ames  ne  soient  pas  confondues  dans  l'autre  inonde, 
il  faut,  disait-on,  qu'elles  aient  un  principe  propre  d'individuation. 
Pendant  que  la  divinité  et  l'àme  du  Sauveur  allaient  dans  les  limbes, 
qu'est-ce  qui  soutenait  l'intégrité  du  corps  sur  la  croix  et  au  tombeau, 
si  ce  n'est  un  principe  d'individuation  purement  corporel,  disaient  les 
scottistes. 


258  HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE. 

s 

Nous  avons  vu  que  l'anatomie  avait  commencé  de 
renaftre  dès  le  xve  siècle  ;  dans  le  xvie,  deux  amphithéâ- 
tres de  recherches  cadavériques  sont  établis,  l'un  en 
1552,  à  Venise,  l'autre  en  1556,  à  Montpellier;  et  les 
découvertes  se  multipliaient  sous  les  mains  de  Gonthier 
d'Andernach,  Fallope,  Michel  Servet,  J.  Bauhin,  Vésale, 
Carpi,  Césalpin,  Arantius,  Coïter,  lnyrissias,  Fabrice  d%A  - 
quapendente,  Colombo,  Eustachi. 

L'anatomie  galénique  était  véritablement  renversée, 
ou  mieux,  remplacée  par  une  science  distincte  qui  ten- 
dait à  se  séparer  de  la  physiologie. 

Pour  donner  une  idée  des  découvertes  an  atomiques, 
citons  seulement  les  principales  par  ordre  de  date  : 

1532.  Charles  Etienne  découvre  les  veines  du  foie,  et, 
la  même  année,  Nicolas  Massa  découvre  les  vaisseaux 
lymphatiques  des  reins. 

1534,  Jacques  Dubois  et  André  Vésale  trouvent  les  val- 
vules des  veines. 

1546,  Ingrassias  étudie  l'oreille  et  décrit  l'étrier. 

1547,  Cornarius  trouve  les  valvules  de  la  veine  azy- 
gos. 

1548,  Arantius  décrit  le  muscle  relevaur  de  la  pau- 
pière supérieure. 

1552,  Eustachi  s'illustre  en  faisant  paraître  ses  célè- 
bres tables  anatomiques. 

1553,  Michel  Servet  indique  la  petite  circulation  ;  c'est 
le  même  qui  devait  mourir  sous  la  haine  de  Calvin. 

Eustachi  signale  le  canal  thoracique  du  cheval. 

1571,  Césalpin  étudie  le  cœur  et  les  poumons,  les  ar- 
tères et  les  veines,  et  entrevoit  la  grande  circulation. 

1572,  Fabrice  d Aquapendente  signale  les  valvules  des 
veines  et  pense  aussi  à  la  circulation;  il  n'y  avait  plus 
qu'un  pas  à  faire  pour  que  la  grande  découverte  soit 
mise  à  jour. 


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étude  sur  nos  traditions.  2r>9 

1579,  Bauhin  décrit  la  valvule  du  caecum. 

1593,  J.  Cassèrius  s'illustre  par  ses  travaux  sur  l'o- 
reille, où  il  confirme  ce  qu'avait  déjà  vu  Ingrassias. 

Le  mouvement  donné  par  ces  découvertes  fut  consi- 
dérable; avec  les  découvertes  physiques  et  mathémati- 
ques dont  nous  avons  parlé  au  commencement  de  ce 
chapitre,  il  détourna  les  esprits  des  questions  soulevées 
par  la  métaphysique  pour  emporter  la  majorité  des  sa- 
vants vers  l'observation  et  l'expérience.  Aussi,  à  partir 
de  ce  moment,  la  physiologie  et  l'anatomie  eurent 
comme  tendances  principales  de  se  concentrer  dans 
l'observation  des  parties,  le  scalpel  à  la  main,  et  dans  l'é- 
tude des  fonctions  org-aniques  presque  exclusivement.  La 
science  de  la  nature  de  l'homme  y  perdit  la  considération 
générale  de  la  vie,  et  les  grandes  études  philosophiques 
qui  avaient  été  considérées  jusqu'alors  comme  le  fonde- 
ment de  la  médecine.  Il  y  eut  des  retours,  sans  doute, 
des  tentatives  de  réaction  parfois  heureuses,  mais  sans 
fixité.  Lobseryation  et  l'expérience  devaient  faire  faire 
de  grands  progrès  dans  le  détail  de  la  science  ;  nous  au- 
rons à  le  constater;  mais  leur  exaltation  aux  dépens  de 
la  raison  et  de  la  métaphysique  a  jeté  la  science  dans 
une  voie  qui,  pour  avoir  été  fructueuse,  n'en  est  pas 
moins  déplorable.  Il  eut  été  sage  de  s'enrichir  sans  rien 
perdre,  de  profiter  de  l'observation  et  de  l'expérience 
pour  consolider  la  raison  et  la  métaphysique  de  la 
science;  mais  le  savant  n'est  pas  toujours  sag*e,  tant 
s'en  faut. 

F.  Frédault. 

—  La  suite  an  prochain  numéro.  — 


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260 


MÉDECINE  GÉNÉRALE. 


MÉDECINE  GÉNÉRALE 


ÉTUDE  CRITIQUE  SUR  VIRGHOW  ET  LA  PATHOLOGIE 

CELLULAIRE. 

—  SIXIÈME    ARTICLE.  — 

En  approchant  du  terme  de  nos  études  sur  Virchow 
et  la  pathologie  cellulaire,  il  nous  semble  nécessaire  de 
rappeler  au  lecteur  le  but  que  nous  nous  sommes  pro- 
posé en  entreprenant  ce  travail  dont  le  commencement 
se  perd,  grâce  à  notre  mode  de  publication,  dans  un 
passé  déjà  vieux  de  cinq  à  six  mois. 

Nous  avons  voulu  dans  cette  étude  faire  connaître 
l'école  micrographique  allemande  et  il  nous  a  semblé 
convenable,  pour  arriver  à  ce  but,  de  prendre  le  plus 
distingué  d'entre  les  maîtres  de  Vorg-anicisme  moderne, 
de  le  dépouiller  de  l'atmosphère  nuageux  que  lui  com- 
pose un  néologisme  barbare,  et  de  montrer  que  sous 
cette  auréole  il  n'y  a  ni  un  Dieu,  ni  même  un  héros, 
comme  le  veulent  ses  partisans;  mais  un  anatomo-patho- 
log-iste  d'une  certaine  valeur.  Je  crois  avoir  solidement 
établi  que  Virchow  n'est  qu'un  rêveur  et  un  fantaisiste 
en  fait  de  doctrine  et  que,  par  conséquent,  on  ne  saurait 
sous  aucun  rapport  en  faire  un  chef  d'école. 

DE  LA  PYOHÉMIE. 

Nous  ne  voulons  pas  traiter  incidemment  la  question 
si  vaste  et  si  importante  de  la  diathèse  purulente;  seule- 
ment nous  trouvons  dans  Virchow  des  faits  et  des  témoi- 
gnages qui  viennent  confirmer  les  conclusions  que  notre 


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VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  29 

cher  maître  J.-P.  Tessier  exposait  déjà  en  1838  dans  le 
journal  l Expérience.  La  théorie  de  la  résorption  puru- 
lente et  celle  de  la  phlébite  dont  sa  grande  intelligence 
médicale  avait  démontré  toutes  les  faussetés,  et  qui  ne 
s'étaient  jamais  relevées  de  sa  critique,  sont  complète- 
ment mises  à  néant  par  les  travaux  de  Virchow.  Nous 
nous  empressons  de  recueillir  cette  démonstration  qui, 
après  plus  de  trente  ans  de  lutte,  vient  consacrer  les 
travaux  de  notre  école  sur  la  question  la  plus  impor- 
tante de  la  pathologie. 

Les  théories  que  J.-P.  Tessier  a  combattues  avaient 
toutes  pour  caractère  commun  d'expliquer  la  diathèse 
purulente  par  la  présence  du  pus  dans  le  sang.  Les  par- 
tisans de  la  phlébite  expliquaient  le  passage  du  pus  dans 
le  sang  par  l'intermédiaire  d'une  phlébite  suppurée, 
tandis  que  les  tenants  de  la  résorption  purulente  ensei- 
gnaient que  le  pus  passait  directement  du  foyer  sup- 
purant dans  les  vaisseaux.  Or,  Virchow  démontre  que 
le  pus  en  nature  n'existe  jamais  dans  le  sang,  que  la 
pyohémie  est  un  rêve. 

Virchow  commence  par  nier  que  le  microscope  puisse 
constater  la  présence  du  pus  dans  le  sang,  parce  que  les 
globules  blancs  du  sang  ressemblent  absolument  aux 
globules  du  pus.  Il  ajoute  que  dans  la  grossesse  et  dans 
tous  les  états  où  les  ganglions  lymphatiques  sont  irrités 
les  globules  blancs  du  sang  sont  extrêmement  nom- 
breux et  constituent  une  leucocythose  qui  a  souvent  été 
prise  pour  une  pyohémie. 

«  Que  doit-on  comprendre  par  pyohémie  ?  En  général 
on  a  pensé  que  cette  afîection  était  due  à  la  présence  du 
pus  dans  le  sang.  Or,  le  pus  est  caractérisé  par  des  élé- 
ments morphologiques  (des  cellules).  Il  s'agissait  donc 
.  de  démontrer  la  présence  de  ces  éléments  dans  le  sang. 
Mais,  comme  je  vous  l'ai  fait  voir,  les  globules  blancs  du 


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262  MÉDECINE  GÉNÉRALE. 

sang  ressemblent  complètement,  même  chez  les  gens  qui  jouis- 
sent de  la  meilleure  santc,  aux  corpuscules  du  pus;  un  des 
côtés  importants  de  la  question  nous  échappera  donc 
naturellement.»  (Page  156.) 

«Toute  irritation  notable  des  ganglions  lymphatiques 
a  pour  conséquence  l'augmentation  des  globules  blancs 

du  sang,        c'est-à-dire  qu  elle  produira  une  leucocy- 

those.  Ceux  qui  croient  possible  la  résorption  du  pus, 
ceux  qui  attribuent  à  ce  liquide  les  lésions  observées 
alors,  peuvent  aisément  trouver  dans  le  sang  des  cel- 
lules ressemblant  aux  globules  purulents;  ces  cellules 
sont  quelquefois  en  si  grand  nombre  qu'on  peut  voir  à 
l'œil  nu,  sur  le  cadavre,  des  points  ressemblant  à  du 
pus,  constitués  par  l'amas  de  ces  leucocylhes;  ou  bien  on 
les  retrouve  encore  formant  ces  couches  épaisses,  unies 
ou  granuleuses  à  la  partie  inférieure  de  la  couenne  de  la 
saignée.  La  démonstration  semble  aussi  convaincante 
que  possible.  On  part  de  l'idée  que  le  pus  peut  pénétrer 
dans  le  sang;  on  examine  le  sang,  on  y  trouve  des  élé- 
ments ressemblant  réellement  à  des  corpuscules  de  pus, 
et  ces  éléments  sont  en  quantité  considérable.  Ceux-là 
môme  dont  l'opinion  est  que  les  corpuscules  purulents 
ressemblent  aux  globules  blancs  (et  cela  est  arrivé  sou- 
vent dans  l'histoire  de  la  pyohémie),  sont  tentés  de  se 
laisser  séduire  par  l'idée  que  ce  sont  des  globules  pu- 
rulents..... »  (Page  165.) 

On  nepeutdoncpas  démontrer  la  présence  du  pus  dans 
le  sang  par  un  examen  direct,  et  tous  les  faits  que  les 
partisans  de  la  résorption  purulente  ont  invoqués 
comme  des  cas  de  pyohémie  étaient  des  cas  de  leucocy- 
those. 

Virchow  prenant  la  question  à  un  autre  point  de  vue 
démontre  que  le  pus  nest  jamais  résorbé  comme  pus 


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VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  ?G3 

(page  457)  ;  qu'il  ne  peut  passer  dans  le  sang1  ni  par  les 
vaisseaux  lymphatiques  ni  par  les  veines,  à  moins  quun 
abcès  ne  s'ouvre  dans  une  veine. 

Le  pus  ne  peut  pénétrer  dans  le  sang*  par  les  vaisseaux 
lymphatiques  attendu  que  les  vaisseaux  rencontrent  sur 
leur  parcours  des  ganglions  qui  constituent  une  barrière 
infranchissable  pour  toutes  les  cellules,  pour  tous  les 
éléments  figurés.  Le  héruni  du  pus  seul  peut  franchir 
les  ganglions  lymphatiques,  mais  les  cellules  du  pus  sont 
retenues.  Le  pus,  comme  pus,  ne  peut  donc  passer  dans 
le  sang  à  travers  les  vaisseaux  lymphatiques. 

«  L'important  est  de  savoir  si  le  lymphatique  rempli 
de  pus  peut  se  jeter  dans  la  circulation  sanguine  et  y 
provoquer  la  pyohémie.  En  règle  générale,  il  faut  nier 
la  possibilité  d'un  semblable  phénomène,  et  la  raison  en 
est  bien  simple:  tous  les  lymphatiques  susceptibles  d'une 
semblable  absorption  sont  situésa  la  périphérie  du  corps; 
et,  s'ils  proviennent  des  parties  externes  ou  des  organes 
internes,  ils  n'arrivent  dans  les  vaisseaux  sanguins  qu'a- 
près un  long  parcours.  Tous  sont  interrompus  par  des 
ganglions  lymphatiques  :  vous  connaissez  la  structure 
de  ces  derniers,  vous  savez  qu'ils  ne  sont  pas  formés  par 
un  enroulement  de  lymphatiques.  Je  vous  ai  expliqué 
leur  structure,  et  après  s'être  divisés  vous  les  avez  vus 
arriver  à  des  points  entièrement  obstrués  par  des  éléments 
celluleux  :  vous  voyez  bien  qu'un  corpuscule  de  pus  ne 
saurait  traverser  les  ganglions.  »  (Page  161.) 

Le  pus  ne  peut  donc  être  résorbé  par  les  lymphatiques. 
Peut'il  être  résorbé  par  les  veines?  Voici  l'opinion  de 
Virchow. 

«  11  est,  à  vrai  dire,  un  cas  particulier,  dans  lequel  le 
pus,  sans  être  précisément  résorbé,  subit  une  intravasation ; 
c'est  celui  où  le  pus  peut  pénétrer  dans  un  vaisseau  lésé 
ou  perforé  et  parcourir  ce  vaisseau.  Un  abcès  peut  se 


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264  MÉDECINE  GÉNÉRALE. 

former  auprès  d'une  veine,  en  déchirer  la  paroi  et  le 

pus  se  vider  dans  le  vaisseau  Il  s'agit  de  savoir  si  ce 

cas  est  fréquent.  Pour  les  veines,  cette  possibilité  est  bien 
réduite  depuis  les  trente  dernières  années;  on  est  de  plus 
en  plus  revenu  des  idées  qu'on  avait  jadis  sur  la  résorp- 
tion du  pus  en  substance  par  les  veines.  »  (Page  46i .) 
Remarquons  qu'il  s'agit  ici  d'un  cas  particulier  sur  lequel 
nous  nous  expliquerons  dans  un  instant,  mais  qu'il  est 

i 

impossible  de  fonder  une  théorie  générale  sur  un  cas 
particulier. 

«  Dans  les  cas  très-rares,  du  reste,  où  le  pus  pénètre 
dans  les  veines,  il  est  certain  que  les  éléments  du  pus  se 
mêlent  au  sang  ;  mais  ce  mélange  n'arrive  ordinaire- 
ment qu'une  seule  fois;  l'abcès  se  vide,  et  s'il  est  volu- 
mineux, il  se  formera  plutôt  une  extravasation  sanguine 
qu'une  pyohèmie  durable.  On  pourra  réussir  alors  à  ren- 
contrer une  seule  fois  dans  le  sang  des  corpuscules  du 
pus  avec  leurs  éléments  spéciaux  ;  mais  jusquà  présent, 
il  nest  donné  à  personne  de  démontrer,  par  des  preuves  ayant 
la  moindre  valeur ,  r existence  d'une  piohèmie  morpholo- 
gique.» (P.  170.) 

En  résumé  et  pour  dernière  conclusion,  disons  avec 
Virchow  :  Il  n'est  donné  à  personne  de  démontrer,  par 
des  preuves  ayant  quelque  valeur,  la  présence  du  pus 
dans  le  sang. 

Quant  à  la  pénétration  dans  le  sang  du  pus  d'un  ab- 
cès qui  s'ouvrirait  dans  une  veine,  nous  faisons  sur  ces 
faits,  très-rares  d'après  Virchow,  nos  réserves  formelles. 
Nous  croyons  effectivement  que  dans  ce  cas,  s'il  se  pré- 
sente jamais,  on  observera  bien  plutôt  une  hémorrliagie 
qu'une  diathèse  purulente  ;  mais  ce  qui  rend  ce  fait 
presque  impossible  à  se  produire,  c'est  le  mode  de  pro- 
pagation des  abcès  et  le  mécanisme  de  leur  ouverture. 
En  effet,  c'est  à  l'aide  de  l'inflammation  que  les  abcès  se 


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VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  265 

propagent,  et  c'est  par  ulcération  et  non  pas  par  rupture 
qu'ils  ont  coutume  de  s'ouvrir;  or,  toutes  les  fois  que 
l'inflammation  atteint  une  veine,  elle  a  pour  résultat 
habituel  la  formation  d  une  thrombose  et  la  disparition 
de  la  cavité  de  la  veine,  d'où  l'impossibilité  presque  ab- 
solue de  la  pénétration  du  pus  dans  les  vaisseaux  par 
ce  mécanisme. 

Dira-t-on  que  le  sérum  du  pus  est  un  liquide  nuisible 
et  que  c'est  lui  qui,  facilement  absorbé,  va  empoisonner  le 
sang:  et  produire  les  symptômes  de  pyohémie  !  Triste 
refuge  d'une  théorie  aux  abois.  Le  sérum  du  pus  est 
un  liquide  fort  innocent  ;  il  est  absorbé  continuellement 
dans  les  abcès  et  sans  cesse  renouvelé  ;  dans  le  travail 
régressif  du  pus  appelé  caséi/ication,  il  est  entièrement 
résorbé,  et  cela  sans  aucun  dommage  pour  l'économie. 
Il  faut  donc  admettre  avec  J. -P.  Tessier,  que  la  résorption 
du  pus  est  impossible  et  par  les  veines  et  par  les  vais- 
seaux lymphatiques  ;  et  il  faut  chercher  ailleurs  l'expli- 
cation de  la  diathèse  purulente. 

Cette  confirmation  par  l'école  contemporaine  des  opi  - 
nionsémisesen  1838  par  un  jeune  interne  de  l'Hôtel-Dieu 
de  Paris,  le  retour  des  esprits,à  trente  ans  de  distance,  aux 
vérités  enseignées  par  J.-P.  Tessier  a  quelque  chose  de 
triste  et  de  consolant  à  la  fois.  L'école  de  Paris  a  possédé 
pendant  vingtans  un  homme  doué  d'une  intelligence  mé- 
dicale d'élite,  etparcequecet  homme  a  heurté  de  frontles 
préjugés  régnants,  parce  qu'il  a  écrasé  les  médiocrités 
vaniteuses  qui  repoussaient  sa  doctrine,  il  a  été  jeté  aux 
gémonies;  puis  lui  mort,  cette  même  école  s'empresse 
d'accepter,  retour  d'Allemagne,  un  certain  nombre  de 
vérités  que  J.-P.  Tessier  a  enseignées,  et  de  porter  au 
Gapitole  un  Prussien  qui  ne  s'élève  au-dessus  des  au- 
tres micrographes  que  par  les  lambeaux  de  doctrines 
qu'il  a  empruntées  à  notre  maître. 


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166  MÉDECINE  GENERALE. 

Virchow,  nous  l'avons  déjà  dit,  ne  peut  atteindre  à  la 
notion  de  maladie,  et  comme  pour  le  cancer,  nous  le 
voyons  chercher  pour  la  diathèse  purulente  une  expli- 
cation dans  je  ne  sais  quel  suc  miasmatique  dont  l'exis- 
tence même  est  tout  à  fait  problématique,  mais  il  faut 
de  temps  à  autre  à  ce  solidiste  enragé  quelques  théo- 
ries humoristes. 

«  Cette  sorte  de  métastase  (la  métastase  du  sel  cal- 
caire sur  l'estomac  et  le  poumon  dans  la  rachitisme), 
dans  laquelle  diverses  substances  se  mêlent  à  la  masse 
du  sang*,  non  point  sous  leur  forme  palpable  ^  mais  sous 
forme  de  solution,  a  une  certaine  importance  pour  l'étude 
de  ces  états  complexes,  qu'on  désigne  sous  le  nom  de 
pyohèmie.  Cette  explication  me  semble  seule  possible  pour 
expliquer  certains  actes  pathologiques  diffus  n'affectant 
pas  la  forme  ordinaire,  circonscrite  des  métastases.» 
(P.  488.) 

Voyons  les  exemples  de  ces  actes  pathologiques  non 
circonscrits. 

«  C'est  dans  cette  classe  qu'on  doit  ranger  la  pleu- 
résie métastatique  qui  se  développe  sans  abcès  apparents 
dans  les  poumons;  la  lésion  rhumatismale  articulaire, 
dans  laquelle  les  jointures  ne  présentent  aucun  foyer  pu- 
rulent, l'inflammation  gangréneuse  diffuse  du  tissu  cel- 
lulaire sous-cutuné,  qu'on  ne  saurait  expliquer  si  on 
n'admettait  pas  une  infection  de  nature  chimique.  » 

Est-ce  assez  pitoyable  !  En  quoi  une  pleurésie  n'est-elle 
pas  une  lésion  circonscrite,  et  qu'est-ce  que  c'est  quedes 
abcès  apparents  du  poumon ,  il  y  a  donc  des  abcès  non  appa- 
rents? pourquoi  appeler  rhumatismale  les  arthrites  qui 
surviennent  dans  la  diathèse  purulente  puisqu'il  n'y  a 
point  là  de  rhumatisme,  et  où  Virchow  a-t-il  vu  que  ces 
arthrites  ne  suppuraient  point,  quand  ce  sont  peut-être 
les  seules  qui  subissent  cette  terminaison. 


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VIRCHÔW  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  2<>7 

Mais  revenons  à  Y  infection  de  nature  chimique  et  conti- 
nuons notre  citation  :  «  Ici  comme  dans  l'infection  va- 
riolique,  comme  dans  l'infection  cadavérique,  suite  de 
plaie  anatomique,  nous  avons  affaire  au  transport,  dans 
l'organisme,  de  suc  altéré  ichoreux  ;  admettez  donc  une 
dyscrasie  (une  infection  ichorcuse),  lorsque  la  substance 
ichoreuse  ayant  pénétré  dans  l'organisme,  manifeste 
son  action  dans  les  organes  qui  semblent  avoir  une  pré- 
dilection spéciale  pour  de  semblables  substances.  » 
(P.  188.) 

Il  faudrait  pourtant  savoir  ce  que  l'on  dit  quand  on 
a  l'honneur  d'être  un  maître,  quand  on  alacharge  d'en- 
seigner. Virchow  est-il  pour  une  infection  chimique  ou 
pour  une  infection  ichoreuse?  C'est  ce  que  nous  ne  sau- 
rons jamais  probablement.  Mais  ce  liquide  ichoreux, 
d  où  vient-il?  qui  l  a  vu?  c'est  du  pus  putréfié.  Non,  car 
Virchow  dit  positivement  en  parlant  de  la  cause  des 
abcès  métastatiques  :  «  11  faudrait  tenir  compte  d'une 

condition  ,  c'est  la  présence  de  certains  liquides  qui 

il  ont  aucun  rapport  direct  ou  nécessaire  avec  le  pus  lui- 
même,  qui  diffèrent  entre  eux  par  leur  composition  et 
leur  origine.  »  (p.  184). 

Qu'est-ce  donc  que  ce  liquide  ichoreux?  une  hypothèse 
et  rien  qu'une  hypothèse.  Mais  quand  on  est  microgra- 
phe, Allemand  et  positiviste,  on  a  des  privilèges. 

Virchow  explique  les  abcès  métastatiques  par  sa  fa- 
meuse théorie  de  Y  embolie.  L'extrémité  des  caillots  intra- 
veineux, sans  cesse  battue  par  le  courant  sanguin,  laisse 
échapper  des  parcelles  de  fibrine  qui,  se  séparant  dans 
le  poumon,  le  foie  et  les  autres  organes,  deviennent  la 
source  d'infarctus  et  d'abcès  multiples. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  longtemps  à  cette  hy- 
pothèse ;  elle  est  fausse  pour  trois  raisons  : 

1°  Il  va  des  abcès  métastatiques  sans  phlébite,  par 


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268  MÉDECINE  PRATIQUE. 

conséquent  sans  caillots  migrateurs;  2°  il  va  des  obser- 
vations de  plaie  de  tête,  dans  lesquelles  des  abcès  métas- 
tatiques  se  développent  dans  Je  foie  après  avoir  épargné 
Je  poumon,  ce  qui  serait  inexplicable  si  ces  abcès  du 
foie  étaient  produits  par  des  embolies  venues  des  par- 
ties supérieures  du  corps  ;  3°  dans  la  diathèse  purulente 
on  observe  fréquemment  des  arthrites  suppures,  des 
collections  purulentes  des  plèvres  qui  ne  peuvent  nulle- 
ment s'expliquer  par  des  embolies. 

Nous  le  verrons,  du  reste,  dans  le  prochain  paragra- 
phe ;  Virchow  a  une  grande  tendance  à  expliquer  les 
maladies  par  les  embolies;  il  nous  rappelle  Cruveilhier, 
qui  voulait  expliquer  toute  la  pathologie  par  des 
phlébites  capillaires,  et  nous  ne  voyons  vraiment  pas 
pourquoi  Virchow  se  permet  d'appeler  l'anatomiste 
français  mystique,  à  cause  de  sa  théorie  de  la  phlébite 
universelle,  lui  qui  verse  si  complètement  dans  la  théo- 
rie au  moins  aussi  mystique  de  l'embolie  universelle. 

P.  Joussbt. 

—  La  suite  au  prochain  numéro.  — 


MÉDECINE  PRATIQUE 

RECHERCHES  SUR  LA  TYMPANITE  ET  SON  TRAITEMENT. 

—  SUITE  (I)  — 

Traitement.  —  Le  traitement  de  la  tympanite  pré- 
sente deux  indications  principales  que  le  médecin  ne 
doit  pas  perdre  de  vue  :  i'  évacuer  les  gaz  accumulés 
dans  le  tube  digestif,  2°  empêcher  le  retour  des  acci- 
dents de  tympanite. 

M)  Voy.  Art  médical.  Décembre  1869  et  février  1870. 


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RECHERCHES  SUR  LA  TYMPANITE.  269 

La  première  indication  correspond  au  traitement  de 
t accès ,  et  la  seconde  au  traitement  de  la  maladie  elle- 
même. 

I.  Traitement  de  t  accès.  —  Le  médecin  appelé  près  d'un 
malade  en  proie  à  une  tympan i te  grave,  doit  se  préoc- 
cuper ayant  tout  de  savoir  si  la  tympanite  est  sympto- 
matique  ou  idiopalhique. 

Dans  le  premier  cas,  il  doit  autant  que  possible  s'a- 
dresser à  la  cause  première  de  la  maladie.  On  ne  peut, 
en  effet,  avoir  la  prétention  de  guérir  par  les  mômes 
moyens  les  diverses  variétés  de  tympanites,  dépendant 
soit  d  une  névrose,  soit  d'une  cachexie,  soit  enfin  d'une 
obstruction  intestinale. 

C'est  donc  seulement  aux  cas  de  tympanite  idiopa- 
lhique que  s'adressent  d'une  manière  véritablement  ef- 
ficace les  divers  modes  de  traitement  que  nous  allons 
passer  en  revue. 

Le  traitement  devra  varier  avec  le  siège  de  la  maladie. 

Dans  les  tympanites  de  t  estomac,  par  exemple,  on  voit 
parfois  le  gonflement  céder  à  quelques  gouttes  d'éther, 
d'eaux  de  fleur  d'oranger,  de  mélisse  ou  de  menthe. 
Dans  les  cas  plus  graves,  il  faudra  avoir  recours  aux 
médicaments  de  la  tympanite,  dont  nous  parlerons  plus 
loin.  Dans  quelques  circonstances,  la  tympanite  ne  cé- 
dera qu'à  l'introduction  d  une  sonde  œsophagienne  jus- 
que dans  l'estomac. 

Dans  les  tympanites  du  côlon,  on  a  vu  souvent  le  g'on- 
flement disparaître  après  l'administration  d'un  lave- 
ment purgatif,  parfois  aussi  il  a  fallu  avoir  recours  à 
l'introduction  d'une  sonde  dans  le  rectum  ;  on  a  même 
été  obligé,  pour  soutirer  les  gaz  de  l'intestin,  d'adapter 
à  l'extrémité  de  la  sonde  une  seringue  dont  on  se  ser- 
vait comme  d'une  pompe  aspirante. 

TOME  XXXI.  —  AVRIL  1870.  18 


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270  MÉDECINE  PRATIQUE. 

C'est  surtout  dans  la  tympanite  du  colon  qu'on  peut 
dire  que  les  moyens  de  traitement  varient  autant  que 
les  causes.  Il  arrive  fréquemment  que  cette  forme 
de  tympanite  est  due  à  une  constipation  habituelle  et 
opiniâtre,  à  un  obstacle  mécanique  agissant  sur  l'intes- 
tin de  dedans  en  dehors  ou  de  dehors  en  dedans  ;  alors, 
c'est  la  constipation  qu'il  faut  combattre,  c'est  cet  obsta- 
cle qu'il  faut  enlever  par  les  moyens  indiqués. 

J'emprunte  à  la  thèse  du  Dr  Josat  (p.  36)  un  exemple 
frappant  qui  prouvera  l'utilité  de  l'exploration  directe 
dans  les  cas  de  tympanite  du  côlon  :  «  Une  vieille  femme 
de  83  ans  vint  me  consulter  l'an  dernier,  pendant  un 
séjour  que  j'ai  fait  en  Champagne,  près  de  Dormans. 
Elle  accusait  surtout  une  constipation  que  rien  ne  pou- 
vait faire  cesser;  il  n'y  avait  pas  moins  de  trois  semaines 
écoulées  depuis  sa  dernière  garde-robe.  Cette  constipa- 
tion produisait  un  gonflement  énorme  du  ventre  dans 
le  trajet  du  colon.  Je  me  suis  assuré  que  ce  gonflement 
était  dù  à  une  forte  quantité  de  gaz.  La  plupart  des 
fonctions  sensitives  et  nutritives  étaient  dérangées  chez 
cette  pauvre  malade.  La  marche  était  devenue  fort  dif- 
ficile, la  respiration  gênée  et  la  vue  fort  troublée.  J'eus 
recours,  sans  succès,  aux  purgatifs  les  plus  énergiques. 
Je  me  décidai  alors  à  explorer  l'anus.  J'éprouvai  bien- 
tôt une  résistance  d'une  nature  inconnue  :  ce  n'étaient 
point  les  fèces  que  je  touchais,  mais  un  corps  mollasse 
et  douloureux,  derrière  lequel  semblaient  s'être  accu- 
mulées les  matières  stercorales.  Je  me  perdais  en  con- 
jectures, quand  la  malade  vint  à  mon  secoure,  en  m'a- 
vouant  qu'après  ses  dernières  couches,  ayant  voulu  se 
livrer  trop  tôt  à  ses  travaux  des  champs,  elle  avait 
éprouvé  une  descente  de  matrice  pour  laquelle  la  sage- 
femme  lui  avait  introduit  une  boule  de  cire  qui  s'y 
trouvait  depuis  sans  avoir  été  ni  changée,  ni  lavée.  Or, 


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RECHERCHES  SUR  LA  TYMPANITE.  271 

il  y  avait  de  cela  cinquante-trois  ansl...  Qu'on  juge  de 
l'état  de  ce  corps  après  un  séjour  pareil  dans  des  parties 
constamment  irritées  par  sa  présence,  et  humectées  par 
la  matière  ichoreuse  qui  en  résultait.  Je  me  mis  sur-le- 
champ  à  en  faire  l'extraction,  j'eus  une  peine  infinie... 
La  tympanite  disparut,  et  cette  femme  fut  tout  à  fait 
délivrée  de  la  constipation,  et  de  tous  les  accidents 
qu'elle  développait.  » 

Les  hjmpanites  de  l'intestin  gré/e  sont  les  plus  difficiles 
à  guérir.  On  a  préconisé  dans  ces  cas  un  grand  nom- 
bre de  remèdes,  notre  intention  est  d'y  revenir  au  cha- 
pitre du  traitement  de  la  maladie  ;  mais  il  arrive  sou- 
vent que  tout  l'arsenal  thérapeutique  est  épuisé  sans 
résultat  :  il  ne  reste  alors  au  médecin  qu'une  seule  res- 
source, et  cette  ressource  ultime  est  la  ponction  de  f  in- 
testin. 

Je  crois  nécessaire  d'entrer  à  ce  sujet  dans  certains 
détails. 

La  ponction  a  été  pratiquée  depuis  longtemps  dans 
la  tympanite.  Les  annales  de  la  médecine  nous  appren- 
nent que  Van  Helmont,  dans  sa  jeunesse,  fît  exécuter 
çn  sa  présence  la  paracentèse  dans  une  tympanite  qu'on 
avait  prise  pour  l'ascite,  et  qu'après  avoir  inutilement 
attendu  la  sortie  des  eaux,  ayant  à  la  fin  ôté  le  trocart, 
il  en  sortit  un  air  putride,  répandant  une  odeur  cada- 
vérique, et  que  le  malade  mourut  dans  la  journée,  quel- 
ques heures  après  l'opération  (1).  Ce  terrible  exemple 
dut  pendant  longtemps  ôler  aux  chirurgiens  l'envie  de 
ponctionner  le  ventre  dans  les  cas  de  tympanite. 

Cependant  Sauvages  eut  recours  à  ce  moyen  chez  une 
femme  atteinte  de  tympanite  péritonéale,  et  il  eut,  pa- 
raît il,  le  même  insuccès  que  Van  Helmont. 

(l.t  Ignot.  hydrop.,  n°  44.  Acla  nature  curiosa. 


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£72  MÉDECINE  PRATIQUE. 

Littre  et  Combalusier  conseillent,  néanmoins,  d'em- 
ployer la  ponction  dans  les  cas  de  tympanite  grave;  il 
est  vrai  de  dire  que  ces  auteurs  ne  l'ont  jamais  prati- 
quée. 

La  ponction  était  donc  à  peu  près  abandonnée  ou, 
pour  mieux  dire,  elle  n'avait  presque  jamais  été  mise 
en  usage  jusqu'en  1779,  époque  à  laquelle  une  observa- 
tion que  nous  rapporterons  plus  loin  fut  consignée  dans 
le  Journal  de  médecine  et  de  chirurgie. 

L'acupuncture,  au  contraire,  comptait  un  assez  grand 
nombre  de  partisans.  Ten-Rhyne  (1)  et  Ktempfer  (2) 
vantent  beaucoup  ce  mode  de  traitement  qu'ils  disent 
être  journellement  employé  par  les  Japonais  et  les  Chi- 
nois. 

Ambroise  Paré  raconte  qu'il  réussit  à  guérir  une  tym- 
panite en  piquant  plusieurs  fois  les  intestins  avec  une 
aiguille  pour  en  faire  sortir  l'air. 

Au  dire  de  Mérat  (Voy.  article  Météorisme  du  Dict.  des 
Sciences  méd. ,  1819),  Rousset,  contemporain  d'Am- 
broise  Paré,  dit  que  l'acupuncture  a  été  employée  par 
un  chirurgien  de  ses  amis,  dans  une  plaie  de  l'épigas- 
tre,  avec  issue  et  étranglement  d'une  portion  d'intestin. 

Pierre  Low,  chirurgien  anglais,  s'en  est,  dit-on,  plu- 
sieurs fois  servi  dans  les  hernies  inguinales.  Garengeot, 
Sharp  et  Van  Swicten,  la  conseillent  aussi  ;  ils  veulent 
seulement  qu'on  se  serve  d  une  aiguille  ronde  et  non 
pas  d  une  aiguille  coupante.  «  Il  ne  faut  pourtant  pas, 
ajoute  Mérat,  que  l'aiguille  soit  trop  fine,  parce  que  les 
mucosités  intestinales  toucheraient  bien  vite  l'ouver- 
ture faite;  il  ne  faut  pas  non  plus  qu'elle  soit  trop  grosse, 
dans  la  crainte  qu'elle  n'augmente  l'inflammation  ; 
mais  je  crois  que  cet  inconvénient  est  moindre  que  le 

(I;  De  Arthrilide,  p.  143. 

(2)  Amœoit.,  p.  587.  (Voy.  Heister  chirurg.,  p.  463.) 


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RECHERCHES  SUR  LA  TYMPANITE.  273 

précédent.  Je  dois  faire  observer,  dit-il,  que,  dans  les 
cas  dont  je  viens  de  parler  (ceux  de  Paré,  Rousset, 
Low,  etc.),  les  acupunctures  ont  été  faites  sur  des  in- 
testins à  nu,  ce  qui  facilite  et  simplifie  l'opération,  mais 
je  ne  vois  pas  que  l'épaisseur  des  parois  abdominales 
distendues  et  amincies  par  le  météorisme,  puisse  ajou- 
ter beaucoup  de  difficulté  ou  de  gravité  a  l'opération.  On 
pourrait  peut-être  se  servir  en  place  d'aiguille  d'un  tro- 
cart  fin,  dont  la  canule  retiendrait  l'intestin,  et  permet- 
trait à  l'air  de  continuer  de  sortir,  en  aidant  cette  sor- 
tie de  la  pression  abdominale.  » 

Ce  que  Mérat  donnait  comme  une  sorte  d'hypothèse, 
avait  été  pratiquée  avec  succès  quarante  ans  aupara- 
vant. C'est  ce  qui  ressort  d'une  observation  très-remar- 
quable, publiée  en  1779,  par  Dusseaux,  maître  en  chi- 
rurgie, à  Aurillac.  Cette  observation,  insérée  dans  le 
tome  LI  de  l'ancien  Journal  de  médecine,  chirurgie, 
pharmacie,  etc.,  mérite  une  mention  toute  particulière. 

Observation  I. 

11  s'agissait  d'une  jeune  fille  de  16  à  17  ans  qui  fut  prise  tout  à 
coup,  le  jour  où  elle  attendait  ses  règles,  de  coliques  avec  ballon- 
nement rapide  du  ventre.  M.  Brieude,  médecin,  appelé  au  bout  de 
vingt-quatre  heures,  «  trouva  le  pouls  petit,  serré  et  convulsif  ;  les 
extrémités  étaient  froides  et  les  douleurs  de  colique  très-aiguës.  Ce 
qui  le  surprit  davantage,  ce  fut  l'enflure  du  ventre  que  la  mère  et 
la  malade  l'assurèrent  être  parvenue  à  ce  point  si  volumineux,  de- 
puis si  peu  de  temps.  Sa  surface  était  exactement  ronde  et  uniforme, 
il  n'était  pas  possible  de  découvrir  par  le  tact  aucun  gonflement 
local  qni  pût  faire  conjecturer  que  cette  tympanite  (car  c'en  était 
une)  fût  intestinale.  Elle  résonnait  sensiblement  lorsqu'on  frappait 
dessus,  de  sorte  que  tout  démontrait  qu'il  s'était  fait  une  explosion 
d'air  élémentaire  dans  l'abdomen,  laquelle  était  contenue  dans  le 
péritoine. 

■  Pour  expliquer  ce  phénomène  aussi  extraordinaire  que  dange- 
reux, Q  fallait  supposer,  dit  Dusseaux,  qu'un  coup  de  froid,  dont 


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274  MÉDECINE  PRATIQUE. 

l'impression  avait  été  très-sensible  à  cause  de  l'apparition  prochaine 
des  règles,  avait  glacé  l'utérus  et  son  voisinage  ;  que  les  humeurs 
gelées  avaient  donné  lieu  à  une  dissolution  phlogoso-gangréneuse 
qui  avait  été  sans  doute  accélérée  par  les  remèdes  échauffants  (la 
mère  de  la  malade,  dans  l'espoir  d'apaiser  ses  souffrances,  lui  avait 
administré  successivement  de  l'enu-dc-vie,  de  la  thériaque  et  du 
vin  chaud)  ;  c'était,  dit  encore  Dusseaux,  une  personne  trouvée  dans 
la  neige  qu'on  avait  approchée  trop  subitement  du  feu.  Ces  conjec- 
tures, ajoute  l'auteur,  paraissent  assez  vraisemblables.  » 

Cependant  il  fallait  se  décider  à  agir,  et  la  ponction  fut  résolue 
Voici  comment  Dusseaux  se  justifie  de  celte  hardiesse  :  «  Cette 
explosion  d'air,  arrivée  presque  subitement,  était  certainement  dans 
la  cavité  de  l'abdomen  ;  aucun  remède  connu  ne  pouvait  la  dissiper 
assez  promptement  pour  soulager  la  malade.  La  ponction  était  le 
seul  secours  efficace  en  ce  moment,  elle  était  nouvelle  en  pareil  cas. 
Les  praticiens  la  conseillent,  mais  aucun  ne  l'avait  faite.  Elle  fut 
cependant  ordonnée  par  M.  Brieude,  et  je  fus  appelé  à  l'instant 
pour  la  faire.  M.  Bouygues,  apothicaire,  y  assista  avec  nombre  de 
personnes  du  voisinage.  A  peine  le  trocart  fut  il  retiré  que  l'air 
sortit  impétueusement  et  éteignit  plusieurs  fois  la  chandelle  ;  nous 
fûmes  tous  surpris  de  ne  point  le  trouver  fétide  :  nous  n'eûmes  point 
la  prévoyance  de  le  ramasser  pour  l'examiner. 

«  Le  ventre  de  la  malade  s'affaissait  à  proportion  que  l'air  sortait, 
ses  douleurs  disparaissaient  de  même,  au  point  qu'elle  se  crut  par- 
faitemeat  guérie  à  la  fin  de  l'opération.  La  canule  la  gênait;  lorsque 
le  ventre  fut  aplati,  elle  ne  voulut  pas  la  souffrir,  je  ne  pus  que  la 
ceindre  avec  une  serviette. 

«  Nous  nous  occupâmes  ensuite  de  faire  reparaître  les  règles  et 
d'arrêter  le  mouvement  de  putréfaction  que  nous  supposions  être  la 
cause  de  la  tympanite.  Les  cordiaux  acides,  les  antipasraodiqucs 
furent  continués  à  forte  dose  avec  beaucoup  de  lavage  ;  toutes  nos 
tentatives  furent  infructueuses.  Les  coliques  recommencèrent  le 
lendemain,  et  le  cinquième  jour  la  malade  lut  aussi  enflée  qu'avant 
la  ponction  ;  nous  la  proposâmes  une  seconde  fois,  la  mère  et  la 
fille  s'y  opposèrent;  des  mauvais  conseils  leur  avaient  persuadé 
qu'elle  était  inutile  dès  que  la  rechute  était  si  prochaine.  M.  Brieude 
fut  forcé  de  perdre  de  vue  la  mala  le,  parce  qu'il  fut  appelé  à  la 
campagne.  Mes  représentations  ne  furent  pas  assez  puissantes  pour 
la  persuader;  elle  fut  victime  de  son  opiniâtreté  et  mourut  peu  de 
jours  après.  » 


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RECHERCHES  SUR  LA  TYMPANITE.  275 

D'autres  observations  plus  récentes  prouvent  l'inno- 
cuité de  la  ponction  dans  la  plupart  des  cas. 

Observation  II. 

En  1823,  Levrat  publiait  dans  les  Bulletins  de  la  Société  médicale 
d'émulation,  une  observation  de  tympanite  intestinale  guérie  par  la 
ponction  de  l'intestin  grêle  :  o  Pour  pratiquer  cette  opération,  dit 
Levrat,  je  lis  taire  un  instrument  de  la  grosseur  d'une  aiguille  de 
bas,  terminée  par  une  pointe  en  forme  de  trocart,  et  recouvert  par 
une  canule  en  argent  de  15  lignes  de  longueur. 

«  Après  avoir  fait  mettre  la  malade  sur  son  séant  et  avoir  fixé 
dans  le  côté  droit,  entre  le  nombrii  et  l'épine  antérieure  et  supérieure 
de  l'os  des  iles,  la  portion  de  l'intestin  grêle  qui  formait  la  saillie  la 
plus  prononcée,  je  portai  en  un  seul  temps  sur  cette  partie  mon 
instrument,  comme  dans  l'opération  de  la  paracentèse.  Je  retirai 
l'aiguille  et  laissai  la  canule  ;  au  même  instant,  les  gaz  contenus 
ians  l'intestin  s'échappèrent  avec  sifflement,  et  l'odeur  qu'ils  ré- 
pandaient confirma  de  plus  en  plus  l'opinion  que  je  m'étais  formée 
sur  le  siège  et  la  nature  de  la  maladie.  Le  ventre  s'affaissa  subite- 
ment. Craignant  que  cet  affaissement  ne  fût  porté  trop  loin  et  ne 
nuisit  au  succès  que  j'attendais  de  l'opération,  je  bouchai  la  canule 
et,  dans  la  soirée,  je  revins  tirer  encore  quelques  pintes  de  gaz  :  il 
en  sortit  fort  peu.  Le  ventre  avait  repris  le  volume  qu'il  a  ordinai- 
rement à  la  suite  des  premières  couches. 

«  Le  lendemain  de  l'opération,  la  malade,  qui  était  fort  bien  et 
qui  avait  passé  une  bonne  nuit,  eut  envie  d'aller  A  la  garde-robe  et 
rendit,  à  mon  grand  etonnement  (attendu  les  lavements  et  les  po- 
tions laxatives  que  je  lui  avais  prescrites),  beaucoup  de  matières 
fécales  de  forme  globuleuse.  Pendant  trois  ou  quatre  jours,  elle  a 
continué  à  pousser,  de  temps  en  temps,  des  selles  de  cette  nature. 
Vingt  jours  après  l'opération,  cette  dame  vaquait  à  ses  affaires.  » 

Observation  TÏJ. 

Dans  la  thèse  de  M.  Maisonncuve  (1833),  nous  trouvons  une 
observation  de  tympanite  intestinale  survenue  chez  un  jeune  étu- 
diant en  médecine,  par  suite  d'une  constipation  opiniâtre. 

•  La  ponction  pratiquée  dans  le  flanc  gauche  donna  issue  à  une 


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276  MÉDECINE  PRATIQUE. 

grande  quantité  de  gaz.  Cette  évacuation  soulagea  instantanément 
le  malade,  les  accidents  de  suffocation  disparurent  tout  d'un  coup  ; 
mais,  après  deux  heures  de  calme,  il  se  manifesta  de  violentes  co- 
liques, à  la  suite  desquelles  eut  lieu  une  abondante  évacuation  de 
matières  stercorales  endurcies.  Le  malade  succomba  dans  la  nuit.  » 

L'autopsie  démontra  une  péritonite  générale  avec  peu  de  sérosité 
dans  le  petit  bassin;  le  point  de  départ  de  cette  péritonite  était  une 
eschare  gangréneuse  du  cwcum.  Cette  eschare  était  la  véritable 
cause  de  la  péritonite,  à  laquelle  la  ponction  était  restée  complète  - 
tement  étrangère,  puisque  l'on  constata  que  la  plaie  de  l'intestin, 
résultant  de  cette  ponction,  était  déjà  cicatrisée. 

Observation  IV. 

La  Gazette  médicale,  de  <8t0,  rapporte  le  fait,  observé  par  le 
Dr  Schur,  d'un  enfant  à  la  mamelle,  ayant  le  ventre  uniformément 
distendu  par  des  gaz  amassés  dans  la  cavité  péritonéale.  Le  mé  - 
decinfit  une  ponction  avec  une  lancette;  cette  opération  ne  donna 
d'issue  immédiate  à  aucun  gaz  ;  mais,  l'ouverture  ayant  été  retenue 
béante  à  l'aide  d'une  mèche  de  charpie,  il  se  forma  une  hémorrhagie 
assez  abondante;  celle-ci  fut  accompagnée  de  la  sortie  d'une  grande 
quantité  de  gaz  et  le  ventre  s'affaissa  considérablement.  L'enfant, 
quoique  très-affaibli,  se  remit  peu  à  peu  et  guérit  parfaitement. 

Observation  V. 

Dans  le  Journal  des  connaissances  médico-chirurgicales  (1842),  se 
trouve  consignée  l'observation  fort  curieuse  de  MM.  Richard  et  Du- 
hordel,  d'Evreux. 

Le  malade,  âgé  de  21  ans,  était  atteint  d'une  tympanite  qui,  au 
bout  de  trois  jours,  s'était  tellement  développelée  que  le  médecin, 
à  bout  de  ressources  et  craignant  une  rupture  des  parois  de  l'ab- 
domen ou  une  asphyxie  imminente,  se  décida  à  faire  une  ponction 
à  droite  et  un  peu  au-dessus  de  l'ombilic;  un  flot  de  gaz  inodores 
s'échappa  par  la  canule  du  trois  quarts  et  le  soulagement  fut  im- 
médiat. Il  n'y  eut  pas  ombre  de  péritonite. 

Mais,  au  bout  de  deux  jours,  la  tympanite  reparut  ;  une  deuxième 
ponction  fut  faite  au  voisinage  de  la  première;  cette  ponction  donna 
issue  à  des  gaz  fétides,  et  cependant  le  malade  fut  soulagé  pendant 
huit  jours.  Alors  la  tympanite  reparaissait  encore;  on  fit  une  troi- 


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■ 


RECHERCHES  SUR  LA  TYMPÀNITE.  277 

sième  ponction,  mais  les  gaz  qui  s'échappèrent  cette  fois  étaient 
encore  plus  infects,  «  au  point  de  rendre  insupportable  l'air  de  l'ap- 
partement. » 

Le  malade  vécut  encore  vingt  et  un  jours  après  cette  troisième  opé- 
ration, et  deux  autres  ponctions  lui  furent  faites  successivement,  à 

- 

huit  jours  d'intervalle  ;  ces  deux  ponctions  n'amenèrent  aucune 
espèce  de  soulagement. 

En  effet,  à  partir  de  la  troisième  ponction,  «  le  ventre  n'était  plus 
tympanisé  généralement  comme  avant  les  premières  ponctions  ;  il 
n'y  avait  qu'à  la  région  sus-ombilicale  et  hypochondriaque  gauche 
que  le  ballonnement  était  notable.  La  matité  d'un  liquide  épanché 
se  faisait  sentir  à  la  partie  inférieure  de  l'abdomen,  surtout  aux 
régions  inguinales,  et  augmentait  tous  les  jours.  » 

On  constata  à  l'autopsie  que  la  tympanite  était  le  résultat  d'une 
gangrène  du  poumon  qui  avait. produit  une  perforation  du  dia- 
phragme et  établi  ainsi  une  communication  entre  les  cavités  thora- 
cique  et  abdominale. 

Observation  VI. 

Le  Dr  Schuh  (t)  rapporte  dans  le  MedicinUche  Jarbucher  des  (Ester- 
reichischen  Staates  l'observation  d'un  jeune  homme  affecté  de  lièvre 
typhoïde  et  dont  le  ventre  s'est  énormément  distendu  au  moment  où 
le  malade  paraissait  entrer  en  convalescence.  La  pression  sur  le 
ventre  n'était  nullement  douloureuse  ;  la  sonorité  était  uniforme, 
grave,  peu  tympanitique;  le  diaphragme  refoulé  en  haut  et  le  foie 
tellement  en  arrière  qu'on  ne  pouvait  le  découvrir  à  l'aide  de  la 
percussion;  le  cœur  battait  derrière  la  troisième  cote,  beaucoup 
au-dessus  du  mamelon  ;  les  poumons  comprimés  par  les  gaz,  qui 
remontaient  des  deux  côtés  jusqu'à  la  troisième  côte  ;  respiration 
courte  et  laborieuse  ;  anxiété  extrême;  menaces  de  suffocation. 

La  ponction  fut  faite  avec  un  trocart  très-fin  à  la  droite  de  l'om- 
bilic, en  couchant  le  malade  sur  le  côté  gauche.  Beaucoup  de  gaz 
fétide  s'échappa  par  la  canule  sans  beaucoup  de  soulagement.  Les 
poumons  étaient  descendus  de  la  largeur  d'une  côte  ;  on  ne  sentait 
pas  encore  le  foie  ;  la  malade  mourut  le  lendemain. 

A  l'autopsie,  on  trouva  dans  le  péritoine  beaucoup  de  gaz  fétide, 
de  la  lymphe  plastique,  de  la  sérosité  fétide  ;  dans  l'intestin  grêle 

(!)  Voy.  Gazette  médicale  de  Paris  (1845). 

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278  MÉDECINE  PRATIQUE. 

des  infiltrations  typheuses,  sans  eschares  ni  ulcères;  les  glandes 
mésentériques  tuméfiées,  bleues  et  infiltrées  ;  au  côlon  transverse 
gauche,  il  y  avait  une  eschare  perforée,  livrant  passage  aux  matières 
fécales. 

Il  est  important  de  noter  que,  dans  ce  cas,  non  plus 
que  dans  le  cas  qui  fait  le  sujet  de  l'observation  précé- 
dente, la  mort  n'a  pas  été  la  conséquence  de  la  ponction, 
mais  bien  de  la  maladie  primitive. 

Observation  VII. 

Une  observation,  non  moins  intéressante,  a  été  recueillie  par 
M.  Sainet,  dans  le  service  de  M.  Blache  (1). 

Le  sujet  de  l'observation  est  un«  enfant  de  5  ans  et  demi,  qui, 
lors  de  son  entrée  à  l'hôpital  des  Enfants,  le  19  juillet  18a0,  pré- 
sentait depuis  six  semaines  un  gonflement  du  ventre  sans  garde- 
robes  ni  vomissements.  M.  Blache  diagnostiqua  une  tympanitc 
intestinale,  et  le  20  juillet  on  pratiqua  deux  ponctions  au  niveau  des 
bosselures  avec  un  trocart  explorateur  :  il  sortit  un  gaz  d'une  odeur 
fade  et  le  ventre  devint  un  peu  souple. 

«  Le  21,  au  matin,  le  gonflement  s'est  reproduit  ;  du  reste,  même 
état.  —  Huile  de  croton  2  gouttes;  charbon,  \0  grammes;  potion 
gommeuse  avec  ammoniaque,  30  gouttes. 

«  Le  22.  Le  ventre  est  plus  tendu,  pas  de  selles;  le  faciès  est 
pourtant  assez  satisfaisant  ;  les  piqûres  qui  résultent  des  ponctions 
ne  sont  pas  enflammées.  Deux  nouvelles  ponctions  sont  pratiquées  qui 
ne  donnent  issue  qu'à  très-peu  de  gaz,  parce  que  la  canule  est  bou- 
chée par  des  matières  fécales;  pas  de  vomissements.  —  Huile  de 
croton,  2  gouttes;  charbon,  10  grammes;  potion  gommeuse  avec 
ammoniaque,  30  grammes. 

«  Le  23.  L'enfant  a  136  pulsations  peu  développées,  60  inspira- 
tions anxieuses.  Il  se  plaint  toujours  ;  le  ventre  est  plus  distendu, 
les  poumons  sont  fortement  refoulés  en  haut  ;  quelques  selles  ver- 
datres,  liquides  et  peu  abondantes,  ont  été  rendues  hier.  —  Com- 
presses froides  sur  le  ventre. 

«  Les  24  et  25,  même  état.  —  Frictions  d'éther  sur  l'abdomen. 

«  Le  26.  Le  ventre  est  toujours  très-ballonné  ;  son  clair  à  la  per- 

(\)  Voy.  Thèse  de  Labric.  Paris,  185*2. 


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RECHERCHES  SUR  LA  TYMPANITE.  279' 

cussion  dans  tout  l'abdomen,  excepte  au-dessous  de  l'ombilic,  où 
l'on  obtient  de  la  matité.  Ou  fait  encore  une  ponction  qui  ne  donne 
issue  qu'à  peu  de  gaz  ;  le  ventre  s'affaisse  un  peu,  mais  le  soir  il  est 
revenu  au  même  degré  de  distension  ;  l'enfant  se  plaint  continuel- 
lement. » 

A  partir  de  ce  jour,  il  y  a  des  alternatives  de  tension  et  d'affais- 
sement du  ventre  ;  on  emploie  les  douches  ascendantes  froides  qui 
amènent  des  évacuations  abondantes,  mais  le  petit  malade  s'affaiblit 
de  plus  en  plus  et  succombe  dans  la  nuit  du  2  au  3  août. 

L'autopsie,  faite  trente-six  heures  après  la  mort,  démontre  l'exis- 
tence d'une  tympanite  idiopathique,  siégeant  dans  le  gros  intestin. 
«  Dans  la  cavité  du  péritoine,  on  ne  trouva  aucune  trace  d'inflamma- 
tion; on  ne  retrouve  pas  sur  l'intestin  les  piqûres  résultant  des  dif- 
férentes ponctions  que  l'on  a  pratiquées.  » 

Observation  VIII. 

J  emprunte  encore  cette  observation  à  la  thèse  de  M .  Labric  (  1 852) . 
Elle  a  été  recueillie  par  ce  médecin,  alors  qu'il  était  interne  dans  le 
service  de  M.  Piedagnel. 

Le  malade  était  un  homme  de  50  ans  qui,  depuis  neuf  jours,  était 
atteint  d  une  tympanite  intestinale  qu'aucun  remède  n'avait  pu  di- 
minuer, lorsque  M.  Piedagnel  et  M.  Michon,  appelés  par  lui  en 
consultation,  se  décidèrent  à  pratiquer  la  ponction.  «  M.  Michon  la 
fît  avec  un  trocart  explorateur,  à  cinq  travers  de  doigt  au-dessus  de 
l'ombilic,  sur  la  ligne  médiane.  On  enfonça  le  trocart  aux  deux  tiers 
et  perpendiculairement  à  la  surface  abdominale.  L'aiguille  retirée, 
il  sortit  par  la  canule  une  quantité  considérable  de  gaz  avec  quel- 
ques gouttes  de  matière  noirâtre  liquide,  répandant  l'odeur  de  ma- 
tières fécales.  Le  ventre  diminua  considérablement  :  parois  souples, 
respiration  plus  facile,  cœur  revenu  à  sa  position,  nombreux  bor- 
borygmes  sous  la  main  qui  comprimait  les  parois  abdominales.  A 
mesure  que  les  gaz  s'échappaient,  la  canule  du  trocart,  de  perpen- 
diculaire qu'elle  était  lors  de  l'opération,  devint  oblique  de  haut  en 
bas  et  d'avant  en  arrière.  Elle  fut  Uxée  à  demeure,  comme  cela  se 
pratique  chez  les  animaux  auxquels  cette  opération  est  souvent  faite 
avec  succès;  le  ventre  n'avait  plus  qu'un  mètre  de  circonférence,  on 
le  comprima  modérément  avec  un  bandage  de  corps  mouillé  avec 
de  l'eau  fraîche  et  recouvert  d'une  vessie  remplie  de  glace. 


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280  MÉDECINE  PRATIQUE. 

«  Trois  quarts  d'heure  après  l'opération,  le  malade  alla  à  la  selle; 
il  rendit  des  matières  liquides,  noirâtres,  mêlées  de  gazàla  suite.  11 
y  fut  au  moins  quinze  fois,  rendant  à  chaque  fois  une  quantité  con- 
sidérable de  matières.  Dans  la  soirée,  le  hoquet  avait  cessé;  respi- 
ration calme;  face  gaie;  pouls  à  100,  égal,  régulier;  pas  de  miction; 
on  obtint  4  litre  d'urine  par  le  cathétérisme.  Le  malade  n'accusai 
de  douleur  qu'au  niveau  de  la  fosse  iliaque,  sonore  comme  tout  le 
reste  de  l'abdomen.  On  retira  la  canule  du  trocart,  par  laquelle,  au 
dire  du  malade,  il  n'était  sorti  aucun  gaz  depuis  la  visite  du  matin.» 

Pendant  cinq  ou  six  jours  encore,  le  malade  eut  des  évacuations 
alvines  abondantes,  mais  la  fièvre  ne  tombait  pas.  Les  signes  d'une 
péritonite  se  prononcèrent  de  plus  en  plus,  et  le  malade  succomba 
le  dixième  jour  après  l'opération. 

«  A  Y  autopsie,  on  trouva,  avec  des  traces  d'une  péritonite  an- 
cienne et  des  indices  d'une  péritonite  aigué  récente,  un  rétrécisse- 
ment du  gros  intestin  au  niveau  de  la  réunion  du  côlon  ascendant 
et  du  côlon  transverse,  rétrécissement  formé  par  des  brides  anciennes, 
nombreuses,  cellule-fibreuses,  unissant  ces  deux  portions  d'intestin 
d'une  manière  très-intime,  et  les  tenant  accolées  l'une  à  l'autre  dans 
une  étendue  de  10  à  15  centimètres...  Sur  aucune  portion  de  l'in- 
testin, on  ne  put  découvrir  les  traces  de  la  ponction;  de  même  sur 
la  portion  du  péritoine  pariétal,  correspondant  à  l'endroit  où  on 
avait  enfoncé  le  trocart  ;  sous  la  peau,  on  trouva  à  ce  niveau  un 
foyer  purulent.  » 

On  voit  que  le  malade  qui  fait  le  sujet  de  cette  obser- 
vation a  succombé  à  une  péritonite;  mais,  quoique  la 
canule  du  trocart  ait  été  laissée  dans  l'intestin  pendant 
un  temps  assez  long*  pour  pouvoir  déterminer  des  acci- 
dents, je  ne  crois  pas  que  cette  péritonite  puisse  être 
rapportée  à  la  ponction. 

En  effet,  Y  autopsie  a  fait  constater  les  traces  dune 
péritonite  déjà  ancienne,  qui  probablement  était  passée 
à  l'état  suraigu  après  le  nouvel  engouement  intestinal 
survenu  trois  ou  quatre  jours  avant  la  mort. 

Observation  IX. 

J'ai  rencontré  dans  le  Moniteur  des  hôpitaux  du  26  mai  1853  une 


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RECHERCHES  SUR  LA.  TYMPAN ITE.  281 

observation  lue  à  l'Académie  de  médecine  par  le  Dr  Miquel  (de 
Tours).  Voici  le  fait  :  Une  dame  de  56  ans  était  atteinte  detympanite 
intestinale  consécutive  à  une  obstruction  du  tube  digestif  placé  vers 
la  On  de  l'iléon.  «  Une  ponction  fut  faite  dans  la  partie  la  plus  ré- 
sonnante du  ventre  avec  un  trois-quarts  de  Récamier  extrêmement 
fin.  Je  choisis  pour  cela,  dit  M.  Miquel,  la  partie  gauche  de  l'épi  - 
gastre.  Il  sortit  avec  violence  une  grande  quantité  de  gaz  et  deux  ou 
trois  gouttes  de  matières  fécales  liquides.  11  se  fit  aussitôt  une  dé- 
pression transversale,  puis  l'écoulement  gazeux  cessa,  quoique  le 
ventre  restât  tendu.  Cette  piqûre  fut  peu  douloureuse.  Je  pensai  que 
la  cessation  de  l'écoulement  gazeux  tenait  à  ce  que  l'instrument 
plongeait  dans  des  matières  fécales  trop  épaisses  (M.  Miquel  croyait 
avoir  fait  la  ponction  dans  le  côlon  transverse)  ;  elle  fut  laissée  en 
place  et  il  se  fit  une  expulsion  gazeuse  intermittente...  » 

La  canule  fut  enlevée  le  septième  jour  seulement  ;  elle  fut  rem- 
placée par  une  sonde  de  moyen  calibre,  qui  donna  issue  à  beaucoup 
de  gaz  et  de  matières  fécales  liquides.  C'est  alors  seulement  qu'on 
reconnut  l'existence  de  la  tumeur  de  l'iléon;  la  sonde  fut  laissée  à 
demeure,  et  la  malade  vivait  ainsi  depuis  plusieurs  mois  quand 
l'observation  fut  présentée  à  l'Académie. 

Avant  de  clore  la  série  de  ces  observations,  il  est  bon 
de  rappeler  l'innocuité  des  ponctions  faites  à  MBe  X... 
(voir  l'observation  rapportée  in  extenso  au  commence- 
ment de  ce  travail). 

Nous  savons  de  source  certaine  que  la  ponction  a 

* 

réussi  plusieurs  fois  dans  des  circonstances  analogues. 
Voici  ce  que  dit  à  cet  égard  le  DT  Debout  (1)  :  «  Nous 
avons  appris  de  M.  le  professeur  Nélaton  que,  danscinq 
cas  au  moins,  il  avait,  à  l'instigation  de  Récamier,  pra- 
tiqué la  ponction  abdominale,  et  que  non-seulement 
cette  pratique  n'avait  été  suivie  d'aucun  accident,  mais 
encore  que  les  malades  avaient  toujours  été  soulagés, 
que  la  tympanite  avait  même  guéri  dans  un  cas  ou  deux. 
M.  Velpeau  nous  a  également  raconté  qu'il  avait  pra- 
tiqué deux  fois  cette  opération  avec  succès  dans  des  cas 
analogues.  » 
(1)  Voy.  Bulletin  de  Thérapeutique,  U  XLIV,  p.  530. 


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282 


MÉDECINE  PRATIQUE. 


Observation  X.  • 

• 

Enfin,  tout  récemment  (1),  une  nouvelle  observation  du  même 
genre  a  été  publiée  par  le  Dr  Castagnon  (de  Plaisance,  du  Gers). 

Ce  médecin  vient  de  pratiquer  simultanément  deux  ponctions  de 
l'abdomen  chez  un  malade  affecté  de  tympanite,  par  suite  d'un  ré- 
trécissement dans  l'S  iliaque  du  côlon.  Le  malade  a  succombé  le 
lendemain,  non  point  à  une  péritonite  résultant  de  la  ponction,  mais 
à  la  maladie  même  qui  avait  provoqué  la  tympanite.  Je  lis,  en  effet, 
dans  cette  observation  que  depuis  longtemps  le  malade  éprouvait  des 
douleurs  dans  la  fosse  iliaque  gauebe,  des  coliques  fréquentes,  des 
garde- robes  fétides,  un  état  permanent  de  langueur  et  de  cachexie; 
que  depuis  quelques  jours  il  avait  des  vomissements,  des  coliques 
et  de  la  diarrhée  ;  qu'enfin,  au  moment  où  l'opération  fut  prati- 
quée, ce  malade  avait  le  pouls  extrêmement  fréquent,  le  faciès  hip- 
pocratique,  le  hoquet  ;  il  était  donc,  avant  la  ponction,  dans  un  état 
désespéré. 

Ajouterai-je  que  pendant  l'opération  t  des  gaz  horriblement  fétides 
s'échappèrent  par  la  canule  du  trocart,  et  que  quelques  gouttes  d'un 
liquide  brunâtre  et  nauséabond  apparurent  en  même  temps?  »  Ne 
sont-cc  pas  là  les  indices  d'une  affection  organique  de  l'intestin,  et 
faut-il  s'étonner  de  ce  que  la  ponction  n'ait  procuré  au  malade  qu'un 
soulagement  passager  ? 

En  résumé,  il  me  semble  que  l'on  peut,  que  Ton  doit 
même  pratiquer  la  ponction  toutes  les  fois  que  les  autres 
moyens  médicaux  ont  échoué  et  que  la  vie  du  malade 
est  en  péril. 

11  m'est  donc  impossible  de  partager  entièrement 
l'opinion  que  notre  honoré  confrère,  le  Dr  Marchai  (de 
Calvi)  professe  dans  une  lettre  adresséeà  M. Castagnon, 
h  propos  du  cas  dont  je  viens  de  parler.  Voici  celte 
lettre  :  «  Je  crois  comme  vous,  mon  cher  confrère,  qu'il 
existait  un  rétrécissement  dans  l'S  iliaque.  Il  s'agissait 
probablement  d'une  dégénérescence.  La  connaissance 

(1)  Voy.  la  Tribune  médicale  du  6  mars  1870. 


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RECHERCHES  SUR  LA  TYMPANITE.  283 

des  antécédents  de  famille  aurait  ajouté  peut-être  à 
cette  probabilité. 

«Quant  au  siège  de  la  tympanite,  il  semble  que  si  elle 
avait  été  péritonéale,  rien  ne  se  serait  opposé  à  l'issue 
des  gaz  en  totalité.  Il  est  môme  permis  de  penser  que  la 
ponction,  suivant  qu'elle  procurerait  l'issue  complète  ou 
l'issue  partielle  des  gaz,  serait  le  meilleur  moyen  de  dis- 
tinguer la  tympanite  intestinale  de  la  tympanite  péri- 
tonéale.  Ce  qui  limite  l'issue  des  gaz  dans  la  tympanite 
intestinale,  ce  sont  les  inflexions  de  l'intestin  par  suite 
de  son  extrême  distension. 

«  Je  regrette  que  vous  n'ayez  pas  eu  à  votre  disposi- 
tion Y  aspirateur  de  M.  Dieulafoy;  vous  auriez  pu  multi- 
plier les  ponctions,  de  manière  à  évacuer  les  gaz  en  to- 
talité et  à  assouplir  le  ventre,  ce  qui  aurait  permis 
l'exploration  de  la  région  suspecte.  » 

(Qu'on  me  permette  d'ouvrir  ici  une  parenthèse  et  de 
dire,  contrairement  à  l'avis  de  notre  très-honoré  con- 
frère, que  le  cas  était  trop  grave  pour  que  Y  aspirateur  àe 
M.  Dieulafoy  pût  faire  merveille;  et  que,  du  reste,  par 
le  seul  fait  de  la  multiplication  des  ponctions,  les  gaz 
auraient  été  expulsés  en  majeure  partie,  et  le  ventre 
serait  devenu  souple  sans  que  l'on  ait  eu  besoin  de  re- 
courir à  l'intervention  de  Y  aspirateur.) 

•>      Observation  XI. 

«  J'ai  fait  aussi,  ajoute  M.  Marchai,  la  ponction  du  ventre  dans 
un  cas  d'obstacle  au  cours  des  matières.  La  sonorité  était  uniforme 
et  extrême)  l'élasticité  était  tout  ce  qu'elle  peut  être,  et  l'autopsie  fit 
reconnaître  une  immense  tympanite  intestinale.  Il  n'était  sorti  que 
très-peu  de  gaz  par  la  canule,  qui  avait  donné  issue  en  même  temps 
à  une  petite  quantité  de  matière  intestinale  très-liquide.  Je  fus 
frappé  de  voir  se  produire  l'érection  pénienne  aussitôt  après  la 
ponction.  La  mort  survint  moins  d'une  heure  après  l'opération  qui 
avait  été  pratiquée  au  moyen  d'un  trocart  du  plus  faible  calibre.  Je 


284  MÉDECINE  PRATIQUE. 

m'étais  bien  promis  de  ne  plus  recommencer,  mais  je  suis  revenu 
sur  cette  résolution  depuis  l'invention  de  M.  Dieulafoy. 

«  L'obstacle  chez  mon  malade  consistait  en  un  rétrécissement 
fibreux  du  côlon  descendant.  Le  sujet,  quoiqu'il  souffrit  depuis  long- 
temps, n'était  pas  cachectique  comme  le  vôtre,  probablement  parce 
que  la  lésion  n'était  pas  une  dégénérescence. 

o  Recevez,  etc....  » 

Il  est  regrettable  qu'un  esprit  aussi  judicieux  que 
M.  Marchai  ait  été  amené  par  ce  premier  insuccès  a 
condamner  d'une  façon  presque  absolue  la  ponction  in- 
testinale. Peut-être,  en  faisant  une  seconde  ponction,  il 
aurait  pu  obtenir  l'issue  au  moins  partielle  des  gaz  qui 
distendaient  l'abdomen  et  le  malade  eût  été  soulagé; 
peut-être  aussi  a-t-il  eu  affaire  à  un  cas  de  péritonite 
foudroyante,  ce  que  la  lecture  de  son  observation  ne 
semble  pas  indiquer?... 

Quoi  qu'il  en  soit,  je  persiste  à  croire  que  la  ponction 
doit  être  faite  dans  un  grand  nombre  de  cas.  A  l'appui 
de  mon  dire,  je  citerai  quelques  observations  dans  les- 
quelles, de  l'avis  même  des  médecins,  la  ponction  eût 
pu  sauver  la  vie  au  malade. 

Observation  XII. 

En  première  ligne,  je  mentionnerai  le  fait  publié  en  1840,  par  le 
Df  Scuhr,  dans  le  Wochtnchrifl  furdiegesammte  Heitkunde.  Il  s'agissait 
d'un  jeune  enfant  qui  fut  atteint  quelques  jours  après  sa  naissance 
d'une  tympanite  abdominale.  Cet  enfant  succomba  à  la  maladie,  les 
parents  n'ayant  pas  permis  qu'on  fit  la  ponction.  L'autopsie  dé- 
montra que  les  gaz  étaient  contenus  dans  la  cavité  péritonéale,  qu'ils 
étaient  inodores  et  ne  provenaient  pas  des  intestins  qui  étaient 
complètement  vides. 

(11  suffît  de  se  reporter  à  notre  observation  IV  pour  voir 
que  dans  un  cas  identique  la  ponction  avait  parfaitement 
réussi  au  même  docteur  Scuhr.) 


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RECHERCHES  SUR  LA  TYMPANITE. 


285 


Observation  XIII. 

En  1848,  M.  le  Dr  Michel  Lévy  (1)  a  publié  le  cas  d'un  soldat  âgé 
de  25  ans,  qui  succomba  à  une  tympanite  péritonéale  idiopathique 
développée  en  huit  jours.  Le  jour  même  de  sa  mort,  dit  M.  Michel 
Lévy,  «  la  distension  des  parois  étant  portée  au  maximum  et  l'as- 
phyxie imminente,  je  songe  à  la  ponction  de  l'abdomen,  mais  l'opé- 
ration est  rejetée  dans  la  consultation  que  je  provoque  à  ce  sujet,  et  le 
soir,  à  neuf  heures,  le  malade  expire  après  douze  heures  d'angoisses, 
la  face  et  les  extrémités  violacées  couverts  d'une  sueur  froide  et 
visqueuse.  A  la  contre-visite  qui  avait  eu  lieu  àtroisheurcs,  lepouls 
était  devenu  insaisissable  ;  il  y  avait  56  à  00  inspirations  brèves  par 
minute.  » 

Il  est  bien  évident  pour  nous  que,  dans  un  cas  sem- 
blable, la  ponction  eût  présenté  des  chances  réelles  de 
succès. 

Observations  XIV  et  XV. 

Le  Dr  Debout,  rédacteur  en  chef  du  Bulletin  de  Tltérapeniique,  ra- 
conte ($)  qu'à  son  début  dans  la  clientèle  il  fut  appelé  a  près  d'un 
homme,  jeune  encore,  chez  lequel,  u  la  suite  de  purgatifs  répétés, 
destinés  à  le  débarrasser  d'un  accès  de  goutte,  il  était  survenu  une 
tympanite  intestinale  portée  si  loin  que  la  suffocation  paraissait  im- 
minente. Les  anses  intestinales  se  dessinaient  à  travers  les  parois 
abdominales,  distendues  au  point  que  l'on  pouvait  se  demander  si 
ces  parois  ne  se  déchireraient  pas.  Nous  songeâmes,  dit-il,  à  ponc- 
tionner les  anses  intestinales  ;  mais,  malgré  les  bonnes  raisons  que 
nous  pûmes  donner  en  faveur  de  cette  opération,  un  médecin  des 
hôpitaux,  M.  Kapcler,  appelé  en  consultation,  refusa  de  nous  cou- 
vrir de  sa  responsabilité  ;  et,  nous  inclinant  devant  son  opinion, 
nous  dûmes  nous  en  tenir  à  des  aspirations  des  gaz  intestinaux  pra- 
tiquées avec  une  sonde  en  gomme  élastique  introduite  dans  le  rec- 
tum. Mais  telle  était  la  distension  de  l'intestin  grèle  que  la  sonde 
ne  put  évacuer  les  gaz  contenus  môme  dans  les  côlons,  et  que  cette 
pratique  n'eut  aucun  succès.  Le  malade  succomba  quelques  heures 

(1}  Voir  Gazette  médicale  de  Paris,  -1848. 
f*)  Yoy.  Bull,  de  Thêrap.,  t.  XLIV,  p.  r,29. 

TOME  XXXI.  —  AVRIL  1870.  f<J 


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286  MÉDECINE  PRATIQUE. 

après,  véritablement  asphyxié.  Dans  un  autre  cas,  chez  une  femme 
âgée,  atteinte  d'une  affection  organique  de  l'utérus,  une  tympaoite 
survenue  brusquement  comme  chez  notre  premier  malade,  entraîna 
également  la  mort  en  quelques  jours.  Les  circonstances  étaient 
moins  favorables  que  dans  le  premier  cas,  et  nous  fûmes,  par  con- 
séquent, moins  disposé  à  recourir  à  la  ponction  abdominale,  qui  eût 
peut-être  prolongé  la  vie  de  la  malade.  » 

Observation  XVI. 

Le  Journal  de  médecine  et  de  pharmacie  de  Touloute  publia  en 
mai  1855  l'observation  d'un  cas  de  tympanite  abdominale  idiopa- 
thique  qui  résista  à  une  application  de  sangsues,  aux  frictions  mer- 
curielles,  aux  drastiques  à  l'intérieur  et  en  lavements,  à  l'introduc- 
tion d'une  sonde  dans  le  rectum,  etc.  Le  malade  succomba  à  une 
asphyxie  rapide,  déterminée  par  la  distension  extrême  de  l'abdo- 
men (1). 

Je  pourrais  citer  encore  plusieurs  observations  consi- 
gnées par  Portai  dans  ses  Mémoires  sur  la  nature  et  le  trai- 
tement de  plusieurs  maladies  (2),  mais  je  crois  avoir  suffi- 
samment démontré  Futilité  de  la  ponction  dans  les  cas 
graves. 

J'invoquerai  toutefois,  à  l'appui  de  mon  opinion,  ce 
passage  de  la  thèse  de  M .  Labric  (3)  :  a  La  ponction  de 
l'intestin  a  bien,  comme  résultat  immédiat,  l'évacuation 
des  gaz  contenus  dans  le  tube  digestif,  et  par  suite, 
l'affaissement  du  ventre,  la  cessation  des  troubles  qui 
résultaient  de  la  distension  extrême  de  l'abdomen,  en 
un  mot,  le  soulagement  du  malade.  Mais  ce  n'est  point 
à  ce  seul  résultat  que  l'on  arrive  en  pratiquant  cette 
opération  ;  on  peut  encore  obtenir  la  contraction  intes- 
tinale. En  effet,  la  distension  extrême  de  l'intestin  par 
l'accumulation  des  gaz  devient  pour  lui  une  cause  d'im- 

(\)  Voy.  Dullel.  de  Thèrap.,  tome  XLIX,  p.  333. 

(2)  Voir  tome  V,  p.  252  et  suivantes. 

(3)  Thèses  de  Paris,  1852. 


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RECHERCHES  SUR  LA  TYMPANITE.  287 

puissance  ;  il  ne  peut  réagir  avec  énergie  sous  l'influence 
des  médicaments,  et  par  conséquent  ne  peut  chasser  les 
gaz  qui  le  distendent.  On  rendra  à  cet  intestin  toute  sa 
puissance  contractile  en  enlevant  une  partie  de  ce  gaz.» 

Mais  tout  en  admettant  en  théorie  l'utilité  de  la  ponc- 
tion, un  grand  nombre  de  médecins  la  repoussent  par 
crainte  de  la  péritonite. 

Nous  avons  déjà  répondu  à  cette  objection,  en  mon- 
trant l'innocuité  de  la  ponction  dans  la  plupart  des  cas 
que  nous  avons  rapportés.  Nous  pouvons  encore  étayer 
notre  manière  de  voir  de  cette  phrase  de  M.  Miquel  (de 
Tours)  :  «  La  paracentèse,  les  ponctions  ovariques, 
comme  les  exécutent  aujourd'hui  les  médecins  pru- 
dents, ont  démontré  que  le  péritoine  peut  être  piqué 
sans  inconvénient  grave.  Les  travaux  des  hommes  qui 
se  sont  occupés  de  la  réunion  immédiate  des  plaies  in- 
testinales témoignent  que  les  adhérences  de  cette  mem- 
brane séreuse  sont  bientôt  établies.  Enfin  l'acupuncture 
faite  par  M.  Michon  dans  la  tympanite  typhique  nous  a 
appris  qu'on  peut  piquer  l'intestin  sans  grave  inconvé- 
nient. N'est-il  pas  prouvé  d'ailleurs  depuis  longtemps 
que  ce  qui  fait  le  danger  des  plaies  intestinales,  c'est 
lepanchementdes matières  fécales  dans  le  péritoine?... » 

Enfin  certains  médecins  timorés  nous  opposeront  un 
dernier  argument  :  Pourquoi,  nous  diront-ils,  ne  pas 
choisir  l'acupuncture  de  préférence  à  la  ponction?... 
C'est,  leur  dirons-nous,  parce  que  la  ponction  est,  à 
notre  avis,  moins  dangereuse  que  l'acupuncture.  On 
comprend,  en  effet,  qu'il  peut  fort  bien  se  faire  que  la 
piqûre  de  l'intestin  ne  corresponde  pas  exactement  à  la 
piqûre  des  parois  abdominales;  il  pourra  donc  arriver, 
lors  de  f  acupuncture,  que  les  gaz  et  même  les  liquides 
s'échapp?nt  dans  le  péritoine  jusqu'à  ce  que  l'intestin 
ait  recouvré  sa  contractilité.  Dans  la  ponction,  au  con- 


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2*8  THERAPEUTIQUE. 

traire,  la  canule  de  l'instrument  forme  une  sorte  de  canal 
qui  permet  aux  gaz  et  aux  liquides  de  passer  facilement 
de  l'intestin  au  dehors. 

En  préférant  l'acupuncture  à  la  ponction,  on  s'expo- 
serait donc  à  provoquer,  par  excès  de  prudence,  une 
péritonite  que  l'on  évitera  presque  toujours  en  pratiquant 
la  ponction  avec  un  trocart  fin. 

Dr  Jean  Jablonski. 

-  La  fin  au  prochain  numéro.  - 


THÉRAPEUTIQUE 

CYANURE  DE  MERCURE  DANS  LE  CROUP. 


Monsieur  le  Rédacteur, 

Grâce  au  Dr  Villers  qui  nous  a  fait  connaître  par  la 
voie  de  votre  excellent  journal  les  heureux  résultats 
obtenus  par  le  cyanure  de  mercure  dans  l'angine  diph- 
thérique,  ce  médicament  a  été  employé  en  France  avec 
succès  dans  quelques  cas  isolées  de  cette  terrible  ma- 
ladie. Je  suis,  je  crois,  le  premier  à  qui  il  ait  été  donné 
d'employer  ce  nouveau  remède  dans  une  épidémie  d'an- 
gines couenneuses.  Les  résultats  inespérés  que  j'ai  ob- 
tenus me  paraissent  si  encourageants  que  je  crois  de 
mon  devoir  de  les  faire  connaître.  Je  ne  raconterai  pas 
en  détail  tous  les  cas  d'angines  diphthériques  que  j'ai  eu 
à  traiter;  l'épidémie  s'est  montrée  à  peu  près  dans  tous, 
avec  le  même  caractère. 

Le  médecin  qui  a  traversé  une  épidémie  sait  que  le 
temps  et  les  lorces  manquent  bien  souvent  pour  re- 


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CYANURE  DE  MERCURE  DANS  LE  CROUP.  289 

cueillir  tous  les  faits  de  la  pratique;  d'ailleurs,  un  pa- 
reil récit  serait  trop  long*  et  tout  à  fait  inutile  ;  je  dirai 
donc  :  Aà  uno  disce  omnes. 

Le  dimanche  7  novembre  i863,  je  rentrais  chez  moi 
à  Saint-Romans  (Isère),  d'où  j  étais  absent  depuis  quel- 
ques jours,  et  j'apprenais  que  deux  jeunes  filles,  l'une  de 
9  ans,  l'autre  de  14,  venaient  de  succomber  ù  l'angine 
couenneuse  et  qu'une  troisième,  prise  du  même  mal, 
était  à  l'agonie.  Le  pays  voisin,  Saint-Jean-en-Roy  an, 
venait  d'avoir,  en  quinze  jours,  32  morts  sur  40  ma- 
lades, dont  30  avaient  reçu  les  secours  des  médecins  de 
la  localité. 

La  population  était  justement  alarmée,  et  on  atten- 
dait mon  retour  avec  impatience.  Je  dois  l'avouer,  je 
fus.  en  cette  circonstance  médiocrement  flatté  de  la  con- 
fiance des  gens  de  mon  pays.  Je  n'ignorais  pas  la  gra- 
vité de  la  maladie  qui  paraissait  avoir  dans  cette  épidé- 
mie une  forme  des  plus  malignes.  Etudiant  en  médecine 
et  homœopathe,  étaient  deux  raisons  dont  la  critique  se 
serait  admirablement  servie,  si  l'homœopathie  s'était  re- 
fusée à  faire  de  vrais  miracles.  Mais  venons  au  fait.  J'ai 
eu  à  traiter,  durant  huit  jours,  28  cas  d'angine  diphlhé- 
rique.—  14  m'ont  paru  graves  et  appartenir  à  la  forme 
croupale;  chez  eux  la  période  angineuse  et  croupale  se 
sont  successivement  montrées  avec  leurs  symptômes  ha- 
bituels. Les  4  enfants  morts  ont  succombé  a  la  forme 
croupale.  Les  cas  à  forme  bénigne  ont  été  surtout  ceux 
que  j'ai  traités  dès  le  début  avec  le  cyanure  de  mercure. 
A  part  deux  femmes  de  30  à  35  ans  ,  l'épidémie  a 
frappé  surtout  sur  les  jeunes  filles  de  5  à  15  ans.  Sur 
28  cas,  5  garçons  seulement  ont  été  atteints,  parmi  eux 
un  jeune  homme  de  22  ans.  Le  mal  m'a  paru  très-con- 
tagieux, il  est  des  familles  ou  j'avais  3  et  4  malades.  Je 
m'empresse  de  dire  que  je  n'ai  pas  eu  un  décès  et  que 


290  THÉRAPEUTIQUE. 

chez  tous  le  médicament  a  été  promptement  efficace. 

Dès  que  je  me  vis  en  face  de  l'angine  diphthérique  je 
pensais  au  cyanure  de  mercure,  mais  je  n'avais  pas  chez 
moi  de  préparation  homœopathique  de  ce  médicament 
et  durant  trente-six  heures  je  traitais  mes  malades  avec 
spongia,  brome  et  lartarw.  Ces  médicaments  n'amenant 
aucun  bon  résultat,  j'envoyai  chercher  ù  la  pharmacie 
voisine  3  centigrammes  de  cyanure  de  mercure.  Je  fis 
dissoudre  i  centigramme  dans  125  grammes  d'eau,  puis 
je  divisai  ces  125  grammes  en  huit  parts  égales  dont  je 
fis  huit  nouvelles  potions  de  125  grammes.  C'est  cette 
préparation  que  je  portais  chez  mes  malades  et  dont  je 
versais  environ  trois  cuillerées  dans  un  verre  que  je 
faisais  remplir  d'eau  ;  le  malade  prenait  de  ce  verre  une 
cuillerée  toutes  les  deux,  trois  ou  quatre  heures,  selon 
l'intensité  du  cas. 

Ces  généralités  données,  j'entre  dans  le  récit  d'un  fait 
particulier. 

Dans  la  nuit  du  dimanche,  je  suis  appelé  pour  aller 
voir  un  enfant  de  7  ans,  Marie  Lyonne,  blonde,  bien 
constituée,  n'ayant  jamais  été  malade.  Les  parents  me 
racontentquel'enfanttoussedepuisunehuitainedejours, 
que  depuis  quatre  jours  elle  se  plaint  de  mal  à  la  g'org-e, 
qu'après  de  violents  efforts  elle  a  rendu  des  glaires,  et 
que  depuis  trois  jours  elle  est  réveillée  plusieurs  fois  du- 
rant la  nuit  par  des  accès  de  suffocation  et  une  toux 
aboyante. 

On  a  administré  un  vomitif  à  l'ipéca  et  l'enfant  a 
rendu  en  abondance  des  mucosités  dont  j'ipnore  la  na- 
ture. Le  vomitif  n'a  pas  soulagé  la  malade  et  elle  a  été 
prise  cette  nuit  môme  de  plusieurs  accès  de  suffocation 
tellement  violents  que  les  parents  craig-nent  une  fin 
prochaine.  Je  trouve  l'enfant  assise  sur  son  lit,  les  mus- 
cles du  visaçe  contractés,  la  face  cyanosée,  la  peau  brû- 


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CYANURE  DE  MERCURE  DANS  LE  CROUP.  291 

Jante,  l'œil  injecté,  presque  fixe,  elle  est  en  proie  à  un 
violent  accès  de  suffocation.  La  voix  est  éteinte,  la  res- 
piration offre  le  sifflement  laryngo-trachéal,  les  fosses 
nasales  sont  obstruées  par  des  fausses  membranes,  les 
ganglions  sous-maxillaires  sont  engorgés,  la  bouche  en- 
tr'ouverle  laisse  constamment  couler  de  la  salive.  Après 
plusieurs  tentatives  je  parviens  à  voir  le  fond  de  la  gorge. 
Les  amygdales,  le  voile  du  palais  sont  tapissés  de  fausses 
membranes,  l'enfant  refuse  toute  nourriture  depuis 
vingt-quatre  heures. 

Prescription.— Brome  3e,  2  gouttes  dans  125  grammes 
d'eau  à  prendre  par  cuillerée  de  deux  en  deux  heures. 
Tenir  au  cou  une  éponge  toujours  humectée  d'eau 
chaude.  De  l'eau  vinée  pour  boisson. 

Le  lendemain  matin,  cinquième  jour  de  la  maladie,  je 
trouve  l  enfant^encore  plus  mal  que  la  veille,  la  dyspnée 
est  plus  intense,  les  accès  de  suffocation  plus  rappro- 
chés, 1  enfant  refuse  de  montrer  sa  gorge,  je  ne  puis 
saisir  son  bras  pour  avoir  le  nombre  de  pulsations,  la 
malade  me  repousse  et  se  débat  dans  un  accès  de  suf- 
focation. 

Prescription. —  Tartarus  3e,  3  gouttes  dans  125  gram- 
mes à  prendre  d'heure  en  heure. 

Le  soir,  môme  état  que  le  matin,  mon  pronostic  est 
que  l'enfant  ne  passera  pas  la  nuit. 

Prescription.  —  Cyanure  de  mercure,  à  la  dose  que  j'ai 
indiquée  plus  haut,  à  prendre  par  cuillerée  de  deux  en 
deux  heures. 

Le  sixième  jour  de  la  maladie  à  ma  visite  du  matin 
je  suis  tout  étonné  de  trouver  l'enfant  calme,  la  voix  est 
toujours  éteinte,  mais  le  sifflement  laryngo-trachéal  est 
moins  fort,  la  toux  et  l'expectoration  plus  faciles.  Les 
parents  me  racontent  qu'après  la  deuxième  cuillerée  de 
la  potion  la  malade  a  expectoré  en  quantité  des  matières 


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292  THÉRAPEUTIQUE. 

épaisses,  verdâtres  ressemblant,  disent-ils,  à  des  rubans 
verts.  On  me  montre  les  matières  expectorées  et  je  re- 
connais les  produitsdiphthéritiques,quelques  membranes 
avaient  l'épaisseur  d'un  demi -centimètre.  L'enfant  a 
dormi  deux  heures  vers  le  matin,  la  peau  est  moins  brû- 
lante, le  pouls  à  125. 

Même  prescription,  eau  vinée. 

Le  mercredi,  septième  jour  de  la  maladie,  l'amélio- 
ration progresse,  l'enfant  a  dormi  trois  heures,  les  accès 
de  dyspnée  sont  bien  moins  fréquents  et  moins  violents. 
La  face  est  moins  contractée,  moins  cyanosée;  l'expecto- 
ration facile  donne  des  fausses  membranes,  la  voix  est 
toujours  éteinte,  mais  le  sifflement  laryngo-trachéal  a 
presque  disparu. 

Même  prescription  ;  aliments,  pour  boisson  de  l'eau 
vinée. 

Le  jeudi,  huitième  jour  de  la  maladie,  l'enfant  a  dormi 
une  partie  de  la  nuit  et  vers  le  malin  a  demandé  à 
manger;  pouls  à  100,  l'amygdale  gauche  reste  seule 
couverte  d'une  large  plaque  diphthéritique.  La  voix  est 
toujours  éteinte  et  l'expectoration  donne  toujours  des 
fausses  membranes. —  Môme  prescription. 

Très-occupé  par  mes  autres  malades  et  croyant  mon  en- 
fant dans  une  bonne  voie,  je  ne  retournai  la  voir  que 
le  samedi  matin,  dixième  jour  de  la  maladie.  Je  fus  sur- 
pris et  déçu,  son  état  était  de  nouveau  très-alarmant.  La 
dyspnée  avait  reparu  ainsi  que  les  accès  de  suffocation 
et  le  sifflement  laryngo-trachéal  ;  le  pouls  est  à  130,  la 
face  de  nouveau  contractée.  Je  demande  si  on  a  conti- 
nué le  médicament,  et  j'apprends  que  la  potion  est  ter- 
minée depuis  trente  heures;  les  parents  attendaient  pa- 
tiemment ma  visite. 

Prescription.  —  Cyanure  de  mercure,  une  cuillerée  de 
deux  en  deux  heures. 


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CYANURE  DE  MERCURE  DANS  LE  CROUP.  293 

Dimanche,  onzième  jour  de  la  maladie,  l'enfant  est 
mieux,  elle  a  de  nouveau  expectoré  des  fausses  mem- 
branes. La  respiration  est  plus  facile;  elle  a  dormi  trois 
heures. 

Même  prescription. 

Lundi,  douzième  jour  de  la  maladie,  la  gorge  conti- 
nue de  se  nettoyer,  la  respiration  reprend  son  état  nor- 
mal, le  pouls  est  à  98,  le  sommeil  est  bon  et  la  malade 
veut  se  lever  ;  la  voix  est  toujours  éteinte. 

Même  prescription. 

Mardi,  douzième  jour  de  la  maladie.  Il  n'y  a  plus  de 
plaques  diphthéri tiques  dans  la  gorge,  mais  la  voix  est 
toujours  éteinte  et  on  entend  un  farfotement  dans  le 
larynx  qui  me  fait  songer  à  hepar  sulfuris;  ce  médi- 
cament m'avait  rendu  service  dans  un  cas  analogue 
l'année  précédente. 

Prescription.  —  Hepar  sulfuris  42e,  2  gouttes  dans 
428  grammes  d'eau,  à  prendre  par  cuillerée  de  trois  en 
trois  heures. 

Mercredi,  quatorzième  jour  de  la  maladie,  l'enfant 
est  moins  bien,  le  pouls  est  à  100,  la  respiration  est  plus 
difficile.  Décidément  je  compris  que  j'avais  tort  d'aban- 
donner le  cyanure  de  mercure. 

Obligé  de  quitter  Saint-Romans,  j'ordonnai  ce  médi- 
cament à  la  dose  de  trois  cuillerées  par  jour  tant  que 
l'enfant  serait  entièrement  remis. 

Le  19.  La  petite  malade  respirait  bien,  dormait  bien 
ne  toussait  plus,  mais  la  voix  restait  éteinte;  j'ai  observé 
le  môme  fait  chez  sept  ou  huit  de  mes  malades.  D'après 
le  conseil  du  Dr  Noack  fils,  je  leur  envoyai  du  phos- 
phore 6*  et  aucun  n'est  resté  aphone. 

Onze  de  mes  malades  m'ont  offert  des  symptômes  à 
peu  près  semblables  à  ceux  du  cas  que  je  viens  de  ra- 
conter, moins  alarmants  et  moins  tenaces  peut  être, 


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294  THtiRAPBUTIQUB. 

grâce  à  l'administration  plus  continue  et  plus  hâtive  du 
cyanure  de  mercure. 

Je  n'ai  observé  qu'un  seul  cas  à  forme  putride.  Il  s'est 
présenté  chez  une  Glle  de  10  ans,  serofuleuse,  fatiguée  de- 
puis longtemps  de  la  poitrine,  mal  nourrie,  appartenant 
à  des  parents  pauvres.  Elle  aeu  des  crachements  de  sang, 
des  épitaxis  fréquentes,  une  pâleur  et  une  prostration 
extrêmes,  le  pouls  filiforme  et  l'arrière-gorge  tapissée  de 
plaques  diphthéritiques.  Dans  ce  cas  comme  dans  les 
autres,  et  môme  plus  que  dans  les  autres,  le  cyanure  de 
mercure  s'est  montré  promptement  efficace  ;  la  malade 
s'est  rétablie  en  moins  de  huit  jours. 

Un  autre  cas  très- intéressant  est  celui  d'une  jeune 
fille  de  i2  an3,  grande,  forte,  d'un  tempérament  san- 
guin, et  n'ayant  jamais  eu  de  convulsions.  Lorsque  je  la 
vis  pour  la  première  fois  elle  était  au  lit  depuis  trois 
jours,  s'était  plainte  de  mal  à  la  gorge  et  après  de  vio- 
lents efforts  avait  rendu  des  glaires.  Les  glandes  sous- 
maxillaires  sont  engorgées  et  les  amygdales  couvertes  de 
membranes  diphthéritiques.  Depuis  vingt-quatre  heures 
la  maladie  a  pris  une  forme  convulsive.  J'ai  été  témoin 
de  plusieurs  crises;  la  malade  tourne  ses  yeux,  pousse 
des  cris  de  béte  fauve,  puis  se  tait,  ouvre  la  bouche, 
reste  immobile,  semble  ne  plus  respirer  et  insensible  à 
tout  excitant  physique  et  moral.  Elle  reste  dans  cet  état 
environ  dix  minutes,  puis  les  yeux  reprennent  leur 
place  normale  mais  restent  fixes,  elle  pousse  de  nouveau 
quelques  cris  inhumains,  et  peu  à  peu  reprend  l'usage 
de  ses  sens,  excepté  celui  de  la  parole;  elle  nous  répond 
par  des  signes,  et  dix  minutes  se  passent  encore  avant 
qu'elle  puisse  nous  parler.  D'autres  fois,  au  début  et  à 
la  fin  de  la  crise,  l'enfant  se  jette  à  terre  et  avec  ses  mains 
et  ses  pieds  gratte  le  plancher  comme  un  animal  qui 
voudrait  faire  un  trou  dans  le  sol.  J  employais  vaine- 


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CYANURE  DE  MERCURE  DANS  LE  CROUP.  295 

ment  toutes  mes  forces  pour  la  remettre  sur  son  lit,  il 
fallut  patiemment  attendre  la  fin  de  la  crise  qui  reve- 
nait deux  fois  par  heure. 

Prescription. —  Cyanure  de  mercure  et  stramonium  6*, 
à  la  dose  d  une  cuillerée,  à  alterner  d'heure  en  heure. 

Après  vingt-quatre  heures ,  les  convulsions  avaient 
cédé,  la  malade  allait  généralement  mieux.  Je  fais 
continuer  le  cyanure  de  mercure.  Elle  allait  mieux,  me 
disait-on,  car  je  ne  pus  retourner  le  soir;  mais,  au  mo- 
ment de  partir,  on  vint  me  dire  que  les  crises  recom- 
mençaient. J'ordonnai  de  nouveau  stramonium  6«,  à 
alterner  de  deux  en  deux  heures  avec  le  cyanure  de  mer- 
cure. Quelque  temps  après  je  demandai  des  nouvelles 
de  ma  malade  et  on  me  répondit  qu  elle  gardait  ses 
moutons  à  la  montagne. 

Je  ne  dirai  qu'un  mot  de  Marie  Terret,  âgée  de  35  ans, 
qui,  malade  d'une  fièvre  synoque,  a  été  atteinte  par 
l'épidémie,  et  dont  la  langue  et  le  fond  de  la  gorge 
étaient  tapissés  de  larges  plaques  diphthcritiques  épaisses 
au  moins  d'un  centimètre.  Chez  elle  aussi,  le  cyanure  de 
mercure  s'est  montré  d'une  efficacité  incontestable  ainsi 
que  sur  sa  petite  fille  couchée  dans  le  môme  appartement 
et  prise  du  môme  mal. 

Je  ne  puis  passer  sous  silence  un  fait  qui  s'est 
passé  huit  jours  après  mon  départ.  Une  jeune  fille  de 
12  ans,  d  une  vigoureuse  constitution,  est  atteinte  par 
l'angine  diphthéri  tique  ;  en  trois  ou  quatre  jours  lessym- 
ptômes  deviennent  très-alarmants,  mais  sous  l'action 
du  cyanure  de  mercure,  —  j'en  avais  laissé  quelques 
potions  préparées  à  une  personne  de  ma  famille,  —  l'état 
s'amende,  la  respiration  devient  meilleure  et  la  malade 
expectore  des  fausses  membranes.  Tout  allait  pour  le 
mieux,  mais  malheureusement  la  personne  à  qui  j'avais 
laissé  le  médicament  venait  de  quitter  le  pays,  et  le  mal 


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296  THÉRAPEUTIQUE. 

reprenant  sa  marche  rapide  emporta  l'enfant  en  trois 
jours,  le  septième  jour  de  la  maladie,  malgré  les  soins 
d'un  médecin  des  environs  dont  j'ignore  les  prescrip- 
tions. J'ai  eu  l'occasion  de  voir,  il  y  a  quelques  jours,  le 
père  de  l'enfant  ;  tant  que  ma  fille  a  pris  votre  remède, 
me  disait-il,  elle  a  craché  facilement,  dès  que  forcément 
nous  ne  lui  en  avons  plus  donné,  sa  poitrine  s'est  remplie 
et  elle  n'a  plus  craché. 

Ce  cas,  malgré  sa  terminaison  malheureuse,  n'en 
prouve  pas  moins  l'action  du  cyanure  de  mercure. 

Il  résulte  de  mes  observations  que  brome  3e,  tarta- 
rus  3*  et  spongia  i"  ne  m'ont  paru  modifier  en  rien  la 
marche  de  la  maladie.  Chez  tous  mes  malades  le  mieux 
s'est  manifesté  après  l'administration  du  cyanure  de 
mercure,  qui  a  abattu  la  fièvre,  favorisé  l'expectoration 
des  fausses  membranes  et  arrêté  le  génie  malin  de  la 
maladie.  Tous  les  cas  traités  dès  le  début  par  ce  médica- 
ment n'ont  pas  présenté  de  symptômes  graves.  Je  n'i- 
gnore pas  qu'il  existe  une  forme  bénigne  de  la  maladie, 
mais  chez  la  plupart  l'engorgement  des  ganglions  sous- 
maxillaires,  la  fièvre,  la  dyspnée,  l'aphonie  faisaient 
craindre  une  forme  plus  redoutable.  Je  sais  qu'en  thé- 
rapeutique on  est  souvent  le  jouet  d'illusions  ;  mais  à  en 
juger  par  le  génie  malin  de  l'épidémie,  je  crois  ne  pas 
me  tromper  en  attribuant  au  cyanure  de  mercure  et 
non  pas  à  dame  nature  la  cure  de  mes  28  malades.  Je 
rappellerai  que  les  4  malades  qui  n'ont  pas  été  traités 
par  moi  sonf  morts  et  que  le  pays  voisin  a  eu  32  morts 
sur  40  malades;  d'ailleurs,  le  cas  que  j'ai  rapporté  en 
détail  prouve  admirablement  l'action  du  médicament 
qui,  deux  fois  cessé,  a  été  repris  deux  fois  avec  un  plein 
succès  après  la  réapparition  de  symptômes  graves. 

Aurions-nous  dans  le  cyanure  de  mercure  le  spécifique 


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OPIUM.  —  STRAMONIUM.  297 

de  toutes  les  formes  de  ladiphthérie,  je  ne  sais,  mais  ce 
que  je  sais  bien  c'est  qu'il  a  été  le  spécifique  de  l'épi- 
démie que  j'ai  eu  à  traiter. 

Paul  Rognin. 


OPIUM,  —  STRAMONIUM. 

DANS   LA    PURPURA  HEMORRHAGICA. 

Opium,  Datura  stramonium,  à  dose  infinitésimale, 
pourraient  aussi  être  indiqués  dans  le  traitement  du 
morbus  macolosus  quand  cette  maladie  présente  des 
accidents  cérébraux.  En  effet,  l'opium  produit  des  taches 
livides  çà  et  là  sur  le  corps  (après  quinze  heures).  —  Epi- 
staxis  (Beineg-gs).  —  Hémoptysie  (G.  Yong).  Fragment 
sur  les  effets  positifs  des  médicaments  obs.  chez  F  homme  sain, 
par  S.  Hahnemann.  Traduits  du  latin  par  MM.  Cham- 
peaux  et  Milcent.  L  Art  médical,  1855,  II,  444,  445,  446, 
523.  —  L'opium  produit  des  taches  ecchymotiques  à  la 
peau  (Schweickert). — Après  la  mort  par  l'opium,  ec- 
chymoses à  la  peau.  Giacomini,  Mat.  mèd.,  68. 

Le  Slramonium  produit  des  hémorrhagies  (S.  Hahne- 
mann), le  Purpura  (Greding1),  l'apoplexie  (Bùchner). 
LArt  méd.,  II,  545,  550,  551.  —  Ch.  D.  Meig-  a  rap- 
porté (Nouv.  Bibl.  méd.,  1827,  II,  452)  un  cas  d'empoi- 
sonnement par  le  Datura  stramonium  :  tout  le  corps 
était  couvert  de  pétéchies  brillantes. 

ADDITIONS. 

Carol.  Strack.  Obs.  méd.  de  Febribus  intermitt.  et  qua  ratione  eis- 
<lem  medendum  sit,  Offenbach,  Weiss  et  Brcde,  1786.  8. 1.  III.  c.  3. 
malades 77a  et  78e,  p.  196,  97.  (Mention de  taches  symptomatiques de 
la  lièvre  intermittente,  dont  quelques  -unes  avaient  de  l'analogie  avec 
celles  du  purpura  simples  :  Van  Swicten  a  vu  une  jeune  fille  qui 
à  la  suite  d'une  fièvre  quarte  prolongée  rendit  beaucoup  de  sang  par 
les  gencives  et  eut  une  ecchymose  dans  les  paupières.)  Labric,  Érup- 


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298  THÉRAPEUTIQUE. 

tion  pourprée  verraineusc:  c'est  la  2#  des  Observations  communiquées 
à  la  Société  de  Médecine  pratique.  Annales  de  la  Soc.  de  Méd.  prat. 
de  Montpellier.  Aon.  T.  VIII,  n°  47,  novembre  1806,  p.  334,  37. 
An.  Bibl.  méd.  XV,  03,  91.  (Fille  de  9  ans,  éruption  de  pourpre  : 
eau  d'orge  acidulée  avec  l'acide  sulfuriquc,  crème  de  tartre  à  petites 
doses,  embrocations  huileuses  camphrées,  fomentations  et  lave- 
ments émollients,  hémorrhagie  du  nez.  Affection  vermineuso,  mer- 
cure doux,  rhubarbe  et  jalap  ;  fièvre  aiguë,  embrocations  huileuses 
sur  l'épigastre  et  l'abdomen,  foment.  émollientcs,  émulsion  nitrée 
cuite.,  seize  vêts  lombrics  rendus,  2e  purgatif,  guérisin).  Guillaume 
Rcmer;  Obs.  sur  une  éruption  de  pétéchies  sans  fièvre.  Bibl.  méd. 
1811,  XXXf.  120,  21.  (Gurçon  de  six  ans,  affection  vermineusc 
combattue  à  l'aide  du  mercure  doux,  auquel  furent  quelquefois  asso- 
ciés le  cina  et  le  jalap  ;  neuf  lombrics  furent  rendus,  les  pétéchies 
eurent  entièrement  disparu  le  16e  jour,  où  il  survint  un  ptyalisme 
que  les  purgatifs  firent  cesser,  et  l'enfant  se  trouva  guéri.  Est-ce 
un  cas  de  purpura  simplex?)  Joseph  Bourges,  Table  des  mat.  du 
Journ.  gén.  de  méd.  fr.  et  étr.  ou  Rec.  périod.  de  la  Soc.  de  méd. 
de  Paris,  T.  III  des  tables;  Paris,  1818,  p.  197,  au  mot  Pourpre 
(indication  de  deux  articles);  P.  h.  Cottercau,  Formulaire;  Paris, 
1840,  p.  80,  81  (Pourpre  simple  chez  des  sujets  vigoureux,  chez 
des  sujets  faibles,  P.  hemorrhagica,  P.  contagieux  ou  pétéchies); — 
Auguste -François  Chomel,  Path.  gén.,  3»  éd.  p.  120  ;  —  E.  Bou- 
clait, Mal.  des  n.  nés  et  des  euf.  à  la  mamelle,  3*  éd.  1855.  1.  XVI. 
p.  668  («  La  P.  h.  observée  chez  un  de  nos  enfants  [qui  était  en 
proie  à  la  fièvre  intermittente]  doit  être  considérée  comme  une  com- 
plication de  ladite  fièvre,  le  P.  se  montre  ordinairement  dans  l'é- 
paisseur de  la  peau.  Dans  un  cas,  cette  hémorrhagie  interstitielle, 
occupait  un  seul  organe  intérieur,  et  elle  s'était  produite  dans  la 
substance  corticale  du  rein);  Idem,  Ibidem,  1.  XV,  p.  651  («  11  en  est 
[parmi  les  enfants  atteints  de  rougeole]  qui  présentent  une  érup- 
tion rubéolique  singulière,  caractérisée  par  un  exanthème  très- 
foncé  en  couleur  et  presque  noir,  entremêlé,  chez  quelques  sujets, 
d'ecchymoses  cutanées,  véritables  hémorrhagies  de  la  peau  sembla- 
bles à  celle  du  purpura  simplex,  parscm  -,  chez  d'autres,  d'un  grand 
nombre  de  taches  saillantes,  comme  papuleuses  »)  E.  Tartarin,  De 
l'iodurc  de  fer  dans  certaines  dermatoses  liées  à  l'anémie .  Pur- 
pura. -  Obs.  1.  Anémie  palustre  récidivée.  —  Purpura  sympto- 
matique,  Rupia.  Traitement  et  guérison  par  les  dragées  de  Gil- 
les. —  Obs  2.  Purpura  fébrile,  adynamique.  —  Traitement  et  gué- 


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ÉTUDES  DB  THÉRAPIE  ÉLECTRIQUE.  299 

rison  par  le  sirop  de  proto-iodure  de  fer  de  Gilles.  —  Obs.  3,  Pur- 
pura fébrile.  —  Etat  scorbutique.  —  Traitement  et  guérison  par 
les  dragées  de  proto-iodure  de  Gilles,  dans  l'Avenir  médical  de 
l'Iodure  de  fer,  journal  des  cliniques  des  hôpitaux  de  Paris.  N°  67, 
lundi  21  février  1870,  p.  633,  3  t. 

Charles  Ravel. 


ETUDES  DE  THÉRAPIE  ÉLECTRIQUE. 

—  T  ARTICLE  (1).  — 

(  Suite.) 

Preuves  à  F  appui  du  transport  de  for  dans  teau  par  le 
courant  électrique.  —  Déjà  en  1838,  M.  Pariset  commu- 
niquait à  la  Société  d'agriculture  un  article  des  expé- 
riences de  notre  ami,  établissant  le  transport  opéré 
par  l'électricité  en  mouvement,  ce  qui  a  donné  plus 
tard  l'idée  de  la  dorure  et  de  l'argenture  électriques. 
Becquerel,  dans  son  grand  ouvrage,  a  relaté  le  trans- 
port d'un  métal  sur  un  autre  au  moyen  de  l'étincelle. 
On  connaît  du  reste  l'expérience  de  Fusinieri  relatée 
dans  le  précédent  article.  D'autres,  que  nous  pouvons 
dire  journalières,  nous  donnent  des  preuves  irrécusa- 
bles qu'une  étincelle  entraîne  un  atome  ou  parcelle, 
soit  qu'elle  éclate  dans  l'eau  ou  tout  autre  corps  con- 
ducteur. Il  est  donc  hors  de  doute  qu'une  série  doive 
entraîner  de  l'or  extrait  du  conducteur.  Qui  ne  sait  que 
les  machines  électriques  sont  érodées  en  des  points  où 
les  frottements  ne  se  reproduisent  jamais,  où  il  est 
même  très-difficile  d'épousseter  ?  Le  courant  entraîne 
donc  forcément  des  parcelles  du  métal  parcouru.  Ceci 
est  surtout  évident  sur  les  machines  dorées  dont  les 

(1)  Voir  VArt  médical  de  juin,  juillet,  août  1860,  mars  1867,  février 
1869,  février  et  mars  1870. 


300  THÉRAPEUTIQUE. 

sillons  laissant  à  nu  le  laiton  sont  les  meilleurs  témoins 
du  transport  :  on  n'a  qu  a  considérer,  en  outre,  les 
éraillures  très-étendues  qui  sillonnent  les  bandes  d'or 
retirées  des  bonbonnes  en  vidange.  Aussi  dirons-nous 
hardiment  que  nous  avons  pu  toucher  du  doigt  le 
transport  du  précieux  métal  dans  cette  eau,  sous  la 
forme  la  plus  atomistique  possible,  inconnue  à  ce  jour 
du  monde  savant,  et  n'avons-nous  pas  craint  de  lui 
appliquer  le  nom  que  les  disciples  d'Hermès  donnaient 
à  leur  remède  universel;  toutefois,  ne  cherchons  pas  à 
faire  revivre  les  secrets  de  ces  temps  reculés,  nous  bor- 
nant à  constater  que  celte  eau,  dans  tous  les  cas  inno- 
cente, guérit  souvent  et  soulage  toujours. 

Préparée  comme  nous  venons  de  le  voir,  au  moyen 
des  boules  d'or,  elle  avait  déjà  bien  plus  de  puis- 
sance que  celle  éleclrisée  extemporanément  sur  l'isoloir, 
et  que  les  malades  buvaient  aussitôt  ;  mais  voici  venir 
une  nouvelle  phase  de  l'œuvre;  c'est  l'incorporation 
d'une  nouvelle  quantité  d'or  sous  une  autre  forme,  qui 
a  parachevé  le  remède,  pour  ainsi  dire,  à  tel  point  que 
la  durée  des  guérisons  est  désormais  réduite  à  quel- 
ques semaines  ou  même  quelques  jours,  au  lieu  de 
plusieurs  mois  qu'il  fallait  auparavant,  et  sans  traite- 
ment électrique  d'aucune  sorte. 

Tels  sont  les  développements  ou  améliorations  subis 
par  cette  eau  médicinale,  qu'elle  est  capable  de  riva- 
liser aujourd'hui  avec  les  moyens  les  plus  vantés;  et 
même  son  action  est  si  complexe,  qu'elle  semble  ne 
devoir  être  égalée  par  aucun  en  particulier.  Avant  de 
narrer  la  découverte  de  ce  nouvel  or  vivant ',  incorporé 
au  composé  déjà  décrit,  répondons  de  suite  à  une 
objection  assez  naturelle  :  l'impossibilité  d'un  remède 
universel. 

lln'estpas  in  différent,  en  effet,  d'électriser  avec  le  même 


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ÉTUDES  DE  THERAPIE  ÉLECTRIQUE.  301 

métal,  puisque  chaque  affection  réclame  un  traitement 
spécial.  On  pourrait  donc  en  induire  la  non-réussite  de 
l'eau  a  or  dans  toutes  les  circonstances  où  ce  métal  ne 
serait  pas  indiqué.  Toutefois  l'expérience  nous  a  prouvé 
qu'il  pouvait  être  employé  chez  tous  les  malades,  sans 
danger  apparent,  concurremment  avec  les  autres  moyens 
spéciaux  appropriés  à  chaque  état  morbide,  et  qu'il  avait 
une  supériorité  relative  chez  le  plus  grand  nombre,  ce  qui 
nous  ramènerait  à  répéter  les  louanges  de  nos  pères  au 
sujet  de  leur  panacée.  —  Revenons  au  récit: 

Depuis  longtemps,  comme  nous  suivions  avec  inté- 
rêt les  résultats  précités,  et  que  nous  pressions  notre 
ami  de  faire  quelque  expérience  sur  des  flacons  de 
dissolution  d'or  venus  de  son  alchimiste  M.  Magnin, 
et  oubliés  à  sa  maison  de  campagne  depuis  plus  de 
vingt  ans,  nous  parvînmes  à  le  décider  à  l'évapora- 
tion  ,  ce  qu'il  fit,  sans  témoin,  un  jour  d'été  de  1865, 
pour  le  contenu  d'une  de  ces  bouteilles,  après  l'avoir 
versé  dans  une  grande  capsule  de  verre,  qu'il  exposa 
au  soleil  derrière  une  vitre.  Ce  contenu  était  jaunâtre, 
non  acide,  et  sentait  fortement  l'alcool,  du  reste  clair, 
transparent  et  sans  aucune  dépôt  ;  mais,  au  bout  de 
quelques  jours,  il  existait  une  léger  dépôt  rougêalre  au 
fond  du  vase.  Bientôt,  en  examinant  la  surface  du  liquide, 
tous  ceux  conviés  cette  fois  à  l'expérience  virent  appa- 
raître une  paillette  d'or  avec  son  éclat  métallique,  de  suite 
suivie  par  une  autre,  puis  une  troisième,  enfin  une  série 
qui  semblaient  se  chercher,  se  joignaient  et  disparais- 
saient dès  que  la  capsule  n'était  pas  éclairée  par  les 
rayons  solaires.  Était-ce  un  sel  d'or?  Ces  sels  tachent 
la  peau,  les  ongles,  et  ont  un  goût  âpre;  jamais  pareil 
phénomène  ne  s'est  manifesté  ici.  Pas  la  moindre  sa- 
veur acide  au  liquide,  mais  un  goût  d'alcool  très-pre^ 
nonce.  M.  Magnin  n'avait  jamais  dit  l'emploi  de  cette 

TOME  XXXI.  —  AVRIL  1870.  20 


302  THÉRAPEUTIQUE. 

dissolution  d  or.  Kenoveau  possesseur  de  ces  œuvres  al- 
chimiques qui  ne  s'intéressait  nullement  à  ces  prépara- 
tions du  vivant  de  l'auteur,  fut  intrigué  par  tous  les 
phénomènes  précités,  et,  pour  avoir  quelques  éclaircis- 
saiments,  il  écrivit  à  M.  l'abbé L....  à  Paris,  lui  deman- 
dant la  reproduction  fidèle,  s'il  était  possible,  des  con- 
seils par  lui  donnés  autrefois  au  sujet  de  ïœuf  philosophi- 
que. Voici  sa  réponse:  «  J'avais  pris  la  proportion  indi- 
quée dans  le  Cosmopolite  (Paris  1723);  je  viens  de  re- 
trouver le  ruban  qui  est  resté,  servant  de  marque,  à  la 
p.  47.  Les  proportions  indiquées  dans  cette  page  sont 
celles-ci:  terre  ou  mercure  II,orI,  argent  II.»  Il  existait 
donc  dans  Y  œuf  phihmop/wjue  dont  nous  avons  vu  les 
merveilleux  résultats,  quatre  parties  autres  que  l'or  qui 
ne  formait  qu'une  partie,  et  quand  cette  boue  de  l'œuf  fut 
fondue,  il  ne  se  trouvait  pour  résidu  que  de  l'or;  pas 
une  trace  d'argent  qui  chimiquement  ne  pouvait  pas 
disparaître;  enfin,  après  avoir  retiré  le  lingot  du  creu- 
set, il  ne  restait  absolument  rien. 

Reproduction  du  métal  aurù/ue. — Notre  auteur,  disions- 
nous,  après  avoir  obtenu  des  paillettes  d'or,  se  mit  à  les 
extraire  par  le  filtrage  ;  chaque  fois  il  brûlait  le  filtre  et 
laissait  la  cendre  dans  la  masse.  L'évaporation  du  liquide 
avait  lieu,  mais,  en  remettant  une  nouvelle  quantité  d'al- 
cool, à  quelque  temps  de  là,  la  production  de  paillettes 
d'or  se  renouvelait  bientôt  aussi  abondante.  Ce  surpre- 
nant phénomène  de  la  naissance  du  métal  (on  ne  peut 
l'interpréter  autrement)  nous  reporte  à  la  légendaire 
multiplication  des  arcanes  d'Hermès,  et,  sans  vouloir 
chercher  une  minière  dans  ces  nouvelles  expériences  de 
laboratoire,  voyons-y  un  moyen,  comme  la  partie  thé- 
rapeutique de  ce  travail  va  le  prouver,  d'extraire  ce 
métal-médicament  à  une  degré  de  puissance  jusque  là 
ignoré. 


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ÉTUDES  DE  THÉRAPIE  ÉLECTRIQUE.  803 

Action  thérapeutique  de  ï eau  d or.  —  L'eau  élect  risée 
aurifère  exerce  spécialement  son  action  bienfaisante  sur 
les  organes  digestifs,  génito-urinaires  et  l'axe  cérébro- 
spinal. C'est-à-dire,  pour  traduire  physiologiquement, 
en  partant  du  point  de  départ,  que  les  centres  nerveux 
de  la  vie  organique  et  de  la  vie  animale  sont  directement 
ses  tributaires.  Aussi,  de  quelles  nombreuses  applica- 
tions n'est-elle  pas  susceptible?  Prenons  pour  premier 
exemple  l'affection  cholérique  où  le  trouble  des  grands 
sympathiques  est  si  manifeste.  Plusieurs  malades  déjà, 
à  la  deuxième  et  même  la  troisième  période  du  terrible 
fléau,  ont  pu  entrer  en  réaction,  grâce  à  cette  eau  ;  mais 
ces  faits,  objets  de  simples  communications  bienveillan- 
tes, ne  sauraient  être  invoqués  par  nous  comme  preu- 
ves authentiques.  Cependant,  à  en  juger  d'après  les 
cholériques  que  nous  avons  eus  à  traiter  et  les  expériences 
du  professeur  Starn,  là  gérait  une  grande  ressource. 

Il  y  a  quelques  années,  en  effet,  une  gazette  alle- 
mande publiait  la  note  ci-après,  reproduite  alors  par 
plusieurs  journaux  scientifiques  :  «Une  machine  électri- 
que, à  disque  de  cristal,  de  90  centimètres  de  diamètre, 
étant  mise  en  mouvement  rapide,  le  professeur  Starn 
de  Munich,  posa  sur  le  condensateur  un  fil  de  cuivre 
dont  l'autre  extrémité  fut  dirigée  dans  un  verre  d'eau  ; 
celle-ci  fut  saturée  d'ozone.  Par  contre,  un  autre  fil  fut 
attaché  aux  frottoirs  et  son  extrémité  libre  plongée  dans 
un  autre  verre  d'eau,  laquelle  fut  saturée  de  cyanure. 
Cette  dernière,  ayant  été  bue,  donna  tous  les  symptômes 
cholériformes,  et  leur  remède  fut  l'eau  saturée  d'ozone.  » 
Rien  d'étonnant,  par  conséquent,  que  notre  eau  électri- 
sée,  qui  est  aussi  saturée  d'ozone,  venant  directement 
du  condensateur,  ne  soit  l'antidote  du  choléra,  qu'on 
nous  passe  le  mot,  en  acceptant  l'idée  d'un  empoison- 
nement, admise  par  les  nosologistes. 


304  THÉRAPEUTIQUE. 

Ce  fait,  rapproché  de  celui  signalé  précédemment 
(l'absence  complète  de  l'air  ozonisé  pendant  les  épidé  - 
mies  de  choléra),  mérite  la  plus  sérieuse  attention.  Il 
n'y  a  en  effet  rien  d'impossible,  que  l'air  atmosphéri- 
que et  les  divers  courants  que  sillonnent,  dans  tous  les 
sens,  l'enveloppe  terrestre,  ne  changent,  dans  certains 
cas,  les  conditions  de  salubrité  èt  des  éléments  indespen- 
sables  à  la  vie.  Aussi,  la  prédominance  de  l'une  ou  de 
l'autre électricilé  pendant  un  temps  plus  ou  moins  long1, 
ou  peut-être  un  état  encore  inconnu  du  fluide  électrique, 
l'absence  enfin  de  ce  fluide  essentiellement  vital,  sont 
autant  de  causes  capables,  lorsqu'elles  coïncident  avec 
des  conditions  météorologiques  exceptionnelles,  d'attirer 
ou  d'oxyder  l'air  ou  l'eau,  de  les  saturer  enfin  de  gaz 
nuisibles  aux  organes  digestifs  des  animaux  et  surtout  des 
hommes.  Des  recherches  entreprises  dans  ce  sens  seraient 
de  la  plus  haute  importance  en   hygiène  publique. 

Une  expérience  de  plusieurs  années  nous  autorise  à 
présenter  cette  eau  comme  un  des  plus  puissants  remè- 
des, et  d'une  complète  innocuité.  Aussi,  peut-on,  sans 
le  moindre  inconvénient,  la  donner  dans  toutes  espèces 
d'états  morbides,  lorsqu'il  y  a  indication  déporter  l'agent 
curatif  à  l'intérieur,  ce  qui  est  le  cas  ordinaire,  ou  quand 
on  n'a  pas  à  sa  disposition  de  machine  électrique.  Elle 
réussit  plus  particulièrement  dans  la  faiblesse  générale, 
suite  de  déperdition  du  fluide  vital  par  des  excès  ou  des 
maladies  qui  ont  épuisé  les  forces  ;  l'âge  avancé  y  re- 
trouve une  sorte  de  vigueur  et  une  longévité  vraiment 
exceptionelles.  Nous  pourrions  citer  de  nombreuses 
observations  à  l'appui  de  ces  remarques. 

Les  troubles  du  svstème  nerveux,  si  communs  de  nos 
jours,  entre  autres  l  épilepsie,  sont  heureusement  modi- 
fiés et  souvent  guéris  par  cette  liqueur,  on  peut  en  dire 
autant  de  ceux  des  fonctions  digestives;  le  succès  est 


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ÉTUDES  DE  THERAPIE  ELECTRIQUE.  305 

même  assuré  dans  toutes  les  gastroses  exemptes  de  lé- 
sion organique.  Elle  est  d'un  grand  secours  dans  la 
goutte,  la  gravelle  uriqueet  le  diabète  sucré,  trois  ma- 
ladies qui  proviennent  d'une  élaboration  insuffisante 
des  aliments  et  des  matières  plastiques  des  sucs  nour- 
riciers. L'effet  du  remède  est,  partant,  facile  à  saisir:  il 
redonne  aux  organes  la  puissance  de  transformer  en 
urée  les  molécules  dont  l'oxydation  a  été  incomplète,  ou 
d'en  opérer  la  combustion. 

La  plupart  des  maladies  utérines  y  trouvent  un  mo- 
dification importante,  en  particulier  les  prolapsus  et  les 
congestions  de  ces  organes. 

Nous  pouvons  enfin  signaler  son  triompbe  dans  les 
neuf  dixièmes  dés  affections  syphilitiques  anciennes, 
alors  même  qus  tous  les  moyens  connus  sont  restés  in- 
fructueux, et  que  les  malades  ont  fait  abus  des  mer- 
curiaux. 

On  ne  sera  point  étonné  de  ces  résultats  inespérés  si 
l'on  se  reporte  aux  cures  merveilleuses  des  anciennes 
préparations  aurifères  à  tout  jamais  tombées  dans  l'oubli, 
en  raison  des  dissolvants  corrosifs,  seuls  admis  pour 
l'or  depuis  l'inlroduclion  des  sciences  chimiques;  ce  qui 
rendait  le  remède  pire  que  le  mal  lui-môme. 

Nous  possédons  aujourd'hui  un  dissolvant  bien  supé- 
rieur: le  fluide  électrique,  lequel,  de  plus,  est  tout  à  fait 
inoffensif,  grâce  à  l'électricité  statique,  qui  seule  est 
capable  de  saturer  du  précieux  métal,  sans  décomposer 
la  véhicule  en  quoi  que  ce  soit.  Aussi,  nous  n'avons  pas 
craint  de  nommer  cette  panacée  nouvel  or  potable. 

Citons  quelques  observations  authentiques  et  person- 
nelles :  sur  nos  conseils  en  effet  bien  des  malades,  quoi- 
que fort  âgés,  ont  recouvré  la  force  des  organes  digestifs 
depuis  longtemps  perdue;  entre  autres  notre  vénérable 
confrère,  le  Dr  Guidi,  mort  à  l  âge  de  96  ans,  des 


306  THÉRAPEUTIQUE. 

suites  d'une  fracture  du  col  du  fémur,  et  non  de 
caducité;  un  homme  conservé  au  moral  comme  au 
physique,  mort  à  92  ans,  et  qui  chaque  hiver  avait 
des  fluxions  de  poitrine  dont  il  triomphait  ;  plu- 
sieurs dames  et  demoiselles  de  75  à  85  ans,  etc  Nous 

pourrions  citer  un  grand  nombre  d'exemples  de  lon- 
gévité exceptionnelle  pour  notre  ville,  grâce  à  l'emploi 
de  cette  eau;  il  suffît  de  constater  le  fait.  Parlons  bien 
plutôt  avec  détails  des  maladies  proprement  dites  que 
ce  moyen  a  pu  maîtriser.  En  voici  quelques  uns  : 

M**  V...,  âgée  d'environ  60  ans,  au  teint  fleuri,  et 
jusque-là  d'une  santé  robuste,  fut  atteinte,  il  y  a  quel- 
ques années,  d'une  fièvre  continue  d'abord,  puis  à  pa- 
roxysmes indéfinis,  qui  progressivement  prirent  l'im- 
portance d'accès  à  forme  pernicieuse.  C'était  vers  deux 
heures  de  la  nuit  qu'apparaissaient  de  l'angoisse,  des 
frissons,  des  hoquets  suivis  de  vomissements  bilieux, 
très-foncés  et  quelquefois  sanguins,  des  sueurs  froides 
et  de  l'accablement  durant  le  reste  de  la  nuit  et  tout  le 
jour.  L'inappétence  était  complète,  la  langue  jaunâ- 
tre, les  selles  ordinairement  dures,  rares,  parfois 
diarrhéiques,  des  épistaxis  fréquentes.  De  l'avis  de 
plusieurs  confrères,  il  y  avait  affection  hépathique  grave, 
bien  que  rien  ne  le  décélàt  à  l'inspection  abdominale. 
Beaucoup  de  médicaments  avaient  été  donnés  presque 
sans  résultat,  en  première  ligne,  le  sulfate  de  quinine  ; 
le  mal  datait  de  plusieurs  mois  et  menaçait  prochaine- 
ment la  vie.  Une  consultation  eut  lieu,  et  nous  propo- 
sâmes l'électricité,  spécialement  l'eau  électrisée,  qui 
furent  acceptées  ;  l'eau  fut  donnée  par  quart  de  verre  à 
liqueur,  afin  d'obtenir  la  tolérance.  En  rnème  temps 
nous  soumîmes  le  malade  à  l'action  électrique,  bien  qu'il 
fût  au  lit.  Etant  nous-même  sur  l'isoloir,  et  une  machine 
de  rotation  mise  en  mouvement,  nous  dirigeâmes  un 


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ÉTUDES  DE  THÉRAPIE  ÉUXTIUQl'E.  307 

courant  au  moyen  d  une  lige  d'or,  sur  tout  le  tube  di- 
gestif, puis  des  étincelles  avec  une  boule  d'or  sur  les 
membres  inférieurs,  depuis  la  colonne  do  rso- lombaire 
jusqu'aux  pieds,  ce  qui  terminait  les  séances. 

Les  fonctions  digestives  se  firent  un  peu  dès  le  lende- 
main, et  allèrent  en  s'améliorant  presque  sans  inter- 
ruption jusqu'à  la  convalescence,  qui  ne  tarda  pas  plus 
de  trois  semaines.  La  guérison  ne  s'est  point  démentie. 

Voici  une  autre  observation  que  nous  avons  relatée  en 
détail  dans  ce  journal,  t.  xxm,  p.  364;  nous  n'y  revien- 
drons pas;  rappelons  simplement  ici  qu'il  s'agissait  d' une 
affection  cérébrale,  de  nature  probablement  syphilitique, 
ayant  entraîné  le  coma  et  menaçant  très-prochainement 
les  jours  du  malade.  L'eau  d'or  fît  tous  les  fra;s  de  la 
guérison,  sans  l'intervention  de  l'électricité  elle-même. 

Plus  récemment,  un  autre  jeune  homme,  à  la  suite 
d'accidents  blennorrhagiques  prétendus  guéris,  avait 
vu  ses  urines  se  troubler,  au  point  de  ressembler  à  du 
petit  lait;  il  avait  en  outre  la  perception  de  mouches  vo- 
lantes avec  diminution  de  la  vue,  à  gauche.  Bien  que 
l'œil  fût  sain  en  apparence,  l'état  des  urines,  le  trouble 
vésical  et  un  ensemble  de  symptômes  généraux,  pou- 
vaient faire  craindre  une  maladie  constitutionnelle  lar- 
vée, qui  avait  résisté,  jusqu'à  ce  jour,  à  toute  médica- 
tion, et  devenait  pour  ce  malheureux  jeune  homme  un 
véritable  sujet  de  désespoir.  — C'est  dans  ces  déplorables 
circonstances  que  l'eau  d'or,  à  la  dose  de  trois  verres  à 
liqueur,  portés  progressivement  à  un  demi -verre  ordi- 
naire par  jour,  a  modifié  de  plus  en  plus  l'état  local  et 
général,  au  point  que  laguérison  a  été  assurée  en  quel- 
ques mois. 

Nous  pourrions  aussi  rapporter  l'histoire  d'une  pieuse 
dame  dont  l'estomac  ne  pouvait  digérer,  depuis  longues 
années,  que  des  bifleacks  ou  des  soupes,  et  qui,  au 


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308  THÉRAPEUTIQUE. 

moyen  de  quelques  bouteilles  d'eau  éleetrisée,  ainsi  que 
de  courants  sur  l'épigastre  et  l'hypochondre  avec  de 
l'or,  a  récupéré  assez  de  force  pour  faire  maigre  et 
même  jeûner  durant  tout  un  carême,  ce  qui  ne  lui  était 
pas  arrivé  depuis  plus  de  vingt  ans.  Voilà  plusieurs 
années  que  la  guérison  se  maintient  parfaite. 

Un  notaire  des  environs  de  Lyon  avait  des  vomisse- 
ments incoercibles  depuis  quarante  ans.  L'eau  d'or  les 
a  fait  disparaître  en  quelques  mois. 

Plusieurs  boulimies  ont  été  guéries  également  par  ce 
moyen  ;  une  entre  autres,  chez  le  parent  d'un  médecin, 
qui  avait  usé  de  tout  l'arsenal  thérapeutique. 

Nombre  de  tumeurs  trouvent  dans  l'eau  d'or  un  dis- 
solvant incomparable.  Telles  sont  les  orchites  et  épidi- 
dymites  chroniques,  les  goîtres  de  diverses  natures,  les 
nodus  et  fongosités  articulaires;  mais  le  plus  souvent 
il  faut  employer  simultanément  les  courants  ou  les  étin- 
celles. On  peut  môme  dire,  sans  craindre  de  se  tromper, 
que  pour  toutes  les  affections  tributaires  de  l'électricité 
il  serait  bien  de  faire  boire  de  l'eau  d'or  en  même  temps 
que  l'on  fait  les  passes  électriques  ;  l'expérience  nous  a 
appris  que  toutes  les  cures  en  sont  activées. 

Dans  les  maladies  externes  ou  chirurgicales,  il  con- 
vient également  de  faire  baigner  les  parties  malades,  ou 
au  moins  de  les  humecter  avec  cette  eau.  Des  ulcères 
chancreux  lui  ont  dû  la  guérison. 

La,  dose  interne  pour  un  enfant,  comme  pour  un  adulte, 
est  d'abord  d'un  demi-verre  à  liqueur,  matin  et  soir, 
demi-heure  avant  ou  trois  heures  après  les  repas. 
Cette  dose  peut  être  progressivement  élevée  jusqu'au 
verre  entier  ordinaire,  divisé  par  fractions  ou  bu  en 
une  fois,  ce  qu'on  observera  surtout  dans  le  traitement 
des  maladies  chroniques.  Dr  Frestier 

(de  Lyon\ 


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CORRESPONDANCE 


A  PROPOS  DES  POISONS  MORBIDES. 

Cette  lettre,  a  été  adressée  au  rédacteur  de  la  Tribune 
médicale,  à  propos  d'un  article  dans  lequel  on  expliquait 
la  plupart  des  maladies  aiguës  par  la  sueur  rentrée,  con- 
sidérée comme  un  poison  morbide, 

Très-honoré  confrère, 

«  Dieu,  délivre-nous  du  malin  et  du  langage  figuré  !  Les  méde- 
cins m'ont  pensé  tuer  voulant  me  rafraîchir  le  sang  ;  celui-ci  m'em- 
prisonne de  peur  que  je  n'écrive  du  poison;  d'autres  laissent  reposer 
leur  champs  et  nous  manquons  de  blé  au  marché.  » 

J'ajouterai,  si  vous  le  permettez,  à  ces  paroles  si  vraies  de  Paul- 
Louis  Courier  :  Un  de  mes  confrères  a  pensé  tuer  son  malade  atteint 
d'angine  couenneuse  en  voulant  détruire  le  poison  iliphthéritique  avec 
l'acide  phénique!  Mon  Dieu,  délivrez-nous  du  langage  figuré! 

Quand  donc  les  médecins  se  décideront-ils  une  bonne  fois  à  sortir 
de  l'étiologie  hypothétique?  Quoi!  Molière  ne  nous  a  pas  corrigés, 
et  il  faut  que  nous  remplacions  toutes  les  sottises  des  hypothèses 
humorales  par  de  nouveaux  contre-sens  physiologiques,  et  que  les 
poisons  morbides  viennent  tenir  lieu  de  la  bile  et  de  l'atrabile  ! 

Mais  qui  donc  nous  oblige  à  trouver  l'explication  physiologique 
des  maladies  et  nous  contraint  à  déraisonner  surcette  obscure  ques- 
tion ?  Pour  moi,  je  vous  le  déclare  franchement,  j'aimerais  mieux, 
sauf  le  déshonneur,  être  condamné  aux  travaux  forcés  à  perpétuité 
que  d'être  obligé  de  rechercher  la  quintessence,  la  nature  d'une 
maladie  quelconque,  fût-ce  même  celle  du  rhume  du  cerveau;  et  je 
trouve  qu'il  est  déjà  bien  assez  dur  d'assister  aux  pénibles  etinfiuc- 
tueux  efTort  de  ceux  qui,  tourmentés  par  le  mauvais  génie  de  la 
Médecine,  s'attellent  volontairement  à  cette  question  insoluble  de 
l'explication  des  maladie  et  nous  donnent  la  sueur  rentrée  comme 
une  intoxication,  sans  songer  qu'il  faudrait  d'abord  démontrer  que 
la  sueur  est  un  poison,  et  ensuite  que  la  sueur  peut  rentrer  !  Per- 
fectionnons de  plus  en  plus  la  nosographie,  c'est-à-dire  l'histoire 
naturelle  des  maladies,  étudions  les  formes  et  les  variétés  sous  les- 
quelles se  montre  chaque  espèce  morbide  ;  puis,  sur  cette  nosogra- 
phie positive,  asseyons  une  téra  peu  tique  positive.  Mais,  pour  Dieu, 


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310  LETTRE  A  PROPOS  DES  POISONS  MORBIDES. 

ne  dirigeons  plus  contre  une  cause  morbifique  hypothétique  la  vertu 
plus  hypothétique  encore  d'un  médicament,  sous  peine  d'être  comme 
le  valet  dont  parle  Scarron,  «  qui  de  l'ombre  d'une  brosse  frottait 
l'ombre  d'un  earosse.  » 
Mais  revenons  aux  poisons  morbides. 

Pour  les  médecins  qui  acceptent  cette  étiologie,  le  poison  mor- 
bide est  une  cause  morbifique  qui  altère  le  sang  et  produit  tous  les 
symptômes  de  la  maladie.  L'observation  enseigne  que  cette  cause  a 
les  caractères  suivants  : 

i°  Elle  a  pour  supports  des  solides  ou  des  liquides  qui  servent 
d'instrument  à  la  contagion  ; 

2°  Ces  solides  ou  rcs  liquides  ne  possèdent  point  de  caractères 
physiques  ou  chimiques  spéciaux  ; 

3°  Le  poison  morbide  n'agit  qu'après  une  incubation  ; 

4«j  11  est  .«ans  aucune  action  sur  un  nombre  très-notable  d'indi- 
vidus ; 

5°  Certains  poisons  morbides  n'agissent  qu'une  seule  fois  sur  le 
même  individu  ; 

6»  Enfin  l'action  n'est  nullement  proportionnelle  à  la  quantité 
du  poison . 

D'où  il  est  facile  de  conclure  que  les  poisons  morbides  n'ont  au- 
cune analogie  avec  les  poisons  ordinaires,  et  que  l'expression  est  au 
moins  mal  choisie.  Mais,  très -honoré  confrère,  ce  n'est  pas  moi  qui 
prendrai  la  peine  d'écrire  plus  de  quatre  lignes  pour  faire  la  guerre 
à  une  expression  impropre,  persuadé  que  la  définition  et  l'usage  ont 
bien  vite  fait  oublier  la  signification  purement  littérale.  Si  j'inter- 
viens dans  le  débat,  c'est  que  les  liquides  et  les  solides  inoculables 
auxquels  on  donne  le  nom  de  poisons  morbides  ne  sont  pas  la  cause 
de  la  maladie. 

Comment,  me  dira-t  on,  le  liquide  inoculable  du  chancre  n'est  pas 
la  cause  de  la  syphilis?  le  pus  de  la  pustule  variolique  n'est  pas  la 
cause  de  la  variole?  le  poison  diphthérique  n'est  pas  la  cause  de  la 
diphthéiïe?  Non,  très-honoré  confrère  ;  c'est  l'organisme  vivant  qui 
engenùre  toutes  les  maladies,  c'est  lui  qui  les  contient  toutes  en 
puissance,  et  qui,  spontanément  ou  après  une  contagion,  déroule 
toute  la  série  des  symptômes  et  des  lésions  qui  constituent  la  ma- 
ladie. 

L'homme  est  un  être  maladif  et  qui  fait  des  maladies  avec  les 
circonstances  extérieures  qui  l'environnent,  comme  les  ruminants 
font  de  la  viande  avec  du  fourrage,  et  chaque  variété  de  l'espèce 
humaine,  chaque  individu  dans  la  variété  a  une  aptitude  spéciale  à 
telle  ou  telle  maladie,  en  sorte  que  la  race  nègre  n'a  pas  d'aptitude 
pour  la  fièvre  intermittente  et  la  fièvre  jaune,  et  qu'il  y  a  des  indi- 


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LETTRE  A  PROPOS  DES  POISONS  .MORBIDES.  311 

vidns  dans  toutes  les  races  qui  sont  disposés  à  contracter  un  certain 
nombre  de  maladies  déterminées,  et  qui  sont  complètement  réfrac- 
taircs  à  un  certain  nombre  d'autres.  Ainsi  il  est  des  sujets  qui  ne 
peuvent  être  vaccinés  ou  qui  ne  peuvent  contracter  la  syphilis,  etc. 
C'est  ce  que  J.-P.  Tessier  appelait  la  théorie  des  «  prédispositions 
définies  » ,  théorie  qui  est  la  base  véritable  de  l'étiologie  positive,  et 
qui,  appliquée  a  tous  les  êtres  organisés,  se  formule  en  ces  termes  : 
«Chaque  être  vivant  est  malade  suivant  son  espèce  et  suivant  son 
individualité.  » 

Il  nous  faut  maintenant  démontrer  que  les  «poisous  morbides», 
qui  n'ont  aucune  des  propriétés  des  poisons,  ne  sont  pas  la  cause 
des  maladies. 

Nous  n'irons  pas  chercher  nos  preuves  dans  des  explications 
physiologico-chiuiiques  plus  ou  moins  spécieuses,  mais  bien  dans  les 
faits  les  plus  vulgaires  et  partant  les  mieux  connus.  Voyons  com- 
ment se  comporte  le  contage  de  la  variole  vis-à-vis  de  l'organisme 
humain?  Joue-t-il  le  rôle  d'une  cause  interne  et  efficace?  Peut-on 
comparer  son  action  à  celle  d'un  poison  véritable,  de  la  strychnine, 
par  exemple,  ou,  au  contraire,  n'est-il  que  la  condition  habituelle- 
ment nécessaire  du  développement  de  la  variole?  L'observation  et 
l'expérimentation  nous  fourniront  ici  tous  les  renseignements  dési- 
rables. 

Il  peut  se  présenter  cinq  cas  : 

1°  L'organisme  humain  résiste  absolument,  et  l'inoculation  même 
est  impuissante  à  faite  naitre  la  variole.  Ici  le  poison  varioleux  perd 
ses  propriétés  toxiques  ;  c'est  un  poison  qui  n'empoisonne  pas  ; 

2°  L'organisme  humain,  après  avoir  succombé  une  première  fois  et 
contracté  la  variole,  devient,  pour  un  temps,  complètement  rôfrac- 
taire  au  contage  varioleux. 

Dans  ce  cas,  le  poison  varioleux  est  tour  à  tour  toxique  ou  inerte  ; 

3°  L'organisme  succombe  dans  les  conditions  habituelles  de  la  con- 
tagion (cohabitation,  respiration  d'un  air  chargé  d'émanations  de 
varioleux,  etc.),  mais  la  maladie  revêt  les  formes  les  plus  diverses  : 
bénignes,  malignes,  continentes,  et  ces  formes  ne  sont  pas  en  rap- 
port avec  la  puissance  du  poison,  mais  avec  l'organisme  du  malade, 
en  sorte  que  la  variole  bénigne  peut  communiquer  une  variole  ma* 
ligne  et  réciproquement  ; 

-i"  L'organisme  succombe,  mais  dans  des  circonstances  toutes  spé- 
ciales, par  suite  de  l'inoculation;  et.  malgré  la  puissance  de  ce  mode 
de  communication  des  maladies  contagieuses,  la  variole  inoculée 
est  presque  toujours  bénigne  ; 

3"  Enfin  la  variole,  au  moins  une  fois,  est  née  'en  l'absence  de 
toute  contagion,  et  cette  circonstance,  si  rare  pour  la  variole,  est 


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312  LETTRE  A  PR0!>OS  DES  POISONS  MORBIDES. 

fréquente  pour  d'autres  maladies  dont  l'étiologie  est  soumise  aux 
mêmes  hypothèses  des  poisons  morbides,  pour  la  diphthérie,  par 
exemple. 

Le  fait  conserve  donc  toute  sa  valeur  pour  la  discussion  générale. 

Eh  bien,  tous  ces  faits  restent  inexplicables  si  on  se  place  dans  la 
théorie  des  poisons  morbides  et  des  causes  externes  vraies  (c'e^  ù- 
dire  de  colles  qui  produisent  réellement  une  affection  morbide). 

Comparez  à  l'action  du  contage  varioleux  l'action  d'un  vrai  poi  - 
son,  de  la  strychnine,  par  exemple,  vous  ne  trouverez  que  des  diffé 
renées  et  pas  une  analogie. 

Dans  l'espèce  humaine,  la  strychnine  est  une  cause  certaine  de 
lésions  et  de  symptômes  pour  tous  les  individus  de  l'espèce,  à  quel 
que  race  qu'ils  appartiennent.  On  n'observe  ici  ni  immunité  natu- 
relle, ni  immunité  acquise,  et  l'effet  produit  est  simple,  prévu  à 
l'avance,  proportionné  à  la  dose  du  poison.  Ici  l'organisme  «se laisse 
aller  complètement  »  ;  il  est  dominé  par  la  cause  externe,  qui  mé- 
rite bien  le  nom  de  cause,  parce  qu'elle  contient  réellement  sou 
effet  et  qu'elle  l'engendre  fatalement,  quoique  cependant  l'orga- 
nisme humain  pâtisse  toujours,  même  dans  ce  cas,  suivant  sa  na- 
ture. 

Notre  première  conclusion  est  donc  celle-ci  :  les  prétendus  poi- 
sons morbides  n'agissent  pas  comme  les  causes  externes  eflicaces, 
comme  les  poisons  véritables. 

Mais  plaçons-nous  au  point  de  vue  de  la  théorie  des  prédisposi- 
tions délinies  :  l'organisme  engendre  les  maladies  avec  ou  sans  le 
concours  de  circonstances  extérieures  déterminées. 

Alors  tout  devient  clair  dans  l'étiologie  de  la  variole  et  des  mala- 
dies contagieuses. 

D'abord  leur  production  en  l'absence  de  tout  contage,  ensuite  l'im- 
munité naturelle  ou  acquise  de  certaines  races  et  de  certains  indivi- 
dus ;  jiuis  le  défaut  de  proportion  entre  le  contage  et  la  maladie  pro- 
duite, les  formes  bénignes  engendrant  les  formes  malignes  et  réci- 
proquement. 

Il  ressort  de  tout  ceci  que  :  1°  l'organisme  domine  complètement 
la  cause  externe,  la  contagion,  qu'il  l'accepte  ou  la  repousse,  et  que, 
quand  il  la  reçoit,  il  la  moditie  et  ne  l'accepte  que  sous  condition. 
De  là  les  formes  si  diverses  des  maladies  contagieuses. 

En  un  mot,  le  poison  morbide  n'est  qu'une  cause  secondaire.  La 
chaleur  et  l'humidité,  bien  que  nécessaires  à  la  germianation,  ne  sont 
pas  la  cause  du  développement  des  plantes.  La  cause  véritable  de  la 
germination  est  dans  la  graine,  comme  la  cause  véritable  des  mala- 
dies contagieuses  est  dans  l'organisme  vivant,  et  non  dans  de  pré- 
tendus poisons. 


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LETTRE  A  PROPOS  DES  POISONS  MORBIDES.  313 

La  vérité  delà  théorie  étiologique  que  nous  soutenons  devient  en- 
core plus  éclatante  dans  l'histoire  de  la  «  petite  vérole  inoculée.  » 

Pourquoi,  si  le  pus  varioleux  est  un  poison  véritable  et  agissant 
à  la  manière  des  poisons,  pourquoi  produit-il  une  variole  très-béni- 
gne quand  il  est  inoculé  à  un  sujet  en  bonne  santé?  Le  pus  vario- 
leux inoculé  à  un  individu  sain  ne  produit  qu'une  variole  mitigée, 
parce  que  l'organisme  de  la  personne  était  très-peu  disposé  à  ce 
moment  à  produire  la  petite  vérole,  et  que,  sollicité  par  le  contage, 
alors  que  la  prédisposition  a  la  variole  n'était  pas  mûre,  l'organisme 
ne  peut  produire  qu'une  variole  avortée. 

Toutefois  (et  c'est  là  un  fait  digne  de  remarque*,  si  l'organisme 
était  prêt  à  concevoir  la  variole,  l'inoculation  déterminait  une  forme 
grave  et  quelquefois  mortelle,  et  ce  résultat  a  été  produit  plusieurs 
fois  par  l'inoculation. 

Deuxième  conclusion.  —  La  cause  interne,  la  disposition  de  l'orga- 
nisme, la  prédisposition  définie  domine  complètement  les  phéno- 
mènes dans  les  maladies  contagieuses  ;  le  contage  n'est  qu'une  cir- 
constance plus  ou  moins  nécessaire  à  la  production  de  la  maladie, 
mais  tout  à  fuit  incapable  de  la  produire  par  lui-même. 

Le  contage  joue  dans  la  production  de  la  variole  le  même  rôle 
cpie  l'humidité  et  la  chaleur  jouent  dans  la  germination  d'une  plante. 
C'est  une  condition  nécessaire,  ce  n'est  pas  une  cause.  Les  prétendus 
poi«ons  morbides  ne  sont  donc  pas  des  poisons,  puisque  ce  ne  sont 
pas  des  causes  externes  efficaces,  puisque  enfin  leur  action,  entière- 
ment subordonnée  à  l'organisme,  n'a  aucune  analogie  avec  l'action 
des  poisons  véritables.  Les  poisons  morbides  ne  sont  donc  que  des 
expressions  d'un  langage  figuré,  de  véritables  métaphores. 

J'ajoute  pour  terminer,  mon  très-honoré  confrère,  que  cette  mé- 
taphore a  déjà  coûté  la  vie  à  bien  des  malades.  En  effet,  n'est-ce  pas 
parce  que  certains  médecins  croient  que  la  diphthétie  est  causée  par 
un  poison  morbide  qu'ils  la  traitent  par  des  injections  hypodermi- 
ques d'acide  phénique  ?  On  traite  de  même  la  variole,  la  scarlatine 
et  toutes  les  lièvres  éruptives  ;  de  même  aussi  la  lièvre  typhoïde,  le 
choléra,  la  peste,  la  dysenterie,  la  grippe,  etc.,  et,  d  après  votre  cor- 
respondant de  dimanche  dernier,  la  fièvre  intermittente,  la  pneumo- 
nie, la  pleurésie!!! 

Laissez  faire  la  logique  de  l'esprit  humain  et  son  amour  pour  les 
systèmes,  et  bientôt  la  pathologie  et  la  thérapeutique  seront  simpli- 
fiées :  il  n'y  aura  plus  qu'une  maladie,  l'empoisonnement  morbide, 
et  qu'un  remède,  l'acide  phénique,  ou  toute  autre  substance  que 
notre  imagination  aura  douée  de  propriétés  antiseptiques  univer- 
selles. 

Je  connais  déjà  bien  des  médecins  qui  ont  glissé  sur  cette  pente 


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3  M  LETTRE  A  PROPOS  DES  FOISONS  MORBIDES. 

et  j'ca  ai  peur,  lu  génération  médicale  tout  entière  y  glissera.  11  est 
si  commode  d'avoir  un  système  facile  à  exposer  et  à  comprendre  et 
qui  réponde  à  toutes  les  difficultés  de  la  pratique  !... 

Le  bon  sens,  les  déceptions  thérapeutiques  finiront,  je  le  sais,  par 
faire  justice  de  ce  faux  système  des  poisons  morbides,  mais,  en  at- 
tendant, ce  sont  les  malades  qui  «  paient  les  pots  cassés.»  Que  ne 
puis  je  persuader  à  tous  mes  confrères  de  faire  un  pacte  avec  eux- 
mêmes  et  de  s'engager  à  ne  jamais  accepter  comme  base  de  leur  pra- 
tique une  hypothèse  non  vérifiée,  à  ne  faire  que  de  la  pathologie 
exacte  et  de  la  thérapeutique  posititive.  Je  leur  promets  beaucoup 
de  travail  ;  mais,  ainsi  qu'a  dit  le  bonhomme  : 

Travaillez,  prenez  de  la  peine, 
C'est  le  fonds  qui  manque  le  moins. 

J'ajouterai  que  c'est  là  le  seul  moyen  de  pratiquer  honnêtement 
la  profession  médicale. 

Agréez,  je  vous  prie,  l'assurance  de  mes  sentiments  de  boune 
confraternité. 

P.  Jousset. 


VARIÉTÉS 


DÉSORDRES  DE  L'ÉCOLE  DE  MÉDECINE. 

L'École  de  médecine  continue  à  être  le  théâtre  de  scandales  inter- 
mittents. Le  cours  de  M.  le  professeur  Tar.licu  est  depuis  huit  jours 
outrageusement  interrompu  par  les  scènes  les  plus  déplorables.  Des 
huées,  des  chants,  des  injures,  des  accusations  violentes  et  gratuites 
île  faux  témoignage ,  de  basse  vénalité ,  des  projectiles  plus  inso- 
lents que  dangereux,  des  sous  jetés  sur  la  chaire  du  professeur,  sa 
voiture  retenue  dans  sa  marche  par  je  ne  sais  quel  jeu  dérisoire, 
indigne  d'étudianls  sérieux,  sa  démission  hautement  exigée,  tels 
sont  les  tristes  moyens  de  vengeance  dirigés  contre  le  savant  expert 
appelé  à  déposer  devant  la  haute  cour  de  justice. 

Rien  n'a  trouvé  grâce  devant  cette  hostilité,  au  fond  toute  poli- 
tique, ui  l'ancienne  popularité  de  M.  Tardieu,  ni  la  bonne  tenue  du 
professeur,  ni  sa  fermeté,  ni  ce  quelque  chose  de  si  puissant  et  de 
si  respecté  d'ordinaire  en  France ,  c'est-à-dire  la  faiblesse  d'un 
homme  seul  contre  une  foule  irresponsable  et  sans  nom.  L'incon- 
testable talent  du  professeur,  le  mérite  et  la  valeur  de  son  enseigne- 
ment, la  protestation  d'un  grand  nombre  d'auditeurs  studieux  et 


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VARIÉTÉS 


315 


bienveillants,  l'appel  u  la  modération  fait  par  l'élite  des  élevés  en 
médecine,  par  les  internes  de  l'Hôtel- Dieu,  l'inégalité  de  la  lutte 
entre  une  voix  qui  ne  pt*ut  se  faire  entendre  et  les  clameurs  d'une 
légion  d'adversaires,  rien  n'a  pu  triomper  de  cet  abus  de  la  force 
de  la  part  d'une  multitude  en  délire. 

Nous  n'avons  pas  à  juger  la  déposition  de  M.  Tardieu  à  Tours.  Il 
l'a  faite  sous  serment  devant  la  justice  divine  et  humaine.  On  doit 
supposer  qu'il  l'a  faite  selon  sa  conscience ,  et  personne  ne  peut 
contester  en  matière  de  médecine  légale  sa  science  et  ses  lumières. 
Qui  donc  a  le  droit  de  l'attaquer?  Eût  il  d'autres  torts,  il  est  dans 
l'exercice  de  ses  fonctions  comme  professeur,  comme  il  Tétait  dans 
celle  d'expert  et  de  témoin  ;  on  doit  respecter  sa  liberté  de  con- 
science; l'insulter,  lui  demander  sa  démission,  c'est  juger  un  homme 
non-seulement  sans  aucun  droit,  mais  même  sans  l'entendre,  c'est 
un  odieux  abus  de  la  force,  c'e*t  «ln  l'arbitraire,  c'est  de  la  tyrannie. 

Sans  doute  on  peut  dire  que  la  Faculté,  faisant  depuis  nombre 
d'années  litière  de  toute  idée  morale,  de  tout  principe  respectable, 
n'a  plus  d'arme  contre  le  désordre,  et  qu'ayant  semé  le  vent,  elle 
récolte  la  tempête.  Il  n'en  est  pas  moins  triste  de  la  voir  ainsi  dé- 
sarmée contre  de  pareilles  révoltes. 

Qu'a-t-elle  pu  faire  en  effet?  Fermer  ses  portes  contre  l'émeute, 
après  quatre  séances  où  elle  est  restée  maîtresse,  suspendre  tous  les 
cours,  et  donner  ainsi  satisfaction  aux  insurgés,  au  détriment  des 
étudiants  paisibles,  des  jeunes  gens  laborieux,  et  cela  sans  certitude 
aucune  d'une  solution  définitive. 

Quel  argument  pour  la  liberté  d'enseignement  !  Croit-on  que  si 
l'État  n'enseignait  pas,  que  si  les  professeurs  officiels  n'étaient  pas 
des  fonctionnaires,  on  rendrait  responsable  le  savant  des  opinions 
de  l'homme  public? 

Si  les  étudiants  étaient  libres  de  suivre  une  école  de  leur  choix, 
l'État  serait  délivré  de  bien  des  ennuis  et  d'inextricables  difficultés. 
Au  lieu  d'interrompre  les  leçons  d'un  professeur  qui  leur  déplairait, 
les  élèves  se  borneraient  à  déserter  son  cours  et  à  lui  retirer  leur 
subvention  volontaire.  Ils  iraient  ailleurs.  La  liberté  de  chacun  se- 
rait respectée  et  la  paix  publique  ne  serait  pas  troublée. 


FONDATION  D'UN  HOPITAL  HOMEOPATHIQUE. 

La  Société  homœopathique  de  France  fonde  un  hôpital  qui 
comble  un  vide  et  répond  à  un  besoin  urgent  de  notre  époque. 
U  ouvre  aux  malades  pauvres  un  asile  qu'ils  ont  trouvé  pendant 


316 


VARIÉTÉS 


quatorze  ans  dans  les  hôpitaux  de  Paris,  grâce  à  la  courageuse  ini- 
tiative du  Dr  Tessier,  mais  qui,  depuis  sa  mort,  leur  est  fermé,  au 
mépris  du  droit  qu'a  tout  homme  de  confier  sa  vie,  sinon  à  un  mé- 
decin de  son  choix,  du  moins  à  un  mode  de  traitement  qui  lui  in- 
spire confiance. 

Quand  elle  a  pu  pénétrer  dans  les  hôpitaux,  l'homœopathie  y  a 
donné  (les  statistiques  officielles  le  démontrent)  une  mortalité 
moindre,  des  guérisons  plus  rapides,  une  grande  économie,  la  pos- 
sibilité de  traiter  plus  de  malades  dans  un  temps,  dans  un  espace 
donnés. 

La  France  ne  peut  sous  ce  rapport  rester  en  arrière  de  l'Alle- 
magne, qui  possède  16  hôpitaux  homœopathiqnes  ;  de  l'Angleterre, 
qui  en  a  6;  de  l'Amérique  du  Nord,  qui  en  a  i;  de  la  Russie,  du 
Portugal,  île  la  Suisse,  de  l'île  de  Cuba,  qui  en  ont  chacun  I . 

Il  est  donc  temps  que  l'initiative  privée  fonde  à  Paris  un  établis- 
sement de  ce  genre,  modeste  à  son  début,  mais  riche  d'avenir,  qui 
assure  à  la  classe  laborieuse  les  bienfaits  d'une  médication  dont  elle 
jouit  dans  presque  tous  les  pays  étrangers. 

Cet  établissement,  placé  dans  le  voisinage  des  écoles,  permettra 
un  enseignement  clinique  et  la  déinonsi  ration  d'une  vérité  scienti- 
fique à  laquelle  cette  publique  épreuve  ne  peut  être  refusée  plus 
longtemps. 

Confié  à  la  surveillance  de  religieuses  hospitalières,  à  la  direction 
d'une  Commission  nommée  par  la  Société  homœopathiquc  de 
France,  aux  soins  éclairés  de  médecins  désignés  par  leurs  confrères 
souscripteurs,  cette  fondation,  qui  n'est  l'œuvre  ni  d'un  seul,  ni  de 
quelques-uns,  mais  du  plus  grand  nombre,  présente  à  la  fois  les 
garanties  d'une  œuvre  charitable  et  d'une  oeuvre  seieutihque  ;  elle  se 
recommande  donc  d'elle-mi'me  à  toute  la  bienveillance  des  esprits 
élevés  et  des  cœurs  généreux. 

Alph.  Muxent. 


Le  Rédacteur  en  chef,  Julks  Davassk. 


l'ari»..  -  Imprimerie  4.  I  aiunt,  rur  Monseur-le -rnnee.  3!. 


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L'ART  MÉDICAL 

MAI  1870 


HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE 


ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS. 

—  SUITE  — 

§  III,  —  Pathologie. 

La  pathologie  fut  travaillée  vigoureusement  dans  ce 
xvie  siècle,  tant  au  point  de  vue  de  sa  doctrine  que  de 
ses  autres  branches. 

I.  Doctrine  étiologique.—  Bien  que  nous  ayons  déjà 
parlé  des  théories  à  propos  des  réformateurs,  nous  de- 
vons revenir  sur  la  doctrine  de  la  maladie  qui  n'est  pas 
autre  que  la  doctrine  étiologique. 

Fracastor,  à  la  fin  du  xv*  siècle,  affirmait,  consolidait  le 
spécificisme  au  nom  de  la  contagion  par  des  particules 
matérielles.  La  théorie  fut  vivement  combattue  par  J.-B. 
Montants,  Valeriota  et  surtout  par  Facto  (Paradozzi  délia 
pestilenza.  Genoa,  1584),  qui  niait  radicalement  la  con- 
tagion. 

La  propagation  des  maladies  par  contact  ou  par  des 
matières  contagieuses  devenait  évidente  pour  la  variole, 
la  peste,  la  rougeole  et  surtout  la  syphilis.  Cela  ne 
prouvait  pas  sans  doute  que  le  spécificisme  réaliste  fût 
vrai  comme  doctrine,  mais  il  s'en  autorisait,  soutenant 

TOUR  XXXI. —  MAI   1S7C.  ît 


318  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

que  la  cause  qui  faisait  naître  la  maladie  était  la  vraie 
cause  morbide. 

Ambroise  Paré  s'efforça  d'indiquer  les  différences  de 
propagation  de  la  variole,  de  la  rougeole  et  de  la  peste, 
et  fut  ainsi  l'auteur  de  la  théorie  de  X infection  à  côté  de 
la  contagion.  [Traité  delà  peste,  de  la  petite  vérole  et  delà 
rougeole,  avecune  briève  descriptionde  la  peste;  Paris,  1568.) 

Cependant  la  théorie  du  spêcificisme  s'était  pour  ainsi 
dire  incarnée  dans  Paracelse.  Avant  lui,  Basile  Valentin 
avait  dit  cette  phrase  significative,  en  parlant  de  l'anti- 
moine :  «  Il  faut,  en  attirant  au  dehors  l'esprit  élémen- 
taire de  ce  métal,  s'attacher  à  en  préparer  des  médica- 
ments, quoique  par  lui-môme  il  soit  un  poison  violent; 
le  poison  de  la  maladie  est  en  effet  chassé  par  cette  sub- 
stance vénéneuse  qui  devient  ainsi  un  remède  des  plus 
salutaires.»  (Cité  par  Sprengel,  Hist.  de  la  mèd.,  t.  III, 
p.  268.)  Nous  avons  vu  comment  Paracelse  reproduisit 
cette  pensée  de  tous  les  alchimistes  et  astrologues,  et 
comment  il  fit  des  maladies  des  résultats  de  cinq  sortes 
d'être  :  YEns  astrale,  qui  vient  des  constellations,  ne 
provoque  les  maladies  que  d  une  manière  indirecte  en 
activant  et  infectant  l'air;  YEns  veneni  est  une  matière 
née  de  la  corruption  des  substances  alimentaires  que 
nous  avons  ingérées,  et  cette  matière  se  putréfie  soit  lo- 
calement (local i ter)  dans  une  partie,  soit  dans  les  voies 
d'excrétion  (emunctorialiter),  lorsque  cette  matière  pu- 
tréfiée qui  devrait  être  expulsée  est  retenue  dans  l'éco- 
nomie; YEns  naturale  comprend  le  principe  de  ce  que 
les  anciens  nommaient  les  causes  naturelles  et  sur  les- 
quelles les  autres  ont  une  influence;  YEns  spirituale  est 
l'influence  morale;  YEns  deale  est  l'influence  de  Dieu 
par  la  religion  qui  embrasse  tous  les  effets  immédiats 
de  la  prédestination  divine.  Cette  doctrine  donnait  ainsi 
aux  maladies  diverses  des  causes  réellement  subsistantes 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  319 

dans  l'individu  malade,  et  substantialisait,  pour  ainsi 
dire,  les  maladies.  C'était  le  spécificisme  dans  sa  plus 
franche  affirmation.  Et  icsdiseiples  de  Paracelse,  comme 
Pierre  Séverin,  admettaient  pour  les  maladies  une  sorte 
de  pousse,  de  germination,  de  développement  analogue 
à  ce  que  montrent  les  plantes  ou  les  animaux  ;  d'où 
cette  expression  de  semina  morborum  (  les  semences  des 
maladies)  dont  ils  se  servaient.  La  maladie  redevenait 
ainsi  soit  un  empoisonnement,  soit  un  parasitisme; 
doctrine  déjà  agitée  dans  l'antiquité. 

Beaucoup  de  médecins  ne  voulaient  point  accepter 
ces  théories.  Les  uns,  en  petit  nombre,  attachés  aux 
thèses  scolastiques,  comme  Mercado  et  même  Fernel, 
soutenaient  nettement  que  les  maladies  ne  sont  que  des 
formes  accidentelles  sans  réalité  et  sans, substance  pro- 
pre. Les  autres  se  rattachaient  à  Galien,  en  arboraient 
franchement  le  drapeau,  soutenaient  carrément  que  les 
maladies  ne  sont  que  des  affections  organiques ,  qu'il 
n'y  faut  point  voir  des  êtres  et  pas  même  des  espèces, 
que  ce  sont  de  simples  souffrances  des  parties  malades 
ou  de  leurs  éléments,  ou  de  leurs  humeurs.  Dans  ce 
camp  se  distingua  particulièrement  Thomas  Eraste,  dont 
le  vrai  nom  était  Lieber  (né  en  1523,  mort  en  1583),  qui 
poursuivit  à  outrance  le  paracelsisme  dans  ses  Disputa- 
tûmes  contra  Paracelsum  (4  parties,  de  1572  et  1573),  et 
ne  ménagea  guère  plus  le  parti  des  concessionnistes,  à 
la  tête  desquels  il  signalait  Fernel. 

J.  Fernel,  dont  nous  nous  sommes  déjà  occupé  en 
parlant  des  Institutaires,  était,  il  est  vrai,  disposé  aux 
concessions,  comme  le  lui  reprochait  Th.  Éraste,  mais, 
tout  en  s'enveloppant  dans  de  grandes  réserves,  et  pen 
chant  tantôt  du  côté  de  Galien  ou  de  la  scolastique,  tan 
tôt  du  côté  des  réformateurs.  On  a  écrit  «  qu'il  fut  le 
premier  des  classiques  à  oser  secouer  le  joug  de  Galien.» 


320  HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE. 

Cela  n'est  point  l'exacte  vérité;  car  si  sur  certains  points 
il  ne  s'accorde  pas  avec  Galien,  sur  d'autres,  au  con- 
traire, il  fait  profession  de  s'en  rapprocher  le  plus  pos- 
sible. Pour  être  juste,  il  faut  dire  de  lui  qu'il  sentit  très- 
bien  la  portée  de  la  doctrine  du  mal  telle  que  l'avaient 
posée  les  scolastiques,  et  qu'il  ne  méconnut  pas  combien 
l'idée  des  maladies  naturellement  distinctes  les  unes 
des  autres,  idée  qu'Hippocrate  avait  saisie,  et  qui  rece- 
vait une  si  grande  démonstration  de  la  production  des 
maladies  nouvelles,  avait  été  mal  comprise  de  Galien. 
D'un  autre  côté,  il  trouvait  dans  Galien  une  systémati- 
sation scientifique  dont  il  ne  méconnaissait  pas  la  gran- 
deur, et  des  commentaires  qu'il  sentait  être  une  légi- 
time expansion  de  l  hippocratisme.  Il  garda  donc  de 
Galien  tout  ce  qu'il  en  put  conserver,  il  le  commenta 
môme  et  l'exposa  de  telle  manière  que  Galien  en  eût 
été  honoré  ;  et,  d'une  autre  part,  il  modifia  profondé- 
ment la  doctrine  pathologique  de  ce  maître.  Jugeons-en 
sur  les  textes. 

Il  définit  d'abord  la  maladie,  une  affection  du  corps  vi- 
vant :  morbus  est  affectus  contra  naturam  corpori  insidetis 
[Patholoyiay  lib.  i,  cap.  1).  Il  semble  ainsi  qu'il  est  seule- 
ment galéniste,  mais  il  ajoute  que  ce  mot  affectus  doit 
rendre  le  mot  grec  &*0eaiç  :  quœ  grœcis  est  SiaôeGK,  affec- 
tus nobis  appellatur  [ibid.).  Et  pour  qu'on  ne  s'y  trompe 
pas,  il  parle,  selon  Galien,  des  maladies  des  intempéries, 
des  maladies  des  parties  similaires  et  de  celles  des  parties 
organiques;  mais  il  a  soin  de  montrer  que  la  maladie 
dans  le  sens  générique  est  une  affection  de  toute  la 
substance  :  affectus  totius  substantix.  Gomme  les  scolas- 
tiques, il  dit  :  forma  est  morbi  species  in  materiam  impressa 
inductaque  (ibid.,  ch.  H),  où  l'on  voit  que  pour  lui  les 
espèces  morbides  sont  des  formes  sans  réalité  propre,  de 
simples  impressions. 


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KTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  32! 

Ola  lui  permet  de  distinguer  nettement  l'affection 
maladie  de  l'affection  symptôme,  ce  que  personne  n'avait 
encore  fait  d'une  manière  aussi  nette.  La  maladie  est 
une  affection  de  toute  la  substance  du  corps  vivant  ;  le 
symptôme  ou  affection  locale  est  un  désordre  d  une  par- 
tie ou  de  ses  fonctions.  «Objectum  (c'est-à-dire  le  corps 
«vivant)  vero  palitur  et  afficitur,  hicque  ejus  motus 
«  affectio  est  atque  perpessio,  greccis  iraôo;,  vel  rafl^a.  Ex 
«  affectione  tandem  proficiscilur  affectus,  qui  grœcis  &a- 
«ôcci;,  quasi  impressum  affectionis  vestigium.  »  Gela 
n'est  pas  encore  bien  clair,  mais  il  ajoute  plus  loin  :  «  Di- 
«  versa  tamen  iisdem  sunt  Siaôsciç  xal  iraôoç,  id  est  afïec- 
«  tus  et  affectio  seu  perpessio,  ut  rursum  sunt  raôstv  xal 
«voativ.  ila  sane  afpci  et  œgrotare.  Solum  aegrolat  quod 
«  morbo  et  affectu  tenelur  ;  afficitur  vero  tum  affectione.  » 
(Patholog.,  lib.  i,  cap.  1.)  Enfin  toutes  les  obscurités  se 
dissipent  lorsqu'il  dit  :  «  Quod  in  partibus  (substantia?) 
«morbus;  quod  in  functionibus,  symptoma.  »  (Ibid., 
cap.  3).  Et  ensuite  :  «  Totius  substantiœ  morbi  sunt, 
«  qui  partium  substantiam  primum  et  per  se  oppug- 
«  nant.  »  (Ibid.,  cap.  7.) 

D'où  il  suit  que  la  maladie  est  une  forme  morbide  de 
l'être  vivant,  une  manière  d'être,  comme  le  disaient  les 
scolastiqucs,  non  point  simplement  un  état  des  parties, 
comme  l'entendait  Galien,  et  non  point  un  être  réel,  ens 
morbosus,  comme  l'entendent  les  spécificiens.  C'est,  pour 
parler  rigoureusement,  une  espèce  morbide,  une  forme 
imprimée  et  insinuée  à  la  substance  vivante  :  «Forma  est 
«  morbi  species  in  materia  impressa  inductaque.  » 
(Ibid.,  cap.  ii).  D'où  il  suit  que,  dans  la  méthode  cura- 
tive,  il  faut  tenir  compte  de  Y  espèce  morbide  et  de  son 
siège  :  «  Quoniam  autem  ad  curandi  methodum,  non 
<«  modo  morbi  speciem,  vei  uni  etiain  corporis  safrm  oui 
«  is  inhrorescit  compcrlaïucsscl  oporlel,  eoiivenil  uUig- 


322  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

«  nuin  insalubrium,  alia  sedem  afiectam,  alia  morbum  qui 
«  in  ea  consistil.  »  (IbùL,  lib.  n,  cap.  7.) 

Il  faut  lire  surtout  le  curieux  petit  traité,  de  Abditis 
rerum  causis;  au  livre  n%  consacré  à  la  pathologie,  il 
passe  en  revue  les  maladies  épidémiques,  endémiques, 
virulentes,  contagieuses,  et  donne  de  la  syphilis,  de 
l'éléphantiasis,  de  la  rage,  des  descriptions  trop  négli- 
gées ;  il  en  examine  les  causes  et  réfute  la  doctrine  des 
spécifîciens  matérialistes;  il  admet  que  tout  ce  qui  vient 
de  l'intérieur  peut  être  cause  de  maladie;  mais  que,  se- 
lon la  doctrine  d'Hippocrale,  c'est  en  nous-méme  et  de 
notre  propre  corruption  que  naît  la  maladie.  En  un 
mot,  il  est  galénisle  pour  être  hippocratiste,  et  spécifi- 
cien  comme  les  scolastiques,  mais  non  comme  les  para- 
celsistes. 

On  pourrait  citer  maint  autre  passage  en  confirma- 
tion des  précédents  sur  ce  point  de  doctrine;  il  n'a  point 
hésité.  Mais  il  faut  surtout  lire  le  petit  traité  que  nous 
venons  d'indiquer,  et  nous  y  renvoyons  tout  lecteur  dé- 
sireux de  s'instruire. 

Il  a  déduit  de  là  toute  une  doctrine  étiologique  éloi- 
gnée de  colle  de  Galion,  et  où  l'influence  scolastique 
n'est  point  r .''ensable.  Nous  citons  les  principaux  pas- 
sages de  son  exposition.  «  Les  philosophes  établissent 
quatre  genres  de  causes,  qui  sont  :  la  matérielle,  la  for- 
melle, Y  efficiente  et  la  finale.  La  matérielle,  qui  sert  de  su- 
jet à  la  maladie  commençante,  c'est  le  corps  humain, 
auquel,  comme  nous  l  avons  dit,  réside  la  maladie,  de 
même  que  l'effigie  d'un  homme  ou  d'un  cheval  en  quel- 
que masse  de  bronze.  Car  l'humeur  peccante  n'est  pas 
^selon  que  plusieurs  se  sont  faussement  imaginé) le  su- 
jet matériel  de  la  maladie,  quoiqu'on  puisse  dire  que 
c'en  est  en  quelque  façon  la  matière  efficiente.  La  for- 
melle est  l'essence  do  la  maladie  introduite  et  empreinte 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  323 

dans  la  matière.  La  finale  est  la  lésion  et  la  ruine  des 
actions.  Uefficiente,  laquelle,  à  vrai  dire,  est  la  plus 
excellente  cause  et  la  principale  de  toutes,  est  celle  qui 
altère  et  change  le  corps,  et  qui  le  fait  décheoir  du  bon 
état  auquel  il  était  auparavant.  Le  corps  humain  est 
quelquefois  incommodé  de  lui-même  et  par  des  principes 
intérieurs;  quelquefois  il  est  intéressé  par  l'empire  de 
choses  qui  sont  hors  de  lui  ;  de  là  procèdent  les  deux 
premiers  et  suprêmes  genres  des  causes  efficientes,  dont 
les  unes  sont  originelles  et  comme  nées  en  nous 
lesquelles  nous  accompagnent  dès  le  moment  de  la 
naissance;  les  autres  sont  oeewrentes  (adventitiœ)  et 
étrangères,  qui  nous  attaquent  de  l'intérieur  après  que 
nous  sommes  nés.  Les  insitœ  sont  naturelles  ou  contre- 
nature,  et  les  unes  comme  les  autres  prennent  leur  ori- 
gine ou  de  la  semence  du  père  ou  du  sang  de  la  mère. 
Les  naturelles  sont  celles  qui  nous  changent  avec  le 
temps  et  nous  conduisent  insensiblement  à  la  mort, 
comme  la  chaleur  vitale...  Les  contre-nature  sont  nées 
d'un  vice  de  la  semence  du  père  ou  du  sang  maternel. 
Les  occurrentes  (adventitiœ) ,  lorsqu'elles  nous  assaillent, 
en  font  souvent  naître  d'autres  en  nous.  Par  conséquent, 
de  toutes  ces  causes-là,  les  unes  sont  externes,  les  autres 
internes  :  celles-ci  se  divisent  de  nouveau  en  deux,  anté- 
cédente et  continente,  laquelle  est  aussi  appelée  prochaine; 
de  sorte  qu'il  y  a  trois  causes  efficientes  de  maladies  : 
les  externes  ou  évidentes,  {  antécédente  et  la  continente. 
L évidente  est  celle  qui  fait  antérieurement  violence  au 
corps  ou  aux  choses  qu'il  contient.  La  continente  est  celle 
qui  réside  dans  le  corps,  adhère  et  est  immédiatement 
conjointe  au  mal.  L'antécédente  est  celle  qui,  étant  dans 
le  corps  avant  la  continente,  produit  et  meut  celle-ci. 
De  toutes  ces  causes,  les  évidentes  sont  premières  et 
nécessaires,  et  d'elles  proviennent  toutes  les  autres.. . 


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3*4  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

Au  reste,  la  dépendance  et  l'alliage  des  susdites  causes 
est  telle  que  la  continente  vient  de  l'antécédente,  et 
l'antécédente  de  l'évidente;  et  parce  qu'elles  sont  toutes 
liées  par  une  certaine  suite  et  continuation,  la  première 
en  ordre  est  l'évidente,  de  laquelle  les  autres  procèdent, 
la  dernière  est  la  continente  :  toutes  celles  qui  sont  entre 
les  deux  s'appellent  antécédentes.  Or,  il  n'est  pas  né- 
cessaire que  toutes  ces  trois  causes  se  rencontrent  dans 
la  production  de  chaque  maladie  ;  quelquefois  il  n'en 
intervient  que  deux,  et  quelquefois  une  seule.  p(Pathol.y 
lib.  i,  cap.  11.) 

C'était  ainsi  sur  la  doctrine  étiologique  que  se  posait 
la  doctrine  pathologique  au  xvi*  siècle,  et  elle  était  bien 
là  sur  son  véritable  terrain.  Deux  camps  surtout  s'y  dis- 
putaient, celui  des  réformateurs  spécificiens  réalistes  et 
celui  des  hippocrato-galénistcs  alliés  aux  scolastiques, 
où  l'on  soutenait  ce  que  j'appellerai  le  nominalisme 
morbide,  ce  qui  depuis  a  porté  le  nom  d'essentialité. 

Dans  le  traité  déjà  cité,  où  Fernel  débat  longuement 
la  question,  on  voit  les  arguments  résolument  posés, 
et  tels  que  nous  pourrions  les  reprendre  aujourd'hui. 
Ces  maladies  contagieuses,  épidémiques,  venimeuses, 
ne  se  propagent,  en  réalité,  que  selon  les  dispositions 
des  personnes  ;  car  toute  personne  attaquée  n'est  pas 
infectée,  et  chacun  est  infecté  selon  sa  nature.  D'une 
autre  part,  les  effets  de  ces  maladies,  symptômes  et  lé- 
sions, sont  des  altérations,  des  corruptions  de  notre 
nature;  c'est  cette  nature  qui  est  malade,  ce  ne  sont  pas 
des  êtres  qui  sont  en  nous.  Enfin  tous  les  moyens  dits 
spécifiques  ne  sont  que  des  alexipharmnques  qui  modifient 
notre  nature;  ni  les  purgatifs  n'expulsent  le  prétendu 
être  qui  nous  a  pénétré,  ni  ces  spécifiques  n'agissent 
sur  autre  chose  que  sur  nous,  et  la  vertu  qu'on  leur  at- 
tribue n'est  qu'une  qualité  formelle  comme  la  maladie 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  325 

est  une  qualité,  un  mode  d'être  de  la  puissance  et  de  la 
substance  de  tout  l'être. 

Cette  question  ainsi  posée  devait  durer  longtemps  ; 
elle  dure  toujours;  et  nous  la  verrons  changer  succes- 
sivement de  face  avec  les  temps.  Nous  la  trouverons  au 
xvne  siècle  mieux  élucidée  encore  qu'elle  n'est  dans 
Fernel,  malgré  l'incroyable  clarté  que  lui  a  donnée  ce 
grand  médecin;  nous  la  verrons  au  xvnie  siècle  être 
pour  la  Faculté  de  Paris  une  pierre  d'achoppement  inat- 
tendue sur  laquelle  vinrent  se  briser  des  privilèges  plu- 
sieurs fois  séculaires  ;  et  peut-être  que  de  notre  temps 
elle  est  destinée  encore  à  être  une  des  causes  subver- 
sives de  la  nouvelle  Faculté. 

II.  Nosogràphie,  nosologie.  —  A  côté  de  ces  discus- 
sions de  doctrines,  des  médecins  suivaient  la  trace  des 
observateurs  du  siècle  précédent  ;  et  des  maladies  épi- 
démiques  se  présentaient  qui  leur  donnaient  lieu  d'exer- 
cer leurs  talents.  Nous  allons  voir  quelles  furent  ces 
maladies  et  quelles  furent  leurs  histoires;  mais,  avant 
tout,  il  faut  signaler  l'ouvrage  de  Félix  Plater,  intitulé 
Praxeos  medicx,  qui  est  considéré  comme  la  première 
nosogràphie  générale  en  Occident. 

Pendant  que  la  lèpre  et  l'éléphantiasis  disparaissaient 
presque  complètement,  la  syphilis,  au  contraire,  se  ré- 
pandait comme  une  épidémie,  ayant  souvent  une  ter- 
minaison funeste.  Les  principaux  historiens  furent 
J.  Lange  y  J.  de  Vigo,  Coyttarus,  Cornarus  et  Thomas 
Jordan,  qui  en  décrivit  une  espèce  particulière  répandue 
en  Moravie  pendant  l'hiver  rigoureux  de  1597. 

N'omettons  pas  le  livre  de  Fracastor  en  1526. 

Quand  la  syphilis  parut,  on  discuta  de  tous  côtés  si 
c'était  une  maladie  nouvelle,  une  espèce  nouvelle,  ou  si 
elle  avait  été  connue  des  anciens.  «  Cependant,  comme 


32ô  HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE. 

le  dit  justement  Freind,  comme  aucune  maladie  qu'on 
puisse  lire  dans  les  ouvrages  anciens,  il  n'y  a  pas  eu 
la  môme  complication  de  symptômes,  la  maladie  dont 
je  vais  parler  (la  syphilis)  a  été  observée  si  particulière- 
ment dans  plusieurs  circonstances,  que  le  plus  grand 
nombre  des  praticiens  les  plus  savants  et  les  plus  expé- 
rimentés ont  d'abord  été  convaincus  qu'elle  était  d'une 
espèce  nouvelle  et  d'une  origine  moderne,  et  qu  elle  n'a 
été  connue  ni  des  médecins  grecs,  ni  des  Arabes.  C'est 
ainsi,  dis-je,  qu'en  ont  pensé  tous  ceux  qui  ont  vécu 
dans  ce  temps-là.  »  (Freind,  Hist.  de  la  méd.,  p.  268.) 

Le  scorbut  se  répandit  activement  et  régna  épidémi- 
quement  vers  le  milieu  de  ce  siècle,  à  Cologne;  en  1556 
et  1562,  dans  le  Hanovre;  en  1556,  dans  le  Brabant,  le 
Brandebourg,  la  Bohème,  la  Silésie,  la  Haute-Saxe,  la 
Frise,  la  Westphalie.  Les  principaux  nosographes  lu- 
rent :  Jean  Ec/U,  Hollandais;  Baudoin  de  Boun.de  Gand; 
Jeun  Wyer,  du  Brabant;  Bembert  Dodoens,  de  Malines, 
professeur  à  Leyde;  Dalthasar  Brumer,  de  Halle;  Salomon 
Alhcrti,  professeur  à  Wittemberg;  Henri  de  Bra,  dans  la 
Frise;  Henri  Petrœus,  en  Westphalie;  Forestus,  Seeerin 
'Eugalen. 

La  coqueluche,  qui  avait  déjà  paru  en  France  au 
xve  siècle,  y  régna  encore  épidémiquement  en  1510  et 
1557.  En  1558,  elle  se  répandit  dans  l'Allemagne.  En 
1580,  elle  régna  dans  toute  l'Europe.  Ses  écrivains  sont: 
Coyttarus,  Pasquier,  Marcellus  Donatus,  Diomède  Corna- 
rus,  Crato. 

Une  épidémie  de  pneumonie  parut  en  1535  à  Venise 
et  dans  ses  environs,  et  se  répandit  à  Brescia  et  dans 
toute  la  Lombardie  en  1537. 

Une  pleurésie  épidémique  régna  en  1555  dans  toute 
la  Suisse  et  la  haute  Italie.  Elle  reparut  en  Angleterre 
en  1567,  pour  de  là  se  répandre  dans  les  Pays-Bas 


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étude  sur  nos  traditions.  327 

et  revenir  en  Suisse.  Elle  fut  extrêmement  meur- 
trière. 

Une  sorte  de  fièvre  putride,  nommée  maladie  hongroise, 
parut  en  1566  dans  l'armée  de  l'empereur  Maximiliçn  II 
et  se  répandit  sur  les  bords  du  Rhin.  Elle  a  été  bien  dé- 
crite par  Thomas  Jordan. 

La  raphanie  se  montra  épidémiquement  pour  la  pre- 
mière fois  dans  le  cours  du  xvie  siècle;  en  1588  et  1593, 
dans  la  Silésie;  en  1596,  dans  la  Bohême.  Elle  a  été 
décrite  par  SchwencfehL 

Une  fièvre  pétéchiale  régna  en  1505  dans  la  haute 
Italie,  et  reparut  en  1527  et  1528;  elle  fut  décrite  par 
Fracas/or.  Une  semblable,  qui  fut  décrite  par  Coyttarus, 
parut  en  1557  à  Poitiers  et  dans  ses  environs,  à  La  Ro- 
chelle, Angoulême  et  Bordeaux.  Une  autre  se  montra 
en  Lombardie  en  1587;  elle  eut  pour  historien  André 
Tréviso  de  Fontano.  Enfin  Boberti  en  décrivit  une  qui 
régna  à  Trente  en  1591. 

La  peste  parut  en  1528  dans  la  haute  Italie,  se  ré- 
pandit très-violente  dans  le  midi  de  la  France  en  1534; 
ravagea  Fribourg(en  Brisgaw)  en  1564,  et  revint  cette 
même  année  décimer  le  midi  de  la  France.  Joubert  fut 
son  historien.  En  1568,  elle  sévit  à  Paris,  compliquée 
d'une  fièvre  putride.  Elle  régna  avec  une  fièvre  tierce, 
en  1574,  dans  leBrabant;  en  1575,  à  Trente;  en  1576, 
à  Venise;  en  1577,  à  Vienne,  puis  à  Palerme.  Ses  noso- 
graphes  sont  :  Ambroise  Paré,  Nicolas  Massa,  Satins  Di- 
versus,  Gonthier  d Andemach. 

'  Baillou,  qui  fut  un  des  doyens  de  la  Faculté  de  Paris 
(né  en  1538,  mort  en  1616),  est  l'auteur  le  plus  remar- 
quable de  ce  siècle  pour  les  descriptions  des  maladies  ; 
il  a  été  au  xvifl  siècle  ce  que  Sydenham  a  été  au  xvn*.  Le 
premier,  il  fit  attention  aux  formes  épidémiques  des 
maladies,  et  indiqua  comment  on  y  peut  trouver,  selon 


328  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

la  constitution  épidémique,  la  prédominance  des  élé- 
ments inflammatoires,  bilieux  ou  muqueux. 

Parmi  les  autres  observateurs  pathologistes,  il  faut 
encore  citer  :  Amatus  de  Portugal ,  Aloysius  Mundella, 
Thaddeus  Dunus,  Victor  Trincavella,  François  Vallériola, 
Hegnicr  Solcnander,  Fernel. 

III.  SÉMÉIOTIQUE,  ANAT0MIE  PATHOLOGIQUE.  —  Pendant 

le  xvie  siècle,  la  séméiotique  est  indiquée,  elle  reçoit  un 
nom,  mais  elle  n'a  pas  encore  sa  place.  On  voit  qu'elle 
doit  renfermer  tout  ce  qui  se  rapportait  dans  Hippocrate 
et  Galien  a  la  Prognose  antique;  on  ne  lui  a  pas  en- 
core donné  toute  l'étendue  qu'elle  doit  prendre  ni  celle 
qu'elle  doit  avoir.  Dans  ce  moment,  elle  est  encore  en- 
sevelie dans  les  commentateurs,  et  c'est  chez  L.  Duret, 
J.  Houllier,  Christofe  de  Vega  qu'il  faut  la  chercher.  Ce- 
pendant, elle  tend  à  se  dégager  avec  Fernel,  Lommius, 
de  Lemos,  de  Fontanus  et  surtout  Prosper  Alpin. 

Fernel,  qui,  comme  nous  l'avons  vu,  est  comme  le 
guide  classique  de  son  siècle,  intitule  le  second  livre  de 
sa  Pathologie  :  De  symptomalis  atque  signis.  I!  y  explique 
que  le  symptôme  est  différent  de  la  maladie  et  de  la 
cause  :  c'est  la  doctrine  traditionnelle.  Ensuite,  il  admet 
trois  genres  de  symptômes  d'après  Galien  :  «  Tria  sunt 
<«  omnino  summa  symptomatum  gênera,  actio  leesa, 
«  excrementorum  vitia,  et  simplex  corporis  affectus.  »> 
(Gap.  2.)  Quant  aux  signes,  ce  sont  de  simples  appré- 
ciations de  l'esprit  :  «  Morbi  in  intimo  recessu  conditi, 
«  qui  neque  cerni,  neque  sensu  ullo  percipi  possunt, 
«  solis  signis  intelliguntur,  quibus  tanquam  rerum  indi- 
«  ctis  mens  recta  rationo  ducitur,  et  in  recondita  pene- 
«  trans,  quœcumque  magna  obscuritate  involvuntur  sic 
«  aperit,  ut  oculis  ea  cernere  videatur.  Tan  la  est  signo- 
«  rum  nécessitas,  ut  bis  sublalis  nmlicime  fundaincnta 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  329 

«  eorruant...  quidquid  igitur  sensibus  nostris  obvium  aliud 
«  quippiam  latens  et  occultum  comitahir  :  id  illius  est  sig- 
«  num.  »  (Gap.  7.)  Il  divise  ensuite  les  signes  en  pronosti- 
ques et  démonstratifs  :  les  pronostiques  sont  de  trois  gen- 
res, alt'a  coctionis  vel  cruditatis,  alia  salutis  vel  mortis,  alia 
decretoria;  les  démonstratifs  sont  :  salubres,  insalubres  ou 
neutres  (ibid.).  Dans  le  livre  111e,  il  traite  spécialement  des 
signes  tirés  du  pouls  et  des  urines. 

Fernel  fait  là,  d'après  Avicennes  du  reste,  une  dis- 
tinction entre  les  symptômes  et  les  signes. 

Lommius  a  écrit  dans  ce  siècle  un  ouvrage  que  l'on 
considère  comme  le  premier  traité  d'ensemble  sur  la 
séméiotique;  il  est  intitulé  :  Observatiomtm  medicinalium, 
libri  très;  Antverpiae,  1560.  Sa  traduction  française  est 
sous  ce  titre  :  Tableau  des  maladies  où  F  on  découvre  leurs 
signes  et  leurs  événements;  Paris,  1712.  Cet  ouvrage  est 
divisé  en  trois  livres  :  1*  Où  ton  traite  des  maladies  qui 
attaquent  généralement  le  corps  humain;  2°  où  Ion  découvre 
les  signes  et  les  événements  des  maladies  qui  sont  propres  à 
chaque  partie;  3°  où  f  on  traite  des  pronostics  que  F  on  peut 
tirer  au  sujet  tant  des  maladies  en  général  que  de  chacune  en 
particulier.  Il  y  a  dans  ce  petit  livre  de  précieuses  remar- 
ques, un  excellent  esprit  d'observation  ;  mais  il  n'y  a 
pas  un  vrai  traité  de  séméiotique;  aussi  les  divisions 
générales  de  l'auteur  ne  nous  sont-elles  pas  utiles. 

Les  deux  traités  de  Lemos  (De  optima  prœdicendi  ra- 
tione,  lib.vi;  Venise,  1592)  et  de  Fontanus  (Pronosticarum 
ad  artem  medicam  spectantium  perioche  ex  Hippocrato  et 
Galeno  collecta.  Turnoni,  1597)  sont  bien  moins  estimés. 

Sur  les  jours  critiques,  Amatus  de  Portugal  fut  le  prin- 
cipal écrivain  ;  et  ensuite  Augustin  iV7/b,  Lucas  Gorico, 
astrologue;  /.  Cardan,  Fracastor. 

L'uroscopie,  qui  s'était  enrichie  chez  les  Arabes,  fut 
soutenue  par  Clément  Clementinus,  G.-A.  Scribonius, 


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330  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

Hercule  Sassonia,  Thomas  Fyens.  Elle  fut,  au  contraire, 
attaquée  dans  ses  abus  par  /.  Lange,  Forestus,  Sigismond 
Kaehenter. 

Joseph  Struthius,  Léo  Rognant  écrivirent  sur  le  pouls. 

Le  Traité  de  Prœsagienda  vitaet  morte  de  Prosper  A/pin, 
et  le  Tableau  de*  maladies  de  Lommius  sont  les  deux  plus 
remarquables  ouvrages  de  ce  temps  sur  la  séméiotique  ; 
ils  méritent  aujourd'hui  encore  d'être  lus  avec  attention 
par  le  médecin  soucieux  de  son  art. 

Le  traité  de  Prosper  Alpin  ouvre  ce  siècle  d'une  ma- 
nière vraiment  remarquable  ;  il  est  resté  dans  la  science 
comme  une  œuvre  classique,  et  aujourd'hui  encore  il 
mérite  d'être  lu  et  médité.  Il  est  divisé  en  sept  livres  : 
dans  le  premier,  il  est  question  des  signes  pronostiques 
qu'indiquent  l'état  des  fièvres;  dans  le  deuxième,  il  est 
traité  du  délire,  des  sens  externes,  de  la  surdité,  du  tin- 
tement d'oreille,  de  la  chaleur  et  du  froid,  des  dou- 
leurs, des  veilles  et  du  sommeil,  etc.  ;  dans  le  troisième, 
le  pronostic  est  tiré  des  facultés  motrices,  du  décubitus, 
de  l'inquiétude  et  l'anxiété,  les  palpitations,  les  convul- 
sions ;  dans  le  quatrième,  le  pronostic  est  tiré  des  facul- 
tés vitales,  du  pouls,  de  la  respiration  et  des  facultés 
naturelles;  le  cinquième  est  consacré  à  l'état  des  par- 
ties; le  sixième  contient  les  crises;  le  septième  parle  des 
excrétions.  —  Ce  plan  sort,  comme  on  peut  le  voir, 
d  une  pensée  très-nette  qui  pose  en  principe  qu'il  faut 
étudier  les  phénomènes  morbides  les  uns  après  les 
autres  en  les  classant  par  genres.  11  ne  s'agit  plus  ici  de 
distinctions  subtiles  entre  les  signes  et  les  symptômes  : 
l'auteur  prend  les  phénomènes  les  uns  après  les  autres, 
et  il  montre  quels  signes  on  peut  en  tirer  dans  telles  ou 
telles  circonstances.  C'est  bien  là  l'idée  d'Hippocrate 
dans  toute  sa  pureté,  dans  toute  sa  netteté;  aussi  le  traité 
Prœsagienda  vita  et  morte  est-il  dans  la  tradition  directe 


ÉTUDE  SUR  N08  TRADITIONS,  331 

des  prénotions  et  du  pronostic,  et  le  premier  qui  leur  ait 
véritablement  succédé.  Mais,  il  faut  lo  reconnaître,  l'au- 
teur at  trop  négligé  la  diagnose  :  en  parlant  de  chaque 
phénomène,  il  indique  bien  la  valeur  pronostique  qu'on 
en  peut  tirer  ;  il  n'indique  pas  sa  valeur  diagnos- 
tique.  C'est  là  un  manquement  regrettable.  Il  y  aurait 
bien  aussi  à  dire  que  l'auteur  n'a  pas  enregistré  tous 
les  phénomènes,  et  que  sa  classification  n'est  pas  sans 
reproches;  mais  si  l'œuvre  n'est  pas  parfaite,  elle  n'en 
est  pas  moins  fort  remarquable  et  la  plus  avancée  de  ce 
temps. 

Au  commencement  de  ce  xvi*  siècle,  Antoine  Beni- 
vieni  donnait  l'ouvrage  ;  De  abditis  nonmtllis,  an  miran- 
dis  morborum  et  sanaiionum  causis,  in-4\  Florent.,  1507, 
qui  inaugurait  une  nouvelle  branche  de  la  séméiotique 
qui  en  est  restée  distincte  jusqu'ici,  et  qui  cependant  lui 
appartient  bien  légitimement.  Cet  ouvrage  rapportait 
des  histoires  d'autopsies,  dans  lesquelles  on  avait  ob- 
servé des  lésions  organiques,  que  Ton  considérait  à  tort, 
d'après  Galien,  comme  des  causes  de  maladies.  En  réa- 
lité, les  altérations  organiques  ne  sont  pas  des  causes, 
mais  des  effets  de  maladie;  ce  sont  des  manifestations 
delà  maladie;  et, comme  tous  les  phénomènes  morbides, 
elles  servent  au  médecin  de  signes  pour  juger  la  mala- 
die. Leur  étude  ne  doit  donc  pas  se  rattacher  à  l'étiolo- 
gie,  mais  à  la  séméiotique.  Nous  reviendrons  du  reste 
sur  ce  point,  quand  nous  aurons  vu  cette  branche  scien- 
tifique prendre  ses  développements  et  manifester  ses 
prétentions. 

Aux  recherches  de  Benivienus,  il  faut  rapporter  les 
observations  que  firent  Marcel/us  Donatu$%  Schcnck,  Do- 
re*tus,  Dodoens,  qui  suivirent  les  traces  du  médecin  flo- 
rentin, et  enrichirent  ces  commencements  de  l'anatomie 
pathologique. 


332 


HISTOIRE  DE  Ui  MEDECINE. 


§  IV.  —  Thérapeutique ,  chirurgie. 

On  comprend  que  la  thérapeutique  dut  se  ressentir 
des  divergences  qui  se  manifestaient  sur  le  terrain  pa- 
thologique. Quelques  médecins  soutenaient  purement 
et  simplement  la  thérapeutique  galénique.  D'autres  re- 
prenaient Dioscoride  ou  cherchaient  dans  la  pharmaco- 
pée des  Arabes,  qui  introduisait  les  sirops  et  les  alcoo- 
lats. Les  alchimistes  commencèrent  à  introduire  les 
médicaments  chimiques  et  les  essences  des  corps,  selon 
la  théorie  que  nous  avons  exposée.  Les  voyages ,  les 
travaux  sur  l'histoire  naturelle,  la  nécessité  de  répondre 
à  des  maladies  nouvelles,  donnèrent  un  grand  élan  à 
la  thérapeutique.  Paracelse  et  Cardan  attaquèrent  vive- 
ment le  dogrne  g*alénique  du  contraria  contrariis  curantur 
pour  lui  substituer  la  doctrine  du  semblable;  c'est  un 
point  sur  lequel  nous  reviendrons. 

Avec  la  spécificité  des  maladies,  l'ancienne  idée  des 
antidotes  fut  étendue;  et,  sous  l'influence  immense  du 
paracelsisme,  les  spécifiques,  déjà  prônés  par  Torrigiani, 
deviennent  les  principaux  médicaments;  on  voulait 
trouver  des  spécifiques  contre  les  maladies  nouvelles  et 
surtout  contre  la  syphilis.  D'autres  cherchaient  des  pa- 
nacées. L'alchimie  se  prêta  aux  compositions  de  médi- 
caments et  à  l'introduction  des  médicaments  chimiques, 
du  mercure,  du  soufre,  de  l'antimoine,  de  l'or,  etc.,  à 
la  formation  des  teintures  et  élixirs  :  à  l'instigation  de 
Paracelse,  on  essayait  de  trouver  l'essence  des  médica- 
ments pour  combattre  l'essence  des  maladies.  Le  système 
de  Paracelse  et  de  Cardan  insinua  la  doctrine  des  signa- 
titres,  d'après  laquelle  un  médicament  ou  un  agent  quel- 
conque de  la  nature  marque  dans  ses  apparences  exté- 
rieures les  qualités  propres  dont  il  est  doué.  J.-B.  Porta 


uigmzeo 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  333 

fut,  sur  la  fin  du  xvi"  siècle,  un  des  principaux  promo- 
teurs de  cette  théorie  qui  a  laissé  de  nombreuses  traces 
dans  la  science.  C'est  par  elle  qu'on  fut  conduit  à  essayer 
la  digitale  dans  les  maladies  du  cœur,  la  scrofulaire 
contre  les  scrofules,  l'hépatique  contre  les  maladies  du 
foie.  Ce  fut  là  un  des  grands  arguments  dont  on  se  ser- 
vit pour  attaquer  la  théorie  galénique  du  contraria  con- 
trants curantur. 

La  botanique  médicale  s'enrichit  considérablement, 
surtout  avec  le  célèbre  ouvrage  de  Conrad  Gesner,  le 
premier  grand  naturaliste  de  l'Occident. 

La  matière  médicale  avec  la  chimiatrie  et  avec  les 
voyages  qui  se  multiplient  commença  à  s'accroître  de 
médicaments  nouveaux.  Le  mercure  avait  déjà  été  em- 
ployé, mais  à  l'extérieur  :  Vigo  en  composa  encore  un 
emplâtre,  qui  porte  son  nom  ;  mais  P.-A.  Matthiole  est 
considéré  comme  le  premier  qui  ait  donné  ce  médica- 
ment à  l'extérieur.  Paracelse  propagea  l'antimoine,  l'or, 
l'opium,  le  fer,  le  nitre,  l'esprit  volatil  d'urine,  de  corne 
de  cerf,  de  sang*,  et  d'autres  substances  animales.  Bras- 
savo/a  répandit  en  France  l'usagée  de  la  squine  et  du 
gaïac,  importé  d'Amérique  vers  4509.  La  salsepareille 
fut  introduite  en  Europe  en  1530,  le  smilax  aspera  en 
1535,  le  sassafras  en  i580. 

Les  traités  qui  se  rapportent  à  la  thérapeutique  dans 
cesièclesont  ou  des  compilations  des  Grecs  et  des  Arabes, 
ou  des  livres  de  préparations  chimiques,  ou  des  vulga- 
risations des  médicaments  nouveaux. 

Parmi  les  médecins  qui  eurent  une  influence  plus  ou 
moins  grande  en  thérapeutique,  il  faut  citer,  après  ceux 
que  nous  avons  nommés  :  J.  Cardan,  Trîncavelli,  Monti, 
Driver,  Goiris,  Rondelet,  A  matas  Lusitanus,  Porta,  Massa- 
n*a,  Césalpin,  C lus/us,  N.  Massa,  Bra  et  /.  Camerarhis. 
Plusieurs  étaient  de  vrais  empiriques, comme  Fioraventi. 

TOME  XXXI. —  MAI  1870.  22 


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334  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

Mais  deux  autres  sont,  plus  que  les  autres,  célébras 
par  les  réformes  qu'ils  proposèrent  sur  l'usage  de  la  sai- 
gnée, et  par  leurs  infortunes  :  Brissot  et  Botal. 

Pierre  Brissot,  né  à  Fontenay-le-Comte  en  1478,  s'at- 
tacha d'abord  à  l'étude  des  Arabes,  dont  il  partageait 
les  idées  ;  mais  il  les  abandonna  ensuite  pour  les  méde- 
cins grecs,  dont  il  devint  zélé  partisan.  Alors,  il  com- 
battit la  méthode  de  saigner  introduite  par  les  Arabes  ; 
ce  fut  à  propos  d'une  épidémie  de  pleurésies  qui  régna 
à  Paris.  Selon  la  méthode  arabe,  alors  fort  en  usage,  la 
saignée  était  considérée  comme  ayant  une  action  plutôt 
dérivative  que  révulsive,  et  comme  devant  être  faite, 
par  conséquent,  le  plus  loin  possible  du  lieu  malade. 
Brissot  reprit  l'opinion  de  Galien,  considérant  la  saignée 
comme  révulsive  plutôt  que  dérivative,  et  comme  de- 
vant être  faite,  par  conséquent,  près  du  lieu  malade;  il 
fit  saigner  tous  ses  plcurétiques  au  bras  qui  tenait  au 
côté  affecté.  Son  livre,  qui  parut  en  1525,  après  sa  mort, 
fit  grand  bruit;  mais  ce  ne  fut  pas  impunément  qu'il 
soutint  son  opinion  :  ses  confrères,  parmi  lesquels  le 
plus  irrité  fut  Denys  de  Paris,  lui  attirèrent  des  censures 
sévères  et  une  sorte  de  persécution  qui  l'obligea  dépas- 
ser à  l'étranger.  Il  alla  en  Espagne,  puis  en  Portugal, 
où  il  cultiva  la  botanique  et  où  il  mourut.  Cette  que- 
relle, car  Brissot  fut  soutenu  par  d'autres  médecins, 
parmi  lesquels  fut  René  Moreau,  dura  encore  quelque 
temps,  et  se  confondit  ensuite  avec  celle  que  suscita 
Botal. 

Léonard  Botal,  dont  on  ignore  la  date  de  sa  naissance 
et  celle  de  sa  mort,  était  d'Asti,  en  Piémont,  et  florissait 
dans  le  milieu  du  xvie  siècle.  Il  vint  en  France,  où  il  fut 
le  médecin  de  Charles  IX  et  de  Henri  III.  Se  trouvant 
à  une  époque  où  les  uns  ne  parlaient  que  de  médica- 
ments nouveaux  et  spécifiques,  où  les  autres  ne  faisaient 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  335 

guère  que  purger  les  malades,  surtout  avec  l'antimoine, 
où  d'autres  enlin  discutaient  à  propos  de  Brissot,  la  ré- 
vulsion et  la  dérivation,  il  se  fit  un  nom  en  proclamant 
la  saignée  comme  un  héroïque  remède  contre  toutes  les 
maladies.  Il  combattait  tous  ceux  qui  discutaient  la  ré- 
vulsion, la  dérivation,  le  choix  des  veines,  disant  que 
tout  cela  était  secondaire,  qu'il  importait  peu  qu'on  sai- 
gnât dans  telle  ou  telle  partie  :  qu'avant  tout,  il  fallait 
saigner  et  saigner  beaucoup  ;  ce  qu'il  réitérait  jusqu'à 
quatre  et  cinq  fois,  chose  monstrueuse  pour  l'époque. 
Botal  fut  un  vrai  précurseur  de  Broussais.  Ses  opinions 
trouvèrent  des  adversaires  et,  comme  toujours  en  mé- 
decine, des  persécuteurs;  mais  en  vain  elles  furent  con- 
damnées par  le  Parlement  de  Paris,  elles  se  dévelop- 
pèrent en  France  et  en  Espagne.  Quant  à  l'auteur,  il 
paraît  être  mort  malheureux  et  dans  l'exil,  comme  tous 
ceux  qui  font  quelque  tentative  nouvelle  en  médecine. 

La  chirurgie  prit  beaucoup  d'extension  malgré  les 
dissentiments  entre  les  chirurgiens  et  les  médecins,  et 
s'enrichit  de  travaux  et  d'études  remarquables.  On  étu- 
dia surtout  les  plaies  d'armes  à  feu.  J.  de  Romaris  indi- 
qua l'opération  de  la  taille  par  le  grand  appareil,  en 
1525.  Amattts  Lwitanus  introduit  l'usage  des  bougies 
contre  les  caroncules  de  l'urèthre,  en  1541.  Franco  fit  la 
taille  par  le  haut  appareil  en  1560.  L'opération  césa- 
rienne fut  pratiquée  pour  la  première  fois  au  commen- 
cement du  siècle  par  Nu  fer,  de  Turgan,  un  coupeur  de 
cochons;  A.  Paré  étudia  la  ligature  des  artères  et  les 
plaies  d'armes  à  feu. 

Parmi  les  chirurgiens,  on  cite  encore  Michel-Ange 
Bhndo,  qui  s'occupa  du  traitement  des  plaies;  Jean  de 
Vii/o,  qui  faisait  peu  d'opérations,  avait  surtout  recours 
aux  médicaments  ;  Jacques  Bêrcngcr,  qui  écrivit  sur  les 
plaies  de  tète  et  les  fractures  du  crâne  ;  Mariano  Santo 


330  HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE. 

de  Barlctta,  célèbre  lithotomiste,  commentateur  d'Avi- 
cennes;  Gabriel  Fallope  ;  Félix  Wurtz,  dont  on  vante  le 
traité  des  fractures  ;  François  de  Arct\  116  11  Séville,  cé- 
lèbre par  son  lnbileté  à  guérir  les  fistules;  Ambroise 
Paré,  le  plus  renommé  de  tous,  célèbre  surtout  par  ses 
études  sur  les  plaies  d'armes  à  feu  ;  Jacques  Guillemeau, 
chirurgien  de  Henri  IV,  très-célèbre  accoucheur  ;  Jean- 
Philippe  Igrassias,  qui  écrivit  sur  les  tumeurs  ;  Georges 
Bartisch,  de  Kœnisbruck,  oculiste  ;  Jérôme  Mercurii,  de 
Rome,  l'un  des  meilleurs  écrivains  sur  les  accouche- 
ments; François  Roussel,  médecin  du  duc  de  Savoie,  qui 
donna  la  plus  grande  célébrité  à  l'opération  césarienne. 

§  V.  Institutions y  Facultés. 

Venons  maintenant  aux  événements  qui  se  produi- 
sirent dans  les  institutions  qui  se  rattachent  à  la  mé- 
decine. 

Deux  ordres  religieux  sont  fondés  pour  soigner  les 
malades  :  les  Frères  de  la  Charité  ou  de  Saint-Jean  de 
Dieu,  établis  en  1520,  et  qui,  dès  1602,  occupèrent  l'hô- 
pital de  la  Charité  de  Paris  jusqu'à  la  Révolution.  Les 
clercs  mineurs  régu'iers  ou  obigons,  frères  infirmiers,  des- 
tinés à  soigner  les  malades  dans  les  hôpitaux  ;  ils  furent 
établis  par  Camille  Lellis,  sous  Sixte-Quint,  en  1585. 

Dans  la  Faculté  de  Paris,  la  querelle  qui  s'était  éle- 
vée entre  les  chirurgiens  et  les  médecins  se  continua  ; 
elle  dura  pour  ainsi  dire  tout  le  siècle. 

En  prenant  possession  de  ses  nouvelles  écoles,  Tan 
1505,  sous  le  décanat  de  Jean  Avis,  la  Faculté  institua 
définitivement  des  cours  d'anatomie  et  de  chirurgie  poul- 
ies barbiers,  les  proclamant  en  face  de  la  Faculté,  et  ré- 
cusant aux  chirurgiens  de  robe  longue  de  faire  partie 
de  leur  compagnie,  tout  en  exigeant  d'eux  qu'ils  sui- 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  337 

vissent  les  cours  et  payassent  les  droits  d'école.  Mais  les 
chirurgiens  obtinrent  un  décret  de  l'Université,  en  1515, 
qui  les  déclara  partie  de  droit  de  la  Faculté  ;  et  un  autre, 
en  1545,  qui  leur  permit  de  conférer  les  grades  de  ba- 
chelier, licencié  et  docteur.  En  1577,  leurs  [privilèges 
furent  confirmés;  et,  deux  années  plus  tard,  ils  re- 
çurent du  Pape  un  induit  qui  leur  permettait  de  ré- 
pandre le  sang*  dans  les  opérations.  L'Université  conti- 
nuait de  les  soutenir  contre  la  Faculté,  qui  avait  alors 
à  sa  léte  le  célèbre  Baillou,  meilleur  observateur  de  la 
nature  des  maladies  que  de  la  tolérance  professionnelle. 
En  1596,  ils  sont  assez  forts  pour  obliger  les  barbiers  à 
appeler  un  chirurgien  juré  dans  les  cas  graves.  Les 
médecins  étaient  vaincus. 

Les  chirurgiens  obtinrent  même  des  privilèges  sem- 
hlables  à  ceux  des  médecins.  C'était  une  tradition  que 
ceux-ci,  comme  faisant  partie  de  l'Université,  étaient 
exempts  de  charges  et  impôts,  privilèges  que  les  rois  de 
France  reconnaissaient  à  leur  avènement.  Cependant, 
en  1512,  lorsque  Louis  XII  disputait  le  Milanais,  la  ville 
de  Paris  s'imposa  extraordinairement  pour  une  forte 
contribution  dans  laquelle  on  comprit  la  Faculté.  Celle- 
ci  réclama,  et  le  roi  lit  droit  à  leur  requête,  disant 
«  entendre  et  vouloir  que  les  docteurs  de  la  Faculté  en 
médecine  continuassent  à  jouir  et  user  de  leurs  privi- 
lèges sans  aucune  nouucllelé.  »  line  paraît  pas  qu'alors 
les  chirurgiens  aient  joui  des  mêmes  privilèges,  et  ils 
durent  comme  précédemment  subvenir  aux  impôts; 
mais  ils  obtinrent  bientôt  d'être  sur  le  même  rang  que 
les  médecins,  puisque,  comme  eux,  ils  faisaient  doréna- 
vant partie  de  l'Université  après  1515.  En  effet,  en  1544-, 
François  1er  déclara,  par  lettres  patentes  du  mois  de  jan- 
vier, que.  <c  les  professeurs,  licenciés  et  maîlres  en  chi- 
rurgie  ne  peuvent  èlre  de  pire  qualité  ni  condition  en 


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338  HISTOIRE  DE  L\  MKDECI  >E. 

leur  traitement  que  les  suppôts  de  l'Université  dont  ils 
auront  les  privilèges.» 

Cette  querelle  outre  les  médecins  et  les  chirurgiens 
fut  malheureuse  :  elle  détermina  une  séparation  nui- 
sible à  la  médecine  et  à  la  chirurgie,  et  consomma  une 
division  professionnelle  qui  avait  déjà  été  funeste  dans 
les  temps  antérieurs.  Mais  surtout  elle  suscita  dans  la 
Faculté  un  orgueil  et  un  esprit  d'intolérance  sans  exem- 
ples. On  vit  les  médecins  de  Paris  se  refuser  à  toute  in- 
novation scientifique,  récuser  tout  progrès  dont  ils  n'a- 
vaient pas  eu  l'initiative.  C'était  du  reste  l'esprit  général 
de  l'Université  qui,  dans  ce  xvie  siècle,  condamna  Ramus 
pour  avoir  voulu  contester  l'autorité  d'Arislole.  Certes, 
nous  sommes,  en  principe,  pour  le  respect  de  l'autorité 
des  maîtres  et  des  traditions  ;  mais,  dans  les  choses  de 
libre  examen, dans  les  questions  d'opinion  et  de  science, 
il  nous  paraît  révoltant  de  ne  pas  accorder  cette  liberté 
qui  est  dans  la  nature  des  choses.  Hamus  n'avait  du 
reste  pas  soulevé  une  simple  question  philosophique,  et 
il  y  avait  évidemment  au  fond  de  sa  révolte  logique  le 
germe  du  calvinisme  dont,  quelques  années  plus  tard, 
il  se  déclarait  le  disciple  :  mais  qui  peut  assurer  que  la 
violence  philosophique  dont  il  fut  victime  ne  le  poussa 
pas  définitivement  dans  l'hétérodoxie? 

La  Faculté  suivit  le  pas  de  l'Université  dans  sa  marche 
intolérante  :  elle  condamna  les  médicaments  chimiques 
et  particulièrement  l'antimoine;  censura  de  Launay  en 
1560  pour  les  avoir  employés;  attaqua  avec  violence 
Brissot  et  Botal  pour  leurs  réformes  dans  la  manière  de 
saigner,  les  obligeant  à  aller  mourir  en  exil.  A  quoi 
aboutirent  ces  actes  de  violence?  Cela  n'empêcha  pas 
l'antimoine  et  les  remèdes  chimiques  de  se  propager, 
d'abord  sourdement,  puis  à  découvert,  et  d'être  enfin 
a  v-plés  et  autorisés!  Brissot  et  Botal,  morts  en  exil, 


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ETUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  339 

eurent  des  disciples  ardents  qui  propagèrent  leur  mé- 
thode et  la  firent  triompher. 

Un  acte  considérable  de  la  royauté  vint  tenter  de  por- 
ter remède  à  cet  esprit  d'aigreur  universitaire  en  éri- 
geant une  concurrence  à  l'intraitable  mère.  François  Ier, 
en  1550,  érigea  le  Collêye  de  France  pour  y  appeler  les 
savantsétrangersque  l'Université  n'aurait  pas  accueillis. 
Car,  chose  remarquable,  le  grand  mouvement  d'ensei- 
gnement s'était  établi  à  Paris  et  avait  pris  tout  son  dé- 
veloppement dans  le  xmf  siècle  par  l'afflucnce  de  maîtres 
venus  de  tous  les  points  de  l'Europe,  alors  qu'on  de- 
mandait seulement  aux  nouveaux  venus  deux  choses  : 
de  briller  par  des  idées  nouvelles  et  de  ne  point  tomber 
dans  l'hérésie.  Mais  les  temps  étaient  changés.  Sous  le 
prétexte  d'orthodoxie,  on  avait  établi  depuis  des  grades 
exigés,  on  avait  fermé  la  porte  à  tout  ce  qui  n'était  pas 
de  la  docte  corporation,  on  repoussait  au  lieu  d'accueil- 
lir; et  de  là  cette  déplorable  décadence  de  l'Université 
pendant  le  xv«  et  le  xvic  siècles.  Alors,  comme  de  nos 
jours,  l'étroitesse  d'esprit  des  corps  constitués  aimait 
mieux  tout  perdre  que  d'accepter  ce  qui  leur  était  étran- 
ger. 

La  fondation  de  François  Ier  fut  donc  une  institution 
des  plus  utiles,  où  brillèrent  J.  Houllier,  Duret,  Char- 
pentier, et  qui  réveilla  les  études.  Depuis,  de  nos  jours 
surtout,  cette  institution  a  été  assimilée  à  la  Sorbonne  : 
on  n'y  voit  plus  guère  que  des  hommes  qui  appartien- 
nent par  un  côté  quelconque  aux  divers  corps  universi- 
taires, et  on  ne  trouve  plus  un  enseignement  libre  ouvert 
aux  travaux  qui  sortent  du  cercle  des  sciences  offi- 
cielles. De  là  l'intolérance  scientifique  dans  laquelle 
nous  vivons,  comme  au  commencement  du  xvic  siècle, 
et  un  sensible  affaiblissement  des  études  comme  à  cette 
époque.  Aujourd'hui  l'Université  détient  les  Facultés,  la 


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340  HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE. 

Sorbonne,  le  Collège  de  France,  les  académies,  les  Hô- 
pitaux:, les  inspections  et  les  places  de  toutes  sortes  ;  Ton 
voit  partout  les  mêmes  hommes,  maîtres  intolérants  de 
toute  place  et  chassant  brutalement  quiconque  aurait  la 
prétention  d'entrer  dans  le  docte  corps  officiel  avec  des 
idées  non  contrôlées;  et,  en  dehors  de  ce  qui  est  officiel, 
aucun  enseignement  n'est  possible. 

On  est  fort  incertain  des  lois  qui  devaient  régler  la 
pratique  de  la  médecine.  Il  est  bien  certain  que  beau- 
coup de  chirurgiens  exerçaient  sans  être  attachés  à 
l'Université  et  sans  être  gradés.  Les  barbiers  qu'on  pre- 
nait comme  suppléants  pouvaient  passer  pour  des  aides. 
Mais  un  grand  nombre  d'alchimistes,  de  préparateurs 
d'ingrédients  de  toutes  sortes  vendaient  leurs  prépara- 
tions sans  être  inquiétés.  L'Université  avait  bien  établi 
les  grades  dans  le  milieu  du  xmc  siècle,  mais  tout 
prouve  qu'elle  n'avait  agi  ainsi  que  pour  maintenir  ce 
qu'elle  nommait  l'orthodoxie  de  l'enseignement;  c'était 
pour  elle  un  moyen  d'empêcher  la  propagation  des  mau- 
vaises doctrines,  rien  autre.  Si  elle  voulutensuite  étendre 
sur  la  société  et  sur  la  pratique  l'autorilé  de  ses  grades, 
rien  ne  le  démontre;  et  on  ne  voit  pas  que  les  lois  visi- 
golhes  ni  celles  de  Roger  de  Naples  aient  été  introduites 
officiellement  en  France.  Dans  plusieurs  circonstances, 
on  la  vit  même  réclamer  en  vain,  lorsque  les  rois  pro- 
tégeaient des  médecins  qu'ils  faisaient  venir  de  l'étran- 
ger pour  les  attacher  à  leur  personne.  Henri  IV,  par 
exemple,  se  souciait  bien  peu  de  ces  réclamations;  et, 
avant  lui,  François  Ier  et  d'autres  encore.  Les  Facultés 
et  les  corporations  avaient  des  lois  propres,  mais  ces 
lois  ne  pouvaient  mener  ni  le  pouvoir  royal,  ni  le  pou- 
voir communal,  l'un  et  l'autre  faisant  en  général  assez 
bon  marché  de  ce  qui  les  gênait.  Chacun  d'ailleurs  avait 
ses  privilèges.  L'autorité  universitaire  était  sans  doute 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  341 

considérable,  mais  dans  les  limites  du  cercle  qu'elle 
occupait  ;  cl,  en  dehors  de  ses  quartiers,  de  ses  maisons, 
de  ses  collèges,  de  ses  rues,  quoique  le  prévôt  des  mar- 
chands et  même  le  chevalier  du  guet  prêtassent  serment 
au  recteur,  l'autorité  municipale  était  pleine  et  entière. 
Souvent  même  il  y  avait  lutte  entre  la  commune  et  les 
doctes  Facultcs,et  les  prétentions  n'étaient  pas  moindres 
des  deux  cotés.  On  a  pu  expulser  quelque  charlatan  au 
nom  de  la  commune,  du  parlement  ou  du  roi,  mais  ce 
n'était  pas  au  nom  de  la  Faculté.  Il  y  avait  des  passions 
violentes  qui  pouvaient  s'agiter  dans  les  deux  milieux 
également,  et  nous  voyons  Brissot,  Botal  et  leurs  adhé- 
rents succomber  sous  leur  frénésie,  le  parlement  y  prê- 
tant la  main  :  mais  ce  sont  là  des  faits  accidentels,  des 
excès  où  la  loi  générale  de  préservation  sociale  vient 
autoriser  les  écarts  d'une  imagination  en  délire.  Cela 
n'explique  pas  et  ne  démontre  pas  l'existence  d'une  loi 
qui  aurait  universellement  exigé  les  grades  universi- 
taires pour  l'exercice  de  la  médecine.  Nous  allons  voir 
au  xvii*  siècle  et  au  xvme  la  Faculté  échouer  dans  ses 
réclamations  contre  l'envahissement  de  Paris  par  des 
médecins  étrangers,  quelques-uns,  il  est  vrai,  reçus  à 
la  Faculté  de  Montpellier,  mais  d'autres,  probablement 
assez  nombreux,  non  gradés. 

Donc,  a  ces  époques  qu'on  nous  enseigne  avoir  été 
barbares,  la  pratique  et  l'enseignement  des  sciences  se 
mouvaient  dans  une  liberté  aujourd'hui  perdue. 

F.  Frédault. 


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312 


MÉDECINE  GÉNÉRALE. 


MÉDECINE  GÉNÉRALE 


ÉTUDE  CRITIQUE  SUR  VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE 

CELLULAIRE. 

—  SEPTIÈME  AHTICLE  (fin).  — 

VI 

DE  L'EMBOLIE. 

Bien  qu'il  soil  facile  de  retrouver  dans  la  tradition 
médicale,  el  en  particulier  dans  les  Commentaires  de 
Van  Swielen,  la  description  des  caillots  migrateurs  et  des 
accidents  qu'ils  déterminent,  il  est  incontestable  que 
c'est  à  Virchow  que  revient  l'honneur  (si  honneur  il  y 
a)  d'avoir  érigé  ce  fait  en  théorie. 

Le  lecteur  connaît  assez  Virchow  maintenant  pour 
comprendre  avec  quelle  ardeur  son  imagination  aven- 
tureuse accueillit  cette  idée  des  caillots  migrateurs  et 
comment  son  esprit  amoureux  du  système  en  fit  la  hase 
presque  exclusive  de  la  pathogénie.  Cette  étiologie  gros- 
sière et  toute  empreinte  d'ialro-mécanisme  devait  plaire 
à  notre  époque;  aussi  la  théorie  de  l'embolie  a  fait  for- 
lune,  et  les  caillots  touristes,  comme  les  appelle  mali- 
cieusement le*Dr  Marchai  (de  Calvi),  ont  fait  le  tour  du 
monde....  médical. 

L'embolie  est  une  explication  toute  prête  pour  la  gan- 
grène des  membres,  le  ramollissement  du  cerveau,  la 
mort  subite,  les  abcès  multiples,  les  oblitérations  vas- 
culaires  multiples,  en  un  mot,  l'embolie  remplace  dans 
la  pathologie  de  Virchow  l  artérite,  la  phlébite  et  la  syn- 
cope. 


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V1RCIÎ0W  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  313 

Qu'est-ce  qu'il  y  a  de  vrai,  qu'est-ce  qu'il  y  a  de  faux 
dans  ce  système?  C'est  ce  que  nous  allons  examiner 
après  avoir  exposé  d'une  manière  succincte  la  théorie 
de  l'embolie. 

Reconnaissons  toutefois,  avant  de  passer  outre,  que 
les  travaux  suscités  par  cette  question  ont  fortement 
éclairé  les  problèmes  si  difficiles  de  l'hémorrhagie  et  du 
ramollissement  cérébral. 

Voici;  en  quelques  mots,  la  théorie  de  l'embolie  : 

Un  thrombus  (nous  disions  autrefois  un  caillot)  se 
forme  dans  un  point  quelconque  du  système  vasculairc; 
ce  caillot,  détaché  et  entraîné  par  le  courant  sanguin, 
flotte  et  circule  avec  le  sang;  arrivé  dans  un  point  plus 
rétréci  de  l'arbre  circulatoire,  il  se  fixe  et  oblitère  le 
vaisseau  ;  une  fois  arrêté,  le  thrombus  détermine  plus 
ou  moins  rapidement  l'inflammation  de  la  membrane 
interne  du  vaisseau  et  devient  adhérent;  en  même  temps 
se  développent  tous  les  phénomènes  qui  se  rattachent 
directement  à  l'oblitération  vasculairc. 

Tels  sont  les  phénomènes  communs  à  toutes  les  em- 
bolies ;  mais  il  en  est  de  particuliers  qui  différent  suivant 
qu'on  observe  cette  lésion  dans  les  artères  ou  dans  les 
veines. 

Dans  les  artères,  le  caillot  détaché  du  cœur  ou  d'un 
gros  vaisseau  est  entraîné  vers  le  système  capillaire;  il 
se  fixe  quand  il  arrive  dans  des  vaisseaux  trop  étroits 
et  va  déterminer  les  phénomènes  de  l'oblitération  vas- 
culaire  tantôt  dans  le  cerveau,  tantôt  dans  un  membre, 
tantôt  dans  les  reins,  la  rate  ou  tout  autre  viscère.  Les 
phénomènes  qui  se  rattachent  à  cette  oblitération  sont 
l'anémie,  puis  la  mortification  de  la  partie  où  se  distribue 
le  vaisseau  oblitéré;  une  augmentation  de  l'activité  cir- 
culatoire, et,  par  suite,  des  congestions,  des  hémorrha- 
giesetmêmc  des  inflammations  dans  les  parties  nour- 


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314  MÉDECINE  GENERALE. 

ries  et  alimentées  par  les  collatérales  de  l'artère  obli- 
térée. 

Dans  les  veines,  les  phénomènes  sont  très-différents. 

Quand  un  caillot  intra-veineux  oblitère  la  veine  dans 
laquelle  il  s'est  développé,  la  circulation  est  complète- 
ment suspendue  dans  cette  partie  du  vaisseau.  Il  n'est 
donc  pas  possible  d'invoquer,  dans  ce  cas,  les  forces  du 
courant  sanguin,  la  vis  a  ierrjo  pour  expliquer  le  dépla- 
cement du  caillot  sanguin  ;  mais  il  ne  faut  pas  oublier 
que  le  caillot  intra-veineux  se  prolonge  habituellement 
jusqu'à  l'embouchure  de  la  veine  malade  dans  la  veine 
principale;  or  il  existe  souvent  en  ce  point  une  prolon- 
gation du  caillot.  Cette  prolongation  de  caillot,  trop  peu 
considérable  pour  oblitérer  la  grosse  veine  dans  laquelle 
elle  fait  saillie,  est  sans  cesse  battue  par  le  courant  san- 
guin, et  quand  le  travail  régressif,  propre  à  toute  coa- 
gulation fibrineuse,  a  détruit  la  résistance  du  caillot,  il 
est  détaché  et  entraîné  vers  le  cœur  par  le  cours  naturel 
du  sang. 

Le  caillot  migrai  ou  r  parcourt  facilement  son  trajet 
jusqu'au  cœur,  puisqu'il  passe  dans  des  vaisseaux  de 
plus  en  plus  larges,  mais,  arrivé  dans  le  ventricule  droit, 
il  est  lancé  avec  violence  dans  l'artère  pulmonaire  où  il 
s'arrête  et  se  fixe  plus  ou  moins  vite  suivant  son  vo- 
lume. 

Les  symptômes  qui  accompagnent  cette  oblitération 
sont  variables  suivant  le  point  oblitéré. 

Quand  le  caillot  est  volumineux  et  qu'il  s'arrête  au 
commencement  de  l'artère  pulmonaire,  il  en  résulte  une 
asphyxie  complète,  une  mort  rapide  et  presque  subite. 

Si  le  caillot  est  plus  petit,  il  pénètre  profondément 
dans  l'artère  pulmonaire  et  n'oblitère  qu'une  branche  de 
cette  artère.  Les  résultats  de  cette  oblitération  sont, 
d'une  part,  la  suspension  de  la  fonction  de  l'hématose 


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VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  345 

dans  une  partie  du  poumon  ;  do  l'autre,  des  contestions, 
des  hémorrhagies  et  des  inflammations  d'autant  plus 
marquées  dans  cet  organe  qu'il  est  muni  d'une  double 
circulation  et  que  l'artère  bronchique  supplée  l'artère 
pulmonaire  dans  les  points  où  elle  est  oblitérée. 

Telle  est,  eu  résumé,  la  théorie  de  l'embolie  formulée 
par  Virchow,  développée  et  modifiée  par  ses  élèves  et 
par  ses  critiques.  Est-ce  un  roman  ou  une  histoire  ve- 
ritabie?  Posons  d'abord  les  faits  incontestables ,  nous 
verrons  ensuite  l'explication. 

Voici  les  faits  :  on  rencontre  dans  les  autopsies  des 
oblitérations  vasculaires  ;  ces  oblitérations  sont  produites 
par  des  caillots  ayant  tous  les  caractères  de  caillots  for- 
més pendant  la  vie;  ils  sont  plus  ou  moins  adhérents, 
les  parois  vasculaires  présentent  à  leur  niveau  les  signes 
incontestables  d'une  inflammation  récente  ;  très-souvent 
les  caillots  sont  multiples  et  siègent  a  la  fois  dans  les 
veines  et  dans  les  artères. 

Cette  lésion  survient  dans  les  maladies  suivantes  : 
dans  la  goutte  (affection  du  cœur,  endartérite  defor- 
mans);  dans  le  rhumatisme  articulaire  aigu,  soit  pen- 
dant son  cours,  soit  plus  tard,  quand  une  affection  du 
cœur  persiste;  dans  l'état  puerpéral;  dans  les  cachexies, 
et  principalement  dans  la  cachexie  cancéreuse;  en  un 
mot,  dans  toutes  les  maladies  qui  peuvent  produire  la 
phlébite,  l'artérite  ou  l'endocardite. 

Voilà  les  faits  :  voyons  l'explication. 

L'explication  suppose  que  le  caillot  formé  en  un  point 
quelconque  du  système  vasculaire  est  détaché  et  en- 
traîné par  le  courant  sanguin  et  fixé  lorsqu'il  arrive 
dans  des  vaisseaux  trop  étroits  pour  lui  livrer  passage. 

*Cette  théorie  s'appuie  d'une  part  sur  des  expérimen- 
tations qui  consistent  à  introduire  dans  le  courant  san- 
guin des  corps  étrangers  :  morceau  de  caoutchouc, 


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34  G  MÉDECINE  GÉNÉRALE. 

grain  do  tabac,  parcollo  do  fibrino  coagulée,  portion  de 
muscle,  etc.,  etc.,  corps  étrangers  qui  sont  entraînés 
par  le  courant  sanguin  et  vont  se  fixer  plus  ou  moins 
profondément  dans  le  système  capillaire. 

D'une  autre  part,  cette  théorie  repose  sur  quelques 
faits  cliniques  dans  lesquels  on  a  pu  constater  par  la 
forme  des  caillots,  par  les  débris  do  valvules  ou  d'athé- 
romes  qu'il  contenait,  l'origine  éloignée  de  l'embolie 
et  la  démonstration  de  sa  migration.  Si  on  suppose  les 
faits  et  les  expériences  a  l'abri  de  toute  critique,  il  n'est 
pas  possible  de  nier  la  migration  des  caillots  et  la  réalité, 
au  moins  pour  les  cas  particuliers,  de  la  théorie  de  Vir- 
chow.  Mais,  cette  réserve  faite,  nous  croyons  pouvoir 
démontrer  (pie  la  plupart  des  cas  prétendus  d'embolie 
sont  dus  à  dos  artérites,  et  que  l'immense  majorité  des 
caillots  oblitérants  sont  des  caillots  autochthoncs. 

Tout  se  réunit,  on  effet,  pour  faire  admettre  aux  lieu 
et  place  d'embolie  des  artérites  multiples  et  disséminées  : 
la  nature  des  maladies  dans  le  cours  desquelles  sur- 
viennent les  oblitérations  :  goutte,  rhumatisme,  état 
puerpéral  et  cachectique;  les  lésions  des  parois  arté- 
rielles :  lésions  récentes,  évidemment  inflammatoires, 
lésions  anciennes,  celles  de  Vendarlênte  defonnans  ;  la 
forme  des  caillots ,  qui  offrent  le  moule  de  l'artère , 
remplissent  exactement  le  tronc  principal  et  les  bran- 
ches, revêtent  absolument  les  formes  d'une  injection 
solidifiée.  Celte  forme,  parfaitement  acceptable  si  l'on 
admotquele  caillot  s'est  produit  sur  place,  est  tout  à  fait 
inexplicable  dans  l'hypothèse  d'un  caillot  transporté. 
Ce  caillot,  doué  d'une  notable  consistance,  ne  saurait, 
en  effet,  se  mouler  exactement  sur  la  forme  des  vais- 
seaux dans  lesquels  il  s'arrête.  Il  doit  nécessairement 
laisser  des  vides  qui  seraient  comblés  par  des  caillots  de 
formation  réconte,  et  qu'on  n'observe  pas  dans  la  plu- 


... 


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VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  347 

pari  des  prétendues  embolies.  Enfin  la  multiplication  des 
oblitérations  vaseulaires  cliez  le  mémo  sujet  s'explique 
bien  plus  facilement  par  des  inflammations  vaseulaires 
multiples,  sous  l'influence  de  la  goutte,  du  rhuma- 
tisme, de  l'état  puerpéral  ou  cachectique,  que  par  des 
caillots  migrateurs. 

Pour  les  embolies  du  système  veineux,  les  objections 
sont  encore  plus  considérables.  Si  la  théorie  était  vraie, 
les  embolies  de  l'artère  pulmonaire  seraient  très-fré- 
quentes, tandis  que  fort  heureusement  elles  constituent 
une  rareté  pathologique.  De  plus,  cette  oblitération  de 
l'artère  pulmonaire  ne  s'observe  presque  jamais  (pour 
ne  pas  dire  jamais)  à  la  suite  des  phlébites  qui  survien- 
nent si  souvent  dans  les  varices  des  membres,  mais 
bien  dans  le  cours  de  la  diathèse  purulente  puerpérale, 
et  dans  la  cachexie  cancéreuse,  maladies  dans  les- 
quelles existe  une  grande  tendance  à  l'inflammation 
des  vaisseaux.  J'ajouterai  qu'on  peut  suivre  facilement 
le  mécanisme  de  la  multiplicité  des  inflammations  vas- 
eulaires dans  les  phlébites  dos  veines  superficielles,  et 
s'assurer  qu'elle  ne  dépend  pas  d'une  migration  du 
caillot. 

Quel  praticien  n'a  pas  observé  la  marche  de  l'inflam- 
mation dans  la  saphène  variqueuse  et  ses  branches? 
L'inflammation  débute  au  mollei,  où  elle  se  caractérise 
par  de  la  douleur,  de  la  rougeur,  et  la  formation  de  cail- 
lots. Puis  d'autres  points  apparaissent  à  la  cuisse.  Ces 
points,  qui  sont  séparés  par  des  portions  de  veines  res- 
tées saines,  offrent  tous  les  caractères  de  l'inflamma- 
tion, d'abord  douleur,  puis  rapidement  chaleur  et  rou- 
geur, et  enfin  oblitération  de  la  veine  par  un  caillot. 

Ce  processus  morbide,  qui  ne  peut  s'expliquer  par  la 
migration  des  caillots,  puisqu'ici  on  constate  directe- 
ment les  signes  de  l'inflammation  avant  l'oblitération 


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348  MÉDECINE  GÉNÉRALE. 

de  la  veine,  nous  fait  comprendre  la  marche  envahis- 
sante et  la  multiplication  des  inflammations  vaseulaires, 
et  nous  fait  toucher  du  doig-t  le  néant  de  la  théorie  de 
l'embolie. 

En  résumé,  il  existe  des  faits  incontestables  de  cail- 
lots migrateurs,  mais  ces  faits  sont  des  raretés  patho- 
logiques, des  faits  exceptionnels,  qui  ne  peuvent  servir 
de  base  à  une  théorie  médicale.  La  plupart  des  préten- 
dus caillots  migrateurs  sont  des  caillots  autochthones, 
produits  d'une  véritable  artérite.  La  théorie  de  l'embolie, 
en  tant  qu'explication  g-énérale  des  oblitérations  arté- 
rielles, est  donc  radicalement  fausse. 

CONCLUSION. 

La  pathologie  cellulaire  n'est  qu'une  tentative  d'ex- 
plication des  maladies,  par  la  vitalité  des  éléments 
fig'urés  de  l'organisme.  C'est  un  écho  lointain  et 
affaibli  du  solidisme  de  Broussais,  moins  la  logique  et 
l'intelligence  médicale  du  réformateur  français. 

Gomme  Broussais,  Virchow  explique  tous  les  phéno- 
mènes pathologiques  par  Xùritation,  seulement  il  rem- 
place l'irritation  des  org*aneset  des  tissus,  par  Y  irritation 
de  la  cellule;  l'élève  comme  le  maître  nient  les  maladies, 
et  si  Virchow  ne  déclame  pas  continuellement  contre 
Yontologie,  il  reste,  comme  Broussais,  dans  l'explication 
par  la  physiologie  des  phénomènes  morbides,  sans  s'é- 
lever jamais  à  l'idée  de  maladie,  c'est-à-dire  à  l'idée 
d'un  état  contre  nature,  un  et  défini,  ayant  sous  sa 
dépendance  immédiate  un  ensemble  de  symptômes  et 
de  lésions  auxquels  il  communique  une  empreinte  et  un 
caractère  propres;  en  sorte  que  chaque  maladie  est 
distincte  de  toute  autre  et  constitue  une  espèce  par  ana- 
logie. Comme  doctrine  générale,  la  pathologie  cellu- 
laire n'a  donc  aucune  valeur. 


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VIRCHOW  ET  LA  PATHOLOGIE  CELLULAIRE.  349 

Les  contradictions  incessantes,  les  explications  insen- 
sées, les  affirmations  sans  preuve,  les  hypothèses,  le 
mépris  de  la  méthode  expérimentale  reviennent  presque 
à  chaque  page  au  secours  d'une  doctrine  stérile  et  im- 
puissante, et  le  niveau  inférieur  des  intelligences  mé- 
dicales à  notre  époque,  joint  à  l'ensorcellement  d'un 
faux  positivisme,  peuvent  seules  expliquer  la  véritable 
autorité  accordée  au  physiologiste  prussien. 

Considérée  comme  anatomo-pathologiste,  Virchow  a 
un  vrai  mérite;  par  des  recherches  minutieuses  et  mul- 
tipliées, il  est  arrivé,  malgré  les  doctrines  générales  les 
plus  fausses,  à  des  vérités  de  détails  qui  marqueront  sa 
place  et  dans  l'histologie  et  dans  l'histoire  des  lésions. 
Il  a  ramené  la  micrographie  à  un  rang  plus  modeste  et 
plus  vrai,  en  signalant  ses  incertitudes  (1),  et  en  démon- 
trant son  insuffisance  pour  le  diagnostic  (2);  il  est 
arrivé  pour  les  néoplasies  à  des  lois  qui  eussent  été 
complètement  vraies,  si  son  esprit  n'avait  pas  été  obscurci 
par  les  préjugés  du  solidisme. 

Nous  avons  signalé,  au  courant  de  notre  examen, 
les  nombreux  points  de  contact  qui  existent  entre 
les  lois  d'anatomie  pathologique,  formulées,  il  y  a  plus 
de  trente  ans,  par  J.-P.  Tessier,  et  la  plupart  do  celles 
exposées  par  Virchow,  dans  sa  Pathologie  cellulaire; 
nous  n'accusons  pas  le  physiologiste  prussien  de  pla- 
giat, mais  nous  sommes  étonné  qu'en  sa  qualité  d'Alle- 
mand, il  n'ait  jamais  lu  sinon  les  travaux  originaux  de 
J.-P.  Tessier,  au  moins  les  critiques  que  ces  travaux  ont 
soulevées,  ou  le  développement  et  les  controverses  sou- 

(i)  Chique  jour  apporte  de  nouvelles  découvertes,  mais  aussi  de  nou- 
veaux doutes  sur  la  valeur  des  découvertes  antérieures.  Y  a-t-il  quelquo 
chose  de  positif  en  histologie?  demande- t-on  ;  y  a-t-il  un  point  sur 
lequel  tous  les  les  observateurs  soient  d'accord  ?  Il  n'y  en  a  peut-être 
pas  un.  (Virchow,  p.  3.) 

{i)  Voir  lo  diagnostic  du  cancer,  de  la  piohémic. 

TOME  XXXI.  —  MAI  1870.  Û'i 


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350  MEDECINE  GENERALE. 

tenues  par  ses  élèves  ;  toujours  est-il  qu'il  est  fort 
curieux  de  voir  l'école  française  accepter  avec  enthou- 
siasme des  vérités  dont  elle  fait  honneur  à  Virchow  et 
qu'elle  a  combattues  avec  acharnement  tant  qu'elles  n'ont 
été  soutenues  que  par  des  médecins  élevés  dans  son  sein. 
Ceci  nous  rappelle  une  anecdote  arrivé»!  à  un  des  géné- 
raux français»  qui  combattait  à  Sébastopol.  Grand 
amateur  d'horticulture,  ce  militaire  s'était  épris  pour 
de  beaux  arbres  verts  qui  ornaient  les  jardins  de  la  ville 
assiégée;  il  obtint  à  grand' peiie  l'autorisation  d'en- 
voyer, à  travers  mille  obstacles,  un  parlementaire  au 
général  russe,  pour  lui  demander  quelques  graines  de 
ces  fameux  sapins;  le  Russe  répondit  qu'il  enverrait 
volontiers  les  semences  demandées,  mais  que  l'officier 
français  en  trouverait  de  meilleures  et  de  plus  authen- 
tiques dans  son  pays,  attendu  que  la  graine  des  arbres 
qu'il  admirait  avait  été  recueillie  dans  les  Vosg-es,  pen- 
dant l'invasion  de  1815. 

De  même,  ce  qu'il  y  a  de  bon  et  de  vrai  dans  la  patho- 
logie de  Virchow,  se  trouve  dans  les  enseignements 
de  J.-P.  Tessier  et  de  son  école,  et  nous  sommes  étonné 
et  affligé  que  la  jeune  génération  médicale  aille  cher- 
cher en  Allemagne,  des  doctrines  qui  sont  enseignées 
à  Paris  depuis  de  longaies  années. 

En  terminant,  nous  voulons  encore  une  fois  protester 
contre  le  néologisme  barbare  que  nous  devons  surtout 
à  l'influence  de  Virchow  et  de  l'école  allemande.  Ce 
n'était  pas  la  peine  de  tant  se  moquer  de  la  nomen- 
clature de  Pioi  ry,  pour  accepter  ensuite  un  langage 
presque  aussi  barbare.  En  quoi  les  mots  de  régression  et 
de  prolifération  sont- ils  préférables  aux  mots  de  dégéné- 
rescence et  de  formation.  Pourquoi  svlérome  au  lieu  d'indu- 
ration,  et  nécrobiose  ou  bien  de  ramollissement,  etc. ,  etc.? 
Où  était  la  nécessité  de  créer  les  mots  de  po/yclonr,  litho- 


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RECHERCHES  SUR  LA  TYMPANITE.  351 

pœdioriy  myxome%  collonema,  papillome,  et  tant  d'autres 
aussi  barbares  qu'inutiles?  Pourquoi  rendre  plus  difficile 
encore  une  science  déjà  si  difficile, en  créant  incessam- 
ment des  mots  nouveaux,  qui  n'ont  même  pas  le  mérite 
d'exprimer  des  idées  nouvelles?  Nos  néologistes  moder- 
nes ressemblent  à  ces  philosophes,  dont  parle  Cicéron, 
qui  n'ont  d'autre  mérite  que  d'exprimer  des  idées  an- 
ciennes par  des  mots  nouveaux  :  a  Quid  interest,  nisi 
«quod  nos  res  notas  notis  verbis  appcllamus  ;  illi  nomina 
■  nova  quœrunt,  quibus  idem  dicant.  » 

P.  Jousset. 


MÉDECINE  PRATIQUE 


RECHERCHES  SUR  LA  TYMPANITE  ET  SON  TRAITEMENT. 

—  Suite  et  fin  (P.  — 

II.  Traitement  de  la  maladie.  —  C'est  ici  surtout  qu'il 
importe  de  tenir  compte  de  la  distinction  que  nous  avons 
établie  au  commencement  de  ce  travail  entre  les  tympa- 
nites  idiopathiques  et  symptomatiques.  Dans  ces  dernières, 
en  effet.  le  traitement  doit  nécessairement  s'adresser  à 
la  maladie  qui  tient  la  tympanite  sous  sa  dépendance, 
car  il  est  bien  évident  qu'on  ne  peut  guérir  par  le  même 
moyen  une  tympanite  symptomatique  de  l'hystérie  et 
une  tympanite  symptomatique  d'un  cancer  de  l'intestin. 

Notre  étude  portera  donc  tout  particulièrement  sur 
les  tympanites  idiopathiques,  contre  lesquelles  une  foule 
de  médicaments  ont  été  préconisés. 


,1)  Voy.  Art  médical.  Décembre  1809,  février  et  avril  1.S70. 


352  MÉDECINE  PRATIQUE. 

Je  ne  m'arrêterai  point  aux  remèdes  ridicules  ou 
même  repoussants  mis  en  usage  par  l'empirisme  ancien, 
comme  par  exemple  le  molène  cueilli  sous  le  signe  du 
Lion,  l'urine  d'enfant,  les  excréments  de  la  chèvre,  ceux 
du  loup,  du  chien,  du  chat,  de  la  vache,  delapoule,  le  pied 
de  cochon,  le  cordon  ombilical  d'un  enfant  nouveau-né, 
la  verge  de  taureau,  etc.,  etc.  Tous  ces  moyens,  issus  de 
la  superstition  et  de  l'ignorance  du  vulgaire,  méritent 
cependant  d  être  mentionnés,  au  point  de  vue  historique 
seulement. 

Les  médecins  de  l'antiquité  faisaient  grand  usage  des 
révulsifs.  Galien,  Oribase,  Aétius  et  Paul  d'Egine  fai- 
saient extérieurement  des  applications  de  graine  de 
moutarde,  de  suc  de  Thlapsia  ou  de  Gantharides, 
dans  le  but  d'attirer  les  gaz  au  dehors  en  changeant 
l'état  des  pores  de  la  peau.  Galion  (1)  ne  reconnaissait 
aucun  remède  supérieur  à  l'application  des  ventouses 
sèches  pour  la  guérison  des  coliques  venteuses.  Celse(2: 
employait  aussi,  pour  dissiper  les  vents,  les  fomenta- 
tions chaudes  et  sèches  ainsi  que  les  frictions  sèches  aux 
extrémités  supérieures  et  inférieures. 

Bast,  célèbre  médecin  de  Lyon,  cité  par  Sauvages  dans 
sa  Nosologie,  traitait  les  tympan ites  par  des  fomentations 
avec  de  l'eau  froide  et  avec  de  l'eau  à  la  glace. 

Gullen  prétend  que  plusieurs  observations  prouvent 
que  la  tympanite  a  été  guérie  tout  à  coup  et  entièrement 
par  l'application  réitérée  de  la  neige  sur  le  bas-ventre. 

De  nos  jours,  certains  praticiens  emploient  les  dou- 
ches ascendantes  froides  (voir  obs.  7). 

On  pourrait  peut-être  rapprocher  de  cette  médication 
dite  révulsive  le  traitement  par  l'électricité,  que  l'on  peut 
appliquer  soit  directement  sur  le  ventre,  soit  en  établis  - 

(I)  Melhod.  medcnfli,  lih.  xiï. 
(i)  Cornel.  Celse,  lib.  ir,  cap.  2. 


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RECHERCHES  SFR  LA  TYMPANITE. 


353 


sant  un  courant  continu  entre  la  bouche  et  l'anus,  ainsi 
que  le  conseille  Leroy  (d'Etiolles).  M.  Duchenne (de  Bou- 
logne) paraît  avoir  obtenu  quelques  succès  par  ce  moyen. 
C'est  là  une  thérapeutique  surtout  applicable  à  l'accès. 

En  môme  temps  que  les  révulsifs,  les  anciens  em- 
ployaient volontiers  les  carrrwmtifs,  «  ainsi  appelés,  dit 
Fodéré,  parce  qu'ils  faisaient  sortir  les  vents  avec  un 
bruit  auquel  on  pouvait  donner  une  sorte  de  mesure.  > 
Ces  médicaments  sont  extrêmement  nombreux;  les  plus 
usités  sont  :  l'angélique,  le  gingembre,  l'ail,  l'anis,  la 
coriandre,  la  badiane,  la  rue,  l'absinthe,  le  calamus  ve- 
rus,  la  tanaisie,  les  baies  de  genièvre,  le  fenouil,  la  can- 
nelle, l'écorce  de  Winter,  la  menthe,  la  mélisse,  la  ser- 
pentaire de  Virginie,  les  vins  dits  toniques,  les  teintures 
amôres  et  aromatiques,  etc. 

C'est  surtout  aux  tympanites  de  l'eslomac  que  ces  re- 
mèdes sont  applicables  ;  mais  s'ils  ont  parfois  réussi  en- 
tre les  mains  de  praticiens  expérimentés,  souvent  aussi, 
employés  sans  discernement,  ils  ont  djnnélieu  à  des  ag- 
gravations plus  ou  moins  inquiétante*. 

Certains  médecins  ont  préconisé  antispasmodiques 
de  toute  nature  :  musc,  castoréum,  camphre,  asa  fœtida, 
esprit  volatif  de  corne  de  cerf,  eaux  de  fU  urs  d'oranger, 
de  tilleul,  de  laurier -cerise,  opium,  belladone,  jus- 
quiame,  etc., etc. 

Fodéré  se  loue  beaucoup  de  l'emn'oi  de  l'opium  ; 
quant  à  nous,  nous  avons  obtenu  de  hons  effets  de  l'ad- 
ministration de  la  belladone  (voir  l'obs.  de  Mm*  X...). 

Un  médecin  italien,  Tradini  (3),  a  préconisé  l'emploi 
du  camphre  d'après  la  formule  suivante  : 

01  Camphre  pulvérisé  4  grains. 

Kxtraitgomm.  de  cinchonaofT....  4  grains. 

M.  f.  s.  a.  une  pilule. 

1,  Voy.  Gaz.  méd.  de  Parts.  1835. 


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ê 


354  MÉDECINE  PRATIQUE. 

(Prendre  pendant  les  accès  une  pilule  toutes  les  quatre 
heures.  Dans  l'intervalle  des  accès  deux  pilules  par  jour 
suffisent.  S'il  y  avait  des  coliques,  il  faudrait  suspendre 
la  médication.) 

Ce  traitement  avait  déjà  été  indiqué  par  Mérat  (1)  : 
«  On  se  sert  très-fréquemment,  dit-il,  du  camphre  en 
bols  associé  avec  le  nitre  ou  donné  en  lavements  au 
moyen  du  jaune  d'œuf,  qui  sert  à  le  suspendre  dans 
l'eau.  Le  camphre  est  effectivement  un  des  moyens  les 
plus  efficaces  pour  combattre  le  météorisme,  même  ac- 
compagné de  symptômes  de  réaction;  on  en  fait  usage 
depuis  longtemps  dans  cette  circonstance.  » 

Le  Dr  Giuseppe  Santoli  (2)  cite  plusieurs  cas  de  tym- 
panitcs  guéries  par  le  traitement  suivant  :  trois  grains  de 
musc  et  douze  grains  ne  gomme  ammoniaque  sont  la  dose 
ordinaire  pour  un  jour.  On  en  fait  trois  pilules,  dont  le 
malade  prend  une  le  matin,  la  seconde  à  midi  et  la  troi- 
sième le  soir.  «  Je  tiens  cette  recette,  dit  Santoli,  d'un 
vieux  médecin  praticien  qui  l'avait  reçue  lui-même  d'un 
autre,  lequel  avait  été  son  ancien  maître,  en  sorte  que 
ce  n'est  point  à  proprement  parler  une  invention  nou- 
velle, bien  qu  elle  soit  restée  inconnue  ou  oubliée, 
comme  il  arrive  aux  choses  qu'on  ne  conlie  qu'à  la  tra- 
dition. » 

Et  plus  loin,  il  ajoute  ceci  :  «  Je  dois  terminer  par 
une  observation  importante  :  c'est  que  le  remède  agit 
comme  évacuant,  puisqu'il  apparaît  dès  les  premiers 
moments  une  sueur  visqueuse  continue,  bien  que  peu 
abondante,  et  les  fonctions  du  ventre  non-seulement 
reprennent  le  rhythme  périodique,  mais  encore  les  selles 
étaient  constamment  de  deux  par  jour.  » 

La  médication  évacuante  ou  purgative  a  eu  aussi  de 

(1)  Voy.  art.  Mètèorùme  du  Dict.  des  Sciences  médicales. 
(î)  Voy.  Gaz.  mèd.  de  Paris,  1836. 


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RECHERCHES  SUR  LA  TYMPANITE.  355 

nombreux  partisans.  Fodéré  (1)  conseille  de  prendre  de 
temps  à  autre  deux  grains  de  rhubarbe  concassée  et 
une  pincée  de  semences  d'anis.  «  On  doit,  dit-il,  enfer- 
mer ces  médicaments  dans  un  nouet  de  linge  fin,  et  les 
tremper  pendant  la  nuit  dans  une  tasse  d'eau  chaude; 
on  avale  cette  eau  le  matin  après  avoir  légèrement 
exprimé  le  nouet,  et  on  continue  tant  que  l'eau  colorée 
estamère.  » 

Il  est  facile  de  comprendre  que  cette  méthode  de  trai- 
tement a  dû  compter  des  succès  fréquents  dans  les  cas 
où  l'obstruction  d  une  anse  intestinale  parles  fèces  avait 
occasionné  la  tympanite. 

Mais  si  les  purg-atifs  lég'ers  ont  pu  être  favorables 
dans  certaines  circonstances,  au  contraire  l'administra- 
tion des  purg-atifs  énergiques  a  été  souvent  la  cause 
d'accidents  de  tympanite. 

Il  nous  suffira  d'en  citer  un  exemple  rapporté  par 
Sydenliam.  Il  s'ag-issait  d'une  pauvre  femme  àg-ée  d'en- 
viron 55  ans,  et  atteinte  d'hydropisie,  à  laquelle  l'Hip- 
pocrate  anglais  avait  prescrit  un  traitement  purgatif. 
«Secundo  notatu  dignuin  erat,  dit  Sydenham,  quod 
«curatione  fere  absoluta  si  quando  vap<  les  a  catharti- 
«  cis  commoti  tumuituarentur  :  venter,  maxime  versus 
«ad  superiora,  intumescebat,  lanquam  novo  aquarum 
«  proventu  denuo  repletus  loret,  quoi  tamen  fieri  non 
«  posse  sciebam,  cum  ita  parce  bibiss  i  :  ac  proinde  tu- 
«morem  illum  a  flatibus  quos  peperit  ara£ia  ista  a  ca- 
«  tharticis  provocata,  tantum  oriri  :  quod  meum  judi- 
«  cium  eventus  comprobavit.  Licet  enim  vel  cong-ium 
«aquee  eo  die  quo  purg-abatur  ejecisset,  mox  tamen 
«  cœpit  intumescere,  nec  remittebat  tumor  ille,  ad  g-ul- 
a  tur  usque  assurgens  et  dyspnœa  afflig-ens,  donec  cor- 
«  pus,  a  purgantium  molestia  liberatum,  statum  natu- 

(1)  Voy.  Essai  de  pneumatologie,  p.  105. 


35ii  MÉDKC1NK  PRATIQUE. 

«  ralem  ac  quietem  reciperel  :  quo  facto,  et  tumor  et 
«  cetera  symptomata  derepente  evanescebant,  donec  a 
«  succedente  catharsi  de  novo  irrilarentur   » 

Haller,  Laborde,  etc.,  rapportent  aussi  des  exemples 
d'un  météorisme  plus  ou  moins  considérable  de  l'abdo- 
men déterminé  par  l'administration  des  purgatifs. 

Il  faut  donc  être  très-circonspect  dans  l'emploi  de  ce 
mode  de  traitement. 

Et,  soit  dit  ici  en  passant,  les  purgatifsne  sont  pas  les 
seuls  agents  capables  de  donner  naissance  à  la  tympanite. 

Hippocrate  (1)  avait  déjà  remarqué  que  l'usage  du 
laserpitium  (citytov,  ferula  tingitana),  pouvait  donner  nais- 
sance chez  quelques  individus  à  1  affection  qu'il  désigna 
sous  le  nom  de  choiera  siccu  et  qu'il  décrit  ainsi  :  «  In 
«choiera  sicca,  venter  inflatur,  et  strepitus  insunt,  et 
«  Iaterum  ac  lumborum  dolor,  nihil  que  infra  dejicit 
«alvus;  scd  astringitur...» 

L'administration  intérieure  du  sublimé  corrosif  peut 
souvent  donner  lieu  à  du  météorisme,  ainsi  que  Gérar- 
din  l'a  observé  à  l'hôpital  de  Strasbourg  (2). 

Le  môme  phénomène  se  rencontre  également  dans 
les  empoisonnements  causés  par  les  champignons  (Mé- 
moires de  la  Société  royale  de  médecine),  par  Y  arsenic 
(Wallher),  la  noix  vomique  (Hillefeld),  la  ciguë  aquatique 
(Wepfer),  etc.  Collomb  rapporte  que  l'usage  prolongé 
de  Y  aconit  peut  donner  naissance  à  la  tympanite. 

C'est  à  la  matu  re  médicale  homœopathique qu'il  appar- 
tient dYtudier  l'action  de  ces  diverses  substances  et  d'en 
faire  1  application  à  la  thérapeutique  des  tympanites. 

Mais  nous  n'en  avon^  pas  fini  avec  les  divers  moyens 
employés  pour  guérir  la  tympanite.  On  a  mis  en  usage 
les  antiplilogistiquesde  toute  nature  :  saignées,  sangsues, 

(1)  IIi|>porr.  De  Vict.  rat.  in  arut.,  lib.  iv. 
{lj  Thèses  de  Paris,  1814. 


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RECHERCHES  Sï.'R  LA  TYMPANITE.  357 

cataplasmes,  bains  tièdes,  fomentations  avec  la  décoc- 
tion de  guimauve,  de  morelle,  de  têles  de  pavot;  em- 
brocations  huileuses,  avec  le  baume  tranquille;  enfin 
la  poudre  tempérante  de  Stahl,  composée  de  cinq  parties 
de  sulfate  de  potasse,  de  cinq  parties  de  sel  de  nitre,  et 
de  deux  parties  de  sulfure  de  mercure  rouge. 

D'autres  médecins,  non  moins  audacieux,  ont  essaye 
de  faire  ingérer  aux  malades  des  balles  de  plomb  et  du 
mercure  coulant  pour  désobstruer  l'intestin. 

La  théorie  des  pneumatoses  devait  nécessairement 
conduire  à  employer  les  médicaments  dits  absorbants. 
Aussi  les  médecins  eurent-ils  recours  successivement  à 
la  poudre  d'yeux  d'écrevisse,  au  carbDnate  de  magnésie, 
à  la  magnésie  pure,  à  l'eau  de  chaux,  aux  divers  oxydes 
de  fer,  de  plomb,  d'élain  réduits  en  poudre  impalpable 
(Boerhaave),  au  charbon  pulvérisé,  etc. 

Nous  n'en  finirions  pas  si  nous  voulions  faire  une 
énuméralion  complète  des  médicaments  employés  dans 
la  tvmpanite;  celui  qui  veut  >e  faire  une  idée  du  chaos 
qui  règne  encore  aujourd'hui  dans  la  thérapeutique  de 
cette  maladie,  n'a  qu'à  jeter  un  coup  d'œilsur  la  nomen- 
clature des  remèdes  contre  la  pneumatie  dont  rémuné- 
ration pure  et  simple  occupe  treize  pages  du  cinquième 
volume  de  Portai. 

Nous  nous  bornerons  donc  à  mentionner  la  noix  vo- 
mique,  la  bryone,  et  nous  passons  immédiatement  au 
taraxacitm  qui  doit  être  considéré  comme  le  remède  prin- 
cipal dans  les  cas  de  tympanite. 

Ce  médicament,  qui  nous  a  si  bien  réussi  dans  le  cas 
déjà  cité  de  M™8  X"*,  et  depuis  ce  temps  dans  plusieurs 
circonstances  moins  graves,  nous  a  été  révélé  par  la 
lecture  de  ce  passage  de  la  thèse  du  D'Josat  (Paris,  1840): 
«  Douze  observations  qui  m'appartiennent  et  qu'il  serait 
trop  long  de  détailler  ici,  m'autorisent  à  donner  comme 


3?»*  MÉDECINE  PRATIQUE. 

ressource  presque  infaillible  dans  les  cas  de  tympanile 
de  l'iléon  appelés  d'ordinaire  borborygmes  et  dus  à  la 
cause  dont  il  s'agit  ici  (débilitation  générale)  l'usage  de 
la  racine  du  leontodon  automnal,  toujours  sous  forme 
pilulaire  » 

Nous  pensâmes  que  ce  leontodon  automnal  n'était  autre 
que  le  tararacum  leontodon,  et  nous  fûmes  confirmé  dans 
cette  idée  par  ce  passage  de  Fodéré  (4)  :  «  Je  me  décidai, 
il  y  a  déjà  plus  de  quarante  ans,  sans  y  avoir  encore 
aucune  confiance,  à  essayer  à  petites  doses,  qui  ne  pus- 
sent pas  nuire,  des  pilules  de  2  à  4  grains  d'extrait  de 
saponaire,  de  tarajacum  et  de  trèfle  d'eau,  mélangés 
avec  le  savon  officinal ,  quelquefois  avec  addition  d'un 
quart  de  grain  de  mercure  doux  par  pilule ,  pour  en 
prendre  une  à  deux  par  jour,  et  augmenter  insensible- 
ment la  dose;  en  même  temps  je  faisais  couvrir  la  partie 
enflée  et  douloureuse  d'un  large  emplâtre  de  diachylon 
gommé,  épais  de  2  à  3  lignes,  et  je  restais  en  observa- 
tion. Cette  médecine ,  aidée  d'un  régime  convenable,  a 
plusieurs  fois  surpassé  mes  espérances;  depuis  plus  de 
quarante  ans  que  je  la  mets  en  pratique,  elle  m'a  appris 
à  ne  pas  croire  avec  trop  de  promptitude  à  l'existence 
des  maladies  organiques  de  ce  genre ,  et  à  ne  pas  tou- 
jours en  désespérer.  » 

Quant  à  nous,  nous  employons  le  taraxacum  en  tein- 
ture alcoolique,  à  la  dose  de  6  à  12  gouttes  pour  200  gr. 
d'eau.  Nous  en  faisons  prendre  toutes  les  heures  une 
cuillerée  au  moment  de  F  accès,  ou  deux  cuillerées  par  jour 
dans  les  intervalles,  et  jusqu'à  présent  ce  mode  de  trai- 
tement nous  a  parfaitement  réussi. 

Enfin,  pour  éviter  le  retour  des  accidents  de  tympa- 
nite,  il  convient  surtout  de  se  mettre  en  garde  contre  les 
différentes  causes  qui  peuvent  donner  lieu  au  développe- 

(t)  Essai  de  pneumalologie,  4829. 


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RECHERCHES  SUR  LA  TTMPANITE.  3ô0 

ment  des  gaz.  Ces  causes  peuvent  être  rangées  sous  cinq 

chefs  principaux,  qui  sont  : 

1*  Le  défaut  d'exercice  musculaire,  les  professions 

sédentaires  et  celles  qui  exigent  une  tension  continue 

des  facultés  intellectuelles  ; 

2°  Le  séjour  dans  les  lieux  froids,  humides  et  bas  : 
3°  Une  existence  monotone  et  ennuyeuse  (le  spleen  des 

Anglais); 

4°  L'abus  des  plaisirs  de  l'amour,  et  l'onanisme  aussi 
bien  que  la  continence  absolue  (1); 

5°  Une  alimentation  irrégulière  ou  composée  surtout 
de  substances  féculentes  ou  fermentescibles. 

Le  régime  est  donc  une  condition  assez  importante 
à  observer  dans  le  traitement  des  tympanites.  Aussi  ne 
puis- je  résister  au  désir  de  citer,  en  terminant,  un  pas- 
sage de  Fodéré  (2),  dans  lequel  ce  médecin,  atteint  lui- 
même  d'une  tympanite  chronique,  s'exprime  ainsi  :  a  II 
n'est  certes  aucun  doute  que  les  choux,  les  pommes  de 
terre,  les  légumineuses,  les  fécules,  les  fruits  crus,  et 
en  général  tout  ce  qui  est  capable  de  fermenter,  ne  doi- 
vent être  évités  par  ceux  qui  sont  sujets  aux  vents; 
mais  il  ne  faut  pas  oublier,  d'autre  part,  que  les  labou- 
reurs, les  gens  He  peine,  et  ceux  qui  vivent  en  plein  air, 
usent  habituellement  de  ce  genre  de  nourriture  sans  en 
être  ipcommodés.  J'ai  remorqué  sur  moi-même  que  je 
puis  impunément  en  faire  usage,  quand  je  fais  un  grand 
exercice,  soit  à  pied,  soit  en  voiture,  et  surtout  quand 
je  voyage  à  pied  dans  les  montagnes,  quoique  je  m'y 
fatigue  beaucoup  ;  mais  je  dois  renoncer  à  ces  aliments 
aussitôt  rentré  chez  moi ,  et  livré  de  nouveau  aux  tra- 

\  Est-il  prouvé  que  la  continence  ait  proiuit  des  tympaniies?  Il 
faut  se  méfier  do  ces  auteurs  qui,  à  une  époque,  mettaient  volontiers 
toutes  les  maladies  sur  le  compte  de  la  continence.  {Note  du  R.) 

(i)  Voy.  Essai  de  pneumatologie,  p.  03. 


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•W  MÉDECINE  PRATIQUE. 

vaux  du  cabinet,  forcé  alors ,  sons  peine  de  souffrir 
cruellement  de  foutes  les  manières,  de  n'user  que  de 
pain  de  froment  bien  cuit  et  d'une  nourriture  ani- 
male composée  d'œufs  et  de  cbair  d'animaux  adultes,  en 
petite  quantité  à  la  fois.  Au  surplus,  quelque  salutaire 
que  soit  en  lui-même  le  régime  alimentaire  qu'on  ait 
adopté,  sa  continuation  cesse  souvent  d'être  utile,  par 
l'effet  de  l'babitude  ou  de  la  monotonie,  qui  agit  dés- 
agréablement, tant  sur  nos  facultés  physiques  que  sur 
nos  facultés  morales,  ce  qui  fait  que  nous  devons  le 
changer  quelquefois,  même  pour  un  plus  mauvais,  c'est- 
à-dire  que  nous  devons  on  interrompre  l'excitation  gas- 
trique par  le  jeûne  ou  l'animer  par  de  nouveaux  stimu- 
lants; à  quoi  se  rapportent  :  1°  la  maxime  attribuée  à 
Hippocrate,  et  qu'il  faudrait  bien  se  garder  de  suivre 
dans  les  maladies  organiques,  qu'il  est  bon  de  faire  de 
temps  à  autre  un  excès  de.  table;  2°  qu'ayant  interrompu 
quelquefois  la  vie  sobre  que  je  mène  en  allant  dîner  hors 
de  chez  moi,j'ai  eu  mes  coliques  soulagées,  loin  d'avoir 
été  plus  fatigué  comme  je  le  craignais  ;  3°  l'avantage 
que  je  retirais  pour  la  (rucrison  de  mes  malades,  lors- 
que je  faisais  de  la  médecine  de  campagne,  et  que  je  ne 
pouvais  pas  les  visiter  assez  souvent,  de  la  méthode  mé*- 
tasyncrilique  de  Cœlius  Aurelianus,  que  cet  auteur  ap- 
pelle plus  spécialement  rêcorporative,  composée  des  deux 
cycles  rfovmptif  et  métusiincritîque,  qui  consistait  à  leur 
prescrire  l'abstinence  pendant  un  certain  nombre  de 
jours,  puis  de  prendre  des  aliments  et  du  vin,  en  quan- 
tité que  je  déterminais  pour  chaque  jour,  mais  le  tout 
avec  plus  de  modération  que  ne  le  voulait  l'auteur  cité.» 
«  L'ordre,  dit-il ,  du  cycle  rêsumptif  est  le  suivant  :  le 
«  premier  jour,  on  ne  nourrit  qu'avec  un  peu  de  pain 
m  et  de  l'eau  pure,  ou  même  on  ne  donne  rien,  si  le  raa- 
i»  lade  peut  le  supporter;  le  second,  après  un  léger  exer- 


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RECHERCHES  SUR  LA  TYMPAN I TE.  3«1 

«  cice  et  une  onction  huileuse,  on  donne  seulement  le 
«i  tiers  de  la  nourriture  accoutumée,  consistant  en  pain 
a  bien  fermenté  avec  des  œufs,  des  légumes,  du  pois- 
«  son  ou  des  oiseaux,  ce  que  I  on  continue  pendant  deux 
«  à  trois  jours,  suivant  que  les  forces  le  permettent  ;  le 
«  cinquième  jour,  la  nourriture  est  augmentée  d'un  tiers, 
«  et  consiste  en  gibier,  en  pigeons  ou  en  oiseaux  de 
«  basse-cour;  après  trois  à  quatre  jours  de  ce  régime, 
«  on  ajoute  la  quantité  de  pain  qui  complète  la  portion 
«  accoutumée,  et  i  on  permet  les  viandes  de  boucherie 
«  et  des  légumes  plus  grossiers;  l'on  se  conduit  pour  la 
«  quantité  de  vin  qu'on  doit  accorder  et  pour  l'exercice, 
«  en  prO|  ortion  de  la  quantité  permise  d'aliments.  Ce 
«  cycle  qui  est  de  neuf  jours  étant  terminé,  on  passe  au 
«  cycle  mètasyncritiqae  :  le  premier  jour,  le  malade  est 
«  tenu  à  une  abstinence  complète;  le  second,  après  un 
«  léger  exercice  et  l'onction  huileuse  de  tout  le  corps, 
<«  on  permet  la  troisième  partie  du  pain  accoutumé,  et 
«  autant  de  viande  rôtie  ou  bouillie  et  salée,  accompa- 
«  gnée  de  câpres,  de  moutarde,  d'olives  vertes  confiles 
«  et  du  tiers  de  la  quantité  de  vin  usité,  ce  qui  durera 
«  deux  à  trois  jours;  puis  on  ajoute  un  second  tiers  à  la 
«  nourriture  et  à  la  boisson,  et  l'on  passe  à  l'autre  tiers 
«  au  quatrième  jour,  donnant  même  alors  de  la  viande 
«  de  porc,  et  l'exercice  dans  la  môme  proportion.  Au  lieu 
«de  diviser  les  aliments  en  trois  parties,  on  les  divise 
«  en  quatre,  ce  qui  augmente  l'étendue  du  cycle... 
Outre  les  raisons  rapportées  plus  haut,  on  ne  saurait 
croire,  dit  Fodéré,  combien  cette  ordonnance  de  régime 
inspire  de  la  confiance  aux  malades,  dans  un  temps  où 
la  diététique  est  si  fort  négligée,  et  je  ne  saurai  trop  la 
recommander.  »  Jean  Jablonski. 

1,1)  Cœlii  Aureliani.  Morb.  clironic,  lib.  i,  cap.  I. 


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362 


THÉRAPEUTIQUE. 

TULRÀPELTIQUE 


NOTE  SUR  LE  PANSEMENT  DES  PLAIES  PAR  L'ARNICA. 

Je  veux  dire  deux  mots  des  admirables  effets  de  l'ar- 
nica dans  le  pansement  des  plaies,  même  les  plus  gra- 
ves. C'est  un  fait  assurément  bien  connu;  mais,  les  chi- 
rurgiens faisant  la  sourde  oreille,  et  négligeant,  par 
une  obstination  systématique,  un  si  bon  remède,  à  cause 
de  sa  provenance,  il  est  de  notre  devoir  de  le  leur  rap- 
peler, pour  qu'ils  soient  sans  excuse. 

Je  ne  citerai  que  quelques  cas,  mais  caractéristiques. 
Les  premiers  faits  qui  frappèrent  le  plus  vivement  mon 
attention  remontent  aux  effroyables  journées  de  juin  1848 
(Que  Dieu  nous  préserve  d'en  revoir  jamais  de  sembla- 
bles!), qui  firent  momentanément  de  plusieurs  d'entre 
nous  de  vrais  chirurgiens  militaires. 

Chargé  d'une  ambulance,  je  traitai  tous  mes  blessés 
par  l'application  continue  de  compresses  trempées  dans 
un  mélange  d'eau  et  de  teinture  d'arnica,  et  à  l'intérieur 
par  une  boisson  légèrement  arniquée  (1).  Sauf  deux 
hommes,  dont  la  poitrine  était  traversée  de  part  en  part 
par  une  balle,  je  n'en  perdis  aucun.  Les  plaies  suppu- 
rèrent à  peine,  et  plusieurs  guérirent  avec  une  éton- 
nante rapidité. 

Entre  autres,  un  jeune  soldat  blessé  d'un  coup  de  feu 
à  la  jambe  droite.  La  balle  (ronde,  les  coniques  n'étaient 
pas  encore  d'un  usage  général),  entrée  par  la  face  anté- 
rieure du  tibia,  avait  brisé  cet  os;  il  y  avait  à  redouter 

(1)  iv  commençais  alors  l'étude  de  l'homœopathie;  je  leur  donne  au- 
jourd'hui à  prendre  de  la  3e  ou  de  la  6*  dilution. 


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NOTE  SUR  LE  PANSEMENT  DES  PLAIES.  363 

des  accidents  sérieux.  Le  blessé  guérit  sans  inflamma- 
tion, sans  suppuration  et  presque  aussi  vite  que  d  une 
fracture  ordinaire.  Tout  le  monde  sait  cependant  quelle 
gravité  les  plaies  d'armes  à  feu  ajoutent  aux  fractures. 

[Jes  opérations  et  des  accidents  très-divers,  très -dis- 
tincts des  plaies  d'armes  à  feu,  ont  été  rendus  exempts 
de  complications  graves  par  le  même  moyen.  Je  me  rap- 
pelle l'ablation  d'un  sarcocèle  par  J.-P.  Tessier,  qui  n'a- 
vait pas  oublié  sa  première  éducation  chirurgicale,  sous 
le  patronage  de  Dupuytren  :  la  plaie  fut  gujrie  par  pre- 
mière intention.  Deux  opérations  de  hernies  étran- 
glées, faites  également  par  Tessier,  avec  une  habileté, 
une  sûreté  d'exécution  magistrales,  guérirent  avec 
une  rapidité  surprenante,  grâce  à  l'arnica,  admi- 
nistré comme  dans  les  cas  précédents  in  tus  et  extra.  Il  est 
à  noter  que  ces  deux  opérations  furent  faites  sur  des  su- 
jets âgés  et  dans  des  conditions  peu  favorables.  On  avait 
attendu  fort  tard  pour  s'y  décider. 

Je  fus  appelé,  il  y  a  quelques  années,  pour  une  luxa- 
tion du  coude  des  plus  graves;  le  patient  venait  de  tom- 
ber lourdement;  l'extrémité  du  cubitus  avait  déchiré  les 
chairs  et  percé  la  peau  de  façon  à  faire  saillie  au  dehors. 
Un  chirurgien  très-distingué  des  hôpitaux,  appelé  par 
moi,  déclara  que  nous  allions  voir  survenir  les  accidents 
les  plus  graves  à  cause  des  désordres  produits,  suppu- 
rations, abcès  diffus,  peut-être  gangrène,  etc.  Je  le  ras- 
surai, en  le  priant  de  substituer  à  l'emploi  de  la  glace 
qu'il  me  proposait,  celui  de  l'arnica.  A  son  grand  éton- 
nement,  la  luxation  réduite,  il  n'y  eut  pour  ainsi  dire 
pas  de  suppuration,  la  plaie  extérieure  se  cicatrisa  très- 
promptement,  et  tout  se  passa  à  peu  près  comme  dans 
une  luxation  des  plus  simples. 

Dans  un  grand  nombre  d'autres  cas  de  plaies,  de  bles- 
sures, dans  les  brûlures  également,  j'ai  obtenu  de  bien 


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364  THÉRAPEUTIQUE. 

remarqubles  effets  de  l'arnica.  Tous  nos  confrères  en 
sont  là,  et  cependant  la  chirurgie  officielle  ne  veut  pas 
même  essayer  d'une  médication  dont  les  efTets  visibles 
et  constants  sont  les  suivants  :  rétablissement  de  la  vie 
végétative,  altérée  par  les  violences  extérieures,  sur- 
tout dans  les  plaies  graves,  inflammation  nulle  ou  insi- 
gnifiante, suppuration  enrayée,  cicatrisation  par  pre- 
mière intention  ;  dès  lors,  point  de  retentissement  des 
phénomènes  locaux  sur  l'état  général,  point  de  fièvre, 
point  d'éveil  de  la  redoutable  complication  qui  fait  tant 
de  victimes  dans  nos  hôpitaux,  je  veux  parler  de  la  dia- 
thèse  purulente. 

Il  y  a  une  seule  contre-indication  de  l'arnica,  c'est, 
dans  quelques  cas  rares,  et  en  vertu  d'une  sorte  d'idio- 
syncrasie  de  cer  taines  peaux,  la  possibilité  de  voir  sur- 
venir un  érysipèle.  Mais,  qu'on  se  rassure,  l'accident,  qui 
n'est  pas  grave  du  reste  en  pareil  cas,  est  presque  tou- 
jours dû  à  l'usage  d'une  solution  trop  forte.  D'ailleurs, 
qui  ne  sait  que  chez  certaines  gens,  l'application  du  to- 
pique le  plus  anodin  peut  produire  l'érysipèle? 

En  général,  et  sauf  l'exception  que  nous  venons  de  si- 
gnaler ,  la  solution ,  pour  application  de  compresses 
constamment  humectées,  doit  être  dans  la  proportion 
suivante  : 

Eau   200  grammes. 

Teinture  d'arnica  montana  .  10 
^Et  moins,  si  elle  est  très-concentrée  ou  si  on  a  affaire 
à  une  peau  très-excitable). 

Nous  engageons  très-fort  à  soutenir  reflet  de  ce  genre 
de  pansement  par  l'usage  intérieur  d'une  potion  ainsi 

composée  : 

Eau  dist.         125  grammes. 
Arnica.  3a  ou  6e  dil.  gtt.  jj . 

Un  dernier  mot  :  n'est-ce  pas  une  faute  i  m  pardon  na- 


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DRS  COURANTS  CONTINUS  CONSTANTS.  365 

ble,  quand  des  témoins  dont  la  moralité,  dont  la  capa- 
cité n'est  pas  mise  en  doute,  affirment  qu'ils  ont  obtenu 
l<  s  meilleurs  effets  d'une  médication,  de  se  refuser  ob- 
stinément à  l'employer?  Nous  supplions  donc  nos  hono- 
rables et  distingués  confrères  les  chirurgiens,  au  nom 
de  l'intérêt  si  profond  qu'ils  portent  ù  leurs  malades,  de 
ne  pas  négliger  plus  long-temps  un  mode  de  traitement 
si  simple  et  si  puissant. 

Alph.  Milcknt. 


LES  GOURANTS  CONTINUS  CONSTANTS  DANS  L'INFLAM- 
MATION, L'ENGORGEMENT  ET  L'HYPERTROPHIE  DE  LA 
PROSTATE; 

Par  MM.  Jules  Chéron  el  Mohbad-Wolf  (1). 

Etroitement  enveloppée  d'une  membrane  fibreuse 
riche  en  éléments  musculaires,  la  prostate  est  consti- 
tuée par  une  substance  glandulaire  qui  forme,  d'a- 
près Kœlliker,  à  peine  la  moitié  de  la  masse  totale  de 
l'organe,  la  seconde  étant  représentée  par  des  fibres 
musculaires  lisses  réunies  par  du  tissu  coujonctif. 

Un  nombre  considérable  de  vaisseaux  entourent  les 
glandules,  un  réseau  veineux  se  trouve  au-dessous  de 
la  muqueuse  uréthrale. 

La  connaissance  de  l'action  physiologique  des  cou- 
rants continus,  sur  les  fibres  musculaires  lisses  et  sur 
les  parois  des  vaisseaux,  permettait  de  comprendre, 
à  priori,  le  service  qu'on  pouvait  attendre  de  l'applica- 
tion de  ce  moyen  thérapeutique  au  traitement  des  ma- 
ladies de  la  prostate,  telles  que  l'inflammation,  l'engor- 
gement et  l'hypertrophie. 

Circulation  locale  ralentie  ou  arrêtée,  combinaison  de 
ces  deux  états,  telles  sont  les  premiers  termes  de  l'in- 

.1)  Mémoire  publié  cliez  Adrien  Delahayc;  Paris,  1870. 

TOME  XXXI.  —  MAI  1870.  24 


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3fi6  THÉRAPEUTIQUE. 

flammation  que  les  courants  continus  résolvent,  avec 
la  plus  grande  facilité,  lorsqu'il  n'y  a  pas  d'état  fé- 
brile. 

Dans  la  proslatite,  la  résolution  est  obtenue  souvent 
après  deux  ou  trois  applications  ;  le  mode  d'action 
physiologique  ayant  été  déjà  exposé  dans  un  travail  an- 
térieur (1),  il  nous  paraît  suflisant  de  rappeler  que  le 
courant  continu  déterminanl,  de  la  périphérie  au  cen- 
tre, la  perméabilité  successive  des  vaisseaux,  résout 
ainsi  l'inflammation  et  s'oppose  à  l'évolution  de  ses  phé- 
nomènes ultérieurs. 

L'engorgement  d'un  tissu  et,  par  suite,  d'un  organe, 
n'est  autre  que  l'augmentation  de  volume  et  de  consis- 
tance de  cet  organe,  caractérisée  par  la  présence  d'une 
matière  amorphe  demi-solide  ou  liquide  qui  a  exsudé 
entre  les  éléments  anatomiques  qu'elle  tient  écartés 
(Robin). 

Si  l'organe  reste  simplement  infiltré  de  cette  matière 
amorphe,  cet  état  morbide  conservera  le  nom  d'engorge- 
ment. 

Si,  au  contraire,  la  prolifération  des  éléments  fibro- 
plastiques  en  ajoute  un  grand  nombre  à  ceux  qui  exis- 
tent normalement,  l'organe  sera  dit  hypertrophié,  et  cet 
état  morbide  prendra  le  nom  d'hypertrophie. 

La  distinction  entre  ces  deux  états  était  nécessaire 
avant  de  passer  à  l'application  thérapeutique  des  cou- 
rants continus,  car  nous  verrons  plus  loin  que  si  le  ré- 
sultat, remarquable  dans  certains  cas,  laisse  à  désirer 
dans  certains  autres,  c'est  que  l'engorgement  et  l'hy- 
pertrophie ne  cèdent  pas  également  bien  à  ce  mode  de 
traitement. 

La  distension  des  vaisseaux  sanguins  et  lymphatiques 

(t)  Du  traitement  de  Porchito  par  les  courants  continus  constants.  — 
Choron  et  Moreau-Wolf.  (linnte  de  thérapeutique.) 


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DES  COURANTS  CONTINUS  CONSTANTS.  367 

précède  et  accompagne  l'engorgement  d'un  organe. 
Elle  favorise  d'abord  l'exsudation  de  la  matière  amor- 
phe, et  plus  tard  elle  en  devient  la  conséquence. 

La  constitution  histologique  4e  la  prostate  :  éléments 
contractiles  abondants,  vaisseaux  nombreux,  est  des 
plus  favorables  à  l'action  thérapeutique  des  courants 
continus,  et  la  pathogénie  de  l'engorgement  va  nous 
permettre  de  donner  une  explication  satisfaisante  de  leur 
mode  d'aclion. 

Lorsqu'un  courant  électrique  continu  est  employé  à 
résoudre  l'engorgement  de  la  prostate,  il  agit  :  1°  en 
mettant  en  jeu  les  propriétés  spéciales  des  éléments 
anatomiques  (fibres  musculaires,  etc.);  2°  en  favorisant 
les  phénomènes  d'endosmose  (de  Wittich). 

Dans  le  premier  cas,  la  matière  amorphe  infiltrée  que 
nous  avons  signalée  plus  haut  est  soumise  à  une  série 
d'oscillations  causées  par  les  contractions  des  fibres  qui 
font  partie  constituante  de  l'organe  :  d'autre  part,  les 
vaisseaux  distendus  reprennent  leur  autonomie  sous 
l'influence  stimulante  exercée  par  le  courant  sur  les  élé- 
ments musculaires  de  leurs  parois  ;  la  circulation  se  ré- 
tablissant, favorise  la  nutrition  normale  de  l'organe,  de 
concert  avec  le  phénomène  cité  plus  haut. 

Quant  à  l'action  exercée  sur  les  phénomènes  d'endos- 
mose, elle  complète  ce  que  la  circulation  prépare  en 
précipitant  les  échanges  moléculaires  d'où  résultent  la 
nutrition. 

Lorsque  le  courant  comprend  dans  son  circuit  la 
prostate,  l'un  des  pôles  (nous  verrons  plus  tard  quel 
est  celui  qu'il  nous  semble  utile  d'appliquer)  étant  avec 
elle  en  contact  aussi  immédiat  que  possible,  l'action  du 
courant  s'exerce  d'abord  à  la  périphérie,  sur  les  parois 
de  vaisseaux  dans  lesquels  le  sang  circule  encore,  mais 
difficilement  ;  sous  l'inÛuence  de  ce  stimulant,  la  pres- 


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368  THÉRAPEUTIQUE. 

sion  augmente,  et  la  perméabilité  tend  à  se  rétablir  dans 
un  certain  nombre  des  vaisseaux.  Peu  à  peu  la  circula- 
tion reprend  son  cours  dans  l'organe  tout  entier,  la  ma- 
tière infiltrée  se  résorbe,  la  sécrétion  des  glandules 
prostatiques  reparait  ;  en  un  mot,  la  nutrition  normale 
se  rétablit,  en  môme  temps  que  la  circulation. 

Un  petit  nombre  d'applications  suffisent  à  résoudre 
l'inflammation  ou  l'engorgement.  Voyons  ce  que  nous 
pouvons  obtenir  dans  l'hypertrophie. 

L'hypertrophie  est  consécutive-  à  l'inflammation,  ou 
plutôt  aux  phénomènes  qui  en  découlent;  dans  quel- 
ques cas,  l'engorgement  seul  peut  en  être  le  prélude. 

Ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus  haut,  il  y  a  hypertro- 
phie lorsque,  dans  la  matière  amorphe  infiltrée  entre 
les  éléments  anatomiques,  il  y  a  prolifération  de 
ceux-ci. 

Pouvons-nous  espérer  une  destruction  complète  de 
cette  hypertrophie  au  moyen  des  courants  continus? 

Notre  opinion  est  que  le  rétablissement  aussi  complet 
que  possible  de  la  circulation  ne  suffit  point,  dans  le 
plus  grand  nombre  des  cas,  à  déterminer  la  régression 
des  éléments  anatomiques  nouveaux  arrivés  à  leur  état 
complet  de  développement. 

Dans  l'état  d'hypertrophie  confirmée,  lorsque  les  ca- 
naux desglandules  prostatiques  sont  obstrués  par  l'ob- 
stacle que  crée  l'augmentation  de  consistance  des  élé- 
ments constituants  de  l'organe,  lorsque,  sous  cette  in- 
fluence, les  glandules  se  sont  remplies  de  concrétion, 
enfin,  lorsque  les  vaisseaux,  dilatés  et  gorgés  de  sang1, 
ne  livrent  que  très-incompléiement  passage  à  ce  liquide, 
l'action  du  courant  continu  peut  encore  rendre  quel- 
ques services;  elle  ne  peut  conduire  à  une  résolution 
complète  de  cet  état. 

En  effet,  dans  les  vaisseaux  qui  ne  sont  point  encore 


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DES  COURANTS  CONTINUS  CONSTANTS.  369 

complètement  obstrués  et  dont  les  parois  n'ont  point 
encore  vu  leurs  éléments  s'altérer,  le  courant  continu 
peut  ramener  la  circulation,  diminuer,  en  facilitant  une 
résorption  partielle,  le  volume  de  l'organe,  favoriser 
ainsi  l'émission  de  l'urine,  atténuer  considérablement 
les  souffrances  du  malade,  mais  bientôt  les  progrès,  dans 
le  sens  de  la  guérison,  cessent  de  se  faire  ;  c'est  que  les 
éléments  anatomiques  proliférés  résistent  à  l'action  ré- 
gressive que  le  courant  continu  est  impuissant  à  leur 
imprimer. 

En  conséquence,  si  le  courant  continu  ne  peut  ame- 
ner la  résorption  complète  de  l'hypertrophie  prostatique, 
il  peut,  en  résolvant  l'engorgement  qui  l'accompagne, 
rendre  les  plus  grands  services  au  malade. 

Il  fait  rapidement  disparaître  l'inflammation  et  l'en- 
gorgement, qui  sont  au  moins  aussi  fréquents,  sinon 
plus  fréquents  que  l'hypertrophie  elle-même  :  les  ré- 
sultats obtenus  sont  rapides,  l'applic  i«ion  n'en  est  ni 
douloureuse  ni  pénible,  comme  celle  des  courants  in- 
duits, et  il  n'exerce  point  une  sorte  d'agacement  sur  la 
sensibilité  générale  comme  ces  derniers. 

MODE  OPÉRATOIRE. 

Voici  le  moyen  que  nous  avons  employé  pour  obtenir 
les  résultats  que  nous  venons  de  rapparier. 

Unpôie  armé  d'un  excitateur  cylindrique  en  cuivre, 
dont  l'arête  supérieure,  est  émoussée,  est  recouvert  de 
toile,  plongé  dans  l'eau,  et  introduit  ensuite  dans  le  rec- 
tum, de  façon  à  être  mis  en  contact  avec  la  face  infé- 
rieure de  laprostate.  Après  avoir  pratiqué  le  toucher  et 
mesuré  la  distance  qui  la  sépare  de  la  marge  de  l'anus, 
une  marque  est  faite  sur  le  manche  de  l'instrument,  au- 
quel on  fait  décrire  une  sorte  de  mouvement  de  bascule, 


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370  THÉRAPEUTIQUE. 

afin  qu'il  reste  bien  en  contact  avec  la  face  antérieure 
du  rectum. 

Le  second  pôle,  armé  d'une  éponge  mouillée,  est 
mis  en  contact  avec  le  périnée. 

Suivant  la  sensibilité  de  l'individu  et  l'état  passif 
de  l'engorgement  ou  de  l'hypertrophie,  on  doit  em- 
ployer huit,  dix,  douze,  seize  et  même  vingt  éléments 
de  Remak. 

La  durée  des  applications  est  en  moyenne  d'une  di- 
zaine de  minutes  ;  nous  les  avons  répétées  de  deux  en 
deux  jours. 

Quel  pôle  doit-on  mettre  en  contact  avec  la  prostate  ? 

L'engorgement  de  la  prostate  est  habituellement  in- 
dolore; aussi,  dans  ces  cas-là,  avons-nous  toujours 
placé  le  pôle  négatif  dans  le  rectum.  Chacun  connaît 
l'action  électrolytique  qu'exerce  ce  pôle;  en  un  mot,  son 
action  résolutive  (Kemak,  etc.). 

Si  on  a  affaire  à  l'inflammation  ou  à  cet  état  d'hyper- 
trophie douloureuse  ancienne  qui  se  complique  d'un 
certain  état  inflammatoire,  le  pôle  positif  dans  le  rectum 
et  un  petit  nombre  d'éléments,  huit  ou  dix,  nous  ont 
donné  les  meilleurs  résultats,  c'est-à-dire  la  disparition 
rapide  de  la  douleur  et  de  la  dysurie. 

Il  peut  sembler  plus  rationnel  de  placer  une  sonde 
dans  l'urèthre  et  de  la  faire  communiquer  avec  un 
des  pôles,  le  second  étant  maintenu  dans  le  rectum  ; 
nous  avons,  au  début,  employé  ce  moyen,  mais  nous 
savons  que  le  cathétérisme  répété  n'est  pas  également 
bien  supporté  par  tout  le  monde;  secondement,  nous 
avons  maintes  fois  constaté  que  la  guérison  arrive  aussi 
vite,  que  le  pôle  soit  au  périnée  ou  dans  l'urèthre.  Il 
était  naturel  de  donner  la  préférence  au  plus  simple  et 
au  plus  inoffensif  des  deux  procédés. 


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DKS  COURANTS  CONTINUS  CONSTANTS. 


Observation  I. 

■ 

1)...,  59  ans,  artiste  musicien,  se  présente  à  la  consultation  de 
notre  dispensaire  le  7  octobre  1869.  Le  malade  a  eu,  il  y  a  vingt- 
cinq  ans,  une  blennorrhagie  qui  a  été  mal  soignée  ;  l'écoulement  a 
persisté  un  an.  Pendant  plus  de  deux  ans,  le  sieur  D...  a  ressenti 
des  douleurs  légères  dans  le  canal  pendant  la  miction;  il  n'a  jamais 
eu  d'autres  accidents  vénériens.  Jamais  il  n'a  rendu  de  gravelle 
dans  les  urines,  et  d'une  sobriété  habituelle  très- grande,  il  n'a  ja- 
mais abusé  des  femmes. 

Il  y  a  trois  ou  quatre  ans  que  le  malade  s'aperçoit  qu'il  urine 
moins  librement  ;  les  urines  sont  souvent  lentes  à  venir,  et  le  jet 
est  un  peu  déformé. 

Il  y  a  un  an  qu'il  ressent  une  douleur  vague,  avec  constriction . 
dans  le  canal  ;  cette  douleur,  plus  vive  dans  la  fosse  naviculairc, 
irradie  dans  l'anus  et  le  périnée.  Pesanteurs  habituelles  au  bas- 
ventre;  les  garde-robes  sont  faciles,  souvent  môme  diarrhéiques  ; 
les  urines  limpides  ;  leur  analyse  ne  nous  révèle  rien  d'anormal. 
Actuellement,  la  malade  urine  tantôt  par  un  petit  filet  régulier, 
tantôt  lemissicn  se  fait  de  travers,  et  le  jet  se  produit  en  tire- 
bouchon. 

Le  sieur  D...  se  plaint  aussi  d'un  affaiblissement  marqué  dans  les 
jambes;  souvent  il  est  pris  de  prostration  ;  le  moral  lui-même  est 
affecté  par  la  marche  progressive  des  phénomènes  que  nous  venons 
de  noter. 

Séance  tenante,  nous  pratiquons  le  cathétérisme,  qui  est  rendu 
un  peu  difficile  par  une  saillie  au  niveau  de  la  région  prostatique  ; 
l'introduction  du  cathéter  n'est  pas  douloureuse.  Après  avoir  in- 
jecté de  l'eau  tiède  dans  la  vessie,  nous  explorons  cet  organe  avec 
le  plus  grand  soin,  et  l'examen  auquel  nous  nous  livrons  nous 
permet  de  constater  sou  intégrité  absolue  et  l'absence  de  tout 
calcul. 

Par  le  toucher  rectal,  nous  trouvons  la  prostate  très -volumi- 
neuse, également  augmentée  de  volume  dans  toute  son  étendue, 
très-dure;  par  la  pression,  nous  n'y  déterminons  aucune  douleur. 

Ayant  juge  utile  l'application  des  courants  continus  constants, 
nous  prévenons  le  malade  que  nous  allons  commencer  un  traitement 
qui  peut  être  long,  dont  il  ne  ressentira  pas  immédiatement  l'heu- 
reuse influence,  et  que,  s'il  veut  être  soulagé,  il  lui  faudra  beaucoup 


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372  THÉRAPEUTIQUE. 

de  patience,  lui  promettant  que,  quant  à  nous,  cette  qualité  ne  nous 
fera  pas  défaut. 

Première  application  pendant  cinq  minutes,  avec  10  éléments,  le 
7  octobre,  puis  trois  fois  par  semaine  jusqu'à  aujourd'hui,  20  no- 
vembre. 

Au  bout  de  vingt  applications,  le  malade  note  lui-même  une  amé- 
lioration sensible  dans  son  état,  «juoique,  à  la  suite  d'un  refroidisse- 
ment, une  petite  recrudescence  ait  eu  heu  ces  jours-ci.  Nous  con- 
statons nous-mème  que  la  prostate  est  moins  dure  et  moins  volumi- 
neuse. Les  pesanteurs  ont  disparu  et  les  urines  coulent  plus 
facilement.  Nous  sommes  aujourd'hui  convaincus  que  si  le  sieur 
D...  continue  à  se  soumettre  au  traitement,  l'amélioration  qu'il 
éprouve  va  suivre  une  marche  progressive  à  son  grand  bénéfice. 

Observation  II. 

P...,  10  ans,  peintre  sur  porcelaine,  s'est  beaucoup  masturbé 
dans  son  enfance  et  a  toujours  abusé  des  jouissances  vénériennes. 

Le  sieur  P...  a  eu  -leux  blennorrhagies,  dont  la  dernière  remonte 
à  un  an  ;  elles  ont  été  soignées  rationnellement  et  n'ont  laissé  au- 
cune trace. 

Depuis  trois  mois,  le  malade  s'aperçoit  qu'il  urine  moins  facile- 
ment par  un  jet  en  forme  de  vrille ,  il  éprouve  des  douleurs  assez 
vives  dans  la  verge  et  le  rectum;  presque  continuellement  il  a  la 
sensation  de  garde-robes  se  présentant  à  l'anus,  et  il  a  des  alterna- 
tives de  constipation  et  de  diarrhée.  Le  médecin  du  malade  lui  a 
conseillé  l'usage  des  bain»,  cataplasmes,  suppositoires  belladonés, 
et  même  des  sangsues  au  périnée.  Malgré  le  soulagement  momen- 
tané qu'apporte  à  son  état  l'usage  de  ces  divers  moyens,  le  sieur 
P...  est  obligé  de  se  sonder  souvent  et  bientôt  même  tous  les  jours, 
le  matin. 

Enfin,  il  y  a  six  semaines,  il  lui  est  impossible,  un  matin,  d'intro- 
duire la  sonde  en  gomme  dont  il  se  sert  habituellement  ;  le  médecin 
auquel  il  a  recours  pratique,  quoique  avec  difficulté,  le  eathété- 
risme,  qui,  très-doulouieux,  est  suivi  d  un  écoulement  de  sang  assez 
considérable.  Un  soulagement  très-grand  succède  à  cette  opération , 
et,  grâce  aux  bains,  aux  onctions  belladonées,  le  malade  peut  vaquer 
à  ses  occupations  pendant  une  dizaine  de  jours.  Mais  à  ce  moment, 
nouvelle  rétention  d'urine  traitée  par  les  mêmes  moyens.  Le  mé- 
decin du  sieur  P....  pendant  quinze  jours,  lui  passe  tous  les  jours 
des  bougies  en  gomme,  de  façon  qu'au  bout  de  cetto  t>  viode  le  ma- 


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DKS  COURANTS  CONTINT*  CONSTANTS.  373 

lade  urine  assez  librement  ;  mais,  ayant  cessé  l'usage  des  bougies, 
le  canal  perd  peu  à  peu  sa  perméabilité,  les  douleurs  péniennes  et 
rectales  reparaissent,  et  le  sieur  P...  se  décide  à  venir  nous  con- 
sulter. 

Le  12  juin  1869,  nous  constatons  l'intégrité  absolue  de  la  vessie 
et  des  régions  spongieuses  et  membraneuses  de  l'urèthrc,  mais  la 
sonde  est  arrêtée  par  une  saillie  de  la  prostate  qui  rend  le  cathété- 
risme  très-difficile. 

Par  le  toucher  rectal,  nous  trouvons,  en  effet,  une  prostate  assez 
volumineuse  augmentée  de  volume  également  dans  tous  ses  dia- 
mètres, à  consistance  presque  normale  et  douloureuse  à  la  pres- 
sion. Le  malade  se  plaint,  surtout  la  nuit,  d'envies  fréquentes 
d'uriner  que  le  matin  il  est  souvent  impossible  de  satisfaire  ;  il  est 
très-constipé,  et  tout  travail  lui  est  impossible. 

18  applications  (en  six  semaines),  des  courants  continus  con- 
stants suffisent  pour  amener  un  soulagement  tel  que  le  sieur  P..., 
qui  peut  difficilement  prendre  sur  ses  heures  de  travail  le  temps 
nécessaire  pour  venir  au  dispensaire,  nous  demande  l'autorisation 
de  cesser  le  traitement.  La  prostate  a  diminue  d'une  façon  notable, 
la  miction  s'opère  facilement,  les  garde-robes  sont  normales,  et 
enfin  le  passage  de  la  sonde  se  fait  facilement,  sans  que  nous 
trouvions  trace  de  la  saillie  prostatique  observée  au  début  du  trai- 
tement. 

Observation  111. 

Clément,  32  ans,  cordonnier,  a  eu  trois  biennorrhagies,  la  der- 
nière il  y  a  deux  ans.  Elles  ont  été  mal  soignées.  Goutte  militaire 
habituelle.  Pas  de  syphilis. 

Depuis  six  mois,  ce  malade,  que  l'exercice  de  son  métier  force  à 
rester  plusieurs  heures  assis,  éprouve  des  pesanteurs  et  des  élan- 
cements <lans  le  rectum. 

Le  canal  de  l'urèthre  est  douloureux  dans  toute  son  étenlue, 
surtout  au  niveau  de  la  fosse  naviculaire  et  dans  les  régions  pro- 
fondes. Depuis  trois  mois,  il  urine  moins  facilement,  la  nuit  et  le 
matin  surtout. 

Il  est  souvent  forcé,  quelle  que  soit  l'envie  qu'il  éprouve  d'uriner, 
de  solliciter  sa  vessie  pendant  deux  à  trois  minutes  pour  que  la  mic- 
tion s'opère.  Il  redoute  de  se  livrer  au  coït,  car  l'éjaculation  est 
très-douloureuse  et  suivie,  le  lendemain,  d'une  gène  plus  grande 
dans  le  cours  des  urines.  Constipation  opiniâtre,  selles  pénibles  sui- 


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374  ♦  TTÏKRAPEUTIQUK. 

vies  d'un  suitement  que  le  microscope  nous  révèle  n'être  que  du 
fluide  prostatique.  Urines  normales. 

Le  canal  de  l'urèthre  est  libre  jusqu'à  la  région  prostathrae,  où 
une  exploration  attentive  nous  permet  de  constater  une  saillie  con- 
sidérable qui  rend  le  cathétérisme,  pratiqué  avec  la  sonde  à  cour- 
bure ordinaire,  difficile  et  douloureux.  La  sonde  prostatique  est 
déviée  à  droite  à  ce  niveau,  ce  qui  indique  une  byperthropbie  du 
lobe  gauche  de  la  prostate. 

Par  le  toucher  rectal,  nous  constatons  que  la  prostate  est  volumi- 
neuse, assez  dure,  et  que  le  lobe  gauebe  est,  en  effet,  plus  volumi- 
neux que  le  droit. 

Le  40  septembre,  nous  appliquons,  pour  la  première  fois,  les 
courants  continus.  Au  bout  de  5  applications,  tous  les  symptômes 
douloureux  cessent,  et  les  urines  commencent  à  couler  plus  facile- 
ment. Enfin,  20  applications  suffisent  pour  faire  cesser  tous  les  ac- 
cidents et  pour  permettre  au  malade  de  reprendre  son  travail.  Le 
sieur  Clément  a  néanmoins  la  sagesse  de  venir  toutes  les  semaines 
se  faire  faire  une  application.  Chose  singulière,  pour  le  toucher 
rectal,  nous  ne  trouvons  point  que  la  prostate  ait  diminué  d'une 
façon  appréciable. 

Observation  IV. 

D...,  i9  ans,  artiste  peintre.  Ce  malade  a  abusé  de  la  vie  ;  il  a 
contracte,  à  l'âge  de  18  ans,  un  chancre  qui  n'a  pas  été  suivi  d'ac- 
cident, et  une  blennorrhagic  qui  a  laissé  à  sa  suite  un  écoulement 
qui,  sujet  a  des  recrudescences  à  chaque  écart  de  régime,  persiste 
encore  à  l'heure  qu'il  est. 

Le  sieur  D...  a  été  opéré,  il  y  a  deux  ans,  d'une  hernie  étranglée; 
depuis  cette  opération,  le  malade  est  forcé  de  se  sonder  tous  les 
jours,  s'il  ne  veut  être  repris  de  rétention  d'urine,  accident  qui  lui 
est  survenu  après  l'opération. 

Les  urines  sont  punUentcs  ou,  du  moins,  nous  y  constatons  la 
présence  de  nombreux  leucocytes. 

Elles  renferment  même  quelquefois  des  glaires  qui  viennent  obs- 
truer les  yeux  de  la  sonde. 

Mais,  si  le  malade  vient  nous  consulter,  c'est  surtout  pour  un  feu 
(sic)  qui  de  temps  en  temps,  tous  les  deux  ou  trois  jours,  le  fait 
souffrir  beaucoup. 

C'est  une  sensation  de  brûlure,  au  méat,  survenant  brusquement, 
sans  causes  appréciables,  et  irradiant  au  périnée.  Alors,  nous  dit  le 


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DES  COURANTS  CONTINUS  CONSTANTS.  375 

sieur  D..M  je  suis  forcé  de  courir  prendre  un  bain  prolongé  qui, 
d'habitude,  suffit  à  calmer  cette  douleur  qui,  sans  cela,  devien  - 
drait  intolérable.  Le  malade  peut  prédire ,  lorsqu'il  s'aperçoit 
d'une  plus  grande  difficulté  à  uriner,  que  le  lendamain  son  feu  le 
reprendra. 

Il  est  intéressant  de  noter  ici  que  cette  douleur,  que  presque  tous 
les  malades  accusent  lors  de  l'émission  des  urines,  se  reproduisait 
ici  au  moment  le  plus  inattendu,  lors  même  que  le  sieur  D...  tra- 
vaillait. 

La  vessie  est  saine,  les  parois  du  canal  sont  épaissies,  dures,  sans 
souplesse,  le  cathétérisme  est  pratiqué  sans  provoquer  de  douleurs 
et  sans  grandes  difficultés  ;  ces  difficultés  tiennent,  en  tout  cas,  au 
manque  de  souplesse  des  parois  de  l'urèthre  qui,  chez  le  sujet  de 
cette  observation,  donnent  à  la  main  de  l'opérateur  une  sensation 
toute  particulière  ;  il  semble,  en  effet,  que  l'on  fait  parcourir  à 
l'instrument  un  tube  de  cuir. 

Par  le  toucher  rectal,  nous  constatons  que  la  prostate  est  volu- 
mineuse; à  consistance  normale  ;  les  deux  lobes  latéraux  sont  hy- 
pertrophiés également. 

Afin  de  comparer  les  divers  modes  de  traitement  proposés  contre 
les  affections  de  cette  nature,  au  moyen  que  nous  préconisons  au- 
jourd'hui, nous  soumettons  le  malade  aux  injections  intra-vésicales 
phéniquées,  aux  opiacés,  aux  bains  de  siège,  lavements  frais,  sup- 
positoires, purgatifs,  etc.,  pendant  que  nous  continuons  à  prescrire 
l'usage  de  la  sonde. 

Tout  ceci  nous  permet  bien  d'améliorer  légèrement  son  état, 
mais  sans  faire  cesser  les  phénomènes  douloureux  et  la  dysurie. 
Aussi,  le  15  septembre,  nous  décidons-nous  à  employer  l'électri- 
cité. 

Aujourd'hui,  20  novembre,  par  20  applications,  nous  sommes 
arrivés  au  résultat  suivant. 

Depuis  six  semaines,  le  malade  ne  s'est  pas  sondé  ;  il  urine  libre- 
ment et  n'a  pas  ressenti  une  seule  crise  de  son  feu  depuis  cotte 
époque.  La  prostate  a  diminué  sensiblement,  les  urines  sont  claires, 
et  le  microscope  ne  nous  permet  plus  d'y  trouver  de  leucocythes. 
L'état  général  s'améliore  de  jour  en  jour.  Nous  ne  faisons  plus,  de- 
puis le  15  courant,  qu'une  application  par  semaine. 

Observation  V. 

G...,  71  ans,  tailleur.  Ce  malade  vient  nous  consulter  le  4  jau- 


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3*?6  THÉRAPEUTIQUE. 

vier  1869.  Il  a  eu  trois  blennorrhagies  dont  la  dernière  remonte  à 
plus  de  trente  ans;  jamais  de  syphilis. 

Etat  actusl.  Le  sieur  G...  se  plaint  de  douleurs  très- vives  dans  la 
fosse  naviculaire  irradiant  le  long  de  la  verge  jusqu'au  périnée.  Pe- 
santeurs dans  le  rectum  avec  sensation  continuelle  de  garde-robes 
se  présentant  à  l'anus.  Alternatives  de  constipation  et  de  diarrhée  ; 
lorsque  les  selles  sont  dures,  leur  passage  détermine  de  la  douleur, 
il  n'y  a  pas  d'hémorrhoïdes.  La  miction  ne  s'opère  qu'avec  difficulté 
la  nuit  surtout  et  le  matin  ;  dans  la  journée  le  malade  urine  un  peu 
plus  facilement,  quoiqu'il  lui  faille  toujours  solliciter  sa  vessie  pen- 
dant quelques  minutes. 

Le  canal  est  libre  jusqu'à  la  région  prostatique  ;  en  ce  point,  quels 
que  soient  les  manœuvres  et  les  instruments  employés,  il  nous  est 
impossible  de  pratiquer  le  cathétérisme,  qui  du  reste  a  été  tenté 
infructueusement  par  plusieurs  chirurgiens  ;  soit  en  ville,  soit  à 
l'hôpital. 

C'est  à  peine  si  une  bougie  de  baleine  courbée  peut  pénétrer  dans 
la  vessie. 

Mais  cette  opération  est  même  si  douloureuse  que  nous  croyons 
inutile  d'insister.  Les  urines  sont  troubles,  elles  se  décomposent 
promptement,  et  par  l'examen  microscopique  nous  y  trouvons  de 
nombreux  leucocythes. 

Par  le  toucher  rectal,  nous  constatons  que  la  prostate  est  très- 
volumineuse  ;  elle  est  également  augmentée  de  volume  dans  toutes 
ses  parties  ;  cette  glande  est  dure  et  douloureuse  à  la  pression. 

Nous  soumettons  immédiatement  le  sieur  G...  ou  traitement  par 
les  courants  continus. 

Pendant  cinq  mois,  trois  fois  par  semaine,  le  malade  a  eu  la 
constance  de  venir  sn  faire  électriser;  aussi,  tous  les  mois,  consta- 
tons-nous la  diminution  du  volume  de  la  prostate,  et  l'aiguille  du 
galvanomètre  nous  indique-t-elle.  par  une  déviation  de  plus  en  plus 
considérable,  le  passage  plus  facile  du  courant  à  travers  cette  glande. 
L'émission  des  urines  se  fait  de  plus  en  plus  facilement,  et  le  ma- 
lade, qui  quelquefois  était  forcé  d'attendre  leur  sortie  pendant  une 
heure,  tous  les  matins  est  de  jour  en  jour  forcé  d'attendre  moins  de 
temps.  Les  pesanteurs  au  fondement  et  les  élancements  cessent  au 
bout  de  10  applications;  les  garde-robes  se  font  plus  facilement  et 
les  urines  deviennent  de  plus  en  plus  limpides  ;  il  nous  arrive  sou- 
vent de  n'y  plus  trouver  de  leucocythes,  elles  ne  se  décomposent 
plus.  Bref,  au  mois  de  mai,  le  canal  de  l'urcthre  a  recouvré  une 


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DES  COURANTS  CONTINUS  CONSTANTS.  377 

perméabilité  telle  qu'il  nous  est  permis  «l'employer  la  dilutation 
progressive  avec  les  bougies  en  gomme,  en  continuant  toutefois  le 
traitement  par  l'électricité. 

Le  10 juin,  le  malade  pisse  librement  à  plein  canal;  nous  som- 
mes arrivés  à  passer  facilement,  sans  déterminer  aucune  douleur» 
le  n°  24  de  la  libère  Charrière.  Quelques  injections  intra-vésicales 
phéniquées  au  1  millième  et  des  capsules  de  térébentbine  complè- 
tent le  traitement. 

Observation  VI. 

Norbert  D***,  32  ans,  employé,  se  présente  à  la  consultation  du 
Dispensaire  le  7  juin  1869.  Le  malade  a  eu  deux  blennorrhagies, 
dont  la  dernière  remonte  à  buit  aus.  Elles  ont  été  mai  soignées, 
mais  néanmoins  le  sieur  D"*  n'a  pas  conservé  de  suintement  habi- 
tuel. L'émission  des  urines  se  fait  bien,  mais  saus  énergie,  et  le 
malade  est  forcé  d'attendre  un  peu  leur  sortie.  Constipation  habi- 
tuelle ;  le  passage  des  selles  ne  détermine  pas  de  douleurs. 

Depuis  plus  d'un  an,  élancements  très-vifs  dans  la  fosse  navicu- 
laire  et  dans  toute  la  verge,  avec  irradiation  dans  la  région  prosta- 
tique et  le  rectum.  Envies  fréquentes  d'uriner.  Le  malade  est  en 
érection  toutes  les  nuits,  et  i'éjaeulation  est  douloureuse.  L'examen 
des  uriues  ne  nous  révèle  rien  d'anormal  dans  leur  constitution.  La 
pression  de  la  région  vésicale  détermine  un  peu  de  douleur. 

Nous  pratiquons  le  catbétérisme  relativement  avec  facilité,  quoi- 
qu'une saillie  prostatique  assez  considérable  nécessite  une  manœu- 
vre appropriée.  La  vessie  est  saine. 

Le  toucher  rectal  nous  permet  de  constater  une  augmentation 
notable  du  volume  de  la  prostate,  qui  est  volumineuse,  surtout  si 
on  a  égard  à  1  âge  du  malade  ;  par  la  pression  nous  y  provoquons 
une  légère  sensation  douloureuse.  Le  lobe  droit  de  cette  glande  est 
beaucoup  plus  considérable  que  le  gauche. 

Nous  appliquons  les  courants  continus;  des  la  troisième  applica- 
tion, cessation  des  phénomènes  douloureux  et  des  pesanteurs.  A  la 
huitième  séance,  le  sieur  D"*  commence  à  noter  une  amélioration 
telle  que  si  nous  ne  nous  y  opposions  pas  il  cesserait  tout  traitement, 
mais  nous  croyons  sage  de  persister.  Enfin,  au  bout  de  20  applica- 
tions, nous  constatons  une  diminution  appréciable  du  volume  de  la 
prostate  ;  les  selles  se  font  facilement  et  la  miction  s'opère  d'une  fa- 
çon normale  ;  le  malade  n'éprouve  plus  aucun  des  symptômes  qui 
l'avaient  engagé  à  venir  nous  consulter. 


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378  THÉRAPEUTIQUE. 

En  pratiquant  le  cathétérisme,  nous  trouvons  bien  toujours  la 
saillie  prostatique,  mais  elle  est  beaucoup  moins  considérable.  Le 
traitement  a  dure  en  tout  deux  mois. 

Observation  VII. 

G...,  67  ans,  ancien  instituteur,  se  présente  à  notre  consultation 
le  7  juin  1869.  Plusieurs  blennorrhagies,  pas  de  syphilis.  A  beau- 
coup abusé  des  boissons  spiritucuscs  et  des  femmes.  Il  y  a  au  moins 
trois  ans  que  le  malade  a  constaté  une  grande  diminution  dans  le 
volume  du  jet  des  urines.  Pesanteurs  et  élancements  <!ans  le  rec- 
tum. Douleurs  dans  la  verge,  irradiant  à  la  région  prostatique. 
Difficulté  de  plus  en  plus  grande  à  opérer  la  miction,  surtout  la 
nuit.  Les  urines  sont  lentes  à  venir  ;  le  sieur  G...  les  attend  quel- 
quefois pendant  dix  minutes,  et  souvent  ce  n'est  qu'en  malaxant  le 
gland  qu'il  peut  obtenir  leur  émission.  Les  urines  sont  légèrement 
catarrhales  et  souvent  même  ammoniacales.  Douleurs  très-vives  au 
col  de  la  vessie,  constipation  habituelle,  selles  douloureuses.  Le  ma- 
lade a  passé  entre  les  mains  d'une  foule  de  médecins  qui  tour  à  tour 
lui  ont  conseillé  l'usage  de  différentes  eaux  minérales,  et  lui 
ont  pratiqué  des  injections  intra-vésicales  ;  il  a  fait  usage  de  pom- 
mades de  différentes  natures,  de  l'hydrothérapie;  lavements  froids, 
suppositoires  belladonés,  etc.;  le  tout  n'a  jamais  amené  que  des 
améliorations  passagères.  Le  cathétérisme  qui  est  douloureux  se 
fait  avec  difficulté,  ce  qui  est  dû  à  une  saillie  prostatique  considéra- 
ble à  gauche;  la  sonde  est  en  effet  déviée  à  droite  à  son  passage  dans 
cette  région.  La  vessie  est  saine.  Le  toucher  rectal  confirme  le  dia- 
gnostic: le  lobe  gauche  de  la  glande  est  en  effet  très-volumineux, 
tandis  que,  chose  assez  rare,  le  lobe  droit  est  presque  d'un  volume 
normal.  La  pression  de  la  prostate  provoque  de  la  douleur. 

28  applications  (2  par'semaine)  amènent  un  soulagement  consi- 
dérable :  les  urines  coulent  plus  facilement,  la  constipation  est  moins 
grande,  les  phénomènes  douloureux  n'existent  plus,  la  douleur  au 
col  vésical  est  très-atténuée  et  ne  se  manifeste  plus  que  rarement. 
Grâce  a  quelques  injections  à  l'eau  de  goudron,  les  urines  sont  re- 
devenues normales.  Malheureusement,  le  sieur  G...  est  forcé  de 
quitter  Paris  au  moment  où  nous  pouvions  lui  prédire  d'une  façon 
certaine  un  succès  complet  ;  en  effet,  si  la  prostate  n'a  pas  diminué 
d'une  façon  très-appréciable  par  le  toucher  rectal  ;  néanmoins,  le 
cathétérisme  nous  permet  de  constater  que  la  déviation  produite  par 


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DES  COURANTS  CONTINUS  CONSTANTS.  379 

l'hypertrophie  du  côté  gauche  de  cette  glaDde  est  beaucoup  moins 
sensible. 

Observation  VIII. 

M...,  61  ans,  employé  en  retraite,  a  toujours  eu  une  vie  très-agi- 
tée, une  seule  blennorrhagie  il  y  a  plus  de  quarante  ans,  jamais 
d'autres  accidents  vénériens.  Depuis  trois  ans  environ  le  malade  s'a- 
perçoit qu'il  urine  moins  facilement  ;  les  urines  sont  longues  à  ve- 
nir, surtout  le  matin.  Aussi  depuis  trois  mois  a-t-il  recours  deux 
fois  par  jour  au  cathétérisme  qu'il  pratique  lui-même  avec  une 
sonde  de  gomme  à  olive  n°  8.  Il  peut  néanmoins  uriner  sans  avoir 
besoin  de  se  sonder,  mais  la  miction  est  alors  très-longue  à  s'opérer, 
et  les  efforts  qu'il  fait  le  fatiguent  beaucoup.  Les  urines  sont  nor- 
males. Les  fonctions  de  reproduction  sont  éteintes  depuis  huit  ou 
dix  ans.  Le  sieur  M...  est  un  vieillard  dans  l'acception  du  mot,  les 
digestions  sont  pénibles,  les  garde-robes  rares  et  très-dures.  Le  ma- 
lade se  plaint  en  outre  de  pesanteurs  et  d'élancements  qui  le  gênent 
beaucoup,  et  qui,  surtout  après  une  journée  de  travail  assis,  le  for- 
cent à  avoir  recours  fréquemment  à  des  bains  de  siège,  qui  ne  pro- 
duisent d'amélioration  qu'à  la  condition  de  se  coucher  immédiate- 
ment après. 

Nous  explorons  séance  tenante  (10  juin  1869)  le  canal  de  l'urè- 
thre,  que  nous  trouvons  libre  jusqu'à  la  région  prostatique  que  nous 
essayons  en  vain  de  franchir  :  une  saillie  considérable  nous  barre  le 
passage  ;  ce  n'est  qu'avec  la  sonde  en  gomme  à  béquille  n°  \  6  que 
nous  parvenons  à  pénétrer  dans  la  vessie . 

Le  toucher  rectal  nous  révèle  une  prostate  très-volumineuse,  les 
deux  lobes  latéraux  sont  augmentés  de  volume  inégalement,  le  gau- 
che est  plus  gros  que  le  droit  ;  la  pression  n'y  détermine  point  de 
douleur. 

Il  est  important  de  noter  ici  que  le  sieur  M...  a  consulté  plusieurs 
médecins  et  qu'il  a  suivi  exactement  les  divers  moyens  proposés  par 
ces  confrères  ;  bains  prolongés,  cataplasme,  frictions  et  onctions  avec 
différentes  pommades,  suppositoires,  lavements  frais  et  jusqu'à  la  di- 
latation progressive,  toniques  et  amers,  etc...,  tout  a  été  essayé  sans 
succès. 

Nous  faisons  usage  des  courants  continus,  selon  notre  procédé  ha- 
bituel, en  recommandant  au  malade  de  cesser  l'emploi  de  la  sonde. 
Gomme  adjuvants  du  traitement  par  l'électricité  nous  prescrivons  le 
quinquina,  les  amers,  les  ferrugineux,  les  laxatifs  et  les  bains  tiédes. 


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380  THÉRAPEUTIQUE. 

Par  douze  séances  de  dix  minutes,  en  un  mois,  nous  obtenons  un 
soulagement  très-marque,  les  urines  coulent  plus  facilement,  sans 
qu'il  y  ail  besoin  pour  cela  de  faire  dos  efforts  aussi  grands  que  par 
le  passé,  le  cathéU'rime  avec  les  sondes  métalliques  à  grandes  cour- 
bures quoique  toujours  ditlicileestpossibl  ■  et  ne  détermine  point  de 
douleurs,  l'état  général  est  meilleur,  il  n'y  a  plus  de  pesanteurs  ni 
d'élancements  dans  le  rectum,  le  malade  dit  qu'il  se  sent  plus  léger. 
11  autres  applications  procurent  un  soulagement  encore  plus  mar- 
qué, mais  un  embarras  des  voies  digestives  rebelle  à  tout  traite- 
ment fait  décliner  les  forces  du  malade  dans  une  telle  proportion 
que  d'accord  avec  le  médecin  habituel  nous  croyons  nécessaire  de 
l'envoyer  à  la  campagne,  un  changement  d'air  nous  semblant  indi- 
qué. En  tout  cas,  au  moment  de  son  départ  l'état  des  voies  urinai- 
res  est  si  satisfaisant  que  le  sieur  M...  nous  remercie  avec  effusion, 
se  prétendant  guéri  de  ce  côté.  Nous  avons  appris  depuis  qu'il  avait 
succombé  à  une  congestion  cérébrale. 

Observation  IX. 

R.  .,  60  ans,  rentier,  a  toujours  mené  une  vie  agitée,  excès  de 
boissons  et  de  femme  ;  jamais  de  maladies  vénériennes.  Depuis  sept 
ans  il  ne  peut  uriner  qu'au  moyen  de  sonde,  qu'il  pratique  lui- 
même  de  deux  en  deux  heures.  Il  a  élé  forcé  d'avoir  recours  à  ce 
moyen  à  la  suite  de  plusieurs  rétentions  d'urine  (il  resta  une  fois 
vingt-quatre  heures  sans  pouvoir  uriner)  qui  nécessitèrent  l'inter- 
vention d'un  chirurgien. 

Le  malade  que  la  moindre  fatigue  force  de  garder  le  repos  au  lit 
par  suite  de  l'inllammation  qu'elle  amène  dans  ses  organes  urinai- 
res  se  présente  à  notre  consultation  lassé  qu'il  est  de  ne  pouvoir 
être  soulagé  par  aucun  traitement  médical  ;  on  lui  a  conseillé  en  ef- 
fet tout  le  cortège  habituel  des  médicaments  usités  en  pareil  cas  sans 
amener  de  soulagement. 

Nous  essayons  en  vain  de  pratiquer  le  cathétérisme,  une  saillie 
prostatique  considérable  s'oppose  à  l'introduction  de  la  sonde  ;  nous 
voyons  néanmoins  non  sans  surprise  le  sieur  H...  se  sonder  lui- 
même  séance  tenante.  Il  nous  dit,  du  reste,  que  plusieurs  chirur- 
giens ont  tenté  en  vain  cette  opération. 

Sentiment  de  pesanteur  avec  élancements  dans  le  rectum,  con- 
stipation opiniâtre  que  les  lavements  seuls  peuvent  vaincre,  le  ma- 
lade ne  peut  s'asseoir  sur  un  siège  rembourré,  il  se  plaint  en  outre 


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DES  COURANTS  CONTINUS  CONSTANTS.  381 

«Je  la  fatigue  très-grande  qu'il  ressent  par  suite  de  la  nécessité  où 
il  est  de  ne  pouvoir  se  ti'ii'r  complètement  assis. 

Par  le  loucher  rectal  nous  constatons  <|ue  la  prostate  est  très- 
volumineuse,  léircre. nent  et  également  bosselée  et  «l'une  consistance 
moyenne,  c'est  sin  tout  le  lobe  moyen  ([ni  présente  le  développe- 
ment le  pluseoa-d  léralde.  La  pression  de  l'organe  hypertrophiée  est 
trés-doulou  euse,  nous  jugeons  donc  qu'il  doit  y  avoir  ici  un  état 
d'inflammation  concomitant. 

Le  malade  accepte  l'application  des  courants  continus  par  le  rec- 
tum; le  pôle  positifétant  introduit  dans  le  rectum  et  le  pôle  négatif 
sur  le  périnée,  nous  faisons  passer  un  courant  fourni  paruixéléments 
Remak.  Mais  ce  courant  devient  bientôt  trop  douloureux  et  nous  som- 
mes obligés  de  descendre  à  six.  Les  cinq  premières  séances  fatiguent 
horriblement  le  malade  tant  à  cause  de  la  position  que  par  suite  des 
manœuvres  nécessaires  ;  toutefois  il  constate  après  la  troisième  ap- 
plication que  le  besoin  d'uriner  est  moins  impérieux  et  qu'il  peut 
attendre  trois  heures  sans  se  sonder. 

Bientôt  les  douleurs  deviennent  moins  vives,  le  malade  peut  s'as- 
seoir normalement,  à  la  quinzième  séance  il  suffit  de  trois  cathété- 
rismes  dans  les  douze  heures  pour  vider  sa  vessie. 

Diminution  de  la  sensibilité  de  l'organe,  catlu  térismc  plus  facile 
et  beaucoup  moins  fréquent,  plus  de  tendance  au  retour  de  Pin- 
flammat  on,  tels  sont  les  résultats  obtenus  après  trente  séances  en 
trois  mois,  sans  pouvoir  en  obtenir  de  meilleurs. 

Par  le  toucher  rectal  nous  constatons  une  diminution  très-appré  • 
ciablc  du  volume  de  la  prostate.  Au  premier  moment  c'est  avec  sur- 
prise que  nous  la  trouvons  plus  dure  quoique  réduite. 

L'explication  de  ce  fait  résulte  de  ce  que  nous  avons 
énoncé  plus  haut,  à  savoir  :  que  si  les  courants  con- 
tinus, en  faisant  sentir  leur  bienfaisante  influence 
de  proche  en  proche,  de  la  périphérie  au  centre, 
su  (lisent  à  faire  disparaître  les  engorgements  de  la 
prostate  en  rendant  aux  vaisseaux  leur  perméabilité 
primitive,  et,  par  conséquent,  en  rétablissant  en  même 
temps  la  nutrition  normale,  dans  les  cas  d'hyper- 
trophie confirmée,  le  traitement  que  nous  préconisons 
ne  peut  amener  une  résolution  complète  de  cet  état. 

TOMB  XXXI. —MAI  1870.  25 


382 


BULLETIN. 


Chez  le  malade,  sujet  de  cette  observation,  nous 
avons,  selon  toutes  les  probabilités,  eu  affaire  à  une 
hypertrophie  confirmée,  dont  le  noyau,  composé  d'élé- 
ments anatomiques  proliférés,  a  résisté  à  la  régression 
de  ces  mêmes  éléments  que  les  courants  continus  ont  été 
impuissants  à  déterminer,  alors  même  que  l'eng,org,e- 
ment  périphérique  s'était  résolu  sous  l'influence  de  1  e- 
lectricité. 

Observation  X. 

Meslin,20  ans,  bijouter  chez  MM.  Robert  et  Collin,  a  été  atteint 
d'une  blennorrhagie  il  y  a  un  an,  soignée  à  l'hôpital  par  les  basalmi- 
ques  et  les  injections  au  nitrate  d'argent.  L'écoulement  a  persisté 
malgré  tout,  et  ce  n'est  que  grâce  aux  insufflations  médicamenteu- 
ses qu'il  s'est  tari. 

Depuis  cinq  mois,  c'est-à-  dire  depuis  le  jour  où  le  malade  a  été 
guéri,  il  éprouve  des  douleurs  très-vives  au  bas-ventre  avec  élance- 
ments dans  le  rectum.  La  station  assise  est  insupportable,  et  à  cha- 
que instant  le  sieur  M...  est  forcé  dose  lever  pour  satisfaire  des 
envies  d'uriner  qui  deviennent  de  plus  en  plus  fréquentes.  Chaque 
miction  est  peu  abondante,  la  vessie  ne  se  vide  qu'incomplètement 
et  les  douleurs  reparaissent  immédiatement  après.  Le  canal  est  li- 
bre, mais  par  le  toucher  rectal  nous  trouvons  la  prostate  engorgée 
et  douloureuse  à  la  pression. 

Une  seule  application  des  courants  continus  pratiquée  le  6  dé- 
cembre de  cette  année  a  suffi  pour  faire  cesser  tous  les  symptômes 
douloureux.  Aujourd'hui  sixième  application  en  huit  jours,  la  guéri- 
son  est  complète  :  le  sieur  Mesliu  n'éprouve  plus  rien  de  ce  qui  l'a- 
vait engagé  à  venir  nous  consulter. 


BULLETIN 


LA  LIBERTÉ  DE  L'ENSEIGNEMENT  SUPÉRIEUR. 

Les  jours  se  suivent  et  ne  ressemblent  pas.  Une  ques- 
tion vitale  pour  la  médecine,  celle  de  la  liberté  de  l'en- 
seignement supérieur,  solennellement  enterrée  à  la 
suite  d'un  récent  débat,  s'est  réveillée  tout  à  coup,  et 


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LA  LIBERTÉ  DE  l' ENSEIGNEMENT  SUPÉRIEUR.  383 

cette  fois,  avec  des  chances  entièrement  opposées.  Pres- 
que tout  le  monde  aujourd'hui  semhle  favorable  à  cette 
liberté  nécessaire ,  ou,  pour  parler  plus  exactement,  per- 
sonne (à  l'exception  toutefois  de  quelques  universitaires 
fanatiques  ou  d'enragés  socialistes)  n'ose  ouvertement 
la  combattre.  Cependant  ceux  qui  la  redoutent  consen- 
tent a  1  accepter,  mais  avec  un  cortège  de  précautions 
restrictives  qui  la  rendra,  du  moins  ils  l'espèrent,  à  peu 
près  nulle,  et  ceux  qui  la  désirent  osent  à  peine  la 
réclamer  dans  les  conditions  indispensables  à  son  plein 
exercice. 

On  ne  peut  nier  cependant  que  la  question  n'ait  fait 
un  grand  pas.  Elle  est  entrée  dans  une  phase  toute 
nouvelle  ;  car  les  défenseurs  de  l'enseignement  officiel 
n'en  soutiennent  plus  que  mollement  l'injustifiable  mo- 
nopole. On  ne  s'indigne  plus  contre  des  attaques  mala- 
droitement dirigées,  mais  trop  justes  au  fond,  et  si  quel- 
ques âmes  charitables  cherchent  encore,  avec  une  piété 
par  trop  naïve,  à  couvrir  la  honteuse  nudité  de  cer- 
taines doctrines  officiellement  enseignées,  l'opinion  est 
faite  à  cet  égard  et  le  principe  est  abandonné. 

Il  faut  concéder  la  liberté  de  l'enseignement  supé- 
rieur. Tel  est  le  vent  qui  souffle  de  toutes  parts  aujour- 
d'hui. Les  implacables  et  les  irréconciliables  seuls  font 
mine  de  craindre  une  réaction  religieuse;  ils  ne  sont 
d'ailleurs  guère  embarrassés  par  la  logique  de  leurs 
principes ,  et  ils  se  sont  décidés  à  résister  ouvertement 
sans  crainte  de  démasquer  le  despotisme  caché  sous  le 
drapeau  d'un  radicalisme  qui  ne  se  dit  plus  libéral. 

La  lutte  se  concentrera  donc  sur  le  détail  et,  pour  pré- 
ciser, sur  un  point  qui  nous  touche  essentiellement  nous 
médecins,  sur  le  mode  de  la  collation  des  grades. 

Plusieurs  solutions  sont  proposées.  Il  convient  de  les 
examiner  et  de  les  discuter. 


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384  BULLETIN. 

Il  y  en  a  quatre  : 

1°  Les  Facultés  de  l'Etat  font  seules  passer  les  exa- 
mens et  confèrent  les  grades  universitaires  ; 

2°  Les  universités  libres  partaient  ce  droit  avec  l'Etat 
à  l'égard  de  leurs  élèves  (l)  ; 

3°  Des  jurys  mixtes  composés  de  professeurs  officiels 
et  de  professeurs  libres  sont  chargés  en  commun  des 
examens  et  de  la  collation  des  grades  ; 

4e  Des  jurys  supérieurs  tirés  au  sort  ou  nommés  par 
l'Etat,  mais  pris  en  dehors  du  corps  enseignant  officiel, 
c'est-à-diredes  médecins, pour  les  sciences  médicales; pour 
le  droit,  des  magistrats,  des  jurisconsultes,  des  avocats; 
pour  les  sciences,  des  savants,  des  académiciens,  etc., 
tous  investis  du  droit  en  question,  font  passer  l'examen 
professionnel  et  ouvrent  aux  candidats  la  carrière  pra- 
tique. 

Laisser  la  collation  des  grades  et  les  examens  qui  en 
sont  le  préliminaire  indispensable  aux  Facultés  de 
l'Etat,  c'est,  pour  ainsi  dire,  ne  rien  changer  à  la  situa- 
tion, car  c'est  maintenir  la  prépotence  ou  môme  l'omni- 
potence universitaire.  Dispensatrices  des  grades,  les  Fa- 
cultés resteront  seules  maîtresses  de  l'enseignement. 
Examinant  les  élèves,  elles  les  tiendront,  quant  aux 
études,  quant  aux  méthodes,  quant  aux  doctrines,  dans 
une  dépendance  absolue.  Les  Facultés  rivales  seront 
désertes;  heureux  encore  leurs  rares  élèves  s'ils  ne  sont 
signalés  comme  suspects  et  s'ils  peuvent  subir  leurs 
épreuves  et  passer  leurs  thèses!  Ce  n'est  pas  une  sup- 
position gratuite  que  cet  arbitraire  exercé  malheu- 
reusementdéjàplus  d'une  fois  par  des  professeurs  impo- 
sant despotiquementauxélèves  leurs  idées  et  leurs  livres. 

(1  Nous  ne  prévoyons  pas  le  cas,  fort  éloigné  sans  doule,  où  l'État 
renoncerait  ù  tout  enseignement  officiel,  ce  qui  serait  assurément  le 
plus  haut  degré  et  comme  le  type  par  excellence  d«i  la  liber  lé  d'ensei- 
gnement. 


^  gttiz  £d  ia^pfer^ôg  le 


LA  LIBERTÉ  DE  j/ ENSEIGNEMENT  SUPERIEUR.  385 

Sans  doute  on  invoque  ici  avec  quelque  apparence  de 
raison  l'intérêt  public.  N'y  a-t-il  donc  aucun  péril  à 
laisser  la  fortune  et  la  vie  des  citoyens  à  la  merci  d'a- 
vocats ou  de  médecins  sans  contrôle  suffisant,  sans  les 
garanties  qu'assurent  les  examens  et  les  diplômes  offi- 
ciels? Mais,  peut-on  répondre,  ces  examens  etcesdiplômes 
sont-ils,  dans  la  grande  majorité  des  cas,  bien  sérieux? 
N'est-ce  pas  trop  souvent  une  pauvre  marchandise  que 
couvre  ce  pavillon?  N'est-ce  pas  chose  connue  généra- 
lement, et.  sans  parler  des  classes  aisées  si  justement  dif- 
ficiles à  cet  ég;  rd,  les  habitants  des  campagnes  et  les  ou- 
vriers des  villes  ne  savent- ils  pas  faire  un  choix  prudent 
parmi  les  hommes  à  diplôme,  distinguant  avec  juste 
raison  ceux  que  leur  désignent  leur  savoir,  leur  expé- 
rience et  leur  earactère?  Il  en  résulte  que  ce  droit  de  vie 
et  de  mort  donné  aux  médecins  (pour  ne  citer  ici  que  le 
péiil  le  plus  grand)  donné  par  le  diplôme  officiel  ne  se- 
rait pas  rendu  plus  dangereux  dans  la  nralique,  parce 
qu'il  serait  octroyé  par  dos  Facultés  l.bres.  Celles-ci 
d'ailleurs  excitées  par  une  légitime  énmat*  .1,  auraient 
tout  avantage  à  se  montrer  sévères  dans  les  actes  pro- 
batoires de  leurs  élèves. 

On  le  voit  donc,  en  approfondissant  la  question,  il  n'y 
aurait  nul  danger  à  laisser  chaque  Faculté  libre  délivrer 
ses  diplômes.  La  prudence  individuelle  saurait  bientôt 
faire  son  choix  entre  les  docteurs  de  l'Etat  et  ceux  des 
universités  indépendantes.  Est-ce  qu'il  n'en  est  pas  ainsi 
pour  les  architectes,  les  ingénieurs,  les  artistes  à  qui, 
sans  aucune  marque  officielle,  son tcon fiés  chaque  jou  r 
les  intérêts  les  plus  graves. 

Ce  serait  sans  doute  là,  dans  l'état  présent,  la  meil- 
leure et  la  plus  pratique  so  ution  :  grades  officiels  d'un 
côté,  grades  des  universités  libres  de  l'autre.  Concur- 
rence féconde,  émulation  salutaire;  pendant  longtemps 


386  BULLETIN. 

encore  prééminence  nécessaire  des  écoles  de  l'Etat  par 
leur  ancienneté,  la  force  de  leur  organisation,  Prénom- 
mée de  leurs  professeurs,  la  grandeur  de  leurs  établisse- 
ments, la  richesse  de  leurs  collections,  etc.,  etc.,  mais 
absence  de  pression,  de  tyrannie,  disons-le  mot,  de  per- 
sécution de  leur  part  à  l'égard  de  l'enseignement  libre 
à  l'état  naissant.  Voilà  la  situation  vraie  qui  serait  la 
conséquencedu  nouvel  état  de  choseset  non  pasun  péril 
sérieux  de  la  part  des  jeunes  universités  qui  pour- 
raient être  insuffisantes,  mais  non  dangereuses,  en  pré- 
sence de  leur  redoutable  rivale. 

La  collation  des  grades  par  des/?/rys  mixtes,  qui  existe 
en  Belgique,  par  des  jurys  composés  de  professeurs 
libres  et  de  professeurs  officiels,  est  une  solution  très- 
pratique.  Elle  peut  avoir  des  inconvénients,  comme  la 
meilleure  institution  humaine,  mais  ses  défauts,  niés 
par  les  uns,  exagérés  par  les  autres,  ne  sont  pas  de  na- 
ture à  faire  rejeter  un  mode  équitable  en  lui-même  et 
qui  a  le  grand  avantage  d  une  expérience  déjà  longue 
dans  un  pays  voisin.  Le  reproche  qu'on  lui  a  fait,  de  nuire 
à  la  force  des  études,  n'est  pas  justifié  par  les  faits,  ni 
accepté  par  les  hommes  les  plus  compétents.  D'ailleurs 
ici  en  France  pour  ne  parler  que  de  l'enseignement  mé- 
dical, où  rien  de  semblable  n'existe,  la  Faculté  constate 
un  abaissement  dans  le  niveau  général  des  études  qui 
ne  lui  a  pas  encore  permis,  cette  année,  d'accorder  le 
prix  de  l'Ecole  pratique. 

Un  dernier  mode  de  la  collation  des  grades  le  plus 
parfait  peut-être  serait  l'institution  d'un  haut  jury 
nommé  par  l'Etat,  mais  tout  à  fait  indépendant  de  l'en- 
seignement officiel  ou  libre.  Le  professeur  enseignerait, 
là  se  bornerait  son  rôle,  il  n'examinerait  pas;  il  ne  se- 
rait pas  juge;  c'est-à-dire  qu'il  ne  pourrait  imposer  ses 
opinions  et  ses  doctrines  ni  proscrire  celles  du  candidat. 


i 

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LA  LIBERTÉ  DE  L  ENSEIGNEMENT  SUPÉRIEUR.  387 

Des  jurisconsultes,  des  magistrats  donneraient  les  gra- 
des de  licencié  et  de  docteur  en  droit;  des  praticiens  dis- 
tingués, des  académiciens,  examineraient  les  aspirants 
au  titre  de  docteur  en  médecine;  des  savants,  des  mem- 
bres de  l'Institut  seraient  chargés  de  donner  le  grade 
de  docteur  ès  sciences;  des  lettrés,  des  érudits,  des  hom- 
mes éminents  dans  la  littérature  formeraient  un  jury 
aussi  juste  et  plus  impartial  encore  que  les  professeurs 
de  la  Faculté  des  lettres. 

De  la  sorte,  tous  les  droits,  tous  les  intérêts  seraient  ga- 
rantis. Ainsi  la  société  se  garde  contre  des  dangers  qu'on 
exagère  sans  doute,  mais  qu'elle  peut  redouter,  surtout 
dans  un  moment  de  transition  ;  la  liberté  d'enseigne- 
ment, droit  naturel  du  père  de  famille  qu'il  délègue  à 
qui  bon  lui  semble  est  respectée,  la  lib.Tlé  d'enseigner  et 
d'être  enseigné  que  tout  citoyen  majeur  peut  réclamer 
dans  les  conditions  présentes  de  la  so  •  é  «  où  les  mau- 
vaises doctrines  ont  besoin  d'être  contrebalancées,  cette 
liberté  est  également  assurée  ;  enfin  le>  droits  aequis,  la 
possession  de  l'université  actuelle  qu  >n  ne  peut  guère 
détruire  tout  d'un  coup,  et  qui  grâce  à  la  concurrence 
proclamée,  se  modifiera  et  s'améliorer  i.  ont  aussi  sau- 
vegardés. Le  problème  est  donc  juste  ni  et  complète- 
ment résolu. 

Si  maintenant  nous  passons  aux  faits  tout  récents 
qui  se  rattachent  à  cette  question  de  la  liberté  de  l'en- 
seignement, deux  discussions  d'un  ordre  très-différent 
nous  donnent  i'état  exact  des  esprits. 

D  une  part,  dans  la  grande  Commission  présidée  par 
M.  Guizot,  avec  un  esprit  vraiment  large  et  plus  libéral 
qu'il  n'était  permis  de  l'attendre  d'un  ancien  grand 
maître  de  l'Université,  les  partisans  sincères  de  la  li- 
berté ont  conclu  comme  nous.  Les  purs  universitaires, 
comme  le  professeur  Denonvilliers,  ont  déclaré  que  tout 


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388  BULLETIN. 

était  pour  le  mieux  dans  le  meilleur  des  mondes  ensei- 
gnants, et  qu'il  n'y  avait  absolument  rien  à  modifier. 
Rien  de  plus  naturel  delà  part  d'un  conservateur  salis- 
fait,  ou,  si  l'on  veut,  d'un  pontife  défendant  son  autel 
et  son  foyer;  mais  ce  qui  donnait  plus  de  piquant  à  la 
conclusion,  c'est  qu'elle  était  la  même  que  celle  des  ora- 
teurs les  plus  radicaux  et  les  plus  révolutionnaires  d'une 
autre  assemblée  toute  populaire. 

D'autre  part,  en  effet,  dans  une  réunion  publique, 
M.  Pascal,  rédacteur  du  Mouvement  mfalknl,  cl  quelques 
professeurs  libres,  à  idées  fort  avancées,  mais  assez 
sincèrement  amis  de  la  liberté  pour  la  laisser  à  leurs 
adversaires,  ce  qui  n'est  pas  aussi  commun  qu'on  le 
pense,  ont  résolument  et  franchement  conclu  au  droit 
commun  d'enseigner  et  d'être  enseigné.  Par  contre, 
MM.  ÎS'aquet  et  Kegnard  ont  soutenu  la  thèse  opposée, 
en  invoquant  le  menaçant  fantôme  des  jésuites  et  des 
corporations  religieuses,  qui  ne  manque  jamais  son  ef- 
fet. La  richesse,  la  puissance  des  corporations,  la  pau- 
vreté et  l'état  d'oppression  où  sont  réduits  les  vrais,  les 
seuls  amis  de  la  science  ;  une  certaine  logique  qui  met 
à  tous  les  degrés  l'enseignement  obligatoire  de  l'État, 
tels  sont  les  raisons  de  ces  adversaires  de  la  liberté 
d'enseignement.  Ils  n'ont  rien  caché;  désirant  voir, 
ont-ils  dit,  tous  les  médecins  matérialistes  et  athées,  et 
la  Faculté,  sous  ce  rapport,  ne  laissant  rien  à  désirer, 
c'était  une  absurdité  soit  de  la  modifier,  soit  de  permet- 
tre qu'on  pût  lui  faire  échec  ou  concurrence. 

Il  faut  le  dire,  à  l'honneur  des  instigateurs  de  la  réu- 
nion, ils  n'ont  pas  faibli  devant  ces  attaques  et  ces  argu- 
ments qui  réveillant  toujours  des  passions  et  des  hai- 
nes vivaces,  ont  une  grande  puissance  sur  les  masses; 
ils  ont  tenu  tête  à  l'orage,  et  maintenu  le  droit  à  la  li- 
berté d'enseigner,  pour  tous,  même  pour  les  jésuites. 


LA  LIBERTÉ  DE  iJ ENSEIGNEMENT  SUPERIEUR.  389 

C'est  du  moins  ce  qui  nous  semble  ressortir  de  ce  pas- 
sage du  discours  de  M.  Pascal.  «  Quant  aux  ressources 
que  les  corporations  enseignantes  tirent  du  concours  in- 
dividuel dans  la  société,  il  y  a  là  de  deux  choses  Tune  : 
—  ou  un  service  effectif  rendu  par  la  corporation,  et 
vous  ne  pouvez  vous  substituer  à  la  corporation  qu'en 
rendant  le  même  service  dans  de  meilleures  conditions; 
c'est  pourquoi  nous  voulons  la  plus  grande  liberté  de 
concurrence;  —  ou  bien  une  erreur  de  la  masse  qui 
prend  pour  un  service  de  la  corporation  ce  qui  n'en  est 
pas  un.  Et  vous  ne  pouvez  ramener  aux  œuvres  produc- 
tives et  saines,  ces  ressources  absorbées  par  les  para- 
sites, qu'en  répandant  à  flots  l'instruction  sur  toute  la 
société;  —  c'est  pourquoi  nous  demandons  la  liberté 
absolue  de  l'enseignement  » 

Cette  attitude  équitable  a  trouvé  de  l'écho  dans  l'as- 
semblée et  hors  de  l'assemblée,  jusque  dans  les  rangs 
ofTïeiels  de  la  Faculté.  Le  professeur  Verneuil  a  adressé 
la  lettre  suivante  à  M.  Rambaud,  président  de  la  com- 
mission d'initiative  pour  la  Liberté  de  f  Enseignement  : 

o  Paris,  25  avril. 

u  Mon  cher  ami, 

«  Je  suis  depuis  quelque  temps  avec  un  vif  intérêt  les  débats  pro- 
voqués par  la  grande  question  de  la  liberté  de  l'enseignement.  J'ai 
causé  tout  récemment  de  ce  sujet  si  important  avec  mon  vieil  ami 
Dupré. 

«  Professeur  libre  autrefois,  je  n'ai  point  répudié  mes  anciennes 
opinions,  et,  sous  l'habit  de  professeur  officiel,  je  n'en  conserve  pas 
moins  toutes  mes  aspirations  vers  la  justice  et  la  liberté. 

«<  Quelques  avocats  de  celle-ci  me  paraissent  la  compromettre 
quelque  peu;  mais,  vous,  Dupré  et  quelques  autres,  sont,  à  mon 
avis,  dans  la  vraie  direction.  On  s'entendrait  aisément  si  l'on  distin- 
guait nettement  trois  choses  absolument  distinctes  : 

«  Liberté  d'enseigner; 

«  Liberté  de  s  instruire  ; 

«  Acquisition  des  grades  ;  formation  des  jurys  d'examen. 


390  VARIÉTÉS. 

«  Pour  les  deux  premiers  points,  abolition  de  toute  entrave  ;  pour 
le  dernier,  contrôle  sérieux  de  la  Société  ;  séparation  du  corps  en- 
seignant et  du  corps  examinant.  Nous  sommes  pour  la  plupart,  à  la 
Faculté,  partisans  de  ces  réformes  qui  seraient  assez  faciles  à  réa- 
liser, si  les  demandes  étaient  clairement  formulées  et  si  toute  âcreté 
était  "bannie  du  programme  libéral. 

«  Si  vous  le  jugiez  bon,  j'exposerais  volontiers  mes  vues  sur  ce 
sujet,  soit  à  vous,  soit  à  quelques-uns  des  membres  de  la  ligue 
légitime  que  vous  présidez. 

«  Mon  concours  moral  et  matériel  vous  est  donc  acquis.  Depuis 
longtemps  déjà  je  voulais  vous  transmettre  ces  quelques  lignes  ;  le 
temps  m'avait  manqué  jusqu'alors. 

«  Je  vous  serre  très-affectueusement  ies  mains.  Votre  vieil  ami, 

«  Yeunetil, 
*  PfoOî-srur  à  la  Faculté  à*-  Paris.  » 

Malgré  la  surprise  agréable  qu  elle  nous  cause,  celle 
lettre  nous  prouve  que  la  Faculté  de  médecine  n'est 
peut-cire  pas  aussi  hostile  à  la  liberté  d'enseignement, 
et  même  au  changement  de  mode  de  la  collation  des 
grades,  que  le  prétendent  certains  de  ses  défenseurs. 
En  tout  cas,  elle  confirme  nos  propres  conclusions. 

Qu'adviendra  t-il  de  tout  ce  mouvement?  Quelque 
progrès  sans  doute;  mais  pour  une  solution  satisfai- 
sante et  complète,  nous  n'y  comptons  guère. 

Alph.  Milcent. 


VARIÉTÉS 

LES  PETITES  MISÈRES  DE  QUELQUES  MÉDECINS 

CATHOLIQUES. 

I.  —  Gérard  Van  Swieten. 

«  Van  Swieten  (1700-1772),  Hollandais  d'origine, 
élève  particulier  de  Boerhaave ,  dut  aux  petites  misères 
quil  eut  à  subir  comme  catholique  d'être  choisi  pour  mé- 
decin par  Marie-Thérèse.  »  (M.  Charles  Daremberg)  (1). 


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VARIÉTÉS.  391 

La  biographie  va  nous  dire  quelles  furent  ces  petites 
misères. 

«  Dès  qu'il  [dès  que  Van  Swieten]  fut  nommé  profes- 
seur, on  accourut  en  foule  à  ses  leçons;  l'Allemagne,  la- 
France,  l'Angleterre  lui  fournirent  chaque  année  un 
nombre  si  considérable  de  disciples  qu'il  se  vit  en  butte 
à  l'envie,  cette  passion  basse  qui  est  toujours  ennemie 
du  vrai  mérite.  Van  Swieten  était  catholique,  et  ses 
ennemis  se  couvrirent  du  masque  de  la  religion  pour 
l'attaquer;  ils  réclamèrent  les  lois  de  l'État  contre  lui. 
et  parvinrent  à  le  faire  descendre  de  la  chaire  qu'il  rem- 
plissait si  dignement  dans  1  Université  de  Leyde. 

«  Le  caractère  de  Van  Swieten  le  mit  au-dessus  des 
tracasseries  qu'on  lui  avait  suscitées  pour  lui  oler  la 
place  qu'il  occupait  dans  la  Faculté  de  Leyde.  Couvert 
de  la  gloire  que  ses  doctes  travaux  lui  avaient  acquise 
et  qu'on  ne  put  lui  enlever,  il  mérita  une  nouvelle  gloire 
par  la  magnanimité  avec  laquelle  il  s'efforça  d'arrêter 
la  vengeance  éclatante  qu'une  jeunesse  irritée  voulait 
prendre  de  ses  ennemis.  Rendu  à  lui-même,  il  employa 
son  loisir  à  travailler  à  ses  admirables  Commentaires 
sur  les  Aphorismes  de  Boerhîiave.  Le  premier  volume 
avait  déjà  paru  et  le  second  touchait  à  sa  fin,  lorsque 
l'auguste  Marie -Thérèse  l'invita  à  venir  se  fixer  à  sa 
cour.  Vainement  il  s'excusa  de  passer  à  Vienne,  à  la 
proposition  qui  lui  en  fut  faite;  vainement  il  voulut  sa- 
crifier un  emploi  aussi  considérable  qu'honorable  à  la 
vie  simple,  tranquille  et  paisible,  qu'il  chérissait;  il 
fallut  obéir  aux  décrets  du  ciel  et  céder  aux  bontés  de 
Marie-Thérèse  qui  lui  offrait  à  Vienne  une  nouvelle 
patrie,  où  il  oublia  bientôt  la  Hollande.  Il  arriva  dans 
la  capitale  de  l'Autriche  le  7  juin  1745  •  (1). 

(I)  Histoire  des  Sciences  médicales,  comprenant  l'anatomie.  la  phy- 
siologie, la  médecine,  la  chirurgie  et  les  doctrines  de  pathologie  géné- 
rale. Paris,  J.-B.  BailUèro  et  ûls,  1870,  t.  11,  p.  8, 1221. 


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392  VARIÉTÉS. 

«  Dès  que  Swieten  fut  nommé  professeur  [à  Leyde^ 
les  élèves  accoururent  à  ses  leçons;  l'envie  le  poursuivit 
dans  la  chaire  de  la  science;  on  lui  fit  un  crime  de  ne 
pas  professer  la  religion  de  l'État,  il  finit  par  être  des- 
titué ;  il  était  catholique  Il  avait  préféré  sa  conscience 

à  la  fortune  et  aux  honneurs.  »  (F. -G.  Boisseau)  (2). 

II.  —  Jacques  Bénigne  Winslow. 

«  Win  slow,  petit  neveu  de  Stenon,  naquit  le  9  avril 
i669n  Odensoe.  dans  l'île  de  Funen,  en  Danemarck. 
Desiiné  à  l'état  ecclésiastique,  qui  était  celui  de  son  père, 
il  avait  déjà  fait  de  grands  progrès  dans  la  théologie, 
et  se  llattait  même  d'obtenir  bientôt  une  place  de  pas- 
teur, lorsqu'à  l'exempta  d'un  de  ses  amis,  il  embrassa 
l'étude  de  la  médecine.  Il  suivit  les  cours  de  Borrieh 
pendant  un  an,  et,  au  bout  de  ce  terme,  il  obtint  une 
pension  du  roi;de  Danemarck,  à  la  charge  de  parcomir 
les  principales  universités  de  l'Europe  pour  son  instruc- 
tion. En  conséquence,  il  partit  de  Copenhague  en  1097, 
et  se  rendit  dans  la  Hollande,  où  il  séjourna  une  année 
entière.  En  IG98,  il  vint  à  Paris,  et  fut  distingué  d'une 
manière  particulière  par  Duverney,  qui  encouragea  ses 
dispositions  naturelles  pour  l'anatomie.  L'année  sui- 
vante, il  abjura  la  religion  de  ses  pères  entre  les  mains 
de  Bossuet.  Cette  démarche  lui  attira  la  disgrâce  de  ses 
parents,  qui  lui  refusèrent  tout  secours.  »  (A.-J.-L. 
Jourdan)  (3). 

«  Cette  conversion  interrompit  les  largesses  du  roi  de 
Danemarck  à  son  égard,  et  il  se  vit  réduit  aux  res- 
sources que  lui  procura  la  protection  de  Bossuet.  Il 

(1)  N.  F.-J.  Eloy,  Biographie  imJd.  do  l'Encvclop.  dos  se.  mëd.,8, 
t.  11.  Paris,  1841,  p.  490  (d'après  le  H.  P.  Ignace  Wurz,  de  la  Compagnie 
de  Jésus i. 

(2)  Bioiiraph.  med.,  t.  VII:  Paris.  Panrkouke,  182*,  p.  288-289.  -  Cfr. 
Dczeimeris,  Diei.  hist.,  IV,  241.  —  Cfr.  Anloinn  Louis,  Éloges  lus  dans 
les  s.  p.  de  l'Ac.  R.  de  ehir.  ;  Pans,  1839,  p.  233. 

(3)  Biogr.  raéd.,  VII,  508-509. 


.  - 


VARIÉTÉS.  393 

n'aurait  pu,  après  la  mort  du  prélat,  suffire  aux  frais 
ordinaires  qu'entraînait  la  réception  au  doctorat,  miisla 
Faculté  de  Paris]  lui  en  lit  remise,  en  considération  du 
mérite  dont  il  aurait  déjà  lait  preuve.»  (Uezeimkris;  (i). 

III,  —  George  Agricola  (1494-1535). 

«  Entouré  d'innovations  eU de  réformes,  et  naturelle- 
ment vif  et  mobile,  Agricola  [George,  dont  le  véritable 
nom  était  Bauer]  resta  pourtant  toujours  lidèle  à  ses 
principes  religieux,  et  il  mourut  bon  papiste.  11  défen- 
dit même,  avec  courage,  sur  ses  vieux  jours,  la  religion 
catholique,  contre  laquelle  il  avait  fait,  dans  sa  jeunesse, 
une  épigramme  qu'on  avait  affichée  sur  les  murs  de 
Zsvickau.  Les  luthériens  ne  lui  pardonnèrent  pas  son 
inébranlable  constance.  Vivant,  on  combattit  ses  opi- 
nions et  ses  principes;  mort,  on  se  vengea  sur  son  ca- 
davre de  ses  sarcasmes  et  de  sa  noble  fermeté  :  on  laissa 
son  corps  pendant  cinq  jours  sans  sépulture,  après 
quoi  on  le  lit  transporter  à  Zeitz,  où  il  fut  inhumé  dans 
la  principale  église.  »  B.  (2). 

Melchior  Adam  (3)  a  cherché  à  pallier  cette  intolé- 
rance des  luthériens  envers  un  catholique  qui  fut  à  la 
fois  savant  naturaliste,  médecin  distingué  et  philosophe. 

Charles  Kavel.  » 


Nouvelle.  —  M.  le  Dr  Ozanam  vient  de  recevoir  la 
croix  de  commandeur  deSaint-Grégoire-le-Grand  et  M.  le 
h'  Frestier  celle  de  commandeur  de  Saint-Sylvestre. 

(I)  Dict  hist.,  IV,  41-2.  Cfr.  Eloge  do  M.  Winslow,  en  tète  de  l'Expos. 
anat.  'ie  ia  str.  du  corps  h.,  par  VV\;  l'uris,  lîtio,  1-2,  l.  I,  p.  xxu  xxix. — 
Ànioiiie  lVit.il,  Hi.st.  ue  I  Anaioiu.,  IV,  4o8.  —  J  -A  Hazoti,  NoIiciî  des 
b.m.mes  h-»  plus  col.  do  la  Fac.  do  M.  en  I  Un.  Uo  l'aris,  p.  20l-2i>:i.  — 
Eloy,  II,  iîio-57. 

(i)Biygr.  iued.,  1823,  I,  Mi  ;  Cfr.  Moreri,  le  Giand  Dict.  hist.,  1732, 
I.  lia.  -  J.-F.  Carrere,  Bibl.  litl.,  177(3,  1,  42.  ~  M.-N.-S.  Guillon,  Hist. 
de  la  Philos,  auc.  et  inod.  jusqu'à  nos  jours,  iSiiii,  11,  108. 

(çj  Vil.  Gertnauorum  Medic.  tlaideibergœ,  1020,  8,  p.  80. 


HOPITAL  FONDÉ  PAR  LA  SOCIÉTÉ  MÉDICALE 
HOMOEUPATIIIQUE  DE  FRANCE 

282,  rue  Saint- Jacques. 


COMITÉ  PROTECTEUR. 

M.  le  Président  Bonjean,  sénateur. 
M.  Boittelle,  sénateur. 

M.  le  comte  do  Segur  d'Aguesseau,  sénateur. 
M.  le  comte  d'Aiguesvives,  député. 
M.  Koller,  député. 

M.  le  comte  Anatole  de  Ségur,  conseiller  d'État. 

M.  Sourdat,  conseiller  à  la  i.our  impériale  d'Amiens. 

M.  le  comte  de  Francqueville. 

M.  le  vicomte  de  Grancey. 

M.  le  baron  de  Lèpine. 

M.  Paul  Mahou. 

M.  le  vicumte  de  Melun. 

M.  le  baron  de  Noirmont. 

M.  le  baron  du  Passage. 

M.  Ferdinand  Riant. 

M.  le  comte  Je  Tibère. 

DAMES  PATKOXNESSES. 

M""  l^i  baronne  Aug.  de  Baye,  23,  rue  Abbatucci. 

M™  Berthelin,  21»,  rue  Tiumliet. 

M10*  Iji  princesse  Cantacuzène,  '2**,  rue  de  Ponthieu. 

Mrof  Chabaud,  2*,  rue  <ia\ -Lussac. 

Ai0"  Maurii  e  Cottier,  M,  rue  de  la  l'aumo. 

M""    !i  baronne  Durand,  née  de  Dax,  I,  rue  Lavoisier. 

M"""  Fèvre,  rue  de  la  i;aiMuillére.  i). 

M,,w  Lit  marquise  de  Forbin  d'Oppède,      avenue  Tourville. 

M,,e  de  Formon,  M,  rue  de  i'eutliievre. 

M—  V  Gabalda,  :tt,  rue  Saint-Placide. 

M""  Guénnet,  -'*.  rue  d'Astorg. 

Mm«  I^a  comtesse  de  Lavaulx,  n'ï,  rue  lïellechasse. 

M»»  p.  Mahou,  lit»,  rue  de  la  Victoire. 

M»'  La  marquise  de  Hauléon,  108,  rue  de  Grenelle. 

M""  La  vicomtesse  de  Melun,  oU,  rue  Bellerhasse. 

M™*  La  comtesse  de  Mesnard,  101.  rue  du  Bac. 

M"*  Aug.  de  Mieulle,  95,  rue  de  Lille. 

M'"«  ti.de  Monbrison,  Utt,  boulevard  Hausamann. 

M""  de  Montgon,  -1»,  rue  de  l'Université. 

Mme  La  princesse  Joachim  Murât,  3,  rue  de  la  Tour-des-Dames. 

M°"  La  baronne  de  Noirmont,  S,  rue  Royale. 

M"«  Parry,  48,  avenue  Joséphine. 

Mm'  la  marquise  «le  PueygueroU.es. 

M»«  La  duchesse  de  Rivière,  IH4,  rue  de  Grenelle. 

M"'  Rolland,  4V.  rue  Saint  Dominique. 

M»'  Gabriel  Salvador,  82,  Boulevard  de  Ncuilly. 

M»*  de  Saon,  U,  rue  Monsieur. 

M-'  U  comtesse  de  Saint-Seine,  40,  rue  Belle:hasse. 

M««  Charles  Seguin,  17,   ue  .Matignon. 

M«'  La  ma  quise  de  Tibère,  18,  rue  d'Aguesseau. 

M»*  La  baronne  de  la  Tullaye,  21,  rue  de  Lille. 

Mac  La  comtesse  do  Vibraye,  24,  rue  do  la  Chaise. 

M»«  La  marquise  de  Virieu,  40,  rue  Saint-François-Xavier. 


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HOPITAL  HOMŒOPATHIQUK. 


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Une  nouvelle  liste  comprendra  les  souscriptions  toutes  récentes  parmi  lesquelles  nous  avons 
eu  celles  de  nos  confrères  MM.  Blot,  Brunner,  Davasse,  Gallavardin,  Jorez,  Noack  père, 
^ack  fils,  Teste,  etc. 


39G 


HOPITAL  HOMŒOPATHIQUE. 


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Le  Rédacteur  en  chef,  Jules  Davassr. 
Paria.  -  Imprimerie  4.  I'aremt,  rueMonsieur-le-Pnnce,  31. 


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L'ART  MÉDICAL 

JUIN  1870 


MÉDECINE  PRATiQLE 


LEÇONS  CLINIQUES  DU  D'  JOUSSET. 
Annco  1870. 

KÉD1GÉES  PAK  LE  Dr  JABLOXSKI. 

PREMIÈRE  LEÇON. 

Messieurs, 

Avant  d'aborder  l'histoire  partieulière  de  chacun  de 
nos  malades,  j'ai  quelques  questions  préliminairesàtrai- 
ter  devant  vous.  Je  m'efforcerai  de  le  faire  en  peu  de 
mots,  car  j'ai  hâte  d'arriver  à  la  partie  véritablement 
clinique  do  ce  cours. Toutefois,  puisque  nous  sommes 
réunis  ici  dans  le  but  de  travailler  ensemble  à  l'applica- 
tion d'une  méthode  thérapeutique  nouvelle  pour  vous, 
il  est  bon  que  vous  sachiez  ce  que  nous  sommes  et  ce 
que  nous  voulons. 

Les  médecinshomœopathes  (c'est  ainsi  qu'on  nous  ap- 
pelle) ont  jusqu'à  présent  éprouvé  de  grandes  difficultés 
ù  établir  des  leçons  cliniques.  La  France,  vous  le  savez, 
ne  possède  pas  encore  d'hôpitaux  homœopathiques;  les 
tentatives  de  J.-l\  Tessier  a  Paris,  de  Iiagrc  à  Houbaix 
et  de  quelques  autres  encore  en  démonlrantd'une  façon 
irréfutable  la  supériorité  de  notre  méthode  nous  ont 
fermé  à  tout  jamais  les  portes  des  Facultés  de  l'Etat  que 
gardent  avec  un  soin  jaloux  nos  confrères  allopalhes. 

Il  nous  a  donc  fallu  pour  remédier  à  cet  inconvénient 
tomk  xxxi.  —  juin  1870,  26 


398  MÉDECINE  PRATIQUE. 

établir  des  consultations  gratuites,  des  dispensaires  où 
nous  donnons  aux  malades  pauvres  les  soins  que  né- 
cessite leur  état.  Mais  vous  le  comprenez  sans  doute 
messieurs,  nous  ne  pouvons  soigner  dans  nos  dispen- 
saires que  des  maladies  chroniques,  ou  des  maladies 
aiguës  de  peu  de  gravité,  puisque  nous  n'avons  pas  de 
lits  à  donner  aux  malades  qui  ne  peuvent  se  transporter 
une  ou  deux  fois  par  semaine  a  une  consultation  sou- 
vent éloignée  de  leur  domicile. 

Vous  ne  verrez  donc  ici  que  des  maladies  chroniques. 
Ce  sont  incontestablement  les  maladies  les  plus  diffici- 
les à  observer  à  causede  lalenteurde  leur  évolution,  les 
plus  difficiles  à  guérir  à  cause  des  lésions  d'organes 
qu  elles  entraînent  presque  toujours  avec  elles.  Cepen- 
dant si  vous  y  mettez  de  la  patience,  vous  pourrez  bien- 
tôt vous  convaincre  de  l'efficacité  du  traitement  employé 
et  vous  verrez  ces  maladies,  dont  la  tendance  naturelle 
est  d'aller  toujours  en  augmentant  ou  de  rester  indé- 
finiment stationnaires,  évoluer  peu  à  peu  dans  le  sens 
de  la  guérison  et  dans  certains  cas  disparaître  complè- 
tement sous  l'influence  d'une  médication  appropriée. 

Je  ne  cherche  point  à  me  dissimuler  la  difficulté  de 
l'œuvre  que  j'ai  entreprise  :  l'utilité  extrême,  la  néces- 
sité d'un  enseignement  public  de  la  doctrine  que  nous 
professons,  la  presque  impossibilité  qu'éprouvent  les 
débutants  à  débrouiller  le  chaos  de  la  matière  médicale 
hahnemannienne,  la  diversité  mêmedes  résultats  obte- 
nus par  l'expérimentation  clinique,  toutes  ces  raisons 
et  d'autres  encore  m'ont  engagé  à  commencer  ce  cours. 

11  m'a  semblé  que  je  devais  à  nos  anciens  amis,  à  mes 
adversaires,  de  démontrer  la  vérité  de  cette  méthode 
homœopathique  si  disculée,  si  combattue,  si  calomniée, 
si  persécutée,  qui  cependant  a  rendu  déjà  de  grandsser- 
vices  et  qui,  je  l'espère,  est  appelée  à  en  rendre  encore 


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LEÇONS  CLINIQUES.  390 

davantage  lorsqu'elle  sera  dégagée  des  idées  systéma- 
tiques qui  ont  présidé  à  son  avènement. 

Messieurs,  nous  avons  maintenant  à  répondre  devant 
vous  aux  trois  questions  suivantes  sur  lesquelles  repose 
toute  notre  doctrine  thérapeutique  : 

1°  Gomment  agit  le  médicament? 

2°  Comment  doit-il  être  administré? 

3°  A  quelles  doses  doit-on  l'employer? 

I.  De  Faction  du  médicament. 

Il  ne  faut  point  croire  que  le  médicament  soit  une 
force  qui  saisisse  la  maladie  corps  à  corps,  et  qui  après 
un  combat  à  outrance  finisse  dans  les  cas  heureux  par 
anéantir  son  ennemi.  Cette  ontologie  fantaisiste  est 
fausse  de  tout  point.  Le  médicament  n'est  pas  non  plus 
un  antidote  qui  à  la  faveur  d'une  combinaison  chimi- 
que parviendrait  à  neutraliser  le  poison  morbide.  Les 
poisons  morbides  sont  des  métaphores,  et  leur  exis- 
tence fut-elle  démontrée,  il  faudrait  chercher  la  loi  de 
cette  combinaison  chimique  demeurée  jusqu'à  ce  jour  à 
l'état  d'hypothèse. 

Comment  donc  agit  le  médicament  ?.. .  Si  nous  voulons 
comprendre  son  action  rappelons-nous  la  manière  d'agir 
des  causes  externes.  Est-ce  que  le  froid  et  le  chaud,  le 
sec  et  l'humide  portent  en  eux-mêmes  la  pneumonie,  la 
dysenterie,  le  catarrhe,  le  rhumatisme?...  Quel  rapport 
établir  entre  ces  changements  du  milieu  ambiant  et  l'é- 
volution précise  et  déterminée  des  symptômes  et  des  lé- 
sions qui  constituent  une  maladie?  —  Aucun.  —  Aussi 
l'étiologie  enseigne-t-elle  que  les  causes  externes  sont 
seulement  les  occasions  de  la  maladie,  les  circonstances 
favorables  à  son  développement.  Maislacause  véritable, 
celle  qui  produit  et  engendre  la  maladie,  c'est  l'orga- 


400  MÉDECINE  PRATIQUE. 

nisme  vivant  :  c'est  lui  qui  dévié  des  lois  physiologiques 
a  la  puissance  d'engendrer,  avec  ou  sans  le  secours  des 
causes  externes,  un  certain  nombre  de  maladies  déter- 
minées, maladies  dont  le  caractère  et  le  nombre  varient 
avec  les  espèces  animales  et  varient  même  avec  les  in- 
dividus dans  chaque  espèce. 

Eh  bien,  qu'est  le  médicament  vis-à-vis  de  l'orga- 
nisme?... Une  cause  externe,  rien  déplus,  rien  de  moins. 
Il  agira  donc  à  la  manière  des  causes  externes,  c'est-à- 
dire  avec  très-peu  de  puissance.  Le  froid  et  le  chaud 
avaient  favorisé  un  mauvais  mouvement  de  1  organisme 
et  produit  la  pneumonie  ou  la  dysentérie  ;  la  bryone  et 
le  mercure  produiront  dans  l'organisme  un  mouvement 
différent  tendant  vers  la  guérison.  Ces  médicaments, 
comme  toute  cause  externe,  modifieront  l'organisme  et, 
s'ils  sont  bien  indiqués,  ils  favoriseront  le  mouvement 
de  réparation  qui  conduit  à  la  guérison.  Ils  aideront  la 
nature,  mais  ils  ne  guériront  que  par  son  intermédiaire  : 
natura  medkatrix. 

C'est  l'organisme  qui  fait  la  maladie,  c'est  l'organisme 
qui  la  guérit  :  aussi  notre  puissance  est-elle  très-limitée, 
et  là  où  la  nature  ne  tend  pas  naturellement  à  la  guérison 
nous  sommes  le  plus  souvent  impuissants  :  Natura  répu- 
gnante^ omnia  vana. 

II.  De  l'administration  du  médicament. 

Contrairement  aux  préceptes  de  la  thérapeutique  con- 
temporaine, Ilahnemann  enseignait  qu'il  fallait  suspen- 
dre l'administration  du  médicament  après  quelques 
jours  de  son  usage.  Quelques  homœopathes,  et  ce  sont 
les  élèves  les  plus  immédiats  du  maître,  ne  donnent 
dans  le  traitement  des  maladies  chroniques  qu'une 
seule  dose  de  médicaments  et  ils  attendent  ensuite  huit 


LEÇONS  CLINIQUES.  401 

dix,  vingt  ou  quarante  jours,  plus  ou  moins,  suivant  la 
durée  présumée  de  l'action  du  médicament  sans  inter- 
venir de  nouveau,  et  ils  ne  donnent  une  nouvelle  dose 
que  lorsque  la  première  est  entièrement  épuisée. 

D'autres  homœopathes  prescrivent  un  médicament  à 
doses  répétées  deux  ou  trois  fois  par  jour  pendant  trois, 
quatre  et  six  jours,  puis  laissent  agir  le  médicament 
pendant  autant  de  jours  qu'ils  l'ont  administré. 

La  pratique  de  la  plupart  des  homœopathes  rentre 
dans  les  deux  règles  que  nous  venons  de  poser,  seule- 
ment avec  quelques  variations  insignifiantes. 

Mais  quelle  est  la  raison  de  cette  règle  posée  par 
Hahnemann  ?...  Est-ce  la  crainte  de  l'aggravation  mé- 
dicamenteuse ou  n'est-ce  pas  plutôt  l'idée  que  nous  ex- 
primionsau  commencement,  à  savoirque  le  médicament 
ne  guérit  pas  directement,  mais  qu'il  met  la  nature  sur 
la  voie  de  la  guérison,  d'où  le  précepte  qu'il  est  inutile 
d'intervenir  une  fois  que  l'amélioration  s'est  pro- 
noncée? 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  clinique  ici  comme  dans  toute 
question  de  thérapeutique  doit  décider  souverainement 
cette  question  ;  voyons  ce  qu'elle  enseigne  sur  la  répéti- 
tion des  doses  : 

Il  y  a  des  cas  où  une  amélioration  se  produit  après  la 
première  prise  du  médicament.  Cette  amélioration  con- 
tinue ensuite  malgré  la  suspension  du  médicament  et 
ne  s'arrête  qu'à  la  guérison  du  malade.  Ces  cas  sont 
beaucoup  plus  rares  que  ne  l'enseignait  Hahnemann  et 
que  ne  le  croient  encore  ses  disciples  les  plus  fervents. 

Dans  d'autres  cas,  l'amélioration  produite  cesse  quel- 
ques jours  après  la  suspension  du  médicament  et  la  ma- 
ladie reprend  sa  marche  à  peu  près  comme  si  elle  n'avait 
pas  été  traitée. 

Dans  quelques  cas  enfin,  il  survient  une  véritable 


402  MÉDECINE  PRATIQUE. 

aggravation  pendant  l'usage  du  médicament,  et  cette 
aggravation  peut  être  suivie  d'une  amélioration  qui  se 
manifeste  plus  tard,  amélioration  qui  est  définitivement 
progressive  comme  dans  le  premier  cas  que  nous  avons 
indiqué  ou  simplement  temporaire  comme  dans  le  se- 
cond. ! 

Cette  aggravation  qui  a  été  beaucoup  exagérée  par  les 
premiers  homœopathes,  qui  a  été  niée  par  un  certain 
nombre  d'entre  eux,  est  incontestable  et  vous  en  obser- 
verez plusieurs  cas  pendant  le  cours  de  notre  clinique. 
L'aggravation  consiste  tantôt  dans  une  augmentation 
des  symptômes  de  la  maladie,  d'autres  fois  ce  sont  les 
phénomènes  pathogénétiques  du  médicamentqui  appa- 
raissent pendant  son  administration  :  la  dilatation  de 
la  pupille  par  la  belladone,  l'incontinence  nocturne  d'u- 
rine par  la  pulsatille,  la  blépharite  par  l'arsenic. 

Mais  s'il  est  impossible  de  nier  absolument  les  aggra- 
vations médicamenteuses,  il  faut  bien  se  garder  de  con- 
fondre avec  elles  les  aggravations  qui  tiennent  à  la 
marche  naturelle  de  la  maladie  et  à  l'inefficacité  du  trai- 
tement. C'est  une  théorie  par  trop  commode  que  celle 
de  certains  homœopathes  sur  les  aggravations  médica- 
menteuses et  qui  les  rend  toujours  contents  d'eux- 
mêmes.  Le  malade  va-t-il  mieux,  c'est  le  médicament  ; 
va-t-il  plus  mal,  c'est  l'aggravation  médicamenteuse. 
J'ai  vu  des  médecins  se  nourrir  ainsi  d'illusions,  annon- 
çant sans  cesse  une  amélioration  qui  ne  venait  jamais  et 
aller  ainsi  d'aggravation  en  aggravation  jusqu'à  la 
mort  du  malade. 

L'observation  clinique  nous  permet  de  poser  les  règles 
suivantes  pour  l'administration  des  doses  dans  le  traite- 
ment des  maladies  chroniques  : 

1°  Prescrire  le  médicament  répété  deux  ou  trois  fois 
par  jour  pendant  quatre  à  six  jours,  laisser  ensuite 


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LEÇONS  CLINIQUES.  403 

au  moins  trois  jours  pour  juger  de  l'action  produite, 

2°  SU  y  a  eu  amélioration  ne  donner  une  nouvelle  dose 
de  médicament  que  lorsque  cette  amélioration  cesse  de 
faire  des  progrès. 

3°  S'il  y  a  eu  agtjravntion  évidente,  il  peut  se  présenter 
deux  cas  :  ou  cette  aggravation  est  suivie  d'une  amé- 
lioration et  alors  on  suivra  la  règle  précédente,  ou  bien 
le  malade  reste  dans  l'état,  et  alors  on  changera  soit  la 
dose,  soit  le  médicament  lui-môme. 

4°  Mais,  si  après  l'usage  du  médicament  pendant 
quatre,  six  et  huit  jours,  il  n'y  a  aucun  efïet  produit,  il 
faudra  le  plus  souvent  changer  le  médicament. 

Cependant  dans  les  affections  organiques,  quand  un 
médicament  a  été  bien  choisi,  c'est-à-dire  quand  sa  pa- 
thogénésie  correspond  aux  symptômes  de  la  maladie, 
quand  la  clinique  a  confirmé  plusieurs  fois  son  effica- 
cité dans  desens  analogues,  il  ne  faut  pas  craindre  d'in- 
sister sur  le  même  médicament  pendant  plusieurs  se- 
maines. 

III.  Du  choix  des  doses. 

La  troisième  question  que  je  désire  examiner  ce  soir 
est  celle  du  choix  des  doses.  C'est  à  la  fois  la  question  la 
plus  difficile  et  la  plus  controversée  de  la  thérapeu- 
tique homœopathique. 

Il  y  a  des  médecins  hahnemanniensqui  ne  prescrivent 
jamais  que  les  dilutions  élevées,  les  trentièmes  et  les  deux- 
centièmes;  il  en  est  d'autres  qui  n'emploient  que  les 
dilutions  basses,  la  première,  la  deuxième  et  la  troisième  ; 
quelques-uns  même  (et  j'en  suis  fâché  pour  le  préjugé 
qui  ne  sépare  pas  l'idée  d'homœopathie  des  idées  de 
globules)  ne  se  servent  jamais  des  doses  infinitésimales, 
ils  prescrivent  la  substance  elle-même  et  à  doses  très- 
pondérables.  D'autres  enfin  se  tiennent  habituellement 


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404  MÉDECINE  PRATIQUE. 

dans  les  doses  moyennes,  la  sixième  et  la  douzième  di- 
lution. 

Les  préceptes  qui  ont  été  formulés  pour  le  choix  des 
doses  ne  sont  pas  moins  contradictoires  que  la  pratique 
elle-même.  Les  uns  enseignent  que  les  doses  très  petites 
conviennent  aux  maladies  chroniques  et  les  doses  fortes 
aux  maladies  aiguës  ;  les  autres  recommandent  un  pré- 
cepte tout  à  fait  opposé. 

La  vérité  n'est  ni  dans  les  extrêmes  ni  dnns  le  juste 
milieu  plus  modeste  des  doses  moyennes.  La  vérité  est 
dans  cette  formule  :  les  médicaments  doivent  être  em- 
ployés à  toutes  doses. 

Quelques  exemples  vont  vous  faire  comprendre  la  né- 
cessité d'accepter  pour  la  pratique  une  formule  aussi 
large  que  possible. 

La  clinique  m'a  démontré  depuis  longtemps  que  le 
mercure  agissait  plus  sûrement  et  plus  promptement, 
dans  la  syphilis,  quand  il  était  prescrit  à  la  dose  pondé- 
rable que  lorsqu'il  était  employé  à  dose  infinitésimale. 
Par  contre,  la  clinique  m'a  d 'montré  non  moins  pé- 
remptoirement que  ce  même  médicament  agissait  plus 
sûrementet  plus  promplement,dans  la  dysenterie  et  dans 
l'angine,  à  dose  infinitésimale  qu'à  do.se  pondérable.  Les 
doses  d'un  même  médicament  doivent  donc  varier  avec 
les  maladies. 

Dans  la  fièvre  intermittente,  un  grand  nombre  de 
médicaments  peuvent  être  indiqués;  je  prends  les  trois 
principaux,  le  sulfate  de  quinine,  la  noix  vomique  et 
l'arsenic.  Eh  bien,  quand  c'est  le  sulfate  de  quinine  qui 
est  indiqué  par  l'ensemble  des  symptômes,  il  agira  bien 
plus  sûrement  à  doses  très-fortes  qu'à  doses  infinitési- 
males ;  mais  si  les  symptômes  indiquent  la  noix  vomi- 
que ou  l'arsenic,  ces  deux  substances  agissent  bien  plus 
sûrement  à  doses  infinitésimales,  àiadouxièine  dilution, 


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LEÇONS  CLINIQUES.  405 

par  exemple,  qu'à  doses  fortes.  Ici  donc  les  doses  doivent 
varier  dans  la  même  maladie  avec  les  divers  médica- 
ments. 

Vous  voyez  que  j'avais  raison  de  vous  dire  que  la  vé- 
rité dans  le  choix  des  doses  ne  se  trouvait  ni  dans  l'u- 
sage exclusif  des  doses  très-petites,  très-fortes  ou  moyen- 
nes, et  que,  suivant  le  cas,  il  fallait  employer  toutes  ces 
doses. 

Mais,  nous  dira-t-on,  qui  vous  guidera  dans  le  choix 
des  doses  pour  les  cas  particuliers? —  L'expérience  cli- 
nique, qui  prononce  toujours  en  dernier  ressort  pour 
toutes  les  questions  thérapeutiques. 

Eî)  général,  voici  la  marche  que  nous  suivons  :  nous 
choisissons  de  prime  abord  des  doses  infinilésimales 
quand  le  médicament  est  bien  connu,  quand  il  est  bien 
approprié  au  cas  particulier,  quand  la  clinique  a  déjà 
démontré  son  elhVacité.  Nous  préférons  les  doses  pondé- 
rables dans  les  cas  opposes  

Mais  il  est  une  circonstance  dans  laquelle  nous  n'hé- 
sitons jamais  à  employer  de  très-fortes  doses  de  médica- 
ments. C'est  dans  la  médication  palliative. 

La  médication  palliative  a  été  honnie  et  rejetée  de  la 
thérapeutique  scientifique  par  les  enthousiastes  de 
toutes  les  écoles;  mais  les  nécessités  de  la  pratique  ne 
tarderont  guère  à  vous  démontrer  l'utilité  de  conserver 
une  place,  malheureusement  encore  considérable,  à 
cette  médication . 

Vous  vous  souviendrez  que  quand  le  médecin  ne  peut 
guérir,  il  doit  s'efforcer  de  soulager,  et  vous  ne  vous 
priverez  pas  volontairement  des  bienfaits  de  la  médica- 
tion palliative. 

Quand  vous  verrez  un  cancéreux  en  proie  5  d'horri- 
bles souffrances,  vous  ferez  de  la  médecine  palliative  ; 
vous  en  ferez  encore  pour  ces  malheureux  phthisiques 


406  MÉDECINE  PRATIQUE. 

arrivés  au  dernier  terme  de  leur  maladie,  qui  n'ont  plus 
rien  à  espérer  de  la  thérapeutique  curative  et  qui  vous 
demandent  d'adoucir  leurs  dernières  douleurs. 

Vous  ne  pouvez  refuser  l'action  bienfaisante  de  la  thé- 
rapeutique palliative  à  ces  torturés  de  la  maladie  qui 
s'agitent  dans  les  douleurs  convulsives  des  coliques  né- 
phrétiques ou  hépatiques.  N'hésitez  point,  dans  ces  cas, 
à  employer  des  doses  très- fortes,  des  doses  toxiques  d  o- 
pium,  de  belladone,  de  chloroforme,  etc.,  car  le  carac- 
tère de  la  médication  palliative  est  précisément  d'exiger 
des  doses  considérables  de  médicament. 

Quel  inconvénient  voyez-vous  à  cette  manière  d'agir? 
Les  malades  s'en  trouvent  mieux  et  profitent  ainsi  des 
ressources  de  toutes  les  médications.  Quelque  esprit  fâ- 
cheux craindra  peut-être  que  l'honorabilité  du  médecin 
ait  à  souffrir  de  ce  mélange  de  méthodes  en  apparence 
opposées.  Mais,  sachez-le  bien,  la  meilleure  sauvegarde 
de  votre  honorabilité,  c'est  la  pratique  de  cette  maxime  : 
«  Dire  tout  ce  que  r  on  fait,  faire  tout  ce  que  F  on  dit.  » 

Mais  alors,  me  direz-vous,  vous  n'êtes  ni  homœopathe, 
ni  hahnemannien  !... 

Si  vous  entendez  par  hahnemannien  un  médecin  qui 
honore  Hahnemann  comme  comme  celui  qui  a  tiré  la 
matière  médicale  du  chaos  des  hypothèses  et  qui  a  posé 
la  thérapeutique  sur  les  bases  inébranlables  de  la  mé- 
thode expérimentale,  oui,  je  suis  hahnemannien. 

Mais  si  vous  entendez  par  hahnemannien  l'homme 
qui  croit  aux  trois  dynami$meselk\n  doctrine  de  la  psore, 
non,  je  ne  suis  pas  hahnemannien. 

Si  vous  appelez  homœopathe  le  médecin  qui  ne  croit 
qu'à  la  matière  médicale  expérimentale,  qui  base  la  plu- 
part de  ses  indications  sur  la  loi  des  semblables,  et  qui 
emploie  le  plus  souvent  les  doses  infinitésimales,  oui,  je 
suis  homœopathe. 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  407 

Mais  si  vous  appelez  homœopathe  le  médecin  qui 
n'accepte  que  les  globules  de  la  trentième  dilution,  qui 
se  prive  des  secours  des  médications  hydrothérapique 
et  électrique,  qui  repousse  la  médication  palliative  et 
son  utilité,  non,  je  ne  suis  pas  homœopathe. 

Vous  savez,  du  reste,  que  les  Ecoles  ne  se  nomment 
jamais  elles-mêmes;  elles  reçoivent  un  nom  qu'elles  sup- 
portent bon  gré  mal  gré.  Pour  moi,  si  j'avais  à  nommer 
la  thérapeutique  que  j'aime  et  que  je  défends  depuis 
vingt  ans,  je  lui  donnerais  son  nom  véritable  et  je  l'ap- 
pellerais la  thérapeutique  expérimentale.  Mais  on  nous  a 
persécutés  sous  le  nom  homœopathes  ;  on  a  fait  de  ce  nom 
un  drapeau  sous  lequel  nous  avons  combattu  depuis 
bien  long-temps  ;  c'est  pourquoi  nous  tenons  à  honneur 
de  le  conserver,  toutefois  avec  les  explications  et  les 
restrictions  que  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  exposer. 

P.  JOUSSET. 


THÉRAPEUTIQUE 


CAUSERIES  CLINIQUES 

TOMB  II 

XI 

TRAITEMENT  DE  LA  DIPHTHERIE  (1). 
—  Suite  — 

XLII.  Tartre  stibié.  — Dans  son  mémoire  du  Traitement 
médical  de  l angine  couenneuse  et  du  croup,  mémoire  pu- 
blié par  la  Gazette  des  hôpitaux  et  reproduit  par  fArt 
médical  (IX,  313),  le  D'  Constantin,  de  Contres,  dit 

(1)  Voir  t.  XXXI,  pages  44,  119,  186. 


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408  THÉRAPRFTtQlTR. 

avoir  traité  53  cas  de  croup  confirmé,  la  moitié  au  moins 
appartenant  à  la  seconde  période  (dyspnée  progressive, 
menace  d'asphyxie  et  de  suffocation),  sur  lesquels  il  a 
obtenu  46  guérisons.  Comme  il  n'est  pas  toujours  fa- 
cile de  déterminer  les  limites  de  la  2e  et  de  la  3e  pé- 
riode (asphyxie,  suffocation),  il  pense  avoir  guéri  quel- 
ques cas  arrivés  à  la  3e  période.  Il  cite  deux  observa- 
tions où  existaient  les  symptômes  de  la  3e  période  :  Face 
bouffie  d'une  pâleur  mor  telle  et  couverte  d'une  sueur 
froide,  lèvres  bleues,  yeux  saillants,  toux  rauque  et 
bruyante,  suffocation,  menace  d'asphyxie.  Sous  l'action 
du  remède  administré  à  la  plus  forte  dose  (voyez  plus 
loin  la  potion  n°  \)  chez  une  enfant,  le  pouls  qui  était 
à  150  tomba  rapidement  à  50.  Cependant  la  petite  ma- 
lade n'entra  en  convalescence  que  le  5e  jour. 

Le  Dr  Constantin  employait  l'une  des  trois  potions 
suivantes,  selon  que  la  maladie  était  plus  ou  moins 
grave,  le  malade  plus  ou  moins  âgé  : 

POTION    N°  i. 

Emulsion  simple   250  grammes. 

Sirop  de  morphine   60  » 

Émétique   1  » 

potion  n'  2. 

Emulsion  simple   250  » 

Sirop  de  morphine   52  •» 

Émétique   0,80 

potion  n8  3. 

Emulsion  simple   250  » 

Sirop  de  morphine   45  » 

Émétique  0,60 

L'une  de  ces  potions  est  administrée,  par  cuillerée  à 
bouche,  toutes  les  heures  ou  toutes  les  demi-heures. 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  409 

Le  Dr  Constantin  dit  avoir  prescrit,  depuis  quinze  ans, 
le  tartre  stibié  à  très-haute  dose  chez  des  enfants  de  tout 
âge,  môme  avec  audace,  puisqu'il  a  fait  prendre  à 
des  enfants  de  3  à  4  ans  jusqu'à  9  grammes  dans 
l'espace  de  trois  à  quatre  jours,  et  il  a,  dit-il,  ob- 
tenu la  guérison  sans  provoquer  des  accidents.  Il  a 
seulement  observé  quelques  éruptions  stibiées  sur  di- 
verses parties  du  corps  et  parfois  des  vomissements  ; 
mais  ceux-ci  avaient  l'avantage  de  contribuer  à  l'expul- 
sion des  fausses  membranes. 

\jb  Dr  Blaizeau,  professeur  agrégé  à  l'École  de  méde- 
cine militaire  du  Vai-de-Grdce,  a  publié,  dans  la  Gazette 
médicale  de  Paris  (1855),  un  travail  sur  le  «  traitement 
du  croup  par  l'émétique  à  haute  dose,  »  reproduit  en 
partie  dans  f  Art  médical  (IX,  452). 

Il  cite  : 

1  cas  de  forme  croupale  traité  par  émétique,  5  centi- 
grammes; eau,  60  grammes,  à  prendreen  Irois  fois  de 
dix  en  dix  minutes.  Le  soir,  amélioration  sans  vomisse- 
ments. Nouvelle  potion  de  :  émétique,  15  centigrammes; 
eau,  60  grammes,  à  prendre  par  cuillerée  à  café  d'heure 
en  heure.  Le  lendemain,  changement  remarquable,  re- 
jet de  fausses  membranes.  Guérison  le  3e  jour. 

1  cas  de  forme  croupale  traité  par  émétique,  20  centi- 
grammes; eau,  125  grammes,  à  prendre  par  cuillerée 
à  bouche  d'heure  en  heure  ;  le  3e  jour,  l'enfant  entre 
en  convalescence; 

2  cas  de  forme  croupale  guéris  par  le  Dr  Teallier  avec 
l'émétique  à  haute  dose  ; 

22  cas  de  forme  croupale  (laryngite  pseudo-mem- 
braneuse), dont  21  guéris  avec  l'émétique  par  le  D'  Prus, 
de  Grandvilliers  (Oise)  ; 

3  cas  de  forme  croupale,  guéris  par  émétique,  30  centi- 
grammes; eau,  120  grammes,  administré  par  cuillerée 


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4 1 0  THÉRAPEUTIQUE. 

de  deux  en  deux  heures  [Clinique  de  t  Académie  de  Vilna 
pour  l année  1834-35); 

1  cas  de  forme  croupale  guéri  avec  1  emétique  par  le 
Dr  Fabre; 

i  cas  de  forme  croupale  guéri  avec  l'émétique  par  le 
Dr  Bazin  ; 

1  cas  de  forme  croupale  guéri  avec  l'émétique  par  le 
Dr  Mayer  ; 

i  cas  do  forme  coupale  guéri  avec  l'émétique  par  le 
Dr  Valette. 

«  Dans  53  cas  de  croup,  Valleix  a  employé  l'émétique 
3i  fois  (à  forte  dose),  il  a  eu  15  guérisons.  Chez  22  ma- 
lades, on  a  donné  l'émétique  à  petite  dose,  il  n'y  a  eu 
qu'un  cas  de  guérison.  Valleix  le  prescrit  dans  une  po- 
tion de  4  onces  (125  grammes),  à  la  dose  de  1  à  3  grains 
(0,05  à  0,15),  suivant  l'âge,  par  cuillerée  à  bouche,  de 
quart  d'heure  en  quart  d'heure;  potion  qu'on  renou- 
velle sans  relâche,  dès  qu'elle  est  finie.  L'apparition  do 
symptômes  toxiques  graves  doit  seule  faire  cesser  le 
médicament.  Il  joint  à  ce  moyen  une  ou  plusieurs  sai- 
gnées au  début,  ou  des  sangsues  au  cou,  et  même  la 
cautérisation  de  l' arrière-gorge  avec  le  nitrate  d'argent.  » 
'  —  Dictionnaire  de  matière  médicale  de  Mérat  et  de  Lens, 
VII,  262,  année  1846. 

En  résumé,  nous  avons  139  cas  de  croups  traités  par 
l'émétique  et  sur  lesquels  nous  constatons  le  nombre 
considérable  de  94  guérisons. 

Si  ces  139  cas  de  diphthérie  appartenaient  tous  à  la 
forme  croupale  et  non  aux  autres  formes  de  cette  mala- 
die, il  faut  avouer  que  Yémétiçue  est  vraiment  un  remède 
bien  efficace  contre  elle.  Aussi  doit-on  s'étonner  qu'il 
ne  soit  pas  dès  lors  le  médicament  classique.  Si  cela  n'est 
pas,  est-ce  parce  qu'on  a  publié  préférablement  les  suc- 
cès et  seulement  une  partie  des  insuccès?  Ou  serait-ce 


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CAUSERIE*  CLINIQUES.  411 

encore  parce  qu'on  a  constaté  des  faits  d'intoxication 
pareils  aux  deux  suivants? 

Observation  I. 

intoxication  et  mort  produites  par  \0  centigrammes  de  tartre  stibié. 

«  Un  élève  en  médecine,  âgé  d'environ  25  ans,  fit  appeler, 
dans  la  matinée  du  5  juin  1231,  M.  le  professeur  Andral,  qui  le 
trouva  dans  l'état  suivant:  face  jnunàtre,  céphalalgie  sus-orbitaire, 
bouche  mauvaise,  langue  large,  humide,  limoneuse;  inappétence, 
nausées,  constipation.  Du  reste,  l'intelligence  est  nette,  les  réponses 
précises,  les  forces  musculaires  bien  conservées  ;  le  pouls  est  presque 
sans  fréquence,  la  peau  sans  chaleur  anormale;  l'ab  lomen  est  souple 
et  indolent;  l'appareil  respiratoire  ne  présente  aucun  trouble  fonc- 
tionnel. M.  Andral,  voyant  dans  ces  symptômes  l'état  moriade 
qu'on  a  désigné  sous  le  nom  d'embarras  gastrique,  prescrivit  deux 
grains  (0,10)  de  tartre  sl'bié  dans  trois  demi-verres  d'eau.  A  peine 
le  tartre  sttbié  fut-il  introduit  dans  l'estomac  que  des  vomissements 
accompagnés  d'angoisse  se  déclarèrent,  ils  persistèrent  pendant  le 
reste  de  la  journée.  Il  s'y  joignit  une  diarrhée  abondante,  les  mus- 
cles de  la  face  étaient  agités  de  mouvements  convulsifs. 

*  Le  6  juin,  M.  Andral  ne  put  voir  le  malade  qu'à  quatre  heures 
du  soir;  il  offrait  alors  les  symptômes  suivants  :  prostration,  angoisse, 
physionomie  décomposée,  traits  profondément  altérés,  pouls  fré- 
quent et  peu  développé,  douleurs  des  membres  d'apparence  rhuma- 
tismale. Prescription  :  saignée  du  bras  qui  fut  pratiquée  à  Y  hôpital 
de  la  Pitié,  où  le  malade  se  fit  transporter  dans  la  soirée. 

«  Le  7  au  matin,  altération  de  la  face,  pâleur  cadavérique,  extré- 
mités froides,  respiration  haletante,  yeux  éteints,  une  écume  abon- 
dante s'écoule  de  la  bouche,  saillie  de  la  vessie  distendue  par  l'u- 
rine; pénis  et  scrotum  fortement  colorés  en  noir;  on  remarque  la 
même  teinte  en  quelques  points  de  la  partie  antérieure  du  thorax, 
principalement  sous  l'une  des  clavicules.  Mort  à  neuf  heures  du 
matin.  —  Observation  communiquée  par  M.  Constant  in  Archioes 
générales  de  médecine,  lr#  série,  t.  XXVI,  p.  262. 

Observation  II. 
Intoxication  et  mort  produites  par  5  centigrammes  de  tartre  stibié. 

Daus  ses  Considérations  sur  les  doses  infinitésimales,  Andrieux 
'd'Agen)  écrit  ce  qui  suit  :  «  J'ai  vu  périr,  à  la  suite  de  vomisse- 


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412  THÉRAPEUTIQUE. 

ments  incompressibles,  une  femme  à  laquelle  on  avait  administré 
un  seul  grain  (0,0.*V  «le  t'irlre  stifnê,  dans  le  but  de  combattre  des 
accidents  presque  insignifiants  d'embarras  gastrique.  Sa  nort  fut 
directement  produite  par  l'action  exceptionnellement  toxique  de 
cette  préparation  antimoniale.  On  est  en  droit  de  se  demander 
quelle  quantité  la  malade  avait  absorbée  du  médidaraent,  qui, 
dissous  dans  un  verre  d'eau,  avait  été  rejeté  en  très-grande  partie 
avec  les  matières  dos  premiers  vomissements.  >,  —  Revue  hotnœnpa- 
tfnque  >!u  Midi  du  Dr  Béehet,  1 1 1,  313. 

Si  les  doses  infinitésimales  provoquent  quelquefois 
des  aggravations  passagères,  du  inoins  elles  ne  pro- 
duisent jamais  la  mort  îles  malades  :  c'est  là  une  des 
causes  de  leur  supériorité.  Les  doses  massives  d'un 
grand  nombre  de  médicaments,  au  contraire,  et  malgré 
toute  la  prudence  des  praticiens,  ont  amené  el  amène- 
ront toujours,  chez  des  sujets  exceptionnellement  pré- 
disposés, des  intoxications  graves  ou  même  mortelles. 
Ainsi  l'éther  et  le  chloroforme,  employés  par  les  chirur- 
giens pour  provoquer  l'anesthésie,  ont  produit  et  pro- 
duiront toujours  exceptionnellement  des  cas  de  mort. 
Et  pourtant  on  emploie  et  on  emploiera  toujours  ces 
anesthésiques,  parce  que  leurs  avantages  en  sont  plus 
grands  que  leurs  inconvénients  exceptionnels. 

De  même  faut-il  faire  pour  Xémétitjiu',  qui,  prescrit  à 
doses  moyennes,  procure,  paraît-il,  de  beaux  succès  et 
provoque  tout  à  fait  exceptionnellement  des  symptômes 
toxiques  ou  la  mort.  Il  serait  très-certainement  préfé- 
rable d'administrer  la  lrc,  la  2e  ou  la  3e  trituration,  qui 
produisent  tout  au  plus  des  aggravations  passagères. 
Mais  il  faudrait  auparavant  s'assurer  qu'elles  sont  elli- 
caces  contre  le  croup.  Or  elles  ne  le  seraient  pas,  s'il 
est  vrai  que  les  faibles  doses  de  ce  remède  aient  été  in- 
suffisantes, en  pareil  cas,  entre  les  mains  de  Valleix. 
Dans  l'intérêt  des  malades,  il  vaut  mieux,  jusqu'à  de 
nouvelles  informations,  suivre  les  enseignements  de  la 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  413 

clinique  de  nos  devanciers,  les  médecins  précités,  qui 
nous  citent  de  nombreux  cas  de  croup  guéris  par  le 
tartre  stibié  à  doses  moyennes. 

On  sait  que  Rasori  administrait  ce  médicament  en 
commençant  par  donner  12  grains  (60  centigrammes) 
le  jour  et  12  grains  la  nuit;  il  en  arrivait  à  prescriro 
plusieurs  gros  (1  gros  =  4  grammes)  par  jour,  et  tout 
cela,  dit-on,  sans  provoquer  la  mort,  ni  même  des 
symptômes  toxiques  graves.  Cette  expérimentation  ré- 
pétée par  beaucoup  d'autres  médecins  aurait  donné  des 
résultats  analogues.  On  dit  encore  que  Yémétique,  donné 
à  très-fortes  doses  et  rarement,  intoxique  moins  que 
prescrit  à  petites  doses  réfractées,  c'est-à-dire  répétées 
souvent.  On  observe;  du  reste,  des  résultats  analogues 
en  administrant  le  caiomel  suivant  ces  deux  méthodes. 

Quand  on  devra  prescrire  le  tartre  stibié  contre  le 
croup,  il  y  a,  il  me  semble,  un  juste  milieu  à  tenir 
entre  les  très-fortes  doses  et  les  doses  faibles  ou  infini- 
tésimales. Or  ce  juste  milieu,  c'est  précisément  ces  doses 
moyennes  que  l'expérience  clinique  nous  montre  effi- 
caces contre  cette  grave  maladie.  Prescrivons  donc  en 
pareil  cas  ces  doses,  en  attendant  qu'on  nous  démontre 
expérimentalement  la  supériorité  ou  l'équivalence  des 
doses  infinitésimales.  S'il  survenait  exceptionnellement 
une  intoxication  grave  produite  par  les  doses  moyennes, 
on  pourrait  très-probablement  la  faire  disparaître  en 
administrant  d'autres  médicaments  ou  même  le  tartre 
stibié  à  doses  infinitésimales. 

Celles-ci  sont-elles  insuffisantes  contre  le  croup,  par.  e 
que  le  tartre  stibié  n'est  pas  assez  hoiua-opathique  et 
doit-on  compenser,  comme  on  le  voit  pour  d'autres  re- 
mèdes, son  défaut  d'homœopathicité.  en  le  prescrivant 
à  dose  nlus  forte,  à  dose  massive  même?  Ou  bien  eo 

médicament  ne  qous  parait-il  pas  suffisamment  bomœo- 
toîie  xxxi.  —  juin  IR70.  27 


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414  THERAPEUTIQUE. 

pathique,  parce  que  sa  pathogénésie  n'a  pas  été  faite 
aussi  complètement  que  celle  du  brome  ou  de  la  bryonc, 
soitsurdes  hommes,  soit  sur  des  animaux?  Toujours  est- 
il  que,  dans  cette  pathogénésie  du  tartre  émèt  'tque  publiée 
par  le  Dr  Roth  (t.  III,  p.  304),  on  ne  trouve  que  les 
symptômes  suivants  qui  ressemblent  plus  ou  moins  à 
ceux  du  croup. 

84.  Face  paie. 

85.  Face  livide. 

86.  Pâleur  de  la  lace  et  de  tout  le  corps. 

87.  Visage  rouge. 

90.  Visag'e  et  mains  bouftis. 

97.  La  cavité  buccale  et  les  lèvres  sont  très-enflées. 

98.  Excoriation  de  la  muqueuse  buccale. 

99.  Toute  la  cavité  buccale  et  les  lèvres  sont  tuméfiées 
et  excoriées  pur  place. 

100.  Gencives  douloureuses,  gonflées  et  saignantes. 

108.  Afllux  de  salive  à  la  bouche. 

109.  Afllux  d'eau  à  la  bouche,  sans  nausées,  niais  d'un 
g*oùt  fade,  désagréable. 

127.  Le  voile  du  palais  et  le  pharynx  fortement  rangés 
et  parsemés  de  vésicules. 

128.  Enflure  subite  des  amygdales  et  des  ganglions 
du  cou. 

129.  Isthme  du  pharynx  gonflé  et  presque  bouché  par 
des  mucosités. 

130.  Vive  douleur  à  la  gorge. 

132.  Dillieulté  de  la  déglutition  et  même  de  la  respi- 
ration produite  parle  gonflement  de  1  isthme  du  gosier. 

299.  Toux  et  élernuments  fréquents. 

300.  Toux  brève,  provoquée  par  un  léger  chatouille- 
ment au  milieu  de  la  trachée-  artère. 

301.  Toux  pendant  une  demi-heure  ,  avant  mi- 
nuit. 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  415 

303.  En  toussant,  chaleur  et  sueur  au  front;  elle  est 
tout  étourdie. 

304.  Seulement  en  toussant,  chaleur  et  moiteur  des 
mains  et  du  front. 

307.  Toux  avec  expectoration,  le  matin ,  à  deux 
heures. 

309.  Râle  de  mucus  dans  les  bronches,  avec  oppres- 
sion. 

319.  Dyspnée. 

322.  Très-grande  oppression  de  la  poitrine. 

323.  Le  matin,  à  trois  heures,  elle  étouffe  ;  elle  est 
obligée  de  se  redresser  sur  son  séant  dans  le  lit  pour 
prendre  haleine.  La  toux  et  l'expectoration  la  calment. 

324.  Orthopnée,  elle  est  obligée  de  se  tenir  dans  le  lit 
presque  assise. 

325.  Au  début  de  chaque  quinte  de  toux,  la  respira- 
tion lui  manque;  elle  étouffe  jusqu'à  ce  que  la  toux  se 
déclare. 

326.  Le  soir  au  lit,  des  étouffements  ;  il  ne  peut  pas 
respirer  et,  pendant  toute  la  nuit,  il  est  obligé  de  se 
tenir  sur  son  séant. 

327.  Respiration  accélérée. 

400.  Peau  froide  et  gluante  à  la  tête  et  aux  extré- 
mités. 

452.  Le  corps  est  couvert  de  sueur  froide. 
456.  Sueur  froide  visqueuse  générale. 
460.  Pouls  déprimé,  presque  insensible. 

466.  Pouls  rapide  et  battement  général  de  toutes 
les  artères  tellement  fort,  qu'il  s'imagine  que  les  assis- 
tants doivent  l'entendre. 

467.  Pouls  accéléré,  faible,  tremblant. 

483.  Prostration  des  forces. 

484.  Insensibilité. 

485.  Perte  du  sentiment;  il  tomba  dans  un  état  de 


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416  THÉRAPEUTIQUE. 

stupeur  interrompu  de  temps  en  temps  par  des  convul- 
sions. 

491.  Agitation  très-gTande. 

494.  Convulsions  (chez  un  enfant)  suivies,  quelques 
heures  après,  de  mort. 

495.  Mouvements  spasmodiques. 

*9b\  Perte  de  connaissance  et  mouvements  convul- 
sifs. 

XLIII.  Su'fate  de  quinine.  —  Ce  remède  est  Tort  bien 
indiqué  et  très-efficace,  quand  la  diphthérie  présente  le 
type  franchement  intermittent.  En  pareil  cas,  il  a  déjà 
procuré  la  guérison  de  onze  malades  traités  par  les  mé- 
decins suivants. 

i  Diphthérie,  forme  croupale,  chez  un  enfant  de  2 
ans  et  demi,  accès  de  suffocation  régulièrement  inter- 
mittents. Après  le  second  accès,  le  Dr  Robustiano  Torras 
fait  prendre,  toutes  les  trois  heures,  trois  cueillerés  à 
café  du  mélange  suivant  : 

Eau  distillée  30  grammes. 

Sulfate  de  quinine  40  centigr. 

à  boire  dans  une  infusion  de  café  sucrée. 

Le  troisième  accès  n'a  pas  lieu,  expectoration  de 
fausses  membranes;  guérison.  [Gazette médicale  de  Lyon, 
1858.  —  Art  médical,  VIII,  431.) 

9  cas  de  diphthérie  ,  forme  croupale,  guéris  par 
J.-P.  Tessier,  qui  ne  signale  pas  les  doses  employées.  Il 
ne  donne  pas  les  observations  et  se  borne  à  dire  que 
deux  malades  ont  guéri  l'un  en  onze  jours,  l'autre  en 
trois  jours.  Ce  dernier  présentait  de  l'albuminurie. 
(Art  médical,  IX,  167  et  III.) 

i  diphthérie  ,  forme  croupale,  chez  une  enfant  de 
3  ans  ;  après  le  troisième  accès  intermittent ,  le 
Dr  Hélot,  de  Houen,  prescrit  un  quart  de  lavement  con- 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  417 

tenant  30  centigrammes  de  sulfate  de  quinine.  Guéri- 
son. 

1  diphthérie,  forme  crou pale,  chez  la  jeune  sœur  de 
la  précédente  malade.  Les  accès  ne  sont  pas  régulière- 
ment intermittents.  Insuccès  du  sulfate  de  quinine,  du 
tartre  stibiê  et  du  foie  de  soufre.  —  Dr  Hélot,  Tribune 
médicale,  II,  431. 

Dans  les  cas  de  diphthérie  revêtant  le  type  intermit- 
tent, il  suffirait,  je  crois,  d'employer,  chez  les  enfants 
surtout,  les  premières  triturations  (lre,  2',  3e)  centési- 
males ou  décimales  du  sulfate  de  quinine. 

Si  Ton  voulait  prescrire,  à  l'intérieur  ou  bien  en  la- 
vement, une  solution  de  ce  remède,  on  se  rappellerait 
qu'il  est  soluble  dans  l'alcool,  soluhle  dans  740  parties 
d'eau  froide,  soluble  dans  30  parties  d'eau  bouillante. 
Celle-ci  ne  pouvant  être  ingérée  par  le  malade,  il  pren- 
drait le  médicament  précité  dissous  dans  200  on  300 
parties  d'eau  tiède  à  40  ou  30  degrés. 

Pour  faire  absorber  une  moins  grande  quantité  de 
liquide,  on  pourrait  ajouter  1  décigramme  d'acide  ci- 
trique pour  1  gramme  de  sulfate  de  quinine,  afin  de 
rendre  ce  médicament  plus  soluble. 

Si  le  malade  ne  peut  pas  avaler,  on  est  alors  forcé  de 
prescrire  ce  même  remède  en  lavement  ou  bien  en  fric- 
tions sous  l'aisselle,  dans  la  paume  des  mains,  à  la  plante 
des  pieds.  Pour  faire  ces  frictions,  on  dissout  préala- 
blement dans  l'alcool  le  sulfate  de  quinine,  que  l'on  incor- 
pore ensuite  à  de  l'axonge. 

Dr  Gàllavàrdin, 

de  Lyon. 

—  La  suite  prochain? ment .  — 


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418 


SÉMÉIOTIQUE 


NOUVEAUX  FRAGMENTS  D'AUSCULTATION . 

AUSCULTATION  DE  LA  TOUX  (i). 

Quand  on  repasse  dans  son  esprit  ce  que  les  auteurs 
ont  pu  dire  de  la  toux  envisagée  au  point  de  vue  des 
services  qu'elle  peut  rendre  au  diagnostic,  on  s'explique 
difficilement  pourquoi  on  accorde  généralement  aujour- 
d'hui si  peu  d'importance  à  ce  symptôme. 

Quand  on  réfléchit  aux  résultats  que  donne  l'auscul- 
tation pratiquée  sur  la  poitrine  pendant  que  les  individus 
sains  ou  malades  respirent  ou  parlent,  la  toux,  envisagée 
au  point  de  vue  seméiologique,  perd  un  peu  de  son  in- 
térêt. 

Mais  elle  ne  met  pas  moins  sur  la  voie  de  quelques 
maladies  et  de  quelques  lésions  et  elle  rend  plus  facile, 
dans  quelques  circonstances,  l'appréciation  de  l'état 
physiologique  ou  pathologique  des  organes  respira- 
toires. 

La  toux  a  eu,  de  tout  temps,  dans  l'esprit  des  méde- 
cins, son  degré  d'importance.  Aussi  a-t-elle  fixé  l'atten- 

(1)  Le  mot  toux  dérive  de  tussis;  il  a  été  vraisemblablement  formé 
par  imitation  du  son  que  produisent  les  personnes  qui  toussent.  G.-J. 
Vossius  attribuait  une  origine  semblable  au  mot  tussis  {Etymologicon 
linguœ  latinœ,  I  vol.  in-folio.  Amsterdam,  1602,  p.  537). 

Cette  derniers  expression  e«t  passée  depuis  longtemps  dans  la  langue 
patoise  usitée  dans  le  midi  de  la  France.  On  dit,  en  parlant  à  la  troi- 
sième personne  : 

Un  tal,  ou  uno  talo  tussis. 

Un  tel,  ou  une  telle  tousse. 

Les  Grecs  se  servaient  du  mot  que  nous  croyons  aussi  fait  par 
imitation  du  son.  Br,Ç  dérive  de  Pr.w»,  qui  se  traduit  par  tutsio,  je 
tousse, 


DÉFINITION  Î)R  LA  TOUX.  419 

tion  des  hommes  tels  que  Galien  (1),  Théophile  Bonet  (2), 
Thomas  Willis  (3),  Morgag-ni  (4),  Daniel  Sennert(5),  etc. 

Cependant,  il  faut  en  convenir,  ces  auteurs  ont  écrit 
à  peine  sur  ce  symptôme,  alors  qu'ils  se  sont  étendus 
presque  avec  complaisance  sur  les  autres  sig-nes  des 
maladies. 

Nous  tâcherons  de  réunir  dans  cet  article  ce  que  la 
toux  présente  de  plus  intéressant  à  connaître  pour  la 
pratique,  soit  qu'on  la  considère  au  point  de  vue  des 
anciens  médecins  qui  ne  l'écoutaient  qu'à  distance,  soit 
qu'on  la  considère  au  point  de  vue  des  médecins  mo- 
dernes qui  appliquent  dans  quelques  cas,  directement 
ou  médiatement  l'oreille  sur  la  poitrine  des  malades. 

Qu'est-ce  que  la  toux? 

C'est  le  bruit  plus  ou  moins  fort,  plus  ou  moins  écla- 
tant, suivant  les  individus  et  suivant  les  maladies,  qui 
se  produit  à  la  suite  d'une  contraction  convulsive  et 
violente,  le  plus  souvent  involontaire,  des  muscles 
expirateurs  et  principalement  du  diaphragme. 

La  toux  présente  pour  l'ordinaire  a  une  suite  d'expi- 
rations subites  et  bruyantes  avec  rétrécissement  de  la 
glotte,  pour  activer  encore  le  mouvement  de  l'air  qui 

(1)  Galie*.  —  De  Symptomatura  causis,  liber  secundus.  Charterio 
edente,  tom.  VIII. 

—  De  Simplicium  raedica mentor ura  temperamentis  ac  facultatifs. 
Charterio  edente,  tom.  XIII. 

(2)  Bonet.  — DeTussi.ln  :  Anatomiae  practicœ  libri  secundi  sectione  m 
p.  592,  tom.  I.  In-folio,  Geneva»,  1700. 

(3)  Willis.  —  De  expiratione  laesa.  In  :  Pharmaceutice  rationalis. 

{<&)  Morgagni.  —  Epistola  anatomico-medica  XIX.  De  suffocatione 
verba  flunt  multa,  de  Tussi  pauca,  p.  353.  In  :  De  sedtbus  et  causis  mor- 
borum  per  anatomen  indigatis.  In- 4,  tomus  I,  Ebroduni  in  Helvetia, 
1779. 

(5;  Daniel  Sennbrt.  —  De  Tussi,  cap.  Operum,  t.  II.  p.  Î100  à  506. 
In-folio,  Parisiis,  IfM. 


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- 

120 


DÉFINITION  DE  LA.  TOUX. 


traverse  rapidement  la  cavité  buccale.  Plus  ces  expira- 
tions sont  nombreuses,  pins  l'inspiration  destinée  à  les 
contrebalancer  offre  d'étendue,  comme  on  l'observe  par- 
ticulièrement dans  la  coqueluche.  »  (Alm.  Lepelletier  de 
la  Sarthe,  p.  54  du  t.  II  du  Traité  de  physiologie  médicale 
et  philosophique,  in-8*.  Paris,  1839.) 

Galien  définissait  la  toux  de  la  manière  suivante  : 
«  Tussis,  nihil  estaliud,  quam  vehementissima  quaedam 
«efflatio  "expiration  qua  et  plurimus  simul  et  celerrime 
«  foras  erumpens  spiritus,  extrahat  propellatque  excre- 
omenta  vias  suas  obstruentia,  suo  impetu;  quumque 
«  primo  conatu  expeUere,  quœ  molesta  sunt,  non  valeat, 
«  bis  lerquein  ea  irruere  non  gravatur,  et  finem  plerum- 
aqueasseqHitur,  quumet  spiritus ipsevehementerfertur, 
a  et  quœ  obstruunt  ad  expulsionem  idonea  sunt  ;  taliasunt 
qua?  nec  aquosa^  nec  lenta»  substantiœ  sunt.  »  (Galenus, 
De  symptomalum  causis  liber  secundus.  Charterioedente, 
1.  VII.  p.  71.  F.) 

Cette  définition,  dans  laquelle  se  trouve  passé  sous 
silence  le  phénomène  le  plus  saillant  de  la  toux,  c'est- 
à-dire  le  bruit  qui  la  caractérise,  est  par  cela  môme 
moins  complète  que  les  définitions  que  donnèrent  plus 
tard  Willis  d'abord,  Etienne  Blancard  ensuite. 

«Tussis,  disait  Willis,  est  expiratio  vehemens,  cre- 
«  brior,  inœqualis  et  sonora,  propter  cujusdam  molesti 
«et  irritantis  aut  sedationem,  aut  a  pulmonibus  per  tra- 
«chea;  ductus  expulsionem,  excitata.  Quippe  aer  vio- 
«lenter  exelusus.  et  in  transitu  ad  ductuum  trachealium 
«latera  allisus,  quicquid  iis  ullibi  impaclum  est,  si  facile 
«mobile  fuerit,  discutit  et  abslergel,  et  non  raro  foras 
«  amandat.  »  (Pharmaceutice  rationalis,  De  expirafione 
Ixsa,  sect.  I,  cap.  iv,  p.  32,  t.  II,  in-4°.  Lug-duni,  1676.) 

»  Tussis,  disait  à  son  tour  Etienne  Blancard,  est  motus 
«violentus  et  plerumque  involuntarius  musculorum, 


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DÉFINITION   DE   LA  TOUX.  421 

«quibus  respiratio  peragitur,  ita  ut  expiratio  variis  vi- 
acibusinterrupta,  iterumque  repetens,aerem  expellendo 

•  e  pulmonibus,  et  repellendo  contra  latera  ramorum  as- 

•  perae  arteria?,  tandem  post  aliquot  ictus  et  nisus  cum 
«sonitu  graviore,  vcl  acutiore,  non  sine  vi,  et  sœpe  hu- 
«moris,  vel  phlegmatis  excretione,  peragitur.  Hinc  ex 
«  tussi  perinde,  ut  in  sternutalione,  concussio  corporis  fit, 
«adeo  ut  in  vehementiore  tussi  non  levis  labor  sit,  et 
«metus  su(îocationis,  quoniam  impedita  respiratione 
«sanguis  e  capite  rediens  se  in  cor  dextrum  exonerare 
«  non  potest  ;  ideoque  faciès  et  oculi  rubore  et  livore 
aafficiuntur,  atque  a  tussi  aliquot  horas  durante  iden- 
«tidem,  repente  vires  admodum  franguntur,  »  etc.  (Sle- 
phani  Blancardi  Lexicon  medicum.  Friderico.Isenflamm. 
edente,  vol.  II,  p.  1262,  in-8°.  Lipsiœ,  1777.) 

Rapprochez  les  définitions  précédentes  de  la  définition 
que  vous  trouverez,  par  exemple,  dans  la  douzième  édi- 
tion du  Dictionnaire  de  médecine  de  Nysten  (1)  (1  vol. 
grand  in-8°.  Paris,  1865),  et  dites  si  les  auteurs  anciens 
ne  devraient  pas  plus  souvent  être  rappelés  par  les  au- 
teurs modernes. 

Quel  est  le  but  le  plus  ordinaire  de  la  toux? 

La  toux  a  généralement  pour  but  de  débarrasser  les 
voies  aériennes  des  obstacles  de  toute  nature  qui 
gênent  la  circulation  de  l'air,  ce  qui  faisait  (Jire  à  Ga- 
lien,  faisant  allusion  à  ses  précédents  écrils  :  «Tussim 
«quoque,  ut  spirilus  itinera  emundarentur,  fieri  osten- 
«sum  est.  »  (Galeni  commentarius  Vin  liberum  VI  Hip- 
pocr&lis  Epidemiorum.  Cbarterio  edente,  t.  IX,  p.  515,  c.) 

(1)  *Toux,  expirations  subites,  courtes  et  fréquentes,  par  lesquelles 
l'air»  en  passant  rapidement  par  les  bronches  et  la  trachée-artère,  pro- 
duit un  bruit  particulier.  * 


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422  CAUSE  PROCHAINE  DE  LA  TOUX. 

Je  dis  généralement,  parce  qu'il  est  des  cas  dans  les- 
quels il  n'est  rien  qui  doive  être  expulsé  ou  rien  qui 
puisse  l'être. 

Qu'y  a-t-il  à  expulser,  en  effet ,  dans  les  toux  qui  sur- 
viennent à  l'occasion  de  l'hydrocéphale,  par  exemple, 
de  Thydropisie  de  poitrine,  de  l'ascite,  de  la  grossesse, 
de  l'inflammation  du  foie,  d'une  tumeur  de  l'estomac, 
de  certaines  affections  de  l'utérus?  etc.,  etc. 

Qu'est-ce  qui  peut  être  expulsé  dans  l'irritation  simple 
produite  par  la  respiration  d'un  air  froid,  dans  le  pre- 
mierdegréde  l'inflammation  de  la  membrane  muqueuse 
des  voies  aériennes,  dans  les  tubercules  pulmonaires  qui 
commencent ,  dans  la  péri  pneumonie  à  son  début ,  dans 
les  cas  de  productions  pierreuses  dans  le  tissu  des  pou- 
mons ?  etc. 

La  toux  est  à  l'arrière-g-org^,  au  larynx,  à  la  trachée- 
artère,  aux  bronches,  ce  que  l'éternument  est  aux 
fosses  nasales.  Galien  nous  l'apprend  encore  en  ces 
termes  :  «Natura  hominibus  salutis  gratia  ing*enitas  in- 
«didit  passiones,  ad  eundem  modum  et  sternutationem, 
«ettussim  ;  sternutationem  quidem,  uti  ea  quœ  in  na- 
«ribus  infesta  molestaque  sunt,  propelleret  ;  tussim 
«  vero,  ut  quœ  in  gutture.  »  Galeni  De  simplicium  medira- 
mentorum  iemperamentis  ne  facultatibus.  Liber  secundus, 
caput  xvii,  p.  45.  A.  Charterio  edente,  t.  XIII.) 

Quelle  est  la  cause  prochaine  de  la  toux? 

C'est  l'irritation  du  système  nerveux  des  voies  aérien- 
nes. 

Cette  irritation  a  pour  effet,  en  sollicitant  la  contrac- 
tion des  muscles  expirateurs  dont  nous  avons  parlé,  et 
en  diminuant  brusquement  par  cela  même  le  volume 
des  poumons,  non  moins  que  la  longueur  et  le  calibre 


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TOUX  PROVOQUEE  DANS  L'INTÉRÊT  DE  L'ÉTUDE.  423 

des  tuyaux  bronchiques,  de  forcer  l'air  à  sortir  précipi- 
tamment et  violemment  de  la  poitrine  (1). 

C'est  en  s'échappant  ainsi  que  l'air  chasse  devant  lui, 
avec  plus  ou  moins  de  facilité,  tous  les  obstacles  qu'il 
peut  rencontrer  sur  son  chemin. 

Qu  est-ce  qui  produit  la  toux? 

La  toux  peut  être  produite  par  la  simple  volonté,  dans 
l'intérêt  de  l'étude  ou  du  diagnostic. 

Mais  elle  se  produit  le  plus  souvent  d'elle-même,  par 
le  fait  de  la  maladie. 

Toux  provoquée  dans  l'intérêt  de  l'étude  ou  du  diagnostic. 

On  étudie  la  toux  des  individus  sains  pour  la  com- 
parer à  celle  des  individus  malades. 

On  la  provoque  pour  savoir  si  l'air  peut  parcourir  li- 
brement toute  l'étendue  des  voies  aériennes  et  si  rien 
d'anormal  ne  se  produit  par  elle. 

On  la  provoque  pour  rendre  plus  manifestes  ou  plus 
sensibles  certains  phénomènes  sonores,  soit  en  déter- 
minant leur  manifestation,  soit  en  les  exagérant. 

On  la  provoque  pour  chasser  les  obstacles  qui  s'oppo- 
sent à  l'entrée  ou  à  la  sortie  de  l'air,  pour  aider  à  recon- 
naître si  certains  phénomènes  sonores  siègent  dans  les 
poumons  ou  dans  la  plèvre;  pour  aider  à  distinguer  de 
l'état  spasmodique  des  voies  de  l'air  leur  obstruction  par 
des  liquides,  par  des  corps  étrangers,  etc.;  pour  savoir 
si  l'affaiblissement  ou  l'absence  du  murmure  vésiculaire 
dépendent  de  la  présence  de  mucosités  dans  les  bron- 

(1)  Cet  air  n'est  pas  seulement  celui  que  les  bronches  et  que  les  vési- 
cules contenaient,  avant  l'inspiration  subite  qui  a  précédé  la  toux,  mais 
encore  celui  que  celle  inspiration  toujours  plus  longue,  ou  du  moins 
plus  profonde  que  les  autres  y  ont  fait  pénétrer. 


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424  DIVISION   DE  LA  TOUX. 

ches  ou  de  toute  autre  cause  placée  en  dehors  des  voies 
de  l'air.  On  la  provoque  enfin  chez  certains  malades  qui 
ont  de  la  peine  à  parler  et  dont  il  importe  pourtant  de 
bien  apprécier  l'état  physique  des  poumons  ou  de  la 
plèvre. 

A  tous  ces  points  de  vue,  la  toux  peut  rendre  des  ser- 
vices. Elle  le  peut,  à  plus  forte  raison,  lorsque,  se  pro- 
duisant d'elle-même,  elle  agit  en  mettant  sur  la  voie  du 
traitement  que  réclament  les  maladies  ou  les  lésions 
dont  elle  est  un  symptôme. 

AUSCULTATION  DE  LA  TOUX  A  L'ÉTAT  PHYSIOLOGIQUE. 

La  toux  ne  fait  entendre  dans  la  poitrine  saine  qu'un 
bruit  confus. 

Ce  bruit  retentit  avec  une  forme  et  un  timbre  qui 
sont  en  rapport  avec  les  conditions  dans  lesquelles  se 
trouvent  les  voies  aériennes,  tant  supérieures  qu'infé- 
rieures. 

Si,  pendant  qu'un  individu  tousse,  on  tient  le  sté- 
thoscope appliqué  sur  le  larynx,  sur  la  trachée-artère  ou 
au  niveau  de  la  racine  des  bronches,  on  éprouve  la 
sensation  du  creux  ou  du  passage  de  l'air  dans  des 
tuyaux  de  différent  calibre. 

La  toux  imprime  aux  parois  thoraciques  des  vibra- 
tions et  des  secousses  plus  ou  moins  étendues,  plus  ou 
moins  fortes.  Ces  vibrations  et  ces  secousses  sont  à  peu 
de  chose  près  les  mêmes  dans  les  régions  semblables 
de  la  poitrine  et  elles  dépassent  pour  l'ordinaire  les  li- 
mites de  cette  cavité. 

AUSCULTATION  DE  LA  TOUX  A  l'ÉTAT  PATHOLOGIQUE. 

Division  de  la  toux. 

On  a  distingué  de  tout  temps  la  toux  sèche  et  la  toux 
humide. 


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TOUX  SÈCHE.  425 

Lorsque  l'air  ne  rencontre  aucun  liquide  ou  qu'il  en 
rencontre  trop  peu  sur  son  passage  pour  donner  lieu 
à  la  production  des  râles,  la  toux  est  dite  sèche. 

Elle  est  dite  humide,  au  contraire,  lorsqu'elle  est  ac- 
compagnée de  râles  dont  le  malade  peut  avoir  con- 
science ou  que  le  médecin  peut  percevoir  par  l'asculla- 
tion  pratiquée  soit  de  loin  (auscultation  à  distance), 
soit  de  près  (auscultation  directe;  auscultation  mé- 
diate). 

1°  Toux  sèche. 

On  connaît  deux  sortes  de  toux  sèche  qui  sont  : 
La  toux  ordinaire  ($r&  $/;poç,  ;*>pY)  ou  ;r,pa,  tussis  sicca, 
arida). 

Et  la  petite  toux  (ftoyjov  ou  fayyn  fopov,  tussicula  sicca). 

Variétés.  —  La  toux  persiste-t-elle  long-temps  avec 
une  grande  opiniâtreté  et  avec  une  certaine  rudesse,  on 
l'appelle  férinc  (de  ferina,  rude)  (1). 

—  Prend-elle  le  son  de  la  voix  devenue  plus  grave  et 
comme  voilée,  on  la  dit  rauque  (de  raucitas,  enroue- 
ment, ou  de  raucus,  «,  wn,  enroué,  dérivés  eux-mêmes 
de  Ppayyo;,  ou,  enrouement,  ou  de  ppay/oç,  u\  ov,  rau- 
que, enroué). 

—  Est  elle  accompagnée  de  sibilation  (de  sibilum,  sif- 
flement) ou  de  strideur  (de  stridor,  bruit  aigre,  aigu, 
perçant),  on  la  dit  sifflante  ou  stridente. 

—  Fait-elle  craindre  ou  amène-t-elle  la  suffocation, 
on  l'appelle  suffocante  ^vf^n,  tussis  suffocans, 
strangulabunda,  {Aê-a  ^tyjxaTo;,  cum  strangulatu). 

—  Se  produit-elle  par  accès,  on  l'appelle  guin- 
tense. 


(!;  Ferina  tussis  est  tussis  gravis,  a-grum  maxime  moleslans. 


426  TOUX  HUMIDE. 

—  Présente-t-elle  des  caractères  particuliers,  comme 
on  l'observe,  par  exemple,  dans  les  cas  de  corps  étran- 
gers égarés  dans  les  voies  aériennes,  dans  la  coque- 
luche, etc.,  on  la  dit  convuhive. 

—  Est-elle  rauque,  aigre,  déchirée,  éclatante,  sonore 
(clangosa)  et  à  timbre  en  quelque  sorte  métallique,  on 
lappelle  croupale,  bien  qu'on  l'ait  entendue  avec  ces 
caractères  dans  la  laryngite  simple  (i),  dans  la  phthisie 
laryngée  (2),  dans  le  faux  croup  (3) ,  dans  l'asthme 
aigu  (4). 

—  Emprunte-t-elle  d'autres  caractères  de  certains  en- 
gorgements pulmonaires,  de  certaines  dilatations  bron- 
chiques, de  certaines  cavités  anormales  creusées  dans 
les  poumons,  de  certaines  maladies  ou  de  certains  états 
pathologiques  de  la  plèvre  (pleurésies,  pneumothorax), 
on  la  qualifie  de  bronchique  ou  tubaire,  de  creuse  ou  ca- 
verneuse (de  cavum,  i,  creux,  cavité,  caverne)  àampho- 
tique,  etc. 

—  Les  toux  sèches  imitant  le  braiement  de  l'âne,  l'a- 
boiement du  chien,  le  chant  du  coq,  le  gloussement  de 
la  poule,  etc.,  n'ont  point  reçu  de  noms  particu- 
liers. 

2° l'oux  humide  (  Toux grasse,  ^ytf/tàhitussis  cumstertore). 

Elle  s'annonce  avec  des  caractères  différents,  sui- 
vant la  nature  de  l'humeur  déposée  dans  l'une  ou 
l'autre  des  diverses  sections  des  voies  aériennes.  Cette 

(1)  Héiurd.  —  Bulletins  do  la  Société  anatomiquo  pour  l'annéo  1846, 
p.  372. 

(2)  Dugès.  —  Article  Croup  du  Dictionnaire  de  méd.  et  de  chir.  prati- 
ques, t.  V,  p.  576.  Pari?,  1830. 

(3)  Guebsent.  —  Article  Croup  du  Dictionnaire  de  médecine,  t.  VI, 
p.  249.  Pari»,  1823. 

(4)  ROYBR-COLJiARD,  DOUBLE,  OlC. 


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NOMS  DIVERS  DONNES  A  IA  TOUX.  427 

humeur  est  séreuse,  muqueuse,  purulente,  sanguino- 
lente, sanguine,  etc.  Elle  diffère  rie  consistance  et  de 
couleur;  elle  est  ténue,  épaisse,  crue  ou  cuite;  elle  est 
blanche,  jaune,  verdàtre,  rouillée,  etc. 

Est-elle  fixée  aux  parois  du  larynx,  qu'elle  provienne 
ou  non  de  sa  membrane  interne,  elle  est  expulsée  par 
une  toux  légère  avec  d'autant  plus  de  facilité,  qu  elle  a 
un  plus  court  trajet  à  parcourir  et  qu'elle  est  moins 
épaisse. 

Si  la  matière  à  rejeter  siège  profondément  dans  les 
bronches,  elle  n'est  expulsée  qu'à  l'aide  de  grandes  et 
de  fréquentes  expirations. 

Enfin,  si  la  matière  en  question  a  pour  siège  les 
bronches  capillaires  ou  les  vésicules  pulmonaires,  ce 
n'est  qu'après  des  ellorts  de  toux  plus  grands  encore  et 
plus  fréquents,  et  après  avoir  traversé  tout  le  trajet  des 
bronches,  qu'elle  est  enfin  chassée  de  la  poitrine. 

Willis  (1)  avait  fait  ces  remarques,  qui  sont  de  la 
plus  grande  justesse.  En  les  reproduisant ,  nous  ne 
sommes  que  son  interprète.  Mais  nous  avons  besoin 
d'ajouter  que  certaines  humeurs  se  détachent  avec  une 
grande  facilité,  tandis  que  d'autres  réclament  des  ef- 
forts de  toux  incessants  et  pénibles. 

D'où  viennent  les  noms  divers  que  Pon  a  donnés  à  la  toux  7 

On  s'est  laissé  guider  par  la  sensation  qu'elle  donne 
a  l'oreille  de  celui  qui  l'entend  (toux  sèche,  toux  hu- 
mide) ; 

Par  la  comparaison  qu'on  a  pu  faire  du  bruit  de  la 
toux  avec  d'autres  phénomènes  sonores  (toux  analogue 
à  l'aboiement  du  chien,  au  gloussement  de  la  poule,  au 
chant  du  coq,  etc.); 

(I)  Willis.  —  Pharmaceutice  rationalis,  seel.  i,  cap.  iv,  p.  33.  In-4, 
Lugduni,  M.DCLXXYl.  Sumptibus  J.-A.  Hvgvetan. 


428  TOUX  IDIOPATHIQUES. 

Par  le  nom  de  la  maladie  elle-même  (toux  croupale , 
toux  pneumonique,  etc.); 

Par  la  considération  du  siège  de  la  toux  (toux  guttu- 
rale, laryngée,  pulmonaire,  etc.); 

Par  la  cause  vraie  ou  présumée  de  son  point  de  dé- 
part/ toux  hystérique,  gastrique, etc.); 

Par  la  nature  de  la  lésion  physique  (toux  caverneuse, 
amphorique,  etc.) 

CAUSES  DE  LA  TOUX. 

Les  anciens  avaient  divisé  les  causes  de  la  toux  en 

EXTERNES  et  CI)  INTERNES. 

1°  Les  causes  externes  provenaient  du  dehors.  C'étaient 
l'air  froid,  la  neige,  la  glace  (1),  la  chaleur,  la  séche- 
resse. L'hiver,  l'été  sec  et  boréal,  l'automne  pluvieux  et 
austral  y  prédisposaient  (2). 

Les  causes  externes  capables  de  produire  la  toux 
étaient  encore  l'eau  froide  bue  avec  avidité;  les  médica- 
ments froids  appliqués  sur  la  poitrine;  les  aliments 
acres,  acides,  excitants;  la  fumée;  la  poussière;  les  va- 
peurs irritantes  de  toute  nature;  les  boissons  et  les  ali- 
ments tombant  dans  les  conduits  de  l'air;  les  corps 
étrangers,  tels  que  fèvres,  haricots,  noyaux  de  cerise, 
d'aveline,  etc.,  s  égarant  dans  le  larynx,  la  trachée-ar- 
tère ou  les  bronches. 

2°  Les  causes  internes  siégeaient  à  l'intérieur  du 
corps.  On  les  subdivisait  en  idiopathiques  et  en  sympto- 
ma  tiques. 

A.  Les  toiu  idiopathiques  étaient  dues  surtout  aux 
humeurs  qui  descendent  des  fosses  nasales,  à  celles  qui 
proviennent  du  larynx,  de  la  trachée,  des  bronches,  à 
l'irritation  simple  ou  à  l'inflammation  des  différentes 

(I)  LiTTuÉ.  —  Aphorismes  d'Hippocrate,  sect.  v,  n»  14,  p.  XM. 
(3)  Ibid.,  sect.  m,  n"  13,  p.  49!  ;  —  n«  23,  p.  497. 


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TOUX  SYMPATHIQUES.  4?9 

sections  des  voies  aériennes,  à  l'inflammation  des  pou- 
mons. 

Les  modernes  ont  joint  à  ces  différentes  causes  de 
toux  idiopathiques  celles  qui  dépendent  de  la  syphilis, 
de  la  scrofule,  du  scorbut,  de  la  goutte,  du  rhuma- 
tisme. 

Les  toux  idiopathiques  étaient  dues  encore  à  la  pré- 
sence, dans  les  poumons,  de  tubercules  crus,  de  pus, 
de  grumeaux  sanguins,  de  vers,  de  productions  pier- 
reuses, à  l'existence  de  certains  épanchemerils  pleuré- 
tiques. 

B.  Les  toux  sympathiques  provenaient  du  fait  du  dia- 
phragme, du  foie,  de  la  rate,  des  reins,  de  l'estomac,  de 
l'intestin,  des  testicules  (1),  de  l'utérus,  des  nerfs,  des 
affections  vermineuses; 

La  toux  survenait  comme  symptôme  ou  commccompli- 
cation  dans  certains  cas  d'hydrocéphale,  d'irritation  soit 
du  conduit  auditif,  soit  de  la  membrane  interne  des 
fosses  nasales.  Elle  survenait  dans  les  fièvres  ardentes, 
dans  certains  cas  d'hydrothorax,  d'hydropneumotho- 
rax,  d'hydropéricarde,  d'hypertrophie  du  cœur,  de  di- 
latation des  bronches,  d'anévrysme  de  l'aorte,  d'hydro- 
pisie  ascile,  etc. 

Elle  survenait  dans  l'action  de  cracher,  de  soupi- 
rer, de  bâiller,  de  sangloter,  de  rire,  d'éternuer. 

{{)  Un  lit  par  contre,  dans  la  Scmêiologie  générale  de  Double  (p.  102  du 
i.  II,  in-8  ;  Paris,  1817)  :  «  L'inflammation,  l'enflure,  la  douleur  des  tes- 
ticules, font  souvent  cesser  les  toux  les  plus  graves  et  les  plus  opiniâtres, 
par  suite  de  la  sympathie  qui  existe  entre  les  parties  génitales  et  la  poi- 
trine, v  (Hippocrate  (I),  Baglivi  (*2;,  Hega  (?>),  Bourges  ({;. 

{V.  Hii-pocrate.- Épidémies,  |" livre,  p.  f.03  du  t. II  île  la  version  fr.iwaiM-  à»-  l.iitré. 
{2)  Baglivi.  —  Opéra  oronia.  Liiftdutii,  1745,  in-4,  p.  tl  i. 

(3)  H.-J.  Reoa.  -  De  S>mpaUii»,  p.  228  et  suiv.  1  vol.  in-12,  Harlemi,  1721.  fau- 
teur se  borne  à  invoqu'  r  le  témoignée  d'Htppocrate,  de  B'glivi. 

(*î  Bouhoes.  —  Observations  sur  une  affection  des  testicules,  suite  df  s  lièvres  eatar- 
rhalf-s.  In  journal  général  de  médecine,  de  chirurgie  et  de  pharmacie,  t.  XXXI,  p.  jî  à 
61.  Id-8.  Taris,  1808. 

TOME  XXXI.  —  JUIN  D370.  2S 


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430      CARACTÈRES  GENERAUX  DES  DIFFERENTES  TOUX. 

Que  dis-je,  ou  observait  la  toux  dans  une  circonstance 
à  la  fois  exceptionnelle  et  inexplicable,  je  veux  parler 
de  celle  à  laquelle  Montaigne  (1)  faisait  allusion  quand 
i!  disait  :  «  Un  tousseur  continuel  irrite  mon  poulmon  et 
mon  gosier.  » 

CONCLUSIONS. 

Des  divisions  et  des  subdivisions  des  causes  de  la 
toux  et  du  siège  réel  ou  présumé  de  son  point  de  dé- 
part sont  nées,  en  conséquence,  les  toux  idiopathiques  ou 

Gutturale, 

Laryngée, 

Trachéale, 

Bronchique, 

Pneumonique, 

Pleurétique, 
et  les  toux  sympathiques  ou 

Nerveuse, 

Diaphragmatique, 

Hépatique, 

Splénique. 

Néphrique, 

Hystérique, 

Gastrique, 

Intestinale,  etc. 

CARACTERES  GÉNÉRAUX  DE  CES  DIVERSES  TOCX. 

«  La  toux  gutturale  est  sèche,  fréquente,  précédée  ou 
accompagnée  d'un  sentiment  de  titillation  ou  de  picote- 
ment à  l'arrière-gorge  ; 

«  La  toux  laryngée  est  rauque  avec  une  douleur  plus 
ou  moins  vive  à  la  région  du  larynx  ; 

(1)  Montaigne.— Essoii,  livre  I.  chap.  20.  De  la  force  de 


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CARACTÈRES  GÉNÉRAUX  DES  DIFFERENTES  TOUX.  431 

«  La  toux  trachéale  et  la  toux  bronchique  s'accom- 
pagnent ordinairement  de  chaleur  et  de  déchirement 
derrière  le  sternum  et  sont  fréquemment  accompagnées 
d'expectoration  muqueuse  ; 

«  La  toux  pneumonique  est  profonde,  douloureuse, 
sans  quintes  toutefois,  avec  crachats  muqueux,  clairs 
et  sanguinolents  d'abord,  puis  épais  et  plus  ou  moins 
opaques  ; 

«La  toux  pleurétique  est  essentiellement  doulou- 
reuse, sèche  et  fréquente 

Les  toux  nerveuse,  gastrique,  hépatique,  hysté- 
rique, etc.,  se  font  remarquer  par  leur  sécheresse  et 
leur  opiniâtreté,  en  l'absence  de  toute  lésion  dans  les 
voies  aériennes  tant  supérieures  qu'inférieures. 

Si,  au  lieu  d'avoir  son  siège  dans  les  bronches,  pour 
constituer  la  toux  bronchique  ordinaire,  il  existe,  comme 
nous  l'avons  dit,  une  péripneumonie  autour  d'une 
bronche,  une  pleurésie  ayant  acquis  certaines  propor- 
tions, une  bronche  dilatée  entourée  d'une  induration 
pulmonaire,  on  perçoit  alors,  en  appliquant  directement 
ou  médiatement  l'oreille  sur  la  poitrine,  une  toux  bien 
différente  de  celle  de  la  bronchite,  toux  sans  chaleur  et 
sans  déchirement  derrière  le  sternum,  et  qui  donne, 
après  l'expectoration,  la  sensation  du  creux.  On  ne  l'a 
pas  moins  appelée  toux  bronchique.  Elle  correspond  à  la 
respiration  de  ce  nom. 

Se  manifesle-t-elle  dans  les  cas  de  cavernes  creusées 
dans  les  poumons,  la  toux  auscultée  sur  la  poitrine  a 
reçu  le  nom  de  caverneuse. 

On  l'a  même  dite  amphoriçue,  lorsqu'elle  s'est  produite 
avec  les  caractères  que  nous  avons  fait  connaître  en 
traitant  de  l'auscultation  de  la  respiration  (p.  217)  et 

(1)  P.  Jollt.  —  Article  Toux  du  Dictionnaire  de  raôd.  et  de  cbir. 
pratiques.  1836. 


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432  TOUX  BRONCHIQUE. 

de  la  voix  (p.  350,  3(>0)dans  les  circonstances  que  nous 
avons  énumérées  à  diverses  reprises. 

Disons  de  quelle  manière  on  peut  reconnaître  ces  dif- 
férentes toux. 

iu  TOUX  BKUXCMQUE. 

Lorsqu'on  distingue  à  l'aide  de  l'auscultation,  soit 
directe,  soit  médiate,  au  niveau  d'une  bronche,  aumo- 
ment  où  le  malade  tousse,  un  bruit  qui  rappelle,  sauf 
l'ampleur,  le  phénomène  sonore  que  l'on  entend,  durant 
la  toux  également,  au  niveau  du  larynx,  on  dit  que  la 
toux  est  bronchique  ou  bien  fubuirc,  si  l'on  veut  se  servir 
de  Ja  comparaison  faite  par  Laënnec  (1). 

II  est  fréquent  d'entendre  cette  toux  au  niveau  des 
premières  divisions  des  bronches,  maison  la  petvoil 
aussi,  bien  que  plus  rarement,  au  niveau  des  deuxième 
ou  troisième  divisions  de  ces  vaisseaux.  Cela  dépend 
du  siège  de  l'engorgement  pulmonaire  et  de  l'étendue 
qu'il  occupe  autour  de  tel  conduit  aérien  ou  de  tel 
autre. 

Toutes  choses  égales  d'ailleurs ,  la  toux  bronchique 
est  d'autant  plus  pure ,  d'autant  plus  manifeste  que  la 
bronche  est  plus  volumineuse,  qu'elle  est  plus  voisine 
de  la  surface  des  parois  thoraciques,  qu'il  reste  moins 
de  poumon  sain  entre  la  bronche  et  l'extérieur  de  la 
poitrine. 

Les  circonstances  dans  lesquelles  on  observe  la  toux 
bronchique  sont  les  mêmes  que  celles  dans  lesquelles 
nous  avons  vu  la  respiration  bronchique  se  produire. 

C'est  dire  assez  que  la  toux  peut  prendre  le  caractère 
bronchique  à  une  certaine  époque  des  tubercules  pul- 
monaires, de  la  peripneumonie,  de  l'apoplexie,  de  la 

(1)  R.-T  -11.  Laknnec.  —  Traité  de  l'ausc.  mdd.,  t.  I,p.90.  2»  édition. 
Paris,  18-20. 


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TOUX  CAVERNEUSE.  433 

dilatation  des  bronches,  dans  certains  épanchements 
pleurétiques,  etc. 

Laënnec  avait  remarqué ,  et  ses  successeurs  ont  fait 
la  môme  observation,  que  la  toux  bronchique  ou  tubaire 
est  assez  bien  circonscrite  dans  les  épanchements  li- 
quides de  la  plèvre,  à  la  racine  du  poumon  ;  tandis 
qu'elle  occupe  une  étendue  plus  grande  et  un  siège  plus 
varié  dans  la  péripneumonie.  Laënnec  avait  également 
pensé  que  la  toux  tubaire  pouvait  servir  à  apprécier  le 
diamètre  qu'avaient  acquis  les  bronches  dilatées. 

2B  TOUX  CAVERNEUSE. 

Laënnec  (1)  a  proposé  cette  dénomination  pour 
rendre  l'idée  d'un  phénomène  sonore  qui  donne  à  l'o- 
reille la  sensation  du  vide  que  l'on  perçoit  au  niveau  du 
larynx.  II  y  a  cependant  cette  différence  entre  la  toux 
laryngée  et  la  toux  caverneuse ,  que  la  première  est 
moins  pure,  moins  nette,  moins  tranchée,  moins  éten- 
due que  la  seconde  ;  elle  fait  naître,  par  conséquent , 
dans  l'esprit,  l'idée  d'une  cavité  moins  spacieuse. 

M.  Skoda  n'a  pas  admis  cette  distinction  de  la  toux 
bronchique  et  de  la  toux  caverneuse  (2).  Ces  deux  sortes 
de  toux  n'ont  pas,  selon  lui,  de  caractères  distinctifs  suf- 
fisants pour  mériter  chacune  une  description  particulière. 
Il  adresse  donc  à  cette  division  la  critique  qu'il  avaitdéjà 
faite  à  la  voix  bronchique  et  caverneuse  (3).  Pour  lui  la 
distinction  est  impossible  au  lit  du  malade. 

Sans  aller  aussi  loin  que  M.  Skoda,  nous  dirons  que 
cette  distinction  est,  au  moins,  parfois,  très-difficile.  Le 
retentissement  de  la  toux,  au  niveau  d'une  caverne,  ne 

(1)  Larnnkc.  —  Traité  de  l'ausc.  méd.,  2e  édit,  1. 1,  p.  91. 

(2)  Skooa.  —  Traité  de  percussion  et  d'auscultation,  p.  194  do  la  ver- 
sion française  du  Dr  Aran. 

(3)  Skoda.  —  Traité  de  perc.  et  d'aune.,  p.  81  et  suiv. 


434  TOUX  AMPHORIQUE. 

diffère  souvent  pas  du  retentissement  qui  se  produit 
au  niveau  d'une  bronche.  Il  peut,  par  contre,  avoir  de 
l'ampleur  et  paraître  se  passer  dans  une  cavité  plus  ou 
moins  spacieuse,  lorsque  le  lieu  de  sa  production  n'est 
autre,  en  définitive,  que  celui  d'une  bronche  non  dilatée 
entourée  d'un  poumon  hépatisé  ou  simplement  com- 
primé. 

Si  la  toux  caverneuse  peut  se  manifester,  par  exception 
à  la  vérité,  sans  que  les  bronches  aient  subi  la  moindre 
dilatation,  à  plus  forte  raison  pourra-t-on  l'observer 
dans  certains  cas  de  bronches  dilatées,  dans  les  cavernes 
tuberculeuses,  péripneumoniques ,  hemoptoïques,  gan- 
'gréneuses. 

Est-il  besoin  d'ajouter  que  les  cavernes  pulmonaires 
renferment  ordinairement  un  liquide  provenant  de  la 
fonte  de  tubercules,  d'un  abcès  péripneumonique,  d'un 
foyer  sanguin,  etc.,  et  que,  dans  tous  ces  cas,  la  toux 
donne  lieu  à  la  production  d'un  gargouillement  plus  ou 
moins  fort  ?  Est-il  besoin  de  dire  encore  que  ce  gar- 
gouillement disparaît  lorsque  la  toux  a  chassé  le  liquide, 
pour  faire  place  à  la  toux  simplement  caverneuse,  à 
moins  que  les  bronches  qui  communiquent  avec  la  ca- 
verne ne  soient  momentanément  obstruées  par  des 
mucosités,  par  du  pus,  par  du  sang? etc. 

En  dehors  de  ces  conditions  défavorables,  la  toux  ca- 
verneuse est  d'autant  plus  manifeste,  quelle  est  précédée 
d'une  plus  grande  inspiration,  que  les  bronches  dilatées 
ou  que  les  cavités  creusées  dans  les  poumons  sont  plus 
superficielles,  que  les  parois  de  ces  bronches  ou  de  ces 
cavités  sont  plus  dures. 

3°  TOUX  AMPHORIQUB. 

Toussez  à  travers  le  goulot  d'une  cruche  vide  et  vous 
produirez  un  bruit  particulier  analogue  à  celui  que 


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TOTîX  AMPHOR1QUK 


4^5 


vous  perceviez  sur  la  poitrine  de  certains  malades 
atteints  de  cavernes  pulmonaires  vides,  de  pneumo- 
thorax simples  ou  compliqués  d'un  épanchement  liquide 
seulement. 

Landouzy  (i)  a  cité  l'observation  suivante  : 

Un  malade  âgé  de  31  ans  mourut,  après  avoir  présenté  une  res- 
piration, une  toux  et  une  voix  amphoriques.  On  trouva  deux  litres 
de  sérosité  dans  le  roté  gauche  delà  poitrine.  Le  poumon  refoulé 
en  haut  contre  la  colonne  vertéhrale  était  réduit  au  volume  du 
poing  et  transformé,  excepté  au  sommet  qui  était  encore  un  peu 
perméable,  en  une  sorte  de  tissu  musculaire  infiltré,  enfermé  dans 
une  gaine,  partie  fibreuse,  partie  fibro-cartilagineuse.  Landouzy 
crut  devoir  attribuer  les  phénomènes  amphoriques  à  la  condensa- 
tion du  tissu  pulmonaire.  Il  fit  de  plus  cette  remarque  :  «Les  annales 
de  la  science  ne  contenant  à  ma  connaissance  aucun  fait  de  ce  genre, 
j'étais  très-embarrassé  de  déterminer  exactement  la  valeur  de  ces 
phénomènes. 

Je  me  bornai  à  regarder  le  souffle  amphorique  comme  une  exa- 
gération exceptionnelle  du  souffle  tubaire. 

La  toux  amphorique  a  un  timbre  ordinairement  mé- 
tallique. 

Elle  se  produit  le  plus  souvent  dans  les  cas  où  l'on  a 
pu  distinguer  soit  la  respiration  ,  soit  la  voix  ampho- 
riques ;  mais  elle  n'est  pas  liée  forcément  à  l'existence 
de  cette  respiration  et  de  cette  voix. 

Quel  ordre  devons-nous  adopter  dans  F  étude  des  toux  diverses 

que  nous  avons  nommées  ? 

Nous  pourrions,  conformément  à  ce  que  nous  avons 
dit  précédemment,  rattacher  chacune  des  toux  dont 

(1)  Landouzy. — Nouvelles  données  sur  le  diagnostic  de  la  pleurésie  et 
les  indications  de  la  thoracentèse.  4r«  observation  dans  :  Archives  gén. 
de  méd.,  n°  do  novembre  1856,  p.  519  et  suiv.  —  On  trouve  signalés 
dans  des  conditions  à  peu  près  semblables,  le  souffle  et  la  toux  ampho- 
riques, dans  la  4*  obs.  de  ce  travail. 


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430  CAUSES  DE  LA  TOUX  RÉSIDANT  A  LA  TETE. 

nous  avons  parle  a  chacune  des  causes  qui  la  produisent, 
et  nous  borner  à  signaler  les  différences  de  ces  toux 
entre  elles,  chaque  fois  que  cela  serait  possible. 

Nous  pourrions  encore  décrire  la  toux  d'après  ses 
causes  soit  internes,  soit  externes,  et  cela  nous  condui- 
rait successivement  à  parler  de  la  toux  idiopathique,  de 
la  toux  sympathique  et  de  la  toux  de  cause  externe. 

Cette  division  de  la  loux  établie  sur  les  causes  de  sa 
production  serait  naturelle. 

Mais,  à  vrai  dire,  toute  toux  se  produisant  contre  la 
volonté  est  symptomatique. 

Envisageons-la  donc  à  ce  point  de  vue  seulement  en 
interrogeant  tour  à  tour  la  téte,  le  cou,  la  poitrine  et  le 
ventre. 

C'est  ce  qu'a  fait  Morgagni  dans  une  de  ses  lettres. 
Nous  imiterons  son  exemple. 

A.  CAI  SES  DE  LA  TOUX  RÉSIDANT  A  LA  TETE. 

1°  Hydrocéphale.  —  a  Les  anatomistes  connaissent  la 
toux  que  détermine  l'irritation  de  l'origine  des  nerfs, 
comme  cela  a  lieu  quelquefois  sur  les  hydrocéphales.  » 
(Du  siêfje  rt  des  cames  des- ma/a  lies,  etc.,  lettre  19,  n°  54.) 

L'auteur  donne  à  l'appui  de  cette  proposition  deux  ob- 
servations qu  i!  emprunte  au  Sepulchretum  de  Bonet(l), 
et  qui  appartiennent  l'une  a  Vesale  et  l'autre  à  Lechel. 

«Vous  trouverez,  dit-il,  dans  l'observation  de  Vésale, 
qu'un  léger  mouvement  de  la  téte  suffisait  pour  pro- 
duire aussitôt  une  toux  grave  ,  tandis  qu'il  n'est  fait 
mention  d'aucune  lésion  pulmonaire.  »(Iôid.y  n°  54.) 

En  effet,  nous  lisons  dans  A.  Vésale  (De  humant  cor- 
poris  fabricâ,  cap  v,  p.  15.  1  v.  in-f\  Venetiis,  1568)  : 


i)  Bonrt.     Lihor  l.sert.  {ri.  obs.  6,  De  hydrooephalo,  p.  381  du  1. 1. 


CAUSES  DE  LA  TùCX  RESIDANT  A  LA  TETE.  437 

«  Et  quoties  caput,  quum  illam  paucis  ante  mortcm  diebus  con- 
spexi,  ab  astantibus  movebatur,  et  non  nibil,  quantum  vis  etiam 
leviter,  erigebatur,  gravis  illico  tussis  puellae  molesta  fuit,  cum 
difticili  respiratione,  et  totins  faciei  miro  rubore,  sanguinis  que 
suffusione,  et  lacrymarum  proventu.  » 

Si  cette  observation  paraît  concluante,  celle  de  Lechel 
ne  l'est  pas  au  même  degré,  car,  bien  que  Morgagni  ait 
écrit,  toujours  dans  le  même  n°  54  de  sa  letlre  XIX  : 

«  Vous  lirez  dans  l'observation  de  Lechel  (1)  que  la 
toux  existait,  bien  que  nuls  autres  viscères  que  le  cer- 
veau et  nommément  les  poumons,  ne  fussent  en  mauvais 
état,  tandis  qu'il  est  dit,  au  contraire,  qu'ils  étaient 
convenablement  et  très-bien  constituées,  et  sans  aucune 
lésion.  Cependant,  il  est  dit  dans  le  texte  que  le  malade  : 
«  Maii  usque  ad  finem  vitœ  cum  stertore  et  sonitu  clan- 
«  gosum  duxerit  spiritum.  » 

2"  Irritation  de  la  membrane  interne  de  f  oreille. 

«  La  toux,  dit  encore  Morgagni,  a  lieu  fort  souvent  à  la 
suite  d'une  légère  irritation  du  conduit  auditif,  produite 
avec  un  cure-oreille,  soit  que  l'irritation  se  propage  à  tra- 
vers les  membranes  intérieures  de  l'oreille,  de  la  trompe 
d'Eustaehe,  et  enfin  du  pharynx  jusqu'au  larynx,  soit 
qu'elle  fasse  descendre  aussitôt  de  celte  trompe  dans  le 
pharynx  quelque  chose  qui  doit  irriter  ce  dernier  conduit 
et  le  larynx,  soit  enfin  qu'elle  agisse  sympathiquement 
sur  certains  nerfs,  comme  sur  ceux  qui  se  distribuent 
aux  membranes  qui  se  continuent  immédiatement  avec 
la  membrane  interne  du  larynx.  Et,  comme  je  l'ai  dit, 
la  production  d'une  toux  semblable  n'est  inconnue  de 
personne  »  (2).  (Lettre  19,  n°  54.) 

(I)  In  Additamen.  Obs.  4,  p.  389  du  t.  I  du  Sepulchrelura. 

(î)  «  Rudior  attactus  merabrana?  mealum  auditorium  iovestieotis  tus* 
sim  producere  potest.  »  (Van  Swieten.  p.  9  de  la  1™  partie  du  1. 111  des 
Aphori$mex  de  Boerhaave.  In-4.  Taurini.  1744.) 


m 


CAUSES  DE  LA  TOUX  RESIDANT  AU  COL. 


3°  Irritation  de  la  membrane  interne  des  narines. 

Elle  suffisait,  au  rapport  de  Van  Swieten,  pour  donner 
naissance  à  la  toux.  «  Narium  internarum  irritatio,  »> 
disait-il,  «  tussim  producere  polesl»  (p. 9  de  la  in  partie 
dut.  III  de  Boerhaave.  In-4,  Taurini,  1744). 

Gela  est  si  vrai,  qu'il  est  des  personnes  qui  toussent 
toutes  les  fuis  qu'elles  respirent  du  vinaigre,  une  allu- 
mette soufrée  en  ignition,  etc. 

B.  CAUSES  DE  LA  TOUX  RESIDANT  AU  COL. 

Lorsque  nous  avons  traité  (1)  des  maladies  qui  peu- 
vent atteindre  le  larynx,  nous  avons  signalé  : 

La  toux  quinteuse,  pénible,  rauque,  sèche  au  début, 
puis  humide  de  la  laryngite  aiguë; 

La  touxrauque,  âpre,  rude  de  la  laryngite  chronique  ; 

La  toux  rauque,  sifflante,  convulsive  de  l'œdème  de 
la  glotte  ; 

Nous  ne  reviendrons  pas  sur  ces  diverses  toux  dont 
la  description  trouvait  naturellement  sa  place  à  côté  des 
signes  acoustiques  fournis  par  la  respiration  et  par  la 
voix. 

Nous  avons  dit  également  quelques  mots  des  résul- 
tats de  l'auscultation  pratiquée  sur  le  larynx  et  la  tra- 
chée-artère dans  les  cas  de  corps  étrangers  égarés  dans 
les  voies  supérieures  de  l'air. 

.  Complétons  ici  cet  article  en  revenant  sur  la  toux  que 
ces  corps  déterminent.  Nous  passerons  ainsi  sans  tran- 
sition à  la  toux  symptomatique  de  corps  étrangers 
égarés  dans  les  bronches. 

(t)  Voyez  l'Art  méd.,  t.  VIII,  p.  «.146-232-306. 


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CAUSES  DE  LA  TOUX  RÉSIDANT  AU  COL 


439 


Corps  étrangers  égarés  dans  le  larynx  et  la 
trachée-artère. 

A  peine  le  corps  étranger  a-t-il  pénétré  dans  les 
voies  supérieures  de  l'air,  qu'on  voit  survenir,  pour 
l'ordinaire,  instantanément  (i),  une  toux  violente,  suf- 
focante, convulsive,  dont  les  accès  se  renouvelleront  à 
des  intervalles  plus  ou  moins  éloignés,  entre  lesquels  le 
calme  renaîtra.  Et  ces  accès  n'existeront  pas  seulement 
dans  les  cas  où  le  corps  étranger  sera  mobile,  mais  en- 
core dans  ceux  où  il  ne  pourra  se  mouvoir.  Lisez  dans 
les  Bulletins  de  la  Société  anatomique  pour  l'année  1862 
(p.  422  et  suiv.),  le  rapport  de  M.  Ferrand  sur  deux 
présentations  de  corps  étrangers  du  larynx  faites  par 
M.  Flurin  et  vous  verrez  que  : 

La  mort  étant  survenue,  chez  un  enfant  âgé  de  six  ans,  après 
quelques  accès  de  suffocation  bien  constatas,  au  milieu  d'un  état 
d'asphyxie  continue,  on  trouva  dans  le  larynx  un  fragment  de  co- 
quille de  noix  triangulaire  appliqué  sur  le  côté  gauche  de  la  glotte, 
ayant  un  angle  supérieur  qui  s'enfonçait  dans  le  ventricule  gauche 
et  une  base  arc-boutée  contre  la  paroi  latérale  du  larynx,  au  niveau 
du  cartilage  cricoïde. 

Si  en  môme  temps  que  vous  constatez  des  accès  in- 
termittents de  toux  et  de  suffocation,  vous  observez  que 
ces  accès  sont  fréquents,  bien  accusés,  sans  coïncidence 
de  mobilité  d'un  corps  quelconque  dans  les  voies  de 
l'air,  soyez  presque  sûr  que  le  corps  étranger  siège  dans 
le  larynx. 

(4)  Nous  nous  exprimons  ainsi  parce  qu'on  a  cité  l'exemple  d'une 
jeune  ûlle  qui  parait  n'avoir  été  prise  de  toux  et  de  suffocation  que  huit 
jours  après  avoir  pris  des  cerises.  Cette  toux  et  cette  suffocation  reve- 
naient par  accès  de  six,  huit  et  quinze  jours  d'intervalle.  Neuf  mois 
après  le  début  de  ces  accidents,  la  malade  rendit,  a  la  suite  d'une  toux 
violente,  un  noyau  revêtu  d'uno  couche  calcaire.  (Maslieurat,  p.  103  des 
Bulletins  de  la  Société  anatomique  pour  l'année  1839.) 


■ 


440  CAUSES  DE  LA  TOUX  RÉSIDANT  Alf  COL. 

Le  fait  de  la  sortie  du  corps  étranger,  après  un  temps 
plus  ou  moins  long,  n'est-il  pas  la  preuve  qu'il  occu- 
pait les  ventricules  du  larynx? 

Louis  (1)  avait  porté  ce  jugement  dans  le  cas  que 
voici,  dont  Bartholin  a  rapporté  l'observation  sous  le 
titre  de  Nucleits  ex  pulmonibus: 

Une  femme  de  Padoue  uvala  un  noyau  d'aveline  pendant  qu'elle 
riait.  A  l'instant  même,  elle  fut  prise  d'une  toux  violente  qui  la 
tourmenta  pendant  deux  mois.  La  fièvre  et  le  marasme  firent  croire 
à  un  médecin  qu'il  y  avait  phthisie.  Ce  ne  fut  pas  l'avis  de  J.  D.  Sala, 
parce  que  la  fièvre  n'était  pas  continue,  que  les  crachats  n'indi- 
quaient ni  pus  ni  sang,  que  la  respiration  était  libre.  En  effet,  la 
malade  finit  par  rendre  le  noyau  de  cerise  et  elle  se  porta  bien 
ensuite. 

On  peut  rapprocher  de  cette  observation  celle  d'un  bourgeois 
d'Amsterdam  qui,  fatigué  pendant  plus  de  sept  ans  par  une  toux 
opiniâtre  et  par  une  difficulté  de  respirer,  fut  réduit  a  la  dernière 
extrémité  jusqu'à  ce  qu'en  toussant  violemment,  il  rendit  une  por- 
tion de  coquille  d'aveline  de  la  grandeur  d'un  ongle  qui  s'était  ni- 
chée vers  l'orifice  de  la  trachée-artère  (2).  (Nicolai  Tulpii,  Obser- 
vation» mediccBy  p.  109,  lib.  n,  caput  vu.  1  vol.  in-12.  Amstel- 
redami,  1672.) 

Dans  ce  cas  encore,  Louis  (3)  plaçait  le  siège  du 
corps  étranger  dans  les  ventricules  du  larynx. 

(1)  Louis  —Mémoire,  sur  labronchotomie,  p.  2*2  du  t.  Vides  Mémoires 
de  l  Ac.  roy.  dechir.,  édition  de  Michel  Fossone. 

(2)  Hara,  difficilis  spirittls,  raussa. 

•  Civis  Amstelredamensis,  seplem  amplius  annos,  divextus  ab  indefa- 
«  tigabili  tussi,  traxit  continenter  spiritum,  adeo  diffieulter:  ut  corpus 
«  ipsi  summopere  emarcuerit.  Sed  ejeclo  tandem,  per  vehementmiroam 
«  tussim,  putamine,  nucis  avellanaî  :  duxil  illico  spiritum  commodiua; 
«  et  evasit  celcrrime,  quod  vilœ  intentabalur,  perirulum. 

«  Inhœseral  aulem  hoc  putamen  (quod  ada?quabnt  unguem  huma- 
•  num)  circa  rapu'.  asperœ  arteria?  :  uti  salin  distincte  indicavit  a?ger. 
«  Forte  prope  illum  locum.  in  quo  aureum  nummum,  scribit  ultra  bien- 
«  nium  delituisse  Philippus  Hechsleterus.  »  (Obs.  dpead.  VI,  cas.  x.) 

(3)  Louis.  —  Mémoire  sur  la  bronchotomie,  p.  219  du  t.  VI  des  Mé- 
moires de  l'Acad.  roy.  de  chir..  édit.  in-8  de  Michel  Fossone. 


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CAUSES  DE  LA  TOUX  RESIDANT  DANS  LA  POITRINE.  441 

Entre  le  texte  de  Tulpius  et  l'interprétation  de  Louis, 
les  lecteurs  jugeront  . 

C.  Causes  de  la  toux  résidant  dans  la  poitrine,  ou 

AUTREMENT  DIT  DANS  LES  BRONCHES,  DANS  LE  PARENCHYME 
PULMONAIRE,  DANS  LES  PLÈVRES,  DANS  LA  CAVITÉ  PLEURALE, 
DANS  LE  FEUILLET  DU  PÉRICARDE  ET  DANS  LA  CAVITE  DE  CETTE 
MEMBRANE  FIBRO-SÉREUSE. 

Corps  étrangers  égarés  dans  les  bronches. 

Le  Dr  John  Browne  (1)  lut  à  la  Société  chirurgicale 
de  Dublin,  le  9  décembre  1829,  un  mémoire  renfermant, 
dit-on,  des  observations  sur  ce  sujet.  11  fit  connaître  les 
opinions  diverses  émises  en  Angleterre,  en  Allemagne, 
en  France,  sur  l'opportunité  de  la  trachéotomie  dans 
les  cas  de  corps  étrangers  égarés  dans  les  bronches. 

Avant  de  se  demander  s'il  y  a  lieu,  ou  non,  de  son- 
ger à  cette  opération,  il  faut  d'abord  bien  établir  le  dia- 
gnostic. 

On  sait  qu'un  corps  étranger  parvenu  dans  les 
bronches  est  arrondi  ou  à  bords  anguleux  ;  que,  dans 
le  premier  cas,  il  est  ordinairement  mobile  et  suscep- 
tible de  remonter  dans  la  trachée;  que  dans  le  second 
cas  il  est  généralement  immobile. 

On  sait  qu'un  corps  étrangler  apourelfet  de  produire 
l'inflammation  et  de  donner  lieu  à  des  abcès  et  de  dé- 
terminer à  la  place  qu'il  occupe  des  râles  et  un 
affaiblissement  ou  même  ,  comme  nous  l  avons  dit , 
(note  i  de  la  page  ii),  le  silence  complet  des  bruits  res- 
piratoires dans  le  poumon  correspondant. 

(I)  John  Brow.ne.  Recherches  sur  l'opération  de  la  trachéotomie,  dans 
le  but  de  déterminer  si  elle  peut  être  considérée  comme  convenable 
dans  les  cas  où  un  corps  étranger  est  logé  dans  Tune  on  l'autre  bronche, 
avec  des  observations  sur  les  derniers  exemples  d'un  pareil  accident. 


442     CAUSES  DE  LA  TOUX  RESIDANT  DANS  LA  POITRINE. 

On  sait  enfin  que  la  douleur  accusée  parles  malades, 
jointe  aux  signes  précédents  et  à  l'histoire  des  antécé- 
dents ou  commémoratifs,  peut  conduire  à  déterminer  la 
présence  et  le  siég*e  du  corps  étranger. 

Mais  ce  que  l'on  sait  moins,  c'est  que  le  médecin  peut 
n'avoir  connaissance  que  de  la  toux  éprouvée  par  les 
malades. 

L'observation  suivante  en  est  la  preuve  : 

Clou  trouvé  dam  la  brandie  gauche  (observation  recueillie  par 
H.  Royer-Collardj. 

Un  homme,  atteint  «le  démence,  était  depuis  plusieurs  années  à  la 
maison  de  Charcnton.  Au  commencement  de  la  maladie,  il  avalait 
tout  ce  qui  se  trouvait  sous  sa  main. 

Vers  le  15  juillet  1823,  il  parut  tousser  plus  fréquemment  que  de 
coutume,  et  il  mourut  le  29. 

On  trouva  dans  la  bronche  du  poumon  gauche  un  clou  long  de 
quatre  centimètres,  dont  la  tète  égalait  environ  un  centime;  elle 
avait  fait  une  ulcération  circulaire  à  l'endroiL  de  la  bronche  avec 
lequel  elle  était  en  contact.  Le  poumon  correspondant  seul  était 
rempli  de  tubercules  dont  la  plupart  étaient  ramollis. 

M.  Royer-Collard  rapportait  à  deux  ou  trois  ans  la  date  de  la  pé- 
nétration du  clou  dans  les  voies  de  l'air.  (Bulletins  de  la  Société  anato- 
mique,  pour  l'année  «826,  p.  27  dela2«  édit.  in-8;  Paris,  1841.) 

Si  la  toux  seule  a  été  remarquée  dans  l'observation 
précédente,  elle  est  loin  d'avoir  été  isolée  dans  le  cas 
que  voici  : 

Os  de  poulet  trouvé  dans  la  bronche  droite  (observation  recueillie  par 
Pierre  Gilroy,  docteur-médecin  à  Navan). 

Une  femme  veuve,  âgée  de  40  ans,  d'une  constitution  robuste, 
fut  prise,  le  8  août  1826,  pendant  son  diner,  d'un  accès  soudain  et 
violent  de  toux,  avec  menace  de  suffocation.  Elle  avait  avalé  un  os 
de  poulet,  qu'elle  disait  sentir  dans  sa  poitrine. 

Le  9  août,  il  existait  de  l'oppression,  un  léger  chatouillement 

(1)  Cette  observation  a  été  reproduite  par  le  Journal  universel  et  heb- 
domadaire de  médecine  et  de  cbir.  pratiques  et  des  Institutions  médi- 
cales. 2«  année,  t.  V,  p.  54  et  suiv.  In-8.  Paris,  1831. 


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CAUSES  DE  LA  TOUX  RESIDANT  DANS  LA  POITRINE.  443 

dans  la  gorge  qui  excitait  la  toux,  une  douleur  intense  à  la  partie 
supérieure  du  sternum  et  un  malaise  général. 

Les  jours  suivants,  tous  ces  phénomènes  s'amendèrent  et  puis 
s'aggravèrent. 

Ce  fut  le  13  septembre,  c'est-à-dire  cinq  semaines  environ  après 
l'accident,  que  le  D' Gilroy  vit  la  malade.  Elle  souffrait  d'une  nou- 
velle augmentation  dans  les  symptômes.  Elle  était  dans  son  lit,  te- 
nant le  haut  du  corps  singulièrement  bas.  Elle  était  en  proie  à  une 
vive  anxiété.  Elle  indiquait,  comme  siège  de  la  douleur,  la  partie 
supérieure  du  sternum,  à  droite,  où  elle  avait  senti  l'os  s'arrêter. 
Tant  qu'elle  restait  tranquille  avec  les  épaules  basses,  elle  ne  tous- 
sait pas  ;  mais,  dès  qu'elle  se  levait  un  peu,  ou  qu'elle  se  tournait 
sur  l'un  ou  l'autre  côté,  un  violent  accès  île  toux  se  déclarait.  La 
malade  ayant  élevé  beaucoup  le  corps,  l'accès  qui  s'ensuivit  fut  plus 
violent  et  plus  convulsif  qu'aucun  paroxy  me  d'asthme  que  le  Dr  Gil- 
roy eut  jamais  vu.  Pendant  les  accès ,  l'expectoration  était  ordi- 
nairement arrêtée.  Une  odeur  fétide  s'exhalait  de  la  poitrine.  La 
malade,  minée  par  la  fièvre  hectique,  languit  jusqu'au  29  octobre, 
qui  fut  le  jour  de  sa  mort. 

A  uiopsie.  On  trouva  dans  le  centre  du  poumon  droit  un  abcès  si 
large,  qu'il  envahissait  presque  tout  cet  organe  ;  il  y  avait  plus  de 
500  grammes  de  pus  d'une  odeur  fétide;  le  morceau  d'os  de  poulet 
léger,  poreux,  du  poids  de  25  centigrammes,  était  situé  à  la  partie 
supérieure  de  la  bronche  droite,  vers  la  bifurcation  de  la  trachée. 
Dans  cet  endroit,  ce  tube  offrait  une  communication  avec  la  partie 
supérieure  de  l'abcès. 

Noyau  de  cerise  égaré  dans  le  poumon  droit  ^observation  de  Daniel 
Sennert)(l). 

Le  malade  fut,  dans  ce  cas,  assez  heureux  pour 
rendre,  avec  une  violente  toux,  un  noyau  de  cerise  qui 
était  tombé  quelque  temps  auparavant  dans  la  trachée- 
artère,  d'où  il  était  arrivé  dans  le  poumon  même. 

«  Ntu  leus  cerasi  ex  ore  in  pulmonem  delapsus.  —  Anno  1620,  dit 
Daniel  Sennert  (2),  vir  quidam  doctus,  cum  cerasa  arbore  decerpta 
in  horto  cotnederet,  atque  subito  in  strangulationis  et  suffocationis 

(1)  Dan i kl  Sbnxeht,  Opéra,  t.  II,  p.  496.  In-folio.  Parisiis,  1641. 
(i)  Ibid.,  p.  500,  r  colonne,  A. 


444     CAUSES  DE  LA  TOUX  RÉSIDANT  DANS  LA  POITRINE. 

periculum  cum  maxiraa  tussi  conjicerctur,  nucleum  cerasi  in  guttar 
illapsum,  et  tussis  et  strangulationis  causa  m  esse  existimans, 
chirurgum  qui  illum  eximeret,  aeeercivit  : 

«  Vcrum  eûni  chirurgus  nullum  nucloum  deprehenderet,  et  suffo- 
cationis  periculum  cossarct,  tussis  vero  nihilominus  perseveraret, 
in  eam  opinionen  vcnit,  nucloum  nullum  in  guttur  illapsum  fuisse, 
sed  hoc  symptoma  ex  calarrho  subito  et  vehementi  provenisse.  De- 
ambulaverat  vero  in  horto  tempestate  pluviosa,  et  alias  catarrhis 
vaille  obtioxius  erat.  Duravit  ista  tussis  per  très  septimanas  et  per 
intervalla  qua;dam  a>griim  valde  alïlixit,  quo  tempore  etiam  dolo- 
rcm  quemdam  gravativum  in  dextra  thoracis  parte  deprehendebat. 
Tandem  cum  noetu  vehementer  integram  horam  tussivisset,  nu- 
cleum  illum  pituitie  crassaj  adluerescentem  tussi  rejccit,  atque  ita 
tussi  liberatus  est.  » 

J'ai  déjà  lait  allusion  plus  haut  (p.  i3)  à  celte  obser- 
vation que  j'ai  dit  être  la  18e  du  Mémoire  de  Louis  sur 
la  bronchotoniie. 

Os  de  reau  égaré  dans  le  youmtm  (observation  recueillie  par  C.  Stal- 
part  Vander  Wieb. 

«  Une  Bile,  en  avalant  uu  bouillon,  eut  le  malheur  de  recevoir 
dans  la  trachée-artère  une  petite  portion  d'os  de  veau.  Un  malaise 
considérable  fut  le  premier  symptôme  de  cet  accident.  La  portion 
d'os  ayant  pénétré  jusque  dans  le  poumon,  la  malade  fut  agitée 
d'une  toux  presque  continuelle  et  d'une  lièvre  qui  fut  suivie  de  cra- 
chements de  sang,  et  «l'une  ulcération  au  poumon.  Enfin,  au  bout 
de  quatre  mois,  elle  rejeta,  en  toussant,  ce  petit  os  avec  des  cra- 
chats purulents,  et  elle  se  tira  d'affaire,  quoique  l'ulcération  du 
poumon  l'eût  menacée  de  consomption.  » 

«  Parmi  les  différents  faits  qu'on  a  sur  les  corps  étran- 
g-ers  qui  ont  passé  dans  la  trachée-artère,  dit  Louis  (2), 
voilà  le  seul  qui  ait  été  poussé  dans  le  poumon.  Ce  cas 
a  eu,  sans  doute,  des  symptômes  caractéristiques  par  les- 
quels on  a  dû  le  distinguer  de  ceux  que  cause  la  pré- 
sence d'un  corps  étranger  dans  la  trachée-artère. 

,1)  C.  Stalpart  Vander  Wiei,.  Observationem  rariorum,  etc.,  centuria 
prior,  obs.  '23,  p.  97.  Leiduî,  1727. 
H)  Louis.  Mèm.  *ur  la  bronc,  p.  iifi  du  t.  VI  de  l'éd.  de  Michel  Fossone. 


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CAUSES  DE  LA  TOUX  RESIDANT  DANS  LA  POITRINE.  445 

«  Si  l'observateur  avait  été  occupé  du  même  objet  que 
nous,  il  ne  nous  aurait  pas  laissé  ignorer  s'il  y  avait  un 
point  fixe  de  douleur,  et  si  la  malade  l'indiquait  :  nous 
saurions  en  quelle  façon  la  respiration  a  été  lésée.  » 

L'observation  du  Dr  Gilroy  répond  aux  desiderata  de 
Louis. 

CONCLUSIONS. 

Les  observations  que  nous  venons  de  rapporter  prou- 
vent que  la  phthisie  peut  être  déterminée  par  la  pré- 
sence d'un  corps  étranger,  fragment  osseux  ou  autre, 
dans  les  voies  de  l'air ,  et  que  cette  phthisie  conduit 
fatalement  à  la  mort,  si  les  corps  étrangers  ne  peuvent 
être  expulsés. 

Dans  les  cas,  au  contraire,  où  les  corps  étrangers 
viennent  à  être  rejetés  au  dehors,  la  cause  de  la  con- 
somption cessant,  les  malades  reviennent,  comme  nous 
l'avons  vu,  plus  ou  moins  proniptement  à  la  santé. 

L'une  et  l'autre  de  ces  propositions  ont  été  reprises  en 
sous-œuvre  par  deux  médecins  étrangers,  les  docteurs 
Mason  Good  (1)  et  Thomas  Young  (2). 

On  a  dit  que  le  Dr  Young  avait  rapporté  plusieurs  ob- 
servations de  consomption  dans  lesquelles  on  avait  vu 
des  malades  expectorer  un  débris  d'os  ou  quelque  autre 
corps  étranger.  Je  n'ai  trouvé  dans  cet  auteur  que  les 
paroles  suivantes  ayant  trait  à  ce  sujet  : 

«  Il  is  not  peculiar  acrimony,  for  every  symptom  of 
consuniption  bas  somelimes  been  observed,  where  the 
présence  of  a  forcing  substance  bas  obviously  been  Ihe 
only  essential  cause,  and  the  disease  bas  eeased  on  ils 
removal.  »  {Opcr.  cit.,  p.  10.) 

(I)  Mason  Good.  The  sludy  of  melicine,  t.  III  de  la  *v  édition. 
[i)  Thomas  Young.  A  praclical  and  historica!  trcalisc  on  consuuiphvp 
disease*.  i  vol.  in-8.  London,  181  S. 

TO  xik  xxm.  -  juin  I8T0.  -2.1 


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446     CAUSES  DE  LA.  TOUX  RESIDANT  DANS  LA  POITRINE. 

Tous  les  malades  dont  les  voies  principales  de  I  air 
sont  devenues  le  siège  d'un  corps  étranger,  ne  meurent 
donc  pas. 

Mais  ils  toussent  presque  sans  interruption,  sont  à 
chaque  instant  menacés  du  su ffocation,  et  éprouvent  des 
symptômes  divers,  suivant  la  nature  et  la  forme  du 
corps  étranger,  lis  portent  la  main  au  cou  à  l'égal  des 
enfants  atteints  du  croup,  ou  bien,  quand  on  leur  de- 
mande d'indiquer  le  lieu  de  leur  souirrance,ils  indiquent, 
soit  la  partie  supérieure  droite  de  la  poitrine,  soit  la 
partie  supérieure  du  sternum,  soit  encore  sa  partie 
moyenne. 

La  toux  cesse  avec  la  disparition  de  la  cause  qui  lui 
donnait  lieu,  et  les  malades  qui  avaient  couru  des  dan- 
gers pendant  des  jours,  des  semaines,  et  même  des 
mois,  reviennent  à  la  santé. 

Vers  égarés  dans  les  voies  de  f  air. 

Ce  que  nous  disons  des  corps  étrangers,  tels  qu'un 
débris  osseux,  un  noyau  de  cerise,  une  arête  de  poisson, 
par  exemple,  peut  se  dire  des  vers  qui  s'engagent  par- 
fois dans  le  larynx,  dans  la  trachée,  ou  bien  dans  une 
bronche.  Les  symptômes  sont  à  peu  près  les  mômes. 

Une  dyspnée  subite  ouvre  la  scène.  Les  malades  por- 
tent la  main  au  cou,  comme  pour  arracher  l'obstacle  qui 
s'oppose  au  passage  de  l'air.  Ils  placent  le  siège  de  leur 
souffrance  à  la  partie  supérieure  du  sternum  ou  bien 
;i  l;i  partie  antérieure  et  moyenne  de  la  poitrine. 

II  survient  de  la  sueur,  de  l'agitation,  des  cracho- 
tements, des  voniis>ements.  du  trismus,  des  convul- 
sions, la  mort  enfin,  après  une  asphyxie  toujours  crois- 
saute  et  des  eiïbrts  de  toux,  sans  résultat  le  plus  sou- 
vent, car  ce  n'est  que  par  exception  que  les  vers  sont 
expulsés. 


CAUSES  DR  LA  TOUX  RESIDANT  DANS  LA  POITRINE.  417 

Cette  succession  de  phénomènes  se  produit  ici  dans  un 
espace  de  temps  très-court,  soit  que  la  mort  arrive,  soit 
que  le  malade  échappe  à  tout  danger,  en  se  débarras- 
sant, dans  un  accès  de  toux,  du  ver  qui  1  étouffait. 

Dans  les  cas  de  mort,  on  trouve  des  vers  en  plus  ou 
moins  grand  nombre  dans  différentes  parties  des  voies 
digeslives.  Ceux  qui  sont  devenus  funestes,  sont  encore 
le  plus  souvent  dans  le  larynx,  dans  la  trachée-artère  ou 
dans  les  bronches,  plus  fréquemment  à  la  fois  dans  la 
trachée  et  dans  la  bronche  droite. 

Donnons  quelques  observations  à  l'appui  de  ces  pro- 
positions : 

1°  Les  vers  tuent  l  s  malades. 

Observation  du  D'Hœring,  la  VI*  du  Mémoire  de  M.  Aronssokn. 

A.— George  Schweig,  âgé  de  52  ans.  avait  accusé,  dans  les  derniers 
temps  de  sa  vie,  de  la  douleur  et  un  sentiment  de  constrictien  au 
niveau  de  la  bifurcation  de  la  trachée,  et  c'est  sur  ce  point  qu'on 
trouva  placé  en  travers  un  ver  lombric. 

Aquel  moment  précis,  ce  ver  avait  il  pénétré  des  organes  digestifs 
dans  ceux  de  la  respiration?  On  ne  saurait  le  dire,  puisque,  au  rap- 
port même  de  l'auteur  de  1  observation,  le  malade,  asthmatique  de- 
puis longtemps,  offrait,  pour  principal  symptôme,  un  trouble  mar- 
qué dan»  la  respiration. 

Mais,  ce  qu'on  peut  affirmer,  c'est  que,  moins  de  deux  jours  avant 
de  mourir,  la  dyspnée  avait  augmenté  pendant  la  nuit,  qu'elle  avait 
été  plus  gran  le  encore  dans  la  matinée,  qu'elle  s'ë'ait  compliquée 
d'une  agitation  continuelle  et  que,  sauf  quelques  heu  es  de  répit, 
la  dyspnée  s'était  aggravée  de  la  manière  la  plus  alarmante. 

La  suffocation  avait  été  imminente  à  plusieurj  reprises,  laiespi- 
ration  était  devenue  sifflante,  la  déglutition  pénible. 

Le  malade  ne  pouvait  plus  parler  ;  il  indiquait  sans  cesse  la  partie 
supérieure  du  sternum  comme  le  point  principal  de  ses  souffrances. 

Une  augmentation  toujours  croissante  de  la  dyspnée  avait  été 
suivie  d'une  suffocation  mortelle. 

On  trouve  dans  Haller,  sous  le  titre  de  Su/focalio  a 

verme,  l'observation  suivante  (i)  : 

(t)  Progr.  ad  disp.,  P.  Castelli  et  Remi. 


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448     CAUSES  DE  LA  TOUX  RESIDANT  DANS  LA  POITRINE. 

13.  —  «Deniqueintcr  rariores  raortiscansas  fuisse  puto,quamin  pueila 
decenni  vidi.  Eam  reperimos,  cum  omnibus  vUeeribus  sanissimis, 
unicc  verminosam,  et  fauces  atquc  os  lumbiieis  plénum,  duo  vero 
omnino  detereti  génère  vernies  in  aspera  arteria,  ad  cordis  sedem, 
inque  principio  pulmonis  reperti  sunt,  manifesti  suffoeationis  auc- 
tores.  »  (Alberti  Halleri  Opuscula  pathologica,  obs.  IX,  p.  20.  i  vol. 
in-8,  de  301  pages.  Lausanme,  1755  ) 

C.  —  Observation  de  Blandin  (1). 

Cet  auteur  a  mentionné  le  fait  d'un  petit  malheureux  qui  fut 
étouffe  par  uu  énorme  ver  ascaride  lombricoïde,  qui  était  remonté 
de  l'estomac,  et  s'était  placé  dans  la  trachée -artère  et  dans  la  bron- 
che droite.  » 

D.  —  Observation  de  J.  Aroussohn  (2). 

Une  jeune  hlle,àgée  deOans,  Barbe  Roquet,  jouissait  d'une  bonue 
santé,  lorsqu'elle  fut  prise  subitement,  le  30  décembre  1822,  tic  gène 
dans  la  respiration.  Il  était  deux  heures  du  soir;  à  quatre  heures  la 
malade  éprouvait  la  même  gène  et  demandait  à  s'aliter.  Le  lendemain 
il  y  avait  de  fortes  sueurs  résultat  d'une  agitation  continuelle. 

Le  troisième  jour,  à  six  heures  du  matin,  crachotements  continuels, 
tout  le  mal  est  rapporté  par  la  jeune  tille  à  la  partie  antérieure  et 
moyenne  de  la  poitrine.  La  malade  boit  de  l'eau  sucrée,  la  vomit  et 
se  dit  soulagée;  des  aliments  sont  également  vomis  peu  après  leur 
ingestion. 

Surv  iennent  un  tremblement  général,  des  convulsions,  dutrismus 
la  mort  entin,  après  les  plus  terribles  angoisses. 

Ou  ne  découvrit,  à  l'autopsie  rien  d'anormal,  si  ce  n'est  la  pré- 
sence de  trente-sept  lombricoïdes,  dont  l'un,  d'environ  5  pouces  de 
longueur,  se  trouvait  engagé  en  par.ie  dans  la  trachée-artère,  et 
en  partie  dans  la  bronche  droite.  L'estomac  contenait  deux  de  ces 
vers,  le  duodénum  en  contenait  huit  et  le  jéjunum  vingt-six.  » 

E.  —  Vers  éyaré  dans  le  larynx  et  dans  la  trachée-artère  (obser- 
valionr  ecueillie  par  M.  Tonuellé).  (3) 

(4)  IkA.NoiN.  —  Trailé  danatoraie  pathologique,  2»  édition,  1834,  p.  199. 

(2)  Ako.nss.ohx.  —  Mémoire  sur  l'inlr.  des  vers  dans  les  voies  aer.  in 
Archiv.  gén.  de  méd.,  "2e  série,  t.  X,  183G,  p.  45,  obs.  II'. 

(3j  Tos.\ELi.K.— Réflexions  cl  observations  sur  les  accidents  produits  par 
les  vers  lombrics.  In  Journal  hebdomadaire  de  médecine,  n°  47,  p.  290, 
du  t.  IV.  In-8.  Paris,  1829. 


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CAUSES  DE  LA.  TOUX  RESIDANT  DANS  LA  POITRINE.  449 

E.  —  Il  s'agit  d'un  enfant  &gé  de  9  ans,  qui  succomba  le  22  mai 
1820,  cinq  jours  après  son  entrée  à  l'hôpital. 

o  La  mort  arriva  après  une  nuit  passée  dans  un  état  d'agitation 
difficile  à  décrire. 

o  Un  ver  lombric,  d'un  volume  et  d'une  longueur  considérables, 
était  engagé  dans  le  larynx,  dont  il  bouchait  presque  entièrement 
la  cavité  :  l'une  de  ses  extrémités  s'avançait  jusqu'aux  premiers 
anneaux  de  la  trachée-artère,  tandis  que  l'autre  se  reployait  dans 
l'œsophage. 

«  Un  second  ver  était  placé  entre  le  plancher  de  la  bouche  et  la 
langue. 

«  L'intestin  grêle  contenait  six  ou  sept  vers  de  la  même  es- 
pèce. » 

2*  La  sortie  des  vers  est  suivie  du  retour  des  malades  à  la  santé. 

Observation  de  M.  Aronsshon  (1),  la  Ve  de  son  mémoire. 

Philippine  L..  .,àgéed«  8  ans,  fut  prise  tout  à  coup,  au  milieu  d'une 
santé  parfaite,  d'une  toux  qui,  en  peu  d'instants,  devint  très-forte  et 
continua  d'augmenter  en  s'accompagnant  de  suffocation ,  malgré 
tout  ce  qu'on  put  faire  pour  la  calmer. 

Cet  état  d'angoisse  durait  depuis  deux  heures,  et  déjà  des  con- 
vulsions commençaient  à  s'y  joindre,  lorsqu'à  la  suite  de  grands 
efforts,  la  petite  malade  rendit  un  strongle  vivant  (acaris  iombri- 
coïdes). 

Le  retour  de  cette  jeune  malade  à  la  santé  donne  la 
clef  de  ce  qui  a  dû  se  passer,  après  la  mort,  dans  l'ob- 
servation qui  va  suivre. 

■ 

3°  Les  vers  se  sont  déplacés  après  la  mort. 

Obs.  de  M.  Aronssohn  (2),  la  IVe  de  son  mémoire. 

u  Une  petite  fille,  Agée  de  8  ans,  éprouva  subitement  une 
anxiété  extrême,  une  gène  très-grande  de  la  respiration,  une  vive 
douleur  à  la  gorge  où  elle  portait  souvent  la  maiu  comme  pour  en 
arracher  l'obstacle  qui  s'opposait  au  passage  de  l'air;  avec  cela 
vains  efforts  de  toux  et  asphyxie  imminente.  Mort  enfin,  deux 
heures  après  son  entrée  à  l'hôpital. 

(1)  Aboxssokn.  Archives  gén.  de  raéd.  pour  Tannée  183G,  n«  de  jan- 
vier, p.  49. 

(î)  Aronssohn.  Archives  gén.  de  méd.  pour  l'année  1836. 


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450  BIBLIOGRAPHIE. 

On  trouva  dans  le  pharynx  un  ver,  vivant  encore,  lon^  de  six 
pouces,  qui  avait  dû  quitter  le  larynx  dans  les  vingt-quatre  heures 
qui  avaient  précéilé  l'ouverture  dn  corps. 

Dr  L.  Mailliot. 


BIBLIOGRAPHIE 

LES  PASSIONS 
Par  le  D'  F.  Frédault  :  1  vol  in-12.  Palmé,  tfdit. 

Pour  concevoir"  une  juste  idée  de  ce  nouveau  travail 
de  notre  confrère,  pour  le  considérer  à  son  véritable 
point  de  vue,  le  lenteur  devra  reprendre  le  beau  Traité 
d Anthropologie  qu'il  donnait  ù  la  science  il  y  a  quelques 
années.  Il  l'ouvrira  au  livre  IIIe,  chapitre  n  où  sont  dé- 
crits les  Actes  de  ï ordre  animal.  Cette  étude  sur  les  pas- 
sions n'est  que  le  développement  d'un  des  nombreux  et 
importants  sujets  compris  dans  cette  longue  hisloiredes 
formes  sous  lesquelles  se  déploie  l'activité  do  l'homme 
vivant. 

Avant  tout  il  faudra  ne  point  oublier  que  le  Traité 
d'anthropologie  est  l'expression  complète  et  raisonnée 
de  la  doctrine  thomiste  sur  le  composé  hunjain.  L'esprit 
scientifique  qui  anime  le  livre,  les  grandes  lignes  qui  en 
décident  l'ordonnance,  appartiennent  à  l'école  seolasti- 
que  ;  ce  qui  n'a  nullement  empêché  le  Dr  Frédault  d'in- 
troduire dans  la  trame  de  ses  développements,  toute  la 
science  moderne.  Pas  une  doctrine  n'estoubliée,  pas  un 
progrès  n'est  méconnu  dans  cet  ouvrage  qui  est  à  vrai 
dire  autant  l'histoire  de  ce  que  la  science  a  pensé  sur 
l'homme  que  l'exposé  de  ses  actes  fonctionnels. 

Comme  le  Traité  d'anthropologie  dont  elle  découle, 
cette  étude  sur  Jes  passions  est  une  exploration  savante 


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LES  PASSIONS.  -451 

et  parfois  hardie  sur  ce  terrain  intermédiaire  des  cho- 
ses de  la  matière  et  des  choses  de  l'esprit,  où  se  débat- 
tent pour  l'homme  les  destinées  de  tant  de  problèmes. 
Les  savants  d'aujourd'hui,  on  lésait,  se  commettent  fort 
peu  sur  ce  terrain  mixte.  Les  uns  résistent  absolument 
à  la  doctrine  du  composé  humain.  Comment  conce- 
vraient-ils une  âme  intelligente  unie  substantiellement  à 
uncorps,  ceux  qui  renientdansl'homme  la  présence  d'un 
principe  spirituel  et  ne  veulent  constater  dans  le  fait  de 
la  vie  qu'un  résultat  sans  cause. 

Tout  aussi  répulsifs  que  les  positivistes  athées  et  ma- 
térialistes dont  nous  venons  de  parler  sont  les  savants 
qui  sous  le  prétexte  de  science  pure  libre  d'attaches  doc- 
trinales, exempte  du  contact  de  l'imagination  et  de  la 
fantaisie ,  admettent  l  ame  principe  spirituel,  lui  assi- 
gnent vaguement  un  gouvernement  sur  les  choses  de 
l'esprit,  et,  sans  prendre  souci  de  l'Incohérence  de  leur 
altitude,  traitent  également  des  phénomènes  matériels, 
des  incidents  de  leurs  évolutions,  des  causes  qui  les  en- 
gendrent. 

On  ne  saurait  dire  si  de  tels  hommes  sont  spiritualis- 
tes  ou  non  :  à  coup  sùr,  ils  sont  les  héros  de  l'inconsé- 
quence, et  la  science  positiviste  du  phénomène  prochain 
bénéficie  habituellement  de  leurs  efforts. 

Abordons  plus  directement  l'œuvre  du  Dr  Frédault. 
On  connaît  son  point  de  départ,  la  doctrine  qui  lui  sert 
de  base.  Il  admet  l'unité  de  l'homme  comme  les  maî- 
tres de  la  scolastique;  comme  eux  il  découvre  dans 
l'homme  trois  vies  différentes  parfaitement  fondues  et 
organisées  dans  une  admirable  unité  :  une  vie  végéta- 
tive; une  vie  animale  ;  une  vie  intellectuelle. 

Comme  les  végétaux,  l'homme  végète,  forme  son  corps, 
le  nourrit  et  le  reproduit. 

Comme  les  animaux,  il  sent,  il  agit,  il  se  meut. 


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452  BIBLIOGRAPHIE. 

Comme  les  êtres  spirituels,  il  comprend  les  choses  in- 
telligibles, les  raisonne,  en  juge  et  les  veut. 

Par  cette  puissante  unité,  par  ces  trois  vies  l'homme 
appartient  à  trois  mondes  qu'il  réunit  dans  une  seule 
personne. 

Ces  préliminaires  achevés,  notre  confrère  se  demande, 
ce  que  sont  les  passions  dans  l'homme  et  dans  quel  or- 
dre de  ses  actes  il  les  faut  considérer. 

Le  Dr  Frédault  définit  les  passions  des  mouvements 
impétueux  de  l'être  germés  et  développés  dans  les  fa- 
cultés de  Tordre  animal. 

Les  facultés  végétatives  peuvent  avoir  pour  le  méde- 
cin un  intérêt  plus  sérieux,  parce  que  c'est  chez  elles  que 
doit  être  étudié  le  mécanisme  des  maladies. 

Les  facultés  intellectuelles  sont  plus  relevées  et  offrent 
à  l'esprit  métaphysique  des  problèmes  plus  précis  :  mais 
les  facultés  animales  ont  pour  l'esprit  pratique  un  inté- 
rêt tout  particulier  ;  elles  sont  pour  ainsi  dire  le  moyen 
de  la  vie.  C'est  parles  facultés  végétatives  que  nous  en- 
tretenons le  corps,  ce  suhstratum  de  notre  existence.  A  la 
vérité,  c'est  par  les  facultés  intellectuelles  que  nous 
trouvons  la  direction  supérieure  de  notre  vie;  mais  c'est 
surtout  par  la  sensibilité  et  le  mouvement,  facultés  de 
l'ordre  animal,  que  notre  vie  se  communique  et  se  pro- 
duit extérieurement. 

Le  mouvement  qui  constitue  la  passion  est  une  sorte 
de  souffrance,  un  dérangement  dans  la  nature.  Ainsi  l'a- 
vaient compris  les  Grecs  en  identifiant  le  mot  passion  au 
terme  souffrance.  L'idée  est  vraie,  mais  la  passion  n'est 
pus  la  maladie.  Elles  se  passent  chacune  dans  un  ordre 
d'actes  différents.  La  maladie  se  manifeste  dans  les  ac- 
tes de  la  vie  végétative.  C'est  une  altération  dans  la  di- 
rection des  actes  formateurs  du  corps  qui  conclut  à  des 
lésions  dans  les  organes  et  à  des  troubles  fonctionnels 


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LES  PASSIONS.  453 

définis.  La  passion  est  une  manière  de  maladie  dans  la 
direction  des  actes  animaux.  Elle  n'est  pas  de  l'ordre 
maladif  parce  qu'elle  n'est  pas  de  l'ordre  végétatif.  Ses 
phénomènes  ne  sont  point  des  actes  de  formation  ou  de 
nutrition  mais  des  actes  de  sensibilité  et  de  mouvement. 

Ainsi  la  passion  et  la  maladie  sont  des  mouvements 
analogues  mais  non  semblables;  ils  appartiennent  à  des 
ordres  très-différents  :  les  confondre  c'est  se  tromper. 

La  passion  sort  des  entrailles  de  la  nature  animale 
dont  elle  est  l'expression  et  la  manifestation  propre.  Elle 
est  le  fait  de  cette  nature  sentant  et  agissant  avec  des 
mobiles  tout  particuliers,  lesquels  peu  à  peu  et  par  mouve- 
ments d'impulsion  ascendante  revêtent  le  caractère  de 
l'exaltation  et  delà  violence,  puis,  la  personnalité  aidant, 
arrivent  jusqu'à  Yivrexsc  et  ses  transports.  L'individu 
entier  est  entraîné  dans  un  mouvement  impulsif  qui 
subjugue  tout  l'être. 

Ce  mouvement  impulsif  qui  caractérise  la  passion 
peut  être  mauvais  et  servir  au  mal,  à  la  manifestation 
des  vices  du  caractère  ;  il  peut  aussi  servir  au  bien,  à  la 
manifestation  de  la  vertu  et  des  actions  grandes  et 
louables.  La  passion  en  soi  est  indifférente,  elle  n'est 
par  elle-même  ni  bonne  ni  mauvaise;  elle  ne  devient 
l'une  ou  l'autre  que  selon  le  but  auquel  on  l'applique, 
l'acte  auquel  elle  s'adjoint.  Dans  les  données  vulgaires, 
toute  passion  est  un  vice.  Il  n'en  est  heureusement  pas 
ainsi.  De  même  qu'il  y  a  des  passions  mauvaises,  comme 
l'ambition,  la  jalousie,  la  luxure,  la  gourmandise;  de 
même  aussi  il  en  a  de  bonnes,  comme  la  charité,  le  dé- 
vouement, la  générosité  et  l'amour. 

Ces  distinctions  ne  sont  point  aussi  banales  qu'elles  le 
semblent  au  premier  abord.  Étudions  à  la  clarté  de  la 
doctrine  philosophique  les  trois  vices  dont  l'homme  est 
en  particulier  comme  une  manifestation  émergente  de  la 


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454  BIBLIOGRAPHIE. 

vie  animater-Eiles  revotent  la  puissance  d'une  doctrine 
féconde.  Les  philosophes  et  les  théologiens  de  l'école  de 
saint  Thomas  ont  tiré  parti  de  ce  développement  dans 
leur  étude  des  passions. 

L'auteur  ayant  étahli  cette  vérité  capitale  que  les  pas- 
sions ne  sont  que  les  actes  de  l'ordre  animal  dévelop- 
pés d  une  manière  anormale  dans  leur  étendue  et  dans 
leur  violence,  il  découle  immédiatement  du  principe 
posé  que  l'étude  des  passions  procède  de  celles  des  fa- 
cultés animales. 

Tout  dans  l'ordre  animal  lui  apparaît  sous  deux  modes  : 
la  sensibilité  et  \îi  motilité.  Par  la  sensibilité  l'être  reçoit  la 
connaissance  des  objets  extérieurs  et  l'effet  qu'ils  pro- 
duisent en  lui.  Par  la  motilité,  il  agit  et  se  meut. 

Ainsi,  dit  le  IV  Frédault,  la  vie  animale  représente 
une  sorte  de  respiration  :  aspiration  d'une  connais- 
sance sensible  parla  sensibilité,  c'est-à-dire  impression 
donnée  et  reçue;  secondement  expiration  ou  manifesta- 
tion dans  l'individu  par  des  mouvements  vitaux  des 
actes  corrélatifs  qu'il  veut  et  doit  accomplir. 

11  y  a  donc  un  foyer  qui  relie  ensemble  ces  deux  fa- 
cultés, la  sensibilité  et  la  motilité.  En  médecine,  ou  plu- 
tôt en  physiologie,  ce  foyer  a  un  centre  matériel  qui  est 
le  siég-e  de  l'acte:  c'est  le  cerveau  et  h  moelle  épinière, 
centres  nerveux  où  aboutissent  et  d'où  émanent  les  actes 
de  sensibilité  et  de  motilité. 

Ici  l'auteur  introduit  une  discussion  sur  les  facultés  que 
doit  contenir  le  foyer  animal.  En  définitive,  il  les  réduit  à 
deux  :  Y  imagination  et  le  sentiment.  A  son  sens  toutes  les 
autres  particularités  que  l'on  a  distinguées  ne  sont  que 
des  quotités  appendiculaires  qui  procèdent  de  ces  deux 
facultés  naturelles.  C'est  toujours  ou  une  conception  di- 
magination  ou  une  émotion  de  sentiment  que  l'on  retrouve 
au  fond  de  toutes  les  passions. 


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LRS  PASSIONS.  455 

L'analyse  des  passions  doit  donc  être  faite  sur  l'ana- 
lyse des  sentiments. 

Nous  avons  établi  le  plan  de  ce  traité  assigné  le  point 
de  départ  :  aller  plus  avant  ce  serait  excéder  les  limites 
d'un  compte-rendu.  Quelques  mois  encore  toutefois  pour 
caractériser  d'une  manière  plus  sensible  la  manière  de 
cette  étude. 

A  l'analyse  des  divers  sentiments  de  l'être  et  des  pas- 
sions qui  en  émergent  succède  une  appréciation  du  cû- 
racière  en  opposition  avec  la  passion,  puis  une  discussion 
sur  ce  qu'il  faut  entendre  par  le  nature/  et  quel  est  son 
rôle.  Des  pages  importantes  sont  consacrées  à  Y  objectif  : 
c'est-à-dire  à  la  chose  ou  l'être  qui  par  ses  qualités  ou  ses 
actes  extérieurs  louche  l'homme,  l'impressionne  et  suscite 
en  lui  les  visées  d'une  action. 

Mais  le  chapitre  le  plus  curieux  de  cette  étude  est  celui 
que  le  Dr  Frédault  emploie  à  faire  connaître  le  moi.  Il 
s'agit  ici  de  la  distinction  de  l'être  et  de  ses  facultés,  de 
la  séparation  qu'il  faut  établir  entre  la  personne,  le  moi 
et  les  puissances  dont  il  dispose.  Ce  chapitre  est  à  lui  seul 
un  excellent  exposé  doctrinal.  L'auteur  y  fait  preuve 
d'un  esprit  philosophique  des  plus  remarquables.  Il  s'y 
joue  avec  les  difficultés  de  l'analyse  la  plus  ténue,  cepen- 
dant il  demeure  lumineux,  et  en  définitive  il  fait  jaillir 
de  l'élaboration  scolastique  les  plus  palpables  et  les 
plus  pratiques  vérités. 

On  reconnaît  ici  le  jouteur  dialecticien  qui  sut  si  bien 
tenir  tête  au  Père  Libératore  dans  une  controverse  qui 
n'a  pas  été  oubliée,  touchant  l'unité  substantielle  du  com- 
posé vivant.  La  question  résidait  alors  dans  la  difficulté 
de  préciser  quel  est  le  véritable  rôle  des  éléments  ma- 
tériels dans  un  composé  vivant  ou  inorganique  :  ces  élé- 
ments gardent-ils  ou  perdenUils  leur  principe  d'activité 
dans  l'union  qu'ils  contractent? 


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456  BIBLIOGRAPHIE. 

Enumérons  encore  quelques  têtes  de  chapitres  pour 
terminer  :  regrettant  de  ne  pouvoir  accorder  plus  de  dé- 
veloppement à  ce  beau  sujet  de  la  personnalité  humaine. 

Après  cette  forte  analyse  du  moi,  viennent  les  reten- 
tissements des  passions,  c'est-à-dire  l'appréciation  des  in» 
fluences  de  la  passion  sur  les  autres  facultés  de  l'homme 
et  sur  sa  disposition  organique  ;  en  d'autres  termes,  l'é- 
tude des  rapjrorts  du  moral  avec  le  physique.  Le  médecin 
s'unit  au  physiologiste  dans  la  considération  de  cette 
série  d'actions  et  de  réactions,  de  passages  et  d'accou- 
plements d'un  ordre  d'acte  avec  un  aulre.  Nous  abor- 
dons ainsi  l'étude  du  rôle  de  f  action  physique  ou  végétative, 
la  violence  des  passions,  ses  effets.  Il  y  a  là  une  curieuse 
distinction  établie  entre  la  violence  et  l'énergie. 

L'influence  des  passions  sur  les  maladies  est  détermi- 
née dans  un  trop  court  chapitre.  La  concision  y  engen- 
dre la  sécheresse.  Il  n'en  est  heureusement  pas  de  môme 
dans  le  beau  chapitre  de  la  finalité  où  l'auteur  s'applique 
à  montrer  ce  que  l'homme  peut  faire  en  dirigeant  ses 
passions. 

Encore  bien  que  succinct  ce  résumé  suffit  pour  faire 
toucher  du  doigt,  et  l'importance  du  sujet  et  la  méthode 
de  déduction  employée.  Œuvre  d'une  intelligence  philo- 
sophique très-exercée  ce  livre  sera  souvent  trouvé  austère 
et  par  plusieurs  systématique  dans  le  mouvement  des 
idées  subtiles,  dans  les  ténuités  logiques  d'analyse  où 
l'auteur  se  complaît.  Le  Dr  Frédault  vit  en  contact  si  fami- 
lier, si  quotidien,  avec  les  philosophes  scolastiques,  qu'il 
a  contracté  dans  leur  commerce  des  habitudes  de  raison- 
nement peu  répandues  à  cette  heure  de  physiologie  ex- 
périmentale et  d'investigation  du  laboratoire  ;  mais  de  ce 
que  cette  parole  philosophique  apparaîtra  quelque  peu 
étrange,  il  ne  faut  pas  conclure  qu'elle  ne  soit  pas  utile. 
Sachons  accueillir  avec  respect  et  sympathie  cet  écho 


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REVUE  DES  JOURNAUX.  457 

traditionnel  des  vieux  maîtres  de  l'esprit  humain.  Ecou- 
tons la  voix  de  cet  instrument  Jog-ique  si  fin,  si  délié 
môme,  mais  en  définitive  loyal  interprète  des  droits  de 
l'intelligence  et  de  la  pensée  si  près  d'être  méconnus  au- 
jourd'hui. 

Edouard  Dufresne 

(de  Genève,-. 


REVUE  DES  JOURNAUX 


RAGE. 

11  y  a  près  de  vingt  ans,  M.  Dumas,  alors  ministre 
de  l'agriculture,  institua  une  enquête  dont  le  but  était 
de  recueillir  annuellement  tous  les  laits  de  rage  ob- 
servés en  France  chez  l'homme  et  chez  les  animaux. 
Nous  donnons  plus  loin  l'analyse  d'un  rapport  présenté 
par  M.  Bouley  à  l'Académie  des  sciences  sur  les  résultats 
que  cette  enquête  a  produits  pendant  la  dernière  pé- 
riode de  1863  à  1868.  On  y  voit  que  la  rage  s'est  mon- 
trée dans  49  départements,  et  que,  sur  320  personnes 
mordues,  1 29  ont  succombé  aux  suites  de  l'inoculation 
rabique,  ce  qui  fait  une  mortalité  de  40,31  pour  100. 
Y  a-l-il  eu,  dans  les  191  cas  restants,  immunité  abso- 
lue? L'enquête  ne  pourrait  l'affirmer,  123  de  ces  cas 
seulement  ajantété  connus  et  spécifiés;  mais  s'il  n'est 
rien  dit  des  68  autres  dans  les  documents  officiels,  il  est 
permis  de  supposer  que  pour  le  plus  grand  nombre  des 
personnes  qu'ils  concernent,  les  morsures  n'ont  pas  eu 
de  résultats  funestes,  car  la  terminaison  mortelle  d'une 
morsure  rabique  a  toujours  plus  de  retentissement  que 
ne  peut  l'avoir  un  accident  de  cette  nature  suivi  d'une 
complète  immunité.  D'où  il  résulte  qu  on  pourrait  con- 
sidérer comme  acquis  à  l'immunité  la  plupart  des  cas 


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458  REVUE  DES  JOURNAUX. 

de  morsure  spécifiées  dans  l'enquête,  desquelles  il  n'est 
pas  dit  que  la  mort  s'en  est  suivie. 

On  verra  pourquoi  les  victimes  sont  plus  générale- 
ment des  hommes  que  des  femmes,  et  des  enfants  que 
des  adultes. 

Quant  aux  animaux  qui  ont  fait  ces  blessures,  on  a 
compté  284  chiens  mâles,  26  chiennes,  5  chats  ou 
chattes,  et  5  loups  ou  louves.  Selon  M.  Bouley,  il  n'y  a 
pas  lieu  de  se  préoccuper  de  la  rage  chez  les  herbivores, 
autant  que  chez  les  carnassiers,  parce  que  les  herbivores 
ne  mordent  pas.  Les  chevaux  même  ne  mordent  que 
rarement  et  lorsqu'on  les  excite.  Il  résulte  aussi  des  ex- 
périences faites  par  M.  Renault,  d'Alfort,  que  les  oiseaux 
sont  réfractaires  à  la  rage. 

Dans  la  discussion  qui  a  suivi  la  lecture  du  très-inté- 
ressant travail  de  M.  Bouley,  M.  Larrey  et  M.  le  mare- 
chai  Vaillant  ont  repris  la  question  de  savoir  quel  rôle 
la  privation  des  satisfactions  génésiques  joue  dans  1  étio- 
Jogie  de  la  race  canine,  et  si  la  muselière  imposée  par 
nos  règlements  de  police  n'est  pas  plutôt  nuisible 
qu'utile  toujours  au  point  de  vue  étiologique. 

Il  est  certain  que  dans  les  contrées  où  les  chiens  sont 
errants  et  vaguent  en  pleine  liberté  comme  en  Orient 
et  dans  nos  possessions  d'Afrique,  la  rage  était  incon- 
nue il  n'y  a  pas  encore  bien  longtemps.  En  Afrique,  en 
particulier,  c'est  depuis  que  nous  avons  introduit  dans 
ce  pays  l'habitude  de  priver  les  chiens  de  leur  liberté 
qu'on  a  vu  la  rage  se  développer  chez  ces  animaux.  Il 
en  est  de  même  pour  la  muselière  que  .M.  le  maréchal 
Vaillant  a  llétrie  avec  l'indignation  d'un  véritable  ami 
de  la  race  canine.  Le  maréchal  a  cité  d'ailleurs  un  fait 
qui  prouve  qu'il  ne  s'agit  pas  seulement  ici  d'une  ques- 
tion de  sentiment.  Un  mairede  Dijon,  M.  Vernier,  ayant 
défendu  de  museler  les  chiens  et  de  les  tenir  en  laisse, 


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REVUE  DES  JOURNAUX.  459 

on  ne  vit  plus  un  seul  cas  de  rage  dans  cette  ville.  Le 
successeur  de  M.  Vernier  prit  un  arrêté  qui  rétablissait 
l'obligation  de  la  muselière  :  la  rage  reparut.  M.  Larrey 
a  plaidé  le  même  système  déjà  soutenu  par  lui  avec  l'é- 
loquence de  la  raison  et  du  cœur  devant  le  Comité  d'hy- 
giène et  la  Société  protectrice  des  animaux. 

11  n'y  a  point  de  remède  contre  la  rage  confirmée. 
M.  d'Abbadie  ayant  demandé  s'il  était  vrai  qu'en  Egypte 
les  bains  de  vapeurs  lussent  un  remède  efficace  contre 
cette  affreuse  maladie,  M.  Bouley  a  répondu  que  jamais 
en  Occident,  en  France  du  moins,  un  seul  malade  at- 
teint de  la  rage  n'a  été  guéri  par  les  bains  de  vapeurs. 
(Journal  de  médecine  et  de  chirurgie  pratiques,  mai  i870.) 


NOMINATION  DE  M.  UAREMBERG  GOMME  PROFESSEUR 

A  LA  FACULTÉ. 

Notre  Faculté  de  médecine  se  plaint  du  peu  de 
considération  dont  elle  jouit  auprès  des  médecins. 

Elle  gémit  de  l'irrévérence  des  élèves. 

Elle  ne  récolte  que  ce  qu'elle  a  semé. 

Depuis  vingt  ans,  qu'a-t-elle  lait  du  droit  qui  lui  a 
été  donné  de  se  recruter  elle-même? 

Elle  a  éloigné  Claude  Bernard  de  l'agrégation. 

Elle  a  repoussé  du  professorat  : 

Chassaignac,  l'inventeur  du  drainage  et  de  l'éc ra- 
seur, et  le  meilleur  professeur  particulier  de  son  temps; 

Vidal,  qui  en  est  mort; 

Beau,  qui  en  est  mort. 

Plus  heureux,  Béclard,  Barth  et  Michon  ont  pu  voir 
à  l'œuvre  ceux  qui  leur  ont  été  préférés. 

A  qui  revient  l'honneur  d'avoir  nommé  tant  de  pro- 
fesseurs sans  auditoire? 


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460  REVUE  DES  JOURNAUX. 

L'élection  de  jeudi  dernier,  désirée  par  les  ennemis 
de  la  Faculté,  redoutée  par  ceux  à  qui  une  dernière  il- 
lusion pouvait  rester,  mais  pressentie  par  tous,  ne 
change  rien  à  ce  bel  ensemble. 

La  Faculté  s'adjoint,  comme  professeur  d'histoire  de 
la  médecine,  M.  Daremberg  i  le  médecin  qui  apportait 
comme  litre  une  Histoire  des  sciences  médicales,  dans  la- 
quelle ne  se  trouvent  mentionnées  : 

Ni  la  découverte  de  la  variole; 

Ni  la  découverte  de  la  rougeole  ; 

Ni  la  découverte  de  la  coqueluche; 

Ni  la  découverte  du  scorbut  ; 

Ni  la  découverte  de  la  transfusion  ; 

Ni  la  découverte  des  différents  procédés  de  ligatures 
des  anévrysmes  ; 

Ni  la  découverte  du  quinquina,  etc.,  etc.,  etc. 

Mais  il  n'est  pas  inutile  de  mettre  au  compte  des  titres 
de  M.  Daremberg  l'article  si  élogieux  publié  en  l'hon- 
neur de  M.  le  doyen  Wùrlz,  une  dizaine  de  jours  avant 
l'élection. 

Rhubarbe.  —  Séné. 

Cet  article  avait  été  jugé  sévèrement  ,  comme  un 
manque  de  tact.  Les  consciences  timorées  voient  que  Y  ha- 
bileté n'est  pas  inutile. 

M.  Daremberg  pourra  se  livrer  à  son  aise  au  travail 
considérablement  augmenté  de  sa  deuxième  édition  de 
Y  Histoire  des  sciences  médicales,  si  les  élèves  en  médecine 
s'empressent  d'imiter  l'exemple  de  l'auditoire  invisible , 
(jui  se  presse  autour  de  sa  chaire  du  Collég*e  de  France. 
A  voir  son  insuccès  complet  de  professeur,  on  aurait  pu 
croire  que  la  Faculté  laisserait  M.  Daremberg  à  son 
Collège  de  France,  ou  à  sa  vraie  place  de  bibliothécaire; 
mais  le  mot  sera  toujours  vrai  :  »  Il  fallait  un  calcula- 
teur, ce  fut  un  danseur  qui  l'obtint.  » 


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BANQUET  H AUX EM ANNI EN . 


46! 


La  journée  de  jeudi  dernier  compteru  parmi  les  meil- 
leures pour  l'avenir  de  la  liberté  d'enseignement. 
(Gazette  des  Hôpitaux,  29  avril  1870.)   Dr  E.  Le  Soukd. 


BULLETIN 


BANQUET  HAHNEMANNIEN. 

Au  banquet  qui  a  eu  lieu  pour  le  dernier  anniver- 
saire de  la  naissance  d'Hahnemann,  les  toats  suivants 
ont  été  portés. 

M.  Davkt,  président  : 

Messieurs  et  très-chers  collèg  ues, 

En  me  conférant  la  présidence  de  ce  banquet,  vous 
avez  fait  infraction  ù  l'usage  traditionnel  qui  attribue 
l'insigne  honneur  dont  je  suis  revêtu  au  président  de 
la  Société  médicale  homœopathique  de  France. 

Permettez-moi  donc  de  voir,  dans  une  exception  si 
gracieuse,  l'hommage  des  jeunes  apôtres,  aux  vieux 
apôtres  du  sanctuaire  dont  je  suis  un  des  vétérans; 
peut-être  aussi  voulez-vous  signaler,  comme  exemple, 
mon  retour  à  la  vie  active,  dans  1  intérêt  de  la  fondation 
d'un  hôpital  auquel  se  rattachera  renseignement  cli- 
nique. —  Laissez-moi  espérer  ,  messieurs  et  chers 
collègues,  d'être  dans  cette  circonstance  votre  inter 
prête,  en  souhaitant  qu'une  réunion  commune  des  efforts 
de  tous  double  nos  forces  et  nous  conduise  à  un  pro- 
chain triomphe,  qui  sera  celui  de  Hahnemunn  et  de  ses 
doctrines. 

Tel  est  l'objet  du  toast  que  je  m'estime  heureux  de 
vous  proposer  : 
A  la  gloire  de  notre  illustre  maître  ! 
A  t  immortel  Hahnemann 

TOMB  XXXI.  —  JUIN  1870.  .V> 


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BULLETIN. 


M.  Molin,  au  nom  de  M.  Cabarrus,  lit  la  lettre  suivante  : 

Messieurs  et  très-honorés  confrères, 

Vous  m'avez  lait  un  grand  honneur  en  m  invitant  à 
présider  ce  banquet,  et  je  vous  en  exprime  ici  toute  ma 
reconnaissance. 

Si  un  accident  ne  m'avait  empêché  de  me  rendre  a 
votre  appel,  usant  des  privilèges  de  mon  âg*e,  et  con- 
vaincu qu'à  notre  époque  il  n'y  a  plus  de  place  pour  les 
opinions  extrêmes,  je  vous  aurais  exprimé  mes  vœux 
pour  la  conciliation  des  opinions,  l'union  et  la  concorde 
entre  tous  les  disciples  do  Habnemann;  c'est  le  meilleur 
moyen  d'honorer  ce  grand  homme  et  d'assurer  le 
triomphe  de  sa  doctrine;  nos  adversaires  se  font  des 
armes  de  nos  dissentiments. 

J'aurais  voulu  aussi  porter  la  santé  de  l'illustre  avo- 
cat de  rhomœopathte,  devenu  ministre  de  la  justice  :  il 
est  un  noble  exemple  de  ce  que  peuvent  la  modération 
et  la  tolérance  pour  conquérir  l'opinion  publique. 

M.  Crétin  : 

Messieurs, 

Je  remercie  notre  honorable  confrère,  le  I)T  Da- 
vet,  d'avoir  bien  voulu  accepter  la  présidence  de  ce 
banquet. 

Le  président  de  la  Société  médicale  homœopathique 
de  France  pour  Tannée  1870  a  cru  devoir,  dérogeant  à 
un  usage  traditionnel,  non  pas  décliner  cet  honneur, 
mais  bien  l'offrir  à  un  de  ceux  qui  peuvent  compter  sur 
l'unanimité  de  nos  sympathies,  qui  jouissent  parmi 
nous  de  la  plus  légitime  autorité,  et  à  qui  une  longue  et 
honorable  carrière  a  mérité  toute  notre  estime  et  tout 
notre  respect. 


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BANQUET  RAHNEM ANCIEN.  463 

Cet  acte  de  déférence  et  de  courtoisie  était  bien  du, 
ce  me  semble,  à  ceux  qui  ont  accueilli  Huhnemann  à 
son  arrivée  en  France  il  y  a  trente  cinq  ans;  qui  ont  eu 
l'honneur  de  l'approcher  et  le  bonheur  de  recevoir  ses 
conseils,  d'entendre  sa  parole  magistrale  et  de  débuter 
dans  la  pratique  de  rhomœopathie,  en  quelque  sorte 
sous  ses  auspices  et  sous  sa  protection. 

Si  le  temps  a  fait  des  vides  irréparables  dans  les  rangs 
des  premiers  disciples  de  Hahnemann,  notre  mémoire 
conserve  du  moins  précieusement  le  souvenir  de  leurs 
services,  et  il  nous  reste  quelques  représentants  de  cette 
première  et  vaillante  phalange  homœopathique.  Tout  en 
conservant  et  en  défendant  leurs  opinions,  ils  se  retrou- 
vaient, après  la  discussion,  étroitement  unis  sur  le  ter- 
rain de  l'action.  Il  n'est  pas  un  des  grands  actes  de 
l'histoire  homœopathique  qu'ils  n'aient  accompli  en 
commun.  Il  n'est  pas  un  des  grands  combats  livrés  pour 
notre  cause  qu'ils  n'aient  soutenu  ensemble.  Restons 
fidèles  à  cette  tradition  ;  ne  perdons  pas  de  vue  ce  grand 
exemple.  Comme  nos  aînés,  messieurs,  nous  sommes 
réunis  ici  dans  une  même  pensée.  Quelles  que  soient 
les  nuances  qui  nous  distinguent,  nous  venons  tous  à 
ce  solennel  anniversaire,  animés  des  mêmes  sentiments, 
rendre  un  pieux  hommage  à  la  mémoire  d' Hahnemann, 
honorer  ses  premiers  disciples,  et  faire  des  vœux  pour 
le  triomphe  de  la  réforme  thérapeutique  dont  il  a  été 
le  promoteur.  Souvenons-nous  de  ce  jour,  et  lorsque,  au 
dehors,  les  uns  isolément,  les  autres  en  groupes  plus 
ou  moins  compactes,  plus  ou  moins  nombreux»  nous 
travaillons,  chacun  selon  ses  aptitudes  et  ses  inspira- 
tion», à  l'œuvre  commune,  oublions  ce  qui  nous  divise 
pour  ne  penser  qu'à  ce  qui  nous  unit. 

Vous avez  entendu  l'appel  que  nous  adressent  si  cha- 
leureusement vos  deux  doyens.  Répondons  avecenthou- 


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161  BULLETIN. 

siasme  u  leur  voix,  et  buvons  aux  premiers  disciples  de 
Hahnemann,  que  représentent  si  dignement  parmi  nous, 
le  Dr  Cabarrus,  par  sa  pensée,  le  Df  Davel,  par  sa  parole 
si  religieusement  écoutée,  le  Dr  Delavallade,  par  sa 

présence. 

M.  Maillot  : 
Messieurs, 

J'ai  l'Iionneur  de  vous  proposer  de  porter  un  toast 
aux  médecins  de  province  qui  n?ont  pas  craint  de  se  dé- 
rober à  leurs  occupations  pour  se  rendre  au  milieu  de 
nous. 

Puissent-ils  éprouver  quelque  dédommagement  à  la 
pensée  que  nous  leur  sommes  infiniment  reconnaissants 
de  leur  déplacement  ! 

De  retour  chez  eux,  ils  se  rappelleront  le  bon  accueil 
que  vous  leur  aurez  lait. 

Ils  pourront  dire  aux  leurs  qu'ils  ont  trouvé  au  ban- 
quet homœopathique  une  famille  nombreuse  dans  la- 
quelle ils  n'étaient  nullement  étrangers,  et  qui,  de  près 
comme  de  loin,  leur  sera  toujours  aussi  dévouée  que 
sympathique. 

M.  Delavalladk  : 

Très-honorés  confrères, 

Pour  comprendre  et  admirer  la  supériorité  de  l'ho- 
mœopathie,  je  n'ai  qu'à  me  rappeler  ce  que  soixante- 
deux  ans  d'études  et  de  pratique  médicale  consacrées  à 
la  recherche  de  la  vérité  m'ont  démontré. 

Quand,  en  J8U,  mon  illustre  maître,  Broussais,  vint 
l'aire  descendre  Pinel  de  son  trône,  la  médecine  prit 
une  lace  nouvelle.  Broussais  ne  cessa  de  répéter  :  «  Nous 
sommes  malades  avant  que  la  structure  de  nos  organes 


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BANQUET  HAHNBMANNIEN.  465 

soit  compromise;  c'est  donc. par  l'étude  constante  des 
phénomènes  vitaux  ,  faite  non-seulement  dans  l'état 
normal,  mais  dans  toutes  les  positions  où  l'homme  vi- 
vant peut  se  trouver,  que  l'on  obtient  les  notions  fon- 
damentales de  la  pathologie.  »  Il  professa  que  les  sym- 
ptômes ne  sont  que  les  cris  de  douleur  des  organes  souf- 
frants. Il  dit  aussi  :  «  Gardez-vous  de  croire  que  l'étude 
de  la  vie  doive  nous  priver  des  ressources  que  peut  offrir 
l'empirisme;  ii  s'agit  d'éclairer  celui-ci,  de  l'utiliser  et 
nullement  de  le  repousser.  » 

N'est-ce  pas  là  ce  que  quelques  médecins  éclectiques 
appellent  rester  fidèles  à  nos  traditions  ? 

Depuis  que  j'ai  connu  la  loi  capitale  découverte  par 
Hahnemann,  je  n'ai  pas  cessé  de  l'étudier;  chaque  jour 
d'étude  et  de  pratique  n'a  fait  que  me  prouver  que  l'ho- 
mœopathie  est  une  doctrine  complète,  une,  essentielle- 
ment expérimentale,  satisfaisant  à  toutes  les  exigences 
de  la  pratique.  Hahnemann  a  pénétré  et  élucidé  les  pro- 
priétés des  médicaments  avec  une  élévation  de  génie 
qui  surpasse  tout  ce  qui  était  connu  avant  lui;  il  a 
donné  à  la  thérapeutique  une  base  fixe,  expérimentale, 
qui  a  renouvelé  les  moyens  de  guérir.  Par  cetle  base 
solide,  l'homœopathie  a  établi  une  loi  immuable,  aussi 
fixe  que  les  grands  faits  d'astronomie  et  de  chimie. 

Mon  grand  âge  n'a  point  éteint  en  moi  le  besoin 
d'études  sérieuses  :  aussi,  très-honorés  confrères,  je  lis 
et  relis  vos  œuvres,  et  elles  me  ramènent  à  Hahnemann, 
notre  illustre  et  grand  maître. 

M.  Jousset  : 

Messieurs, 

Le  vent  est  ce  soir  à  la  conciliation  et  ce  n'est  certes 
pas  moi  qui  troublerai  cette  belle  harmonie.  Je  vous 


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406  BULLETIN. 

propose  donc  un  toast  :  A  f  union  î  le  plu»  grand  bien 
qu'on  puisse  souhaiter  à  une  école  et  surtout  à  une  école 
militante  comme  la  nôtre. 

A  f  union  !  si  nécessaire  en  ce  moment  où  l'homœopa- 
thie  fonde  des  hôpitaux  et  peut  enfin  offrir  aux  méde- 
cins de  bonne  volonté  une  démonstration  clinique  des 
vérités  qu'elle  enseigne. 

L'homœopalhie  traverse  une  crise  décisive;  ne  nous 
divisons  pas,  ce  serait  un  malheur.  Ce  serait  plus  qu'un 
malheur,  ce  serait  une  faute. 

Réunissons-nous  tous  dans  une  action  commune  : 
hahnemanniens,  homœopathes,  partisans  de  la  théra- 
peutique expérimentale,  nous  tous  enfin  qui  avons  voué 
notre  vie  h  la  recherche  si  ardue  de  la  vérilé  thérapeu- 
tique. Laissons  à  la  porte  l'esprit  de  secle  et  de  contes- 
tation, les  conseils  de  l'amour  propre,  les  intérêts  étroits 
de  la  personnalité.  Réunissons-nous  autour  de  cet  hô- 
pital qui  est  né  des  sacrifices  que  se  sont  imposés  les 
membres  de  la  Société  homoeopathique  ;  sacrifices  aux- 
quels se  sont  promptemen?  associés  la  presque  unanimité 
des  médecins  homœopathes  de  France.  Réunissons-nous 
autour  de  cet  hôpital,  établi  rue  Saint-Jacques,  en  plein 
pays  latin,  au  milieu  des  étudiants  qu'il  est  destiné  à 
instruire,  autour  de  cet  hôpital  enfin,  qui  n'est  la  chose 
ni  d'un  homme,  ni  d'un  parti,  mais  de  tous,  et  dont 
les  médecins  nommés  par  leurs  pairs  seront  vérita- 
blement les  représentants  de  l  homœopathie  française. 

A  f  union  ! 

M.  Gonnard  : 
Messieurs, 

La  présence  à  ce  banquet  de  plusieurs  écrivains  dé- 
voués à  ta  cause  de  l'homceopathie  est  pour  nous  un 


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■ 


BANQUET  HAHNEMANNIEN.  467 

honneur  sincèrement  apprécié  :  puisse  l'expression  de 
nos  regrets  parvenir  à  d'autres  amis,  membres  de  la 
presse,  dont  la  présence  à  nos  colés  en  cette  solennité 
annuelle  était  pour  nous  une  douce  habitude!  Je  sais 
être  l'interprète  des  sentiments  des  médecins  homœo- 
pathesen  disant  à  nos  auxiliaires  de  la  presse  : 

Messieurs,  c'est  pour  nous  un  devoir  et  un  bonheur 
de  vous  faire  partager  nos  espérances  et  de  serrer  vos 
mains  avec  une  gratitude  cordiale,  aujourd'hui  que  notre 
École,  si  longtemps  reléguée  dans  l'obscurité,  conquiert, 
dans  la  capitale,  des  hôpitaux,  c'est-à-dire  un  enseigne- 
ment public,  un  théâtre  de  démonstration  avec  leur 
puissance  de  propagande.  Car  si  nous  avons  pu  franchir 
cette  étape,  veille  de  notre  triomphe,  il  ne  fuuL  pas  ou- 
blier à  qui  nous  Je  devons;  il  est  juste  que  ceux  qui 
furent  à  la  peine  soient  aussi  à  l'honneur.  Honneur  aux 
vaillants  lutteurs  de  notre  phalange  qui  depuis  quarante 
ans  ont  combattu  pour  la  réforme,  gagnant  du  terrain 
pied  à  pied  par  les  conquêtes  modestes  de  la  pratique 
privée  et  par  le  prosélytisme  médical  restreint  que 
permettait  celte  période  de  la  lutte  obscure!  Aussi  nous 
entrons  dans  la  vaste  arène  ouverte  maintenant  en  plein 
soleil,  en  saluant  de  nos  acclamations  les  aînés  qui  nous 
la  préparèrent;  de  chaleureux,  d'unanimes  hommages 
viennent  d'être  adressés  aux  survivants  de  ces  pre- 
miers combats,  à  notre  président,  le  Dr  Davet,  à  noire 
vénéré  doyen ,  le  Dr  Delavallade.  Honneur  aussi  à 
vous,  publiscites  généreux,  qui  nous  avez  donné  un  con- 
cours loyal,  désintéressé,  intrépide  à  outrance!  Vous 
avez  été  nos  seconds  dans  ce  duel  engagé  entre  la  ré- 
forme hahnemannienne  et  la  routine  médicale.  Vous 
avez  combattu  à  nos  côtés,  accueillant  libéralement  une 
doctrine  étrange  et  de  provenance  exotique,  bravant  le 
choc  des  arguments,  ce  qui  vous  était  facile  ;  affrontant 


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■iW  BULLETIN. 

en  notre  compagnie  la  solidarité  du  ridicule,  ce  qui  est 
simplement  héroïque,  même  pour  la  race  vaillante  des 
journalistes,  même  et  surtout  quand  ces  journalistes  ont 
le  privilège  d'être  Français.  —  Aussi,  messieurs,  si  nous 
étions  appelés  à  vous  décerner,  par  oui  et  un  suf- 
frage ou  un  blâme,  vous  savez  qu'à  l'unanimité  nous 
formulerions  un  vote  de  reconnaissance  pour  le  passé, 
de  confiance  pour  l'avenir.  —  Toutefois ,  messieurs  , 
tout  n'est  pas  bénéfice  pour  vous  dans  cet  ^hommage 
fort  peu  gratuit,  je  dirai  même  aussi  onéreux  que  flat- 
teur. 

C'est  une  lettre  de  change  tirée  sur  vous,  d'un  chiffre 
en  rapport  avec  nos  besoins  grandissants,  tirée  à  courte 
échéance  pour  une  bataille  qui  va  reprendre  de  plus 
belle,  tirée  avec  pleine  confiance,  car  votre  générosité  y 
fera  honneur. 

A  la  presse ,  notre  auxiliaire  \ 

M.  Paul  Fkval  : 
Messieurs, 

♦ 

Je  prends  la  parole  sous  prétexte  de  répondre  par  des 
remercîments  au  toast  de  M.  le  Dr  Gonnard  ,  mais 
en  réalité  c'est  pour  vous  parler  homœopalhie.  Cela 
peut  sembler  efîronté,  de  la  part  d'un  ignorant  admis  à 
la  table  des  disciples  les  plus  autorisés  de  Hahnemann, 
mais  il  m'est  arrivé  si  souvent  de  vous  défendre  dans 
le  monde,  que  je  me  suis  habitué  tout  doucement  à  par- 
ler doses  infinitésimales  et  loi  des  semblables,  etc.,  et 
comme  si  j'avais  le  droit  de  porter  une  pharmacie  dans 
ma  poche. 

On  s'occupe  beaucoup  de  vous,  messieurs,  on  se  de- 
mande ce  que  vous  mettez  dans  ces  têtes  d'épingle  que 
vous  distribuez  à  vos  malades,  et  par  quel  miracle  vou9 


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BANQURT  HAHNRMANNIEX.  4«9 

guérissez  une  paire  de  gifles,  par  exemple,  par  une 
paire  de  soufflets  :  similia  similibus. 

Vous  comprenez  bien  que,  pour  répondre,  je  n'em- 
prunte rien  à  la  science.  Dans  mes  goussets  retournés, 
malheureusement  vous  n'en  trouveriez  pas  gros  comme 
un  pois.  Je  dis  des  choses  comme  celle-ci  : 

«  Monsieur  le  duc  —  ou  Monsieur  l'épicier,  selon  les 
cas,  —  ces  quantités  infinitésimales  que  vous  traitez 
par-dessous  la  jambe,  mènent  le  monde  depuis  la  créa- 
tion ;  elles  ont  presque  tout  fait  dans  l'histoire  des 
peuples.  Avez- vous  vu  le  Verre  deau  de  M.  Scribe?  Du 
haut  des  cieux,  sa  demeure  dernière,  cet  académicien 
serait  bien  étonné  si  on  l'accusait  d'avoir  donné  une 
démonstration  de  rhomœopathie  au  point  de  vue  mo- 
ral, en  prouvant  une  fois  de  plus  que  les  causes  infi- 
niment frivoles  produisent  des  résultats  infiniment  im- 
portants. 

«  Allez  voir  le  Verre  d'eau.  Lisez  l'anecdote  de  la 
pomme  qui  fit  notre  première,  notre  plus  radicale  révo- 
lution au  paradis  terrestre,  et  si  vous  ne  croyez  pas  à  la 
tradition,  faites-vous  conter  l'historiette  du  vieux  cha- 
peau de  Gessler,  origine  de  la  liberté  suisse. 

«  C'est  très-intéressant  et  surtout  très -infinitési- 
mal. 

«  Quant  à  la  loi  des  semblables,  les  honorés  profes- 
seurs de  l'École  allopathique  ont  pris  soin  de  la  préco- 
niser eux-mêmes  par  les  innombrables  emprunts  qu'ils 
font  à  l'homœopathie.  II  est  vrai  qu'ils  ne  s'en  vantent 
pas. 

Vous  voyez  que  je  fais  de  mon  mieux  pour  combattre 
l'incrédulité.  Je  ne  vous  demande  rien  pour  cela ,  sinon 
la  permission  de  porter  encore  une  fois  la  santé  de  l'ho- 
moBopathie,  qui  va  bien,  mais  qui,  Tannée  dernière, 
était  un  peu  maigrie,  un  peu  pâlotte.  J'avais  cru  décou- 


470  BULLETIN. 

vrir  en  vous,  messieurs,  une  dialbèse  comme  vous  dites 
si  savamment,  une  prédisposition  à  vous  séparer,  à  vous 
diviser,  —  à  vous  en  aller,  même,  car  vous  étiez  peu 
nombreux  autour  de  celte  table. 

Aujourd'hui,  au  contraire,  vous  êtes  au  complet,  et 
c'est  d'un  cœur  plus  content  que  je  bois  à  l'homœopa- 
thie,  c'est-à-dire  :  h  l'union  entre  tous  les  médecins  ho- 
mœopathes. 

M.  Léon  Simon  : 

Messieurs, 

Je  bois  à  nos  confrères  de  f  étranger  \ 

Le  soin  de  leur  donner  ici  un  juste  témoignage  de 
bon  souvenir  appartenait  depuis  de  longues  années 
à  mon  ami ,  le  Dr  V.  Chancerel  ;  notre  confrère 
nous  manque  aujourd'hui,  permettez  que  je  le  rem- 
place. 

Honorer  les  disciples  de  Hahnemann  placés  au  delà 
de  nos  frontières  est  pour  nous,  en  ce  moment,  un  de- 
voir d'autant  plus  étroit  que  nous  leur  avons  emprunté 
une  grande  idée.  N'est-ce  pas  hors  de  notre  patrie,  à 
Leipsick  d'abord,  et,  plus  tard,  à  Londres,  un  moment 
môme  à  Nice,  que  se  sont  élevés  les  premiers  hôpi- 
taux homœopathiques  placés  sous  l'égide  de  la  charité 
publique? 

Lorsque  les  rédacteursde/' Hahnemannisme  se  sont  dé- 
cidés à  doter  notre  patrie  d'une  institution  semblable, 
ils  ont  été  heureux  de  trouver  de  pareils  précédents;  ils 
se  sont  appuyés  sur  l'expérience  qui  avait  été  faite  ;  le 
reconnaître  est  pour  eux  un  devoir,  rendre  hommage  à 
ceux  qui  nous  ont  ainsi  devancés  est  une  douce  obliga- 
tion ;  nous  l'accomplissons  avec  joie. 

Si  j'ajoute,  messieurs,  que  l'hôpital  de  Leipsick  fut 
établi  par  Hahnemann  lui-même,  celui  de  Londres  par 


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BANQUET  HAHNBMAN VIEN .  471 

le  Df  Quin,  celui  de  Nice  par  le  chanoine  de  Ce- 
soles,  vous  comprendrez  que  nous  ayons  tenu  à  hon- 
neur de  suivre  l'exemple  donné  par  de  tels  maîtres. 

Une  nouvelle  date  vient  de  s'ajouter  à  celle  dont  notre 
histoire  s'honore,  celle  du  10  avril  1870,  à  laquelle  le 
premier  hôpital  homœopathique  a  été  ouvert  à  Paris, 
où  l'enseignement  clinique  a  été  définitivement  éta- 
bli parmi  nous,  ainsi  que  mon  père  le  demandait  dès 
1862. 

L'œuvre  était  hardie,  mais  les  encouragements  ne 
nous  ont  pas  manqué.  La  presse  tout  entière  applaudit 
à  notre  entreprise  ;  des  confrères  dont  la  réputation  et 
l'honorabilité  sont  la  gloire  de  notre  école  :  les  Dr* 
Davet,  Delavalladc,  Perrussel,  Liagre,  Serrand  et  Rafi- 
nesque  ont  augmenté  nos  forces  en  nous  donnant  leur 
concours  ;  la  Société  hahnemannicnne  de  Madrid,  en  fon- 
dant un  lit  à  l'hôpital  Hahnemann,  l'a  consacré  par  un 
acte  de  généreuse  confraternité.  Dans  cette  circonstance 
encore,  nos  confrères  de  l'étranger  ont  droit  à  notre  re- 
connaissance et  à  nos  hommages. 

D'autres  hôpitaux,  nous  disait-on  tout  à  l'heure,  vont 
s'élever  ;  tant  mieux  !  La  Société  médicale  homéopathique 
de  France  en  prépare  un,  la  Société  hahnemannienne  fédé- 
rât ve,  dont  je  suis  heureux  de  voir  ici  le  digne  prési- 
dent, se  propose  d'en  édifier  un  troisième.  Ce  ne  sera 
pas  trop,  à  coup  sûr,  pour  donner  place  à  toutes  ces 
nuances  que  le  Dr  Jousset  reconnaissait,  il  y  a  un 
instant,  au  sein  de  notre  école,  et  qui  auraient  pour  ex- 
trêmes ceux  qui  voient  dans  l'homceopathie  une  doc- 
trine complète,  et  ceux  qui  se  refusent  à  y  reconnaître 
autre  chose  que  la  thérapeutique  expérimentale. 

Pour  les  rédacteurs  de  F Hahnemannisme,  ai-je  besoin 
de  le  dire,  ce  n'est  pas  seulement  la  partie  thérapeu- 
tique de  rhomœopathie  qu'il  s'agit  d'appliquer,  c'est  la 


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472  BULLETIN. 

doctrine  enseignée  par  Hahnemann  et  la  méthode  tra- 
cée par  ce  maître  illustre,  dont  il  faut  démontrer  l'exac- 
titude. 

Ce  but  était  aussi  celui  des  fondateurs  de  l'hôpita!  de 
Leipsick,  de  ceux  de  l'hôpital  de  Londres  ;  c'est  la  tache 
qu'accomplissent  chaque  jour  les  membres  de  la  Société 
hahnemannienne  de  Madrid,  sous  la  direction  de  leur  il- 
lustre président,  celle  que  se  sont  imposée  les  médecins 
homœopathes  répandus  dans  les  deux  hémisphères,  et 
dont  je  vous  demande,  messieurs,  d'honorer  les  efforts 
dans  un  toast  commun  : 

A  nx  médecins  homœopathes  de  T étranger  i 

M.  Ozanam  : 
Messieurs, 

Je  propose  un  toast  :  non  pas  aux  vivants,  mais  a  ceux 
qui  ne  sont  plus  l 

Chaque  homme  sur  la  terre  a  son  ange  gardien  ;  mais 
la  science  a  bien  aussi  ses  anges  gardiens,  ses  génies 
bienfaisants  :  ce  sont  les  âmes  de  ceux  qui  nous  ont 
précédés  dans  la  carrière,  et  qui,  disons-le,  nous  ont 
faits  ce  que  nous  sommes.  Parmi  eux  il  faut  nommer 
non-seulement  le  grand  Hahnemann,  l'illustre  inven- 
teur de  la  doctrine,  mais  encore  nos  vénérés  maîtres  et 
confrères  J.-P.  Tessier  et  Léon  Simon  père.  Tous  deux 
avaient  rêvé  ce  que  nous  réalisons  aujourd'hui,  la  création 
d'un  hôpital,  et  leurs  grandes  âmes  se  réjouissent  en 
nous  voyant  enfin  passer  de  la  parole  à  l'action. 

C'est  là,  en  effet,  le  prélude  de  la  liberté  d'enseigne- 
ment à  laquelle  nous  aspirons. 

Ne  nous  laissons  point  effrayer  par  les  conditions 
terribles  que  proposait  il  y  a  trois  jours  à  la  commis- 
sion de  l'enseignement  le  célèbre  professeur  Andral. 


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BANQUET  HAHNEMANNÏEN.  173 

«  J 'accorderai,  disait-il,  le  libre  enseignement  médi- 
«  cal  à  toute  société  pouvant  disposer  d'un  hôpital  de 
«  deux  cents  lits  ; 

«  De  14  chaires  de  professeurs; 

«  D'un  laboratoire  ; 

«  D  une  bibliothèque.  » 

Non,  ce  n'est  pas  avec  un  si  puissant  attirail  que 
Hahnemann  enseignait  ses  découvertes  ;  il  était  presque 
seul  et  n'avait  pour  lui  qu'une  loi  vraie  et  une  volonté 
ferme. 

La  loi  de  similitude  et  la  volonté  de  soulager  les 
hommes.  Pourtant,  voyez  ses  œuvres*  Et  nous,  plus 
nombreux ,  nous ,  qui  sommes  la  monnaie  de  son 
g^nie,  nous  pouvons  faire  beaucoup  .pour  le  bien  de 
l'humanité,  si  nous  voulons  conserver  parmi  nous  la 
concorde  qui  fait  la  force. 

Cette  union,  je  vous  la  demande  au  nom  de  nos  pères 
dans  la  science,  au  nom  de  nos  propres  intérêts.  Et  après 
tout,  il  ne  faut  pas  qu'on  vienne  nous  dire  qu'à  Paris,  il 
n'y  a  pas  la  place  de  la  Concorde. 


NOMINATION  DES  CHEFS  DE  SERVICE  DE  L'HOPITAL 
HOMOEOPATHIQUE  DIT  MAISON  SAINT-JACQUES. 

Le  31  mai  dernier,  sur  la  convocation  des  médecins 
souscripteurs  au  nom  de  la  Commission  administrative 
nommée  par  la  Société  homœopathique  de  France, 
une  réunion  nombreuse  et  pleine  d'intérêt  a  eu  lieu  dans 
le  local  de  ladite  Société. 

Soixante-sept  médecins  ont  pris  part,  soit  directement 
soit  indirectement,  par  bulletin  cacheté,  au  vote,  au  scru- 
tin secret,  pour  la  nomination  de  ceux  d'entre  eux  qui 


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474  TABLE  DBS  MATIERES. 

seraient  chargés,  à  tour  de  rôle,  du  service  clinique  de 
l'hôpital. 

La  majorité  absolue  était  de  34.  Au  premier  tour  ont 
été  nommés  MM.  Joussel,  Frédault,  Milcent,  Gonnard, 
Molin  el  Crétin. 

Les  noms  qui  ont,  après  ceux-ci,  réuni  le  plus  de 
sulîrages,  ont  été  ceux  de  MM.  Love,  Ozanam,  Cham- 
peaux. 

Le  lundi  20  juin,  une  nouvelle  réunion  aura  lieu, 
par  le  même  mode,  pour  la  nomination  de  quatre  mé- 
decins consultants  et  de  médecins  honoraires. 

A.  M. 


TABLE  DU  TOME  XXXI  DE  L'ART  MÉDICAL 


-47  |  Chél idoine  (!a)  dans  le  pur- 

Î7  1      pma  tue  m  on  hagica  .  .  .  .  70 


Angine  du  muguet 
—  pultact'e  .... 


—  ulcéreuse  

■'♦y 

ru 

_ —  Forme  commune  .... 

 bénigne  

5'2 

Gl 

Auscultation  (Nouveaux  frag- 

ments d').  A  srnltation  do 

la  Iimix,  par  le  D'Mailliot. 

418 

BiHi.KH.uAi-ntp.. 

Banquet    l:ahnemannien .  — 

Nom i nal i  m   des  médecins 

chefs  n«  service  do  i'Iio- 

pital  Saint- Jacques  .... 

Bulletin,  par  le  IF  A.  Milcem 

77 

—  La  liberté  do  renseigne- 

ment supérieur  

382 

Levais  cliniques  du  Dr  Joi's- 

SKT  :  1 rc  leçon;  

398 

Traité  de  la  d  i  j  1 1 1 1  iu- r  if»  suite), 

pa  r  le  Dr  Ga'.la\  ahdlw  .  . 

407 

Cancer  selon  Yirchow  .... 

m 

Cardo-aorlite  hémorrlioUaire 

31 

Hl'LLKTIX  . 

Clinique.  ^  A  la  Société  ho- 
mcBop  tthique,  par  lo  D*  P. 
Jousset.  .  .  H7 

Cliniques  (Causeries),  par  le 

Dr  (j ALI.À VAHU'N   ...    .    .  4_i 

Traitement  de  lad  i  pli  t  li  érie.  44 

—  Angine  du  ni uguet  ....  47 

—  Angine  pullacé».  ....  T7 

—  Anuite  uu  -tu;n utile  ulcé- 


reuse   48 

—  Angine  apliilieuse  .  ...  49 

—  Angine  herpétique.  .  .  '. 

—  Aiii-'ine  de  la  di.iiiiliério  .  50 

 l'orme  commune   5  2 

 bénigne   hi 

 ci  ou  [taie   IkJ 


la  I  n  \  ngite  striduieiisp  . 
du  spaVme  de  la  gloite~ët 
de  l'œdème  de  la  glotte  .  .  55 

—  T-ibieau  diagnostique  .  .  .  ijfj 

—  forme  putude  de  la  diph- 
tliérie.  .  .  ~TT.  fil 

—  foi  me  at  îxique  ......  bi 

—  Observalion  «le  diphlhérie, 
forme  commune ,  guérie 


TABLE  DES  MATIERES. 


par  le  cyanure 
cure  


do  mer- 


64 

—  Traitement  de  la  diph - 
thérie   H 9,  407 

—  ObMTi  ition  de  diphtliérie 
cru'i  pale  ;  iih  icces  d  i  c\  a- 
nuro  de  mercure.  .....  188 

Chimicutn   siilfurirum  dans 

la  puipura  200 

Critique  sur  Virchow.  i  Voyez 
Etude.)    ..........  10 

Cyan'irc  do  mercure  dans  le 
croup  [A  obs.),  par  le  D~~f 
Hfu.nx  .   .  .  .  .  .  .~TT  2S8 

Diphlhérjf.  (Voyez  Causeries 

cliniques).  4'*.  etc. 

Diagnostic  du  croup,  de  la 
laryngite  st'nluleuso,  du 
spasme  de  la  glotte  et  do 
l'œ  leme  de  la  glotte  .  .  ."  îili 
DiplithOrie,  forme  commune, 
guérie  par  le  cyanure  de 

mprriiro   tLi 

Diph  iliériecrou  pale;  insuccès 

du  cyanure  de  mercure.  .  188 
Diphtiérie  croupalo  (3  obsJ. 

Guérison  288 

Electricité.  (Voyez  thérapie 

électrique).   450 

Electricité.  Les  courant*  con- 
tiinis  mins  les  affection-  de 
la  prostate.  .  .  .....  3o! 


Embolie  selon  VirrhmE 


Enseignement  supérieur  (  la 
liberté  'le  l'L  .  .  .  .  ~  382 

Élude  sur  nos  traditions.  V. 
Hi>toiro  de  i  l  médecine.)  .  5 

Etude  critique  sur  Virchow, 
et  la  pathologie  cellulaire, 
par  le  D'  P.JoussET(3*art.^  10 

—  Des  néoplasmes,  pt  en  par-» 
ticulier  des  néoplasicspâ- 
tholo'-'igues  .   16 

—  Le  tubercule  (4*  art.).  .  .  UCT 

—  Du  pus   113 

—  Du  cancer  (5e  art.)   172 

—  Do  la  pyohémie  (<»«  art.;  .  2ol) 

—  Du  l'embolie  (7«  art.) .  .  .  342 

Conclusion  348 

Etudes  de  thérapieélcctrique, 

par  lu  Dr  raESTiEK  (do 
Lyon  ?,  (6e  art.)   150 

—  Prod ait  d'éleclrisation  sta- 
tique  (nouvel  or  potable). 

(7"  art.)   2*21 

Histoire  ur  la  Médecine  (suite.), 
par  lo  D«"  F.  Fhédault. 

—  xv«  siècle.  Affranchisse- 
ment des  sciences  de  l'in- 


fluence théologiquo  .  .  .  . 
—  Apparition  de  nouvelles 
maladies  en  Europe  :  la 
sut  tic,  lo  scorbut,  la  syphi- 
lis, la  gonorrhèe  ...... 


475 

li 


8 


—  Doctrine  psychologique  au 
moyen  âge  

—  Doctrine  pathologique  du 


Ml0  nu  S\T  siècle. 


Il 

81 


—  Des  anciennes  Facultés  de 
médpeinn  


31 


—  De  la  médecine  au  w*  *iè- 
de    


—  Doctrines   générales.  — - 

—  I.  Hippocrato-Galénistes 
concilia'eurs  109 

II.  Insliliilaires  337 


—  III.  Héfor  inateurs 


2V2 


-  l'hvsiolo^ie,  anatomie 


25'» 


—  Palholo: 


~3ï7 

325 
332 

-m 


—  Doctrine  éliologique  .  .  . 

—  Nosographie,  nosologie .  . 

—  Thérapeutique,  chirurgie. 

—  Institutions  Facultés  .  .  . 

Letthe  ù  la  Tribune  médi- 
cale, a  propos  des  poisons 
morbides  ,  par  le  Dr  P. 
Jousset.  309 

Médecine  générale. 

Etude  critique  sur  Virchow, 
et  la  pathologie  cellulaire, 
par  le  Dr  P.  Jousset  .  .  .  348 


Des  néoplasies,  et  en  parti- 

culier des  néoplasies  pa- 
thologiques 'A*  art.)  .  .  . 

16 

—  Le  tubercule  (4*  art.)  .  . 

103 

113 

—  Du  cancer  (:V  art  A  .... 

17-2 

—  De  la  |  yohémie       art.)  . 

262 

—  De  1  embolie  (7e  art.)  .  .  . 

—  Conclusions  (fin)  

348 

—  (', a  useriez  cliniques,  par  le 
Dr  Gallavahois.  do  Lyon  . 

—  De  la  diphthérie  et  de  son 
traitement  ....     41,  1 19, 

—  R  cherches  sur  la  tympa- 
nile  et  son  traitement,  par 
le  Dr  J.  Jabloxski.  137,  208, 

—  Revue  clinique  à  la  Société 
homœ  >p  iihique.  (  suite  et 
fin),  par  le  Dr  P.  Jousset.  . 

Nécrologie. 

Mort  du  l)r  Arnaud,  par  le 
Dr  Mol  in  

N'OSOORAPHIE. 

Rechetches  sur  la  tympanite 
et  son  traitement  (suite;, 
par  le  D'  J.  Jablonski  .  .  . 


4  kl 
186 

351 

67 

79 

137 


TABLE   DES  .MATIERES. 


—  Traitement  et  ll>  observa- 
tions   .  .  .   268,  ol)l 

Notice  bio<^ raphnj ne  sur  îïi 
purpura  hicmorrhugica.par 
le  D'  Ch.  Ravel  ......  211 

Obsehvations. 

Notes  sur  quelques  observa- 
tions de  cardo-aortite  hé- 
morrhoîdairc   32 

—  Dipnthérie  .  forme  com- 
mune, guérie  par  le  cya- 
nure de  mercure  ......  64 

—  Diphlhérie  ,  formo  crou- 
pale,  traitée  par  inoiciirïT 
cyanuretum  3*".  Mort  .  .  .  Ifc8 

—  Seize  observations  de  tvm- 
panite  273  et  suiv. 

—  Diphlhérie  traitée  par  le 
cyanure  de  mercure.  Gué- 
ridon (3  obs.)  288 

Opium,  slramonium  dans  la 
purpura  hasmorrbagica  , 
par  le  Dr  Ch.  Ravki   297 

Or  potable.  V.  Thérapie  élec- 
trique   150, 159 

Les  passons,  par  le  I)'  Fhk- 
uai;lt  Compte-rendu  par" 
le  W  Dulresne.  .  .  .  .  .  430 

Pathologie. 

—  Notes  sur  quelques  obser- 
vations de  cardu-aorlito  hé- 
morrlmidatre  |.'>'  ai  l.  ,  par 

E.  Pukuksxe  .  de  (ifiieve.  '.'ri 


Pathologie  cellulaire.  V.  Ht  iule 

sur  Virchow  ....      Ui  et 

su  tv. 

Purpura  hxmorrhagica  (Irai* 
Prostate  (Maladies  delà  ,,  trai- 

tées par  les  courants  cou- 

Poisons morbides  (V.  Lettre 

à  propos  des)  309 

Pus.  selon  Virchow   113 

Pyoémie,  selon  Virchow  .  .  .  200 
Tabacum  et  taxus  baccala 
dans  le  purpura  hiumorrha- 

gica  202,  208 

Tableau   de  diagnostic  du 
croup,  de  la  lanngitc  strT^ 


duleusc,  du  spasme  et  de 
l'œdème  de  la  glotte.  .  .  T  60 
Thérapeutique. 
Purpura  hajmorrhagica  (La 
chélidoine  dans  le),  par 
le  pr  Ch.  Ravel  (de  Ca- 


vaillon;  .  .  ~  70 

—  Le  mercure   198 

—  Chininum  sulfuricum  .  .  .  200 

—  Tabacum                       .  202 

—  Taxns  ha ( rata   208 

Notice  biographique  de  la 

purpura  htemorrhagica  .  .  211 

—  Opium,  stramonium.  .  ■  .  2ilî 

—  Cyanure  de  mercure  dans 
le  croup,  par  le  Dr  P.  Ro- 
ouin   288 


—  Arnica  (Note  sur  1'),  pour 
le  pansement  des  plaies, 

par  le  D'  Alph.  Milcent.  .  362 

—  Les  courants  continus 
constants  dans  l'inflamma- 
tion, l'engorgement  et  l'hy- 
pertrophie de  la  prostate 
(10  observations),  par  MM. 
Jules  Chkron  et  Mqbeau 
Wolf  3n.S 

Revue  des  journaux. 

Rage.—  Nomination  de  M.  Du- 
re m  b  e  r  c ,  c  o  n  une  p  r  o  f es  s  e  u  r 
d'histoire  de  la  médecine. 
—  Enseignement  de  l'bo- 
mo'opatliie  aux  Etats-Unis.  4N7 

Thérapie  électrique,  par~Ië~ 
Dr  Èhestieb  {de  Lyon).  150,  299 

Thermometrie  médicale  a 
rectifier,  par  le  Dr  P.Jous- 


set   fil 

Tympanite  (Recherches  sur 
'la)  .  .  .  .  .  .  .  .  .  -137,  21%,  351 

\  Alt  i  ETES. 

Désordres  de  l'Ecole  de  mé- 
decine  314 

Fondation  d'un  hôpital  ho- 
mœopathique  315 

Les  petites  misères  de  quel- 
ques médecins  catholiques, 
par  le  D*  Ch.  Ravel.  ...  390 

Table  474 

E.  H. 


Y l>  UH         TAULE  I>Ks    MAT1EUES         TOME  TH E.Mf tM E  ET  UM ÈMK. 


Le  Hédacteur  en  chef,  Jules  Pavasse. 


Paru.  -  Imprimerie  K.  Pamkt,  rue  Mormeur-le-Prioce,  31. 


■ 


L'ART  MÉDICAL 


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REDACTEURS 


*v .  Bourgeois  (de  Tourcoing). 

'":•>  MPBAUX. 

UuritESNE  (de  Genève;. 

Frédault. 

Hermel. 

Imbert-Gourbeyre. 
Jorkz  (de  Bruxelles). 
Jousset. 


MM.  Labrunnb. 
Mailliot. 

MlLCENT. 
OZANAM. 

Patin. 

Ravel  (de  Cavaillon). 
Violet. 


Rédacteur  en  chef  :  M.  J.  Davasse. 


•Jam.  —  Imprimerie  A.  Pakent,  rue  Mouwcur  le- Prince.  M. 


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L'ART  MÉDICAL 

JOURNAL 

DE  MÉDECINE  GÉNÉRALE 


BT 


DU  MÉDECINE  PRATIQUE 

FONDÉ  PAR 

JEAN-PAUL  TESSIER 


PHILOSOPHIE  MÉDICALE 


HISTOIRE  NATURELLE 
ANATOMIE 
PHYSIOLOGIE 
HYGIÈNE 


NOSOGRAPHIK 

ÉTIOLOGIE 

SÉMÉIOTIQUE 

ANATOMIE  PATHOLOGIQUE 


THERAPEUTIQUE  EXPERIMENTALE 
MEDECINE  DBS   INDICATIONS  POSITIVES 

4 

Noaclmus...  lxdi  catbolicam  senlenliam  ac  doclrinam 
de  bomine,  qui  corpore  et  animé  ils  absolvator,  ut 
anima,  caque  ralionalis,  sit  vera  per  se,  atque  imme- 
diala  corporis  forma.  Pioa  PP.  IX. 


Quinzième  année 

TOME  XXX11 


PARIS 

J.-B.  BAIL  LIEUE  «t  FILS 

i;HBOKV>   DB   LACADÉMIB   IMPÉRIAL»    DE  MfiDfcC'NE 

Hue  Haulefeuille,  l'J 

LONDRES  I  MADRID 

H:rr.  IS«ilumib  C  Bailli •ISailukbb 

1870 


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L'ART  MÉDICAL 

JUILLET  1870 


HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE 


ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS. 

—  SDITE  — 

CHAPITRE  V. 

DE  LA  MÉDECINE  AU  XVII6  SIECLE. 

Le  xvii*  siècle  a  été  vraiment  grand  pour  les  sciences 
comme  pour  les  lettres.  Pendant  que  les  sciences 
mathématiques  et  physiques  virent  à  leur  tête,  Kepler, 
Galilée,  Descartes,  Pascal,  Newton,  Fermât,  Huyghens, 
Torricelli.  Mariotte,  Otto  de  Gœricke  et  d'autres;  pen- 
dant que  la  philosophie  peut  nommer  Suarez,  Bacon, 
Gassendi,  Descartes,  Pascal,  Locke,  Leibnitz  et  même 
Spinosa;  pendant  que   l'histoire   naturelle  compte, 
Waldschmitt,  Leuvenhoër,  et  bientôt  Schwammerdam, 
Tournefort,  Vallisniéri,  la  médecine  est  représentée 
par  un  étonnant  faisceau  d'hommes  remarquables  à 
des  titres  divers;  et  par  les  idées  qu'elle  agite,  par  les 
erreurs  qu'elle  a  propagées,  comme  par  les  découvertes 
dont  elle  s'honore  ;  cette  période  tient  l'un  des  premiers 
rangs  dans  le  courant  des  siècles. 

Je  laisse  de  côté  les  sciences  dont  j'avais  présenté 
un  aperçu  à  propos  des  périodes  précédentes.  Elfes 


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(i  HISTOIRE  DR  LA  MÉDECINE. 

prennent  à  partir  du  xvn*  siècle  un  développement 
trop  considérable  dans  leurs  analyses  et  dans  leurs  dé- 
couvertes de  plus  en  plus  spéciales,  pour  que  nous 
les  suivions  dans  leurs  destinées  diverses.  D'ailleurs, 
un  nouvel  ordre  de  choses  s'établit  pour  elles.  Cultivées 
pour  la   plupart  par   des  médecins  jusqu'alors,  et 
comme  des  développements  nécessaires  aux  connais- 
sances médicales,  elles  deviennent  l'apanage  de  plus  en 
plus  exclusif  de  savants  qui  les  cultivent  pour  elles- 
mêmes,  et  au  lieu  de  rester  des  servantes  utiles,  on  en 
fait  des  matrones  altières  qui  visent  à  régenter  et  à 
soumettre  leur  maîtresse.  C'est  à  partir  du  xvne  siècle 
que  ces  sciences  élèvent  la  prétention  de  donner  à  la 
médecine  des  interprétations  diverses,  et  qu'elles  y 
introduisent  leurs  systèmes  particuliers.  11  était  utile 
peut-être  que,  pour  leurs  développements,  elles  se  sépa- 
rassent de  la  patrie  commune  et  qu'elles  eussent  une 
existence  particulière;  mais  dans  leur  indépendance, 
elles  échappent  à  une  harmonie  générale,  et  la  méde- 
cine doit  les  laisser  à  leurs  destinées.  Qu'elles  suivent 
donc  séparément  ce  qu'elles  considèrent  comme  leur 
voie,  puisqu'elles  s'en  déclarent  meilleures  juges  que 
personne,  et  bornons-nous  à  nous  en  occuper  selon  les 
intérêts  que  nous  pourrons  y  trouver. 

Nous  avons  vu,  dans  le  xvie  siècle,  trois  groupes  prin- 
cipaux d'esprits  en  médecine  :  des  tenants  de  l'antiquité, 
dont  quelques-uns  essayaient  de  concilier  les  dogmes 
anciens  avec  les  idées  nouvelles  ;  des  réformateurs 
menés  par  les  écoles  philosophiques,  unissant  la  chimie 
à  la  kabbale  aussi  bien  qu'au  néoplatonisme,  et  aboutis- 
sant à  une  sorte  de  doctrine  spécificienne  ;  des  observa- 
teurs, qui,  s'inspirant  des  découvertes  faites  par  l'expé- 
rience des  physiciens,  reprenaient  en  sous  œuvre, 
l'aaatomie,  la  physiologie  et  la  thérapeutique.  Nous 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  7 

allons  retrouver  ces  groupes  se  prolongeant  dans  le 
xvii»  siècle,  mais  s'y  diversifiant  selon  les  travaux  et  les 
pensées  auxquels  ils  se  donnent. 

Si  nous  voulions  embrasser  dans  une  seule  con- 
ception, le  mouvement  des  idées  médicales  pendant  ce 
siècle,  nous  pourrions  dire  qu'il  marche  à  la  consti- 
tution d'une  doctrine  qui  sera  le  vitalisme  dans  le 
xvme  siècle,  mais  qui  se  dégagera  lentement  de  l'ialro- 
chimie,  de  l'iatro-mécanique,  du  spécificisme,  et  de 
l'iatro-kabbale.  Plus  tard,  nous  verrons  comment  le 
xvme  siècle,  n'ayant  pu  parvenir  à  se  formuler,  a  légué 
son  œuvre  au  xix*  siècle.  Travail  lent,  mais  admirable, 
dans  lequel  l'esprit  humain  avance  sans  cesse,  môme 
quand  il  semble  reculer,  et  sans  jamais  laisser  impro- 
ductif un  des  moindres  recoins  de  cette  immense  ques- 
tion. Mais  nous  ne  pourrons  bien  saisir  cet  ensemble 
qu'après  en  avoir  scruté  les  points  principaux. 

Dans  ce  xvn*  siècle  qui  va  nous  occuper,  il  nous  paraît 
utile  pour  la  clarté  des  idées  à  exposer,  de  poser  six 
points  autour  desquels  nous  voulons  faire  tout  graviter  : 
de  la  méthode  ;  des  doctrines  principales  ;  de  la  physio- 
logie; de  la  pathologie;  de  la  thérapeutique;  et  enfin, 
des  institutions  scientifiques,  facultés  et  académies. 

S  1.  —  De  la  méthode. 

Descartes  et  Bacon  passent  pour  avoir  posé,  dès  la 
première  moitié  de  ce  xvne  siècle,  une  question  de 
méthode  qui  devait  occuper  la  médecine,  et  la  regarde, 
en  effet,  comme  toute  autre  science. 

Toute  science  a  deux  grands  intérêts  qui  l'animent 
incessamment  :  progresser,  c'est-à-dire  développer  ce 
qu'elle  possède;  et  contrôler,  c'est-à-dire  confirmer  ce 
qu'elle  a  pu  acquérir.  Dans  ce  double  intérêt,  c'est  la 


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8  HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE. 

vérité  qu'elle  cherche,  qu'elle  veut  embrasser  et  mettre 
en  lumière.  Le  procédé  qu'elle  suit,  c'est  la  méthode. 

Cette  méthode  peut  varier  selon  les  temps,  selon  les 
individus,  selon  les  sciences,  selon  les  questions  :  mais 
quelle  qu  elle  soit,  elle  se  réduit  toujours  à  trois  termes  : 
l'autorité  d'un  enseignement  antérieur,  l'expérience 
d'observation  ou  d'expérimentation,  et  la  raison.  Quoi 
qu'on  fasse,  on  est  enseigné,  et  on  parle  toujours  d'idées 
transmises  par  les  pères  ou  les  maîtres;  ensuite  on  a 
l'expérience,  c'est-à-dire  la  constatation  des  faits  de  la 
nature,  constatation  faite  par  autrui  ou  par  soi-même  ; 
enfin,  on  possède  la  raison  qui  veut  s'expliquer  les 
thèses  qu'on  a  reçues,  et  les  faits  qu'on  peut  connaître. 

Hippocrate,  ce  grand  maître,  avait  enseigné,  comme 
nous  l'avons  montré,  trois  grands  principes  sur  la 
méthode  : 

i*  Qu'on  va  du  connu  à  l'inconnu,  qu'il  faut  partir 
de  ce  qui  est  enseigné,  et  suivre  d'abord  les  préceptes 
acquis,  car  «tout  homme  qui  rejette  les  règles  approu- 
vées et  qui,  prenant  un  chemin  nouveau,  se  vante 
d'avoir  trouvé  quelque  chose  dans  l'art,  se  trompe  lui- 
même  et  trompe  les  autres  ;  » 

2*  Que  l'observation  exacte  des  événements,  sans  né- 
gliger les  circonstances  est  ce  qui  mène  le  mieux  à  la 
vérité;  que  cependant  1  expérience  est  trompeuse,  expe- 
rientia  fallax,  c'est-à-dire  qu'il  n'en  faut  rien  déduire 
avant  d'être  certain  que  les  faits  observés  sont  bien 
exacts  ; 

3°  Il  louait  aussi  le  raisonnement,  mais  il  voulait  qu'il 
fût  «  fondé  sur  des  phénomènes,  et  même  s'en  étayer 
dans  toute  son  étendue  »  (loc.  cit.).  Nous  avons  dit,  en 
rapportant  ces  textes  en  entier,  que  la  base  du  vrai 
dogmatisme  était  cette  méthode;  nous  tenons  encore 
pour  le  même  avis. 


ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  9 

Dans  le  môme  temps  qu'Hippocrate,  Platon  exaltait  le 
rôle  de  la  raison,  un  peu  ce  semble  aux  dépens  de 
l'autorité  des  maîtres  et  de  l'expérience.  Il  a  certaine- 
ment rendu,  même  dans  cette  exagération,  d'incontes- 
tables services,  enseignant  que  tout  principe  scientifique 
est  une  idée  rationnelle  abstraite;  montrant  ainsi  d'une 
admirable  manière  qu'il  ne  suffit  pas  de  voir  et  de  con- 
stater des  faits  pour  être  savant,  mais  que  toute  science 
repose  sur  des  conceptions  rationnelles.  Celui  qui  ne 
saluerait  pas  dans  ce  grand  homme,  le  sublime  initia- 
teur à  l'idée  rationnelle,  serait  indigne  de  se  mêler 
d'une  science  quelconque. 

Après  Platon,  Aristote,  son  disciple,  releva  l'observa- 
tion et  l'expérience  que  son  maître  avait  un  peu  négli- 
gées, et  leur  dut  ses  admirables  travaux  sur  les  animaux 
et  la  physique.  Il  ne  négligea  cependant  point  la  raison, 
et  montra  la  voie  syllogistique  naturelle  dont  elle  doit 
se  servir  dans  sa  marche;  par  là  il  l'enserrait  dans  des 
règles  plus  étroiles  que  ne  l'avait  fait  Platon,  et  s'il  lui 
donnait  plus  de  rectitude,  il  lui  rognait  un  peu  les  ailes. 

L'école  stoïcienne  continua  l'œuvre  d'Aristote,  et  se 
montra  fort  scientifique,  très-observatrice,  surtout  dans 
Chrysippe,  un  de  ses  principaux  maîtres. 

Vint  ensuite  l'école  néo-platonicienne  qui  voulut  s'af- 
franchir des  règles  d'Aristote,  et  s'imprégna  fortement 
des  rêves  orientaux.  Pour  ces  novateurs,  la  vérité  n'était 
pas  seulement  ce  que  la  raison  comprend,  mais  plutôt 
encore  ce  que  l'imagination  conçoit;  et  de  là  le  rôle  du 
rêve  dans  la  science;  de  là  ces  idées gnostiques  de  s'unir 
par  l'esprit  à  de  prétendus  esprits  imaginés  entre  le 
ciel  et  la  terre,  et  qu'on  croyait  spécialement  chargés 
d'initier  l'homme  à  la  science. 

Le  christianisme  fut  heureusement  un  modérateur  à 
ces  prétentions  folles.  Tout  en  admettant  la  révélation 


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10  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

dont  le  rôle  fut,  d'ailleurs,  retenu  dans  ses  justes  bornes, 

11  enseigna  la  valeur  de  l'autorité  des  traditions  et  des 
enseignements  antiques,  et  fit  bien  entendre  que  lui- 
même,  doctrine  révélée,  était  cependant  en  accord  avec 
les  traditions  les  plus  anciennes.  Il  admettait  la  raison 
pour  expliquer  les  faits  et  les  enseignements  acquis, 
mais  il  voulait  qu'elle  eût  un  rôle  d'explicatrice  et 
même  d'initiatrice,  soumis  à  l'autorité  et  à  l'expérience. 
Ici,  comme  dans  la  méthode  dogmatique  d'Hippocrale, 
car  les  analogies  sont  frappantes,  toute  vérité  est 
enchaînée  dans  la  voie  des  traditions,  et  on  répétait  vo- 
lontiers comme  le  médecin  de  Cos,  que  celui  qui  pré- 
tend découvrir  du  nouveau  en  dehors  des  règles  et  des 
principes,  se  trompe  et  trompe  les  autres.  L'expérience 
même,  le  fait  d'observation,  doit  être  mis  en  suspicion, 
car  on  peut  s'y  tromper,  experientia  fallax,  et  il  ne  faut 
l'accepter  qu'autant  qu'il  s'accorde  avec  la  tradilion. 
Enfin,  la  raison  ne  doit  pas  être  seulement  selon  les 
faits  et  leurs  phénomènes,  mais  aussi  selon  cette  tradi- 
tion, maîtresse  de  toute  la  méthode.  On  ajoutait  que 
toutes  les  sciences  sont  sœurs,  en  ce  sens  qu'elles  sont 
et  doivent  être  toutes  filles  de  la  vérité,  qu'il  n'est  pas 
possible  d'admettre  avec  la  raison  que  ce  qui  serait  vrai 
chez  l'une  fût  fausseté  chez  une  autre,  qu'ainsi  toutes  les 
vérités  doivent  s'accorder  et  s' harmoniser,  et  que  puisque 
nous  avons  dans  notre  religion  des  vérités  infaillibles 
parce  qu'elles  sont  révélées,  c'est  là  une  heureuse  pierre 
de  touche  dont  il  faut  user;  que  dès  lors  toute  assertion 
d'un  ordre  quelconque  venant  se  heurter  à  une  des  vé- 
rités révélées  doit  être  mise  dès  lors  en  demeure  de  se 
rectifier  ou  rejetée,  ou  tout  au  moins  fortement  soup- 
çonnée d'erreur,  jusqu'à  plus  ample  informé. 

Les  nations  chrétiennes  acceptèrent  pour  la  fondation 
de  leurs  sciences  cette  méthode  que  leur  apportait  la 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  1 1 

religion  qui  les  civilisait;  et  c'est  ainsi  qu'elles  par- 
courent ces  grands  siècles  du  moyen  âge  que  nous 
avons  examinés  :  le  xnc  siècle  théologique,  le  xinc  mêlé 
de  philosophie  et  de  science  expérimentale,  le  xiv*  qui, 
malgré  les  bouleversements  de  l'Europe,  continue  le 
même  mouvement,  enfin  le  xv*  où  nous  avons  vu  les 
savants  se  lancer  à  l'envi  dans  les  sciences  naturelles, 
et  où  il  se  fait,  pour  ainsi  dire,  une  explosion  de  science 
expérimentale.  Pendant  ces  grands  siècles,  l'Europe 
avait  fait  son  éducation  par  périodes  régulières,  comme 
la  pourrait  faire  un  jeune  homme  de  notre  temps  élevé 
chrétiennement  :  d'abord  une  période  d'instruction 
religieuse  ou  théologique  et  philosophique  ;  puis  une 
période  d'enseignement  philosophique  et  expérimental. 

Cependant,  dès  le  xive  siècle,  les  luttes  entre  les  tho- 
mistes et  les  scottistes,  avaient  un  peu  ébranlé  le  rôle  de 
'autorité;  puis,  un  ferment  de  rébellion  agitait  sourde- 
ment les  esprits  ;  et  les  tristes  effets  du  grand  schisme 
d'Occident,  les  révoltes  religieuses  des  Beggards,  de 
Wiclef  et  de  Jean  Huss  amoindrissaient  l'autorité  reli- 
gieuse. Enûn,  les  nouvelles  découvertes  de  la  science 
moderne,  en  chimie,  en  physique,  en  mathématique, 
en  astronomie,  en  géographie  jetèrent  l'enseignement 
des  anciens  dans  un  grand  discrédit.  Dans  le  fond,  tout 
cela  eût  pu  s'arranger,  et  il  eût  été  facile  de  corriger 
les  anciens  sans  tout  bouleverser  de  fond  en  comble  : 
mais  l'homme  ne  s'arrête  guère  dans  ses  emporte- 
ments, et  on  vit  alors  se  produire  le  mépris  de  l'anti- 
quité et  de  l'autorité  dans  un  courant  d'opinion  presque 
irrésistible. 

C'était  encore  le  moment  où  les  Grecs,  chassés  de  Con- 
stantinople,  arrivaient  en  notre  Occident  avec  l'amour 
d'un  néo-platonicisme  allié  à  la  kabbale  qui  les  rendait 
intraitables  pour  nos  sciences.  Notre  théologie  scolas- 


12  HISTOIRE  DE  LA.  MEDECINE. 

tique  leur  paraissait  barbare  et  inculte,  éloignée  de  ce 
beau  langage  harmonieux  de  la  Grèce  dont  ils  étaient 
comme  enivrés;  et  tous  les  lettrés  qui  reçurent  leur 
influence  au  xvc  et  au  xvie  siècle,  comme  Érasme,  Sca- 
liger  et  tant  d'autres,  n'eurent  pas  assez  d'expressions 
dédaigneuses  pour  se  moquer  de  nos  âges  scolas- 
tiques.  «  C'est  de  là,  dit  justement  M.  Matter,  que  na- 
quit une  sorte  d'insurrection  contre  les  mœurs,  les  doc- 
trines, les  usages  de  l'Occident.  »  (Matter,  Histoire  des 
sciences  morales,  tome  I,  p.  48).  Vivès,  dans  son  Traité 
De  corruptis  disciplinis,  trouve  que  tout  est  barbarie  dans 
les  siècles  précédents,  langage,  rhétorique,  dialectique, 
droit,  médecine  ou  théologie;  et  comme  on  le  sait,  Vivès 
était  catholique,  précepteur  de  la  reine  Marie  d'Angle- 
terre. Érasme  appelle  les  scolastiques  des  robinos,  cras- 
sos,  barbaros  ;  de  leurs  œuvres,  il  dit  :  opéra  aut  fatua 
aut  insula.  Cornélius  Agrippa,  dans  son  De  vanitate  scien- 
tiarum,  ne  tarit  pas  sur  le  mépris  qu'on  doit  avoir  pour 
les  anciens.  Pomponace  le  premier,  je  crois,  fit  entendre 
qu'on  pouvait  adhérer  à  l'autorité  religieuse  comme 
autorité  de  foi,  et  la  récuser,  s'en  moquer  même  dans 
le  domaine  scientifique  et  philosophique;  croire  à  l'im- 
mortalité de  l'âme  comme  chrétien  et  la  nier  résolument 
comme  philosophe.  Ce  Piétro,  qui  fut  d'ailleurs  un  assez 
faible  raisonneur,  introduisait  ainsi  une  lâche  duplicité 
qui  n'a  fait  que  trop  de  ravages  dans  le  domaine  intel- 
lectuel; car  selon  sa  doctrine  trop  répandue,  il  n'y 
aurait  plus  de  vérité  en  ce  monde;  ce  qui  serait  vrai  en 
mathématiques  pourrait  être  faux  en  physique  ou  en 
toute  autre  science,  et  l'ordre  scientifique  deviendrait  un 
monstre  autant  horrible  qu'insensé. 

On  ne  s'entendait  point  en  tout  et  pour  tout  ;  les  uns 
tenaient  pour  Platon  et  le  beau  langage  ;  les  autres  sou- 
tenaient Arisloteet  la  logique;  d'autres,  méprisant  ces 


»  ■ 

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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  13 

vaines  disputes,  s'adonnaient  à  l'observation  et  à  la 
culture  des  sciences  particulières.  Les  uns  voulaient  de 
la  kabbale  et  de  la  théosophie,  nouvelle  forme  du  gnos- 
ticisme  ;  d'autres  voulaient  une  logique  simplifiée  ;  cha- 
cun avait  ses  idées,  ses  opinions,  les  soutenait  avec  ar- 
deur, et  les  luttes  étaient  vives.  .Mais  il  y  avait  un  point 
sur  lequel  on  s'entendait  assez  communément  chez  tous 
ces  réformateurs,  c'était  le  dédain  de  l'antiquité,  et  le 
mépris  de  toute  autorité. 

De  cette  mêlée  assez  singulière  sortirent  trois  cou- 
rants :  celui  de  l'Église  qui  continua  d'affirmer  la  valeur 
de  l'autorité  et  sa  suprématie,  et  la  consacra  dans  le 
concile  de  Trente  ;  le  courant  des  sciences  physiques  et 
naturelles  qui  se  donna  tout  entier  à  l'observation  et  à 
l'expérimentation;  et  le  courant  rationaliste  allié  un 
instant  au  courant  kabbaliste  et  qui  voulait  le  triomphe 
de  la  raison  ou  de  l'imagination. 

Bacon  et  Descartes -représentèrent  au  xvne  siècle  Ta- 
bou tissant  des  deux  courants  observateur  et  rationa- 
liste. Ils  ne  les  formèrent  point,  ils  en  furent  au  con- 
traire les  produits. 

Bacon  naquit  en  i560,  lorsque  déjà  le  mouvement 
des  sciences  d'observation  était  riche  de  découvertes. 
Livré  à  la  politique,  puis  condamné  à  la  prison  et  mis 
en  retraite  comme  concussionnaire,  il  fît  de  la  philoso- 
phie et  s'occupa  de  sciences  par  passe-temps,  jusqu'à  sa 
mort  en  1625.  Il  s'imagina,  comme  la  mouche  du  coche, 
qu'il  ferait  avancer  le  char  des  sciences  en  bourdonnant 
autour,  et  donna  son  Imtauratio  scicntiarum  dont  le  «o- 
vum  organum  devait  être  une  partie.  Comme  savant,  en 
physique,  en  mathématique,  en  chimie,  on  le  regarde 
comme  au-dessous  du  médiocre  et  n'étant  pas  même  de 
son  temps.  Gomme  philosophe  ,  il  s'était  inspiré  de 
Montaigne  dans  un  voyage  à  Paris,  et  son  Novum  orga- 


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14  HISTOIRE  DB  LA  MEDECINE. 

num  est  comme  un  écho  de  toutes  les  attaques  dirigées 
contre  l'ancienne  méthode. 

Il  s'élève  surtout  contre  l'autorité  des  anciens,  et  les 
préjugés  de  toute  nature  qui  peuvent  nuire  à  l'esprit 
d'observation.  «  En  vain,  dit-il,  se  flatterait-on  de  pou- 
voir faire  de  grands  progrès  dans  les  sciences,  en  en- 
tassant, en  greffant  le  neuf  sur  le  vieux  ;  il  faut  reprendre 
tout  l'édifice  par  ses  fondements,  si  l'on  ne  veut  tourner 
perpétuellement  dans  le  même  cercle,  en  avançant  tout 
au  plus  de  quelques  pas.  »  Novum  organ.,  liv.  i,  §  21.  Et 
plus  loin  :  «  Une  autre  cause  qui  fait  obstacle  aux  pro- 
grès que  les  hommes  auraient  pu  faire  dans  les  sciences 
et  qui  les  a  pour  ainsi  dire  cloués  à  la  même  place, 
comme  s'ils  étaient  enchantés,  c'est  ce  profond  respect 
qu'ils  ont  d'abord  pour  l'antiquité,  puis  pour  l'autorité  de 
ces  personnages  qu'ils  regardent  comme  des  grands 
maîtres  en  philosophie.  »  Ibid.,  §  84. 

Il  veut  donc  qu'on  expérimente,  et  c'est  ce  qui  se 
faisait  de  tous  côtés ,  bien  avant  lui  ;  puis  il  établit 
que  \ induction  doit  être  la  conséquence  absolue  des 
faits  observés,  ce  que  tout  le  monde  disait.  Il  appelle  les 
observations,  des  constatations ,  et  les  inductions  qu'on 
en  tire  des  interprétations  ;  puis  il  ajoute  :  «  Or,  ce  n'est 
pas  assez  de  rassembler  un  plus  grand  nombre  d'expé- 
riences et  de  les  choisir  avec  plus  de  soin  qu'on  ne  l'a 
fait  jusqu'ici;  il  faut  encore  suivre  une  autre  méthode. 
—  Quand  de  tels  matériaux  auront  été  rassemblés  et 
seront  sous  la  main,  il  ne  faudra  pas  pour  cela  per- 
mettre à  l'entendement  de  travailler  sur  cette  matière 
en  vertu  de  son  mouvement  spontané ,  en  un  mot,  de 
mémoire  ;  car  ce  serait  vouloir,  par  la  seule  puissance 
de  la  mémoire,  égaler  et  surpasser  tous  les  membres 
d'un  livre  d'éphémérides.  —  Mais  quand  la  masse  des 
faits  aura  été  en  quelque  manière  mise  sous  nos  yeux 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  15 

avec  l'ordre  et  la  méthode  convenables,  gardons -nous 
encore  de  passer  tout  d'un  coup  à  la  recherche  des 
causes,  ou  si  nous  le  faisons,  de  nous  trop  reposer  sur 
ce  premier  résultat.  —  Cependant  il  faut  se  garder  de 
permettre  à  l'entendement  de  sauter,  de  voler  pour 
ainsi  dire  des  faits  particuliers  aux  axiomes  qui  en  sont 
les  plus  éloignés  et  que  j'appellerais  généralissimes,  tels 
que  ceux  qu'on  nomme  ordinairement  les  principes  des 
arts...  Ainsi,  ce  qu'il  faut  pour  ainsi  dire  attacher  à 
l'entendement,  ce  ne  sont  point  des  ailes,  mais  au  con- 
traire du  plomb,  un  poids  qui  comprime  son  essor.  » 
(Ibid.,  §  400  à  d  04). 

Ce  dernier  trait  est  sûrement  trop  fort,  et  il  y  en  a 
beaucoup  comme  celui-là  dans  ce  livre  un  des  plus  en- 
nuyeux que  je  connaisse  quand  il  n'est  pas  irritant. 

Bacon  résumait  en  somme  la  plupart  des  idées  de  son 
temps  en  faveur  de  l'observation  et  de  l'expérimentation 
et  contre  l'antiquité,  ce  qui  explique  son  succès. 

Gassendi  se  lança  dans  la  même  voie  de  dénigrement 
des  anciens,  et  avec  lui  beaucoup  de  médecins  ;  et  Chi- 
rac, au  commencement  du  xvme  siècle,  osait  encore 
écrire  ce  qui  suit  :  «  Hippocrate  et  Galien  ne  doivent 
pas  plus  avoir  de  privilèges  qu'Aristote;  ils  n'étaient 
que  des  empiriques,  qui  dans  une  profonde  obscurité 
ne  cherchaient  qu'à  tâtons  ;  ils  ne  peuvent  être  regardés 
par  des  esprits  éclairés  que  comme  des  maréchaux-fer- 
rants  qui  ont  reçu  les  uns  des  autres  quelques  traditions 
incertaines...  Quand  môme  ils  n'auraient  jamais  existé, 
et  que  tous  leurs  successeurs  n'auraient  jamais  écrit, 
nous  pourrions  déduire  des  principes  que  j'ose  me 
flatter  qu'on  trouvera  dans  mon  ouvrage  tout  ce  qui 
a  été  observé  par  les  anciens  et  les  modernes.  »  (Traùé 
des  fièvres  malignes). 

Cependant,  dès  la  fin  du  xvne  siècle,  Baglivi  disait 


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16  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

mieux  :  a  Au  lieu  de  chercher  sans  cesse  à  séparer  les 
anciens  et  les  modernes,  essayons  plutôt,  s'il  est  pos- 
sible, de  réunir  les  uns  et  les  autres  dans  une  alliance 
éternelle.  Quelle  folie  plus  grande,  en  effet,  de  vouloir 
toujours  les  mettre  en  désaccord  par  les  mots  quand  ils 
sont  d'accord  par  les  choses.  »  Mèd.  prat.,  chap.  1 ,  §  o, 
et  encore  :  o  Tourner  en  dérision  les  beaux  travaux 
d'autrui  et  les  nobles  efforts  tentés  pour  faire  avancer 
les  sciences,  c'est  non-seulement  un  choix  indigne  d'un 
honnête  homme  et  d'un  homme  docte,  c'est  encore  un 
dommage  considérable  causé  à  l'État  et  aux  progrès  des 
sciences  elles-mêmes.  »  (Ibid.,  chap.  5,  §  1).  Dans  la  fin 
du  siècle  et  la  croissance  du  dix-huitième,  on  commença 
de  revenir  sur  les  préjugés  contraires  à  l'antiquité  ;  les 
partisans  de  la  tradition  prirent  peu  à  peu  le  dessus, 
au  moins  en  partie,  et  on  était  disposé  à  prendre  la  vé- 
rité un  peu  partout. 

Dans  le  même  temps  où  Chirac,  le  médecin  de 
Louis  XV,  écrivit  ses  sottises,  un  homme  bien  autre- 
ment considérable,  Werlhof  écrivait  ce  mot  très-juste  : 
Nulla  secla  est  quœ  omne  vidit  verum;  nulla  quœ  non 
aliquid  ea  vero  (Observ.  de  febr.,  p.  32).  Bossuet  avait 
déjà  dit  :  a  Toute  erreur  est  fondée  sur  une  vérité 
dont  on  abuse.  » 

Ce  dernier  mot  est  bien  encore  celui  qu'on  peut  ré- 
péter. Certainement  on  avait  peut-être  trop  cru  à  la 
puissance  du  syllogisme  et  pas  assez  à  celle  de  l'obser- 
vation dans  les  siècles  antérieurs;  on  se  contentait  trop 
de  raisonner,  on  ne  prenait  pas  assez  soin  d'assurer  les 
principes  sur  des  faits  constatés  par  l'observation  et 
l'expérience.  A  cet  égard,  la  méthode  expérimentale  a 
été,  malgré  ses  excès,  un  très-grand  bienfait. 

Descartes  appartient  à  un  autre  courant  d'idées.  Né 
en  1794,  presque  avec  son  siècle,  il  mourut  en  1650 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  17 

après  avoir  fait  beaucoup  pour  les  mathématiques  et  la 
dioptrique.  Comme  philosophe,  il  fut  moins  frappé  du 
mouvement  observateur  des  sciences  nouvelles,  que  de 
leur  courant  rationaliste,  et  pour  lui  la  raison  était  une 
puissance  à  cultiver.  Il  voulait,  pour  lui  donner  tout  son 
essor,  la  dégager  de  tout  préjugé,  de  toute  autorité  qui 
la  put  compromettre,  et  il  se  trouvait  ainsi  l'allié  de 
tous  ceux  qui  repoussaient  les  anciens  ;  il  pensait  même 
pouvoir  aller  presque  jusqu'à  la  doctrine  de  Pomponace, 
sans  suivre  cependant  son  athéisme,  et  mettre  toutes 
les  vérités  rationnelles  hors  de  la  portée  de  l'autorité 
religieuse.  Il  cherchait  donc  pour  sa  raison  une  situa- 
tion d'indépendance  telle  qu'il  ne  sut  pouvoir  la  mieux 
caractériser  que  par  le  doute  philosophique)  situation 
impossible  a  atteindre  et  sur  laquelle  il  se  faisait  des 
illusions  d'enfant,  parce  qu'enfin,  quoique  nous  fassions, 
notre  raison  est  toujours  une  puissance  éduquée  par 
ceux  qui  nous  ont  élevés,  et  par  le  milieu  dans  lequel 
nous  vivons.  S'imaginer  qu'on  peut  être  sans  se  ressentir 
de  ce  qu'on  a  été  et  du  milieu  qui  entretient  l'être  phy- 
sique, moral  et  intellectuel,  c'est  vouloir  se  duper  soi- 
même. 

Descartes,  malgré  son  grand  génie,  ne  se  rendait 
pas  un  compte  suffisamment  exact  de  ce  qu'il  avait 
été  et  de  ce  qu'il  voulait.  Quand  on  étudie  sa  vie,  on 
voit  qu'il  s'engagea  pendant  quelques  années  avant  ses 
grands  travaux  dans  la  secte  des  rose-croix  dont  nous 
parlerons  plus  loin,  et  qui  était  composé  de  théosophes, 
sorte  de  kabbalistes,  où  l'on  admettait  la  possibilité  de 
dérober  l'intuition  des  vérités  absolues  en  se  mettant 
dans  une  sorte  d'état  extatique,  procédé  déjà  vanté  par 
Agrippa,  Paracelse  et  surtout  Cardan  qui  se  glorifiait 
d'en  jouir  h  volonté.  Or,  il  suftit  d'y  réfléchir  pour  se 
convaincre  que  le  doute  philosophique  posé  comme  mé- 

TOMI  XXXII.  —  JUILLET  2 


18  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

thode  générale  n'est  en  somme  que  le  procédé  intuitif 
débarrassé  de  ce  qu'il  avait  de  mystique,  et  posé  comme 
perception  rationnelle  des  choses  !  Van-Helmont,  qui 
touchait  un  peu  à  la  théosophie,  avait  déjà  tenté  quelque 
chose  de  semblable,  mais  en  se  rapprochant  de  la  doc- 
trine scolastique,  en  essayant  de  promouvoir  dans  l'in- 
telligence dépouillée  de  toute  préoccupation  sensible  les 
essences  intelligibles  en  lesquelles  elle  peut  se  transformer. 
On  considérait  depuis  longtemps  les  perceptions  sensibles 
comme  les  sources  de  toutes  nos  erreurs,  et  il  est  vi- 
sible que  dans  le  fond  de  toutes  les  tentatives  de  l'époque 
que  nous  analysons,  on  cherchait  par  des  voies  di- 
verses ;i  débarrasser  l'intelligence  de  ses  causes  de 
tromperie.  Descartes  voulait  de  même  poser  la  per- 
ception rationnelle  loin  de  toute  prévention  et  de 
toute  préoccupation  mystique  ou  kabbaliste,  et  il  con- 
sidérait le  doute  comme  le  point  fixe  où  la  raison  pour- 
rait être  libre  de  tout  souci  des  préoccupations  sen- 
sibles. 

Mais  la  méthode  de  Descartes  n'est  tout  entière  ni 
dans  ce  doute  philosophique,  ni  dans  Y  évidence  qu'il  de- 
mandait aux  démonstrations  scientifiques  ;  elle  est  su- 
périeurement et  profondément  dans  la  raison  prise 
comme  jugement,  et  substituée  à  la  raison  prise  comme 
mécanisme  logique.  Avant  Descaries,  une  vérité  était 
attesté  quand  elle  découlait  d'un  raisonnement  logique; 
qu'importait  d'ailleurs  qu'elle  heurlàt  de  front  les  opi- 
nions, les  croyances  et  le  jugement  commun.  Qu'on 
ouvre  un  livre  scientifique  de  ce  tempe,  même  un  livre 
de  physique,  on  y  voit  que  tout  est  démontré  par  le  syllo- 
gisme. Depuis  la  réforme  considérable  qu'il  a  établie, 
tout  est  différent  :  la  science  a  perdu  sa  forme  syllogistique 
et  revêtu  la  forme  littéraire  ;  elle  prend  à  tache  de  mon- 
trer la  vérité  qu'elle  veut  démontrer,  dans  toute  sa  clarté 


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Étude  sur  nos  traditions.  19 

et  dans  toutes  ses  séductions  ;  il  faut  que  la  raison  pro- 
nonce, qu'elle  juge,  qu'elle  décide.  Avant  Descartes  et 
avec  la  fin  de  la  scolastique,  la  raison  n'était  qu'un  rai- 
sonnement ;  depuis  lui,  elle  est  devenue  avec  raison  une 
conception  qui  est  tout  à  la  fois  entendement  et  juge- 
ment. Certes,  Descartes  a  exagéré  la  portée  du  jugement 
rationnel;  c'est  aller  trop  loin  que  d'établir  qu'on  ne 
doit  accepter  que  ce  qui  cadre  avec  la  raison  commune; 
et  bien  des  vérités  attendent  aujourd'hui  d'être  recon- 
nues, parce  qu'on  leur  oppose  cette  raison  commune 
des  foules,  qui  n'est  le  plus  souvent  qu'une  opinion  bru- 
tale et  intolérante.  En  établissant  que  les  sciences  doi- 
vent partir  d'un  fait  premier  de  la  conscience  intellec- 
tuelle, il  les  a  toutes  lancées  dans  la  recherche  du 
subjectif  psychologique,  et  il  les  détournait  trop  de 
l'observation.  C'était  donner  un  trop  libre  cours  à  l'ima- 
gination, sous  prétexte  de  conception.  Lui-même  a  bien 
montré  quelle  grave  erreur  était  cachée  sous  son  prin- 
cipe de  méthode,  et  combien  il  ouvrait  ainsi  la  porte 
aux  théories  imaginaires ,  aux  systèmes  vides  :  sa  con- 
ception des  tourbillons  en  était  la  presque  inévitable 
conséquence,  ainsi  que  ses  théories  sur  le  siège  de  l'âme, 
sur  les  esprits  vitaux,  sur  l'âme  des  bêtes,  etc.;  et  ses 
disciples  n'ont  pas  manqué  de  le  suivre  dans  cette  plus 
mauvaise  partie  de  sa  méthode. 

Hippocrate  était  bien  plus  dans  la  vérité,  quand  il 
proclamait  que  la  raison  doit  être  soumise  aux  faits  et 
pliable  à  l'autorité. 

Mais  enfin ,  Descartes  a  cependant  rendu  un  service 
immense  à  la  philosophie  et  aux  sciences,  en  montrant 
que  la  raison  n'est  pas  seulement  un  raisonnement, 
et  en  obligeant  l'esprit  scientilique  à  établir  qu'une  thèse 
ne  peut  être  acceptée  comme  vraie  qu'à  la  condition 
d'être  compréhensible,  saisissable  et  évidente  dans  sou 


20  PATHOGÉXIE  ET  THERAPEUTIQUE. 

idée  rationnelle.  L'abus  que  lui-même  et  ses  disciples 
ont  pu  faire  du  rationalisme,  ne  peuvent  fermer  nos 
yeux  au  point  de  ne  pas  voir  combien  il  a  relevé  la  va- 
leur de  l'idée  rationnelle,  et  ce  serait  un  tort  de  mécon- 
naître le  service  considérable  qu'il  a  rendu  en  répri- 
mant les  excès  du  syllogisme  et  en  achevant  ainsi 
l'œuvre  commencée  par  le  cardinal  Patrizzi  et  Ramus 
au  siècle  précédent.  Ses  torts,  et  il  en  a  de  grands,  ne 
nous  doivent  pas  faire  contester  ses  mérites. 

En  résumé,  dans  cette  grande  révolution  des  mé- 
thodes au  xvne  siècle,  de  partout  on  méprisait  malheu- 
reusement trop  l'autorité  ;  Bacon  mettait  trop  l'expé- 
rience aux  dépens  de  l'observation  et  de  la  raison  d'une 
part;  et  d'autre  part,  Descartes,  en  relevant  la  valeur  de 
la  raison ,  ouvrait  trop  la  carrière  ù  l'imagination ,  ne 
respectait  pas  assez  l'observation  objective,  et  déprimait 
trop  la  portée  du  procédé  logique.  Dans  Tune  et  l'autre 
cause,  on  a  cru  que  l'esprit  humain  pouvait  se  mettre 
en  dehors  de  tout  enseignement  reçu,  et  on  a,  par  cela 
môme,  négligé  le  respect  et  l'étude  des  traditions.  Ce 
sont  des  excès  qui  tiennent  peut-être  au  malheur  des 
temps,  mais  qu'il  faut  envisag-er  de  face  et  posément  si 
l'on  veut  s'en  tirer.  Nous  verrons  plus  loin  ce  qu'il  en 
est  résulté  pour  les  doctrines. 

F.  Frédault. 

—  La  suite  au  prochain  numéro.  — 


PATHOGÉISIE  ET  THÉRAPEUTIQUE 


MÉMOIRE  SUR  L'ARSENIC  DANS  LES  NÉVRALGIES. 

C'est  seulement  sur  le  terrain  des  faits  que  l'on  peut 
bien  comprendre  la  loi  de  similitude,  fondement  de  la 
pharmacodynaraie.  La  plupart  des  actes  des  médica- 


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MÉMOIRE  SUR  l' ARSENIC  DANS  LES  NÉVRALGIES.  21 

menls  ne  sont  explicables  que  par  cette  loi,  et  c'est  en 
comparant  les  faits  physiologiques  et  les  faits  thérapeu- 
tiques qu'on  arrive  infailliblement  à  cette  conclusion 
importante. 

Veut-on,  par  exemple,  mettre  en  parallèle  la  pro- 
priété que  possède  l'arsenic  de  développer  physiologique- 
menl  chez  certains  individus  des  douleurs  névralgiques, 
et  la  propriété  qu'il  possède  d'un  autre  côté  d'être  dans 
un  grand  nombre  de  cas  un  excellent  moyen  pour 
combattre  les  névralgies,  on  ne  peut  s'empêcher  d'af- 
firmer, grâce  à  ce  rapport,  la  loi  de  similitude,  et,  les 
faitsà  la  main,  de  constater,  en  outre,  que  dans  l'ordre 
physiologique  comme  dans  l'ordre  thérapeutique,  l'ar- 
senic agit  positivement  à  toute  espèce  de  doses,  omni 
dosi.  Ici  la  loi  du  simile  et  le  fait  d'une  posologie  nou- 
velle embrassant  tout  à  la  fois  les  doses  toxiques,  mas- 
sives, réfractées  et  infinitésimales,  ressortent  de  l'ob- 
servation pure,  terrain  commun  à  tous,  et  c'est  la  meil- 
leure manière  de  répondre  à  toutes  les  sottises  qui  sont 
débitées  chaque  jour  sous  ce  double  point  de  vue,  au 
sujet  de  la  doctrine  hahnemanienne. 

Arsenic  névralgigène,  —  La  céphalalgie,  si  fréquente 
chez  les  ouvriers  maniant  les  verts  arsenicaux  et  dans 
l'histoire  des  empoisonnements,  s'accompagne  souvent 
d'une  espèce  de  névralgie  temporale. 

J'ai  vu  nombre  de  fois  les  malades  soumis  à  un  trai- 
tement arsenical  se  plaindre  d'élancements  douloureux 
sur  les  tempes.  J'ai  vu  plusieurs  fois  aussi  des  accident/ 
de  névralgie  sus-orbitaire  et  faciale.  (Etudes  sur  quelques 
symptAmes  de  l'arsenic,  Gazette  médicale -,  1862.) 

Borelli,  darts  ses  Centuries  (1),  cite  un  homme  qui 

(\)  Borelli.  Historiarura  et  obscrvationum  centuriœ.  Parisiis,  1653. 


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22  PATHOGÉNIE  ET  THERAPEUTIQT'F. 

s'était  empoisonné  en  portant  sur  la  peau  un  sachet 
d'arsenic  pour  se  préserver  de  la  peste  :  il  y  eut  scia- 
tique  violente. 

Trois  jeunes  filles  s'étaient  empoisonnées  par  mégarde 
avec  l'arsenic  ;  le  lendemain,  au  milieu  des  symptômes 
habituels,  elles  se  plaignaient  d'odontalgie.  (M.  Leod, 
4819.) 

Pendant  le  traitement  arsenical  d'une  dartre,  M.  Mar- 
chand a  été  obligé  d'arracher  une  dent  à  Tune  de  ses 
malades,  à  raison  d'une  névralgie  dentaire  survenue 
intercurreinment.  (Annales  médicales  de  la  Flandre  occiden- 
tale, 1854.) 

M.  Lolliot  [Etude  physiologique  de  f arsenic,  Thèse  de 
Paris,  1868)  a  cité  l'observation  d'un  ouvrier  employé 
à  la  fabrication  des  fleurs  artificielles,  et  empoisonné 
chroniquement  par  le  vert  de  Schweinfurt.  On  voit 
figurer  dans  le  cours  des  accidents  une  très-vive  dou- 
leur dans  la  mâchoire,  qui  disparut  en  quelques  jours, 
après  une  application  de  sangsues,  médication  inutile 
en  pareille  circonstance. 

Une  servante  s'empoisonne  et  guérit.  Pendant  les 
trois  semaines  suivantes,  outre  une  faiblesse  dans  les 
pieds,  elle  conserve  une  douleur  vive  dans  les  tempes. 
(Kellermann,  Med.  Jahrf.  der  Osterr.  Staater,  1840.)  Le 
môme  auteur  cite  un  autre  fait  avec  céphalalgie  pressive 
et  douleur  au  vertex  pendant  la  convalescence. 

Le  médecin  anglais,  Erichson,  constate,  parmi  divers 
symptômes  produits  par  la  solution  de  Fowler,  la  cépha- 
lalgie, surtout  sus-orbitaire.  (Lond.  med.  gazette,  1843.) 

Dans  une  observation  de  Whitehead  (British.  med. 
journal,  1858),  sous  l'influence  de  l'empoisonnement 
arsenical  par  les  papiers  peints,  on  voit  une  névralgie  fa- 
ciale violente  survenir  au  milieu  d'autres  accidents. 

Langendorff,  qui  a  étudié  les  maladies  des  mineurs 


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MÉMOIRE  SUR  L'ARSENIC  DANS  LES  NEVRALGIES.  23 

du  Harz,  signale  la  sciatique  nerveuse  au  nombre  des 
accidents  auxquels  sont  sujets  les  ouvriers.  {llenkes 
Zeitschrift,  1857.) 

On  sait,  d'autre  part,  de  quelle  électivité  l'arsenic 
jouit  sur  les  yeux;  or,  rien  n'est  plus  fréquent  que  de 
voir  la  conjonctivite  arsenicale  s'accompagner  de  dou- 
leurs sus-orbitaires  et  temporales. 

Observation  I. 

Une  dame  de  52  ans  faisait  usage  des  préparations  arsenicales 
depuis  plusieurs  années  pour  un  eczéma  chronique  qui  disparut. 
Sous  l'influence  du  remède,  il  survint  en  septembre  t857  une  at- 
taque violente  de  rhumatisme  du  scapulum,  de  l'épaule  et  du  bras 
droit,  qui  céda  à  un  traitement  approprié.  Au  mois  de  novembre, 
névralgie  inguinale  droite  qui  passa  bientôt  à  l'aine  gauche  et  de  la 
a  l'épaule,  La  névralgie  prit  un  caractère  rémittent  et  persista  très- 
aigué  sept  mois  durant.  En  janvier  1858,  tympanisme  abdominal, 
gonflement  des  glandes  inguinales  droites  et  concentration  des  dou- 
leurs sur  la  hanche,  l'épaule  et  le  coté  gauche.  Au  mois  de  mars, 
lumbago  du  côté  gauche  avec  engourdissement  de  l'extrémité  cor- 
respondante. En  avril,  paralysie  complète  des  extrémités  inférieures, 
enflure  des  pieds,  perte  des  forces.  Mort  à  la  suite  de  sept  mois  de 
douleurs  continuelles.  A  l'autopsie,  les  reins  offraient  la  dégénéres- 
cence graisseuse,  le  foie  contenait  quelques  traces  d'arsenic,  ainsi 
que  les  vertèbres  (Gibb.  Transactions  of  tlie  pathol.  society  of 
London,  1860). 

L'auteur  considère  ce  fait  comme  un  cas  de  névralgie 
et  de  paralysie  arsenicales.  Cette  observation,  analysée 
dans  Schmidt's  Jahrbiïclier,  est  rapprochée  par  le  réfèrent 
des  nombreux  faits  que  j'ai  rapportés  dans  mes  éludes 
sur  la  paralysie  arsenicale. 

A  dose  infinitésimale,  on  voit  se  reproduire  les  mêmes 
accidents  névralgiques,  comme  le  témoignent  les  obser- 
vations 75,  76,  90,  97,  98,  100,  102  et  109,  de  mes 
études  sur  quelques  symptômes  de  F  arsenic.  J'ai  cité  plus 
haut  quatre  faits  d'odontalgie,  à  dose  moyenne.  Les 


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24  PATHOGÉNIE  ET  THERAPEUTIQUE. 

observations  97,  98,  102  et  109  sont  encore  des  né- 
vralgies dentaires,  et  la  plus  remarquable  est  certaine- 
ment celle  qu'a  présentée  un  de  mes  anciens  élèves, 
M.  Lalue,  dans  ses  expériences  sur  l'arsenic  infinitési- 
mal, (Obs.  102). 

Le  Df  Black  a  cité  dans  Montldy  h.  Beview,  1866,  l'ob- 
servation d'un  individu  traité  pour  un  eczéma  par  ar- 
senic 3e  trit.  Sous  l'influence  de  ce  traitement,  le  ma- 
lade est  pris  d'un  grand  malaise  ;  douleur  au  front, 
au-dessus  des  yeux,  sans  s'étendre  aux  tempes.  Il 
éprouvait  une  sensation  contusive  dans  les  yeux,  comme 
s'il  y  avait  eu  froid. 

Voici  une  dernière  observation  inédite  d'action  arse- 
nicale à  dose  infinitésimale.  Je  la  publie  d'après  la  note 
môme  qui  m'a  été  remise.  Elle  a  été  recueillie  par  un 
de  mes  anciens  élèves,  interne  distingué  des  hôpitaux 
de  Paris,  le  docteur  Lassalas,  aujourd'hui  médecin  con- 
sultant aux  eaux  du  Mont-Dore. 

Observation  II. 
Observation  de  névralgie  arsenicale. 

Le  24 avril  1864,  j'étais  dans  un  état  de  santé  qui  ne  laissait  rien 
à  désirer.  Je  témoignai  à  M.  le  Dr  Imbert-Gourbeyrc  l'intention 
d'expérimenter  sur  moi-même  l'arsenic  à  doses  homéopathiques. 
Notre  professeur  me  donna  le  jour  même  des  granules  ù  la  tren- 
»  tième  dilution,  et  le  23  avril,  je  commençai  l'expérimentation  de  la 
manière  suivante  :  je  prenais,  à  huit  heures  du  matin  et  à  cinq 
heures  du  soir,  trois  granules  que  j'avais  préalablement  fait  dis- 
soudre dans  une  cuillerée  d'eau. 

Les  cinq  premiers  jours,  je  ne  ressentis  absolument  aucun  acci- 
dent. Le  30  avril,  je  commençai  à  éprouver  des  douleurs  vagues  et 
intermittentes  dans  les  deux  maxillaires.  Dans  la  soirée,  ces  dou- 
leurs deviennent  très-intenses;  je  les  attribuai  à  une  dent  cariée 
implantée  dans  le  côté  droit  de  la  mâchoire  supérieure.  J'introduisis 
alors  dans  la  cavité  de  la  dent  un  |>etit  tampon  d'ouate  imbibée  de 
chloroforme;  immédiatement  les  douleurs  cessèrent  de  ce  côté, 


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MÉMOIRE  SUR  L'ARSENIC  DANS  LES  NEVRALGIES.  25 

mais  elles  devinrent  encore  plus  violentes  dans  la  maxillaire  infé- 
rieure et  tout  le  côté  gauche  de  la  face.  Le  premier  mai,  les  dou- 
leurs occupent  les  deux  maxillaires  et  sont  arrivées  à  un  tel  degré 
d'acuité  que  je  ne  peux  manger;  de  plus,  j'éprouve  des  démangeai- 
sons en  plusieurs  points  du  corps,  à  la  cuisse  gauche,  au  hras  droit, 
au  pénis  et  à  la  région  sacrée.  Il  existe  dans  tous  ces  points  de  pe- 
tites papules  analogues  à  celles  que  l'on  observe  dans  le  prurigo. 
A  midi,  je  vois  M.  Imbert  qui  examine  ces  papules  et  me  conseille 
de  cesser  l'expérimentation,  si  les  douleurs  continuent. 

Pendant  la  nuit  du  l,r  au  2  mai,  je  souffre  beaucoup;  à  quatre 
heures  du  matin  je  repose  un  peu,  et  les  douleurs  sont  moins  vives 
pendant  la  matinée,  mais  elles  reparaissent  avec  leur  violence  or- 
dinaire à  onze  heures  immédiatement  après  mon  déjeuner.  Je  cesse 
alors  de  prendre  des  globules.  Le  3,  le  \  et  le  5  mai,  les  douleurs 
vont  constamment  en  diminuant,  et  le  6,  je  ne  sens  plus  de  né- 
vralgie ;  les  papules  ont  complètement  disparu. 

Au  moment  où  je  mets  la  dernière  main  à  ce  travail 
(fin  juin,  1870),  j'ai  près  de  moi,  aux  eaux  de  Royat, 
un  médecin  distingué  des  hôpitaux  de  Lyon,  atteint 
d'une  affection  de  l'estomac  depuis  longues  années  :  il 
s'est  confié  à  mes  soins.  Je  lui  ai  donné  deux  jours  de 
suite  :  arsenicum  6,  3  globules,  trois  fois  par  jour,  en 
le  prévenant  de  faire  attention  aux  symptômes  pouvant 
survenir  à  la  face.  Pendant  la  nuit  qui  a  suivi  les  trois 
premières  doses,  il  a  souffert  beaucoup  d'une  dent  ca- 
riée, pendant  une  heure  et  demie.  Cette  dent,  située  à  la 
mâchoire  inférieure,  côté  gauche,  était  gâtée  depuis 
longtemps.  Il  n'en  avait  jamais  souffert,  du  moins  de- 
puis plusieurs  années.  Le  lendemain,  il  n'a  éprouvé 
qu'un  peu  d'agacement  sur  cette  môme  dent  ;  puis  tout 
a  disparu.  De  même  que  le  Dr  Lassalas,  le  Dr  F...  a 
souffert  durant  la  nuit.  Les  homœopathes  ont  observé 
depuis  longtemps  que  les  douleurs  arsenicales  étaient 
surtout  nocturnes.  Ruckert  senior  signale  l'odontalgie 
pendant  la  nuit. 

Je  rappelle  et  cite  tous  ces  faits  pour  prouver  une  fois 


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?6  PÀTHOGKNIE  ET  THÉRAPEUTIQUE. 

de  plus  la  réalité  d'action  des  doses  infinitésimales.  Il  y 
a  bientôt  dix  ans  que  j'ai  indiqué  un  moyen  bien  sim- 
ple pour  arriver  à  cette  démonstration  ;  c'est  d'expéri- 
menter directement  l'arsenic  sur  des  sujets  physiologi- 
ques. J'ai  donné  de  longs  détails  à  ce  sujet  dans  mes 
études  sur  quelques  symptômes  de  f  arsenic.  Personne,  que 
je  sache,  dans  les  rangs  de  l'opposition  allopathique,  ne 
s'est  empressé  de  vérifier  et  de  répéter  mes  expérimenta, 
et  comme  je  le  disais  dans  mes  Lectures  publiques  sur 
f  homœopat/iie  (I),  j'attends  encore  ces  contre-expéri- 
menlations,  et  je  les  attendrai  encore  longtemps,  parce 
que  je  connais  les  adversaires  de  l'homœopathie.  Ils  se- 
ront toujours  hardis  à  plaisanter,  à  injurier,  voire  môme 
à  persécuter;  mais  ils  reculeront  en  môme  temps  devant 
toute  discussion  sérieuse  et  devant  des  expérimenta- 
tions longues,  complètes  et  difficiles.  A  Paris  et  ailleurs, 
on  continuera  à  nier  les  doses  infinitésimales;  on  sou- 
rira même  de  pitié  à  ce  sujet,  en  prenant  des  poses 
tout  à  fait  doctorales ,  et  l'on  se  gardera  bien  de  de- 
mander à  l'observation  exacte  de  quel  côté  se  trouve 
la  vérité  :  ce  qui  serait  plus  scientifique,  plus  digne  et 
plus  loyal  (p.  201). 

J'ai  expérimenté  l'arsenic  des  milliers  de  fois,  soit  à 
dose  massive,  soit  à  dose  infinitésimale,  et  je  le  déclare, 
j'ai  obtenu  plus  souvent  des  symptôme*?  physiologiques 
très-nets  et  très-caractérisés  avec  les  doses  atténuées 
qu'avec  les  doses  allopathiques.  L'observation  de  M.  Las- 
salas  en  est  une  dernière  et  belle  preuve.  Ici  l'action  de 
l'arsenic,  à  la  trentième  dilution,  est  incontestable,  vu 
le  syndrôme  :  névralgie  dentaire,  démangeaison,  érup- 
tions en  des  lieux  divers.  On  peut  donc  obtenir  des 
effets  arsenicaux  à  la  trentième  atténuation,  c'est-à-dire 


(t)  Paris,  Baillière.  186». 


MÉMOIRE  SUR  l' ARSENIC  DANS  LES  NEVRALGIES.  27 

à  un  novem  décillionième  de  grain,  représenté  par  une 
fraction  dont  le  dénominateur  serait  suivi  de  soixante 
zéros.  C'est  à  cette  dose  qu'ont  été  faites  les  dernières 
expériences  de  Hahnemann  qui  lui  ont  servi  à  consti- 
tuer sa  pathogénésie  arsenicale  des  maladies  chroniques, 
ainsi  que  me  l'a  affirmé  le  Dr  Jahr,  son  disciple  et  son 
contemporain  ,  tandis  que  la  pathogénésie,  parue  en 
1811,  n'aurait  eu  pour  base  que  des  expérimente  faits 
avec  la  troisième  atténuation. 

Ainsi  se  trouve  confirmée  la  pathogénésie  arsenicale 
de  Hahnemann  dans  ses  nombreux  symptômes  de  cépha- 
lalgie et  de  névralgie  depuis  le  n°  115  jusqu'au  n°  150, 
de  176  à  185,  et  pour  l'odontalgie  de308  à 314  (Traité 
des  maladies  chroniques). 

Il  m'eût  été  facile  de  produire  un  plus  grand  nombre 
de  faits,  car  Y  histoire  de  l'arsenic  est  féconde  en  douleurs  ; 
il  produit  par  lui-môme  toute  espèce  de  douleurs,  depuis 
la  douleur  né\ralgique  jusqu'à  l'hyperesthésie  cutanée 
diffuse  et  à  la  douleur  rhumatismale  avec  gonflement 
articulaire.  Entre  ces  degrés  extrêmes,  il  y  a  une  foule 
de  cas  intermédiaires  que  j'aurais  pu  rattacher  au  groupe 
névralgique.  J'en  ai  cité  un  grand  nombre,  soit  dans 
mes  Etudessur  la  paralysie  arsenicale,  soit  dans  mes  Etudes 
sur  quelques  symptômes  de  l'arsenic.  J'en  ai  dit  assez  comme 
spécimen.  J'ajoute  qu'il  n'existe  pas  d'agent  plus  dolo- 
rigèneque  l'arsenic,  et  c'est  là  un  des  grands  caractères 
généraux  de  ce  médicament. 

Donc,  il  est  positif  que  l'arsenic  est  essentiellement 
névralgigène ;  les  faits  semblent  prouver  qu'il  agit  de 
préférence  sur  le  nerf  trifacial,  vu  les  nombreux  symp- 
tômes accumulés  dans  les  pathogénésies.  Il  est  positif 
d'un  au  Ire  côté  qu'il  agit  à  toute  espèce  de  doses,  omni 
dosiy  mêmeàdose  infinitésimale,  et  j'ajoute,  d'après  mon 
expérience  personnelle,  surtout  à  dose  infinitésimale  ; 


28  PÀTHOGENIE  ET  THERAPEUTIQUE. 

or  ce  môme  arsenic  essentiellement  névralgigène  est 
aussi  essentiellement  névra/gifuge,  en  vertu  de  la  loi 
homœopathique  ;  ce  que  nous  allons  démontrer  d'après 
les  faits- 

Arsenic  névralgifuge.  —  Selle  paraît  avoir  eu  le  premier 
l'idée  d'employer  l'arsenic  dans  les  névralgies  de  la 
face,  à  propos  d'une  observation  de  douleur  au  visage  (1), 
notablement  soulagée  par  la  ciguë  «  S'il  m'arri vait  encore, 
dit-il,  un  pareil  cas,  j'emploierais  d'abord  la  cig'uë  et 
ensuite  la  dissolution  du  mercure  dans  l'acide  nitreux; 
et  si  tout  cela  ne  réussissait  point,  dans  la  supposition 
vraisemblable  qu'il  y  aurait  alors  un  virus  cancéreux, 
je  me  déciderais  à  employer  l'arsenic,  d'autant  plus 
que  j'en  ai  vu  quelquefois  de  bons  effets.  » 

Une  fausse  pathogénie  et  les  succès  de  l'arsenic 
contre  le  cancer  avaient  guidé  Selle,  tandis  que  les  pro- 
priétés fébrifuges  et  anti-périodiques  du  même  agent 
amenaient  quelques  années  plus  tard  Fowler  à  l'admi- 
nistrer contre  les  névralgies  périodiques,  rebelles  au 
quinquina.  Il  cite  sept  cas  de  guérison. 

Vingt  ans  après,  un  autre  médecin  anglais,  Nesse 
Hill  recommande  l'arsenic  dans  un  grand  nombre 
de  maladies  et  entre  autres,  dans  l'hémicrânie  (2). 

On  lit  dans  l'ouvrage  de  Harles  deux  bonnes  obser- 
vations qui  lui  ont  été  communiquées  par  le  docteur 
Hoffmann  (ne  pas  confondre  avec  le  grand  Frédéric 

(1)  Observations  de  médecine.  Paris,  1796,  p.  22. 

(2)  Au  dire  de  Halliday,  Nesse  Hill  guérit  une  névralgie  qui,  pendant 
vingt  ans,  avait  épuisé  toutes  les  ressources  de  la  médecine.  La  solution 
de  Fowler  fut  donnée  de  3  à  12  gouttes.  A  la  même  époque,  Jcnner  (ce 
n'est  point  l'immortel  inventeur  de  la  vaccine)  rapportait  l'obeervation 
d'un  malade  atteint  depuis  longtemps  d'un  violent  mal  de  tête  pério- 
dique, rebelle  au  kina  et  guéri  en  cinq  jours  par  i5  gouttes  de  teinture 
de  fowler  répétées  trois  fois  par  jour. 


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MÉMOIRE  SUR  LARSENIC  DANS  LES  NEVRALGIES.  29 

Hoffmann,  comme  l'ont  fait  quelques  compilateurs): 
dans  le  premier  cas,  il  s'agit  d'une  céphalée  périodique 
venant  depuis  quelque  temps  tous  les  malins  et  guérie 
en  vingt-quatre  heures  par  l'arsenic;  dans  le  second 
cas,  sciatique  intermittente  revenant  chaque  soir  durant 
six  heures,  coupée  en  trois  jours  par  l'arsenic  associé  à 
l'opium. 

Fodéré,  dans  ses  Recherches  expérimentales  sur  la  valeur 
des  différents  remèdes  substitués  au  quinquina  (Paris,  1809) 
donne  sept  observations  decéphalalgie  périodique  guérie 
par  l'arsenic. 

On  trouve  dans  Edimb.  med.  journal,  1811,  une  fort 
belle  observation  de  M.  Kcchnie:  il  s'agit  d'un  tic  dou- 
loureux durant  depuis  de  longues  années,  guéri  en 
quinze  jours  par  la  solution  de  Fowler,  quinze  gouttes 
trois  fois  parjour. 

Observation  111. 

R...,  36  ans,  blessé  en  1811  d'un  coup  de  stylet  sur  la  bosse 
frontale  droite  qui  fut  fracturée  ;  on  en  retira  une  esquille  mince 
étroite  et  longue  de  plus  d'un*  pouce.  Guérison  au  bout  de  quinze 
jours.  Depuis  cette  époque,  douleur  sus-orbitaiie  habituelle  avec 
affaiblissement  progressif  de  la  vue. 

A  raison  de  l'aggravation  des  souffrances,  entré  en  1818  à  l'hô- 
pital de  Montpellier.  Les  purgatifs  et  les  vésicatoires  a  la  nuque 
eurent  quelques  succès  momentanés,  sans  détruire  une  douleur  qui 
revenait  souvent  avec  violence. 

A  sa  sortie  de  l'hôpital,  souffrances  accrues  et  peut-être  augmen- 
tées par  le  chagrin  d'un  jugement  qui  le  conduisit  à  la  maison  cen- 
trale d'Eysses. 

Il  y  exerçait  depuis  dix-huit  mois  le  métier  de  tisserand,  suppor- 
tant avec  courage  son  mal  habituel,  lorsqu'il  se  présenta  à  l'infir- 
merie le  3  novembre  1821,  ne  pouvant  résister  davantage. 

Le  malade  présentait  la  physionomie  la  plus  expressive  d'une 
douleur  accablante  :  son  air  triste,  pale  et  abattu,  annonçait  le  dé- 
couragement; contenance  chancelante,  forces  épuisées,  pouls 
faible,  petit  et  lent.  Les  sourcils,  rapprochés  avec  force,  compri- 


30  PATHOGÉNIE  ET  THÉRAPEUTIQUE. 

maient  les  paupières  presque  closes,  gonflées,  chàssieuses  et  rouges 
sur  les  bords  ;  il  éprouvait  au-dessus  des  orbites  une  douleur  qui 
variait  dans  son  mode  et  sa  violence,  suivant  les  époques  du  jour, 
et  constamment  aux  mêmes  heures.  Aussitôt  que  le  soleil  se  mon- 
trait sur  l'horizon,  il  la  ressentait  d'une  violence  extrême,  avec  des 
élancements  tels  qu'il  lui  semblait,  disait-il,  que  la  tête  se  fendait 
en  deux  parties  :  alors,  cécité  cimplètc.  Vers  dix  ou  onze  heures, 
le  calme  revenait  par  degrés,  sans  cependant  effacer  la  douleur;  la 
vue  en  ce  moment  se  rétablissait  assez  pour  que  le  malade  dis- 
tinguât les  objets.  Mais  à  quatre  heures  du  soir  elle  s'obscurcissait 
de  nouveau  au  point  que  l'œil  ne  pouvait  distinguer  une  personne  ; 
la  plus  vive  lumière  faisait  à  peine  impression  sur  la  réline.  La  pu  • 
pille,  dans  cet  état,  était  très  dilatée;  cependant  la  douleur  sourde 
et  continue  du  milieu  de  la  journée  n'augmentait  point  et  n'était 
accompagnée  d'aucun  retour  des  élancements  du  matin. 

Outre  cette  série  périodique  de  souffrances,  le  malade  éprouvait 
encore  un  autre  genre  de  douleur  à  la  périphérie  de  la  tète.  La 
sensibilité  des  téguments  en  était  si  exaltée,  qu'on  ne  pouvait  pro- 
mener la  main  sur  les  cheveux  sans  arracher  «les  cris.  La  pression 
seule  d'un  bonnet  de  nuit  devint  intolérable... 

Aucun  moyen  ne  me  parut  plus  propre  que  l'arsenic,  à  raison  de 
la  périodicité  régulière  de  la  névralgie.  Administration  chaque  jour 
d'une  pilule  d'oxyde  blanc  d'arsenic  à  un  seizième  de  grain. 

Après  la  première  pilule,  le  malade  dit  qu'elle  l'avait  calmé.  Le 
lendemain,  vue  plus  distincte,  douleur  frontale  moins  forte.  A  la 
suite  de  la  troisième  pilule,  mieux  sensible  sous  tous  les  rapports, 
mais  chaleur  sourde  à  l'estomac.  La  quatrième  produisit  de  l'ardeur 
dans  cet  organe,  et  la  douleur  du  front  disparut  entièrement  ;  la 
vue  devint  claire  pendant  le  jour,  mais  resta  un  peu  obscure  le  soir, 
à  la  lueur  du  flambeau,  quoique  bien  moins  que  précédemment. 
Le  malade  distinguait  tous  les  individus  dont  auparavant  il  ne 
pouvait  reconnaître  le  nombre. 

On  suspendit  les  pilules  pendant  deux  jours  à  raison  de  l'ardeur 
de  l'estomac;  usage  du  vin  amer.  A  la  reprise  des  pilules,  la  né- 
vralgie cessa  entièrement.  La  sensibilité  du  bulbe  des  cheveux,  oc- 
casionnée par  le  simple  frottement,  ne  se  fit  plus  éprouver,  et  la 
vue  se  rétablit  au  point  que  le  malade  put  passer  un  fil  dans  une 
aiguille.  Elle  restait  cependant  encore  faible  au  coucher  du  soleil 
et  ne  recouvrait  toute  sou  étendue  qu'au  retour  de  l'astre  sur  l'ho- 
rizon. 


MÉMOIRE.  SUR  L'ARSENIC  DANS  LES  NEVRALGIES.  31 

♦ 

Un  état  si  satisfaisant  se  soutint  jusqu'au  dixième  jour  du  traite- 
ment. Le  malade  se  plaignit  alors  d'engourdissement  à  la  tète  et 
d'une  certaine  obscurité  dans  la  vision.  Craignant  le  retour  de  la 
névralgie,  ou  donna  de  nouveau  le  lendemain  une  pilule  qui  pro- 
duisit le  plus  heureux  eûet  ;  le  calme  fut  parfait:  plus  d'engour- 
dissement, vue  très-claire,  et  la  nuit  sommeil  aussi  assuré  que  par 
un  narcotique.  Le  surlendemain,  nouvelle  pilule  plus  par  précau- 
tion que  par  nécessité. 

Ne  pouvant  méconnaître  les  heureux  résultats  d'une  médication 
stimulante  sur  l'organe  gastrique,  je  crus  devoir  entretenir  quelque 
temps  encore  l'excitation  de  l'estomac  à  l'aide  d'éther  sulfurique  à 
dose  modérée.  L'éther  fut  supprimé  le  septième  jour.  On  appliqua 
pour  lors  un  séton  à  la  nuque,  aûn  d'assurer  la  convalescence.  A 
cette  époque  le  malade  était  guéri  ;  il  avait  repris  des  forces  avec 
l'appétit,  et  sa  vue  ne  différait  rien  de  ce  qu'elle  était  avant  sa 
blessure. 

R...  sortit  de  l'infirmerie,  y  rentra  un  mois  après  pour  y  être 
traité  du  scorbut,  guérit,  sortit  de  nouveau  et  n'a  pas  éprouvé  jus- 
qu'à ce  jour  le  moindre  symptôme  de  sa  première  affection  (Lalaurie, 
Épkémérides  tnéd.  de  Montpellier,  182C). 

Si  l'auteur  de  celte  belle  observation  avait  pu  étudier 
l'arsenic  au  point  de  vue  de  la  loi  de  similitude,  il  se 
fût  dispensé  de  traiter  son  malade  par  les  sangsues,  le 
vin  amer,  l'éther  et  surtout  de  lui  infliger  la  médica- 
tion inutile  et  barbare  du  séton,  alors  que  l'arsenic  avait 
seul  suffi  à  guérir  ciio^  tuto^  et  jucunde. 

Observation  IV. 

R...  avait  été  pris  à  l'âge  de  il  ans,  sans  cause  connue,  d'une 
violente  céphalalgie  qui  revenait  tous  les  jours.  Il  jouissait  d'une, 
bonne  constitution,  et  du  reste  il  avait  une  excellente  santé.  Au 
mois  de  mars  1819,  la  céphalalgie  durait  depuis  trois  ans  et  avait 
toujours  été  en  augmentant  de  violence  ;  mais  c'était  surtout  pen- 
dant l'été  que  les  douleurs  étaient  plus  fortes.  Cet  enfant  n'avait 
éprouvé  de  soulagement  que  pendant  quelques  jours  après  avoir 
pris  des  vomitifs.  Les  paroxysmes  ne  revenaient  pas  à  la  même 
heure  ;  le  malade  pouvait  même  les  faire  naitre  en  s'exposant  au 
soleil,  en  faisant  de  l'exercice,  en  enfonçant  trop  fortement  son 


32  PÀTH0OENIE  ET  THERAPEUTIQUE.' 

chapeau  ou  en  serrant  fortement  sa  tète  par  tout  autre  moyen.  Vers 
la  lin,  les  accès  duraient  plusieurs  heures,  mais  variaient  beaucoup 
quant  u  leur  violence  et  leur  longueur.  Ils  ne  s'accompagnaient 
jamais  de  nausées  ni  de  fièvre,  et  ne  paraissaient  nullement  dé- 
pendre de  la  qualité  des  aliments.  La  douleur  n'était  pas  bornée  à 
une  faible  étendue,  comme  cela  a  lieu  le  plus  souvent  dans  les  cas 
de  céphalalgie  périodique  dépendant  d'une  cause  analogue  à  celle 
des  fièvres  intermittentes,  ni  à  une  moitié  de  la  tète,  comme  dans  la 
migraine.  Les  souffrances  les  plus  vives  se  faisaient  sentir  au  front 
qui  était  ordinairement  plus  chaud  que  dans  l'état  naturel  ;  mais 
aucune  partie  de  la  tète  n'était  complètement  exempte  de  dou- 
leur. 

Cet  enfant  continua  pendant  deux  ans  à  aller  à  l'école;  mais  il 
finit  par  être  forcé  de  suspendre  ses  études.  M.  Otto,  ayant  été  con- 
sulté, recommanda  l'administration,  trois  fois  par  jour,  de  la  so- 
lution de  Fowler,  à  la  dose  de  cinq  gouttes.  Ce  traitement  fut  con- 
tinué pendant  deux  semaines  sans  qu'on  eût  obtenu  aucun  amen- 
dement delà  maladie;  il  n'y  eut  également  ni  nausées,  ni  coliques, 
ni  tuméfaction  des  paupières  ou  de  la  face.  Un  ou  deux  jours  après, 
sans  que  le  malade  eût  pris  aucun  autre  médicament,  la  céphalalgie 
cessa  de  se  faire  sentir  ;  deux  ans  plus  tard  elle  n'avait  pas  reparu 
(Otto,  The  North.  amer.,  1828). 

OUo  cite  l'observation  précédente  de  La  Laurie  et 
ajoute  avoir  guéri  plusieurs  dames  de  semblables  dou- 
leurs par  le  même  moyen. 

Marschall  cile  un  fait  de  névralgie  sus-orbitairo 
gauche  chez  un  jeune  cordonnier  de  16  ans.  L'affection 
avait  d'abord  paru  chaque  lundi,  puis  chaque  mardi  et 
quelquefois  le  mercredi,  et  s'était  convertie  plus  tard  en 
accès  irréguliers.  Guérison  dans  l'espace  d'un  mois 
environ  par  la  liqueur  de  Fowler  portée  successivement 
de  6  à  15  gouttes  malin  et  soir  (Horn's  Arc/uv,  1831). 

Observation  V. 

Jeune  fille  de  21  ans,  prise  depuis  plus  d'un  an  d'un  tic  douloureux 
des  plus  intenses  du  côté  droit  de  la  face.  La  douleur  s'exaspérait 
par  les  mouvements  de  la  langue  et  des  lèvres,  en  parlant  ou  en 


MÉMOIRE  SUR  L'ARSENIC  DANS  LES  NÉVRALGIES. 


33 


mangeant,  et  alors  retrait  des  ailes  du  nez  et  des  joues;  élévation 
convulsive  de  la  commissure  de  la  bouche,  écoulement  d'une  salive 
filante  et  épaisse  comme  du  miel.  L'affection  avait  résisté  à  un  trai- 
tement homœopathique,  au  galvanisme  et  au  magnétisme.  Gué- 
rison  par  la  teinture  de  Fowler  administrée  deux  fois  par  jour  à 
12  gouttes  (l'auteur  n'indique  pas  la  durée  du  traitement);  depuis 
trois  ans,  deux  récidives  qui  ont  cédé  rapidement  au  même  remède 
(Basedow,  Casper's  Wochenschrift,  i835). 

Henri  Hunt  cite  un  cas  de  guérison  de  névralgie  non 
intermittente  de  la  face  par  la  liqueur  arsenicale  (i). 
Makenzie  fait  remarquer  à  propos  de  la  névralgie  cir- 
cumorbitaire  qu'il  existe  de  nombreux  exemples  de 
l'efficacité  de  l'arsenic  dans  cette  maladie,  et  suivant 
lui  dans  l'hémicrânie,  lorsque  le  quinquina  échoue,  la 
solution  arsenicale  se  montre  très-souvent  utile  (2). 

Konigsfeld  a  publié  une  fort  belle  observation  de 
prosopalgie  gauche  périodique  ayant  résisté  pendant 
plusieurs  années  ù  grand  nombre  de  médecins  et  de 
remèdes.  Trois  prises  d'arsenic  à  un  quarantième  de 
grain  suffirent  pour  faire  disparaître  complètement  un 
mal  qui  jusqu'alors  avait  été  si  rebelle  (Med.  Zeitung 
von  Preussen,  1842). 

Il  ne  faut  pas  s'étonner,  d'après  les  travaux  existant 
déjà  sur  l'arsenic  et  l'attention  particulière  que  lui  a 
donnée  M.  Boudin,  que  ce  médecin  ait  été  amené  à  re- 
commander sa  solution  arsenicale  contre  les  névralgies 
en  général,  et  contre  celle  du  trifacial  en  particulier. 
On  lit  dans  un  rapport  d'une  commission  de  la  société 
médicale  de  Marseille  que  la  commission,  en  répétant  les 
expériences  de  M.  Boudin,  a  vu  guérir  par  l'arsenic 
15  fièvres  intermittentes  sur  16,  dont  10  quotidiennes, 
2  tierces,  deux  céphalalgies  nocturnes  et  une  héméralopie. 

(1)  De  l'usage  de  l'arsenic  dans  quelques  affections  de  l'utérus  (obs.  5). 

(2)  Traité  pratique  des  maladies  des  yeux.  Paris  *8M. 

TOME  XXXII.  —  JUILLET  1870.  3 


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34  PATHOGÉNIE  ET  THERAPEUTIQUE. 

La  solution  aqueuse  et  la  poudre  d'acide  arsénieux, 
dk  à  ce  sujet  Trousseau,  ont  été  employées  sur  une 
large  échelle  par  M.  Boudin  contre  les  névralgies.  Il 
affirme  avoir  constamment  réussi  quand  la  névralgie 
présentait  un  type  périodique  prononcé,  beaucoup 
moins  lorsque  cette  condition  n'existait  pas. 

M.  Masselot  a  cité  également  deux  observations  de 
céphalalgie  intermittente  sus-orbi taire  guérie  par  l'ar- 
senic. 

Observation  VI. 

Une  dame  âgée  de  40  ans  vint  consulter  le  Dr  John  Waters  pour 
des  douleurs  atroces  qu'elle  ressentait  depuis  trois  ans  dans  un  des 
cotés  de  la  mâchoire  inférieure  ;  c'était  une  névralgie  du  rameau 
externe  du  nerf  dentaire  inférieur.  La  douleur  donnait  à  la  malade 
la  sensation  d'une  commotion  électrique  accompagnée  des  élance- 
ments les  plus  vifs,  le  tout  arrivant  sans  signes  précurseurs  à  son 
maximum  d'intensité,  et  s'en  allant  aussi  soudainement.  Un  inter- 
valle de  quatre  à  cinq  minutes  au  plus  séparait  l'un  de  l'autre  ces 
accès;  santé  profondément  altérée. 

Ablation  de  six  ou  sept  dents,  fer,  morphine,  vératrine,  vésica- 
toire,  sangsues,  etc.,  tout  avait  été  employé  sans  succès.  M.  Waters 
administre  d'abord  la  strychnine  associée  à  l'iodurc  de  fer  et  à 
l'extrait  de  ciguë,  et  en  même  temps  un  vésicatoire  saupoudré  de 
morphine  :  accès  plus  éloignés  et  moins  longs,  puis  il  emploie  le 
sulfate  de  quinine  mélangé  à  l'aloès  et  au  sulfate  de  fer.  Persis- 
tance de  la  névralgie. 

Ce  fut  alors  qu'il  eut  recours  à  la  solution  d'arsenic,  administrée 
deux  fois  par  jour  à  la  dose  de  cinq  gouttes,  portée  graduellement 
jusqu'à  quarante.  Dès  le  sixième  jour,  amélioration  notable  dans 
l'intensité  des  symptômes  ;  la  douleur  même  était  calmée  au  point 
de  permettre  à  la  malade  de  ne  plus  porter,  comme  elle  le  faisait 
auparavant,  les  mains  au  menton  pendant  les  accès.  Le  sommeil 
avait  cesse  d'être  interrompu.  Santé  générale  meilleure,  et  dans 
l'espace  d'un  mois,  cette  dame  était  entièrement  délivrée  de  son 
mal.  La  guéiïson  ne  s'est  pas  démentie.  (J.  Wuteis,  Provincial  med . 
journal,  18i3.) 

Observation  VII. 
Névralgie  su$-orbUaire  droite.  —  Depuis  deux  mois  environ,  re- 


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MÉMOIRE  SUR  l'aRSE^IC  DANS  LES  NKVRALGIES.  35 

paraissant  tous  les  jours  à  sept  heures  du  matin,  ayant  résisté  au 
quinquina ,  à  la  quinine ,  aux  vésicatoires ,  aux  narcotiques ,  etc. 
Administration  d'un  centigramme  d'acide  arsénieux  mêlé  à  du  sucre, 
divisé  en  vingt  paquets.  Un  paquet  six  heures  avant  l'accès.  Guérison 
après  l'emploi  du  sixième.  L'auteur  cite  un  second  succès  de  l'ar- 
senic dans  un  autre  cas  analogue  qui  avait  résisté  au  sulfate  de 
quinine,  uni  à  l'opium.  (Gruère,  Journal  de  médecine  et  de  chirurgie, 
1846.) 

M.  Liégey  a  administré  l'arsenic  avec  succès  dans  les 
douleurs  névralgiques  consécutives  au  zona. 

Observation  VIII. 

Une  demoiselle  d'une  quarantaine  d'années,  très-sujette  à  des 
névralgies  sus-orbitaires  et  temporales,  est  prise,  û  la  suite  d'un 
refroidissement,  de  douleurs  névralgiques  atroces  qui  semblaient 
partir  de  la  bosse  occipitale,  s'irradiant  aux  tempes,  à  la  face  et  au 
menton;  la  malade  poussait  des  cris  déchirants.  25  gouttes  de  tein- 
ture de  Fowler  dans  30  grammes  d'eau,  à  prendre  10  gouttes  trois 
fois  par  jour.  La  première  dose  fut  administrée  à  dix  heures  du 
matin  ;  vers  les  onze  heures,  les  douleurs  commencèrent  à  se  cal- 
mer et  la  malade  s'assoupit  un  peu  ;  une  seconde  dose  fut  donnée  à 
une  heure  et  demie;  les  douleurs  s'éteignirent  peu  a  peu  et  avaient 
disparu  complètement  vers  les  quatre  heures  du  soir.  (Dieu- 
donné,  1848). 

J'ai  vu  l'arsenic,  dit  M.  Delioux,  balancer  l'influence  du 
sulfatede  quinine,  etle  surpasser  souvent  en  présencedes 
accès  névralgiques  ;  dans  plusieurs  cas  de  cette  nature, 
je  l'ai  vu  enlever  si  rapidement  et  si  complètement  les 
retours  périodiques  de  la  douleur,  que  j'ai  été  amené, 
sinon  à  le  préférer  exclusivement,  du  moins  à  l'em- 
ployer en  première  ligne  contre  les  névralgies  intermit- 
tentes {Bull,  de  Thérapeutique,  1853). 

Dans  les  névralgies  rebelles,  ajoute  M.  Trousseau, 
dans  celles  surtout  qui  reviennent  périodiquement,  le 
quinquina  et  le  sulfate  de  quinine  ont  besoin  d'être 
administrés  à  des  doses  si  considérables,  qu'il  en  résulte 


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36"  PATHOGÉNIE  ET  THÉRAPEUTIQUE. 

souvent  des  accidents  du  côïé  du  système  nerveux  et 
des  organes  de  la  digestion.  La  maladie  d'ailleurs  repa- 
raît fréquemment  malgré  le  quinquina,  et  le  moyen 
reste  alors  insuffisant.  C'est  dans  ce  cas  que  les  prépa- 
rations arsenicales  rendront  des  services  qu'on  deman- 
derait en  vain  à  tout  autre  moyen. 

Il  n'est  pas  douteux,  dit  M.  Frémy,  qu'on  peut  em- 
ployer avec  succès  l'arsenic  dans  le  traitement  de  cer- 
taines douleurs,  avec  exacerbations  plus  ou  moins 
franchement  périodiques  et  pouvant  s  elre  manifestées 
en  dehors  de  l'intoxication  paludéenne.  J'ai  été  pour 
mon  compte  à  même,  tout  dernièrement,  d'observer 
un  cas  de  névralgie  de  nature  rhumatismale  affectant 
certaines  portions  du  nerf  facial,  et  cela  depuis  des 
années,  maladie  qui  avait  résisté  au  sulfate  de  quinine, 
et  qui  céda  en  l'espace  de  quelques  jours  à  l'emploi  de 
quatre  gouttes  de  teinture  de  Fovvler.  J'employai  égale- 
ment avec  succès  la  même  liqueur  dans  le  cas  suivant  : 

Observation  IX. 

Une  jeune  demoiselle,  tourmentée  depuis  plus  d'une  année  par 
des  névralgies  rhumatismales  erratiques  donnant  lieu  à  des  accès 
de  fièvre  irrégnlicrs,  vit  également  tous  ces  accidents  disparaître 
sous  l'influence  de  la  même  dose  de  liqueur  de  Fowler  ;  l'appétit 
revint  d'une  manière  remarquable,  et  un  certain  degré  d'engrais- 
sement avec  coloration  du  teint  fit  cesser  complètement  les  acci- 
dents de  chloro-ancmie  que  la  durée  de  cette  maladie  avait  déter- 
minés (Frémy,  Moniteur  des  hôpitaux,  1857). 

Le  docteur  Lopez,  médecin  espagnol,  donne  une  sta- 
tistique de  886  guérisons  d'adultes  traités  pour  fièvres 
intermittentes  par  l'arsenic.  Dans  ce  nombre  figurent 
19  névralgies  périodiques  qui  n'avaient  été  soumises  à 
aucun  traitement  antérieur.  (El porvenirmedico,  1854.) 

Imbert-Gourbeyre. 


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LEÇONS  CLINIQUES. 


37 


MÉDECINE  PRATIQUE 


LEÇONS  CLINIQUES  DU  D'  JOUSSET. 

EÉDIGKES  PAR  LE  Dr  JABLON3KI. 

DEUXIÈME  LEÇON. 

De  la  phthisie  pulmonaire. 
Messieurs , 

C'est  à  Laënnec  que  revient  l'honneur  d'avoir  con- 
stitué Vunité  de  la  phthisie  pulmonaire. 

On  lit,  en  effet,  au  chapitre  1er  de  son  Traité  de  raus- 
ctdtatton  :  o  Les  progrès  de  l'anatomie  pathologique  ont 
démontré  jusqu'à  l'évidence  que  la  phthisie  pulmonaire 
est  due  au  développement,  dans  le  poumon,  d'une  espèce 
particulière  de  production  accidentelle  à  laquelle  les 
anatomistes  modernes  ont  appliqué  spécialement  le  nom 
de  tubercule,  donné  autrefois,  en  g-énéral,  à  toute  espèce 
de  tumeur  ou  de  protubérance  contre  nature.  • 

D'après  le  môme  auteur,  la  matière  tuberculeuse  se 
développe  sous  deux  formes  principales,  celles  de  corps 
isolés  et  d'infiltrations  ;  chacune  de  ces  formes,  ou  sortes, 
présente  plusieurs  variétés  qui  tiennent  principalement 
à  leurs  divers  degrés  de  développement. 

Les  tubercules  isolés  présentent  quatre  variétés  princi- 
pales appelées  par  Laënnec  tubercules  miliaires,  tubercules 
crus,  granulations  tuberculeuses  et  tubercules  enkystés. 

L'infiltration  tuberculeuse  présente  également  trois 
variétés  :  ['infiltration  tuberculeuse  informe,  Yinfiltration 
tuberculeuse  grise  et  V infiltration  tuberculeuse  jaune. 

Quelle  que  soit  la  forme  sous  laquelle  se  développe  la 
matière  tuberculeuse,  elle  se  ramollit  au  bout  d'un  cer- 


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38  MÉDECINE  PRATIQUE. 

tain  temps,  devient  caséi forme,  et  expulsée  par  les  bron- 
ches, laisse  à  sa  place  des  cavités  connues  sous  le  nom 
d'ulcères  du  poumon  ou  excavations  tuberculeuses. 

L'opinion  de  Laënnec  fut  adoptée  par  le  plus  grand 
nombre  des  médecins,  et  l'unité  de  la  phthisie  semblait 
établie  d'une  matière  indiscutable,  lorsque  le  chef  de 
l'école  micrographique  moderne,  l'illustre  professeur 
Virchow  formula  une  théorie  nouvelle,  basée  sur  les 
trois  propositions  suivantes  : 

1°  Le  tubercule  miliaire  est  un  tissu  morbide  ; 

2°  Le  tubercule  infiltré  est  un  produit  de  l'inflamma- 
tion; 

3°  La  caséi fication  n'est  pas  propre  au  tubercule,  comme 
on  le  croyait  autrefois.  Le  pus  et  tous  les  produits  de 
l'inflammation,  le  cancer,  les  g'ang'lions  lymphatiques 
peuvent  arriver  à  l'état  caséeux;  tous  les  états  caséeux 
se  ressemblent,  et  il  est  absolument  impossible  de  les 
distinguer. 

De  là  est  venue  une  scission  entre  les  nosologristes,  les 
uns  (Empis)  appelant  tubercule  et  phthisie  tuberculeuse 
l'aflection  caractérisée  par  des  productions  caséeuses 
(tubercules  jaunes  des  auteurs);  les  autres  réservant  le 
nom  de  tubercule  et  de  phthisie  tuberculeuse  à  la  pro- 
duction de  granulations  miliaires  grises  dans  le  poumon. 
Le  tubercule  infiltré  de  Laënnec  ne  serait,  pour  ces  der- 
niers, qu'un  produit  de  l'inflammation,  une  pneumonie 
caséeuse. 

Celte  dernière  opinion  a  été  défendue  avec  beaucoup 
de  talent  par  le  professeur  Niemeyer  (de  Tubing*enî. 
Pour  cet  auteur,  comme  pour  Broussais ,  la  phthisie 
n'est  autre  chose  qu'une  pneumonie  chronique.  La  vraie 
phthisie  tuberculeuse  devient  extrêmement  rare  et  est 
constituée  exclusivement  par  les  granulations  tubercu- 
leuses, en  un  mot,  c'est  la  granulie. 


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LEÇONS  CLINIQUES.  39 

Quant  aux  tubercules  vrais  qui  accompagnent  sou- 
vent la  phthisie  caséeuse,  ils  ne  sont  qu'une  complica- 
tion, et,  d'après  quelques  pathologistes,  un  produit  Je 
Finfection  par  la  matière  caséeuse,  comme  les  abcès  mé- 
tastatiques  sont  le  résultat  de  l'infection  purulente. 

Niemeyer  conclut  de  ces  prémisses  :  1°  que  la  phthi- 
sie n'est  pas  la  plupart  du  temps  une  maladie  constitu- 
tionnelle, mais  une  affection  accidentelle,  comme  toutes 
les  inflammations;  2*  que  la  phthisie  est  parfaitement 
curable,  surtout  quand  elle  offre  les  signes  suivants  : 
malité  relative  bien  marquée,  raies  fins  et  humides, 
souffle  simple  etamphorique,  mouvement  fébrile  rémit- 
tent proportionnel  aux  lésions. 

D'après  Niemeyer,  cette  phthisie  à  grosses  lésions 
et  à  signes  slélhoscopiques  accentués  est  la  seule  cu- 
rable, parce  que  c'est  la  phthisie  caséeuse. 

La  phthisie  tuberculeuse  véritable,  la  granulie,  reste 
aussi  incurable  que  du  temps  de  Laënnec. 

Niemeyer  dit  encore  :  La  pneumonie  fîbrineuse,  la 
pneumonie  catarrhale  chronique,  le  catarrhe  bronchi- 
que, la  pneumorrhagie  sont  les  causes  pathologiques  de 
la  phthisie  caséeuse,  puisque  ces  affections  produisent 
des  lésions  qui  se  terminent  par  caséificalion. 

k  cela  je  réponds  qu'il  est  très-aventureux  de  venir 
renverser  toutes  les  idées  reçues  sur  une  maladie  aussi 
connue  que  la  phthisie  en  prenant  pour  point  de  départ 
une  hypothèse  micrographique.  Je  dis  hypothèse,  car 
qu'y  a-t-il  de  vrai  en  histologie?  Personne  ne  le  sait,  pas 
même  Virchow,  car  il  a  dit  (i  )  :  «  Chaque  jour  apporte  de 
nouvelles  découvertes,  mais  aussi  de  nouveaux  doutes 
sur  la  valeur  des  découvertes  antérieures.  Y  a-t-il  quel- 
que chose  de  positif  en  histologie?  demande- t-on;  y  a- 

(i)  Pathologie  cellulaire,  p.  3 


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40  MÉDECINE  PRATIQUE. 

t-il  un  point  sur  lequel  tous  les  observateurs  soient 
d'accord?  7/  ri  y  en  a  peut-être  pas  un.  » 

J'ajouterai  que  les  produits  morbides  de  la  phtbisie 
pulmonaire  et  de  la  pneumonie  caséeuse  n'ont  jamais 
pu  être  distingués  ni  par  l'examen  à  l'œil  nu,  ni  par 
l'examen  microscopique. 

L'examen  oculaire,  ou  macroscopique,  nous  montre 
des  deux  côtés  un  produit  analogue  arrivant  à  la  caséi- 
fïcation,  niais  dans  un  cas  la  transformation  caséeuse 
succède  à  des  tubercules  miliaires,  et  dans  l'autre  cas  à 
un  état  gélatiniforme  du  poumon. 

Au  point  de  vue  du  microscope,  on  a  trouvé  dans  la 
phthisie  tuberculeuse  des  cellules  spéciales,  et  dans  les 
pneumonies  caséeuses  des  cellules  épithêliales.  Sans  doute, 
les  cellules  épithêliales  de  la  pneumonie  caséeuse  prou- 
vent qu'il  y  a  eu  un  processus  inflammatoire,  mais  ce 
processus  peut  parfaitement  être  consécutif  a  la  tuber- 
culisation.  Quant  aux  cellules  spéciales,  caractéristiques 
du  tubercule,  elles  sont  malheureusement  inconnues  à 
la  plupart  des  micrographes.  Les  cijtoblastions ,  par 
exemple,  se  rencontrent,  non-seulement  dans  le  tuber- 
cule, mais  aussi  dans  la  gomme  syphilitique  et  dans  la 
tumeur  morveuse.  11  en  est  de  même  des  cellules  jeunes 
ou  indifférentes  qui  se  rencontrent  également  dans  la 
phthisie  et  dans  la  pneumonie  caséeuse,  avec  cette  dif- 
férence, que  dans  le  second  cas,  elles  se  caséifient  pré- 
maturément et  n'atteignent  jamais  leur  développement 
complet. 

En  résumé,  dans  la  véritable  phthisie  pulmonaire  (et 
dans  cette  dénomination  nous  confondons  à  dessein  la 
granulie  et  la  pneumonie  caséeuse),  dans  la  phthisie, 
ai -je  dit,  la  lésion  est  tantôt  en  masse,  tantôt  en  granu- 
lations. Cette  lésion  commence  dans  tous  les  cas  par  un 
état  demi-transparent  pour  aboutir  à  un  état  caséeux, 


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LEÇONS  CLINIQUES.  41 

mais  lorsque  la  lésion  est  en  masse,  le  processus  est  tou- 
jours inflammatoire,  tandis  qu'il  ne  l'est  que  rarement 
quand  la  lésion  apparaît  sous  forme  de  granulations.  Il 
y  a  donc  identité  de  lésions  avec  différence  dans  le  pro- 
cessus, ce  qui  revient  à  dire  avec  J.-P.  Tessier  et  son 
école  que  «  les  néoplasies  (pus,  cancer,  tubercules,  etc.) 
se  développent  par  deux  mécanismes  différents,  avec 
ou  sans  inflammation.  » 

Ainsi,  sur  le  terrain  même  de  l'anatomie  pathologi- 
que, l'opinion  de  Virchow  et  de  Niemeyer  est  donc  com- 
plètement vulnérable,  et  c'est  là  une  de  ces  Fantaisies  si 
fréquentes  à  notre  époque,  fantaisies  éphémères  qui 
naissent  au  milieu  du  bruit,  et  disparaissent  silencieuse- 
ment sans  laisser  de  traces. 

Messieurs,  j'ai  réussi,  je  pense,  à  vous  démontrer  que 
la  théorie  des  pneumonies  caséeuses  n'est  pas  soute- 
nable  sur  le  terrain  de  l'anatomie  pathologique,  je  vais 
vous  prouver  maintenant  que  cette  théorie  devient 
monstrueuse  si  nous  entrons  dans  le  domaine  de  la 
clinique. 

Il  suffit,  pour  démontrer  la  fausseté  de  cette  opinion, 
d'en  détacher  les  deux  conséquences  principales  : 

1°  La  plupart  des  cas  de  phthisie  sont  indépendants 
de  toute  disposition  constitutionnelle  ou  générale.  Ce 
sont  des  inflammations  catarrhales  ou  fibrineuses  qui 
tournent  mal  et  se  caséifient  chez  des  individus  trop 
vulnérables  (Niemeyer). 

Quel  est  le  praticien  qui  n'a  pas  vu  des  individus 
faibles  et  cachectiques  supporter  des  rhumes  et  des 
pneumonies  sans  se  caséifier?  Ce  fait  est  fréquent,  en 
particulier,  chez  les  chlorotiques,  les  cachectiques  palu- 
déens, les  névropathiques.  Qui  n'a  vu  au  contraire  des 
individus  vigoureux  devenir  phthisiques  par  cette  seule 
raison  qu'ils  comptaient  des  phthisiques  et  des  scrofu- 


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42  MÉDECINE  PRATIQUE. 

leux  dans  leur  famille?  Quel  est  le  pathologiste  qui  ne 
sait  pas  reconnaître  les  grands  traits  de  la  disposition 
phthisique  et  qui  ne  connaît  sa  parenté  avec  la  scrofule? 
Comment  donc  soutenir  qu'il  ne  s'agit  ici  que  d'une 
inflammation  ordinaire  et  locale  comme  la  pneumonie 
franche  et  le  phlegmon  ? 

2"  Les  partisans  de  la  pneumonie  caséeuse  disent  que 
c'est  une  affection  essentiellement  curable.  On  retrouve 
cette  opinion  chez  les  médecins  de  la  spécialité  (spécia- 
lité illégitime  et  indigne,  s'il  en  fût)  ;  on  la  retrouve 
aussi  chez  quelques  médecins  d'eaux,  mais  Niemeyer 
est  le  premier  professeur  de  clinique  qui  se  soit  hasardé 
sur  un  semblable  terrain. 

Quelle  que  soit  la  théorie  que  l'on  adopte  sur  sa  pa- 
thogénésie,  la  plithisie  est  toujours  cette  maladie  recon- 
nue comme  presque  fatalement  incurable  par  tous  les 
grands  médecins,  depuis  Hippocrate  jusqu'à  Laënnec. 
Ce  n'est  pas  la  théorie  des  produits  hétérologues  qui 
rend  la  phthisie  presque  constamment  mortelle,  c'est 
sa  nature  même.  C'est  en  effet  une  maladie  générale, 
s'il  en  lût,  maladie  dont  le  tubercule  ou  lu  caséitication 
ne  sont  qu'une  lésion,  un  effet  local;  mais  la  maladie 
occupe  tout  le  sujet,  ses  liquides  et  ses  solides,  elle  les 
modifie  et  les  transforme,  elle  atteint  la  vie  dans  ses 
sources  et  résiste  à  nos  traitements  médicaux,  parce 
qu'elle  a  altéré  profondément  les  forces  végétatives. 
Dire  que  la  phthisie  est  une  maladie  locale,  c'est  là 
une  aberration  digne  de  l'organicisme  microgra- 
phique. 

Donc,  la  phthisie  est  tout  aussi  peu  curable  depuis  la 
découverte  de  la  pneumonie  caséeuse  qu'elle  l'était 
avant,  et  la  preuve,  c'est  que  Niemeyer,  qui  tient  pour 
la  curabilité,  ne  cite  point  d'observations  de  guérison 
de  phthisiques  et  nous  le  mettons  au  défi  de  trouver  un 


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LEÇONS  CLINIQUES.  43 

seul  cas  de  jruérison  dune  phlhisie  bien  confirmée. 
Notez  que  Niemeyer  prétend  que  les  phthisies  qui  pré- 
sentent les  lésions  les  plus  graves  (pneumonies  ca- 
séeuses)  sont  celles  qui  guérissent  le  mieux.  J'affirme 
qu'il  en  est  tout  autrement.  J'ai  trente  années  de  pra- 
tique médicale  sur  un  vaste  théâtre,  et  je  ne  connais 
qu'un  petit  nombre  de  phthisiques  qui  aient  survécu  aux 
lésions  énormes  de  la  phthisie  caséeuse,  tandis  que  je 
possède  un  certain  nombre  d'observations  de  malades 
ayant  présenté  quelques-uns  des  signes  d'une  phlhisie 
commençante  et  qui,  par  un  mode  de  traitement  appro- 
prié, ont  recouvré  une  santé  complète. 

Messieurs,  je  ne  veux  pas  continuer  plus  longtemps 
cette  discussion  déjà  trop  longue.  Retenez  bien  toutefois 
les  principes  suivants  : 

1°  La  phthisie  est  une  affection  de  î arbre  respiratoire  ca- 
ractérisée  anatomiquernent  par  le  tubercule  et  r ulcère.  Il  est 
démontré,  en  effet,  par  les  recherches  des  anatomo-pa- 
thologistes  modernes  qu'il  existe  chez  les  phthisiques, 
indépendamment  des  ulcérations  tuberculeuses  des  w/- 
cèrations  simples.  Ces  ulcérations  simples  se  rencontrent 
habituellement  dans  l'intestin  ou  sur  la  muqueuse  res- 
piratoire. 

2°  La  phthisie  survient  ou  comme  forme  fixe  primitive 
de  la  scrofule,  ou  comme  affection  principale  dans  le 
cours  d'une  scrofule  déforme  commune  ou  enfin  pendant 
la  période  de  cachexie  dans  toutes  les  formes  de  la  scro- 
fule et  même  dans  la  cachexie  de  plusieurs  autres  ma- 
ladies comme  le  diabète  et  l'albuminurie. 

3°  La  phthisie  est  manifestement  héréditaire  comme 
toutes  les  affections  scrofuleuses  ;  il  est  fréquent  d'obser- 
ver des  familles  dans  lesquelles  tous  les  enfants  meurent 
successivement  de  phthisie  pulmonaire;  dans  d'autres 
familles,  la  phthisie  alterne  avec  des  affections  scrofu- 


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44  SÉMÉIOTIQUE. 

leuses  diverses;  enfin,  dans  un  bon  nombre  de  cas,  la 
phthisie  apparaît  isolément. 

4°  Enfin  le  climat  et  le  régime  ont  une  grande  influence 
sur  le  développement  et  la  marche  de  la  phthisie.  C'est 
ce  que  je  vais  essayer  de  vous  démontrer  en  vous  par- 
lant du  traitement  de  cette  affection. 

J.  Jablouski. 


SÉMÉIOTIQUE 


BRUITS  INTRA-CARDIAQUES  OU  BRUITS  MORBIDES  OU 
ANORMAUX  QUI  SE  DÉVELOPPENT  A  L'INTÉRIEUR  DU 
COEUR  ET  SURTOUT  A  SES  ORIFICES. 


•  The  accession  of  auscultation 
to  the  othor  means  of  diagnosis, 
bas  rendered  it  possible  to  distin- 
guish  valvular  disease,  bolh  in 
gênerai  and  in  parlicuiar,  \*ith 
almost  complète  certainty  :  a  cer- 
tainty,  it  may  be  remarked.  much 
grealer  than  was  supposed  by  the 
illustrions  author  of  auscultation 
himself.  »  (Hope.  Diseates  of  the 
heart,  tbird  edit.,  1839,  p.  382.) 

•  If  il  bo  said  that  particular 
valvular  diagnosis  is  a  useless  refi- 
neraent,  it  may  bo  repliod  tliat  non- 
auscultators  used  to  say  the  same 
of  auscultation  in  gênerai.  »  (Ibid, 
p.  390  et  391.) 


«  L'auscultation  ens'ajoutanl  aux 
autres  moyens  do  diagnostic,  a 
rendu  possible  la  distinction  des 
maladies  valvulaires  tant  en  géné- 
ral qu'en  particulier,  avec  la  plus 
grande  certitude  :  certitude,  il  faut 
le  dire,  beaucoup  plus  grande  que 
ne  le  pouvait  supposer  l'illustre 
auteur  lui-même  de  l'ausculta- 
tion. > 


«  Si  l'on  me  dit  que  le  diagnostic 
précis  du  siège  de  la  maladie  sur 
telle  ou  telle  valvulo  est  un  raf- 
finement inutile,  je  répondrai  que 
ceux  qui  n'étaient  pas  auscultateurs 
avaient  l'habitude  d'en  dire  autant 
de  l'auscultation  en  général.  » 

«  La  méthode  de  l'auscultation  a  sans  doute 
éclairé  beaucoup  le  diagnostic  des  maladies  du 
cœur.  Elle  donno  souvent  de  très-utiles  et  d'in- 
dispensables renseignements,  et  on  ne  doit  jamais 
négliger  d'y  avoir  recours.  Mais  seule,  et  sans 
l'aide  des  autres  signes,  elle  ne  pourrait  que 
rarement  révéler  d'une  manière  certaine  l'exis- 
tence de  ces  maladies....  s  Andral. 

«  On  s'est  trop  habitué  depuis  une  quaran- 
taine d'années  à  faire  de  l'auscultation  la  clef  de 


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BRUITS  INTRA-CARDI AQUES .  45 

voûte  de  l'étude  clinique  des  maladies  du  cœur 
et  à  faire  dépendre  exclusivement  le  diagnostic 
de  la  détermination  exacte  de  l'orifice  malade. 

Ce  n'est  là  qu'un  des  élémont*  qui  entrent  dans 
la  constilulion  d'une  maladie  du  cœur...  (M.  Ray- 
naud,  p.  575  du  t.  VIII  du  Nouveau  dict.  de  mèd.  et 
de  chir.  pratiques.  Paris,  1868.) 

SYNONYMIE. 

Bruits  de  frottement  endocardiaqves  (Gendrin.  Leçons  sur  les  mal. 
du  cœur,  t.  I,  p.  100  etsuiv.). 

Bruit  de  soufflet  du  cœur  (Laênnec.  Ausc.  mèd.,  2*  èdit.,  t.  II, 
p.  421). 

Bruits  de  souffle  (Barth  et  Roger.  Traité  prat.  dausc,  7»  édit., 
p.  362). 
Souffle  infra-cardiaque. 
Smurrus. 

Murmure  cardiaque. 

Souffles  endocardiques  (Sée.  Nouveau  dict.  de  mèd.  et  de  cuir, 
prat.,  art.  Asthme,  t.  III,  p.  695.) 

Murmurs  (Forbe?,  cité  par  Bellingham.  In  Diseases  of  the  heart, 
p.  132,  et  par  Flint.  In  Diseases  of  the  heart,  p.  177.  —  Hope, 
Diseases  of  the  heart,  3'  édit.,  p.  70.  —  William  Stokes.  Diseases 

OF  THE  HEART,  p.  103;  Dublin,  1834). 

Endocardial  murmurs  (W.  A.  Walshe.  Diseases  of  the  heart, 
p.  83  de  la  3°  édit.— C.  J.  B.  Williams.  The  pathology  and  diaono- 

SIS  OF  DISEASES  OF  THE  CHKST.,  4«  édit.,  p.  215). 

Murmur  endocardial  (Latham.  Lectures  on  subjects  connected 
with  CLiMCAL  medicine,  2'  édit.,  p.  97  du  vol.  I,  2*  édit.). 

Endocardial  or  valtular  murmurs  (O'Bryen  Bellingham.  Diseases 
of  the  heart,  p.  133.  —  Flint.  Diseases  of  the  heart,  p.  176.  — 
Belloics  sound  often  dexominated  murmurs  (Watson.  Lon don- 
médical  Gazette,  t.  XXIX,  p.  566,  for  session  1841-42). 

Skoda  désigne  sous  le  nom  de  murmures  (Geriiusch)  tous  les 
bruits  anormaux  du  cœur,  de  soufilc,  de  scie,  de  rape,  etc.  (p.  177 
de  led.  de  Vienne,  1854). 

Ce  sont  :  les  bruits  de  souffle,  de  soufflet,  de  râpe,  de 
lime,  de  scie,  de  parchemin,  de  sifflement,  de  piaule- 
ment, de  roucoulement,  etc.,  dont  nous  avons  parlé.  * 


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46  séMélOTIQUB. 

Leur  nom,  a  dit  avec  raison  M.  Bouillaud  (p.  167  de 
sa  première  édition,  et  192  et  suiv.  de  la  deuxième), 
est  la  meilleure  définition  qu'on  en  puisse  donner;  il  en 
est  la  description  la  plus  exacte. 

Laënnec(  1  )  les  a  groupés  sous  le  nom  générique  de  bruit 
de  soufflet,  «  parce  que,  dans  le  plus  grand  nombre  des 
cas,  ils  ressemblent  exactement  à  celui  que  produit  cet 
instrument  lorsqu'on  s'en  sert  pour  animer  le  feu,  »  ils 
ont  été  désignés  pour  la  première  fois  par  Forbes,  au 
rapport  des  D"  Bellingham  (2)  et  Flint  (3),  sous  le  nom 
de  murmures  (murmurs). 

Cette  expression  a  depuis  été  généralement  adoptée 
en  Angleterre  et  en  Amérique,  et  on  la  trouve  déjà  dans 
plusieurs  ailleurs  français. 

—  Les  principales  variétés  du  bruit  de  soufflet  sont, 
d'après  Laënnec  (2*  édit.,  p.  422),  le  bruit  de  scie  ou 
de  râpe,  le  bruit  de  soufflet  musical  ou  sibilant  (4). 

M.  Bouillaud  (o)  a  comparé  très-heureusement  le  bruit 
de  scie  au  son  prolongé  de  la  lettre  S  :  ssss. 

—  Il  a  comparé  également  au  son  prolongé  de  la 
lettre  R  :  rrrr,  un  murmure,  qu'on  entend  quelquefois 

(t)  Laflnnec,  Traité  de  V  auscultation  médiate,  *  édit.  Paris,  4826,  t.  II, 
p.  421. 

(2)  O'Bryen  Bcllingham.  —  «  Abnormal  sounds  developed  during  the 
heart's  action  were  first  nomed  murmurs,  by  Dr  Forbes,  and  this  lerm 
bas  been  very  gène  rail  y  adopted  since.  »  (A  treat.  on  diseases  of  the  keart. 
Dublin,  4833  et  4857,  p.  432.) 

(3)  Austin  Flint.  —  o  Murmur,  first  proposed  by  D""  Forbes,  of  London, 
is  sufûciently  dislinctive  and  convenient,  so  that  it  is  quite  needless, 
in  tbis  instance,  to  have  recourse  to  a  foreign  longue.  »  (A  pract.  treat. 
on  the  diagnosis,  pathology  and  treatment  of  diseases  of  the  heart.  Philadel- 
pbia,  1859,  p.  177.) 

(t)  a  Celle  variété,  disait  Laënnec,  ne  se  présente  que  dans  les  artères, 
ou  au  moins  je  ne  l'ai  jamais  rencontrée  dans  le  cœur.  *  (Traite  de  l'aus- 
cultation médiate,  2*  édit.,  t.  Il,  p.  423.) 

(5)  J.  Bouillaud.  —  Traité  clin,  des  mal.  du  cœur,  4"  édit.,  1. 1,  p.  168; 
2«  édit.,  1. 1,  p.  193. 


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BRUITS  INTRÀ-CARDI AQ UES .  4  ' 

au  niveau  du  cœur,  et  qui  rappelle  assez  bien  le  bruit 
de  rouet. 

—  Le  même  auteur  (1)  a  entendu  distinctement,  pen- 
dant un  mouvement  d'aspiration  du  sang'  à  travers  un 
orifice  rétréci,  une  variété  du  bruit  de  soufflet  (2)  qui, 
au  lieu  de  ressembler  au  bruit  que  Ton  produit  en  souf- 
flant une  chandelle,  donne,  au  contraire,  la  sensation 
qui  accompagne  l'aspiration  brusque,  instantanée,  d'une 
petite  colonne  d'air  à  travers  les  lèvres  rapprochées  pres- 
que exactement. 

—  M.  Bouillaud  (3)  a  entendu  vers  1828,  avec  le 
Dp  Mouret,  un  cri  analogue  au  miaulement  d'un  jeune 
chai,  isochrone  aux  battements  du  cœur. 

—  II  croit  de  plus  avoir  observé,  le  premier,  un  son 
musical,  un  véritable  sifflement  imitant  le  cri  ou  le  rou- 
coulement de  certains  oiseaux. 

—  D'autres  fois  il  a  perçu  un  sifflement  roucoulant, 
un  cri  de  scie  fort  aigu,  un  bruit  analogue  au  piaulement 
d'un  jeune  poulet,  au  roucoulement  d'une  tourterelle  ou 
d'un  pigeon, 

—  John  Elliotson  a  trouvé  quatre  fois  le  bruit  anor- 
mal du  cœur  tout  à  fait  semblable  au  roucoulement 
d'une  colombe. 

Dans  un  cas,  ce  bruit  était  si  fort,  qu'on  pouvait  l'en- 
tendre à  un  pied  de  distance  du  malade. 

L'auteur  a,  dans  un  de  ces  cas,  assigné  le  temps  de  la 
production  du  roucoulement  au  moment  qui  suivait  le 
battement  du  cœur  et  il  l'a  rapporté,  en  se  fondant  sur 

(4)  Bouillaud,  Traité  clin,  des  mal.  du  cœur,  4"  édit.  t.  I,  p.  467  ou 

p.  193. 

(4)  Nous  retrouvons  ce  bruit,  avec  le  caractère  d'aspiration,  dans  la 
description  faito  par  Hopo,  du  bruit  de  l'insuffisance  aorlique.  Les  trois 
observations  dans  lesquelles  il  l'a  rencontré  sont  de  4838.  Voyez  les 
pages  58U,  589  et  593  de  la  3°  édition  de  son  Traité  dks  maladies  du 
coeur.  London,  4839. 

(3)  Bouillaud,      édit.,  p.  4b8i  *•  édil.,  p.  494. 


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48  SÉMÉIOTIQUE. 

sa  position,  à  la  valvule  mitrale.  (Lumleyan  Lectures, 
i"col.  de  la  p.  15.  In-folio.  London,  1830.) 

—  Flint  a  entendu  un  bruit  tout  à  fait  semblable  au 
coassement  d'une  grenouille,  lorsqu'il  auscultait  à  dis- 
tance, et  il  ne  l'entendait  plus  lorsqu'il  appliquait  immé- 
diatement la  tête  sur  la  poitrine  du  malade.  (Diseases  of 
the/ieart,  pag^e  180.) 

—  Dans  deux  ou  trois  cas  d'ossification  très-consi- 
dérable de  l'orifice  de  l'aorte,  où  le  ventricule  gauche 
se  contractait  avec  beaucoup  d'énergie,  William  Stokes 
dit  avoir  perçu,  au  niveau  des  points  affectés,  un  mur- 
mure musical  très-for l,  se  prolongeant  dans  toute  l'é- 
tendue de  l'arbre  artériel. 

0 

Lorsque  W.  Stokes  vit  ce  malade  pour  la  première 
fois,  on  entendait  le  bruit  à  la  distance  de  trois  pieds,au 
moins.  (Diseases  oflhc  heart,  etc.,  p.  139.  Dublin,  1854.) 

Quelquefois  le  murmure  du  cœur  ressemble  entière- 
ment à  un  jet  de  vapeur. 

On  a  vu  le  bruit  de  soufflet  se  terminer  par  un  bruit 
sibilant  (Bouillaud,  Piorry,  Gariel,  (2),  par  un  bruit  de 
lime  ou  de  scie  (Elliotson)  (3). 

L'existence  de  tous  ces  bruits  est  incontestable.  Us 
ont  été  notés  à  l'étrangler  à  l'époque  où  M.  Bouillaud 
les  signalait  en  France.  Nous  les  trouverons  liés  surtout 
à  la  maladie  que  Corrigan  a  décrite  sous  le  titre  de  Per- 
manent patency  of  the  mouth  of  the  aorta  (4)  (Ouverture 
permanente  de  l'orifice  de  l'aorte)  et  Hope  sous  celui  de 
New  (5)  disease  of  the  heart  (6). 

(I)  Bouillaud.  —  Maladies  du  cœur,  l'e  édit.,  1. 1,  p.  170. 
(4)  Bouillaud,  Piorry,  Gariel.  —  Ibid.,  p.  170. 

(3)  Elliolson.  —  Lumleyan  Lectures,  fin  de  la  p.  14  et  commencement 
de  la  15'. 

(4)  Corrigan.  —  The  Edinburgh  medic.  and  surg.  journal.  N°  111, 
for  183-2. 

(5)  Cette  expression  ne  se  trouve  pas  dans  Corrigan. 

(6)  Hope.  —  Diseases  of  the  heart,  third.  édit,,  p.  71.  London,  1839 


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BRUITS  1NTRA.-CARDIAQUES. 


49  . 


Existe-t-U  un  rapport  constant  entre  telle  forme  de  bruit 
anormal  et  tel  changement  survenu  soit  dans  l élément 
sanguin,  soit  dans  ïétat  analomique  du  cœur  lui-même, 
de  ses  valvules  ou  de  ses  orifices  ? 

Non,  absolument  parlant,  car  on  voit  souvent  un 
bruit  de  souffle  se  convertir  tout  d'un  coup  en  un  bruit 
de  scie  ou  de  râpe  par  suite  de  quelque  accroissement 
accidentel  dans  les  contractions  du  cœur,  et  les  bruits 
de  scie  ou  de  râpe  se  changer  en  un  bruit  de  soufflet 
par  l'affaiblissement  de  l'action  du  cœur  (Skoda,  page 
272  et  suivantes  de  la  version  française  du  Df  Aran  ;  ou 
page  212  de  l'édition  originale  de  Vienne,  année  1854). 

On  a  rencontré  après  la  mort  l'endocarde  encore  re- 
couvert de  productions  osseuses  ou  crétacées,  alors  qu'on 
avait  entendu,  pendant  la  vie,  un  souffleaussi  doux  que 
celui  qui  caractérise  ordinairement  la  chlorose  et  l'a- 
némie. 

—  On  n'a  rencontré  dans  d'autres  cas  aucune  lésion 
qui  pût  rendre  compte  des  bruits  musicaux  qu'on  avait 
certainement  perçus. 

—  Flint  a  recueilli  des  observations  où  le  bruit  rude 
avait  été  noté,  sans  qu'on  ait  trouvé,  après  la  mort,  de 
dépôt  calcaire,  et  d'autres  où  le  bruit  n'avait  pas  été 
rude,  bien  qu'on  ait  trouvé  des  dépôts  calcaires  abon- 
dants. (Diseases  of  the  heart.  page  180.) 

Le  môme  auteur  fait  remarquer  qu'un  murmure  peut 
être  doux,  lorsque  l'action  du  cœur  est  faible  ou  médio- 
crement forte,  et  devenir  rude,  lorsque  le  cœur  est 
dans  une  grande  activité. 

Réciproquement,  dit-il,  le  murmure  peut  être  doux 
lorsque  l'action  du  cœur  est  violente,  et  devenir  rude, 
lorsque  l'organe  est  plus  tranquille.  [Ibid.,  page  181.) 

—  O'Bryen  Bellingham  professe  que,  tandis  qu'il 

TOME  XXXII.  -  JUIILLET  1870.  4 


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50  SÉMÉIOTIQUE. 

peut  se  produire  un  bruit  de  soufflet  ou  un  bruit  musi- 
cal dans  une  légère  insuffisance  mitrale,  par  exemple, 
un  degré  plus  avancé  de  la  maladie  valvulaire  peut 
n'être  accompagné  d'aucun  murmure.  (Diseases  of  the 
heart,  page  385.) 

En  raison  de  ces  faits,  Elliotson  critique  les  auteurs 
qui  attribuent  le  bruit  de  souffle  à  l'état  cartilagineux 
des  ouvertures  du  cœur  et  le  bruit  de  lime  à  leur  état 
osseux.  {Lumleijan  Lectures,  lre  colonne  de  la  page  15.) 

Cependant,  on  a  rencontré  presque  toujours,  jusqu'à 
présent,  le  souffle  doux  dans  la  chlorose,  dans  l'anémie 
et  dans  les  maladies  qui  ont  amené  l'appauvrissement 
du  sang. 

On  a  trouvé  surtout  «  le  bruit  de  soufflet  proprement 
dit  dans  l'induration  des  valvules,  plutôt  fibreuse  ou 
fibro-cartilagineuse  qu'osseuse,  ou  crétacée  (Laënnec, 
Ausc.  méd.,  1"  édit.,  t.  Il,  page  316.  —  Bouillaud, 
Ma/a  lies  du  cœur,  1"  édit.,  t.  I,  page  187;  ou  2e  édit,, 
t.  I,  page  211),  avec  un  état  lisse  ou  poli  des  valvules 
indurées  et  déformées,  plutôt  qu'avec  un  état  inégal, 
âpre  et  raboteux  de  ces  mômes  valvules;  avec  un  rétré- 
cissement médiocre,  plutôt  qu'avec  un  rétrécissement 
extrême  des  orifices;  enfin  avec  des  contractions  ou  des 
dilatations  d'une  force  moyenne,  plutôt  qu'avec  des 
mouvements  d'une  énergie  et  d'une  violence  très-consi- 
dérables. (Bouillaud,  V9  édit.,  t.  I,  page  187  du  Traité 
des  maladies  du  cœur,  ou  2°  édit.,  t.  I,  page  212.) 

«  Les  bruits  de  râpe,  de  lime,  ou  de  scie  ont  paru 
coexister  avec  une  induration  osseuse  ou  crétacée,  plu- 
tôt qu'avec  une  induration  fibreuse  ou  fibro-cartilagi- 
neuse;  avec  une  disposition  inégale,  rugueuse,  rabo- 
teuse de  la  surface  sur  laquelle  passe  la  colonne  san- 
guine; avec  un  rétrécissement  assez  avancé  des  orifices 
et  avec  des  mouvements  forts  et  tumultueux  du  cœur.  » 


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BRUITS  INTRA.-CÀRDIAQURS.  51 

(Bouillaud,  iàid.,  lreédit.,  page  187;  2* édit.,  page 212. 
Laënnec,  Ausc.  méd.,  V  édit.,  t.  II,  page  316.) 

Le  sifflement  musical  du  cœur  qui  paraît  être  le  ton 
le  plus  élevé  du  bruit  de  soufflet  paraît  se  produire  dans 
les  conditions  précédentes  portées  à  leur  degré  extrême. 
(Bouillaud,  ibid.,  ireédit.,  page  188;  2e  édit  ,  page  21? 
— William  Stokes,  Diseases  of  the  heart,  page  139.) 

Ce  serait  s'exposer  à  souvent  interpréter  mal  un  bruit 
anormal  du  cœur,  que  de  prétendre  toujours  décider, 
par  son  timbre,  s'il  dépend  de  quelques  rugosités  sur 
l'endocarde,  d'une  altération  organique  quelconque, 
ou  s'il  est  indépendant  de  toute  altération  organique. 

Tout  en  ne  pensant  pas  que  les  rugosités  qui  peuvent 
se  trouver  sur  l'orifice  d'écoulement  soientsans  influence 
surles  caractères  et  le  timbre  du  souffle  produit,  M.  Ray- 
naud  ne  se  dissimule  pas  que,  môme  au  point  de  vue 
physique,  il  ne  reste  beaucoup  à  faire  sur  cette  délicate 
question  du  timbre  des  bruits. 

Ces  réflexions  lui  sont  inspirées  par  la  considération 
des  faits  qui  démontrent  que  même  dans  l'anémie  les 
murmures  peuvent  revêtir  un  remarquable  caractère 
de  rudesse.  La  rudesse,  ici,  serait-elle  corrélative  à  l'in- 
tensité du  bruit?  M.  Raynaud  n'oserait  l'affirmer,  mais 
il  ajoute  :  «  Quoi  qu'il  en  soit,  l'incertitude  qui  plane  en- 
core sur  cette  question  comme  sur  celle  des  bruits  mu- 
sicaux, retentira  nécessairement  sur  le  diagnostic;  et 
ce  n'est  pas  une  des  moindres  difficultés  que  présente 
ce  sujet,  pourtant  si  étudié,  de  l'auscultation  du  cœur.  » 

A  quelles  causes  convicnt-iï  cf  attribuer  les  différents 

murmures  ? 

Elliotson  croit  que  le  degré  d'obstruction  est  la  grande 

(I)  M.  Raynaud,  p.  388  et  suiv.  du  t.  VIII  du  Xouceau  dict.  de  mèd.  et 
de  ehir.  pratiques. 


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52  SÉMÉIOTIQUE. 

cause  de  leurs  variétés  et  il  attribue  la  diversité  qu'il  a 
observée  dans  le  même  bruit  sur  différents  endroits,  au 
pouvoir  qu'a  la  distance  ou  la  variété  des  milieux 
pour  le  modifier.  [Lwnleyan  Lectures,  ire  colonne  de  la 
pa#e  do.) 

La  distance  à  laquelle  se  produisent  les  bruits  anor- 
maux et  les  milieux  qui  les  séparent  de  l'oreille  de  l'ob- 
servateur n'étaient  pour  rien  dans  les  changements  de 
forme  du  murmure  que  M.  Bouillaud  a  notés  dans  l'ob- 
servation que  voici  : 

Il  existait,  chez  une  malade  que  lui  avait  adressée  le  Dr  Sorlin, 
une  sorte  de  cri  de  scie  fort  aigu  que  l'on  entendait  même  en  éloi- 
gnant l'oreille  à  une  certaine  distance  de  la  poitrine.  Ce  cri  rappe- 
lait tantôt  le  roucoulement  d'une  tourterelle  ou  d'un  pigeon,  tantôt 
le  cri  du  canard,  tantôt  le  piaulement  d'un  jeune  poulet. 

On  trouva,  à  l'ouverture  du  corps,  un  rétrécissement  qui  occupait 
l'orifice  aortique  dont  les  valvules  étaient  épaissies  et  criblées  d'in- 
crustations calcaires  ou  libro-cartilagineuses,  qui  rendaient  leur 
surface  inégale  et  comme  raboteuse.  (Bouillaud,  Traièclia.  des 
mal.  du  cœur,  V  édit.,  t.  I,  p.  1G9,  ou  2e  édit.,  t.  I,  p.  194.) 

■ 

D'où  il  résulte  qu'il  est  assez  difficile  de  se  rendre 
compte  des  raisons  des  diversités  des  murmures. 

On  sait  seulement  que  la  force  du  courant  sanguin, 
celle  du  cœur,  une  disposition  particulière  des  orifices 
rétrécis,  des  soustractions  de  sang,  une  composition 
particulière  de  ce  liquide,  l'agrandissement  des  ca- 
vités du  cœur,  etc.,  jouent  un  certain  rôle  dans  la  pro- 
duction des  murmures  cardiaques. 

Leurs  variétés  ont  peu  d'importance  dans  la  pratique, 
car  chacune  d'elles  n'a  séparément  aucune  signification 
spéciale.  Toutefois,  il  est  bon  de  les  connaître. 

Il  est  bon  également  de  savoir  dès  à  présent,  que  les 
murmures  in  Ira-cardiaques  ne  sont  pas  toujours  dus  à 
des  lésions  de  structure  ou  à  des  maladies  organiques. 
Il  est  bon  de  savoir  enfin  qu'elles  peuvent  être  aussi  les 


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BRUIT3  INTRA-CARDIAQUES.  53 

conséquences  d'un  changement  survenu  dans  la  com- 
position du  sang  et  d'un  désordre  fonctionnel  du  cœur. 

De  là,  la  distinction  qu'on  a  faite  de  ces  murmures 
en  inorganiques,  lorsque  le  sang*  est  seulement  malade 
ou  que  les  fonctions  du  cœur  sont  troublées,  et  organi- 
ques, lorsqu'ils  dépendent  d'un  changement  de  structure 
ou  d'altérations  organiques. 

C'est  à  ce  double  point  de  vue  que  nous  allons  les  en- 
visager. 

Nous  reviendrons  ensuite  sur  nos  pas  et  après  avoir 
démontré,  par  l'observation,  qu'il  n'est  pas  toujours 
facile  de  distinguer  un  murmure  inorganique  d'un  mur- 
mure organique,  nous  étudierons  : 

Leur  intensité, 

Leur  hauteur  et  tonalité, 

Leur  durée, 

La  direction  qu'ils  suivent, 

Les  circonstances  dans  lesquelles  ils  se  produisent, 

Le  mécanisme  de  leur  production. 

Ces  questions  une  fois  traitées  d'une  manière  géné- 
rale, nous  rechercherons  les  bases  sur  lesquelles  on 
peut  s'appuyer  pour  établir  le  diag-nostic. 

CARACTÈRES    D1STINCTIFS   DES  BRUITS  ANORMAUX  INORGANI- 
QUES ET  ORGANIQUES. 

Ces  caractères  sont,  au  rapport  de  Hope,  les  suivants: 

Murmures  inorganiques  ou  murmures  qui  surviennent  dans 
la  chlorose,  l'anémie,  et  dans  certains  cas  d'hypertrophie 
du  cœur  avec  dilatation,  où  les  phénomènes  généraux  se 
rapprochent  de  F  anémie. 

Ils  sont  exclusivement  bornés  à  l'orifice  aortique  et 
coïncident  avec  le  premier  bruit; 


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54  SÉMÉIOTIQUE. 

Ils  sont  constamment  faibles  ;  ils  ont  un  timbre  doux 
ou  ressemblent  au  bruit  du  soufflet  ; 

Ils  n'existent  que  pendant  l'excitation  passagère  de 
la  circulation;  ils  diminuent  d'intensité  lorsque  les  pal- 
pitations cessent. 

Ils  sont  presque  toujours  accompagnés  d'un  bruit 
continu  veineux  qui  se  passe  dans  les  jugulaires  et  sur- 
tout par  un  souffle  court  et  sifflant  dans  les  carotides, 
les  sous-clavières  et  les  autres  grosses  artères,  souffle 
qui  est  synchronique  avec  le  premier  bruit  du  cœur. 
(Mal.  du  cœur,  3*  édit. ,  page  389.) 

Les  bruits  anormaux  du  cœur,  des  artères  et  des 
veines  cessent  tout  à  fait  lorsque  l'anémie  disparaît. 
(Iàid.,  page  389.) 

Quand  un  bruit  anormal  dépend  de  l'hypertrophie 
avec  dilatation,  on  le  reconnaît  à  ce  qu'il  diminue  ou 
cesse,  quand  l'action  du  cœur  est  calmée  par  le  repos, 
la  saignée,  la  digitale,  etc.  (lùid.,  page  390.) 

Dans  la  plupart  des  cas,  si  ce  n'est  dans  tous,  ce  bruit 
dépend  de  l'anémie  qui  survient  si  fréquemment  aux 
périodes  avancées  de  l'hypertrophie  avec  dilatation. 
(Ibid.,  page  390.) 

Murmures  organiques  ou  murmures  qui  surviennent  dans 
toute  lésion  d'organe  ou  de  structure. 

Ils  peuvent  siéger  à  n'importe  quel  orifice  dans  le 
temps  de  la  systole  comme  dans  celui  de  la  diastole  ; 

Ils  sont  souvent  rudes  et  rappellent  le  bruit  de  lime 
ou  de  râpe; 

lis  persistent  sans  jamais  cesser,  pendant  un  laps  de 
temps  indéfini,  môme  quand  le  cœur  est  dans  le  plus 
grand  calme. 

Remarques.  —  Hope  a  été  trop  exclusif,  en  attribuant 


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BRUITS  INTRA-CARDIAQUKS.  55 

seulement  à  l'aorte  les  murmures  inorganiques;  il  s'en 
produit  aussi  aux  orifices  auriculo-ventriculaires,  anor- 
malement dilatés  et  compliqués  d'insuffisance  comme 
il  Ta  dit  lui-même  ailleurs  (1)  et  comme  on  peut  le 
voir  dans  les  observations  de  MM.  Goupil  (2),  Jaccoud  (3) 
et  peut-être  dans  celles  de  M.  Parrot  (4). 

Le  Dr  Andry  fait  le  parallèle  suivant  entre  le  souffle 
organique  du  premier  temps  et  le  souffle  de  la  chlorose  : 

Le  souffle  organique,  dit-il,  est  généralement  plus 
ou  moins  rude,  plus  ou  moins  prolongé  ;  il  peut  rem- 
placer entièrement  le  claquement  valvulaire,  soit  que 
celui-ci  n'existe  réellement  pas  (5),  soit  qu'il  ne  puisse 
être  distingué  du  souffle  qui  le  masque  (6);  comme  le 
souffle  de  la  chlorose,  il  peut  exister,  à  son  maximum, 
dans  la  région  aortique;  mais,  contrairement  à  lui,  il 
peut  aussi  répondre  plus  spécialement  à  l'orifice  bicus- 
pide;  comme  lui,  il  peut  se  prolonger  dans  l'aorte  ascen- 
dante et  le  long  des  carotides;  contrairement  à  lui,  il 
ne  varie  pas  d'un  instant  à  l'autre  et  surtout  ne  cesse 

(1)  Hope.  —  Diseasesofthekeart,  third  édit.,  n*  26,  p.  38. 

(i)  Goupil.  —  Dilatation  de  Vorifice  auriculo-venlriculaire  droit  avec  in- 
suffisance de  la  valvule  tricuspide,  p.  121  et  suiv.  des  Bulletins  de  la  so- 
ciété ANATOMIQUE  DE  PARIS,  pOUT  l'année  1856. 

(3)  Jaccoud  —  Dilatation  de  l'orifice  auriculo-ventriculaite  gauche  aoee 
insuffisance  milrale.  Dans  lo  Moniteur  des  sciences  médicales,  etc., 
n#  154  de  la  i<  sdrie  du  t.  III,  1861,  et  n"  2,  du  t.  IV  de  la  môme  série, 
1865. 

(4)  Parrot.  —  Etude  eur  un  bruit  de  souffle  cardiaque  symptomatique  dê 
tasystolie.  Dans  le  t.  V,  de  la  6e  série  des  Archives  gêner,  de  méd., 
n«*  d'avril  et  do  mai  (865.  —  Elude  clinique  sut  le  siège  et  le  mécanisme 
des  murmures  cardiaques  dits  anémiques.  Dans  le  t.  VIII  de  la  6*  série  des 
Abchivis,  n«  d'août  1866. 

(5;  C'est  le  cas  de  l'insuffisance  des  valvules  auriculo-ventriculaires 
permettant  la  régurgitation  cl  le  murmure. 

(6?  C'est  le  cas  d'un  rétrécissement  tel  de  l'orifice  de  l'aorte,  qu'il  se 
produit  un  murmure  systolique  assez  fort  pour  masquer  le  premier 
bruit  valvulaire  normal. 


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50  SÉMÉIOTIQUE. 

pas  entièrement  d'exister,  quand  il  a  été  une  fois  con- 
staté.» (Page  228  du  Manuel  de  diagn.  des  mal.  du  cœur.) 


Austin  Flint  (1)  est  un  des  médecins  qui  ont  le  mieux 
tracé  les  caractères  propres  h  chacun  des  murmures 
intra-cardiaques,  soit  organiques,  soit  inorganiques. 

Le  lecteur  nous  saura  gré  de  mettre  sous  ses  veux 
la  description  de  cet  auteur  dont  on  n'a  pas  encore  donné 
de  version  française. 

«  Les  murmures  inorganiques,  dit-il,  sont  uniformé- 
ment systoliquesy  c'est-à-dire,  qu'ils  accompagnent  seu- 
lement le  premier  bruit  du  cœur. 

Les  murmures  diastoliques  sont  toujours  d'origine 
organique. 

Dans  la  grande  majorité  des  cas,  les  murmures  inor- 
ganiques sont  entendus  à  la  base  du  cœur  et  ils  ne  se 
propagent  pas  en  haut  ni  au-dessous  de  ce  point.  Ils 
sont  très-rarement  entendus  à  la  pointe,  mais  s'ils  vien- 
nent à  s'y  propager,  leur  maximum  est  à  la  base.  Cela 
est  vrai,  du  moins,  dans  tous  les  cas  de  murmures  inor- 
ganiques d'origine  sanguine  (ofhxmic  origin).  Il  y  a  quel- 
ques cas  rares  et  même  un  peu  douteux  de  murmures 
d'origine  dynamique(of  dynamic origin),  qui  sont  produits 
aux  orifices  auriculo-ventriculaires  et  conséquemment 
entendus  à  la  pointe.  Ils  sont  caractérisés  par  une  durée 
temporaire  ou  leur  intermittence.  D'où  l'on  peut  établir, 
en  règle  générale,  que  tout  murmure  persistant,  con- 
stant, qui  peut  être  rapporté  à  l'orifice  mitral,  dénote 
une  lésion  organique  quelconque. 

En  général  donc,  les  murmures  organiques  sont  con- 
stants et  persistants,  tandis  que  les  murmures  inorga- 

{{)  Austin  Flint.  —  A  p radical  treaiist  on  the  diagnosis,  palhotogy  and 
treatment  of  discase»  ofthe  heart.  i  vol.  in-8.  Philadelphie,  1859,  p.  203 
et  suiv. 


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BRUITS  INTRA-CARDIAQUES.  57 

niques,  où  qu'ils  soient  produits,  sont  inconstants,  mo- 
biles et  variables,  si  bien  qu'on  les  découvre  quelquefois 
seulement  lorsque  le  corps  est  dans  une  certaine 
attitude. 

Un  murmure  inorganique  est  uniformément  doux. 
Si  cette  règle  n'est  pas  invariable,  les  cas  qui  font  excep- 
tion sont  excessivement  rares,  et  la  rudesse  dans  les  cas 
exceptionnels,  n'est  ni  marquée,  ni  constante.  Elle  se 
produit  seulement  lorsque  l'action  du  cœur  est  excitée 
d'une  manière  insolite.  La  rudesse,  par  conséquent, 
peut  être  considérée  comme  la  preuve  que  le  murmure 
est  organique.  Cet  exposé  peut  s'appliquer  également 
a  un  murmure  musical  endocardial.  Un  murmure  inor- 
ganique est  toujours  faible.  La  force  est  une  preuve  que 
le  murmure  est  d'origine  organique. 

Un  murmure  inorganique  peut  se  produire  soit  à  l'ori- 
fice aortique,  soit  à  l'orifice  pulmonaire,  ou  simultané- 
ment à  ces  deux  orifices. 

S'il  a  son  siège  à  l'orifice  pulmonaire,  et  q  u'il  soit 
limité  là,  ou  qu'il  ait  son  maximum  d'intensité  au  se- 
cond ou  troisième  espace  intercostal  gauche,  il  est  pro- 
bablement inorganique,  quand  on  considère  la  grande 
rareté  des  lésions  situées  à  cet  orifice.  Les  malformations 
congénitales  doivent  être  exclues  de  ces  considérations, 
parce  qu'elles  affectent  plus  volontiers  l'orifice  pulmo- 
naire que  l'orifice  aortique.  Sous  ce  rapport,  il  ne  faut 
pas  oublier  que  la  pression  avec  le  stéthoscope  sur  les 
espaces  intercostaux  superposés  à  l'artère  pulmonaire 
peut  quelquefois  développer  un  bruit  de  soufflet  dans 
ce  vaisseau.  On  peut  l'observer  sur  des  personnes  jeunes 
dont  les  cartilages  costaux  sont  flexibles.  Le  murmure 
est  dû  à  la  pression  de  l'artère,  comme  dans  le  cas  des 
autres  artères  plus  accessibles,  telles  que  la  carotide, 
l'iliaque,  la  fémorale,  etc.  Il  est  bien  connu  qu'une 


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58  8RMÉI0TIQUE. 

faible  pression  sur  ces  artères  développe  fréquemment 
un  bruit  de  soufflet. 

Les  murmures  inorganiques  se  rencontrent  dans  l'a- 
némie, et  les  indices  palpables  de  l'anémie  sont  géné- 
ralement manifestes.  La  coexistence  de  l'anémie  est  un 
point  à  considérer  dans  le  diagnostic,  car  cette  condition 
peut  compliquer  des  lésions  valvuîaires  et  contribuer 
à  rendre  plus  intenses  et  plus  étendus  les  murmures 
dus  à  ces  lésions.  L'anémie  seule  n'autorise  nullement 
à  conclure  que  le  murmure  est  inorganique,  il  faut  une 
autre  preuve  pour  justifier  cette  conclusion. 

Des  bruits  de  souffle  ayant  lieu  parallèlement,  et  éma- 
nant de  larges  troncs  artériels,  tels  que  la  sous-clavière, 
la  carotide,  etc.,  non  dus  à  la  pression  avec  la  stéthos- 
cope, attestent  qu'un  murmure  endocardial  est  inor- 
ganique. Cette  preuve  en  elle-même  n'est  pas  suffisante; 
mais  elle  ajoute  du  poids  à  celle  qui  dérive  des  autres 
sources.  Un  murmure  continu  ou  bourdonnant  produit 
dans  les  veines  jugulaires  est  très-fréquemment  associé 
à  un  murmure  endocardial  d'origine  hœmique. 

Ce  bruit  bourdonnant  veineux,  dit,  après  Bouillaud, 
par  les  auteurs  français,  bruit  de  diable  (de  sa  ressem- 
blance avec  le  bruit  de  la  toupie  bourdonnante  que  le 
peuple  français  connaît  sous  le  nom  de  diable),  a  jusqu'à 
présent  donné  naissance  à  de  grandes  discussions  pour 
ce  qui  regarde  sa  source. 

Laënnec,  qui  l'a  observé  le  premier,  le  rapporte  aux 
artères.  Sous  ce  rapport  il  a  été  suivi  par  plusieurs  au- 
teurs français.  Son  origine  dans  les  veines  a  été  démon- 
trée pour  la  première  fois  par  le  Dr  Ogier  Ward.  Ce  qui 
prouve  suffisamment  l'exactitude  de  la  manière  de  voir 
de  Ward,  c'est  que  le  murmure  est  invariablement  sus- 
pendu par  l'interruption  de  la  circulation  veineuse,  la 
circulation  artérielle  continuant.  Le  murmure  est  un 


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BRUITS  INTRÀ-CÀRWAQUES.  50 

bruit  bourdonnant,  continu,  ayant  fréquemment  une 
intonation  musicale.  Il  est  mieux  entendu  au-dessus  des 
jugulaires,  juste  au-dessus  des  clavicules,  le  patient 
étant  assis  ou  debout.  Il  est  grandement  caractéristique 
de  l'anémie,  et  sa  présence  conjointement  avec  un  mur- 
mure endocardiaque  soupçonné  d'être  inorganique, 
concourt  à  fortifier  ce  soupçon.  Les  murmures  bour- 
donnants veineux  et  inorganiques  sont  fréquemment 
combinés  (1). 

Les  murmures  inorganiques  endocardiaques  sont 
beaucoup  plus  fréquemment  observés  chez  les  femmes 
que  chez  les  hommes,  fait  dû,  probablement,  ù  la  grande 
fréquence  de  l'anémie  chez  les  premières.  Le  sexe, 
par  conséquent,  est  de  quelque  poids  pour  déterminer 
s'il  s'agit  d'un  murmure  organique  ou  d'un  murmure 
inorganique. 

Les  bruits  du  cœur,  liés  aux  murmures  inorganiques, 
conservent  leur  intensité  normale  et  leurs  caractères, 
ou  bien,  s'ils  sont  quelque  peu  affectés,  leur  intensité 
est  augmentée,  tandis  que,  s'ils  sont  joints  aux  mur- 
mures organiques,  ils  présentent  souvent  des  modifica- 
tions anormales  qui  doivent  être  présentement  exa- 
minées. 

Si,  conjointement  avec  l'élargissementdu  cœur  il  existe 
un  murmure  mitral  soit  régurgitant,  soit  diastolique, 
il  est  certainement  organique.  Le  doute  peut  seulement 
surgir,  lorsque  le  murmure  est  un  murmure  aortique 
direct.  D'autre  part,  dans  la  grande  majorité  des  cas  où 
un  murmure  est  inorganique,  le  cœur  n'est  pas  agrandi, 
fait  qui  peut  être  positivement  déterminé  par  l'explo- 
ration physique. 

(1)  Le  Dr  Walshe  remarque  relativement  à  la  coexistence  d'un  mur- 
mure endocardique  et  du  bourdonnement  veineux  :  «  I  do  not  remember 
ever  to  have  obsorved  an  intra-cardiac  spana*mic  murmur  unatlended 
With  venous  hum.  »(0nDu«<u.  oftke  heartt  etc.,  i*  édil.London,  p.  844.) 


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60  ANATOMIB  PATHOLOGIQUE. 

En  portant  une  attention  convenable  sur  chacun  des 
points  que  j'ai  brièvement  examinés,  l'auscultateur  ne 
sera  pas  embarrassé,  dans  le  plus  grand  nombre  des 
circonstances,  pour  établir  positivement  une  distinction 
entre  les  murmures  organiques  et  les  murmures  inor- 
ganiques. 

Finalement,  lorsque,  dans  la  grande  majorité  des  cas 
de  maladies  chroniques,  les  murmures  organiques 
arrivent  à  la  connaissance  du  médecin,  associés  à  un 
agrandissement  du  cœur  porté  plus  ou  moins  loin,  cela 
tient  à  ce  que  les  lésions  valvulaires  n'occasionnent  pas, 
en  général,  de  grands  inconvénients,  jusqu'à  ce  qu'elles 
aient  amené  l'agrandissement  du  cœur.  Un  murmure, 
d'après  ces  circonstances,  peut  exister  depuis  plusieurs 
mois  et  même  depuis  des  années  et  échapper  à  l'obser- 
vation, parce  que  le  malade  n'est  jamais  venu  s'offrir  à 
l'examen.  La  coexistence  de  l'agrandissement  du  cœur, 
alors,  seulement,  rend  tout  à  fait  probable  qu'un  mur- 
mure endocardial  provient  de  lésions  organiques.  Il  est 
vrai  qu'un  agrandissement  du  cœur  non  compliqué 
d'une  maladie  valvulaire  peut  être  associé  à  des  mur- 
mures inorganiques,  mais  il  est  évident  que  cette  coïn- 
cidence doit  être  rare,  lorsque  l'on  considère  que  l'a- 
grandissement sans  lésions  des  valvules  n'est  pas  fré- 
quent. » 

Dr  L.  Mailliot. 

(La  suite  au  prochain  numéro.) 

ANATOMIE  PATHOLOGIQUE 


L'EMBOLIE  ET  L'ARTÉRITE. 

Nous  avons  soutenu,  dans  notre  examen  critique  de 
Yirchow,  que  dans  la  grande  majorité  des  cas  l'em- 
bolie était  un  mythe,  et  les  caillots  migrateurs  des 


l'embolie  et  l'artérite.  61 

caillots  autochtones,  résultant  de  véritables  artérites 
et  de  véritables  phlébites. 

Les  trois  observations  suivantes,  empruntées  au 
compte-rendu  de  la  Société  de  biolog'ie,  séance  du 
27  novembre  1869,  serviront  d'autant  mieux  à  appuyer 
notre  opinion  qu'elles  ont  été  publiées  comme  des  types 
d'embolies. 

Voici  la  première  de  ces  observations  : 

Obs.  I.  —  Résumé.  L^nommée  Buile  (Marie),  âgée  de  79  ans,  était, 
depuis  le  3  novembre,  au  n°  23  de  la  salle  Saint-Jean  ;  elle  avait  une 
bronchite  intense,  avec  emphysème  pulmonaire.  Le  20  novembre,  à 
six  heures  du  soir,  elle  est  prise  brusquement  dans  le  pied  et  la 
jambe  gauches  de  douleurs  très-vives  avec  sensation  de  froid;  ces 
douleurs  persistent  pendant  toute  la  nuit.  Le  2 1  novembre  à  neuf  heu- 
res, nous  la  trouvons  dans  l'état  suivant  :  la  partir  inférieure  du 
membre  abdominal  gauche  offre  une  teinte  violacée  ;  la  coloration 
commence  au-dessous  de  la  tubérosité  antérieure  du  tibia,  et  s'étend, 
en  augmentant  d'intensité,  jusqu'à  l'extrémité  du  pied  ;  les  veines 
sont  gonflées,  leurs  rameaux  finement  injectés  ;  quand  on  en  chasse 
le  sang,  il  revient  plus  lentement  que  d'habitude. 

On  ne  sent  ni  b:s  battements  de  la  pédieuse,  ni  ceux  de  la  poplitée  ; 
ceux  de  la  fémorale  sont  perceptibles  au  pli  de  l'aine.  Le  membre 
malade,  laissé  à  découvert,  se  refroidit  beaucoup  plus  vite  que  l'au- 
tre. La  sensibilité  tactile  est  abolie  au  pied,  diminuée  à  la  jambe; 
les  sensations  douloureuses  sont  perçues  moins  vivement  que  de 
l'autre  coté.  Les  douleurs  spontanées  persistent  ;  la  palpation,  les 
mouvements  communiqués  les  exaspèrent  ;  les  mouvements  volon- 
taires sont  également  douloureux  ;  ils  sont  d'ailleurs  très-restreints  ; 
la  malade  peut  à  peine  imprimer  quelques  légers  mouvements  de 
flexion  et  d'extension  aux  orteils  et  au  pied. 

On  pratique  dans  la  journée  trois  frictions  avec  l'huile  de  camo- 
mille camphrée. 

22  novembre.  Le  membre  est  dans  le  même  état;  nous  constatons 
qu'au-dessus  du  genou  il  est  plus  chaud  que  son  congénère.  — 
Même  traitement. 

Le  23.  Le  refroidissement  est  plus  marqué,  l'analgésie  plus  com- 
plète; la  malade  ne  sent  plus  que  les  forts  pincements  ;  les  douleurs 


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02  ANÀTOMIE  PATHOLOGIQUE, 

spontanées  sont  toujours  vives  :  les  mouvements  volontaires  sont 
presque  complètement  abolis. 

Le  2^.  Des  phlyetènes  se  sont  formées  à  la  partie  antérieure  de  la 
jambe  ;  autour  d'elles  et  sur  les  malléoles,  on  voit  des  tacbes  noirâ- 
tres ;  les  veines  se  sont  affaissées  ;  la  coloration  violacée  a  disparu, 
le  membre  est  maintenant  décoloré,  livide,  complètement  insensi- 
ble ;  les  douleurs  se  font  toujours  sentir.  La  malade  semble  un  peu 
affaiblie;  il  n'y  a  pas  de  phénomène  d'algidité. 

La  nuit  suivante,  vers  une  heure  du  matin,  elle  est  prise  de  délire, 
avec  agitation  ;  elle  meurt  vers  cinq  heures  du  matin. 

Autopsie.  —  Les  poumons  renferment  plusieurs  infarctus  anciens; 
les  branches  correspondantes  de  l'artère  pulmonaire  sont  obturées 
par  des  caillots  ramollis,  décolorés,  adhérents,  d'origine  évidemment 
ancienne.  En  outre,  on  trouve  dans  le  poumon  gaucho  un  infarctus 
réduit;  il  atteint  le  volume  d'une  orange  ;  la  branche  inférieure  de 
l'artère  pulmonaire  est  complètement  oblitérée  par  un  caillot  déco- 
loré en  quelques  points,  un  peu  adhérent  à  la  paroi  et,  par  consé- 
quent, antérieur  à  la  mort. 

Aorte.  —  Cette  artère  est  le  siège  d'une  altération  athéromateuse 
avancée,  surtout  dans  sa  portion  abdominale  ;  la  membrane  interne 
est  ulcérée  en  plusieurs  points  ;  une  coagulation  fibrineuse  ancienne 
adhère  à  l'une  de  ces  ulcérations  au  niveau  de  la  bifurcation  ;  l'ar- 
tère est  presque  entièrement  obstruée  par  un  caillot  jaunâtre,  adhé- 
rent, ramolli  au  centre  ;  ce  caillot  se  prolonge  dans  les  iliaques  p:  i- 
mîtives  L'iliaque  droite  n'est  pas  complètement  oblitérée  ;  un  filet 
d'eau  la  traverse  facilement.  L'obstruction  est  plus  complète  à  gau- 
che; car,  de  ce  côté,  l'eau  versée  dans  l'aorte  ne  coule  que  goutte  à 
goutte. 

Toutes  les  artères  du  membre  inférieur  gauche  sont  oblitérées  ; 
dans  l'iliaque  primitive,  le  caillot  est  ancien  et  présente  les  mêmes 
caractères  que  le  caillot  aortique.  L'iliaque  externe,  la  fémorale  sont 
remplies  de  caillots  beaucoup  plus  récents,  mais  cependant  légère- 
ment grenus  et  un  peu  adhérents.  Dans  l'artère  poplitéc,  on  trouve, 
dans  une  longueur  d'environ  2  centimètres,  un  caillot  ancien  a  con- 
tenu puriforme.  Latibialc  postérieure  renferme  des  caillots  sembla- 
bles à  ceux  que  nous  avons  signalés  dans  la  fémorale.  Enfin,  la  par- 
tie terminale  de  la  tibiale  postérieure  est  complètement  obstruée  par 
une  production  dure,  allongée,  qui  s'est  évidemment  formée  aux  dépens 
de  la  paroi  dans  laquelle  elle  est  d'ailleurs  contenue.  Les  veines  tibia] es 
et  la  partie  inférieure  de  la  veine  fémorale  contiennent  des  caillots 


l'embolie  et  l'artbrite.  03 

d'origine  peu  ancienne,  mais  cependant  déjà  grenus,  décolorés  et  ra» 
mollis  par  places;  ces  caillots  ont  été  ires -probablement  l'origine  de 
l'embolie  pulmonaire  qui  semble  avoirprovoqué  les  accidents  ultimes. 

Nous  avons  vu  que  les  caillots  contenus  dans  les  artères  ne  re- 
montaient pas  tous  à  la  même  époque  ;  le3  uns  dataient  de  quelques 
jours,  les  autres  étaient  manifestement  d'origine  beaucoup  plus  an- 
cienne; la  circulation  n'a  donc  pas  été  brusquement  interrompue; 
depuis  longtemps  les  caillots  contenus  dans  l'aorte  et  l'iliaque  primi- 
tive, le  caillot  de  la  poplitée.  les  altérations  des  parois  entravaient  le 
cours  du  sang;  ce  n'est  qu'au  moment  où  l'action  combinée  de  ces 
obstacles  a  provoqué  la  formation  de  caillots  dans  la  tibiale  posté  • 
rieure  que  se  sont  manifestés  les  symptômes  d'obstruction  artérielle. 
On  voit  donc  que,  malgré  le  début  soudain  des  troubles  fonctionnels, 
les  lésions  se  sont  développées  lentement,  et  que  les  symptômes  d'o- 
blitération n'ont  marqué  que  la  phase  ultime  d'un  travail  pathologi- 
que ancien. 

La  première  réflexion  qui  nous  est  suggérée  par  la 
lecture  de  cette  observation  a  rapport  au  diagnostic. 

Cette  malade  était  atteinte  de  bronchite  intense  et  <T em- 
physème pulmonaire  l  Mais  la  bronchite  et  l'emphysème 
sont  des  lésions,  et  le  diagnostic  pour  être  complet  devrait 
remonter  jusqu'à  la  maladie  dont  cette  bronchite  et 
cet  emphysème  étaient  symptomatiques.  Les  lésions  vas- 
culaires  anciennes  et  multiples  découvertes  à  l'autopsie 
démontrent  surabondamment  que  cette  femme  était 
sous  l'influence  d'une  diatbèse  ou  d'une  maladie  con- 
stitutionnelle, probablement  de  la  goutte;  que,  par  con- 
séquent, l'emphysème,  la  bronchite,  comme  lesartérites 
et  les  phlébites  étaient  de  nature  goutteuse.  Le  dia- 
gnostic ici,  comme  toujours,  est  la  véritable  lumière 
qui  permet  d'apprécier  et  de  juger  les  phénomènes  a 
leur  juste  valeur.  Si  le  médecin  avait  su  remonter  à  la 
maladie  elle-même,  au  lieu  de  s'arrêter  aux  lésions, 
atteindre  la  cause,  au  lieu  de  se  casser  le  nez  sur  les 
effets,  il  aurait  compris  que  cette  bronchite  et  cet 
emphysème  avaient  une  signification  propre.  Il  eût 


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64  ANATOMIE  PATHOLOGIQUE. 

recherché  les  altérations  vasculaires  si  communes  dans 
la  goutte  ;  les  ayant  recherchées,  il  aurait  probablement 
pu  les  reconnaître  par  des  signes  certains.  Le  dia- 
gnotic  positif  lui  aurait  permis  de  porter  un  pronostic 
sur  la  marche  de  la  maladie,  et  s'il  n'avait  eu  autant 
du  mépris  pour  la  thérapeutique  que  pour  la  diagnose 
et  la  prognose,  il  aurait  pu  lutter  contre  la  maladie, 
autrement  que  par  des  frictions  d'huile  de  camomille. 
Des  frictions  de  camomille  à  une  femme  atteinte  de 
lésions  multiples  de  nature  goutteuse  !  Après  cela,  il 
est  convenu  qu'il  n'y  a  guère  que  les  homœopathes  qui 
fassent  de  la  thérapeutique. 

Mnis  arrivons  au  point  principal,  à  la  question  qui 
fait  l'objet  de  cet  article,  c'est-à-dire  à  la  démonstration 
que  la  plupart  des  embolies  sont  des  artérites. 

Celte  observation  est  une  preuve  nouvelle  de  l'absur- 
dité de  la  théorie  de  l'embolie  et  de  l'aveuglement  de 
ses  partisans.  Ainsi  les  poumons  de  cette  femme  con- 
tenaient plusieurs  infarctus  anciens  et  un  plus  récent.  Les 
branches  de  l'artère  pulmonaire,  correspondantes  à  ces 
infarctus,  étaient  oblitérées  par  des  caillots  évidemment 
anciens. 

Dans  la  théorie  de  l'embolie,  d'où  pouvaient  venir 
les  caillots?  Evidemment  du  système  veineux.  Cher- 
chons donc  dans  ce  système;  voici  ce  que  nous  trou- 
vons :  «  Les  veines  libiales  ut  la  partie  inférieure  de 
la  fémorale  contiennent  des  caillots  d'origine  peu  an- 
cienne...  Ces  caillots  ont  été  très-probablement  l'ori- 
gine de  l'embolie  pulmonaire  qui  semble  avoir  pro- 
voqué les  accidents  ultimes.  » 

Que  l'auteur  de  l'observation  nous  explique  comment 
des  caillots  peu  anciens  ont  produit  dans  le  poumon  des 
infarctus  évidemment  anciens,  s'il  veut  que  nous  croyions 
à  l'embolie,  et  s'il  nous  objecte  qu'il  y  avait  dans  le 


l'embolie  et  l'artéritb.  «5 
poumon  des  infarctus  d'âge  différent,  et  que  les  caillots 
de  la  tibiale  n'expliquent  que  l'infarctus  le  plus  récent, 
nous  répondrons  que  dans  ce  cas  il  était  nécessaire 
d'établir  que  les  caillots  de  la  fémorale  et  ceux  de 
l'artère  pulmonaire  étaient  du  même  âge;  il  fallait 
expliquer  ensuite  quelle  force  avait  pu  faire  voyager  des 
caillots  dans  une  veine  complètement  oblitérée  et  où  il 
n'y  a  plus  de  courant  sanguin. 

Jusqu'à  ce  que  ces  démonstrations  soient  faites,  nous 
croyons  qu'il  est  plus  scientifique  de  croire  que  la  cause 
morbide  qui  a  créé  les  infarctus  anciens  du  poumon  a 
aussi  engendré  les  infarctus  récents. 

Voici  maintenant  deux  observations  dans  lesquelles 
l'oblitération  artérielle  a  disparu  après  quelques 
beures  de  durée.  Ces  faits  sont  extrêmement  importants 
au  point  de  vue  pratique,  ils  permettent  de  comprendre 
la  guérison  de  certaines  paralysies  due  aux  oblitérations 
artérielles,  sans  qu'il  soit  nécessaire  d'admettre  le  réta- 
blissement de  la  circulation  par  les  collatérales. 

Obs.  II.  —  Potain  (Marie-Madeleine),  73  ans.  Cette  malade  est 
dans  le  service  pour  de  l'embarras  gastrique  et  des  vertiges.  Le 
7  juin,  à  six  heures  et  demie  du  matin,  elle  est  prise  de  douleurs 
vives  dans  le  membre  supérieur  droit,  et  y  éprouve  une  sensation  de 
froid.  A  neuf  heures  et  demie,  l'avant-bras  et  la  main  sont  pâles  ; 
les  battements  de  la  radiale  droite  ne  sont  pas  perceptibles  ;  on  sent 
au  coude  les  pulsations  de  l'humérale.  Quand  on  chasse  des  veines 
le  sang  qu'elles  contiennent,  elles  se  remplissent  beaucoup  moins 
vite  qu'à  l'état  normal,  au  moment  où  l'on  cesse  la  compression. 
Les  contacts,  les  piqûres  sont  sentis,  mais  moins  nettement  que  de 
l'autre  coté.  Les  douleurs  spontanées  sont  vives;  lamotilité  est  affai- 
blie à  la  main  et  à  l'avant-bras,  pourtunt  la  malade  serre  encore 
avec  une  ^certaine  force. 

Le  soir,  après  une  friction  avec  l'huile  de  camomille,  la  malade 
éprouve  tout  à  coup  une  sensation  de  chaleur  dans  le  membre  af- 
fecté; elle  peut  le  remuer  librement.  Le  lendemain,  à  la  visite,  nous 
constatons  que  les  battements  de  1  radiale  ont  reparu  et  que  le 

TOME  XXXII.  —  JUI-LET  1870.  îi 


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66  ANATOMIE  PATHOLOGIQUE. 

membre  est  revenu  à  son  état  normal;  il  est  cependant  encore  un 
peu  pâle,  et  la  circulation  veineuse  s'y  fait  moins  rapidement  que 
dans  le  membre  opposé. 

La  malade  meurt  le  16  août  suivant,  de  ramollissement  cérébral. 
Le  cœur  gauche  est  le  siège  d'un  auévrysmc  partiel  chronique. 
L'aorte  est  très-athéromateuse.  L'artère  radiale  droite  est  rigide  ; 
ses  parois  sont  en  partie  calcifiées.  La  tunique  interne  ne  présente 
aucune  altération  ;  il  n'y  a  pas  trace  de  caillots. 

Obs.  III.  —  Huet  (Caroline),  09  ans.  Cette  malade,  entrée  dans  le 
service  avec  les  signes  d'une  affection  organique  du  cœur,  avait  été 
prise  d'accidents  adynamiques,  de  frissons  répétés,  de  dyspnée  ;  ses 
traits  s'étaient  promptement  altérés,  la  face  avait  une  teinte  snbicté- 
rique.  Nous  pensions  à  des  ulcérations  de  l'endocarde,  avec  embo- 
lies multiples.  Elle  allait  un  peu  mieux  quand,  le  lGjuinj  à  huit  heu- 
res trois  quarts,  elle  est  prise  soudainement,  dans  le  membre  infé- 
rieur gauche,  de  douleurs  violentes,  ayant  le  caractère  de  crampes. 
Il  lui  semble  que  ce  membre  est  mort;  elle  ne  peut  le  soulever  qu'à 
grand'  peine,  et  le  soulève  difficilement  au-dessus  du  plan  du  lit.  Le 
membre  est  plus  pale  et  plus  froid  que  l'autre.  On  voit  autour  du 
genou  des  plaques  livides,  des  vergetures  violacées.  On  ne  sent  bat- 
tre ni  la  pédieuse  ni  la  poplitée  ;  les  pulsations  de  la  crurale  sont 
perceptibles  au  pli  de  l'aine. 

A  neuf  heures  et  demie,  tout  le  membre  inférieur  est  froid  jus- 
qu'au pli  de  l'aine.  Il  présente  dans  toute  son  étendue  des  marbru- 
res violacées.  Les  mouvements  volontaires  sont  impossibles;  les  cha- 
touillements, le  pincement  ne  sont  pas  perçus  «t  ne  provoquent  pas 
de  mouvements  réllexes  ;  la  sensibilité  à  la  douleur  est  abolie  au 
pied,  extrêmement  obtuse  dans  le  reste  du  membre  ;  les  douleurs 
spontanées  sont  violentée;  la  pression  est  douloureuse  sur  le  trajet 
de  l'artère  crurale,  dans  la  moitié  inférieure  de  la  cuisse. 

A  dix  heures  et  demie,  sous  nos  yeux,  les  marbrures  disparaissent 
à  la  cuisse  ;  les  téguments  y  prennent  eu  quelques  instants  une  co- 
loration rosée  presque  rouge  ;  on  dirait  qu'on  a  poussé  dans  l'artère 
une  injection  de  sang  artériel;  la  chaleur  revient  en  même  temps; 
elle  dépose  bientôt  celle  du  membre  opposé;  la  sensibilité  reparaît, 
bien  qu'obtuse  encore.  Un  instant  après,  la  malade  a  un  petit  iris- 
son  qui  dure  plusieurs  minutes  ;  bientôt  elle  peut  imprimer  à  ses  or 
teils  quelques  mouvements  de  flexion.  A  dix  heures  trente  cinq,  elle 
peut  soulever  le  membre. 


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l'embolie  et  l'artérite.  6t 

Les  battements  de  la  pêcheuse  sont  perceptibles,  bien  qu'extrê- 
mement faibles. 

Onze  heures  et  demie.  La  sensibilité  est  maintenant  normale  ;  les 
douleurs  spontanées  ont  cessé  ;  la  jambe  et  le  pied  sont  toujours 
froids. 

Six  heures.  Le  membre  est  chaud  partout  :  les  téguments  sont  en- 
core moins  colorés  que  du  côté  opposé. 

On  constate,  les  jours  suivants,  que  les  battements  de  la  pédieusc 
gauche  restent  excessivement  faibles.  Tous  les  phénomènes  d'isché- 
mie ont  disparu. 

Voici  maintenant  les  réflexions  de  l'auteur  : 

Il  ne  nous  parait  pas  contestable  que  les  accidents  observés  chez 
ces  deux  malades  aient  eu  pour  cause  l'oblitération  momentanée  de 
l'une  des  principales  artères  du  membre  atfccté;  la  suspension  des 
battements  artériels  à  l'extrémité  du  membre,  leur  persistance  à  la 
base  suffiraient  à  le  démontrer;  or  en  l'absence  de  toute  cause  de 
compression,  l'obstruction  ne  peut  s'expliquer  que  par  la  formation 
d'une  thrombose  ou  d'une  embolie.  La  disparition  rapide  des  phé- 
nomènes d'ischémie,  le  retour  des  battements  artériels  indiquent 
que  le  coagulum  n'a  bouché  que  pendant  quelques  heures  la  lumière 
du  vaisseau  et  que  probablement  il  s'est  dissocié  sous  l'effet  de  la 
pression  sanguine;  dans  l'un  des  cas,  en  effet,  nous  avons  pu  consta- 
ter de  visu  que  la  cavité  de  la  radiale  et  celle  de  l'humérale  étaient 
entièrement  libres.  Il  semble  qu'il  existe  une  différence  notable  au 
point  de  vue  de  la  marche  ultérieure  des  accidents  entre  les  obstruc- 
tions par  emb  )lies  et  celles  qui  résultent  d'une  thrombose.  Dans  le 
cas  d'embolie,  le  vaisseau  n'est  oblitéré  au  début  qu'en  un  point  de 
son  trajet  ;  le  coagulum,  ordinairement  formé  de  fibrine  ramollie, 
de  consistance  pulpeuse,  offre  peu  de  résistance  ;  on  conçoit  que  la 
pression  du  sang  puisse  facilement  triompher  d'un  tel  obstacle;  que 
le  bouchon  fibrineux  cède  en  un  seul  point,  le  courant  sanguin  qui 
s'établit  immédiatement  aura  bientôt  entraîné,  molécule  à  molécule, 
toute  la  masse  oblitérante;  c'est  ainsi  probablement  que  les  choses 
se  sont  passées  chez  nos  malades  ;  les  frictions  énergiques  qui  ont 
été  pratiquées  ont  pu  aidera  la  désagrégation  du  caillot;  le  petit 
frisson  qui  a  été  noté  dans  la  troisième  observation  a  sans  doute  eu 
pour  cause  la  pénétration  dans  le  courant  sanguin  des  parcelles  dis- 
sociées du  coagulum. 


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68  ANATOMIE  PATHOLOGIQUE. 

Dans  le  cas  de  thrombose,  au  contraire,  l'obstruction  résulte  de 
lésions  anciennes  et  multiples  ;  les  rugosités  des  parois,  leurs  inflexions, 
leur  rigidité,  les  altérations  de  la  membrane  interne,  ont  amené  la  for- 
mation de  dépôts  fibrineux  qui  depuis  longtemps  réduisaient  le  ca- 
libre du  vaisseau  ;  l'oblitération  n'est  plus  alors  accidentelle  comme 
dans  le  cas  d'embolie,  elle  est  le  dernier  terme  d'un  travail  morbide 
commencé  de  longue  date.  Les  mêmes  causes  qui  ont  produit  la 
coagulation  s'opposent  au  rétablissement  du  courant  sanguin,  et  si 
la  circulation  collatérale  ne  se  développe  pas  rapidement  dans  des 
proportions  suffisantes,  les  parties  ischémiées  sont  bientôt  frappées 
de  gangrène  ;  c'est  ce  qui  s'est  produit  chez  la  première  malade  dont 
nous  donnons  l'observation. 

Est-ce  assez  fantaisiste:  voyez-vous  la  pression  san- 
guine aidée  de  frictions  vigoureuses,  de  l'action  de  la 
camomille,  de  l'excitation  des  vaso-moteurs,  triompher 
de  l'embolie;  la  détacher,  et  au  lieu  de  l'enclaver  de  plus 
en  plus  dans  un  système  de  canaux  qui  vont  toujours 
en  se  rétrécissant,  la  dissocier  et  l'entraîner  molécule 
à  molécule,  en  ayant  soin  toutefois  de  ne  détacher  que 
des  particules  assez  fines  pour  qu'elle  puisse  traverser 
les  capillaires  et  passer  dans  le  courant  sanguin  où 
son  arrivée  est  marquée  par  un  petit  frisson  !  et  tout 
cela  dans  l'espace  d'une  heure  et  demie.  La  dissociation  et 
la  disparition  (Je  dis  disparition  parce  que  ni  pendant 
la  vie,  ni  après  la  mort  on  ne  retrouve  de  caillot.)  d'un 
caillot  organisé,  le  passage  de  ses  débris  à  travers  le 
système  capillaire  sans  qu'il  se  soit  produit  d'infarctus, 
tout  cela  en  quelques  heures,  me  paraît  une  négation 
audacieuse  des  notions  les  plus  positives  de  la  physio- 
logie et  de  la  pathologie. 

C'est  pourtant  là  un  problème  intéressant  à  résoudre 
que  ce  fait  de  l'interruption  temporaire  de  la  circula- 
tion dans  un  point  limité  du  système  artériel  chez  les 
malades.  J'ai  observé  deux  lois  ce  symptôme,  c'était  un 
goutteux,  atteintd'uneendocarditechronique;  deux  fois, 


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l'embolie  et  l'artérite.  69 

à  quelques  mois  de  distance,  la  circulation  artérielle 
fut  suspendue  à  l'avant-bras  du  côté  droit,  le  membre 
était  froid,  engourdi  et  les  pulsations  de  la  radiale 
n'étaient  plus  perceptibles.  Ces  phénomènes  duraient 
de  vingt-quatre  à  quarante-huit  heures,  le  malade  mourut 
quelque  temps  après  avec  des  symptômes  apoplectiques. 
L'autopsie  ne  put  être  pratiquée. 

S'il  est  impossible  d'accepter,  pour  expliquer  ces  faits, 
la  présence  d'une  embolie,  il  faut  chercher  ailleurs  cette 
explication.  Or,  dans  la  seule  autopsie  qui  existe,  la 
deuxième  du  mémoire  que  nous  citons,  voici  les  lésions 
décrites  par  M.  Hallopeau:  l'artère  radiale  droite  est 
rigide;  ses  parois  sont  en  partie  calcifiées;  la  tunique 
interne  ne  présente  aucune  altération  ;  il  n'y  a  pas  trace 
de  caillot.  Cette  autopsie  fut  faite  deux  mois  et  demi 
après  les  accidents  de  suspension  de  la  circulation  dans 
cette  artère.  Voici  maintenant  quelques  passage  de  l'ob- 
servation dans  laquelle  la  suspension  de  la  circulation 
siégeait  dans  le  membre  inférieur,  et  n'a  duré  qu'une 
heure  et  demie  ;  il  n'y  eut  point  d'autopsie.  «La  pression 
est  douloureuse  sur  le  trajet  de  l'artère  crurale,  dans  la 
moitié  inférieure  de  la  cuisse.  On  constate,  les  jours  sui- 
vants, que  les  battements  delà  pédieuse restent  exces- 
sivement faibles.  » 

En  résumé,  douleurs  sur  le  trajet  de  l'artère  malade, 
diminution  de  l'ampliation  des  battements  après  la  dis- 
parition des  accidents  ;  parois  do  l'artère  ossifiées,  et  pas 
de  trace  de  caillots. 

Il  faut  être  aveuglé  par  l'esprit  de  système  pour  aller 
chercher  un  caillot  migrateur,  venant  de  je  ne  sais  où,  et 
disparaissant  d'une  manière  magique,  sans  laisser  de 
traces  de  son  existence  : 

c  Un  caillot  inconnu 
Qui  ne  dit  point  son  nom  et  qu'on  n'a  pas  revu.  » 


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i 


70  REVrE  DES  JOURNAUX. 

Nous  avons,  au  contraire,  ici  des  signes  posilifs  d'ar- 
térile  :  la  douleur  sur  le  trajet  de  l'artère  malade,  la 
calcification  des  parois  de  cette  môme  artère. 

J'ajoute  que  ce  que  nous  connaissons  des  lois  de  l'in^ 
flammation  artérielle  nous  permet  d'interpréter  les  phé- 
nomènes si  intéressants  de  la  suspension  momentanée 
de  la  circulation  dans  un  point  du  système  artériel. 

Qu'il  s'agisse  du  canal  de  l'urèthe,  de  la  trachée-artère, 
de  l'intestin,  ou  d'un  vaisseau,  un  phénomène  constant 
de  l'inflammation  des  organes  creux  est  la  perte  de 
l'élasticité  de  leurs  parois,  et  un  véritable  rétrécissement 
par  impossibilité  de  se  dilater.  Ce  rétrécissement  dyna- 
mique sufût,  quand  il  est  poussé  assez  loin,  pour  inter- 
rompre presque  complètement  le  cours  du  sang  et  sus- 
pendre les  battements  artériels.  Si  cette  inflammation 
est  transitoire,  la  circulation  se  rétablit  au  bout  de  quel- 
ques heures  ;  si  elle  persiste,  il  se  forme  un  caillot,  et 
l'oblitération  devient  définitive. 

Telle  est,  suivant  nous,  l'explication  de  ce  fait  si 
extraordinaire  de  la  suspension  temporaire  de  la  ciiv 
culation  en  un  point  du  système  artériel. 

P.  Jousset. 


BULLETIN 


ENSEIGNEMENT  MÉDICAL  HOMOEOPATHIQUE 
AUX  ÉTATS-UNIS. 

Noua  recommandons  à  l'attention  de  nos  lecteurs,  cette  remar- 
quable et  déjà  puissante  organisation  de  l'enseignement  médical 
homœpalhiijue  dans  le  Nouveau-Monde. 

COLLEGE  MÉDICAL  DE  HAHNEMANN  DE  PHILADELPHIE, 

DT  R.  Koch.  Physiologie  humaine  et  comparée,  pathologie  générale 
et  anatomie  microscopique. 


REVUE  DES  JOURNAUX. 


71 


Dr  Lemuel  Stephens.  Philosophie  naturelle,  chimie  et  toxicologie. 
Dr  C.  Herino,  Thérapie,  matière  médicale  et  principes  généraux  de 

la  doctrine  homœopathique. 
Dr  A.  R.  Thomas.  Anatomie  humaine  et  anatomie  pathologique. 
Dr  C.  Dunham.  Principes  et  régies  de  la  doctrine  homéopathique. 
Dr  F.  E.  BteRRicKE.  Pharmacie  homœopathique. 
Dr  C.  G.  Raue,  Médecine  pratique,  pathologie  spéciale  et  diagnostic 

médical. 

Dr  G.  Willianson.  Obstétrique  des  maladies  des  femmes  et  des 
enfants. 

Dr  H.  NoË  Martin.  Clinique  interne. 

Dr  Malcolm  Macfarlan.  Clinique  chirurgicale. 

Dr  G.  B.  Cause.  Obstétrique  clinique,  et  clinique  des  maladies  des 

femmes  et  des  enfants. 
Dr  T.  F.  Allen.  Maladies  des  yeux  et  des  oreilles. 
Dr  A.  E.  Tarrington.  Médecine  légale. 

En  outre  des  leçons  cliniques  et  des  cours  libres  sont  donnés 
par  divers  autres  praticiens  éminents. 


Dr  R.  Welch.  Chimie  et  toxicologie. 

Dr  F.  A.  Lord.  Chimie  physiologique  et  médicale. 

Dr  S.  P.  Hedges.  Anatomie.  générale  et  anatomie  descriptive. 

DT  D.  A  Colton.  Démonstrations  anatomiques  et  anatomie  patho- 


Dr  G.  S.  Mitchbll.  Physiologie  humaine  et  pathologie  générale. 


élémentaires  de  la  médecine. 
D'  A.  E.  Small.  Généralités  théoriques  et  pratiques  sur  la  doctrine 

médicale  homœopathique. 
Df  E.  M.  Hale.  Pharmacologie  et  botanique  médicale. 
Dr  G.  C.  Shipman.  Matière  médicale  et  thérapie. 
Dr  Temple  S.  Hoyne.  Matière  médicale  et  thérapie. 
Dr  N.  E.  Cooke.  Pathologie  interne  et  clinique  médicale. 
Dr  G.  D.  Bebbe.  Pathologie  externe  et  clinique  chirurgicale. 
D'  Ludlam.  Obstétrique  et  maladies  des  femmes  et  des  entants. 
D'  Duncan.  Pathologie  et  thérapeutique  des  maladies  de  la  première 

et  de  la  seconde  enfance. 
Dr  L.  Pratt.  Clinique  médicale  et  chirurgicale. 
DT  G.  Footf.  Clinique  interne. 
Dr  R.  N.  Foster.  Maladies  mentales. 
D'A.  E.  Small  A.  M.  Médecine  légale. 

COLLÈGE  MÉDICAL  HOMŒOPATHIQUB  DB  NEW -TORS. 

DT  Ira  Remsen.  Chimie  et  toxicologie. 

Dr  H.  Avery.  Physiologie  humaine  et  comparée. 

Dr  A.  H.  Laidlaw.  Anatomie  générale  et  microscopique. 

Dr  S.  Barlow.  Matière  médicale  et  thérapeutique. 

Dr  J.  H.  Ward.  Pathologie  interne  et  clinique  médicale. 

Dr  J.  Beakli.  Pathologie  externe  et  clinique  chirurgicale. 

Dr  Ch.  F.  Manfield.  Médecine  opératoire. 

Dr  D.  D.  Smith.  Obstétrique  et  maladies  des  femmes  et  des  enfants. 


COLLÈGE  MÉDICAL  DE  HAHNEMANN  DE  CHICAGO. 


72  BULLETIN. 

Dr  G.  Brjnck.  Médecine  clinique. 

D' F.  W.  Hunt.  Médecine  légale  etphrénopathie. 

Des  cours  cliniques  et  des  cours  libres  sont  donnés  par  divers 
autres  professeurs. 

COLLÈGE  MÉDICO-CHIRURGICAL  HOMOBOPATHIQUB 
DE  SAINT-LOUIS  (MISSOURl). 

Dr  R.  Chanvexet.  Chimie  et  toxicologie. 
LV  J.  Campbell.  Chimie. 

D'  J.  S.  Read.  Anatomie  descriptive  et  dissections. 
Dr  G.  H.  Morrill.  Physiologie  humaine  et  comparée. 
Dr  W.  Tod  Helmuth.  Anatomie  descriptive  et  maladies  chirur- 
gicales. 

Dr  J.  Hartmann.  Pathologie  générale  et  clinique  médicale. 
Dr  A.  Skeels.  Pathologie  spéciale  et  matière  médicale. 
Dr  D.  Luyties.  Pathologie  interne  et  clinique  médicale. 
Dr  T.  G.  Comstock.  Obstétrique  et  maladies  des  femmes  et  des 
enfants. 

Dr  R.  A.  Phelan.  Matière  médicale  et  thérapie 
Avocat  R.  Voorhis.  Jurisprudence  médicale. 
Avocat  E.  Pattison.  Médecine  légale. 
D*  C.  H.  Goodman.  Clinique  chirurgicale. 

Des  cours  libres  et  des  leçons  cliniques  sont  donnés  par  divers 
autres  praticiens  distingués. 

collège  homœopathique  de  cleveland. 

Dr  R.  F.  Humiston.  Chimie  et  toxicologie. 

Df  J.  D.  Buck.  Physiologie  humaine  et  comparée,  et  anatomie  mi- 
croscopique. 

D»  H.  F.  Biggar.  Anatomie  descriptive,  clinique  chirurgicale  et 

maladies  des  voies  génito-urinaires. 
Dr  Riggar.  Démonstrations  anatomiques. 
D'  N.  B.  Wilson.  Pathologie  interne  et  diagnostic  différentiel. 
Df  S.  R.  Beckwith.  Pathologie  chirurgicale,  médecine  opératoire  et 

orthopédie. 

Dr  J.  C.  Sanders.  Obstétrique,  opérations  obstétricales  et  maladies 

des  femmes  et  des  enfants. 
Dr  A.  0.  Blair.  Clinique  médicale. 
Dr  T.  P.  Wilson.  Clinique  médicale  et  maladies  des  yeux. 
Dr  N.  Schneidbr.  Anatomie  chirurgicale,  médecine  opératoire  et 

chirurgie  militaire. 
Dr  H.  H.  Baxter.  Matière  médicale  et  thérapie. 
Dr  G.  M.  Barber.  Médecine  légale. 

D'autres  cours  de  matières  spéciales  sont  donnés  par  des 
professeurs  libres. 

(Journal  du  dispentaire  Hahnemann  de  Bruxelles^  mars  1870.) 


NÉCROLOGIE. 


73 


ORGANISATION  DU  SERVICE  MÉDICAL  DE  L'HOPITAL 

SAINT-JACQUES. 

Dans  une  seconde  réunion,  qui  a  eu  lieu  le  20  juin 
dernier,  l'assemblée  des  médecins  souscri pleurs  pour  la 
fondation  de  l'hôpital  que  crée  la  Société  homœopa- 
Ihique  de  France,  a  complété  l'élection  des  médecins  de 
cet  établissement  par  la  nomination  au  scrutin  secret, 
et  à  la  majorité  absolue  sur  67  votants,  de  4  consul- 
tants. 

Elle  a  aussi  procédé  par  acclamation  au  choix  de 
trois  médecins  honoraires. 

Le  personnel  médical  de  la  maison  Saint-Jacques  est 
donc  ainsi  fixé  : 

Chefs  de  service:  MM.  Jousset,  Frédault,  Milcent,  Gon- 
nard,  Molin,  Crétin,  dont  les  quatre  premiers  feront 
chacun  un  trimestre. 

Consultants  :  MM.  Ozanam,  Perry,  Love,  Chanet  (1). 

Médecins  honoraires  :  MM.  de  Hysern  (de  Madrid), 
Imbert-Gourbeyre  (de  Clermont-Ferrand) ,  Davet  (de 
Paris). 

NÉCROLOGIE. 


LORDÀT.  —  CABARRUS. 

Deux  célébrités  médicales,  d'un  genre  bien  différent, 
ont  récemment  disparu:  le  professeur  Lordat,  de  Mont- 
pellier, et  M.  Cabarrus,  de  Paris  :  deux  hommes  qui 
n'avaient,  sauf  la  profession,  absolument  rien  de  com- 
mun. L'un,  praticien  répandu ,  homme  du  monde 
avant  tout;  l'autre,  homme  d'étude  et  de  tradition,  élo- 
quent professeur,  savant  écrivain.  L'un,  «  médecin  gen- 
tilhomme » ,  un  peu  sceptique  ;  l'autre ,  philosophe 
chrétien  et  ardent  propagateur  de  ses  doctrines.  L'un, 

(1)  Après  ces  quatre  noms,  ceux  qui  ont  réuni  le  plus  de  voix  sont  les 
suivants  :  Champeaux,  Teste,  Hermel,  Huvet. 


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74  NéCROLOOIB. 

dont  on  a  pu  dire  trop  malignement  qu'on  n'a  jamais 
pu  savoir  au  fond  quelles  étaient  ses  idées  ;  l'autre, 
dont  la  longue  existence  a  été  consacrée  tout  entière  à 
la  défense  des  mômes  principes.  Le  premier,  recherché, 
goûté,  traité  en  enfant  gâté  par  le  grand  monde  et  par 
le  monde  des  arts,  malgré  l'école  à  laquelle  il  apparte- 
nait; le  second,  moins  connu  de  ce  qu'on  appelle  la 
société,  vivant  dans  la  retraite,  et  paraissant  dans  sa 
glorieuse  vieillesse,  sous  sa  blanche  auréole  de  cente- 
naire (i),  l'incarnation  de  son  école. 

M.  Cabarrus,  fils  de  la  fameuse  madame  Tallien, 
avant  qu'elle  fût  devenue  princesse  de  Chimay,  était  une 
personnalité  pleine  de  distinction  et  de  charme.  Bien- 
veillant et  spirituel,  ayant  une  incomparable  habitude 
du  monde,  il  était  devenu  facilement,  grâce  à  ses  rares 
aptitudes,  à  ses  relations  très-étendues,  à  d'illustres 
amitiés,  une  de  ces  grandes  notabilités  médicales  sans 
position  officielle,  comme  il  s'en  produit  de  temps  à 
autre  et  qui  triomphent  de  l'hostilité  des  corps  sa- 
vants, échappant  à  leurs  persécutions,  en  dehors  des- 
quelles elles  se  font  une  place  au  soleil. 

Le  docteur  Cabarrus  savait  plaire  et  ne  manquait  pas 
d'autorité.  C'était  un  mélange  accompli  de  finesse,  de 
pénétration  et  de  bonté.  Son  regard  où  perçait  parfois 
une  légère  ironie,  respirait  la  bienveillance.  C'est  par 
là  qu'il  a  pu  se  faire  aimer  et  faire  oublier  ce  qui  lui 
manquait,  et  ce  que  n'avait  pu  lui  donner,  ni  son  ori- 
gine, ni  son  éducation,  ni  son  entourage  habituel,  une 
doctrine  sérieuse  et  de  profondes  convictions  en  dehors 
de  ses  convictions  purement  médicales. 

Le  professeur  Lorda^  l'une  des  illustrations  (Je  l'école, 
de  Montpellier,  en  était  comme  le  patriarche,  puisque 

(1)  Il  est  morl  à  98  ans. 


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NECROLOGIE.  75 

ayant  le  commencement  de  ce  siècle,  déjà  médecin  en 
chef  d'un  hôpital  militaire  fondé  dans  cette  ville,  il  se 
livrait  à  l'enseignement  libre  de  la  médecine  (1799).  Sa 
longue  et  honorable  vie,  qui  a  atteint  presque  la  durée 
d'un  siècle,  s'est  écoulée  tout  entière  au  service  de  cette 
vieille  Faculté  dont  il  est  comme  le  dernier  et  le  plus 
fidèle  représentant.  Successeur  des  Barthea,  des  Dumas, 
des  F.  Bérard,  des  Bordeu,  contemporain  de  plusieurs 
d'entre  eux,  il  a  consacré  son  grand  talent  de  profes-» 
seur  et  d'écrivain  à  propager  et  à  défendre  leurs  doo-? 
trines  sinon  toujours  victorieusement,  à  cause  des  nom^ 
breux  et  irrémédiables  défauts  de  ces  doctrines,  du 
moins  avec  un  éojat  incontestable.  On  peut  dire  de  lui 
qu'il  a  été  l'un  des  plus  redoutables  et  des  plus  vail  - 
lants champions  du  spiritualisme  en  médecine  et  du 
vitalisme.  Son  enseignement,  suivi  jusque  dans  sa  vieil- 
lesse, par  des  générations  successives  d'élèves,  avait 
pour  caractère  un  charme  entraînant,  la  clarté,  la  cha- 
leur et  l'éloquence.  On  a  dit  de  lui  qu'il  exerçait  une 
sorte  de  fascination  dans  ses  leçons  qui  étaient  presque 
toutes  pour  lui  une  occasion  de  triomphe,  et  pour  ses 
auditeurs  une  source  d'émotions  passionnées. 

Il  a  laissé  de  nombreux  écrits  (quarante  vol.  in-8<), 
dont  un  certain  nombre  ne  sont  que  les  résumés  de  ses 
cours.  Il  avait  déjà  publié  divers  travaux  sur  différents 
points  d'anatomie,  de  physiologie  humaine  et  compa- 
rée, lorsquen  1806  il  donna  son  Traité  des  hêmorrha* 
yies.  Barthea  comprit  l'avenir  qui  attendait  ce  jeune 
homme  de  33  ans,  dont  le  nom  était  déjà  inscrit  dans 
l'Histoire  de  la  Médecine  de  Sprengel.  Il  lui  légua  ses 
manuscrits  comme  au  plus  digne  de  lui  succéder. 

En  4841,  à  38  ans,  il  succéda  a,  Méjan  dans  la  chaire 
de  médecine  opératoire  et  pendant  son  séjour  à  Mont-i 
pellier,  Dupuytreq  suivit  régulièrement  ses  leçons. 


78  NÉCROLOGIE. 

En  1813,  il  succède  à  Dumas  comme  professeur  de 
physiologie,  et  depuis  cette  époque  il  ne  cessa,  pendant 
un  demi-siècle,  de  professer  cette  science  et  d'écrire 
sur  ses  problèmes  les  plus  difficiles ,  sinon  avec  une 
rectitude  absolue,  du  moins  avec  une  grande  élévation 
d'idées  et  un  incontestable  talent. 

Il  donna  pendant  50  ans  des  soins  dévoués  aux  ma- 
lades de  la  maison  centrale  de  Montpellier,  où  il  fit 
preuve  d'une  grande  habileté  pratique;  mais  il  n'eut 
et  ne  voulut  jamais  avoir  une  clientèle  nombreuse  pour 
se  livrer  plus  librement  à  son  enseignement  et  à  ses 
travaux  spéculatifs. 

Nous  ne  dirons  rien  des  honneurs  qui,  jusque  dans  sa 
retraite,  vinrent  le  chercher,  comme  une  juste  récom- 
pense d'une  si  belle  vie. 

Vitaliste,  spiritualiste,  chrétien,  le  professeur  Lordat 
a  conformé  ses  labeurs,  sa  vie  et  sa  mort  à  ses  doc- 
trines, inspirant  à  tous,  môme  à  ses  adversaires,  un  « 
grand  respect  justifié  par  son  caractère,  sa  science  et 
ses  talents. 

Le  même  esprit  anime  tous  ses  écrits  :  on  le  retrouve 
dans  ses  principaux  ouvrages  avec  ses  avantages  et  les 
défauts  de  la  doctrine  de  Montpellier  sur  la  nature  de 
l'homme  et  sur  la  nature  de  la  maladie  (l'hippocratisme 
moderne  et  le  duo-dynamisme):  dans  le  discours  d ou- 
verture  de  son  cours  (1855),  comme  dans  son  ébauche  d  un 
plan  de  physiologie  humaine  (1841),  dans  la  preuve  de  Yin- 
séncsccnce  du  sens  intime  de  f  homme  (1845),  dans  le  Rappel 
des  principes  doctrinaux  de  la  constitution  de  t homme,  énoncés 
par  Hippocrate,  démontrés  par  Bart/iez  ,  et  développés  par 
son  école  (1847);  dans  sa  T/iéorie  physiologique  des  pas- 
sions (1853);  dans  sa  Réponse  à  des  objections  contre  la  doc- 
trine  de  la  dualité  du  dynamisme  humain,  base  de  l  anthro- 
pologie médicale  enseignée  à  Montpellier  (1853). 


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NÉCROLOGIE.  77 

Dans  cé  dernier  écrit,  fait  en  réponse  à  une  critique 
irrésistible  du  père  Ventura  montrant  l'inanité  de  la 
doctr  ine  des  deux  forces  (àme  et  principe  vital),  admises 
à  Montpellier  comme  présidant  aux  phénomènes  de  la 
vie,  le  professeur  Lordat  combat  vaillamment  pour  sa 
doctrine,  et  défend  avec  talent  Barlhcz  et  son  école  ; 
mais  devant  l'argumentation  de  son  rude  adversaire, 
devant  des  attaques  plus  anciennes  et  non  moins  sé- 
rieuses, celles  du  fondateur  de  Y  Art  médical  au  nom  de 
la  doctrine  de  l'unité  de  l'homme,  l'auteur  paraît  par 
moments  ébranlé.  Cette  idée  si  simple  et  si  féconde  de 
l'âme  présidant  seule  et  sans  le  concours  d'un  autre 
principe  aux  fonctions  intellectuelles,  animales,  végé- 
tatives; ce  double  emploi  inutile,  la  difficulté  de  dire 
ce  qu'est  ce  principe  vital,  celle  force  ni  corporelle  ni 
spirituelle  ;  ce  majordome,  suivant  l'image  ingénieuse, 
mais  fausse  de  Lordat,  subordonné  à  la  maîtresse  du  logis, 
agissant  néanmoins  à  son  insu  et  hors  de  sa  dépen- 
dance; tout  cela  mis  en  présence  de  la  lumière  si  vive 
de  la  doctrine  aristotélicienne  de  l'unité  de  l'homme, 
perfectionnée  par  S.  Thomas,  met  visiblement  dans 
l'embarras  le  professeur  de  Montpellier  et  le  réduit  à 
faire  concessions  sur  concessions  à  son  redoutable 
contradicteur. 

Ce  livre  est  comme  le  chant  du  cygne  de  Lordat  ; 
mais  c'est  un  chant  affaibli  et  comme  attristé.  Il  ne  peut 
abandonner  ses  vieilles  doctrines,  mais  il  sent  qu'elles 
sont  blessées  à  mort,  et  il  n'en  peut  dissimuler  l'amer 
chagrin. 

Quoi  qu'il  en  soit,  quand  il  ne  resterait  au  professeur 
Lordat,  malgré  quelques  erreurs,  que  l'insigne  honneur 
d'avoir  par  son  long  et  magnifique  enseignement  retardé 
l'avènement  et  |le  triomphe,  qui  sera  nécessairement 
éphémère,  du  matérialisme  médical,  ce  n'en  serait  pas 


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78       HÔPITAL  H0MŒ0PATIQUB  DE  LA  RUE  SAINT- JACQUES. 

moins  pour  nous  et  pour  ceux  qui  viendront,  une  des 
plus  grandes  et  des  plus  nobles  figures  de  ce  siècle. 

Alph.  Milcent. 


HOPITAL 

FONDÉ  PAU  LA  SOCIÉTÉ  MÉDICALE  HOMCEOPATHIQUE  DE  FRANCE, 

282,  rue  Saint-Jacquet,  282. 


DEUXIÈME  LISTE  DES  SOUSCRIPTEURS  (I). 


Noms. 


Capital. 


fr. 

50 
3 
5 
10 
100 
-20 


D*  Antraigues,  de  Paris  »    «  , 

H.  d'Arcy  

M.  Auxcousteaux  

M.  A  

M.  B....  (par  M.  Molin)   

M.  Bdlaigue     .    .    .  .  

Mme  Bellanger  200 

Mmc  Berthelier  »   .   »   •  %  

Df  Blot,  de  Paris  

Mto*  Boissard  

M.  Bouscatel .  

Mn>«  Bouthois  

M.  Bouts  ...•»»»•    t    ».  • 

Dt  Bowroo,  de  Brighton  

Dr  Brunner,  de  Paris  *    .  . 

Mraa  la  duchesse  de  Cambacérèa  

Mm«  la  princesse  de  Canlacuzène  .... 

Mœe  la  marquise  de  C  

Mme  Cartier  

Mmr  Chabaud  

D*  C  

Un  client  reconnaissant,  H.  G.  C...  (par  M.  An- 
traigues) ...   

M"»*  Henri  Chevreau  

Dr  Davasse,  de  Ravenoville  

M.  Decaire  

JM»C  Desgranges  

Mmr  Destors  100 

Dr  Martin  Duthoy,  à  Douai   .....  50 

M™  Jean  Duz   » 

M.  Dyon,  à  Bourgueil   30 


50 

400 

10 
3 

5 
20 
■ 
» 

100 

300 
10 
40 
20 

100 
10 
» 

10 
20 


A  reporter 


l'405 


Rfnlf 


100 


30 


le. 


Annuité 
pendant 
«  ans. 

fr. 


00 


100 


190  250 


(I)  Voyez,  pour  la  première  liste  des  souscripteurs,  le  Bulletin,  t.  XU, 
15  avril  1870, 


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DEUXIÈME  LISTE  DE  SOUSCRIPTION. 


79 


fr. 

Report   1,405 

D'  Emery,  de  Lyon   20 

M.  de  Faur   100 

Dr  Feuillet,  d'Alger  

M.  Hippolyte  Flurv   20 

M.  Fnon.     .    .  *   50 

Mm«  Gabalda   » 

M»»  X...  (par  M™*  Gabalda)   » 

M»»  V...  (par  M"»*  Gabalda)   » 

D'  V...  (par  M»0  Galbada)   20 

Dr  Gallavardin,  de  Lyon   20 

Mu,«  la  marquise  de  Gasville   400 

M.  Gattliff   30 

M.  M.  Gellée   40 

Mme  Georges   100 

Dr  Granier,  de  Nîmes   » 

Mm«  de  Grétry  »    .    .  100 

M—  C.  Guillaume   100 

M™*  Hainguerlot   100 

M.  Hermel  ainé                             .    .    •  * 

M.  Hermel  ûls   100 

Dr  Huvet,  de  Paris   20 

Dr  lmbert-Gourbeyre   200 

M.  Imbert   10 

MmeJacobs   » 

H.  Jauvin  d'Attain ville    .......  1,000 

Dr  Jorez,  de  Bruxelles   50 

M.  Jolliot.                                             .  5 

M™  de  L  *  10 

M.  Laisné-Thiébault   20 

Er  Leblaye,  de  Bordeaux   » 

Mme  Leleu  ainé    100 

M.  Casimir  Leleu   100 

M.  Charles  Leleu   100 

M™«  Lynd  Stephens   1,000 

M*«  M...  (par  M.  Molin)   150 

M.  Paul  Mabou   500 

H.  Maillsrt   100 

M.  Ernest  Manuel   » 

M»«»  Marie  et  Horlense   20 

M»«  Aug.  de  Mieulle   25 

M"«  Mignon   500 

M**  Henri  Mollier   100 

M9*  la  comtesse  de  Mosbourg   > 

D' Noack  père,  de  Lyon   20 

Dp  Noack  fils,  de  Lvon   20 

Mm0  la  baronne  de  "Noirmont   100 

M»«  Parry   1,000 

Mme"  P...  et  G                                        •  100 

Dr  Partenay,  de  Paris   » 

M.  Préterie,  dentiste,  à  Paris   » 

M.  Rabourdin  (par  M.  Antraigues)  ....  100 

Dr  Ravel,  de  Cavaillon   205 

M.  le  vicomle  de  la  Redorte   20 

M.  Renaud,  de  Bourgueil   10 

M««  Riant   400 

A  reporter   .   ,   .  8,260 


fr 
190 


fr. 
230 


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20 
100 

20 


200 


20 


100 

300 


360  1,060 


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80       HÔPITAL  HOHŒOPÀTIQUE  DE  LA  RUE  SAINT-JACQUES. 


M»«  Richer  .  .  . 
M»e  Rivièro  mère  . 
M"1  Louis  Rivière  . 
M»«  Roland  .    .  . 


Report. 


Mme  veuve  Eugène  Roussel  

Collecte  faile  par  M"*  la  comtesse  de  Sainl- 
Seine  

Dr  S<*rrand,  de  Paris  

M  *'  T .  •  •  •  •    •    •       •    .    •    •    •    •    •  • 

M»»  la  marquise  de  Talliouët  

M""  la  comtesse  de  T.. ..-M  

M.  Taillade  

Dr  Tesle,  de  Paris  

Mme  Teste  

Nrae  la  marquise  de  Tilière  

Quatre  dames  anonymes  (par  le  Dr  Crétin).  . 

M,uc  X...  ipnr  le  Dr  Joussct)  

Mœe  X...  (par  le  Dr  Joussel)  

Mme  X...  (par  le  Dr  Joussetj  

M.  X...  (par  le  IV  Jousset)  

M.  X...  (par  le  f)T  Ozanam)  

M.  le  comte  de  los  Corbos  (fonds  de  propa- 
gande, par  M.  Cutellan  

M.  Simon  Raçon  id.)  

M'"1'  la  comtesse  X 

m-  x..  

y\.  x...  ...» 

M°**  X  «••.•••••••.< 

M.  X  .  

MIDC  \          •    •    •    •   •   •    •    •    •   •    •  • 


Total  souscrit. 


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9,555 

5b0 

1,720 

ans  . 

.    .  6,840 

El  avec  le  capital  de  .  9,555 


Pour  la  deuxième  liste.  16,395 


Total  de  la  première  liste   73,606 

Total  de  la  deuxième  liste  16,395 

Total  général   90,001  fr. 

Let  $outcription$  continuent  ;  une  troisième  liste  paraîtra  bientôt. 

Le  Rédacteur  en  cheft  Jules  Davassk. 


I\>rls  -  Imprimerie  K.  l'iatRT,  ru:  Monsitur-le-rrince  31. 


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L'ART  MÉDICAL 


AOUT  1870 


HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE 


ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS. 

—  «DITE  — 

§  2.  —  Doctrines  principales. 

La  doctrine,  dans  une  science,  n'est  pas  autre  chose 
que  la  conception  générale  de  cette  science  prise  dans 
l'objet  de  ses  occupations,  dans  les  lois  générales  des 
mouvements  de  cet  objet,  et,  par  cela  môme,  dans  les 
causes  des  effets  observés. 

L'œuvre  doctrinale  du  xvii»  siècle,  œuvre  qui  domine 
toute  la  constitution  des  sciences  modernes,  et  qui  pèse 
si  lourdement  sur  elles,  consiste  en  ce  fait  capital  que, 
tandis  que  dans  les  sciences  anciennes  les  lois  de  tout 
mouvement  étaient  cherchées  dans  les  causes  ;  aujour- 
d'hui, dans  les  sciences  modernes,  ces  lois  ne  sont  re- 
cherchées que  dans  leurs  effets. 

La  métaphysique  était  le  fondement  des  sciences  jus- 
qu'au xvne  siècle.  Au  contraire,  la  science  nouvelle 
prendra  soin  de  rejeter  toute  métaphysique  et  de  se 
constituer  sur  l'expérimentation.  La  révolution  fut  ra- 
dicale, et,  suivant  moi,  profondément  regrettable.  Pour 
échapper  à  des  abus  qu'on  ne  peut  nier,  on  est  tombé 
dans  des  fautes  opposées  non  moins  dangereuses. 

Lors  de  la  rénovation  des  sciences,  après  le  grand 

TOME  XXXII.  —  AOUT  1870.  0 


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82  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

cataclysme  où  le  monde  ancien  gréco-romain  fut  en- 
glouti, c'est  la  vérité  religieuse  qui  fut  le  salut  du  monde 
nouveau,  son  ancre,  sa  lumière,  son  guide  dans  l'in- 
stauration de  cette  grande  civilisation  qui  allait  naître. 
Gela  fut,  et  il  n'en  pouvait  être  autrement.  Quand 
l'homme  sent  tout  crouler  autour  de  lui,  c'est  à  la  vé- 
rité religieuse  qu'il  se  rattache  comme  à  sa  dernière 
ressource;  et  le  monde  gréco-romain  le  montra  bien 
lui-même  au  moment  de  périr,  car  c'est  alors  que  le 
paganisme  eut  sa  plus  grande  effervescence.  Que 
l'homme  y  consente  ou  non,  c'est  une  loi  fatale  de  sa 
nature,  parce  que  c'est  une  loi  de  cause  à  effet,  qu'il  faut 
commencer  et  finir  avec  Dieu. 

Les  sciences  qui  allaient  émerger  du  monde  nouveau 
allaient  donc  émerger  du  christianisme,  se  dé9envelop- 
per  et  s'épanouir  avec  lui.  La  théologie  ouvrait  inévi- 
tablement la  marche,  comme  la  colonne  lumineuse  en 
tète  des  Hébreux  menés  par  Moïse.  C'est  elle  qui  jetait 
le  premier  éclat,  et  qui,  du  phare  élevé  sur  lequel  elle 
dominait,  projetait  ses  rayons  sur  l'ensemble  de  toutes 
choses,  et  dévoilait  aux  yeux  des  générations  nouvelles 
l'ordre  et  l'enchaînement  de  toutes  les  lois  de  ce 
monde.  C'est  donc  elle  qui  constituait  la  conception 
doctrinale  de  toutes  les  sciences,  en  posant  la  connais- 
sance de  leurs  lois  sur  la  connaissance  des  principes, 
c'est-à-dire  sur  la  conception  de  l'ordre  métaphysique 
ou  étiotogique.  Pour  elle,  tout  effet  déroule  de  sa  cause, 
et  la  cause  est  proprement  le  fondement  de  la  science. 
Depuis  le  iv*  siècle  de  notre  ère,  où  elle  commença  vrai- 
ment son  travail,  souvent  interrompu,  jusqu'au  xive  siè- 
cle, où  son  œuvre  put  être  considérée  comme  achevée 
dans  ses  lignes  principales ,  elle  consacra  ainsi  neuf  à 
dix  siècles  à  bien  poser  la  doctrine  métaphysique  des 
causes. 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  83 

Ce  travail  étant  accompli  sur  les  hauteurs,  il  devenait 
juste  de  descendre  dans  les  vallées,  à  la  recherche  des 
faits  particuliers  qui  devaient  constituer,  sous  la  haute 
tutelle  théologique,  toutes  les  sciences  de  détail.  Et  on 
s'explique  ainsi  comment  tous  les  siècles,  ayant  été 
consacrés  à  former  le  peuple  nouveau,  à  le  civiliser  en 
adoucissant  ses  mœurs,  en  rectifiant  son  esprit  et  son 
cœur,  en  lui  préparant  les  principes  lumineux  de  son 
travail  ultérieur,  un  temps  nouveau  devait  venir  où  ce 
peuple  allait  voler  de  ses  propres  ailes.  A  partir  du 
xive  siècle,  ce  monde  chrétien  ressemble  à  un  adolescent 
qui.  ayant  achevé  son  catéchisme,  s'élance  dans  la  vie. 
Après  l'éducation,  le  travail  d'expérience  commence. 

Certes,  il  était  désirable  que  cette  jeunesse,  comme 
affranchie,  gardât  pour  lemoinsles  principes  supérieurs 
et  les  plus  essentiels,  qu'elle  venait  de  recevoir  par  en- 
seignement. Un  instant  il  y  eut  doute,  pendant  le 
XIVe  siècle.  Mais,  dès  le  xve,  la  jeunesse  montrait  ce 
qu'elle  allait  être  :  non  pas  seulement  affranchie  de 
sa  tutelle,  mais  révoltée  contre  elle.  Au  xvi6  siècle,  le 
mouvement  insurrectionnel  est  partout  ;  partout  il  s'agit 
de  réformateurs,  comme  nous  l'avons  vu.  Quelques  con- 
servateurs luttent  encore  ;  il  y  en  aura  toujours  un  petit 
noyau.  Quelques  autres  tentent  des  conciliations.  D'au- 
tres esprits,  plus  nombreux,  emportent  le  mouvement, 
rejettent  décidément  loin  d'eux  les  conceptions  scienti- 
fiques antérieures,  et  prétendent  concevoir  tout  l'ordre 
des  sciences,  l'homme,  les  êtres,  la  matière,  le  monde, 
avec  une  théorie  nouvelle  sur  les  causes.  D'autres  enfin 
oublient  toute  sollicitude  de  ce  genre,  et  ne  s'occupent 
qu'à  chercher  des  faits  par  l'observation  et  l'expérience. 
C'est  là  toute  l'équipée  du  xvie  siècle. 

Comme  le  xvnc  siècle  commence,  le  nouveau  mouve- 
ment scientifique  est  en  marche  pour  s'accentuer  plu» 


84  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

nettement  encore.  Toute  autorité,  toute  antiquité,  tout 
enseignement  des  temps  passés,  et  en  particulier  l'auto- 
rité religieuse,  sont  mis  hors  la  loi  sur  le  terrain  scien- 
tifique. La  science  sera  dès  lors  absolument  affranchie 
de  son  ancienne  tutelle;  elle  fera  son  œuvre  à  côté  de 
la  religion,  en  dehors  d'elle,  et  tout  en  la  respectant, 
dit  Descartes;  loin  d'elle  et  môme  contre  elle,  disent 
quelques  autres.  Et,  par  un  malheur  à  jamais  regret- 
table, voilà  que,  sur  un  point  où  l'autorité  religieuse  se 
croit  atteinte,  celle-ci  môme  vient  faire  échec  à  la  science 
nouvelle  et  la  condamne.  En  1622,  Galilée,  condamné, 
personnifie  toute  cette  science  nouvelle  à  peine  ébau- 
chée, et  comme  rejetée  avant  d'avoir  grandi.  L'activité 
brouillonne  et  intempérante  du  vieillard  entêté,  peut- 
être  aussi  la  rigueur  étroite  et  maladroite  de  ses  adver- 
saires, furent  une  pierre  d'achoppement  où  vint  se  briser 
pour  longtemps  l'union  de  la  science  et  de  la  religion, 
union  qui  ne  tenait  d'ailleurs  plus  qu'à  un  fil.  Ce  déchi- 
rement, à  jamais  regrettable,  était  la  scission  profonde 
opérée  pour  longtemps  entre  la  métaphysique  et  les 
sciences  de  détail. 

Alors,  deux  courants  d'esprit  se  formèrent;  dans  l'un, 
on  voulut  essayer  de  nouvelles  théories  causales  avec 
les  nouveaux  faits,  et  c'est  ainsi  que  diverses  doctrines 
médicales  prirent  naissance;  dans  l'autre  courant,  on 
ne  voulut  plus  môme  entendre  parler  des  causes,  et  on 
prétendit  ne  plus  vouloir  connaître,  dans  les  sciences 
physiques  et  mathématiques,  que  les  lois  des  phénomènes. 
Descartes  nie  les  causes  formelles  et  efficientes  et  fina- 
les; il  ne  veut  plus  reconnaître  que  de  la  matière 
et  du  mouvement;  la  matière,  c'est  Y  étendue;  le  mouve- 
ment, c'est  la  force.  Bacon  fait  profession  de  rejeter 
l'ancienne  doctrine  des  causes,  et  de  ne  vouloir  accepter 
que  les  lois  tirées  des  inductions;  mais,  en  réalité,  il 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  85 

ne  se  gêne  g-uère  pour  occepter  des  formes  et  des  causes 
diverses  qu'il  entend  à  sa  manière.  Gassendi,  cepen- 
dant, proclame  les  atomes  comme  principes  de  toutes 
choses.  Descaries  semble  les  réfuter,  mais  il  y  touche 
et  enfante  à  leur  profit  sa  théorie  des  tourbillons  ;  c'est 
l'ancienne  doctrine  d'Epicure  qui  renaît,  sous  prétexte 
de  ne  plus  vouloir  que  du  nouveau.  Ce  même  Descartes 
sent  qu'il  faut  bien  remplacer  la  doctrine  des  causes 
finales,  si  on  veut  s'en  débarrasser;  il  invente  la  théorie 
des  causes  occasionnelles,  soutenue  par  Geulinx  et  par 
Malebranche,  et  il  accepte  des  esprits  vitaux,  qui  sont 
une  réminiscence  du  galénisme.  Leibnitz,  à  son  tour, 
invente  la  théorie  de  la  monade,  qui  doit  tout  remplacer, 
forme,  matière,  puissance,  mouvement,  étendue;  il  s'en 
repent,  il  est  vrai,  sur  ses  vieux  jours,  en  écrivant  à 
Arnaud,  à  qui  il  confesse  qu'on  a  eu  décidément  tort 
de  rejeter  l'ancienne  doctrine  scolastique,  et  qu'il  y  fau- 
drait revenir  (4).  Newton,  cependant,  s'avance  enfin 
pour  joindre  le  xvn*  siècle  au  xvm\  et  proclame  que  la 
matière  seule  ne  peut  tout  expliquer,  qu'elle  est  mue  par 
des  forces  diverses  qui  lui  donnent  une  sorte  de  vitalité, 
la  pesanteur,  la  lumière,  l'affinité  et  les  forces  répul- 
sives. En  même  temps,  Stahl  assure  que  la  chaleur  est 
un  principe  particulier;  et  de  la  machine  d'Otto  de  Gœ- 
ricke  (inventeur  de  la  machine  électrique)  sort  une  re- 
vendication en  faveur  d'une  force  nouvelle. 
En  médecine,  où  il  s'agit  de  connaître  et  d'expliquer 

I  homme  vivant,  sain  et  malade,  nous  trouvons  un  re- 
tentissement de  tous  ces  courants  de  l'esprit  scientifique. 

II  ne  s'agit  plus,  bien  entendu,  d'appliquer  à  cette 
science  l'ancienne  métaphysique;  la  scolastique  est  aussi 
bien  repoussée  que  l'hippocrato-galénisme,  plus  même 

(1)  Voir  les  Noutêtla  Litlres  de  Leibnitz,  publiées  par  H.  Foucber 
de  Careil. 


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80  HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE. 

encore,  sauf  chez  quelques  retardataires  encore  incon- 
nus. Un  petit  nombre  s'applique  encore  à  commenter 
les  anciens,  mais  sur  les  détails  seulement;  quelques- 
uns  tentent  une  dernière  conciliation.  Le  spécificisme, 
né  de  la  grande  révolte  théosophique  des  xv°  et  xvi°  siè- 
cles, va  finir  dans  une  sorte  de  kabbalisme ,  ou  se  ral- 
lier soit  à  la  chimie,  soit  à  la  physique,  sciences  nou- 
velles. C'est  de  ces  sciences  que  vont  surtout  naître  les 
doctrines  nouvelles  :  l'iatro-chimie  et  l'iatro-mécanique. 
Enfin,  va  poindre  une  restauration  de  l'idée  de  force 
associée  à  l'idée  de  matière,  sorte  de  vitalisme  d'abord 
mal  défini  et  multiple  dans  ses  apparitions,  qui  prépa- 
rera la  transition  du  xvnc  au  xvnf  siècle. 

Le  xvii"  siècle  est  vraiment  la  suite  du  xvie;  c'est  la 
suite  d'un  égarement  dans  lequel  on  s'est  séparé  de  la 
métaphysique,  fondement  obligé  de  toute  doctrine  scien- 
tifique générale,  et  où  on  cherche  dans  des  voies  di- 
verses, loin  de  la  seule  vraie,  ce  qu'on  ne  peut  rencon- 
trer. Les  efforts  furent  grands,  sans  doute,  et  souvent 
récompensés  dans  les  détails,  mais  impuissants  quant 
au  but  principal. 

Expliquons  les  cinq  courants  auxquels  on  peut  donner 
le  nom  d'écoles,  et  qui  se  partagent  la  médecine  dans 
le  siècle  que  nous  examinons  :  hippocrato-galénistes  et 
conciliateurs,  iatro-théosophie,  iatro-c/iimie,  iatro-mécaniçue, 
iatro-vitalisme.  Mais  comme  il  est  à  peu  près  impossible 
de  comprendre  ces  trois  derniers  courants  sans  com- 
prendre Van-Helmont,  Ûescartes  et  Leibniiz,  qui  les 
dominent,  nous  ferons  précéder  leur  étude  de  celle  de 
ces  grands  hommes. 

I.  HlPPOCRATO-GALENISTES,  CONCILIATEURS,  HISTORIENS, 

institl'taires. — Un  petit  nombre  de  médecins  s'attachent 
à  faire  revivre  les  anciennes  doctrines;  quelques-uns  les 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  87 

commentent  ou  s'y  rattachent.  Sanctorim  écrivit  un  vo- 
lumineux ouvrag-e  sur  la  théorie  élémentaire  des  an- 
ciens :  c'est  le  môme  qui  passa  quarante  ans  de  sa  vie  à 
se  peser  plusieurs  fois  par  jour,  et  qui  écrivit  ce  curieux 
et  intéressant  opuscule  sur  la  statique  du  corps  humain, 
livre  que  les  curieux  aiment  à  posséder,  et  qui  mérite- 
rait d'être  lu  par  un  grand  nombre.  —  Ponce  de  Santa- 
Cruzy  professeur  à  Valladolid,  soutint  lé  système  galé- 
nique.—S/M/ww,  G.  Hoffmann,  Marinelli  et  Schelhamner 
se  rallièrent  plus  particulièrement  au  principe  d'Aris- 
tote.  —Rodericus  Caslrensisel  P.  Martian  commentèrent 
Hippocrate;  le  livre  de  ce  dernier,  surtout,  in  Aphoris- 
mis,  est  plein  d'intérêt  pour  la  médecine  pratique,  et  a 
joui  justement,  pendant  très-longtemps,  d'une  grande 
considération  ;  il  est,  avec  les  ouvrages  de  Houllieret  de 
Duret,  du  xvie  siècle,  dont  nous  avons  parlé,  de  ceux 
qui  méritent  d'être  encore  parcourus. — Zacutus  Lusitanus, 
juif  portugais,  qui  vint  ensuite  s'établir  à  Amsterdam 
(1575-1642). On  vantait  beaucoup  son  De  medicorum  prin- 
cipium  historia,  in-folio,  et  son  Praxis  medica-admiranda, 
in-folio.  Le  premier  de  ces  deux  ouvrages  est  un  des 
premiers  essais  sur  l'histoire  de  la  médecine.  —  Van  der 
LÀnden  (4609-1664)  est  aussi  connu  pour  son  De  scriptis 
medicis,  1637,  et  sa  Medicinaphysiologica,  1653. 

C'est  parmi  ces  amateurs  de  l'antiquité  que  nous 
voyons  commencer  le  souci  de  notre  histoire;  et  nous 
venons  de  citer  Zaculus  et  Van  der  LÀnden,  Nous  pou- 
vons citer  aussi,  comme  s  étant  occupés  du  même  sujet, 
Strobeberger>  Barchausen,  Meibomius,  Rivinus,  qui  précé- 
dèrent Uaniel  Lecierc  et  Mange  t,  dont  les  œuvres  illustrè- 
rent la  fin  du  xvii*  siècle. 

L' Histoire  de  la  médecine,  par  Daniel  Lecltrc  (1652- 
1728),  s'arrête  malheureusement  après  Galien  :  c'est  le 
livre  le  mieux  fait  et  le  plus  sûr  pour  toute  la  médecine 


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88  HISTOIRE  DE  LÀ  MEDECINE. 

ancienne;  il  dépasse  de  beaucoup  tout  ce  qu'on  a  fait 
depuis,  bien  que,  sur  certains  points,  les  doctrines  an- 
ciennes ne  soient  suffisamment  nettes.  Manget  (1652- 
1742)  a  écrit  des  liibliothèques,  sortes  de  compilations  sur 
ïanatomie,  la  chimie,  la  praxis  médira,  la  chirurgie,  la 
médecine  pharmaceutique  et  les  écrivains  de  la  médecine, 
qu'il  donna  successivement  à  la  fin  du  xvn*  et  dans  le 
commencement' du  xviu*  siècle.  Ce  sont  de  vastes  ré- 
pertoires un  peu  confus,  mais  qui  contiennent  une 
quantité  de  renseignements,  et  qu'il  est  utile  de  con- 
sulter quand  on  veut  entrer  dans  le  détail  de  l'histoire 
des  maladies,  des  médicaments  ou  des  opérations. 

Chose  singulière,  c'est  dans  ce  siècle,  où  l'antiquité 
est  si  fortement  attaquée,  que  René  Chartier  (1572, 
1654)  donna  cette  grande  collection  in-folio  des  Œuvres 
d'Hippocrate  et  de  Galien,  qui  a  passé  longtemps  pour  la 
meilleure  de  toutes  les  éditions  ;  œuvre  que  son  auteur 
ne  put  voir  finir  de  son  vivant,  et  que  la  Faculté  de 
Paris  se  chargea  d'achever  à  ses  frais. 

Parmi  ceux  qui,  se  rattachant  principalement  aux 
anciens,  faisaient  cependant  des  concessions  aux  idées 
nouvelles,  nous  devonsciter  : — Sala,  de  Vienne,  qui  s'ef- 
força d'épurer  fes  théories  de  Paracelse  en  en  élaguant 
les  exagérations  opiniâtres  et  magiques.  —  H.  Jjivater 
tenta  de  prouver  que  les  galénistes  se  servaient,  depuis 
longtemps ,  des  remèdes  chimiques  —  /.  Hartmann,  de 
Bavière,  était  paracelsiste,  mais  il  joignait  à  ses  théo- 
ries des  explications  galéniques.  —  Poterius,  Minderer, 
Werner  Bolfinck,A.  Mynsicht,  alliaient  aussi  Paracelse  à 
Galien,  et  se  servaient  des  médicaments  chimiques.  — 
Varandé,  Sennert,  Laz.  Rivière,  voulaient  une  concilia- 
tion, quoiqu'ils  fussent  plus  particulièrement  attachés 
à  la  médecine  ancienne  en  leur  qualité  d'institutaires. 
—  Baglivi,  enfin,  que  nous  citerons  plus  loin  comme  un 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  89 

des  chefs  du  nouveau  vitalisme,  était  tout  antique  par 
ses  dogmes,  et  faisait  profession  de  conciliation  avec  la 
chimie.  Mais  Baglivi  appartient  à  la  transition  du  xvn* 
au  xvni*  siècle. 

Nous  devons  mettre  à  part  les  institutaires  de  cette 
époque,  ceux  qui,  suivant  les  traces  que  leurs  devan- 
ciers du  xvie  siècle,  Fuschs,  Fernel  et  Mercado  leur 
avaient  tracées,  entreprirent  de  bien  montrer  la  consti- 
tution générale  de  la  médecine.  Il  en  est  sept  surtout, 
dans  ce  xvn*  siècle,  que  nous  devons  citer  :  Varandé, 
Sennert,  Laz.  Rivière,  Beverovichts,  Plempius,  Waldschmitt 
et  Ettmuller. 

J.  Varandé,  ou  Varandeus,  était  de  Nîmes,  et  fit  ses 
études  à  Montpellier,  où  il  devint  professeur;  né  en 
1560  environ,  mort  en  1617.  Son  principal  ouvrage 
paraît  n'avoir  été  publié  qu'après  sa  mort,  en  1620;  il 
est  intitulé  :  Physiologia  et  pathologia,  quibus  accesserint 
iractatus  prognosticus  et  tractalus  indicationibus  curativis, 
in-12.  C'est  un  véritable  livre  d'institutes  de  médecine 
divisé  selon  les  quatre  parties  que  nous  venons  d'indi- 
quer, et  que  les  médecins  actuels  de  Montpellier  pour- 
raient revendiquer,  avec  raison,  comme  une  gloire  de 
leur  école.  Ce  livre,  peu  volumineux,  est  dans  les  idées 
de  Fernel. 

Senneri,  né  en  1572,  mort  en  1637,  était  de  Vittem- 
berg.  Il  fit  une  grande  sensation  en  Allemagne  par  son 
livre:  De  comensu  et  dissensu galenicorum  et peripateticorum 
cwn  chimicis,  1619,  avec  lequel  il  rallia  sous  sa  grande 
autorité  tous  les  conciliateurs  de  son  pays.  Ses  Institu- 
tiones  medicœ  et  de  origine  animarum  in  brutis,  1610,  ont 
eu  un  immense  succès,  et  furent  réimprimés  plusieurs 
fois. 

Laz.  Rivière,  qui  était  de  Montpellier  (1589, 1655),  et 
qui  y  devint  professeur,  successeur  de  Yarandé,  s'in- 


90  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

spira  surtout  de  Sennert,  dont  il  est  considéré  comme 
le  vulgarisateur.  Son  Praxis  medica,  1640,  qui  est  une 
sorte  de  nosographie  en  XVII  livres,  eut  un  immense 
succès.  Ses  Instiiutiones  medicœ,  réimprimées  dans  ses 
Opéra  omnia,  furent  presque  autant  estimées,  parce 
qu'elles  donnaient  un  résumé  de  Sennert  dans  un  lan- 
gage plus  élégant  et  plus  simple  à  la  fois.  11  divise  la 
médecine  en  cinq  parties  :  physiologie,  pathologie,  séméio- 
tique,  hygiène  et  thérapeutique. 

J.  Beverovicius,  qui  était  à  Dordrecht,  et  professa  à 
Leyde,  donna  son  Idea  medicinœ,  en  1620,  petit  livre 
in-12,  elzévirien  fort  bien  écrit  et  pensé,  où  les  auteurs 
anciens  sont  très-bien  appréciés.  Il  comprend  d'abord 
des  Prolégomènes,  sur  l'origine  et  les  divisions  de  la 
médecine,  et  où  l'auteur  montre  qu'il  était  familier  avec 
toute  la  littérature  ancienne.  Il  parcourt  ensuite  les  cinq 
parties  de  la  médeoine  :  Physiologie,  hygiène  ou  diété- 
tique, pathologie,  séméiotique,  thérapeutique.  Char- 
mant petit  ouvrage  dont  on  peut  faire  un  manuel 
d'études  anciennes. 

Plempius  était  d'Amsterdam  (1601,  1671).  Il  Ût  ses 
études  à  Louvain  et  à  Leyde,  passa  en  Italie,  et  revint 
s'établir  en  Hollande,  puis  à  Louvain  où  il  mourut.  Il 
est  célèbre  pour  avoir  été  un  défenseur  converti  et 
ardent  de  la  circulation.  Ses  Institutiones,  seu  Funda- 
menta  medicinœ,  1638,  qui  s'intitulèrent  simplement 
Fundamenta  medicinx  dans  les  éditions  ultérieures,  sont 
un  livre  curieux,  parce  qu'il  montre  un  accommode- 
ment de  l'ancienne  médecine  avec  les  idées  nouvelles 
sur  la  circulation.  Des  deux  premiers  livres  consacrés 
à  la  physiologie,  le  second  surtout  est  plein  d'intérêt, 
et  le  comparant  à  L.  Kivière  ou  à  Varandé,  ou  à  Sen- 
nert, on  est  vraiment  stupéfait  de  voir  les  pas  de  géant 
que  cette  branche  scientifique  a  accomplis  en  quelques 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  91 

années.  Le  troisième  livre,  sur  l'hygiène,  est  fort  court; 
le  quatrième,  sur  la  pathologie,  se  rapproche  beaucoup 
de  Fernel,  mais  est  trop  plein  de  subtilités  ;  le  cinquième 
est  sur  la  séméiotique  encore  séparée  de  la  pathologie; 
le  sixième  contient  la  thérapeutique  galénique  et  est  fort 
court. 

Waldschmitt  donna  des  Fundamentu  medicinœ ,  en 
1685,  Lugduni  Batavorum.  Il  était  attaché  au  cartésia- 
nisme. 

J,  Ettmuller  naquit  à  Leipsic,  en  1644;  il  y  mourut 
en  1683,  après  avoir  visité,  comme  on  le  faisait  à  cette 
époque,  tous  les  centres  européens  d'instruction.  Mort  à 
39  ans,  il  fut  regretté  unanimement,  môme  en  France, 
où  il  était  fort  goûté.  Ses  Instituts  de  médecine,  traduits 
en  français  en  1693,  sont  un  élégant  résumé  de  toute  la 
médecine  de  son  temps,  mais  on  y  sent  l'influence  de 
Sylvius  de  le  Boé  et  de  Van-Helmont.  11  contient  trois 
parties  dans  lesquelles  il  résume  toute  notre  science  :  La 
physiologie,  la  pathologie  et  la  thérapeutique.  Il  fait  de  la 
diététique  (à  peine  mentionnée)  une  partie  de  la  théra- 
peutique, ce  qui  est  fort  juste,  et  fait  rentrer  la  séméio- 
tique dans  la  pathologie,  ce  qui  est  non  moins  vrai  : 
c'est  là  une  vue  générale  très-nette  et  considérable 
qui  mérite  d'ôtre  expressément  notée  dans  notre 
histoire. 

En  résumé,  pour  le  courant  des  opinions  dans  le 
xvu*  siècle,  la  médecine  devait  comprendre  quatre 
branches  principales  :  La  physiologie,  dont  Yanatomie 
faisait  une  partie  distincte;  la  pathologie  comprenant 
une  étude  générale  de  la  maladie  et  de  ses  causes,  et 
une  nosographie  branche  distincte  ;  la  séméiotique  qu'on 
n'avait  pas  encore  réunie  a  la  pathologie;  enfin  la  thé- 
rapeutique, comprenant  la  diététique  dont  quelques-uns 
faisaient  une  science  séparée,  {^pharmaceutique  ou  théra- 


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92  HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE. 

peutiçue  médicale  (usage  des  médicaments),  et  la  chi- 
rurgie. 

II.  Iatro-théosophie  ;  pàracelstsme;  rosb-croix.  —  Le 
mouvement  d'idées  qui  fut  représenté  par  Paracelse  au 
xvi*  siècle,  était  un  amalgame  assez  singulier  d'opi- 
nions diverses  ;  il  y  entrait  avec  la  théorie  médicale  du 
spécificisme,  les  idées  de  la  kabbale  de  Cornélius 
Agrippa  et  autres;  des  aspirations  païennes  comme 
celles  de  Gémisthe  Pléthon  ;  des  vues  magiques  et  as- 
trologiques émanées  de  l'Orient;  des  recherches  chi- 
miques mises  en  vogue  par  Basile  Valentin,  l'auteur  de 
l'antimoine.  Tout  cela  était  fort  confus. 

Les  successeurs  de  ce  mouvement  se  partagèrent  en 
deux  courants  :  les  uns  s'adonnèrent  définitivement  à  la 
chémiàtrie,  les  autres  entrèrent  plus  ou  moins  dans  une 
sorte  de  secte  kabbaliste  et  magique  qui  finit  par  se  fon- 
der sous  le  nom  de  Rose-Croix. 

Parmi  ceux  qui  tinrent  quelque  temps  encore  l'en- 
semble de  la  doctrine  paracelsisle,  on  cite  :  —  Josephe 
Duchesne  ou  Quercetanus  et  Paulmier,  qui  prirent  part  à 
la  grande  querelle  de  l'antimoine,  dont  nous  parlerons 
plus  loin; — Oswald  Croll,  qui  était  de  laHesse  et  y  faisait 
bruit;  —  Roch  Bail/if  de  la  Rivière,  dont  le  roi  Henri  IV 
avait  fait  son  médecin  à  Paris. 

Le  courant  kabbaliste  avait  rallié  d'une  part  les 
francs-maçons,  sortes  d'illuminés  qui  avaient  fait  secte  en 
ralliant  eux-mêmes  les  débris  des  Albigeois  auxiv*  siècle, 
et  qui  paraissent  s'être  constitués  après  la  chute  des 
Templiers;  d'autre  part,  des  anabaptistes  du  xvi'  siècle, 
et  les  chercheurs  de  la  pierre  philosophale,  les  astrologues, 
les  abstracteurs  de  quintessence,  les  adeptes  du  grand 
œuvre,  les  invocateurs  d'esprits.  Chrétien  de  Rosenkreatz, 
philosophe  allemand  du  xvi*  siècle,  sur  lequel  on  n'a 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  93 

que  des  données  fort  vagues,  aurait  réuni  tous  ses  élé- 
ments dans  un  seul  groupe  auquel  il  aurait  donné  son 
nom.  Ce  qui  paraît  de  plus  certain,  c'est  qu'un  nommé 
Nicolas  Barnaud  aurait  parcouru  la  France  et  l'Alle- 
magne vers  4591,  pour  fonder  une  secte  hermétique  à 
la  recherche  du  grand  œuvre,  et  que  les  adeptes  s'oc- 
cupaient d'apparitions  mystérieuses  ;  que  dans  le  livre 
l'Echo  de  la  Société  des  illuminés  du  respectable  ordre  des 
frères  r  f  c,  il  est  dit  que  la  Société  fut  instituée  vers 
1597;  et  qu'enfin  l'histoire  constale  qu'on  n'entendit 
parler  vraiment  de  la  secte  des  Rose-Croix^  que  vers 
1610  ou  à  peu  près. 

Ce  qu'on  sait  de  cette  secte,  d'après  le  livre  de  la  Fama, 
se  réduit  à  ceci  :  les  adeptes  devaient  tenir  sous  secret 
l'existence  môme  de  leur  société,  au  moins  pendant  un 
siècle,  ce  qui  a  fait  penser  que  la  secte  devait  être  an- 
cienne quand  on  commença  d'en  parler;  ils  devaient 
faire  publiquement  profession  d'être  médecins  et  prati- 
quer ostensiblement  ;  tous  les  ans  une  assemblée  géné- 
rale devait  les  réunir  tous  dans  la  chapelle  du  Saint- 
Esprit,  {)our  la  fête  du  grand-maître;  un  grand  zèle 
était  recommandé  pour  multiplier  les  adhérents.  Ils 
croyaient  à  la  lin  du  monde  prochaine,  faisaient  état  de 
mépriser  toute  espèce  d'étude,  et  soutenaient  que  toute 
science  devait  dériver  exclusivement  de  la  Bible.  Enfin, 
ils  assuraient  avoir  le  privilège  de  ne  jamais  tomber 
malade,  et  posséder,  par  la  vertu  de  la  croix,  le  pouvoir 
de  guérir  toutes  les  maladies. 

On  cite,  comme  ayant  été  attachés  à  celle  secte  : 
Thomas  Campanella,  philosophe,  médecin  de  la  fin  du 
xvi'  et  du  commencement  du  xvii*  siècle  ;  il  professait 
une  sorte  de  panthéisme  qu'il  exposa  dans  la  Cité  du 
SoltiL  son  principal  livre.  II  admettait  deux  causes, 
l'une  spirituelle,  venue  de  Dieu,  et  participant  à  la  divi- 


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94  HITOIRE  DE  LA  MÉDECINE. 

nité;  l'autre  matérielle,  ou  esprit  vital,  né  des  molécules 
matérielles;  ce  qui  veut  dire,  qu'il  partageait  les  idées 
d'Averrhoës.  -  Valentin  Andréac,  de  Wurtemberg1,  eut  la 
plus  grande  part  à  la  diffusion  de  la  secte.  —  Valentin 
Weiqel  de  Schemnitz,  Égide  Gutmann  de  Souabe,  Jules 
Spuber,  J.  Gramann ,  H.  Kunrath  ont  été  remarqués 
comme  disciples.  —  Robert  Flt/dd  en  fut  le  plus  célèbre 
représentant  en  Angleterre,  avec  Kenelm  Bigby,  qui 
passait  pour  pouvoir  préparer  un  remède  universel,  ca- 
pable de  prolonger  la  vie  éternellement.  —  Descartes, 
lui-même,  fut  un  instant  un  disciple  de  la  secte,  et  on 
pense  que  c'est  pour  s'y  associer  qu'il  fit  son  premier 
voyage  d'Allemagne. 

Il  est  certain  que,  dans  le  xvie  et  le  xvn'  siècle,  on 
s'occupa  beaucoup  de  magie  et  de  sorcellerie,  surtout  à 
la  suite  des  anabaptistes,  et  que  ce  fut  comme  un  eni- 
vrement universel  quand  on  eut  fait  courir  le  bruit  qu'en 
Allemagne  un  enfant  était  né  avec  une  dent  d'or.  11  pa- 
rut vers  ce  temps  un  grand  nombre  de  livres  de  sor- 
cellerie, ou  sur  les  procès  qui  en  furent  la  suite.  Parmi 
tous  les  auteurs  qui  s'occupèrent  de  ce  sujet,  on  peut 
citer  comme  les  principaux  :  Jérôme  Menghi  de  Via* 
dana  (  Compendio  delT  arfe  esorcistica ,  e  possibitita  délie 
mirabili  e  stripendi  operazioni  doit  demoni  e  de  malefici;  con 
li  remedi  opportuni  aile  infernita  malifici,  etc.,  1550).  C'est 
un  des  plus  amusants.  —  Jehan  Wyerus  {De  prœstigiis 
dœmonum  et  incantationibus  ac  veneficiis,  libri  VI;  Bàle, 
1564).  C'est  un  des  plus  importants  de  ceux  qui  ont  nié 
la  réalité  de  la  magie  et  de  la  sorcellerie.  —  C.  Cêsalpin 
(Dœmoniwn  investigatio  peripatetica,  in  qua  expficatur  loctis 
Hippocratw,  si  quid  divinum  in  morbis  habetur  ;  Florence, 
J580).  —  Martin  del  Rio  (Disquisitionum  magicantm, 
libri  VI;  plusieurs  éditions,  Lyon,  1612,  in-4").  Il  est 
l'opposé  de  J.  Wyer,  et  on  lui  a  justement  reproché  trop 


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ÉTUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION.  95 

de  crédulité.  —  Fréd.  Spée  (Cautio  criminalis  ;  1630). 
C'est  celui  qui  dévoila  le  mieux  les  abus  de  certains  pro- 
cès de  sorcellerie,  et  qui  amena  les  cours  criminelles  à 
la  douceur,  en  montrant  qu'il  y  avait  dans  tous  ces  faits 
plus  d'hallucination  que  de  malice. 

Nous  verrons  les  suites  de  cette  question  au  siècle 
suivant. 

F.  Frédault. 

—  La  raile  au  prochain  numéro.  — 


PHYSIOLOGIE  EXPÉRIMENTALE 


ÉTUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION 

Ce  travail  a  pour  objet  la  recherche  et  l'étude  expé- 
rimentale des  faits  qui  se  rattachent  à  la  privation  com- 
plète d'aliments  solides  et  liquides  et  à  l'alimentation 
insuffisante. 

Laissant  de  côté  les  observations  nombreuses,  mais 
trop  souvent  erronées  des  auteurs  anciens,  nous  nous 
adresserons  surtout  à  la  physiologie  et  à  la  pathologie 
expérimentales  pour  élucider  la  question  que  nous 
voulons  étudier. 

Redi  a  fait  des  expériences  variées  pour  connaître  la 
durée  de  la  vie  chez  les  animaux  privés  d'aliments. 
Haller  a  relaté  dans  ses  Éléments  de  physiologie  quelques 
observations  curieuses  d'abstinence  prolongée.  De  Sa- 
vigny  a  publié  une  relation  scientifique  sur  les  naufragés 
de  la  Méduse  (Des  effets  de  la  faim  et  delà  soif;  Paris,  1818). 
Hebray  a  montré  dans  une  excellente  thèse  l'influence 
de  l'alimentation  insuffisante  sur  l'économie  animale 
[Thèses  de  Paris^  1829).  Des  études  expérimentales  ont 
été  faites  par  Magendie,  Tiedemann  et  Gmelin,  Dumas, 
de  Beaumont,  sur  les  modifications  des  fluides  digestifs 


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96  PHYSIOLOGIE  EXPÉRIMENTALE. 

pendant  la  privation  d'aliments.  Collard  de  Martigny, 
Denis,  Lecanu  ont  étudié  la  composition  du  sang- et  de  la 
lymphe  sur  les  sujets  inanitiés.  MM.V.  Régnaultet  Reizet 
ont  noté  les  phénomènes  respiratoires  au  point  de  vue 
chimique  (Annales  de  chimie  et  de  physique,  3*  série, 
t.  VIII  et  XXV).  Citons  aussi  les  mémoires  de  Pommer 
(Medic.  chintrg.  zeitung,  1828),  Rolando  et  Porto-Gallo 
(Necropsia  di  anna,  etc.;  Turin,  1828), de  Desbarreaux  qui 
rapporte  l'observation  de  Granié,  mort  de  faim  volon- 
tairement dans  les  prisons  de  Toulouse  en  1831,  de  So- 
viche  qui  a  soigné  huit  mineurs  engloutis  pendant 
136  heures  dans  les  mines  de  Bois-Mouzil  (Annales d hy- 
giène et  de  médecine  légale,  1836).  D'autres  auteurs  se  sont 
occupés  de  l'inanition  au  point  de  vue  de  l'hygiène 
et  de  la  thérapeutique;  nommons  Andral,  Roslan, 
MM.  Piorry,  Bouchardat,  Payen,  Boussingault,  Mar- 
rotte,  Duriau,  Bouchaud,  Fonssagrives.  C'est  a  Chossat 
que  la  science  est  redevable  du  travail  le  plus  impor- 
tant sur  l'inanition,  travail  qui  a  obtenu  le  prix  de 
l'Institut  en  18il  (Recherches  expérimentales  sur  T inanition, 
in-4°;  Paris,  1843). 

A  l'aide  de  ces  divers  documents  qui  traitent  chacun 
quelques  parties  de  cette  vaste  et  intéressante  question, 
et  avec  nos  expériences  personnelles  faites  pour  con- 
trôler les  faits  déjà  connus,  nous  espérons  pouvoir  pré- 
senter une  étude  assez  complète  de  la  mort  par  ina- 
nition. 

Nous  étudierons  d'abord  les  effets  de  l'abstinence 
complète  et  de  l'alimentation  insuffisante  :  1°  sur  les 
fonctions  et  les  liquides  organiques;  2°  sur  les  organes. 
Ensuite  nous  traiterons  de  la  durée  de  la  vie,  de  la  cause 
de  la  mort  chez  les  inanitiés,  et  enfin  du  réchauffement 
artificiel,  comme  moyen  de  ramener  à  la  vie  des  sujets 
sur  le  point  de  succomber. 


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étude  sur  la  mort  par  inanition.  97 

A  I  exemple  de  Cliossat,  nous  nous  servirons  du  mot 
inanitiation  pour  exprimer  le  passade  graduel  et  succes- 
sif du  corps  à  un  état  qui  n'est  réellement  de  l'inanition 
que  lors  de  sa  terminaison.  L'inanition,  à  proprement 
parler,  n'est  que  la  fin  de  l'inanitiation. 

CHAPITRE  PREMIER. 

DES  EFFETS  DE  L'ABSTINENCE  COMPLÈTE  d' ALIMENTS  SOLIDES 
ET  LIQUIDES  SUR  LES  FONCTIONS  ET  LES  LIQUIDES  OR- 
GANIQUES. 

Pour  montrer  l'influence  de  liiianiliation  sur  les  prin- 
cipales fonctions,  nous  n'interrogerons  guère  les  an- 
nales de  l'histoire  qui  rapportent  avec  exagération  les 
observations  de  naufragés,  de  mineurs,  d'assiégés,  etc., 
qui  ont  enduré  la  privation  d'aliments.  Nous  citerons 
les  quelques  fdits  qui  porlent  le  cachet  de  la  science  mo- 
derne. Ce  sont  surtout  nos  expériences  qui  serviront  de 
hase  à  notre  travail.  Ces  expériences  ont  porté  sur 
48  mammifères  (cochons  d'Inde,  lapins,  chats,  chiens) 
et  sur  quelques  oiseaux  (poules,  pigeons).  Elles  ont  été 
variées.  La  plupart  des  sujets  ont  été  complètement 
privés  d'aliments  solides  et  liquides;  quelques-uns  ont 
eu  seulement  de  l'eau  pour  boisson,  sans  aliments  ;  en- 
fin, nous  en  avons  laissé  périr  d'autres  en  les  nourris- 
sant d'une  manière  insuffisante. 

I 

Des  effets  de  l'abstinence  complète  sur  la  digestion. 

La  sensation  de  la  faim,  sexaspérant  dans  les  pre- 
miers jours,  devient  excessivement  pénible.  Elle  prend 
le  caractère  d  une  douleur  atroce,  d'une  véritable  tor- 
ture. «  Il  semblait,  dit  de  Savigny.,  qu'on  m'arrachait 
l'estomac  avec  des  tenailles.  Les  souffrances  sontintermit- 
tentes,  elles  s'accompagnent  souvent  de  borborygmes 

TOME  XXXII.  —  AOUT  1870.  7 


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98  PHYSIOLOGIE  EXPERIMENTALE. 

«  J'entends  un  vacarme  horrible  dans  mon  ventre,  • 
écrivait  un  négociant  qui,  à  la  suite  de  mauvaises  af- 
faires, se  laissa  mourir  de  faim  dans  un  bois.  Les  tour- 
ments occasionnés  par  la  faim  diminuent  peu  à  peu  et 
finissent  par  être  tout  à  fait  nuls. 

Cependant,  dans  certaines  conditions,  la  faim  ne 
cause  pas  de  sensation  pénible.  Les  mineurs  de  la  houil- 
lère du  ttois-Mouzil  n'éprouvèrent  point  les  aiguillons 
de  la  faim.  Mais,  selon  Soviche,  l'explication  de  ce  phé- 
nomène est  assez  facile  :  «  Au  milieu  de  l'air  vicié  et 
humide  dans  lequel  ils  vivaient,  tous  les  organes  per- 
daient de  plus  en  plus  leur  énergie  vitale  ;  le  cœur  ne 
chassait  qu'avec  peine  le  sang*  vers  les  extrémités;  la 
transpiration  devenait  nulle.  Les  fonctions  de  la  vie 
ayant  ainsi  moins  d'activité,  le  besoin  d'assimilation  ne 
pouvait  se  faire  sentir  avec  force  et  l'irritabilité  de  l'es- 
tomac était  pour  ainsi  dire  assoupie.  » 

Dès  le  début,  presque  tous  nos  animaux  étaient,  la 
plus  grande  partie  du  temps,  agités  et  bruyants,  et  nous 
étions  forcés  de  leur  inciser  quelques  anneaux  de  la 
trachée  pour  ne  plus  entendre  leurs  cris.  Quelques-uns 
restaient  sombres  et  abattus.  Ce  qui  indique  que  les 
souflrances  de  la  privation  d'aliments  ne  se  font  pas 
sentir  chez  tous  de  la  même  manière. 

En  général,  la  soif  n'est  pas  très-vive.  Deux  chiens 
et  trois  chats  ont  eu  de  l'eau  à  discrétion.  Ils  en  pre- 
naient fort  peu  pendant  toute  la  durée  de  l'inanitiation. 
Chossat  a  noté  la  même  particularité  chez  les  oiseaux. 
De  sorte  que  l'on  peut  dire  que  la  privation  d'aliments 
était  à  peu  près  la  sensation  de  la  soif.  Les  angoisses  de 
la  soif  lurent  totalement  inconnues  des  mineurs;  ils 
avaient  à  leur  disposition  une  eau  très-pure  et  ils  ne 
songèrent  à  aller  boire  que  le  quatrième  jour  de  leur 
emprisonnement. 


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ÉTUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION.  99 

Les  expériences  de  Magendie,  Tiedemann  et  Gmelin, 
de  Beaumont ,  confirmées  depuis  peu  par  celles  de 
MM.  Blondlot,  Bouchardat  et  Longet,  ont  prouvé  que 
la  sécrétion  du  suc  gastrique  n'est  abondante  qu'en 
présence  de  l'aliment  ou  d'un  corps  qui  le  stimule, 
qu'elle  devient  de  plus  en  plus  rare  à  mesure  que  le 
jeûne  se  prolonge,  et  finit  par  ne  plus  avoir  lieu. 

Pendant  les  premiers  jours  d'abstinence,  l'estomac  et 
l'intestin  grêle  se  livrent  à  une  espèce  de  travail  sur  les 
fluides  sécrétés  par  les  glandes  de  l'appareil  digestif,  sur 
le  mucus,  sur  les  sucs  gastrique  et  pancréatique,  sur 
la  bile.  Peu  à  peu  ces  organes  cessent  de  se  mouvoir; 
ils  n'exécutent  plus  leurs  mouvements  péristaltiques  et 
anti-péristalliques  ;  devenus  vides,  ils  se  resserrent  et 
diminuent  de  volume.  Les  membranes  muqueuse  et 
cellulo-fibreuse  forment  des  replis  nombreux.  L'estomac 
s'anémie  en  l'absence  de  l'excitation  digestive.  Le  dia- 
mètre de  l'intestin  va  s'amoindrissant.  Ces  faits  s'ob- 
servent facilement  sur  des  chiens  à  fistule  épigastrique. 

Quand  un  animal  est  resté  plusieurs  jours  sans  man- 
ger, la  faculté  digestive  est  presque  abolie,  et  si  on  lui 
donne  tout  d'un  coup  une  nourriture  trop  forte  ou  trop 
abondante,  il  en  résulte  des  vomissements  et  de  la  diar- 
rhée qui  l'enlèvent  promptement.  A  une  époque  plus 
avancée  de  l  inanitiation,  le  besoin  d'aliments  est  tout 
à  fait  anéanti  ;  présentez  de  la  nourriture  à  l'animal,  il 
n'en  fait  aucun  cas.  C'est  ce  que  l'expérience  a  prouvé 
chez  les  naufragés  de  la  Méduse,  c'est  ce  qui  résulte 
aussi  des  faits  de  Chossat  et  des  nôtres.  En  effet,  poui 
digérer  une  notable  quantité  d'aliments,  il  faut  du  suc 
gastrique,  et  de  plus,  il  faut  que  la  masse  du  sang  soit 
assez  considérable  pour  fournir  cette  sécrétion. 


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100 


l'IIYSlOUXillî  EXPÉRIMENTALE. 


II 

Des  effets  de  l'abstinence  complète  sur  l'absorption. 

Quand  l'animal  est  complètement  privé  de  nourri- 
ture, il  devient  autophage.  II  faut,  pour  que  la  vie  se 
continue,  que  le  corps  fournisse  sa  propre  substance, 
qu'il  donne  en  albumine,  en  fibrine,  en  graisse,  en  sels, 
en  liquides  organiques,  une  certaine  quantité  d'azote, 
de  carbone,  soit  pour  subvenir  aux  pertes,  soit  pour 
subir,  par  l'hématose,  l'action  de  l'oxygène.  L'absorption 
doit  conserver  son  activité  pendant  que  les  autres  fonc- 
tions languissent;  elle  doit  puiser  dans  les  différentes 
parties  de  l'organisme  les  matériaux  pour  l'entretien  et 
la  conservation. 

Magendie  et  Collard  de  Martigny  ont  constaté  qu'a- 
près quelque  temps  d'abstinence,  un  ou  deux  jours  seu- 
lement, les  vaisseaux  chvlifères  contenaient  encore  une 
petite  quantité  d'un  liquide  d'une  teinte  jaunâtre,  d'un 
aspect  lactescent,  offrant  toutes  les  propriétés  du  chyle. 
Ce  fluide,  qu'on  rencontre  également  dans  le  canal  tho- 
racique,  paraît  être  le  chyle  provenant  de  la  digestion 
des  sucs  sécrétés  par  l'appareil  digestif.  Il  lient  en  sus- 
pension des  cellules  à  noyau  (globules  du  chyle)  des 
corps  granuleux  et  des  hématies.  Il  renferme  de  l'albu- 
mine, de  la  fibrine,  de  l'urée  et  se  coagule  en  un  caillot 
gélatineux,  au  bout  de  quinze  minutes  qu'il  est  sous- 
trait a  l'action  vitale. 

Quand  l'abstinence  se  prolonge  au  delà  de  trois  ou 
quatre  jours ,  les  vaisseaux  chylifères  sont  dans  les 
mêmes  conditions  que  les  vaisseaux  lymphatiques;  on 
les  trouve  parfois  remplis  de  lymphe,  d'autres  fois 
presque  vides. 

Ce  sont  les  liquides  organiques  qui  sont  d'abord  ré- 
sorbés; puis,  le  tissu  adipeux  des  orbites,des  joues,  des 


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ETUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION.  101 

épiploons,  sous  la  peau,  dans  les  muscles  et  jusque 
dans  les  os;  puis,  le  tissu  musculaire  qui  supporte  la 
plus  grande  partie  de  la  perte  du  poids  du  corps.  Quant 
à  l'épiderme,  aux  ongles,  aux  tendons,  ils  ne  paraissent 
guère  diminuer  par  la  résorption.  Mais  un  fait  qui  doit 
particulièrement  fixer  l'attention,  c'est  que  le  système 
nerveux  ne  perd  presque  rien  de  son  poids.  Nous  re- 
viendrons plus  loin  sur  ce  résultat. 

Quand  un  animal  est  soumis  à  l'inanitiation,  on  re- 
marque que  les  produits  morbides  et  accidentels,  étant 
de  formation  récente,  et  n'ayant  par  conséquence  que 
peu  de  vitalité,  disparaissent  bientôt  :  ainsi,  dans  les 
vieux  ulcères,  les  bords  calleux  s'affaissent,  les  éruptions 
pâlissent ,  se  dessèchent,  se  couvrent  de  croûtes  qui 
tombent;  les  papules  et  tumeurs  diminuent  et  finissent 
pas  s'effacer  ;  le  pus  ne  se  renouvelle  plus  sur  les  plaies. 
On  a  vu  plus  d'une  fois  des  épanchements  séreux  dans 
une  grande  cavité  se  résorber  promptemenl. 

Collard  de  Martigny  s'est  spécialement  occupé  des 
effets  de  l'abstinence  complète  sur  la  lymphe;  ses  ré- 
sultats ont  été  corroborés  par  les  expériences  de  Ma- 
gendicet  de  M.  Bouchardat.  Selon  ces  éminents  obser- 
vateurs, la  lymphe  augmente  progressivement  pendant 
la  première  période  de  la  diète.  Alors  on  en  trouve 
dans  tous  les  vaisseaux  lymphatiques  du  tronc,  des 
membres  et  du  cou;  le  canal  thoracique  en  est  rempli, 
et  le  système  entier  paraît  turgide. 

En  même  temps  qu'il  augmente  de  quantité,  ce  fluide 
devient  plus  visqueux  et  plus  opalin;  son  odeur  est 
plus  fortement  spermatique  et  sa  couleur  prend  une 
teinte  rose  plus  prononcée.  Il  se  prend  promptement  à 
l'air  en  un  caillot  très-dense,  volumineux,  offrant  des 
filaments  rougeâtres,  imitant,  par  leur  disposition,  des 
arborisations  irrégulières. 


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102  PHYSIOLOGIE  EXPÉRIMENTALE. 

Dans  la  deuxième  période,  la  quantité  de  lymphe 
diminue  peu  à  peu,  le  canal  thoracique  en  contient 
moins;  son  odeur  n'est  plus  aussi  forte,  sa  coloration 
pâlit  de  jour  en  jour,  de  rosée  devient  jaunâtre. 

La  lymphe  ne  se  trouve  plus,  à  Ja  troisième  période, 
qu'en  très-petite  quantité  dans  le  canal  thoracique  ;  elle 
est  alors  d'un  blanc  jaunâtre,  transparente,  sans  odeur, 
séreuse  et  se  coagulant  difficilement  ;  le  caillot  est  mol- 
lasse, sans  arborisations.  Le  dernier  jour  de  la  vie,  la 
lymphe  n'est  plus  coagulable. 

III 

Des  effets  de  l'abstinence  complète  sur  la  circulation  du  sang 

et  sur  sa  composition. 

La  circulation  du  sang,  pendant  les  deux  ou  trois 
premiers  jours  de  l'inanitiation,  ne  se  modifie  pas  d'une 
manière  sensible.  Plus  tard,  le  pouls  prend  presque  tou- 
jours de  la  fréquence;  il  s'élève  môme  de  100  à  120  pul- 
sations à  la  minute.  Nous  avons  constaté  l'accélération 
du  pouls  sur  tous  nos  animaux.  Il  n'existe  cependant 
pas  d'état  fébrile,  car  la  chaleur  de  la  peau  n'est  pas 
augmentée.  Quelques  jours  avant  la  mort,  les  batte- 
ments du  cœur  se  ralentissent  et  s'affaiblissent  progres- 
sivement: le  pouls  devient  petit,  dépressible,  tombe  à 
40  et  même  à  35  pulsations.  Chez  Granié,  l'artère  ra- 
diale ne  donnait  plus  que  37  battements  à  la  minute. 
L'auscultation  permet  de  constater,  dans  le  cours  de 
l'inanitiation,  que  le  choc  du  cœur  contre  les  parois 
thoraciques  est  faible,  qu'il  existe  des  bruits  anormaux 
(bruits  de  souffle,  de  scie,  bruits  musicaux).  La  percus- 
sion indique  que  le  volume  du  cœur  est  moindre  qu'à 
l'état  physiologique. 

Le  sang  s'use  par  l'abstinence,  sa  masse  diminue  de 
beaucoup.  Haller  et  Hufeland  avaient  déjà  noté  l'ab- 


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KTUDB  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION.  103 

sence  de  sang*  dans  les  gros  vaisseaux  chez  les  indivi- 
dus qui  succombent  par  défaut  d'alimentation.  Pour 
étudier  ce  fait  expérimentalement,  et  démontrer  que  la 
diminution  a  lieu  d'une  manière  progressive,  nous  avons 
pris  cinq  lapins  de  la  même  portée  et  à  peu  près  du 
même  poids  ;  deux  ont  été  sacrifiés  par  la  section  de 
l'artère  crurale,  et  leur  sang"  a  été  recueilli  et  pesé  avec 
soin  ;  les  autres  ont  été  tués  de  la  môme  manière  et  à 
différentes  époques  de  Tinanitiation,  et  leur  sang*  a  été 
de  même  recueilli  et  pesé.  Remarquons  que  nous  n'a- 
vons pas,  par  ce  moyen,  la  quotité  totale  du  sang*,  car 
il  en  reste  toujours  dans  le  cœur  et  les  gros  vaisseaux. 
Voici  les  résultats  : 

PENDANT  L'ALIMENTATION  NORMALE, 

Un  lapin  a  fourni  35  gr.  de  sang. 
Un  autre      »     33  » 

PENDANT  L'INANITION, 

Un  3*  a  fourni  20  gr.  de  sang  au  quatrième  jour. 
Un  4e     »      14         »       au  septième  jour. 
Un  5*     »       12         »       au  onzième  jour. 

Si  nous  interrogeons  un  de  nos  tableaux  subséquents, 
où  sont  notés  les  résultats  d'autopsies  comparatives 
faites  sur  des  animaux  asphyxiés  à  l'état  physiologique 
et  des  sujets  à  l'état  d'inanition,  ayant  eu  tous  à  peu 
près  le  même  poids  à  l'état  de  santé,  nous  trouvons  : 


QUANTITE  DE  SANO  A  L  ETAT  PHYSIOLOGIQUE  : 

Poids  du  corps.  Foids  du  sang. 

Lapin              2540  gr.  95  gr. 

Chat               2000  84 

Chien                H  5  12 

Chien              5200  160 

QUATITÉ  DE  SANO  A  L'ÉTAT  D'iNANITION  : 

Poids  initial  du  corps.  Poids  final.       Poids  du  sang. 

Lapin  n°  6           2490  gr.  1316  gr.         43  gr. 

Chat  n»  7             2530  1  545  38 

Chien  nM             102  81  6 

Chien  n"  4            2203  1260  32 

Chien  n°  5             4910  2960  86 


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101  PHYSIOLOGIE  EXPERIMENTALE. 

Chossat  a  trouvé  que,  quand  la  mort  arrive  par  la 
faim,  la  perte  moyenne  éprouvée  s'élève  à  plus  des  0,6 
de  la  quantité  normale.  En  général,  dans  l'état  de  santé, 
le  sang*  égale  les  0,08  du  poids  du  corps;  à  l'état  d'ina- 
nition, il  est  donc  réduit  aux  0,04  du  poids  initial. 

Aussi,  tous  les  tissus  qui  paraissent  destinés  à  la  stase 
périodique  et  à  l'élaboration  du  sang*,  la  rate,  le  foie, 
les  poumons  n'en  contiennent  presque  plus.  Dans  les 
derniers  temps  delà  vie,  l'appauvrissement  est  tel  que  les 
incisions  pratiquées  dans  le  tissu  cellulaire  sous-cutané 
ne  laissent  écouler  qu'une  sérosité  rosée  et  même  in- 
colore. 

Une  observation  que  nous  avons  faite,  c'est  que  le 
système  veineux  abdominal  se  trouve  gorgé  d'un  sang 
noir;  ce  fait  avait  déjà  attiré  l'attention  de  Pommer, 
Rolando  et  Porto-Gai lo. 

De  notables  modilicationsse  produisent  dans  la  com- 
position du  sang.  Il  est  plus  fluide;  la  proportion  d'eau 
et  de  matières  extractives  augmente,  et  celle  des  glo- 
bules diminue.  Ce  résultat,  qui  a  été  mis  en  lumière  par 
plusieurs  physiologistes,  est  indépendant  de  l'usage  et 
de  la  privation  des  boissons. 

D'après  l'analyse  de  Denys  (Recherches  expérimentales 
sur  le  sang  humain,  Paris,  1830),  le  sang  d'un  jeune 
homme  de  21  ans  contenait  pour  1.000  gr., 

a  l'état  normal  : 

Eau   770  px. 

Globules   \U 

Mat.  salines,  çrasses,  extrart.  70 

Après  quarante  jours  d'une  diète  rigoureuse,  n'ayant 

eu  que  de  l'eau  pour  boisson,  ce  même  jeune  homme 

fut  saigné,  et  son  sang  a  fourni, 

a  l'état  d'inanition  : 

Eau   804,0  *r. 

Globules   H  1,9 

Mat.  salines,  grasses,  extract.  84,9 


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ÉTUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION  105 

M.  Lecanu  (Etudes  chimiques  sur  le  sang*  Paris,  1837) 
a  fait  l'analyse  suivante  du  sang*  d'une  jeune  fille  : 

a  l'état  normal  : 

Eau   787,0  gr. 

Globules   132,3 

Mat.  salines,  grasses,  extraet.  80,7 

a  l'état  d'inanition  : 

Eau   829,0  gr. 

Globules   87,9 

Mat.  salines,  grasses,  extract.  83,1 

Cette  diminution  de  la  masse  du  sang\  cet  appauvris- 
sement dans  sa  composition  se  remarquent  facilement 
pendant  la  vie.  On  voit  les  individus  en  état  d'inanitia- 
tion  présenter  les  symptômes  d'hydro-anémie  :  teinte 
jaune  couleur  de  cire  blanche  vieillie,  muqueuses  dé- 
colorées, essoufflement,  palpitations  de  cœur.  A  une 
époque  plus  avancée,  les  joues  prennent  une  couleur 
rouge-brique,  le  nez  est  livide,  les  lèvres  et  la  voûte  pa- 
latine ardoisées,  les  extrémités  sont  cyanosées.  Enfin, 
le  sang*  plus  fluide  a  une  grande  tendance  à  rompre 
la  tunique  des  vaisseaux  capillaires;  de  la  des  hémor- 
rhagies  par  le  nez  ou  par  le  tube  digestif.  Ces  fuits  ont 
été  observés  chaque  fois  que. les  individus  ont  été  nour- 
ris d  une  manière  insuffisante,  dans  les  voyages,  dans 
les  sièges,  les  famines,  etc.  Ébray  et  Guislain  (de  Gand) 
les  ont  notés  sur  des  sujets  inanitiés.  Sur  nos  animaux, 
nous  avons  vu  la  muqueuse  buccale  et  surtout  la  voûte 
palatine  cyanosée  le  dernier  jour  de  la  vie;  quelquefois 
nous  avons  trouvé  des  épanchements  de  sang  dans  le 
tissu  cellulaire  sous-cutané;  dans  deux  cas,  il  y  a  eu 
hémorrhogie  intestinale. 

Dr  Bourgeois. 

—  La  unité  au  prochain  numéro.  — 


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106  PATHOGÉNIE  ET  THÉRAPEUTIQUE 


PATHOGÉNIE  ET  THÉRAPEUTIQUE 

MÉMOIRE  SUR  L'ARSENIC  DANS  LES  NÉVRALGIES. 

—  SUITE  ET  PIK  — 

Enregistrons  ici  l'opinion  de  Romberg  qui  recom- 
mande l'arsenic  dans  les  névralgies  de  la  cinquième, 
paire.  Le  médicament  réussit  merveilleusement  et  rapi- 
dement chez  les  femmes,  lorsque  la  névralgie  est  liée  à 
un  état  d'irritation  de  l'utérus  et  des  ovaires.  Son  action 
est  d'autant  plus  sûre  que  les  sujets  sont  anémiques. 
Dans  deux  cas  de  prosopalgie  qui  duraient  depuis  deux 
et  quatre  ans,  le  médecin  allemand  s'est  très-bien  trouvé 
de  ce  médicament  à  la  dose  de  trois  à  cinq  gouttes  de 
teinture  de  Fowler,  trois  fois  par  jour  (Lehrbuch  der  Ner- 
venkrankeiien.  Berlin,  1857,  t.  I,  p.  66). 

Se  fondant  sur  une  longue  pratique,  Schubert,  méde- 
cin allemand,  regarde  l'arsenic  dans  la  céphalalgie  ner- 
veuse et  la  névralgie  faciale,  comme  bien  supérieur  à 
tous  les  autres  moyens  proposés  dans  l'espèce.  (Preuz. 
Ver.Zeitwig,i851.) 

Le  docteur  Schramm  a  eu  l'occasion,  de  1854  à  1858, 
de  suivre  195  cas  de  névralgies  du  trifacial  au  milieu 
d'une  population  frappée  de  fièvres  intermittentes  endé- 
miques. Le  quinine  et  le  fer  ont  été  habituellement  em- 
ployés avec  succès.  Dans  les  cas  rebelles  et  dans  les  réci- 
dives, l'arsenic  a  rendu  des  services  inappréciables;  il  a 
agi  spécifiquement  contre  l'inflammation  chronique  de 
l'œil  et  des  paupières,  développée  à  la  suite  de  la  né- 
vralgie du  nerf  ciliaire  ou  de  la  première  branche; 
mêmes  résultats  dans  quelques  cas  de  névralgies  des 
membres  supérieurs,  cas  rebelles  et  chroniques;  ils  ont 
cédé  à  de  toutes  petites  doses,  môme  à  l'administration 
d'un  seul  grain.  (Bayer,  arzt.  Intell,  blatt.  1859.) 


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MÉMOIRE  SUR  L*  ARSENIC  DANS  LES  NKVRALGÏES.  107 

Chez  une  jeune  personne  de  vingt-cinq  ans,  épuisée 
depuis  plusieurs  années  par  une  névralgie  sus-orbitaire 
et  une  leucorrhée  opiniâtre,  avec  insomnie  et  anorexie, 
l'arsenic  fait  disparaître  la  douleur;  et  en  môme  temps 
retour  du  sommeil  et  de  l'appétit.  (Sabelin,  Petersb., 
med.  Zeitsch,  1861.) 

Dietz  a  employé  le  môme  médicament  avec  de  nom- 
breux succès  dans  la  névralgie  du  trijumeau  et  princi- 
palement du  nerf  sciatique.  Le  remède  a  surtout  réussi 
dans  le  cas  de  douleurs  intenses,  brûlantes  et  lancinan- 
tes, avec  rémissions  ou  intermittences,  et  anxiétés  con- 
tinuelles, le  membre  ne  pouvant  rester  longtemps  à  la 
môme  place  et  l'œdématie  aux  extrémités.  {Wurtemù. 
corr.  Blatt.,  1860.) 

A  la  suite  d'un  abcès  à  la  main  droite,  il  survient,  chez 
un  homme  de  29  ans,  une  névralgie  dans  les  doigts; 
quelque  temps  après,  sciatique  du  côté  droit,  avec  dou- 
leurs très-intenses;  après  avoir  employé  en  vain  la  qui- 
nine, les  vésicatoires,  les  narcotiques,  etc.,  on  admi- 
nistre matin  et  soir  un  centigramme  d'acide  arsénieux 
à  prendre  dans  une  cuillerée  d'eau.  Au  bout  de  six 
jours,  pendant  lesquels  apparaissent  plusieurs  fois  de 
la  diarrhée,  et  de  légers  phénomènes  fébriles,  les  accès 
étaient  plus  rares  et  plus  faibles  ;  guérison  en  douze 
jours.  (Barella,  Journal  de  Bruxelles,  1863.) 

M.  le  docteur  Cahen  a  administré  l'arsenic,  et  toujours 
avec  succès,  dans  65  cas  de  névralgies  qui  se  décom- 
posent ainsi  :  névralgie  faciale,  35;  sciatique,  8;  inter- 
costale, 4;  épigastrique,  14;  otique,  2;  dentaire,  2.  Dans 
les  deux  cas  de  névralgie  dentaire,  plusieurs  dents 
avaient  été  arrachées  sans  aucun  bénéfice.  Une  jeune 
dame  s'était  fait  enlever  huit  dents  :  sous  l'influence  de 
l'arsenic,  amélioration  prompte  et  complète.  M.  Cahen 
fait  remarquer  que  la  névralgie  sciatique  est  celle  où 


103  PATHOGKNIE  ET  THÉRAPEUTIQUE. 

l'effet  de  l'arsenic  a  été  le  moins  prononcé.  Le  médica- 
ment a  été  pris  à  la  dose  d'un  à  40  milligrammes  par 
jour.  (Archives  gén.  deméd.,  sept.  1863.) 

Le  docteur  Cahen  a  fait  suivre  dans  le  même  recueil 
ce  premier  travail  d'un  mémoire  sur  les  névroses  vaso- 
motrices,  mémoire  plein  d'explications  fantaisistes,  où  il 
attribue  aux  filets  vaso-moteurs  du  grand  sympathique 
la  congestion  considérée  comme  effet  de  la  névralgie. 
Le  côté  pratique  et  sérieux  de  ce  mémoire  est  la  confir- 
mation de  l'excellence  de  l'arsenic  dans  les  névralgies 
trifaciales  et  autres,  dans  l'angine  de  poitrine  et  dans 
les  fièvres  intermittentes  (1),  chose  connue  depuis  long- 
temps. 

M.  Isnard  considère  l'arsenic  comme  un  agent  curatif 
de  premier  ordre  dans  les  névralgies.  Suivant  lui,  cet 
héroïque  médicament  triomphe  réellement  dans  les  né- 
vralgies anciennes,  récidivées,  invétérées  et  rebelles. 
Aucun  médicament  ne  lui  est  comparable,  et  si,  à  la 
rigueur,  les  narcotiques  et  la  quinine  peuvent  lui  être 
substitués  dans  bien  des  cas,  il  est  ici  sans  égal.  L'au- 
teur cite  à  ce  sujet  plusieurs  observations  de  névralgie 
faciale  très-intéressantes,  et  même  de  névralgie  scia- 
tique,  tout  en  reconnaissant  que,  dans  cette  dernière, 
l'action  de  l'arsenic  est  un  peu  plus  lente  et  incertaine. 

(I)  I/auteur  rappelle  qu'il  y  a  plus  do  vingt  ans,  dans  sa  thèse  inau- 
gurale (1816),  il  essaya  d'établir  l'existence  d'un  rapport  entie  l'albu- 
minurie et  l'éclampsie.  Cotte  idée,  assez  mal  accueillie  d'abord,  ne  tarda 
pas  à  se  faire  adopter;  elle  est  \  présent  généralement  admise  ;  mais, 
ajoute  M.  Cahen,  on  se  tait  sur  son  origine.  Il  espère  qu'à  l'existence 
des  névroses  vaso-motrices  qu'il  vient  d'établir  finira  par  se  faire 
accepter  à  son  tour.  —  Je  lui  souhaite  bonne  chance  pour  celle  seconde 
découverte,  ne  croyant  nullement  à  sa  bonne  fortune,  pas  plus  qu'à  la 
légitimité  de  la  première.  M.  Cahen  se  trompe  complètement  sur  l'ori- 
gine du  rapport  entre  l'albuminurie  et  l'éclampsie.  Ce  sont  Simpson  et 
Lever,  tous  les  deux  médecins  anglais,  qui  ont  les  premiers  (1840-435 
signalé  ce  rapport,  ainsi  que  je  l'ai  établi  dans  mon  mémoire  sur  l'a/ou- 
minurie  puerpérale  (1856). 


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MÉMOIRE  SLR  LARSENIC  U.\NS  LES  NKVRALOIES.  109 

Il  administre  l'arsenic  à  la  dose  d'un  centig'ramme  en- 
viron par  jour,  fractionné  en  plusieurs  prises.  (De  far- 
terne  dans  la  pathologie  du  système  nerveux ,  1865.) 

Astley  Gooper  a  conseillé  l'arsenic  dans  les  névralgies 
du  testicule,  Y  irritable  testis  des  Anglais.  La  liqueur  ar- 
senicale, dit  l'illustre  chirurgien  d'Outre-Manche,  m'a 
paru  plusieurs  fois  très-efficace,  quand  la  maladie  offrait 
le  type  intermittent  à  périodes  régulières. 

Cette  opinion  semble  confirmée  par  une  observation 
d'orchodynie  communiquée  au  Dr  Barella  par  le 
Dr  Mayer  :  il  s'agit  d'un  jeune  homme  de  trente 
ans,  qui  était  sur  le  point  de  se  marier  avec  une  jeune 
dame  qu'il  aimait  depuis  longtemps.  Il  se  trouvait  tous 
les  soirs  avec  elle,  souvent  seul  :  on  s'embrassait,  on  se 
prodiguait  des  marques  d'amour,  et  par  suite,  ce  jeune 
homme  avait  des  érections  qui  duraient  tout  le  temps 
qu'il  passait  auprès  de  sa  fiancée,  qui  fut  toujours  reli- 
gieusement respectée.  La  suite  probable  de  l'abstinence 
pendant  une  excitation  quotidienne  qu'aucune  pollu- 
tion nocturne  ne  soulageait,  fut  le  développement  d  une 
orchodynie.  Cette  maladie  résista  pendant  trois  mois  à 
différents  traitements  très-énergiques,  et  fut  guérie 
promptement  au  bout  de  huit  semaines,  et  radicalement, 
puisqu'il  n'y  avait  pas  de  rechutes  sept  mois  après,  par 
la  liqueur  de  Fowler  à  la  dose  de  dix  gouttes  trois  fois 
par  jour.  [Barella,  De  t emploi  thérapeutique  de  tarsenic, 
1866,  p.  209.) 

Il  est  bien  fâcheux  pour  les  malheureux  atteints  d'ir- 
ritable testis,  auxquels  messieurs  les  chirurgiens  ont  pris 
la  liberté  d'enlever  le  testicule,  que  ces  faits  n'aient  pas 
été  connus  plus  tôt. 

Observation  X. 

Le  nommé  V...,  cordonnier,  âgé  de  45  ans,  d'un  tempérament 
mou  et  lymphatique,  teint  terreux  et  plombé,  visage  un  peu  bouffi, 


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1 10  PATHOGÉNIE  ET  THER  \PEUTIQUE. 

est  sujet,  depuis  l'âge  de  15  ans,  à  des  de  maux  tète  rhumatismaux 
qui  se  renouvellent  et  s'aggravent  au  moindre  refroidissement ,  aux 
changements  de  temps  et  par  un  travail  trop  assidu.  Dans  les  der- 
niers jours  de  décembre  1815,  ayant  passe  plusieurs  nuits  auprès 
d'un  malade,  il  eut  froid  et  fut  pris  d'un  coryza  très-intense.  Dans 
les  premiers  jours  de  janvier,  il  s'aperçut  que,  tous  les  jours,  depuis 
dix  heures  du  matin  jusqu'à  trois  heures  du  soir,  il  lui  survenait  une 
douleur  dans  la  région  sus-orbitaire  gauche.  Vers  les  trois  heures 
de  l'après-midi,  la  douleur  diminuait  rapidement,  et  disparaissait 
pour  reparaître  le  lendemain  à  dix  heures  du  matin  ;  du  reste  cette 
douleur  était  tolérable,  et  le  malade  ne  s'en  préoccupait  que  fort 
peu;  mais  le  i3,  le  14  et  le  15,  elle  devint  d'une  violence  extrême. 
Le  malade  la  comparait  à  une  violente  odontalgic.  Je  lui  conseillai, 
comme  je  l'avais  fait  jusqu'ici  en  pareille  circonstance,  de  prendre 
du  sulfate  de  quinine  ;  mais  le  malade,  ayant  une  grande  prévention 
contre  ce  remède,  me  prie  de  lui  ordonner  toute  autre  chose.  Je  peu- 
sai  à  l'acide  arsénieux  pour  deux  motifs  ;  premièrement,  parce  que, 
comme  antipériodique,  il  peut  être  mis  presque  sur  le  même  rang 
que  le  quinquina,  et  que,  comme  antinévralgique,  il  lui  est  certai- 
nement supérieur  ;  secondement,  parce  qu'uni  constitution  lympha- 
tique >  un  temt  terreux  et  plombé,  un  visage  bouffi  et  légèrement  œdéma- 
teux,  ont  été  plus  d'une  fois  pour  moi  un  indice  précieux  pour  l'ad- 
ministration de  ce  remède,  si  souvent  héroïque  lorsqu'il  est  indiqué. 
J'ordonnai  dode  un  millième  de  grain  d'acide  arsénieux  dans  150  gr. 
d'eau  à  prendre  une  cuillerée  à  bouche  toutes  les  deux  heures.  De 
neuf  heures  du  soir  à  huit  heures  du  matin,  le  malade  prit  six  cuil- 
lerées de  la  potion.  Le  lendemain,  16  janvier,  l'accès  ne  revint  pas; 
la  douleur  avait  complètement  disparu  pour  ne  plus  revenu*.  Depuis 
lors,  j'ai  rencontré  souvent  le  malade,  je  lui  ai  parlé  encore  plus  de 
quatre  mois  après  sa  guérison  ;  la  névralgie  n'a  pas  reparu.  A  part 
ses  maux  de  tète  habituels,  V...  se  porte  bien  :  il  me  témoigne  de 
nouveau  sa  reconnaissance  pour  le  service  que  je  lui  ai  rendu  en  le 
débarrassant»  d'une  manière  si  prompte  et  si  économique,  de  ses 
terribles  souffrances.  —  Ce  fait  nous  prouve  que  l'acide  arsénieux, 
donné  relativement  à  petite  dose  peut,  dans  certains  cas,  remplacer 
avantageusement  le  sulfate  de  quinine  dans  la  névralgie  intermit- 
tente. (Dr  Pansin  d'Aramon.  Gazette  des  hôpitaux,  18C8,  n»5i.) 

Je  ne  sais  si  le  Dr  Pansin  s'est  inspiré  des  don- 
nées homœopathiques,  ou  si,  par  l'observation  directe, 


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MEMOIRE  SUR  L'ARSENIC  DANS  LES  NÉVRALGIES.  111 

il  est  arrivé  sans  le  savoir  à  formuler  les  mêmes  indi- 
cations pour  l'arsenic  que  notre  école;  le  fait  est  qu'il 
est  complètement  d'accord  avec  elle,  et  que  les  indica- 
tions de  la  constitution  lymphatique,  du  teint  terreux 
et  plombé,  etc.,  et  de  l'anti- périodicité  se  trouvent  à  peu 
près  textuellement  dans  tous  les  manuels  d'homœo- 
pathie,  comme  on  peut  le  voir  du  reste  dans  le  Dr 
Jahr  à  l'article  arsenic.  Voilà  de  plus  les  journaux  allo- 
pathiques  en  voie  de  publier  des  faits  de  guérison  obte- 
nus en  réalité  aux  abords  de  la  troisième  dilution;  car 
le  malade  de  M.  le  Dr  Pansin  n'a  pris  en  tout  que 
six  dix-millièmes  de  grain  d'arsenic. 

Que  les  expérimentateurs  montent  encore  plus  haut 
dans  l'échelle,  et  la  question  sera  bientôt  vidée  par  les 
faits  ;  et  qu'on  ne  dise  pas  que  l'arsenic  est  un  médica- 
ment exceptionnel,  éminemment  toxique  et  héroïque: 
L'aconit,  la  belladone,  le  phosphore,  etc..  sont  aussi 
toxiques  que  l'arsenic  ;  ils  agissent  aussi  bien  dans  les 
dix-millièmes  et  bien  au  delà.  Que  les  allopathes  veuillent 
bien  expérimenter,  et  ils  y  verront  aussi  clair  que  pour 
l'arsenic;  d'un  autre  côté,  ne  nous  laissons  pas  abuser 
par  les  mots  d'héroïcité  ;  un  grain  d'arsenic  qui  peut 
très-bien  tuer  ou  mettre  la  vie  en  danger  n'est  pas  plus 
héroïque  qu'un  grain  de  soufre  ou  de  silice,  qui  n'ont 
jamais  tué  personne.  Soufre  et  silice  sont  tout  aussi 
héroïques  et  souvent  plus  héroïques  thérapeutiquement 
que  l'arsenic,  suivant  les  circonstances.  Laissons  les 
mots  en  paix,  et  ne  voyons  que  les  choses.  Ce  que,  dans 
notre  ignorance,  nous  considérons  comme  inerte,  est 
souvent  ce  qu'il  y  a  de  plus  actif.  La  tradition  a  dit  et 
répété  à  propos  des  poisons  :  Vis  maxima  in  minima  mole 
elle  aurait  dû  ajouter  :  et  in  materia  vili.  Qu'il  y  a-t-il 
déplus  vil  et  en  apparence,  de  plus  inerte,  que  la  poudre 
de  lycopode,  la  poudre  d'écaillés  d'huître  ou  de  coquil- 


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112  l'ATHOGÉNIE  ET  THKRAPEl  TIQl  E. 

les  d'œufs,  et  pourtant  quelle  puissance  n'ont  pas  ces 
médicaments,  puissance  d'autant  plus  grande  qu'ils 
sont  pris  à  plus  petite  dose,  in  minima  mole? 

La  puissance  névralgique  de  l'arsenic  est  connue 
depuis  longtemps  des  homœopathes,  accoutumés  qu'ils 
sont  à  rechercher  dans  l'action  physiologique  des  mé- 
dicaments l'image  des  maladies  à  traiter. 

«  J'ai  toujours  eu  à  me  louer  de  l'arsenic,  dit  Hartmann, 
quand  les  douleurs,  affectant  un  seul  côté  ou  le  pour- 
tour des  yeux  plutôt  au-dessous  qu'au-dessus,  envahis- 
saient parfois  en  morne  temps  les  tempes,  et  qu'elles 
étaient  brûlantes  ou  lancinantes  et  tractives,  comme 
provoquées  par  des  épingles  ardentes,  qu'en  môme 
temps  les  traits  s'altéraient  tellement  qu'ils  avaient 
presque  l'expression  de  la  face  hippocratique,  symptôme 
qui  cessait  avec  le  paroxysme.  L'arsenic  guérit  encore 
les  prosopalgies  périodiques,  caractérisées  par  une  dou- 
leur lancinante,  vive,  profonde  dans  l'œil  droit,  qu'on 
aggrave  en  le  remuant,  ainsi  que  celles  qui  débutent 
par  des  douleurs  déchirantes,  tressaillantes  dans  les 
dents,  qui  réveillent  avant  minuit,  se  propagent  sur  la 
tempe  droite  et  sur  tout  le  côté  de  la  téte,  et  deviennent 
tellement  violentes  qu  elles  portent  au  désespoir.  La 
rémission  n'a  lieu  qu'après  quelques  heures,  souvent 
vers  le  matin  seulement  (Thérapeutique  homœnpathique 
des  maladies  aiyues  et  chroniques ,  art.  Tic  douloureux.) 

Le  même  auteur  recommande  encore  l'arsenic  dans 
la  névralgie  sciatique,  au  milieu  d'un  grand  nombre 
de  médicaments  utiles  contre  cette  affection.  Tictzer 
conseille  l'arsenic  dans  l'hémicranie,  chez  les  sujets  où 
domine  lapléthoreabdominale,  et  qui  paraissent  atteints 
de  maladie  de  foie. 

D'après  Black,  l'arsenic  convient  dans  la  cépha- 
lalgie aux  personnes  amaigries,  atteintes  de  maladies 


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MÉMOIRE  SUR  L'ARSENIC  DANS  LES  NEVRALGIES.  113 

de  cœur  ou  des  organes  de  la  digestion  ;  il  en  a  vu  d'ex- 
cellents résultats  sur  une  femme  qui  était  prise  depuis 
vingt  ans  de  fortes  migraines,  qui  lui  duraient  depuis 
trois  jours,  accompagnées  de  violents  vomissements. 

«  L'arsenic,  dit  le  docteur  Black,  est  très-utile  dans  la 
prosopalgie  ;  ce  que  j'ai  surtout  constaté  dans  le  cas  de 
douleurs  sus  et  sous-orbitaires ,  occasionnées  par 
l'influenza.  Le  docteur  Buchner,  de  Munich,  en  a  cité 
un  cas  de  guérison  prompte  et  complète  :  la  douleur 
s'accompagnait  de  battements  limités  à  un  petit  point 
sus-orbitaire  ,  venant  chaque  matin  et  durant  jusqu'à 
trois  ou  quatre  heures  de  l'après-midi;  elle  paraissait 
excessive.  {British.  Journal  of  Homœp.%  vol.  2.)  Le  doc- 
teur Quin  (id.,  vol.  4),  a  donné  aussi  une  observa- 
tion très-caractéristique  :  la  douleur  existait  surtout 
à  la  racine  du  nez  et  autour  de  l'orbite,  avec  sensa- 
tion d'aiguilles  brûlantes  s'élendant  jusqu'au  palais. 
(The  Halmemann  materia  rnedica.  pars  i,  arsenic,  p.  il). 

Hering  pose  d'autres  conditions  que  Hartmann  :  — 
Arsenicum,  dit-il,  lorsque  les  douleurs  reviennent  pério- 
diquement, et  qu'elles  sont  d'un  caractère  plus  spécia- 
lement brûlant,  piquant  et  déchirant,  principalement 
autour  des  yeux  et  quelquefois  dans  les  tempes  ;  elles 
sont  souvent  si  intenses  qu'elles  rendent  quelque- 
fois le  malade  presque  fou;  grande  angoisse;  prostra- 
tion excessive  avec  le  désir  de  se  coucher;  sensation  de 
froid  dans  les  parties  affectées,  augmentées  par  la  fati- 
gué, le  soir,  au  lit  ou  après  le  repas  ;  amélioration  tem- 
poraire par  la  chaleur  externe;  c'est  d'abord  le  côté 
droit,  ensuite  le  gauche  qui  est  attaqué. 

L'emploi  de  l'arsenic  dans  l'odonlalgie,  quoique 
connue  des  homœopathes,  n'a  peut-être  pas  été  assez 
mise  en  relief.  Bœnninghausen  se  tait  à  peu  près  complè- 
tement sur  cette  application.  Attendu  qu'il  n'y  a  rien  de 

TOME  XXXII.  —  AOUT  4870.  g 


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114  PATHOGÉNIE  ET  THERAPEUTIQUE. 

nouveau  sous  le  soleil,  la  première  application  de  l'ar- 
senic dans  les  maux  de  dents  remonte  à  Galien.  Il  se 
prescrivait  en  collutoire  ad  crosionem  et  dolorem  dentium 
dans  une  décoction  de  racine  de  rumex,  en  ajoutant  un 
peu  d'orpiment  pulvérisé,  ac  liquorem  ore  retinendum 
exhibeto  (De  compositione  medicamentorumsecundum  locos, 
L  5.) 

La  fréquence  des  symptômes  arsenicaux  sur  les  dents 
peut  faire  soupçonner  à  priori  une  grande  puissance  au 
médicament,  comme  an ti-odontalgique. Depuis  plusieurs 
années,  les  dentistes  américains  ont  recommandé  et  pra- 
tiqué l'emploi  de  la  pâte  arsenicale  sur  la  pulpe  den- 
taire, comme  caustique  principalement  ;  il  est  à  présu- 
mer que,  dans  un  grand  nombre  de  cas,  l'usage  interne 
du  médicament  serait  bien  supérieur  à  cette  application 
externe  qui  n'est  pas  sans  dang*er  (1). 

La  littérature  homœopathique,  très-riche  en  affirma- 
tions générales,  est  sobre  de  faits  particuliers. 

Godier  cite  un  cas  de  g*uérison  de  sciatique  chez  un 
jeune  homme.  Début  subit;  impossibilité  de  rester  au 
lit  à  cause  de  la  sensation  brûlante  du  membre  ;  soif 
également  brûlante,  arsenic  30,  une  cuillerée  toutes  les 
trois  heures  ;  g'uérison  en  moins  d'une  semaine  (2). 

On  lit  dans  \e  Journal  allemand  de  tlirschel  (1,122),  une 
fort  belle  observation  de  Kafka  :  névralgie  temporale 
droite,  surtout  sus-orbitaire,  venant  depuis  quatorze 
jours  tous  les  matins  à  sepl  heures,  se  terminant  à  deux 
heures,  avec  douleurs  atroces.  Femme  de  35  ans,  mère 
de  huit  enfants,  chlorotique  et  épuisée  par  de  fréquentes 
métrorrhag"ies,  arsenic  6  ;  une  cuillerée  toutes  les  trois 

(1)  En  1867,  le  Dr  Bfassola  a  publié,  dans  le  Journal  de  chimie  médicale, 
l'observation  d'une  dame  gravement  empoisonnée  par  l'introduction, 
dans  une  denl  cariée,  d'une  pâte  arsenicale  américaine. 

(2)  Bulletin  de  la  Société  de  médecine  homœopathique  do  Paris,  1. 1. 
1845. 


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MÉMOIRE  SUR  L'ARSENIC  DANS  LES  NEVRALGIES.  115 

heures;  le  premier  accès  est  plus  faible  et  plus  court; 
le  second  ne  dure  qu'une  heure;  guérison  le  troisième 
jour.  La  maladie  avait  résisté  à  la  quinine  et  à  la  mor- 
phine administrées  par  un  allopathe.  —  Dans  quelques 
formes  de  névralgies,  dit  le  Dr  Bayer,  à  type  inter- 
mittent et  avec  douleurs  brûlantes,  il  semble  aux  ma- 
lades qu'on  leur  passe  un  fil  de  fer  tout  chaud  sur  le 
trajet  des  nerfs  ;  l'arsenic  m'a  rendu  des  services  aux 
6e,  12e  et  30e  dilutions,  surtout  à  la  12\  {Monthly  Ho- 
mœop.  Beview,  1867.) 

La  plupart  des  homœopathes  ont  insisté  avec  raison 
sur  l'arsenic  névralgifuge,  comme  convenant  surtout  aux 
douleurs  brûlantes  et  accompagnées  d'anxiété,  indica- 
tions qu'ils  tirent  des  propriétés  physiologiques  de  ce 
médicament,  propriété  incontestable,  comme  il  est 
attesté  par  de  nombreux  faits  ;  j'en  ai  cité  quelques-uns 
dans  mes  éludes  sur  la  paralysie  arsenicale.  Or,  quelques 
médecins  étrangers  à  l'école  homœopathique  sont  tom- 
bés d'accord  sur  l'application  de  l'arsenic  dans  le  cas 
de  douleurs  brûlantes  et  accompagnées  d'anxiétés.  C'est 
là  un  de  ces  faits,  comme  il  en  existe  tant  en  pharma- 
codynamie,  qui  font  toucher  au  doigt  la  vérité  de  la  loi 
de  similitude,  et  partant  la  valeur  de  la  méthode  homœo- 
pathique. 

Je  me  rappelle  avoir  soigné  il  y  a  plus  de  dix  ans  un 
garçon  de  14  ans,  qui  souffrait  horriblement  des  pieds 
depuis  longtemps,  et  se  plaignait  surtout  de  douleurs 
brûlantes.  Je  fus  assez  heureux  pour  le  guérir  par  l'ar- 
senic, alors  qu'une  foule  de  médicaments  divers  em- 
ployés avant  moi  avaient  complètement  échoué. 

Après  cette  exposition  de  faits  tant  physiologiques 
que  thérapeutiques,  il  est  temps  de  résumer  et  de  con- 
clure. 

1°  Allopathes  et  homœopathes  sont  d'accord  sur  l'ex- 


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1 1 6  PATHOGÉME  ET  THERAPEUTIQUE. 

cellence  de  l'arsenic  dans  les  névralgies  en  général  et 
dans  les  névralgies  rebelles  en  particulier. 

Et,  comme  les  homœpathes  emploient  de  préférence 
les  doses  infinitésimales,  il  faut  bien  nécessairement  que 
ces  doses  agissent,  puisqu'ils  ont  guéri  dans  les  mêmes 
conditions  que  les  allopathes  avec  leurs  doses  massives. 
Donc  le  médicament  guérit  à  toute  espèce  de  dose,  omni 
dosi.  Du  reste,  les  confrères  massivistes  commencent  à 
s'ébranler  et  à  aborder  les  doses  atténuées  ;  les  granules 
arsenicaux  et  autres  à  1  milligramme  et  au-dessous 
ne  sont  que  des  globules  déguisés  :  encore  un  peu  de 
temps,  et  pilules,  granules  et  globules  fraterniseront  en- 
semble. 

2°  L'arsenic  agit  de  préférence  sur  le  nerf  tri  facial,  de 
préférence  encore  sur  la  branche  supérieure.  D'un 
autre  côté,  dans  toutes  les  névralgies,  les  guérisons  les 
plus  fréquentes  ont  appartenu  à  la  névralgie  du  tri  facial, 
et  surtout  à  la  névralgie  sus  ou  sous-orbitaire  ou  circum- 
oculaire.  Il  y  a  là  une  électivité  manifeste,  et  c'est  là  un 
des  nombreux  exemples  de  l'électivité  se  confondant  avec 
une  homœopathicité  parfaite. 

3°  Hartmann  recommande  l'arsenic  dans  les  proso- 
palgies  du  côté  droit.  Les  faits  cités  dans  ce  mémoire 
(Lalaurie,  Basedow,  Gruère,  Hirschel)  semblent  plus 
favorables  au  côté  droit  qu'o.u  côté  gauche  (Warschall, 
Kœnigsfeld).  Quelques  homœopathes  ont  avancé  que 
l'arsenic  agissait  de  préférence  sur  le  côté  gauche.  Je 
n'ai  pu  retrouver  dans  mes  notes  quel  est  celui  qui  le 
premier  a  signalé  ce  fait.  Je  me  suis  rallié  à  cette  opinion 
dans  mes  Etudes  sur  quelques  symptômes  def  arsenic  (p.  81). 
Richard  Hughes,  cité  plus  bas,  l'a  aussi  adoptée.  Hahne- 
munn,  Ruckert  senior,  Black  n'en  font  point  mention 
dans  leurs  pathogénésies  arsenicales.  C'est  le  moment 
d'examiner  cette  question  ;  il  faut  aJler  chercher  lasolu- 


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MÉMOIRE  SUR  L* ARSENIC  DANS  LES  NÉVRALGIES.       1 17 

tion  dans  la  physiologie  même  du  médicament  :  là  gît 
le  critérium. 

Il  existe  certainement  dans  toutes  nos  archives  scien- 
tifiques de  France  et  de  l'étranger  plus  de  six  cents 
observations  d'empoisonnement  par  l'arsenic,  et  chaque 
année,  le  catalogue  s'en  augmente.  J'en  ai  analysé  pour 
ma  part  plus  de  cinq  cents;  celles  que  je  n'ai  pu  me 
procurer  appartiennent  surtout  aux  journaux  anglais, 
où  Ton  trouveru  une  mine  féconde.  Mes  recherches  ont 
en  outre  porté  sur  les  pathogénésies  arsenicales  connues 
(Hahnemann,  Ruckert,  Black,  etc.)  et  sur  les  nombreux 
faits  d'action  physiologique  de  l'arsenic  à  dose  massive 
ou  thérapeutique,  publiés  cà  et  là  en  divers  recueils. 

Or,  voici  le  résultat  de  ce  dépouillement  général  : 

Dans  la  pathogénésie  hahnemannienne  du  Traité  des 
maladies  chroniques,  le  côté  gauche  est  indiqué  29  fois, 
et  le  côté  droit  28.  La  pathogénésie  de  Ruckert  n'est 
qu'un  tableau  général  expurgé  des  détails  hahne- 
manniens;  Black,  sauf  quelques  additions  ou  suppres- 
sions, n'a  fait  que  reproduire  Hahnemann. 

Sur  les  cinq  cents  observations  d'empoisonnement,  le 
côté  gauche  est  indiqué  20  fois,  et  le  côté  droit  8. 

Dans  mes  nombreux  experiments  physiologiques, 
dont  la  plupart  ont  été  faits  à  dose  infinitésimale,  expé- 
riments  relatés  dans  mes  Etudes  sur  quelques  symptômes 
de  F  arsenic,  le  côté  gauche  est  signalé  14  fois,  et  le  côté 
droit  9  fois  seulement. 

Il  faut  avouer  que  le  dépouillement  des  fnits  semble 
favorable  à  la  prédominance  de  l'arsenic  sur  le  côté 
gauche  ;  mais,  attendu  que  le  côté  gauche  ne  l'emporte 
sur  le  côté  droit  que  d'une  bien  faible  majorité,  18,  j'es- 
time à  cette  heure  qu'il  faut  en  appeler  à  une  plus  ample 
observation  pour  décider  ce  fait,  et  le  tenir  pour  douteux 
et  non  suffisamment  prouvé  jusqu'à  nouvel  ordre. 


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1 1 8  PATHOGENIB  ET  THÉRAPEUTIQUE. 

4°  Rien  n'est  plus  incontestable  physiologiqueaient 
que  la  périodicité  des  symptômes  arsenicaux  (cf.  mon 
Mémoire  surf  arsenic  fêbrigène,  Art  médical,  1865).  Je  crois 
même  qu'il  y  a  beaucoup  plus  de  faits  physiologiques  en 
faveur  de  la  périodicité  arsenicale  qu'en  faveur  de  la  pé- 
riodicité quinique.  D'un  autre  côté,  la  plupart  des  faits 
de  névralgies  guéries  par  l'arsenic  ont  été  des  névralgies 
périodiques  :  ici  il  y  a  accord  entre  la  donnée  physio- 
logique et  le  résultat  clinique. 

5°  Il  faut  noter  enfin  que  l'arsenic  s'est  montré  excel- 
lent dans  les  névralgies  d'origine  même  traumatique 
(Lalauri,  Baril  Ion). 

Admirons  ici,  en  terminant,  la  supériorité  de  la  loi 
de  similitude  et  constatons  sa  puissance  d'induction  à 
priori.  Tandis  que  Selle  invoquait  le  virus  cancéreux  pour 
administrer  l'arsenic  dans  les  prosopalgies,  que  Fowler  se 
fondait  sur  l'analogie,  que  d'autres  en  appelaient  au  re- 
mède énergique \  le  disciple  d'Hahnemann,  s'il  eût  existé 
il  y  a  cent  ans,  eût  prévu  l'excellence  de  ce  remède  dans 
les  névralgies  en  général,  et,  consultant  ses  propriétés 
physiologiques,  il  eût  dit  :  l'arsenic  est  positivement 
névralgigène,  donc  il  doit  être  névralgifuge,  en  vertu  de  la 
loi  des  semblables. 

Le  fait  principal  de  l'influence  qu'exerce  l'arsenic  sur 
les  nerfs,  dit  R.  Hughes,  c'est  la  propriété  curalive  qu'il 
a  dans  la  névralgie.  C'est  un  des  rares  médicaments  qui 
déterminent  la  névralgie  pure,  et  il  est  supérieur  à  tous 
dans  le  traitement  de  la  névralgie  idiopalhique.  La  né- 
vralgie arsenicale  est  pure,  c'est-à-dire  qu'elle  n'est  ni 
inflammatoire  ni  toxémique,  ni  réflexe.  La  douleur  est 
brûlante  et  excessive,  accompagnée  d'une  grande  anxiété 
et  angoisse,  souvent  intermittente  et  sujette  à  des  retours 
périodiques,  s'aggravant  généralement  par  le  froid, 
même  lorsqu'elle  en  éprouve  tout  d'abord  du  souhge- 


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BRUITS  INTRA -CARDIAQUES.  119 

ment;  elle  augmente  par  le  repos  et  diminue  par  l'exer- 
cice; elle  affecte  de  préférence  le  côté  gauche,  surtout 
dans  les  premières  attaques  ;  elle  est  plii3  souvent  une 
suite  de  la  malaria  ou  de  l'influenza  qu'un  symptôme 
de  pure  débilité. 

Il  faut  lire  les  observations  de  Quin  et  celles  que  j'ai 
publiées  dans  British  journal  of  homœopathic,  pour  voir 
l'influence  magique  de  l'arsenic  sur  la  névralgie  pure 
(Richard  Hughes,  Manualof  pharmacodynamics,  London, 
1867). 

Imbert-Gourbeyre. 


SÉMÉIOTIQUE 


BRUITS  IN TRA-CA RDI AQ U ES  OU  BRUITS  MORBIDES  OU 
ANORMAUX  QUI  SE  DÉVELOPPENT  A  L'INTÉRIEUR  DU 
COEUR  ET  SURTOUT  A  SES  ORIFICES. 

—  Suite  — 
CONCLUSIONS. 

En  résumé,  les  bruits  inorganiques  n'existent  jamais 
qu'au  moment  de  la  systole  des  ventricules.  Ils  ne  se 
produisent  généralement  qu'à  la  base  du  cœur,  selon 
l'opinion  commune. 

C'est  à  la  base  aussi  qu'ils  ont  leur  maximum  d'in- 
tensité. Ils  se  propagent  de  là  le  long  du  sternum,  dans 
la  direction  de  l'aorte  ascendante  et  jusqu'à  la  partie 
inférieure  du  cou,  dans  les  artères  carotides  et  sous- 
clavières. 

Ils  sont  presque  toujours  doux,  sont  peu  forts,  ont 
quelquefois  un  timbre  musical. 

Ils  sont  variables  ou  passagers,  ou  autrement  dit  in- 
termittents. 


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I 


120  SKMÉIOTJQUE. 

Les  bruits  organiques  se  produisent  dans  la  syslole 
et  dans  la  diastole.  A  moins  de  prendre  naissance  à 
l'orifice  de  l'aorte,  à  peine  rétréci,  où  ils  offrent  les  ca- 
ractères des  bruits  anémiques ,  sauf  l'intensité  qui  est 
plus  grande  et  la  persistance,  on  les  entend  mieux  ordi- 
nairement lorsqu'ils  siègent  aux  orifices  auriculo-ven- 
triculaires. 

Ils  sont  presque  toujours  rudes,  quelquefois  musi- 
caux, généralement  persistants.  Ils  imitent  le  plus  sou- 
vent les  bruits  de  scie,  de  lime,  de  râpe. 

Les  souffles  inorganiques  disparaissent  lorsque  la 
chlorose  et  l'anémie  guérissent. 

Les  souffles  organiques  disparaissent  lorsque  survient 
l'asystolie,  ou  lorsque  surviennent  d'autres  causes  qu'il 
n'est  pas  toujours  facile  d'apprécier. 

Est-il  toujours  facile  de  dire  si  un  bruit  de  souffle  dépend 

d'une  lésion  organique  ? 

Deux  observations  remarquables  données  par  le 
Dr  William  Stokes  méritent  d'être  ici  rapportées. 

1"  Observation.  — Une  malade,  femme  d'une  haute  intelligence, 
éprouvait,  depuis  quelques  années ,  des  palpitations  violentes  et 
extraordinaires,  revenant  sous  forme  d'accès  très-proiongés.  Pendant 
ces  accès,  le  cœur  était  en  proie  à  une  excitation  violente  ;  ses  bat- 
tements, très-réguliers,  s'accompagnaient  d'un  bruit  de  souffle  fort, 
se  rapprochant  du  bruit  de  râpe.  Elle  fut  examinée  plusieurs  fois, 
au  moment  des  palpitations,  par  des  médecins  d'une  expérience 
consommée,  et  ils  furent  d'accord  sur  l'existence  d'une  affection 
singulière,  et  très-prononcée,  des  valvules.  Après  avoir  éprouvé  ces 
mêmes  accidents  pendant  plusieurs  années,  la  malade  me  consulta. 
Le  paroxysme  était  alors  à  sa  période  de  déclin,  après  une  durée  de 
plusieurs  semaines  ;  mais  les  battements  du  cœur  étaient  irrégu  - 
liers ,  avec  un  bruit  de  souffle,  fort  et  légèrement  métallique,  qui 
semblait  se  rattacher  au  premier  temps  du  cœur.  La  malade  me 
pria  de  suspendre  mon  appréciation  de  son  état,  jusqu'à  ce  que  je 


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BRUITS  INTIU-CARDIAQUBS 


1?I 


l'eusse  revue  après  une  dizaine  de  jours.  Elle  était,  du  reste,  parfai- 
tement convaincue  de  l'existence  d'une  affection  organique  dont  la 
terminaison  serait  fatale.  Je  revis  la  malade  à  l'époque  fixée  par 
elle-même.  Le  cœur  était  parfaitement  tranquille,  le  pouls  naturel, 
et  toutes  traces  de  murmure  avaient  disparu. 

«  Quelques  années  après,  je  revis  cette  dame  ;  elle  était  alors  dans 
un  état  de  santé  parfait,  et  ? e  plaisait  à  raconter  que  non-seulement 
elle  avait  fort  embarrassé  les  médecins,  mais  qu'elle  avait  découvert 
elle-même  le  moyen  de  se  guérir.  Ce  moyen  consistait  en  un  éméti- 
que  prisau  moment  de  l'accès;  un  vomissement  provoqué  acciden- 
tellement au  début  d'une  de  ces  crises,  par  un  médicament  qu'elle 
avait  pris,  l'avait  mise  sur  la  voie  de  la  découverte.  Depuis  cette 
époque,  à  chaque  attaque,  la  malade  prenait  un  vomitif.  Les  accès 
devinrent  de  moins  en  moins  intenses,  et  finirent  par  disparaître 
complètement.  A  l'époque  où  je  vis  la  malade  pour  la  dernière  fois, 
elle  se  livrait  impunément  à  un  exercice  actif;  les  contractions  et  les 
bruits  du  cœur  ne  présentaient  rien  d'anormal.  (P.  163  du  Traité 
des  maladies  du  cœut  et  de  l'aorte,  de  W.  Stokcs,  traduit  par  le  Dr  Sé- 
nac,  in-8;  Paris,  1864.) 

3"  Observation.  —  «  Un  jeune  homme  fut  apporté  à  l'hôpital,  en 
proie  à  une  surexcitation  extraordinaire  du  cœur  ;  cet  organe  bat- 
tait avec  une  violence  telle,  qu'on  crut  avoir  affaire  à  une  cardite 
très-grave.  Le  patient  fut  soumis  à  un  traitement  d'une  énergie 
extrême,  mais  fort  inopportune.  Il  fut  saigné  à  plusieurs  reprises  et 
très-largement;  le  mercure  fut  employé  à  haute  dose,  on  eut  re- 
cours enfin  à  tous  les  moyens  propres  à  faire  cesser  une  inflamma- 
tion locale. 

Cependant,  rien  ne  semblait  avoir  prise  sur  la  maladie,  et  comme 
les  forces  du  sujet  étaient  épuisées  sans  que  l'action  du  cœur  eût 
rien  perdu  de  sa  terrible  violence,  le  médecin  aux  soins  duquel  était 
confié  le  malade,  suspendit  le  traitement  :  on  s'attendait  chaque 
jour  à  voir  succomber  le  patient.  Une  potion  contenant  de  l'éther,  du 
laudanum  et  d'autres  ingrédients,  détermina  des  vomissements 
abondants  après  lesquels  l'action  du  cœur  redevint  régulière  et 
tranquille.  Le  bruit  de  souffle  disparut,  et  la  convalescence  fut  ra- 
pide et  complète.  »  (Ibid.  Maladies  du  cœur  et  de  l'aorte,  p.  164.) 

Nous  ne  voulons  pas  revenir  ici  sur  l'observation  dont 
nous  avons  emprunté  de  nombreux  détails  à  M.  Jaccoud, 


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122  séMÉlOTIQUE. 

mais  nous  devons  dire  cependant  que  ce  praticien 
s'était  trompé  en  admettant  l'existence  d'une  lésion 
organique  des  valvules;  qu'il  s'était  trompé  en  concluant 
(d'après  la  rudesse  et  l'intensité  du  premier  bruit  de 
souffle,  et  d'après  les  troubles  précoces  de  la  circulation 
générale),  que  l'insuffisance  mitrale  était  compliquée 
de  rétrécissement.  »  (p.  800,  in  fine,  et  80i  du  t.  VIII  de  la 
Gazette  hebdomadaire,  n°  50, 13  décembre  1861 ,  ou  p.  260 
du  t.  II  de  la  2*  édit.  de  la  vers,  franç.  des  Leçons  de  ctf- 
nique  médicale  de  Graves.) 

Circonstances  dans  lesquelles  les  bruits  anormaux  du  cœur 

peuvent  être  entendus. 

On  cite  la  pléthore  sanguine  (1),  la  pléthore  aqueu- 
se (2),  l'hystérie  (3),  l'hypochondrie  (4),  l'anémie  (5), 

(1)  Andral.  —  P.  97  du  t.  III  de  la  4'  édit.  de  IMiwc.  mid.  de  Laënnec. 
—  Andral  a  dit,  six  ans  plus  tard,  p.  45  de  son  Traité  d'kémat.  pathol., 
que  le  souffle  devait  dépendre  d'une  maladie  compliquant  la  pléthore. 

—  Bellingbam.  —  Diseuses  of  the  heart,  p.  13.  Le  bruit  de  soufflet, 
dit-il,  provient  de  la  quantité  du  sang. 

(2)  Beau.  —  Traité  expèr.  et  clin,  d'auscultation ,  p.  412,  ou  Numéro  de 
septembre  1845  des  Arch.  gén.  de  mU.,  p.  16.  Cet  auteur  place  le 
siège  du  murmure  dans  les  artères ,  et  non  pas  à  l'oriûce  cardio-aor- 
tique. 

—  Bellingbam.  —  Diseases  of  the  heart,  p.  139.  Le  bruit  de  soufflol, 
dit-il,  provient  de  l'altération  survenue  dans  la  qualité  du  sang. 

(3)  Parrot.  — -  Etude  clinique  sur  le  siège  et  le  mécanisme  des  murmures 
cardiaques  dits  anémiques.  In  Archives,  etc.,  pour  l'année  1866,  t.  VIII, 
page  144. 

—  Laénnec.  —  Ausc.  méd.,  2»  édit.,  t.  II,  p.  442. 

(4)  Parrot.  —  Etude  clin.,  etc.,  p.  144. 

—  Laënnec.  —  Ausc.  méd.,  2«  édit.,  t.  II,  p.  442. 

(5)  Parrot.  —  Étude  clinique  sur  le  siège  et  le  mécanisme  de<  murmures 
cardiaques  dits  anémiques.  In  Abchivks  ,  etc.,  pour  l'année  1866,  t.  VIII, 
obs.  i,  ii,  vi,  etc. 

—  Bouillaud.  -  Maladies  du  cœur,  1"  édit.,  1. 1,  p.  180  et  181  ;  2»  édit., 
t.  I,  p.  204,  205  et  206. 

—  Luton.  —  Nouveau  Dict.  de  mid.  et  de  chir.  pratiques,  t.  IV,  p  175. 

—  Chauveau.  —  Études  prat.  sur  les  murm.  vascul. ,  dans  Gaiettk  m bi>., 
3e  série,  t.  XIII,  p.  355  et  suiv.  18î»8. 


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BRUITS  INTRA-CARDIAQL'ES.  123 

les  hémorrhng"ies  diverses  (1)  etc.,  comme  autant  de 
cas  dans  lesquels  peut  avoir  lieu  le  murmure  systo- 
lique. 

On  cite  encore  comme  susceptibles  de  produire  le 
même  phénomène  sonore,  l'hypertrophie  permanente 
du  cœur  (2),  l'hypertrophie  passagère  qu'on  observe 
dans  la  grossesse  (3),  la  dilatation  du  cœur  simple  (4), 
ou  compliquée  d'hypertrophie  (5),  le  rétrécissement  des 
artères  aorte  et  pulmonaire  du  à  des  causes  venant  du 
dehors,  telles  que  la  compression  par  le  stéthoscope  ou 
par  la  main  (6),  par  une  production  anormale  du  péri- 
carde (7),  par  un  épanchement  liquide  formé  dans  cette 
membrane  fibro-séreuse  (8),  par  une  dilatation  extrême 
de  l'oreillette  droite  (9). 

On  a  rencontré  le  murmure  dans  des  cas  d'in- 
suffisance simple,  ou  à  peu  près,  des  valvules  sig- 
moïdes  de  l'aorte  (10),  dans  des  cas  d'insuffisance 

(t)  Laônnec.  —  Ausc.  nèd.  2e  édit.,  t.  II,  p.  442. 

(2)  Bouillaud.  —  Mal.  du  cœur,  1"  édit.,  t.  I,  p.  179;  2«  édit.,  t.  I, 
p.  204. 

—  Laônnec.  —  Ausc.  méd.,  2*  édit.,  t.  II,  p.  441. 

—  Andry.  —  Manuel  de  diag.  des  mal.  du  cœur,  p.  230. 
-Racle.  -  Diagnostic  médical,  3«  édit.,  p.  113. 

(3)  Larcber.  —  De  l'hyperthrophie  normale  du  cœur  pendant  la  gros- 
sesse. In  t.  XIII  de  la  5«  série  des  Ancn.  gén.  db  méd  ,  pour  l'année  1859. 

(4)  Laënnec.  —  Ausc.  mèd.,  2«  édit.,  t.  Il,  p.  441. 

(5)  Bouillaud.  -  Mal.  du  cœur,  édit.,  t.  I ,  p.  179;  2-  édit.,  1. 1, 
p.  204. 

—  Bellingham.  —  Diseases  of  the  heart,  p.  138. 

(ri)  Charles  Williams.  —  Observation  3  de  sa  première  expérience  faite 
avec  le  concours  du  Dr  Hope,  p.  301,  of  the  pathology  and  diagnosis,  etc. 

—  Bellingham.  —  Diseases  ofthe  heurt,  p.  139. 

(7)  John  Elliotson  —  Lumleyan  Lectures,  p.  19. 

(8)  Voyez  plus  bas  l'observation  d'un  hydro-péricarde  que  j'ai  re- 
cueillie sur  une  sage-femme. 

(9)  John  Elliotson.  —  Lumleyan  Lectures,  p.  18,  2«  colonne. 

(10)  Corrigan.  —  On  permanent  patency  of  the  mouth  of  the  aorta.  In 
The  Edisburg  mbd.  and  sono,  journal.  April  1832. 


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124  SKMÉIOTIQUE. 

relative  des  valvules  tricuspide  (i),  ou  mitrale  (2). 

M.  Bouillaud  a  entendu  le  bruit  de  soufflet  dans  des 
cas  de  communication  anormale  entre  les  cavités  droites 
et  gauches  du  cœur  (3). 

Hope  dit  avoir  entendu  un  bruit  de  soufflet  très-in- 
tense produit  par  une  communication  du  venticule  droit 
avec  la  partie  supérieure  du  venticule  gauche  et  avec 
l'aorte  (Cas  de  Gollins  ,  p.  465-66  de  la  4*  édit.  du  Traité 
des  maladies  du  cœur),  au  moyen  d'une  ouverture  dont  le 
diamètre  égalait  celui  du  doigt  indicateur. 

Il  a  renconiré  le  même  bruit  dans  quatre  cas  de  vice 
de  conformation  avec  cyanose ,  où  il  ne  put  faire  l'au- 
topsie (4). 

M.  0.  Markham  a  publié  dans  hritish  médical  Journal  en  483", 
un  cas  de  persistance  du  trou  de  Botal  dans  lequel  on  avait  noté, 
pendant  la  vie,  un  bruit  systolique  très-fort,  rude,  perceptible,  tout 
le  long  de  la  base  du  cœur  et  dans  la  région  sous-elaviculaire  gau- 
che, mais  à  peine  sensible  à  la  pointe  du  cœur  et  sans  prolongation 
dans  l'aorte. 

L'enfant,  âgée  de  4  ans,  était  considérée  comme  tuberculeuse  et 
traitée  comme  telle,  lorsqu'elle  fut  tout  d'un  coup  saisie  de  convul- 
sions et  d'accès  de  suffocation.  Il  y  avait  de  la  fièvre,  un  peu  de 
cyanose,  une  action  violente  du  cœur,  un  bruit  systolique  plus  fort, 
plus  rude  que  la  première  fois,  plus  prolongé.  M.  Markham  crut  à 
une  cardite  aiguë.  Mais  la  malade  étant  morte,  on  trouva  le  trou  de 
Botal  assez  largement  ouvert  pour  permettre  l'introduction  du  bout 

(I)  Hope.  —  Diseases  ofthe  heart.  Third.  edit.,  p.  80. 

—  Goupil.  —  Bulletins  de  la  Soc.  anat.,  t.  XXXI.  p.  121. 

Parrot.  —  Étude  sur  un  bruit  de  souffle  rardia>jue  symptomatique  de 
l'asystolie.  In  Archives.  Numéros  d'avril  et  de  mai;  t.  Y  de  la  6«  série. 
Pari»,  im. 

—  Parrot.  — Étude  clin,  tur  le  siège  et  le  mècanitme  det  murmures  car- 
diaques  dits  anémiques.  In  Archives,  t.  VIII,  p.  iî9  à  159.  Paris,  4866. 

(i)  Jaccoud.  —  Note  à  la  page  257  du  t.  II  de  la  2*  édit.  de  sa  ver- 
sion française  des  Leçons  de  clinique  médicale  de  Graves. 

(3)  Bouillaud.  —  Maladies  du  cœur,  2«  édit.,  p.  203. 

(4)  Hope.  -  Diseuses of  the  heart,  3-  édit.,  p.  72;  ou  4*  édit.,  p.  66. 


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BUUITS  INTRA- CARDIAQUES.  125 

du  doigt  de  l'oreillette  droite  dans  k  gauche.  Le  sang  pouvait 
suivre  cette  même  voie,  mois  une  membrane  valvulairc,  en  forme 
de  roupnpc,  rendait  impossible  son  retour  suivant  une  voie  con- 
traire (1  \ 

On  a  rencontré  Jes  bruits  anormaux  également  : 
i°  dans  des  cas  où  des  végétations  étaient  déposées  sur 
les  valvules  ou  sur  l'orifice  du  cœur  (2)  ;  2°  dans  des  cas 
où  des  concrétions  sanguines,  qui  s'étaient  formées, 
avant  la  mort,  avaient  obstrué  un  orifice,  ou  avaient 
empêché  une  valvule  de  se  fermer. 

On  a  rencontré  le  murmure  dans  des  cas  de  rétrécis- 
sements organiques  des  orifices  du  cœur,  auriculo-ven- 
triculaires  ou  ventricule-artériels,  d'insuffisances  déter- 
minées par  des  lésions  graves  des  valvules  tricuspide, 
sigmoïdes,  mitrale. 

Les  cas  les  plus  ordinaires  dans  lesquels  les  bruits 
anormaux  sont  entendus  se  rapportent  à  l'endocardite, 
comme  le  démontrent  les  travaux  remarquables  de  John 
Elliotson,  de  Hope,  de  Bouillaud,  de  Watson,  de  Sto- 
kes,  etc. 

L'endocardite  qui  donne  le  plus  souvent  lieu  à  des 
bruits  anormaux  est  de  nature  rhumatismale,  mais  l'en- 

(1)  Gazette  méd.  de  Paris,  p.  595, 1858. 

(2)  Laënnec.-,tttMttft. mM.,  2«édit.,  t.  II,  p. 623.  -Bouillaud.  Traité 
clinique  det  maladies  du  cœur,  V  édit.,  t.  I,  p.  178;  2«  édit.,  t.  I,  p  203. 
—  Andral.  Note  à  Uennec,  4e  édit.,  t.  III,  p.  300.  «Il  a  cité  deux  obser- 
vations de  concrétions  polypouses,  publiées  l'une  par  M.  Brouc,  dans  le 
Journal  hebdomadaire;  l'autre,  par  M.  Desclaux,  dans  sa  thèse  inaugu- 
rale.) Dans  la  première»  on  avait  entendu  un  sifflement  aigu  ;  dans  la  se- 
conde, un  bruit  de  piaulement.)  —  Hope.  Diseases  of  the  heart.  Tltird  edit., 
p.  72.  —  Caron.  Tumeur  polypiforme  développée  dans  l'oreillette  gauche  , 
et  plongeant  dans  rorificc  auriculo-centriculaire,  qu'elle  rétrécissait.  In  Bul- 
letins DE  LA  SOCIÉTÉ  MÉD.  DES  HOPITAUX  DE  PARIS,  2'  série,  n°  9,  p.  311 

et  suiv. 


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126  SÉMÉIOTIQUE. 

docardite  ulcéreuse,  typhoïde,  pyoémique  (1) ,  puerpé- 
rale (2)  se  lie  quelquefois  à  ces  bruits. 

Il  en  est  de  même  de  celle  que  Ton  a  rapportée,  soit  à 
l'alcoolisme,  soit  à  une  lièvre  grave,  ou  encore  à  une  in- 
flammation de  la  plèvre,  des  poumons,  etc. 

CONCLUSIONS. 

Dans  tous  les  cas  que  nous  venons  d'énumérer,  un 
fait  capital  paraît  dominer  :  celui  d'une  disproportion 
entre  la  quantité  de  sang1  contenue  dans  le  cœur,  et  les 
orifices  par  lesquels  il  doit  s'écouler. 

Aussi  presque  tous  les  auteurs  attribuent- ils  les  mur- 
mures cardiaques  à  la  gêne  que  le  sang  éprouve  à  tra- 
verser les  orifices  rétrécis  dans  l'endocardite  et  dans 
l'insuffisance  des  valvules  auriculo-ventriculaires,  ou 
cardio-artérielles  (3). 

Si  l'endocardite  n'a  jamais  existé,  ou  si  elle  n'existe 
pas,  les  auteurs  s'accordent  presque  tous  à  admettre  des 
rétrécissements  relatifs  dans  les  cas  de  pléthore  san- 
guine, de  chlorose,  d'anémie,  d'hystérie,  d'hypochon- 
drie,  d'hypertrophie  du  cœur,  passagère  ou  perma- 
nente, compliquée  ou  non  de  dilatation  du  cœur. 

C'est  h  ces  rétrécissements,  soit  inorganiques,  soit  or- 
ganiques, qu'il  faut  rapporter  les  murmures. 

L'affaiblissement  seul  de  l'action  du  cœur  peut  les 

(1)  Senhouse  Kirkes.  Edinburg  médical  and  surgical  journal,  1853, 
t.  XVIII,  p.  119.  —  Simon  (Des  maladies  puerpérales}  et  Marlineau 
(  Des  endocardites )  décrivent  l'endocardite  ulcéreuse  ou  lyphordc  dans 
leurs  thèses  d'agrégation  soutenues  en  -1866. 

(2)  Auguste  Oliivier.  —  Note  sur  uneeause  peu  connue  des  maladies  or- 
ganiques du  cœur,  etc..  avec  une  observation  qui  a  pour  sujet  Anne  B.... 
Dans  :  Gazette  m ed.  de  Paris  pour  4870,  p.  83  et  suiv. 

—  De  Lotz.  —  De  l'état  puerpéral  considéré  comme  cause  d'endocardite. 
Dans  :  Bulletins  dp.  l'Académie  de  médecine,  4657,  p.  744. 

(3)  Andral.  —  Note  à  Laënnec,  4«  édiU  du  Traité  de  l'Ausc.  méd.,  t.  111 
p.  95  à  403. 


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DE   LHERPETISME.  127 

faire  cesser.  Mais  aussi,  ils  peuvent  être  mis  en  évi- 
dence, réveillés  ou  accrus  par  un  effort,  une  fatigue, 
une  émotion  morale  (1),  une  agitation  nerveuse  (2),  de 
violentes  palpitations  (3). 

Dr  L.  MAILLIOT. 

-  La  suite  prochainement.  — 


BIBLIOGRAPHIE 

DE  L'HERPÉTISME 
Par  le  Dr  GIGOT-SUARD,  médecin  consultant  aux  Eaux  de  Cauterets  (4). 

L'organicisme  du  commencement  de  ce  siècle  avait 
rayé  de  la  nosologie  le  mot  dartre  et  réduit  l'histoire 
de  cette  grande  maladie  à  la  description  d'affections  de 
la  peau,  multipliées  à  l'infini  et  classées  suivant  les  lé- 
sions anatomiques.  La  doctrine  de  l'essentialité  des  ma- 
ladies prépara  une  réaction  nécessaire  sur  ce  point  de 
la  pathologie,  et  Bazin,  l'habile  vulgarisateur,  appliqua 
à  l'histoire  de  la  scrofule  et  de  la  dartre  les  doctrines 
de  l'école  de  J.-P.-Tessier  ;  Hardy  suivit  cette  voie 
avec  son  génie  propre  et  un  grand  esprit  d'observation; 
M.  Gigot-Suard,  en  publiant  son  livre  sur  V herpétisme 
continue  la  voie  de  réparation  commencée  par  l'essen- 
tialisme  et  nous  croirions  laquestion  à  tout  jamais  sauvée 
du  naufrage,  si  nous  n'apercevions  dans  ce  dernier  ou- 
vrage l'influence  par  trop  marquée  du  physiologisme,  cette 
plaie  toujours  renaissante  de  la  médecine. 

Qu'on  ne  l'oublie  pas,  le  physiologisme  tue  la 

(t)  Bouillaud.  -  Maladies  du  cœur,  1*  édit.,  p.  179;  2«  édil.,  p.  204. 

(2)  Laennec.  -  Auscult.  mèd.t  2"  édit.,  t.  Il,  p.  441. 

(3)  Bellingham.  Diseuses  of  the  heart,  p.  138. 

(4)  Un  vol.  in-S  ;  chez  J.-B.  Baillière  et  fils. 


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128  BIBLIOGRAPHIE 

médecine,  parce  qu'il  nie  la  maladie  et  qu'il  ne  voit  en 
pathologie  que  des  symptômes  et  des  lésions;  parce 
qu'il  fait  consister  toute  la  science  médicale  dans  l'ex- 
plication physiologique  de  ces  désordres  et  qu'il  ne  com- 
prend pas  que  ces  symptômes  et  ces  lésions  lbrment  un 
tout,  une  unité,  tellement  constituée,  qu'une  école  toule 
puissante  dans  la  tradition,  et  illustrée  de  nos  jours  par 
Trousseau,  n'a  pas  craint  de  faire  de  la  maladie  des  êtres 
réels. 

En  pathologie  générale,  nous  avons  démontré  que 
les  maladies  ne  constituent  point  des  êtres,  mais  l'obser- 
vation nous  enseigne  chaque  jour  qu  elles  constituent 
des  états  si  nettement  déterminés,  qu'on  peut  dire  avec 
raison  que  ces  états  se  comportent  comme  des  êtres  et 
peuvent  être  étudiés  comme  tels.  Appliquons  maintenant 
au  livre  de  M.  Gigot-Suard  les  principes  que  nous  venons 
d'exposer. 

M.  Gigot-Suard  définit  l'herpétisme  : 

«  Une  maladie  constitutionnelle  chronique,  héréditaire 
ou  acquise,  non  contagieuse,  continue  ou  intermittente, 
caractérisée  par  des  manifestations  variées  qui  se  pro- 
duisent simultanément  ou  alternativement  sur  la  peau 
et  divers  systèmes  organiques,  lesquelles  manifestations 
ont  pour  cause  directe  la  présence  en  excès  des  principes  excrê' 
mentitiels  dans  le  sang,  notamment  de  ceux  qui  s'y  trou- 
vent en  très-petile  quantité  à  l'état  normal  et  qui  ne 
sont  pas  sécrétés  par  la  peau,  tels  que  les  u rates,  les 
oxalates,  les  hippurates,  la  xanthine,  la  créatine,  etc.  » 

Il  n'y  a  dans  cette  longue  définition  qu'un  caractère 
précis,  c'est  la  lésion  de  sang  chez  les  dartreux;  quant  à 
la  première  partie  :  maladie  constitutionnelle  chro- 
nique héréditaire,  etc.,  »  elle  se  rapporte  aussi  bien  à  la 
scrofule  qu'à  la  dartre.  Mais  nous  avons  rapporté  cette 
définition  tout  entière  parce  quelle  fait  bien  compren- 


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DE  i/hERPÉTISMK.  129 

dre  la  pensée  de  l'auteur  :  d'une  part  la  dartre  est  une 
inaladieà  manifestations  multiples  ;  d'une  autre  part  cette 
maladie  n'est  rien  autre  chose  qu'un  empoisonnement 
du  sang*  par  les  principes  excrémentitieîs,  c'est  Y  uri- 
cémie. Ainsi  dans  la  première  partie  de  sa  définition 
M.  Gig*ot-Suard  est  essentialiste,  il  s'élève  à  l'idée  de 
inaladieet  à  toutes  les  g-énéralisalions  que  comporte  cette 
idée.  Dans  laseconde  partie  de  sa  définition  il  tombe  dans 
l'explication  physiologique  de  la  maladie,  dans  l'humo- 
rismeet  l'hypothèse  des  empoisonnements  du  sang1,  dans 
le physiologisme  dont  le  dernier  mot  est  la  négation  des 
maladies.  En  sorte  que  véritablement  médecin  dans  une 
partie  de  sa  définition,  physiologiste  dans  l'autre,  il 
accole  dans  un  syncrétisme  regrettable  deux  doctrines 
qui  hurlent  de  se  trouver  ainsi  accouplées. 

Les  deux  principes,  contradictoires  selon  nous,  qui 
servent  de  point  de  départ  et  de  base  à  M.  Gig-ot-Suard, 
impriment  leur  influença  à  son  œuvre  tout  entière,  et 
nous  allons  les  retrouver  à  chaque  pag*e. 

La  dartre  est  une  maladie  constitutionnelle  à  localisa- 
tions multiples  et  à  produits  morbides  divers  (i)  :  voilà 
dans  la  doctrine  de  M.  Gig'ot-Suard  l'hémisphère  de  la 
vérité.  Aussi,  l'auteur  combat  avec  succès  l'école  de 
Willan,  et  n'a  pas  grand'peine  à  démontrer  l'inanité 
de  cette  école,  purement  analomique,  qui  rég-nait  pour- 
tant en  souveraine  il  y  a  moins  d'un  quart  de  siècle. 

Éclairé  par  l'idée  de  maladie,  guidé  par  l'essentia- 
lité,  M.  Gig*ot-Suard  rattache  à  un  tout  unique  les  nom- 
breuses manifestations  de  la  dartre  à  la  peau  et  sur  les 
muqueuses;  il  montre  la  filiation  qui  relie  ces  lésions 
premières  et  légitimes  de  la  dartre  aux  affections  ultimes 
et  plus  complexes  qui  sévissent  sur  les  organes  et  les 

(l)  Notons,  en  passant,  que  c'est  là  mot  pour  root  la  définition  do 
J.-P.  Tessier, 

TOMB  XXXII.  —  AOUT  4870.  9 


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130  BIBLIOGRAPHIE. 

parenchymes.  Il  fait  une  historique  complète  des  affec- 
tions dartreuses  secondaires  :  asthme,  dyspepsie,  leu- 
corrhée, névralgie,  migraine,  etc.,  etc. 

Seulement,  pas  plus  que  Hahnemann,  il  ne  sait  s'ar- 
rêter sur  cette  pente  glissan te  des  généralisations  fa- 
ciles ;  il  étend  outre  mesure  le  domaine  de  la  dartre,  et 
c'est  ici  que  se  fait  sentir  l'influence  fâcheuse  de  l'expli- 
cation physiologique.  Ainsi,  fort  de  cette  hypothèse,  que 
l'herpétisme  est  un  empoisonnement  du  sang  par  les 
principes  excrémentiticls ,  une  uricémie,  que  la  goutte 
n'est  pas  autre  chose  qu'une  uricémie,  il  conclut  à  la 
suppression  de  la  goutte  qui  rentre  avec  toutes  ses  mani- 
festations, cutanées  et  autres,  dans  l'histoire  de  la  dar- 
tre; les  hémorrhoïdes  et  les  varices  suivent  la  goutte 
dans  ce  triste  destin  ;  le  cancer  et  la  phthisie  peuvent 
être  une  terminaison  ultime  de  la  dartre;  en  sorte  que, 
comme  Hahnemann  et  Pidoux,  M.  Gigot-Suard  rédui- 
rait les  maladies  chroniques  à  un  très-petit  nombre, 
.  dont  la  dartre  occuperait  la  plus  grande  part. 

Et  voilà  les  fruits  du  physiologisme  !  la  plupart  des 
maladies  chroniques  sont  dues  à  un  empoisonnement 
du  sang;  la  dartre  est  un  empoisonnement  par  les  prin- 
cipes excrémentiticls  qui  doivent  être  éliminés  par  les 
reins  ;  la  scrofule  tient  à  une  prolifération  trop  grande 
des  cellules  des  ganglions  lymphatiques;  le  cancer  trou- 
vera bien  aussi  une  altération  d'humeurs  destinée  à  rem- 
placer latrabile,  décidément  trop  vieillie,  et  ainsi  les 
maladies  disparaîtront,  et  les  lésions  et  les  symptômes 
trouveront  leur  explication  dans  un  empoisonnement  ; 
les  causes  internes  seront  supprimées  de  la  pathologie  gé- 
nérale ;  la  médecine  deviendra  simple  et  claire  comme 
l'erreur,  et  il  faudra  reconstruire  l'édifice  médical  dans 
un  siècle  d'ici. 
Comment  ne  comprend- on  pas  qu'une  altération  du 


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DE  l'hRRPBTISME.  131 

sang*  n'est  qu'une  lésion ,  c'est-à-dire  un  effet,  un  pro- 
duit de  la  maladie,  et  par  quel  prodige  d'illogisme 
parvient-on  à  faire  d'une  altération  qui  joue  le  rôle  de 
cause  seconde  vis-à-vis  de  certains  symptômes,  et  le 
rôle  d'effet  vis-à-vis  de  la  maladie ,  la  cause  primor- 
diale de  l'état  pathologique  tout  entier?  Pourquoi  con- 
fondre aussi  obstinément  un  mécanisme  avec  une  cause? 

La  présence  d'urates  dans  le  sang  des  dartreux  est  le 
mécanisme  qui  sert  à  la  production  des  affections  de  la 
peau,  je  le  concède  pour  le  moment  ;  mais  cette  cause 
secondaire  n'explique  ni  l'hérédité,  ni  la  succession  des 
affections  et  leurs  évolutions  diverses;  elle  n'explique  ni 
les  formes,  ni  la  marche  de  la  maladie,  ni  les  caractères 
particuliers  qu'elle  présente  chez  chaque  individu  ;  mais, 
par-dessus  tout,  elle  ne  s'explique  pas  elle-même. 

Dans  l'hypothèse  de  M.  Gigot-Suard,  tous  les  hommes 
qui  vivent  d'une  certaine  manière  devraient  avoir  de 
Y  uricémie  et  être  dartreux.  L'expérience  prouve  qu'il 
n'en  est  rien  ;  que  l'homme  est  plus  puissant  que  les  • 
causes  externes,  et  que,  si  celles-ci  sont  favorables  au 
développement  de  certaines  maladies,  elles  sont  insuf- 
fisantes aies  produire  seules;  que,  pour  que  les  maludies 
naissent,  il  faut  que  l'organisme  y  soit  prédisposé,  qu'il 
ait  la  maladie  en  puissance  ;  que  l'homme  naît  malade, 
et  que  cet  état  contre  nature  qui  se  révèle  au  contact  de 
circonstances  extérieures,  ou  qui  évolue  spontanément, 
est  la  cause  réelle  et  l'explication  véritable  de  tous  les 
phénomènes  morbides  ;  qu'on  naît  dartreux,  et  que  c'est 
pour  cette  raison  qu'à  un  moment  donné  les  produits 
excrémentitiels  s'accumulent  dans  le  sang  :  Yuricémie 
est  donc  un  effet  (l'effet  primitif,  si  l'on  veut)  de  la  dar- 
tre. Comment  donc  en  serait-elle  la  cause? 

La  doctrine  étroite  et  stérile  du  physiologisme  a  eu 
encore  sur  l'œuvre  de  M.  Gigot-Suard  une  influence 


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BIBLIOGRAPHIE. 

fâcheuse  que  nous  devons  maintenant  examiner.  La 
tradition  s'est  toujours  efforcée  de  distinguer  les  affec- 
tions de  la  peau  qui  appartiennent  en  propre  à  la  dartre 
de  celles  qui  sont  symptomatiques  de  la  scrofule,  de  la 
goutte  et  de  la  syphilis.  La  théorie  de  Y  uricémie  fait  per- 
dre de  vue  à  notre  auteur  cette  vérité  nosologique, 
sans  laquelle  le  diagnostic  et  le  traitement  des  affections 
de  la  peau  resteront  toujours  incomplets.  Les  résultats 
féconds  de  la  distinction  de  la  dartre  essentielle  et  des 
affections  symptomatiques  de  la  peau  sont  tellement  évi- 
dents dans  l'histoire  des  St/phi/ides,  que  personne  n'a 
jamais  songé  à  en  contester  l'existence,  et  que  l'univer- 
salité des  praticiens  jouit  en  paix  et  sans  contestation 
des  facilités  pour  le  diagnostic  et  pour  le  traitement  qui 
ressortent  de  cette  distinction.  Croit-on  que  la  méde- 
cine pratique  se  trouvera  plus  mal  de  la  séparation  éta- 
blie, par  A.  Milcent  d'abord,  par  Bazin  ensuite ,  entre 
les  affections  de  la  peau  symptomatiques  de  la  scrofule 
et  celles  qui  constituent  la  dartre  essentielle?  Les  Scro- 
fulides  sont  aussi  vraies  en  théorie  et  aussi  utiles  en  pra- 
tique que  lessyphilides,  et  les  médecins  savent  tous  que 
leur  pronostic  comme  leur  traitement  diffèrent  fonda- 
mentalement du  pronostic  et  du  traitement  de  la  dartre. 

Les  mêmes  réflexions  s'appliquent  aux  affections  delà 
peau  symptomatiques  de  la  goutte,  et,  si  la  question 
du  diagnostic  est  ici  plus  difficile  que  pour  les  syphi- 
lides  et  les  scrolulides,  ce  n'est  pas  une  raison  pour 
quitter  la  partie  et  pour  abandonner  le  véritable  terrain 
de  la  nosologie  positive.  Ce  que  M.  Bazin  n'a  pas  fait 
suffisamment,  un  autre  le  fera. 

Mais  il  est  déjà  incontestable  (quoi  qu'en  dise  M.  Gigot- 
Suard)  que  la  marche  et  le  traitement  des  affections  de  la 
peau  symptomatiques  de  la  goutte  sont  différents  de  la 
marche  et  du  traitement  de  la  véritable  dartre. 


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DE  i/hERPKTISME.  133 

M.  Gigot-Suard  nous  pardonnera  notre  critique  :  son 
livre  est  un  travail  trop  important,  lui-même  est  un 
médecin  trop  sérieux  pour  que  nous  ayons  pu  nous  borner 
à  un  bannal  compte-rendu.  Quand  une  œuvre  a  assez 
d'autorité  pour  constituer  un  enseignement,  la  critique 
a  des  devoirs  trop  étroits  pour  qu'il  soit  possible  de  les 
oublier. 

Arrivons  maintenant  à  la  pathologie  spéciale. 

M.  Gigot-Suard  divise,  avec  raison,  toutes  les  dartres 
en  deux  catégories  :  les  dartres  sèches  et  les  dartres  humides 
ou  plutôt  sécrétantes,  car  le  produit  qui  distingue  celle 
dernière  forme  de  la  première  est  souvent  un  produit 
tout  à  fait  sec. 

Dans  la  première  classe,  il  décrit  :  la  couperose, 
Yérythème  simple,  la  roséole,  Yurticaria  et  Yérythème 
noueux,  qui,  suivant  nous,  n'appartiennent  pas,  dans 
leur  forme  aiguë,  à  l'histoire  de  la  dartre,  le  prurigo. 

Dans  la  classe  des  dartres  sécrétantes  à  produit  solide  : 
le  pityriasis,  le  psoriasis,  la  lichen,  Yherpétide  exfoliatrice 
ou  pityriasis  généralisé. 

Dartres  avec  sécrétion  liquide  ou  semi-liquide  : 

a.  Sans  inflammation  :  la  diaphorèse,  que  personne 
n'avait  encore  placée  dans  l'histoire  de  la  dartre,  et  dont 
beaucoup  de  cas  appartiennent,  suivant  mon  observation, 
à  la  goutte;  Yacné  par  hyperémie  (acné  sébacée  fluente, 
acné  punctata,  cornée  varioliforme,  moluscum). 

b.  Avec  inflammation  :  Acné  inflammatoire  (indurée, 
hypertrophique),  furoncèle,  hydrosadênite. 

Dartres  a  produits  liquides  ou  semi-liquides  concres- 
cibles  : 

Strophulus,  herpès,  eczéma,  pemphygus,  impétigo ,  ecthyma% 
acné,  sébacée  concrète. 

Dans  un  dernier  chapitre,  M.  Gigot-Suard  étudie  la 
dartre  sans  lésion  apparente  de  la  peau  et  constituée 


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134  BIBLIOGRAPHIE. 

par  des  démangeaisons  atroces  et  la  sensation  de  repta- 
tion d'une  multitude  d'insectes. 

L'histoire  de  toutes  ces  affections  est  écrite  avec  ce 
style  clair  et  précis,  si  précieux  en  nosographie.  Mais  la 
distinction  des  affections  cutanées  symptomatiques  de 
la  scrofule,  de  la  goutte  et  de  la  syphilis,  et  de  celle  qui 
constitue  la  dartre  proprement  dite,  fait  complètement 
défaut.  Uimpétigo  joue  un  rôle  bien  plus  important  dans 
la  scrofuleque  dans  la  dartre  ;  la  furoncèle  apparlient  sur- 
tout à  la  goutte  et  au  diabète.  Mais  M.  Gig^ot-Suard 
réunit  toutes  les  maladies  dans  l'uricémie  :  aussi  ne  l'ac- 
cusons-nous  pas  de  manquer  de  logique,  mais,  ce  qui 
est  plus  grave,  d'avoir  pris  pour  base  une  pathologie 
générale  défectueuse. 

M.  Gigot-Suard  décrit  ensuite  les  affections  dartreuses 
qui  siègent  sur  les  muqueuses  :  blépharites  et  ophthal- 
mies,  angines,  bronchites,  catarrhes,  dyspepsies,  gas- 
tralgies, souffrances  intestinales,  affections  des  organes 
génito-urinaires  chez  l'homme  et  chez  la  femme.  Il  étudie 
ensuite  les  localisations  vasculaires  et  nerveuses,  les 
névropathies,  les  névralgies,  puis  les  affections  plus 
rares  des  systèmes  articulaire,  osseux,  musculaire,  cel- 
lulaire, etc.,  etc.,  voire  même  le  diabète;  enfin,  sous 
le  titre  de  manifestation*  ultimes  de  t'herpétisme,  il  décrit  la 
phthisie  et  le  cancer  dartreux.  On  le  voit,  toute  la  patho- 
logie rentre  dans  la  dartre  :  c'est  là  une  conclusion  que 
le  bon  sens  médical  n'hésitera  pas  à  condamner  et  une 
démonstration  indirecte  de  la  fausseté  de  la  théorie  de 
l'empoisonnement  du  sang. 

Nous  ne  pouvons,  sans  dépasser  toute  limite,  exami- 
ner en  particulier  chacune  des  opinions  que  M.  Gigot- 
Suart  a  émises  dans  son  livre  do  Thcrpétisme;  mais 
nous  voulons  nous  arrêter  un  moment  sur  les  relations 
de  la  phthisie  et  de  I'herpétisme. 


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DÉ  L'HFRPÉTISME.  135 

Nous  ne  nions  pas  d'une  manière  absolue  les  rela- 
tions de  la  dartre  et  de  la  phthisie;  mais  nous  croyons, 
avec  MM.  Érard  et  Cornil,  que  cette  opinion  a  besoin 
d'être  démontrée.  Le  travail  de  M.  Gigot-Suard,  si  nom- 
breuses que  soient  les  observations  sur  lesquelles  il 
s'appuie,  n'a  pas  entraîné  notre  conviction,  et  cela  par 
une  raison  que  paraissent  avoir  sentie  MM.  Érard  et 
Cornil,  mais  qu'ils  ont  exprimée  vaguement,  comme 
le  font  toujours  dans  les  discussions  de  doctrine  les 
médecins  peu  familiarisés  avec  les  questions  de  patho- 
logie générale.  MM.  Erard  et  Cornil  n'acceptent  pas  que 
la  phthisie  engendre  la  dartre  et  que  la  dartre  engendre 
la  phthisie,  malgré  les  observations  nombreuses  où  ce 
rapport  se  trouve  affirmé,  parce  que  la  dartre  est  une 
affection  trop  commune  pour  qu'on  puisse  rien  con- 
clure de  sa  présence  chez  un  individu. 

M.  Gigot-Suard  a  raison  de  trouver  cet  argument 
mauvais.  C'est  dans  les  termes  suivants  qu'il  doit  être 
posé  :  La  phthisie  a  des  rapports  intimes  avec  la  scro- 
fule (1);  or  la  scrofule  s'accompagne  d'un  grand  nom- 
bre d'affections  de  la  peau,  les  scrofulides ;  il  n'est  donc 
pas  étonnant  que  les  phthisiques,  qui  sont  le  plus  sou- 
vent desscrofuleux,  soient  affectés  d'eczéma,  d'impétigo 
ou  de  toute  autre  affection  de  la  peau  propre  à  la  scro- 
fule. Pour  que  la  démonstration  de  M.  Gigot-Suard  de- 
meure convaincante,  il  faut  qu'il  établisse  que  les  affec- 
tions de  la  peau  qui,  dans  ses  observations,  ont  précédé 
ou  suivi  la  phthisie  ne  sont  pas  de  nature  scrofuleuse  ; 
qu'en  un  mot,  ce  sont  de  vrais  dartreux  qui  deviennent 
phthisiques. 

Dans  le  prochain  numéro,  nous  examinerons  deuxcha- 
pitres  du  livre  de  M.  Gigot-Suard  :  le  Traitement  de  la 

(1)  Pour  moi,  la  phthisie  n'est  qu'une  affection  scrofuleuse. 


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136  VARIÉTÉS. 

dartre  et  les  expériences  si  intéressantes  de  cet  auteur 
sur  Y  Action  pathogènètique  de  plusieurs  substances  pres- 
que entièrement  inconnues  en  matière  médicale  expéri- 
mentale. 

P.  Jousset. 

—  La  suite  aa  prochain  numéro.  — 

VARIÉTÉS 

LES  PETITES  MTSÈRES  DE  QUELQUES  MÉDECINS 

CATHOLIQUES. 

IV.  —  Gabriel  de  Zerbis. 

«  Savant  non-seulement  en  médecine,  mais  encore 
en  logique  et  en  philosophie,  Zerbis  enseigna  ces  trois 
sciences  à  Padoue,  à  Bologne,  à  Rome,  et  derechef  à 
Padoue,  où  on  l'avoit  attiré  pour  la  seconde  fois, 
moyennant  de  gros  honoraires.  Enseignant  avec  éclat 
et  pratiquant  avec  succès,  il  jouissoit  de  la  réputation 
d'un  des  plus  savants  médecins  de  l'Europe  ;  et  ce  fut 
précisément  cette  réputation  qui  causa  sa  perte.  Les 
Vénitiens  avaient  reçu  de  Constantinople,  par  le  canal 
d'André  Gritti,  leur  doge,  la  demande  d'un  médecin 
habile,  qui  voulût  entreprendre  la  guérison  d'un  des 
principaux  seigneurs  de  l'empire  ottoman. 

La  république  jeta  les  yeux  sur  Zerbis,  qui,  cédant  à 
l'appât  du  gain,  accepta  la  proposition,  se  rendit  en 
Orient,  et  guérit  le  malade.  Chargé  de  richesses,  il 
monta  sur  un  vaisseau  pour  retourner  à  Venise.  Dans 
l'intervalle,  le  Turc  était  mort.  A  peine  sorti  de  sa  mala- 
die, il  s'était  livré  à  la  débauche,  qui  l'emporta  en  peu 
de  jours.  Ses  enfants  crurent  que  le  médecin  italien 
l'avait  empoisonné  en  partant  :  ils  envoyèrent  une 
saïque  légère  à  la  poursuite  de  Zerbis,  qui  fut  ramené 
en  Turquie,  où  il  eut  d'abord  le  spectacle  déchirant  du 


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VARIÉTÉS.  1 Ï7 

supplice  de  son  fils  cadet,  que  I  on  fit  mourir  en  le 
sciant  par  le  milieu  du  corps ,  entre  deux  planches  ; 
après  quoi  il  fut  mis  à  mort  de  la  même  manière.  » 
Tiaboschi,  Hist.  de  la  litt.  de  f  Italie,  III,  130.  Cet  évé- 
nement tragique  arriva  l'an  1505.  Histoire  de  fana* 
tomie,  par  Thomas  Lauth,  t.  I.  Strasbourg-,  F.-G.  Le- 
vrault,  1815,  t.  1,  p.  310-11. 

V.  Claude  Auberv. 

a  Médecin  français,  qui,  ayant  embrassé  la  réforme, 
se  retira  à  Lausanne,  où  il  devint  professeur  de  philoso- 
phie. Des  persécutions  religieuses  qu'il  y  éprouva,  le 
déterminèrent  à  rentrer  en  France  :  il  vint  donc  faire 
son  abjuration  à  Dijon  ,  et  mourut  dans  cette  ville 
en  1596.  » 

Oratio  apodictica  de  immortalitate  animœ.  Berne,  1586, 
in-8°. 

C'est  cet  ouvrage  qui  détermina  Aubery  à  revenir  en 
France.  Le  Synode  de  Berne  t avait,  en  effet,  condamné 
comme  trop  conforme  aux  principes  des  cathotiques.  Jourdan, 
Biogr.  mêd.,  1820,  1.408. 

VI.  Nicolas  Stenon. 

«  Stenon  naquit  à  Copenhague  le  10  janvier  1638, 
d'un  orfèvre  de  Christiern  IV,  et  qui  était  un  zélé  secta- 
teur de  la  Religion  luthérienne;  il  lui  en  apprit  les 
dogmes,  auxquels  le  jeune  Stenon  se  conforma  pendant 
plusieurs  années.  Son  goût  particulier  pour  les  sciences 
le  détermina  à  embrasser  la  médecine  ;  l'anatomie  sur- 
tout lui  parut  digne  de  ses  travaux  

.      .      •       »     .      .  *•••••• 

«  Il  vint  à  Paris,  où  son  mérite  fut  bientôt  connu  ;  les 
plus  grands  hommes  désirèrent  de  le  voir;  il  assista 
plusieurs  fois  aux  assemblées  savantes  qui  se  tenoient 


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138  VARIÉTÉS. 

chez  M.  Thévenot....  Le  savant  Bossuet,  évêque  de 
Meaux,  le  connut,  et  tâcha  de  le  convertir  ù  la  Religion 
catholique;  mais  Stenon,  séduit  par  les  charmes  de 
lanatomie,  à  laquelle  il  se  livrait  tout  entier,  fut  peu 
sensible  à  l'éloquence  du  célèbre  évêque.  Cependant  ces 
conversations  jetèrent  dans  son  cœur  le  germe  d'une 
future  conversion.  Stenon  passa  de  Paris  à  Vienne, 
voyagea  quelque  temps  en  Hongrie,  alla  ensuite  en 
Italie,  fit  un  long»  séjour  à  Padoue,  et  en  parcourut  les 
autres  universités.  Ferdinand  II,  grand-duc  de  Tos- 
cane, l'appela  à  Florence,  et  le  fit  son  premier  médecin. 
Côme  III,  fils  de  Ferdinand,  qui  l'honora  de  son  estime, 
lui  confia  l'éducation  de  son  fils,  et  lui  donna  une  forte 
pension. 

«  C'est  dans  ce  temps  que  les  germes  d'orthodoxie,  que 
le  célèbre  Bossuet  avoit  jetés  dans  son  âme,  achevèrent 
de  se  développer.  Pendant  qu'il  exerçoit  l'emploi  de 
précepteur,  il  lut  attentivement  nos  livres  saints,  il  fut 
frappé  des  vérités  qu'ils  contiennent,  et  il  ne  put  fermer 
les  yeux  à  la  lumière  qui  1  eclairoit  ;  il  embrassa  la 
Religion  Catholique,  et  abjura  l'hérésie  en  1669,  à  l'âge 
d'environ  34  ans.  Gomme  cette  abjuration  étoit  le  fruit 
d'une  réflexion  solide,  Stenon  fut  de  plus  en  plus  con- 
vaincu de  la  vérité  des  dogmes  de  notre  Religion  ;  il  se 
nourrit  d'abord  des  livres  saints,  et  composa  ensuite 
plusieurs  ouvrages  concernant  la  Religion  Catholique  ; 
on  y  trouva  beaucoup  d'érudition,  avec  un  air  de  sim- 
plicité, qui  prouve  que  Stenon  exposait  les  propres  sen- 
timents de  son  cœur.  Comme  il  était  véritablement  per- 
suadé que  la  Religion  Catholique  est  la  meilleure,  il  eut 
un  zèle  infatigable  pour  en  persuader  les  autres.  Ce 
zèle  lui  donna  du  dégoût  pour  sa  patrie,  et  lui  valut 
dans  la  suite  l'épiscopat.  Frédéric  III,  roi  de  Dane- 
mark, sentit  le  bien  et  l'honneur  qu'un  tel  sujet  pouvoit 


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VARIÉTÉS.  139 

faire  à  son  royaume,  il  le  rappela  à  Copenhague.  Stenon 
demanda  de  pouvoir  y  professer  la  Religion  Catholique  ; 
mais  il  ne  reçut  point  de  réponse.  Ce  ne  fut  qu'en  1671,  que 
Christiern  V,  fils  et  successeur  de  Frédéric  III,  le  fît 
professour  d'anatomie,  avec  la  liberté  de  professer  la 
Religion  Catholique.  Stenon  se  rendit  à  Copenhague,  et 
s'y  appliqua  d'abord  à  enseigner  l'anatomie  et  la  Reli- 
gion Catholique  ;  il  y  composa  divers  ouvrages. 

«  Cependant  ses  leçons  d'anatomie  furent  beaucoup 
plus  fréquentées  que  celles  qu'il  donnait  sur  la  Religion 
Catholique,  quoiqu'il  eût  beaucoup  plus  à  cœur  de  com- 
muniquer les  fruits  de  sa  Religion  à  ses  compatriotes, 
que  de  leur  transmettre  ses  connoissances  d'anatomie  ; 
car  le  moral  le  touchoit  de  plus  près  que  le  physique. 
Stenon  voyant  que  ses  préceptes  religieux  étaient  peu 
écoutés,  désira  de  retourner  à  Florence  :  il  le  témoigna 
au  grand-duc  Côme  III,  qui  lui  continua  son  poste  de 
précepteur  de  son  fils,  jusqu'en  1677.  C'est  pour  lors 
que  Stenon  renonça  entièrement  à  l'anatomie,  pour  se 
livrer  sans  partage  et  sans  réserve  à  la  Religion  Catho- 
lique; il  embrassa  l'état  Ecclésiastique  :  le  pape  Inno- 
cent XI  le  sacra  évèque  de  Titiopolis  en  Grèce;  peu 
de  temps  après,  Jean  Frédéric,  prince  de  Brunswio, 
qui  depuis  peu  avoit  abjuré  le  luthérianisme,  l'appela  à 
sa  Cour.  Innocent  XI  y  consentit,  et  lui  donna  le  titre 
de  vicaire  apostolique  dans  tout  le  Nord.  C'est  pour  lors 
qu'on  vit  Stenon  parcourir  les  différentes  villes  de  l'Al- 
lemagne :  Munster,  le  pays  d'Hanovre  et  celui  de 
Meckelbourg,  furent  le  théâtre  de  ses  missions.  La  Re- 
ligion Catholique  avait  déjà  un  grand  nombre  de  secta- 
teurs dans  l'Eglise  d'Hanovre,  lorsque  Frédéric  mourut 
subitement.  Son  frère,  évèque  d'Osnebruck,  lui  succéda, 
et  comme  il  étoit  luthérien ,  et  très-zélé  partisan  de  sa  Reli- 
gion, il  enjoignit  à  M.  Stenon  de  sortir  de  ses  Etats.  Notre 


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140  VARIÉTÉS. 

anatomisle  se  retira  à  Munster.  L'histoire  nous  apprend 
qu'il  y  prêcha  la  Religion  Catholique  avec  la  plus  grande 
ferveur,  et  que  cet  anatomiste  eut  à  cœur  de  marcher 
sur  les  traces  de  saint  Charles.  Il  porta  le  zèle  à  un  si 
haut  point,  qu'il  improuva  hautement  la  nomination  de 
l'électeur  de  Cologne  à  l'évéché  de  Munster,  parce  qu'il 
avoit  déjà  trois  évêchés,  et  qu'il  étoit  peu  instruit  de  sa 
Religion.  Cette  conduite  lui  attira  la  disgrâce  du  nouvel 
évêque,  qui  fut  nommé  malgré  son  opposition.  M.  Ste- 
non  passa  à  Hambourg  en  qualité  de  missionnaire. 
M.  Arnaud  s'intéressa  auprès  du  prince  Ernest,  land- 
grave de  Hesse  Rhinfelds,  pour  qu'il  engageât  l'élec- 
teur de  Trêve  à  recevoir  M.  Stenon  pour  son  suflragant. 
Il  ne  réussit  pas  dans  sa  demande;  on  trouva  dans 
M.  Stenon  trop  de  rigidité,  qui  lui  attira  plusieurs  vives 
disputes  avec  les  Jésuites.  Ces  dissensions  lui  donnè- 
rent du  dégfoût  pour  Hambourg,  il  se  détermina  à 
passer  à  Meckelbourg,  où  il  fît  un  très-court  séjour.  Il 
alla  à  Swerin,  séjour  ordinaire  des  ducs  de  Meckel- 
bourg,  et  y  mena  une  vie  plus  tranquille,  mais  elle  fut 
de  courte  durée;  il  y  mourut  le  25  novembre  1686,  à 
l'âge  de  48  ans.  Ses  travaux  littéraires,  son  zèle  austère 
pour  la  Religion,  qui  le  portèrent  à  faire  plusieurs 
voyages  pénibles,  altérèrent  sa  santé.  »  Antoine  Portai, 
Histoire  de  l Anatomie  et  de  la  Chirurgie,  t.  III,  Paris,  P. 
Fr.  Didot  le  Jeune,  1770,  p.  159-62  (1). 

VII.  Rainjer  de  Graaf. 

«  Cet  anatomiste  célèbre  naquit  à  Schoonhove,  ville 

(4)  Sur  Sténon.  cf.  Leibniz,  Essai»  sur  la  bonté  de  Dieu,  la  liberté  de 
l'homme  et  l'origine  du  mal,  P.  I,  §  100.  Paris,  Charpentier,  1844,  in-18, 
p.  125.  —  Lassus,  Essai  ou  Die.  htst.  et  crit.  sur  les  dêcouv.  faites  en  anato- 
mie, p.  ÎU8-49.  —  M.-II.  de  Btainville  et  F.-L.-M.  Maupied,  Hist.  des  te 
de  l'organisation,  1845,  t.  II,  p.  237. 


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VARIÉTÉS.  141 

des  Provinces -Unies  au  comté  de  Hollande,  le  30  juil- 
let 1611  

«  La  Faculté  de  Médecine  de  Leyde  rendit  un  témoi- 
gnage si  avantageux  du  savoir  de  notre  jeune  auteur, 
qu'à  la  mort  de  François  de  Le  Boe,  arrivée  le  H  no- 
vembre 1672,  il  auroit  passé  à  la  chaire  vacante,  si  la 
religion  romaine  qu'il  avoit  professée  dès  l'enfance  et  à 
laquelle  il  resta  constamment  attaché,  n'eût  été  un  obs- 
tacle à  sa  promotion.  »  N.  F.  J.  Eloy,  dans  la  Biographie 
médicale  de  f  Encyclopédie  des  sciences  médicales.  Paris, 
1840,  t.  I,  p.  545. 

VIII.  Gautier  Harris. 

«  Harris  naquit  à  Glocester  vers  l'an  1651.  Il  fut  reçu 
bachelier  en  médecine  à  Oxford,  le  10  octobre  1670: 
mais  ayant  embrassé  la  religion  catholique  en  1673,  il 
quitta  cette  Université,  passa  à  Douai,  ensuite  à  Paris, 
et  prit  le  bonnet  de  docteur  dans  quelque  Faculté  du 
royaume  de  France.  En  1676,  il  se  rendit  à  Londres,  où 
il  se  mit  à  pratiquer  la  médecine.  Il  commençoit  à  s'y 
faire  de  la  réputation,  lorsque  Y  ordre  donné  en  MIS  aux 
catholiques  romains  de  sortir  de  cette  ville,  vint  le  troubler 
dans  les  moments  où  la  fortune  s'apprétoit  à  lui  sou- 
rire. Il  délibéra  sur  le  parti  qu'il  lui  convenoit  de 
prendre  ;  l'intérêt  le  décida  à  retourner  à  ses  anciennes 
erreurs,  et  il  professa  publiquement  la  religion  angli- 
cane. Il  fut  alors  plus  recherché  que  jamais  »  (I). 

Que  si  l'on  me  demandait  pourquoi  je  cite  ici  Gautier 
Harris  qui  est  mort  anglican,  je  répondrais  que  c'est 
pour  mettre  en  lumière  les  persécutions  auxquelles  ce 
médecin  allait  être  en  butte  comme  catholique. 

(l;  Eloy,  dans  la  Uiwj.  mW.,  t.  II,  Paris,  18il,  in-8,  p.  43-H. 


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142 


VARIÉTÉS 


IX.  Samuel  Sorbière. 

«  Samuel  de  Sorbière,  originaire  de  Saint-Ambroix, 
neveu  du  fameux  Samuel  Sorbière,'  ministre  à  Nîmes, 
qui  fit  son  éducation,  passa  en  Hollande,  se  maria,  et 
après  avoir  exercé  quelque  temps  la  médecine  à  Leyde, 
revint  en  France  et  se  fixa  à  Orange  où  il  fut  principa 
de  collège  (1650).  C'est  là  que  [Joseph-Marie  de]  Suarès 
(évêque  de  Vaison)  le  connut  (1653),  et  le  ramena  au 
sein  de  l'Eglise.  »  M.  l'abbé  Granget,  Histoire  du  diocèse 
a"  Avignon  et  des  anciens  diocèses  dont  il  est  formé.  Avignon, 
Seguin  aîné,  1862,  8,  t.  II,  p.  287. 

Ecoutons  Gui- Patin  et  voyons  comment  il  parle  de 
Sorbière  protestant,  et  de  Sorbière  catholique. 

«  Je  suis  bien  aise  que  vous  ayez  vu  M.  Sorbière  :  c'est 
un  honnête  homme.  Je  ne  doute  point  que  vous  n'ayez 
parlé  de  moi,  mais  je  l'attribue  à  votre  affection  de  tous 
deux  envers  moi.  »  Gui -Patin  à  M.  Charles  Spon,  ce 
'16  de  septembre  1650,  dans  Lettres  de  Gui-Patin;  nou- 
velle éd.  par  J.-H.  Réveillé-Parise,  t.  II,  Paris,  J.-B. 
Baillière,  1846,  8,  p.  44. 

o  Ce  propre  jour  de  Pâques  (1654),  M.  Sorbière  m'est 
venu  voir,  tandis  que  les  autres  étoient  à  Vêpres  et  au 
Sermon;  nous  nous  sommes  entretenus  tous  seuls  une 
heure  entière  ;  il  m'a  dit  que  dans  peu  de  temps  il  fera 
imprimer  son  livre  touchant  sa  conversion,  et  qu'il 
espère  quelque  chose  de  bon  du  Mazarin,  qui  lui  a  bien 
promis  et  de  bonne  grâce  ;  mais  cet  homme  promet  bien 
plus  qu'il  ne  donne.  Je  vois  bien  qu'il  n'y  a  encore  rien 
de  fait....  Je  le  trouve  fort  bon  homme,  et  m'a  toujours 
semblé  tel  ;  mais  il  me  semble  tout  poli,  un  peu  cour- 
tisan, et  fort  persuadé....  Il  espère  d'avoir  en  bref  quel- 
que bonne  abbaye  de  la  libéralité  du  Mazarin;  fiât) 
fiât.  »  Paris,  ce  10  avril  1654,  p.  128» 


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VARléîés.  U3 

«  M.  Sorbière  m'est  venu  voir....  Il  a  mauvaise  opi- 
nion deOomwell  pour  la  France,  et  que  cet  homme  est 
fort  à  craindre  pour  ses  desseins  tyranniques;  que  l'on 
ne  s'en  garde  pas  assez  ;  qu'il  voudroit  bien  avoir  avis 
de  quelque  bon  bénéfice  vacant,  bon  prieuré,  ou  de 
quelque  petite  abbaye,  tandis  que  le  Mazarin  est  en 
faveur  et  lui  en  crédit;  qu'il  a  grande  peur  qu'il  n'ar- 
rive de  changement  avant  que  d'être  rempli  ;  qu'il  a 
une  mauvaise  opinion  de  la  fortune  du  Mazarin,  et 
qu'il  ne  croit  pas  qu'elle  dure  encore  longtemps  ;  que 
sa  santé  commence  à  s'affaiblir,  et  qu'il  ne  peut  pas 
monter  à  cheval  à  toute  heure  pour  suivre  le  roi  par- 
tout, etc.  Que  les  ministres  ont  grand  tort  de  cacher  au 
peuple  la  vérité  comme  ils  font,  etc.  Qu'en  dites-vous? 
Ne  vous  semble-t-il  pas  bien  converti?  Au  moins  la  plu- 
part de  ceux  qui  se  convertissent  parlent  comme  lui, 
mais  il  y  a  une  pension  au  bout  qui  les  pousse  et  les 
anime.  » 

•       .  ..»«*.««• 
«  M.  Sorbière  est  gras  et  gros,  à  la  chasse  d'une 
abbaye,  mais  je  ne  sais  quand  elle  viendra.  »  Ce  1er  de 
mai  1654,  p.  131-132. 

«Pour  la  nouvelle  opinion  de  Pecquet  (1),  je  n'en 
fais  point  d'état  encore,  d'autant  que  je  n'en  vois  ni 
preuve  certaine,  ni  utilité  plus  grande,  ni  enseigne- 
ment, ad  bene  medendum.  Celui  qui  nous  a  inventé  le 
séné,  la  casse  et  le  sirop  de  roses  pâles  (2)  nous  a  bien 
fait  plus  de  plaisir,  et  s'il  n'a  chanté  injure  à  personne, 
comme  ceux-ci  ont  fait  à  M.  Hiolan,  et  même  à  notre 
profession,  contre  laquelle  l  epître  de  M.  Sorbière  (3)  est 

(1)  Il  s'agit  de  la  découverte  du  réservoir  du  chylé,  faite  par  Pecquet, 
découverte  contre  laquelle  Riolan  s'élevait  avec  fureur,  parce  qu'elle 
portait  le  dernier  coup  à  la  doctrine  de  Vhèmalote  par  le  foie.  »  Réveillé- 
Parise,  t.  II,  p.  153,  notel. 

(2)  Cf.  Réveillé-Parise,  Notice  sur  Gui-Patin,  t.  I,  p.  xiv-xvi. 
(S)  Cf.  Haller,  BM.anat.,  t.  I,  p.  431. 


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144  VARIÉ  1 ÉS. 

pleine  d'atroces  injures.  Mais  je  ne  m'en  étonne  point, 
puisque  je  le  vois  jouer  tant  de  personnages  qui  me  font 
connaître  le  peu  de  stabilité  qu'il  a  dans  l'esprit.  . 

«  Pour  M.  Sorbière,  je  ne  m'étonne  point  s'il  est  allé 
à  Rome.  Il  y  a  longtemps  que  je  sais  bien  S.  P.  Q.  R.  (4), 
que  feu  mon  père  m'a  expliqué  :  Stultus  populus  quœrit 
romanwn.  Il  n'y  va  point  tant  afin  d'y  voir  le  pape  nou- 
veau que  pour  tâcher  d'y  faire  ses  affaires,  et  facial 
rem,  etc.,  que  s'il  ne  trouve  pas  son  compte,  j'ai  peur 
qu'il  n'aille  à  Constantinople  et  ne  s'y  fasse  Turc,  siiucri 
spes  affulgeat  :  c'est  un  apostat  affamé  et  altéré  ;  Dieu  le 
console  !  Quand  il  sera  bien  employé  à  Home,  nous  au- 
rons cet  avantage  qu'il  n'aura  plus  le  loisir  de  chanter 
des  injures  à  M.  Hiolan  et  à  d'autres,  ni  même  à  notre 
art.  Je  tiens  cet  homme  malade  d  esprit,  et  ne  sais  s'il 
trouvera  jamais  un  assez  bon  médecin  pour  le  guérir, 
car  il  est  fort  interne,  si  ce  n'est  quelque  prise  redou- 
blée d'antimoine  qui  tient  aujourd'hui,  à  ce  que  dit 
Eusèbe  Renaudot,  heu  de  l'ellébore  noir  des  anciens. 
Si  le  pape  de  Rome  le  faisoit  chanoine,  abbé  ou  évcque, 
en  amenderoit-il?  Problcma  etto.  »  Ce  26  de  mars  1655, 
p.  160-161. 

«  La  lettre  de  M.  de  Sorbière  vient  de  Gênes,  cet 
homme  veut  voir  Rome  et  le  nouveau  pape  :  c'est  pour 
nous  montrer  qu'il  a  bien  changé  de  poil  et  qu'il  n'est 
pas  bon  huguenot  ;  aussi  n'est-il  guère  bon  romaniste, 
puisque  tout  ce  changement  ne  s'est  fait  que  pour  une 
pension,  en  attendant  quelque  petite  abbaye,  laquelle 
n'est  pas  encore  venue.  »  Ce  9  d'avril  1G55,  p.  165. 

«  M.  Sorbière  est  à  Gènes,  d'où  il  doit  se  rendre  ici 
au  commencement  de  l'hiver  prochain,  pour  l'assem- 
blée du  clergé,  et  c'est  aussi  de  là  que  M.  Soi  bière  pré- 
tend obtenir  une  pension  forte  du  clergé,  par  la  recom- 

(4)  Senalus  populuaque  Romanus,  le  Sénat  et  le  peuple  romain. 


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VARIÉTÉS.  145 

mandation  du  cardinal  Mazarin  et  de  son  patron, 
l'évêque  d'Agde,  qui  est  frère  du  surintendant  M.  Fou- 
quet,  procureur  général  au  Parlement  :  Ainsi  M.  Sor- 
bière  sera  récompensé  de  son  apostasie  aux  dépens  du 
purgatoire.  Il  a  parlé  fort  indignement  contre  l'honneur 
de  notre  profession,  cujus  dùjnitatem  numquam  intel- 
lexit  ;  c'est  pourquoi  je  ne  m'étonne  pas  s'il  s'est  fait 
prestolin  de  c/ergerîe,  afin  d'attraper  pensions  de  béné- 
fices, et  pour  vivre  à  l'ombre  d'un  crucifix  sans  rien 
faire,  en  faisant  l'esprit  fort,  étant  bien  profondément 
enrôlé  dans  le  régiment  de  ceux  qui  profitent  ur  se  nihil 
eredere,  s'ils  ne  sont  bien  payés  pour  cela.  C'estainsi  que 
lesTurs  croient  en  Dieu,  et  la  plupart  des  moines  d'au- 
jourd'hui, et  quantité  d'autres,  quibus  utilitas  facit  esse 
deos,  mercede cahutes  non  pietate  Deum.  0  pudor  !  6  mores  ! 
6  temporal  »  De  Paris,  ce  lundi  26  de  juillet  1655, 
p.  193-194. 

u  M.  Henry  [de  LyonJ  m'a  fuit  voir  en  hâte  la  préface 
qui  touche  la  vie  de  feu  M.  Gassendi.  Sorbière  n'est 
qu'un  sot  et  un  veau  avec  tout  son  fatras  de  lalin  ;  il 
parle  de  la  saignée  sans  savoir  ce  qu'il  dit,  comme  un 
aveugle  des  couleurs  ;  il  est  fat  et  ignorant,  et  s'il  en 
valoit  la  peine  je  l'étrillerois  bien  ;  tout  son  latin  n'est 
qu'un  malheureux  panégyrique  de  quelques  siens  amis, 
qu'il  a  prétendu  louer  sous  ombre  de  parler  de  feu 
M.  Gassendi.  Mais  il  y  a  bien  des  faussetés  dont  je  le 
pourrais  convaincre,  si  bien  qu'il  n'est  qu'un  llatteur 
et  un  menteur,  un  impertinent  avorton,  avec  sa  pré- 
tendue bonne  mine.  Je  lui  pardonne  tout  ce  qu'il  a  dit, 
il  s'est  pareillement  fort  trompé  en  la  déduction  du 
fait.  »  Ce  18  juin  1658,  p.  400. 

«  Pour  la  préface  du  sieur  Sorbière,  qu'il  a  mise  au 
devant  des  œuvres  de  feu  M.  Gassendi,  je  n'ai  garde  de 
m'en  plaindre,  elle  n'en  vaut  pas  la  peine.  Elle  me  fuit 

TOME  XXXII.  — AOUT  1870.  il) 


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146  VARIÉTÉS. 

pitié  ;  personne  ne  la  lira  jamais  d'un  œil  équitable, 
qui  n'en  reconnaisse  plusieurs  abus,  et  diverses  fautes 
d'esprit,  de  jugement  et  de  volonté.  S'il  y  a  quelque 
chose  qui  me  regarde,  je  lui  pardonne,  et  ne  veux  point 
m'en  donner  aucune  peine  :  ma  conscience  me  vaut 
mille  témoins.  J'ai  fait  ce  que  j'ai  pu  et  ce  que  j'ai  dû  à 
M.  Gassendi  :  le  sieur  Sorbière  et  tels  gens  que  lui  s'en 
contenteront  s'ils  veulent.  Je  ne  tiens  pas  cet  apostat 
digne  de  ma  colère.  S'il  en  valoit  la  peine,  je  lui  mon- 
trerois  que  sa  préface  est  un  misérable  écrit,  plein  de 
fautes  en  bien  des  façons.  Sed  sinamus  istum  nebulonem, 
il  y  a  bien  encore  à  dire  plus  sur  lui  que  sur  sa  préface, 
toute  mal  faite  et  misérable  qu'elle  est,  et  il  n'est  pas 
capable  de  faire  rien  de  mieux.  Je  serai  assez  vengé  de 
son  impertinence,  quand  les  honnêtes  gens  verront  tant 
de  fautes  qu'il  y  a  faites,  pour  lesquelles  il  ne  passera 
jamais  que  pour  un  veau  tel  qu'il  est  »  (1).  Ce  6  juil- 
let i658,  p.  405. 

«  Pour  M.  de  Sorbière,  on  dit  que  les  pensions  seront 
continuées  ;  mais  que  sait-on  combien  durera  cela  ?  » 
Le  5  d'avril  1661,  p.  463. 

h  J'ai  reçu  nouvelles  que  notre  ancien  ami,  M.  Sor- 
bière, directeur  du  collège  d'Orange  ,  a  tourné  sa 
jaquette  en  se  faisant  catholique  romain  à  la  sollicitation 
de  1  evêque  de  Vaison  [J.  M.  de  Suarès],  des  cardinaux 
de  Bichi  [évêque  de  Garpentras],  et  Barberin,  qui  lui  en 
a  lui-même  écrit  de  Rome.  C'est  lui-même  qui  me  l'a 
mandé,  et  qu'il  s'en  alloit  à  Rome  tout  exprès,  d'où  il 
m'écrirait.  Voilà  des  miracles  de  nos  jours,  mais  qui 

(1)  o  Quand  Gassendi  mourut,  les  ennemis  de  Gui  Patin  ne  manquè- 
rent pas  de  dire  qu'il  l'avait  mal  traité  pendant  sa  maladie;  que  les  sai- 
gnées avaient  été  faites  sans  prudence,  sans  ménagements,  ce  philo- 
sophe étant  d'ailleurs  âgé,  d  une  constitution  faible  et  délicate.  De  là  les 
attaques  de  Sorbière  et  la  virulente  colère  de  notre  auteur.  »  Réveillé - 
Parise,  t.  II,  p.  40.H,  note  1.  Cf.  Th.  Barlholîn,  Ep.,  1. 1,  p.  G19. 


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VARIÉTÉS.  147 

sont  plutôt  politiques  et  économiques  que  métaphy- 
siques. Il  est  veuf  et  bien  adroit  ;  mais,  tout  fin  qu'il  est, 
je  ne  sais  si,  avec  sa  nouvelle  chemise,  il  pourra  réussir 
à  faire  fortune  à  Rome,  qui  est  un  lieu  plein  d'altérés 
et  d'affamés  :  au  moins  suis-je  bien  assuré  qu'il  n'y 
deviendra  jamais  pape.  »  De  Paris,  le  25  novembre  1653, 
Gui  Patin  à  André  Falconet,  t.  III,  p.  19. 

a  Vous  saurez  que  le  23  du  mois  passé,  comme  j'étois 
dans  mon  étude,  je  vis  entrer  un  gros  homme  tout 
réformé,  qui  me  salua  de  très-grande  affection.  J'eus 
d'abord  de  la  peine  à  le  connoître,  mais  je  lui  dis  après  : 
Monsieur,  riê/es-vous  pas  monsieur  de  Sor bière  ?  et  c'était 
lui-même.  Aussitôt  il  me  fit  un  nouveau  compliment 
tout  plein  de  charité,  de  foi,  et  d'espérance  chrétienne. 
Il  me  dit  qu'il  s'étoit  fait  catholique;  qu'il  avoit  des  let- 
tres du  cardinal  Barberin,  lesquelles  il  me  vouloit  mon- 
trer; qu'il  avoit  pensé  aller  à  Rome,  mais  qu'une 
affaire  l  avoit  amené  à  Paris  ;  qu'il  y  venoit  chercher  de 
l'emploi;  qu'il  y  étoit  assuré  d'une  pension  de  la  libé- 
ralité de  messieurs  du  clergé;  qu'il  eût  bien  voulu 
avoir  quelque  emploi  à  la  Cour  pour  obtenir  quelque 
bénéfice.  Enfin,  après  plusieurs  discours,  étant  pressé 
de  sortir,  nous  nous  séparâmes.  Je  vois  bien  qu'il  y  a 
du  chang-ement  à  son  affaire,  mais  néanmoins  je  doute 
s'il  a  bien  fondé  sa  cuisine;  car,  quoique  le  feu  du  pur- 
gatoire soit  bien  chaud  et  bien  grand,  tout  saint  et  sacré 
qu'il  est,  néanmoins  tous  ceux  qui  s'y  chauffent  n'en 
mang-ent  pas  les  chapons.  Quinze  jours  après  je  le  ren- 
contrai par  la  ville,  gros  et  gras,  avec  un  petit  collet.  Il 
me  dit  qu'il  avoit  eu  le  bonheur  de  saluer  Son  Eminence, 
qui  lui  avoit  promis  un  bénéfice,  et  en  attendant  qu'il 
s'étoit  obligé  à  une  pension  de  cent  écus  de  rente.  Je  lui 
dis  que  c'étoit  bien  peu.  Il  me  répliqua  qu'il  avoit  d'une 
autre  part  400  livres  de  messieurs  du  clergé,  laquelle 


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U8  VARIÉTÉS. 

somme  il  espéroit  de  faire  augmenter  Tannée  prochaine; 
que  ces  messieurs  feront  leur  grande  assemblée ,  en 
attendant  quelque  bon  et  gras  morceau  qui  puisse  sortir 
de  la  marmite  du  purgatoire. 

«  Il  y  a  environ  quinze  ans  qu'un  de  nos  médecins, 
nommé  L.  Renouard  (1),  se  fit  prêtre  el  quitta  la  méde- 
cine, pensant  attraper  un  bon  bénéfice  qui  ne  lui  vint 
pas.  Sur  ce  changement  inopiné,  je  fis  les  vers  sui- 
vants : 

Languenlcs  anim.p,  quas  purgatorius  ignis 
Excoquit,  alque  suo  carcere  Icntus  habct, 
Volpis  tam  caulcD  tristem  riilete  figuram. 
MissiOcus  nunc  est,  qui  meilicasler  erat. 

«Le  mot  de  Vu/pis  est  une  allusion  à  son  nom  deRe- 
nouard,  qui  approche  fort  de  Renard,  »  De  Paris,  ce  20 
mars  1854,  t.  III,  p.  24-25. 

«  Riolanus  noster  vidit  et  valet  :  ecce  ad  Te  mitto  per 
«  D.  Garmer,  Doctorem  Med.Hamburgensem  ejus  librum 
«  quem  novissimè  scripsit  adversus  Pecquetum  et  duos 
«  Pecquetianos  Doctorcs  Paris  ,  Mentellum  et  Mcrsen- 
«  nwn  :  neg*lectis  atque  spretis,  totconvitiis  et  conlume- 
«  liosis  verbis,  a  quodam  desertore,  qui  se  Aletophilum 
«  nuncupavit,  insolenter  et  temere  pronunciatis,  Is  est 
«Samuel  Sorberium  (2),  olim  Calvinista,  tum  Medicus, 
«postea  Gymnasiarcha,  tandem  Eleemosynarius  Epis- 
«  copi  Agathensis.  Parisiis,  12  sept.1655.  »ThomœBartho- 
lino  GuidoPalinus.  Dans  Th.  Bartholini  Epistol.  Medi- 
cin.  a  Doctis  vel  a  Doclor  script.  Cent.  IL,  epist.  67,  t.  I, 
Hafniœ,  1663,  p.  618. 

Si  je  me  suis  permis  de  reproduire  les  paroles  impies  que 

(1)  Cf.  H.-T.  Baron,  Qucrst.  med.  thron.  séria  altéra.  Paris,  1732,  in-4, 
p.  28,  et  Compendiaria  med.  Paris,  notit.,  p.  14.  —  Haller,  BiU.  med.pr., 
t.  II.  p.  393,  67o\  596,  640. 

(2)  Sur  S.  Sorbièrc,  cf.  Manget,  Moreri,  Haller  (Meth.st.  med.  Bibl.  an., 
BiU.  med.  pr.),  Portai,  G.  Malthiae  (Coropuf.,  904,  §  1129;,  L.  flanin, 
Barjavel,  Dict.,  t.  II,  p.  421. 


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VARIÉ1ÉS.  149 

Gui  Patin  a  proférées  nà  et  là  contre  la  Papauté  et  contre 
l'Eglise,  c'est  pour  mettre  en  relief  l'injustice  et  la  haine 
de  ce  docteur  contre  les  médecins  qui  abjurèrent  le  pro- 
estantisme  et  embrassèrent  la  Religion  Catholique.  Le 
lecteur  l'a  vu  à  propos  de  Samuel  Sorbière,  il  le  verrait 
également  par  ce  qui  a  trait  à  Lazare  Meyssonier  et  au 
Dr  Elie  Beda  des  Fougerais. 

Charles  Ravel. 
LE  MONDE  HOMOEOPATHIQUE. 

SOUSCRIPTIONS  POUR  LA  FONDATION  D'HÔPITAUX  HOMŒOPATHIQLES 

A  Londres,  Parts  Bruxelles,  Leipzig,  Berlin,  Munich,  Clev.^land, 
Philadelphie,  Boston  et  New-York. 

Ce  titre  seul  met  bien  en  relief  l'idée  féconde  qui  agite 
en  ce  moment  le  Monde  Homœopathique.  Je  n'en  ai  pas 
parlé  depuis  le  mois  de  novembre  1869  (1);  mais  je  puis 
en  donner  aujourd'hui  d'intéressantes  nouvelles,  concer- 
nant toutes  les  villes  précitées,  hormis  Berlin  et  Munich, 
où  les  souscriptions  paraissent  stationnaires. 

Je  rappellerai  seulement  que  Munich  a  deux  hôpitaux 
homœopathiques  :  l'un  déjà  en  exercice  et  dépensant 
annuellement  5,000  francs,  et  l'autre  encore  en  expec- 
tative, car  la  souscription  pour  son  érection  n'atteint 
que  17,354  francs.  Quant  à  l'hôpital  homœopathique  de 
Berlin,  il  ne  sera  fondé,  je  le  répète,  qu'à  la  mort  du  gé- 
néreux donateur  qui  lui  a  assuré  un  legs  de  100,000  tha- 
lers  (375,000  francs). 

I. 

Il  circule,  dans  notre  littérature,  des  renseignements 
quelque  peu  légendaires  sur  l'hôpital  homœopathique 
de  Londres,  lequel,  dit-on  contiendrait  aujourd'hui 
200  lits.  Cela  n'est  pas  malheureusement,  si  j'en  crois 

(!)  Voy.  Art  médical,  XXX,  315  et  397. 


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150  VARIÉTÉS. 

un  de  nos  confrères  anglais,  qui  m'a  rendu  visite  récem- 
ment. II  y  a  quinze  à  vingt  ans,  m'a-t-il  dit,  les  parti- 
sans de  l'homœopathie  ont  acheté  à  Londres,  au  prix  de 
150,000  francs,  deux  ou  trois  maisons  contiguës.  Ils  y 
ont  ensuite  dépensé  50,000  francs  pour  approprier  ces 
bâtiments  à  leur  nouvelle  destination.  Cet  hôpital,  qui 
pourrraitcontenirl001its,n'en  renferme  aujourd'hui  que 
40  seulement,  car  les  souscriptions  (annuelles,  suivant 
la  coutume  anglaise;  ne  peuvent  en  entretenir  davantage. 

C'est  déjà  un  très-beau  résultat  de  voir  les  partisans 
de  notre  thérapeutique  constituer  ainsi  une  rente  an- 
nuelle de  40  à  50,000  francs  pour  l'entretien  d'un  hôpital 
homœopathique  à  Londres.  Il  est  donc  inutile  d'embellir 
la  vérité,  il  suffît  de  l'exposer  tout  simplement. 

II. 

Depuis  1867,  Paris  a  vu  inaugurer  trois  souscriptions 
pour  la  fondation  de  trois  hôpitaux  homœopathiques. 
Deux  de  ces  souscriptions  sont  dirigées  par  les  homœo- 
pathes  hahnemannienS)  et  la  troisième  par  les  homœo- 
pathes  éclectiques.  Je  commencerai  à  parler  de  celle-ci, 
qui  est  la  première  en  date. 

I.  —  Au  Congrès  homœopathique  international ,  tenu  à 
Paris  en  1867,  séance  du  10  août,  M.  le  Secrétaire  gé- 
néral lit  deux  lettres  adressées,  l'une  par  le  Dr  J.  de 
Hysern,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Madrid, 
l'autre  par  M.  Martins  Somolinos,  pharmacien  à  Madrid. 

Le  Dr  J.  de  Hysern  écrit  qu'il  envoie  500  francs 
destinés  soit  à  couvrir  les  frais  du  Congrès,  soit  à  telle 
fin  que  cette  assemblée  décidera. 

M.  Somolinos  envoie  80  francs  dont  le  Congrès  fera 
l'usage  le  plus  convenable  pour  le  progrès  de  rhomœo- 
pathie. 

Dans  la  séance  du  23  août  1867,  le  président,  M.  Im- 


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VARIÉTÉS.  151 

bert-Gourbeyre,  consulte  l'assemblé  sur  la  destination  des 
580  francs  offerts  au  Congrès. 

Le  Dr  Ozanam  propose  de  faire  servir  ces  fonds  à 
l'impression  des  mémoires  envoyés  au  Congrès. 

Le  Dr  de  Mauvergnier  conseille  d'en  constituer  un 
commencement  de  fonds  destiné  à  faire  un  noyau  de 
souscription  pour  la  fondation  d'un  hôpital  homœopa- 
thique. 

Le  Dr  Imbert-Goubeyre  propose,  sans  rien  spécifier, 
de  commencer  un  Fonds  hnhnemannien,  qui  pourra  ser- 
vir plus  tard,  soit  à  l'érection  d'un  hôpital,  soit  à  toute 
autre  institution  qui,  à  un  moment  donné,  pourra  pa- 
raître utile  à  l'homœopathie. 
Cette  proposition  est  adoptée  par  l'assemblée. 
Le  Dr  Crétin  conseille  d'augmenter  ce  fonds  par  des 
souscriptions  volontaires.  Il  s'engage  à  verser  à  ce 
fonds  une  rente  annelle  de  50  fr.  en  son  nom,  et  pa- 
reille rente  de  50  fr.  au  nom  de  son  ami  le  Dr  Love. 

A  la  suite,  s'inscrivirent  le  Dr  Jousset  pour  30  fr.,  et 
le  D'  Ozanam  pour  55  fr. 

Le  congrès  homœopathique  de  1867  charge  une  com- 
mission de  provoquer  et  de  réunir  des  souscriptions 
dans  le  but  de  constituer  un  Fonds  hahnemannien,  des- 
tiné à  la  fondation  et  à  l'entretien  d'une  clinique  ho- 
mœopathique. 
Cette  commission  décide  : 

Que  la  souscription  sera  ouverte  en  permanence  chez 
tous  les  médecins  homœopathes  en  France  et  à  l'é- 
tranger. 

Que,  le  Bulletin  de  la  Société  médicale  homœopathique 
publiera  les  listes  de  souscriptions  et  les  communique- 
rait aux  journaux,  rArt  médical,  f  Hahnemannisme  et  la 
Bibliothèque  homœopathique. 

Dans  sa  première  liste  de  souscription,  close  le  15  avril 


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1"j2  VARIÉTÉS. 

1808,  on  comptait  seulement  vingt-quatre  souscrip- 
teurs qui,  les  uns  versaient  une  somme  de  940  fr.,  les 
autres  s'e  a  gageaient  pour  une  rente  annuelle  de  590  Fr. 
(voy.  fArt  médical,  XXVII,  319). 

La  commission  nommée  par  le  congrès  confie  l'inia- 
tive  et  l'emploi  de  la  souscription  à  la  Société  médicale 
hnmœopathigue  de  France  qui,  dans  sa  séance  du  19  avril 
1868 ,  accepte  cette  double  mission  et  destine  le  Fonds 
hahnemannien  à  la  création  d'un  hôpital  et  d'une  clini- 
que homœopathiques. 

La  seconde  liste  de  souscription,  réunie  à  la  première, 
contenait  les  noms  des  quarante  souscripteurs,  parmi 
lesquels  dix  versaient  la  somme  totale  de  1.540  fr.,  et 
trente  s'engageaient  ensemble  pour  une  rente  annuelle 
de  1,070  fr.  Le  1er  mai  1869,  l'actif  du  Fonds  hahne- 
mannien se  montait  à  4,001  fr.  (voir  fArt  médical, 
XXX,  77). 

Dans  leurs  réunions  du  3,  du  19  février,  et  du  3  mars 
1870,  le  Dr  Léon  Simon  et  les  autres  rédacteurs  de 
ï Hahnemannisme  décident  la  fondation  et  l'ouverture  im- 
médiate de  l'hôpital  Hahnemann  aux  Ternes-Paris,  26, 
rue  Laugier,  et  l'organisation  d'une  liste  de  souscrip- 
tion renfermant  les  noms  des  membres  laïques  d'un  co- 
mité protecteur,  des  dames  patronnesseset  des  membres 
d'un  comité  médical.  Cette  initiative,  habile  et  hardie, 
décide  la  Société  homœopathique  de  France,  sur  la  propo- 
sition du  Df  Jousset,  à  rédiger  une  semblable  liste  de 
souscription  (séance  du  21  mars  1870).  Onze  membres 
présents  souscrivent  aussitôt  pour  une  somme  annuelle 
de  8,850  fr.  pendant  trois  ans  {voy.  Bulletin  hom.,  XII, 
533).  On  nomma  une  commission,  d'abord  de  trois, 
puisdesept  membres,  pour  organiser  le  plus  tôt  possible 
un  hôpital  homœopathique.  Dans  la  séance  du  28  mars 
suivant,  quinze  autres  membres  souscrivent  pour  une 


VARIÉTÉS.  153 

rente  triennale  de  3,975  fi\,  et  un  généreux  donateur 
anonyme  versa  la  somme  de  5,000  fi*. 

La  Société  homœopathiqitc  adresse  une  première  circu- 
laire aux  médecins,  plus  tard  une  seconde  aux  méde- 
cins et  aux  laïques  partisans  de  l'homceopathie.  Cette  der- 
nière, faite  sur  le  modèle  de  celle  des  rédacteurs  du 
journal/' Hahnemannisme,  était  beaucoup  plus  importante 
sous  tous  les  rapports.  En  effet,  elle  contenait  la  liste 
de  76  médecins  ou  pharmaciens  homœopathes. 

Capital.    Rente  annuelle.    Annuité  triennale. 


et  de  54  laïques, 

1,370 
290 

15,000 
700 

1,000 

i\700 

Soit  pour  trois  ans   52,100 

El  avec  le  capital  de   21,440 

(Voy  l'Art  mèd.,  XXXI,  394.)  Total. . .       73,00u  fr. 

(Cette  souscription  a  atteint  aujourd'hui  le  chiffre  do  90,000  fr.) 

Dans  la  séance  du  4  avril  1870  de  la  Société  homœo- 
pathique,  le  Dr  Frédault,  au  nom  de  la  nouvelle  commis- 
sion hospitalière,  lit  un  rapport  apprenant  : 

Que,  dans  le  quartier  latin,  près  du  Val-de-Grâce  et 
du  Luxembourg*,  rue  Saint-Jacques,  n°  282,  on  avait 
trouvé  un  terrain  de  2,500  mètres  avec  maison  bâtie  et 
pouvant,  après  des  restaurations  et  constructions  ulté- 
rieures, contenir  un  hôpital  de  150  à  200  lits; 

Que  le  prix  de  location  annuelle  de  cet  immeuble  était 
de  10,000  francs,  avec  possibilité  d'acquérir,  pendant 
la  durée  du  bail,  le  susdit  terrain  pour  200,000  francs; 

Que  Ton  avait  à  peu  près  les  fonds  nécessaires  pour 
installer  et  entretenir  douze  lits  dans  cet  immeuble  pen- 
dant trois  ans.  (Pour  les  détails,  voy.  Bulletin  hom., 
XIII,  11.) 

Le  30  mai  1870,  sur  93  souscripteurs,  médecins  ou 
pharmaciens,  67  ont  pris  part  au  vote  et  nommé,  au 


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154  VARIÉTÉS. 

scrutin  secret,  six  chefs  de  service  de  l'hôpital  Saint-Jac- 
ques :  le  Dr  Jousset,  le  D'  Frédault,  le  Dr  Milcent,  le 
Dr  Gonnard,  le  Dr  Molin  et  le  Dr  Crétin. 

Le  20  juin,  ont  été  nommés  de  la  même  manière 
quatre  médecins  consultants: 

MM.  Ozanam,  Perry,  Love,  Ghanet. 

II.  —  Dans  le  n°  du  1er  janvier  1869,  de  son  journal, 
la  Bibliothèque  homœopathique  (t.  II,  p.  4),  le  D'  Chargé 
inaugure  une  souscription  pour  la  fondation  à  Paris 
d'un  petit  hôpital  homœopathique hahnemannien.  Le  15  mai 
1870,  cette  souscription  avait  atteint  le  chiffre  de  16,625 
francs  70  cent. 

Parmi  les  203  souscripteurs,  on  compte  23  médecins 
et  3  pharmaciens  qui  ont  souscrit  pour  la  somme  totale 
de  2,845  francs,  et  177  laïques  qui  ont  donné  entre  eux 
13,780  fr.  70. 

III.  — Comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  dans  leurs  réu- 
nions du  3,  du  19  février,  et  du  12  mars  1870,  le  Dr  Léon 
Simon  et  les  autres  rédacteurs  de  l Hahnemannisme  (III, 
97),  décident  l'organisation  d'une  souscription  pour  la 
fondation  de  l'hôpital  Hahnemann. 

Parmi  les  148  souscripteurs,  140  laïques  donnent  en- 
semble 12,448  fr.  75  c;  et  4  médecins,  2  étudiants  et 
2  pharmaciens,  la  somme  totale  de  3,442  francs;  ce  qui, 
au  mois  de  mars,  constituait  une  somme  totale  de  15,890 
fr.  75  c. 

L'hôpital  Hahnemann,  ouvert  le  10  avril  1870,  con- 
tient, m'a-t-on  dit,  douze  lits  placés  dans  l'un  des  deux 
pavillons  d'une  maison,  qui  est  provisoirement  louée  et 
que  l'on  pourra  acheter  pendant  la  durée  du  bail. 

Quatre  médecins,  le  Dr  Léon  Simon,  le  I)r  Boyer,  le 
Dr  Chancerel  fils  et  le  Dr  Desterne,  ont  chacun  trois  lits 
dans  leur  service  respectif. 


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VARIÉTÉS.  155 

L'hôpital  Hahnemann,  situé  à  Paris,  rue  Laurier,  26, 
dans  le  quartier  des  Ternes  et  par  conséquent  à  6  ou  7 
kilomètres  de  la  Faculté  de  médecine,  ne  pourra  guère 
être  fréquenté  par  les  étudiants  et  les  jeunes  médecins 
qui  suivent  les  cours  de  la  Faculté.  La  position  topogra- 
phique  de  cet  hôpital  et  la  pathologie  hahnemannienne 
de  ses  médecins  empêcheront  sans  doute,  l'un  et  les  au- 
tres, de  contribuer  à  la  propagande  de  la  thérapeutique 
homœopathique,parmi  les  membres  du  corps  médical.  Et 
ainsi,  grâce  à  la  distance  topographique  de  l'un  et  à  la 
distance  doctrinale  des  autres,  les  médecins  allopathes 
considéreront  cet  hôpital  comme  une  œuvre  de  charité  et 
non  comme  un  établissement  scientifique. 

Précisément  pour  les  deux  motifs  contraires,  l'hôpital 
homœopathique  de  la  rue  Saint-Jacques  pourra  bien 
mieux  vulgariser  notre  méthode  de  traitement  et  cela 
d'autant  plus  facilement  que  ses  médecins  ont  maints 
rapports  de  voisinage  avec  leurs  confrères  allopathes, 
aux  points  de  vue  thérapeutique  et  surtout  nosologique. 
D'ailleurs,  aux  yeux  du  corps  médical,  ce  sera  l'hôpital 
Saint-Jacques  qui  représentera  le  mieux  la  thérapeutique 
homœopathique,  parce  qu'il  est  soutenu  par  la  majorité 
des  médecins  homœopathes  souscripteurs.  Quand  l'en- 
seignement clinique  aura  produit  dans  cet  hôpital  le3 
résultats  que  nous  en  espérons,  rappelons-nous  que  la 
première  cause  occasionnelle  de  sa  fondation  a  été  la 
générosité  de  deux  Espagnols,  le  professeur  J.  de  Hysern 
et  M.  Martino  Somolinos.  En  attendant,  qu'ils  acceptent 
ici  nos  remercîments  pour  leur  féconde  initiative. 

III. 

La  Belgique  a  trop  de  rapports  avec  la  France  pour 
ne  pas  suivre  son  exemple  en  bien  des  circonstances  ; 
c'est  ce  qu'elle  vient  de  faire  en  organisant  une  sous- 


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156 


VARIÉTÉS. 


cription  pour  l'érection  d'un  hôpital  homœopathique  à 
Bruxelles.  Le  vétéran  des  médecins  homœopatlies  de 
cette  ville,  le  Dr  Variez,  a  déjà  souscrit  pour  5,000  francs; 
c'est  un  beau  début. 

IV 

En  même  temps  que  celles  de  Paris  et  de  Bruxelles, 
la  souscription  pour  la  fondation  d'un  hôpital  homœopa- 
thique à  Leipzig*  poursuit  son  cours. 

Un  quarante  troisième  et  un  quarante-quatrième  mé- 
decin se  sont  engages  à  verser  annuellement  pendant 
cinq  ans  : 

Le  Dr  Zwingenberg-,  du  Brandebourg".  10  thalers. 

Le  Dr  J.  Hirsch,  de  Pragues  10 

Du  25  octobre  1869  au  13  juin  1870,  on  a  reçu  308  tha- 
lers 19  g-roschen  (1,156  fr.  35  c),  comme  le  démontrent 
les  souscriptions  suivantes  recueillies  dans  cet  intervalle  : 

Thalers.     Groschen.      Fr.  c. 

Report  (Voy.  VArt  mèd.,  XXX,  398)  dos 
sommes  versées  antérieurement.  .  . 
M.  le  H'  Weihe  jeune,  d'Hcrford,  contri- 
bution de  la  première  année  .  . 
M.  le  D'  May,deGrossroehrsdorf.  . 
M.  le  Dr  Sorge,  de  Berlin  .... 
M.  le  D*  Landesen,  de  Pernau.  .  . 
M.  le  Dr  Hirsch,  de  Pragues,  contribu- 
tion de  la  première  année  .... 
Ce  même  médecin  a  envoyé  27  thaï. 
(50  fl.)  provenant  des  7  so'uscr.  suiv. 
Joseph  Pollak  i0  fl.  \ 


2,407       9  1/î      9,0*7  40 


r> 
i 

4 
10 


V 

0 


» 

II 
» 


M 

M.  S.  Ellboyen  10 

M.  S.  Raudnitz  5 

M.  Jos.  Hajek  5     \  .  . 

M««  la  comtesse  Koilonitz. .  5 
M1»*  Naemi  Holzner  ....  3 

Mm*Klindert  1  ) 

M.  le  Dr  Heinigke,  de  Glaurhau,  contri- 
bution de  la  première  année  ...  S 
M.  le  Dr  O.  Groos.  de  Muelhausen,  con- 
tribution de  la  deuxième  année.  .  .  10 
M.  Marggraf,  pharmacien  à  Leipzig.  •  5 
Intérêts  des  «ommes  versées  .  .  .  .  117 
Gains  provenant  d'actions  des  chemins 

de  fer  de  la  Thuringe  •         '  \ 

Excédant.   14 

H.  le  Dr  Rath,  de  Stralsund  ....  1 
M.  le  D»  Wagner,  de  Fuenfkirchen,  mé- 
decin militaire   5 


8  ili 


2 

22  Iti 
» 


» 


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TARIËTK3.  157 

Tbalers.    Groschen.      Fr.  c. 

M.  lo  Dr  Und,  de  Dresde   2  »  » 

Un  anonyme   1  »  » 

M.  le  Dr  G.  Georges,  de  Vienne  .    .    «         10  »  » 

AI.  le  Dr  l'ieiitx.  de  Urunsvvick,  médecin 

do  la  Cour,  conseiller  sanitaire.    .    .         20  »  » 

Envoyé  par  M.  le  D»  Simrock,  «le  Franc- 

fort-sur-le-.Moin,   que  lui  a  remis 

M.  Illich,  de  la  môme  ville.    ...  5       21  » 

M.  le  Dr  Faulvvusser,  de  Bernbourg,  con- 
tribution de  la  première  année.    .    .  !»  »  » 

M.  le  Dr  Hammorschmiilt,  d'Elberfrld.  .  13  »  o 

Envoyé  par  ce  médecin,  que  lui  a  remis 
M  T.-W.  Neviandt,  de  nlctlmann  .    .  12  »  » 

M.  le  Dr  Clolairo  Mucllor,  do  ^eipzig, 
troisième  contribution   2!»  »  » 

Env.  par  M.  loDr  Lorbacher,  deLeipzig.  2  »  » 

Env.  par  le  même,  une  somme  donnée. 

par  M.  T.-K.  Unger,  d'Eibenstork.  2  »  » 

Total  2,716       3  1/2  =  10,185  45 


Les  États-Unis,  toujours  fidèles  à  leur  devise  Go  head, 
ne  pouvaient  par  rester  eu  arrière  quand  il  s'agit  de 
fonder  des  hôpitaux  honiŒopalhiques  :  ils  l'ont  bien 
prouvé  comme  vont  nous  le  démontrer  les  résultats  sui- 
vants : 

I.  A  Cleveland,  dans  l'Ohio,  il  existe  déjà  un  hôpital 
homœopathique  de  58  lits.  Pour  leur  entretien,  il  a  été 
fait,  l'an  passé,  une  vente  de  charité,  qui  a  produit  net 
plus  de  2,000  dollars  (10,230  fr.).  {The  New-Englund 
medic.  Gazet.,  janv.  1869.) 

II.  Tendant  l'automne  de  1869  a  eu  lieu  à  Philadel- 
phie une  vente  de  charité  dirigée  par  les  femmes  des 
médecins  homœopathes.  Elle  a  produit  net  16,000  dol- 
lars (84,000  fr.),  qui  seront  consacrés  à  la  fondation  d'un 
hôpital  homœopathique  dans  cette  ville.  (  Allg.  hom. 
Zeitung,  4  avril  1870.) 

III.  Les  57  médecins  homœopathes  de  Boston,  l'Athè- 
nes des  États-Unis,  forment  deux  sociétés  médicales 


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158  VARIÉTÉS. 

ayant  des  réunions  bimensuelles.  Ils  ont  déjà  recueilli, 
dans  une  première  souscription,  20,000  dollars  (105,000 
francs)  pour  la  fondation  d'un  hôpital  homœopathique 
dans  leur  ville.  [Ally.  hom.  Zeitung,  23  mai  1870.) 

IV.  Grâce  à  son  importance  commerciale  et  à  sa  popu- 
lation toujours  croissante  (1  million  d'habitants  en 
1870),  New -York  est  considérée,  sinon  en  titre,  du 
moins  en  fait ,  comme  la  capitale  des  États-Unis.  Elle 
vient  de  prendre  une  initiative,  qui  sera  suivie,  espé- 
rons-le, par  les  autres  États,  aussi  bien  en  Europe  qu'en 
Amérique. 

On  raconte  qu'aux  Etats-Unis,  on  a  un  certain  res- 
pect pour  les  enfants,  parce  qu'on  se  dit  :  ce  petit  gar- 
çon sera  peut-être  un  jour  Président  de  la  République. 

C'est  probablement  en  raisonnant  d'une  façon  ana- 
logue, que  les  citoyens  de  New- York  paraissent  présu- 
mer que,  si  le  présent  appartient  aux  majorités,  l'avenir 
appartiendra  aux  minorités.  Dans  ce  pays,  l'Etat  et  la 
ville  ont  du  moins  agi  comme  s'ils  avaient  cette  présomp- 
tion au  sujet  des  médecins  allopathes  et  homœopathes.  En 
effet ,  quoique  les  premiers  soient  évidemment  en  ma- 
jorité, ils  ont  accordé  cependant  aux  derniers  une  renie 
annuelle  beaucoup  plus  considérable  pour  leurs  établis- 
sements de  charité  respectifs.  C'est  ce  que  va  démon- 
trer le  tableau  suivant  : 

SOMMES  ACCORDÉES  POUR  LES  ÉTABLISSEMENTS  ALLOPATH IQUES 

DE  NEW-YORK  : 

Par  la  ville.  Par  l'État. 
Dollars.  Dollars. 


New-Yorck  Dispensa™   l,ooo  6,000 

Northern  id.    .    .   1,000  hOO 

Kastern  id   1,000  1,000 

Demilt  id   1,000  1,000 

North  Eastern    id   3,000  1.500 

North  Western  id   1,000  » 

Yorckvillo        id   1,000  1,000 

Harlem  id   1,000  1,000 

Manhattenville  id   1,000  » 


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VARIÉTÉS.  159 

Dollars.  Dollar». 

New-Yorck  médical  collego,  pour  le  dispensaire  des 

femmes   4,000  500 

Central  Dispensary   2,000  » 

Gorman       id   1,000  600 

Dispensaire  de  l'ouest  pour  les  femmes  et  les  enf.  1,000  300 
Dispensaire  de  New-York  pour  les  maladies  de  la 

poitrine  et  du  larynx   2,000  » 

Dispensaire  de  New- York  pour  les  cancéreux.  .   .  »  1,000 
Infirmerie  de  New- York  pour  les  maladies  des  yeux 

et  des  oreilles   »  1,000 

New-Yorck  Infirmary  Dispensary   »  500 

New-Yorck  ophthalmic  and  Aurai  Institute.  .    .    .  »  1,000 


Total   20,000  16,000 


SOMMES  ACCORDEES  POUR  LES  ÉTABLISSEMENTS  HOMOBOPATH1QUK9 

DE  NEW-YORK  : 

Par  la  ville.  Par  l'État. 


Dollars.  Dollars. 

New-Yorck  Homœopathic  Dispensary   1,000  1,000 

Nort  Eastern  Homœopathic  médical  and  surgical 

Dispensary   2,500  3,000 

Bond  street  Homaeopathic  Dispensary   5,000  1.500 

Tompkings         id.  id   1,000  1,000 

New-Yorck  Horaœop.  médical  collège  Dispensary.  1,000  1,000 

Western  Homœopathic  Dispensary   2,500  l,t>00 

Metropolitan     id.  id   3,000  » 

Hahnemann-Hospital   10,000  20.000 

Womans  médical  collège  and  Hospital   10,000  10,000 

New-Yorck  ophthalmic  Hospital   »  2,500 


Total   36,000  42,500 


{Allg.  Rom.  Zertung,  30  mai  1870.) 

A  ces  78,000  dollars,  je  pourrai  ajouter  3,750  dollars 
donnés  par  l'État  pour  les  établissements  charitables  ho- 
mœopathiques  des  six  paroisses  ou  faubourgs  avoisinant 
New-York,  ce  qui  ferait  un  total  de  82,250  dollars. 

Dans  le  tableau  précédent,  il  y  a  deux  dons  pour 
Y  hôpital  Hahnemann,  qui  réclament  de  plus  amples  expli- 
cations. 

D'un  côté,  nous  voyons  la  ville  donner  10,000  dollars 
pour  l'entretien  du  petit  hôpital  Hahnemann  déjà  exis- 
tant, et  dirigé  actuellement  par  le  Dr  Seeger. 

D'un  autre  coté,  l'État  donne  20,000  dollars  pour  la 
construction  d'un  nouvel  hôpital  Hahnemann,  pour  le- 
quel il  a  cédé  un  terrain  dontja  valeur  est  de  70,000 


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160  VARIÉTÉ?. 

à  80,000  dollars  (357,500  à  420,500  fr.).  Où  est  situé  ce 
terrain?  Je  vais  essayer  de  l'indiquer. 

Tandis  que  la  superficie  de  Paris  est  de  8,000  hec- 
tares pour  ses  2  millions  d'habitants,  celle  de  Londres 
de  32,000  hectares  pour  ses  3  millions  d'habitants,  celle 
de  New-York  est  appelée  à  devenir  probablement  plus 
considérable  que  cette  dernière. 

New-York  est  bâti  sur  une  presqu'île,  ou  plutôt  sur 
une  île,  allant  du  nord  au  sud,  dans  sa  plus  grande  lon- 
gueur. C'est  un  rectangle  irrégulier  ayant  14  kilo- 
mètres de  longueur,  et  3  à  4  de  largeur.  Au  milieu  du 
rectangle  est  placé  le  Central-Park,  sorte  de  Dois  de  Bou- 
logne, qui  a  été  planté  en  1845,  et  qui  a  coûté  200  mil- 
lions. En  1811  fut  tracé  le  plan  général  et  symétrique 
de  New-York,  qui  continue  à  le  suivre  dans  ses  con- 
structions. Celles-ci,  partant  du  sud,  ont  déjà  dépassé 
le  Central- Park  qui,  un  jour,  méritera  sa  dénomination, 
si  l'on  voit  accroître  incessamment  la  population  de  cette 
ville  qui,  en  1800,  n'avait  que  60,000  habitants,  et  au- 
jourd'hui en  compte  1  million.  Le  plan  rectang'ulaire  de 
la  cité  est  traversé  dans  le  sens  de  sa  longueur  par  une 
large  rue  commerciale  appelée  Broad  Way,  nom  très- 
significatif. 

Le  terrain,  concédé  par  l'État  pour  le  nouvel  hôpital 
Hahnemann  et  présentant  125  pieds  de  large  sur  200  de 
long,  est  placé  près  du  Central-Park  et  de  Broad  Way  , 
par  conséquent,  dans  un  des  plus  beaux  quartiers  de  la 
ville. 

Dr  Gallavardin, 

de  I.yon. 


Le  Rédacteur  en  chef,  Jules  Bavasse. 


I'jn>  -  liaprinif rie  i.  I'arent,  rue  NonsieuMe-Prioce.  31. 


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L'ART  MÉDICAL 

SEPTEMBRE  1870 


HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE 


i:tude  sur  nos  traditions. 

—  SUITE  — 

III.  Van  Helmont,  Descartes,  Leibnitz.  —  Ces  trois 
hommes  sont  dans  Tordre  des  idées,  les  trois  grands 
maîtres  du  xvn"  siècle,  et  des  trois,  le  premier  est  cer- 
tainement 1p  plus  grand,  bien  qu'il  soit  le  moins  connu. 

J.-B.  Van  Helmont,  seigneur  brabançon,  naquit  à 
Bruxelles  en  1577.  Élevé  très-religieusement  par  son 
père,  il  fit  ses  humanités  à  l'université  de  Louvain ,  y 
suivit  ensuite  l'enseignement  philosophique  des  jésuites, 
puis  s'y  fit  recevoir  docteur  en  médecine  en  1599.  Après 
avoir  donné  tout  ce  qu'il  possédait  à  sa  sœur,  pour  ne 
plus  être  que  pauvre  et  voué  à  la  recherche  de  son  art, 
il  parcourut  plusieurs  fois  la  France,  l'Italie  et  l'Alle- 
magne. Il  revint  ensuite  dans  son  pays,  y  épousa  une 
riche  héritière,  qui  lui  apporta  la  terre  de  Vilvode,  où  il 
vécut  toujours  étudiant,  soignant  les  malades,  et  les  pau- 
vres surtout,  jusqu'à  sa  mort,  arrivée  en  1644.  Ses  idées 
ne  furent  qu'en  partie  connues  de  son  vivant,  car  il  publia 
peu  de  choses.  C'est  son  fils,  François-Mercure  Van  Hel- 
mont, qui  édita  toutes  ses  œuvres,  en  tout,  cent  et  quel- 
ques traités  réunis  sous  ce  titre  :  Ovtus  medicinœ,  id  est 

TOME  XXXII.  —  SEPTEMBRE  I87C.  Il 


162  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

initia  physicœ  inaudita ,  progressif  medicinœ  novus  in  mor- 
borumultionem  ad  vitam  longam  ;  Lyon,  1667. 

Cet  ouvrage,  fort  peu  lu  de  nos  jours,  parce  que  d'a- 
bord il  est  écrit  dans  un  latin  rempli  de  néologismes,  et 
parce  que  les  idées  sortent  de  l'ordinaire,  est  certaine- 
ment un  des  plus  curieux  et  des  plus  instructifs  de  notre 
tradition.  On  y  trouve  la  profondeur,  souvent  la  luci- 
dité, et  toujours  la  grandeur  et  l'élévation  des  pensées. 
Une  traduction  des  principaux  traités  qu'il  renferme 
aurait  rendu  un  vrai  service  à  la  médecine.  M.  le 
Dr  Maudon  a  bien  publié,  en  1868,  un  Mémoire  in-4°,  sur 
Van  Helmont  et  ses  œuvres  ;  mais  ce  travail  est  trop 
abrégé  et  imparfait  pour  bien  connaître  le  grand  méde- 
cin brabançon.  Ce  que  nous  allons  en  dire  nous-mème, 
sera,  sans  doute,  aussi  bien  abrégé  et  imparfait,  nous 
espérons  au  moins  donner  à  plus  d'un  lecteur  le  désir 
de  faire  une  plus  ample  connaissance  avec  ce  maître- 
homme. 

VOrtus  medicinœ  est  en  fait  une  sorte  de  vue  générale 
de  l'homme  et  du  monde  au  bénéfice  de  la  médecine. 
L'auteur  aborde  dans  les  premiers  traités,  ce  que  nous 
pourrions  appeler  la  méthode,  et  il  l'expose  en  racontant 
les  doutes,  les  désirs  et  les  élans  de  ses  études.  Dans  les 
traités  qui  suivent ,  il  s'occupe  des  principes  de  l'être 
et  de  la  vie,  des  éléments  et  de  la  matière,  du  monde, 
des  astres,  des  météores.  Il  vient  ensuite  à  des  questions 
de  pathologie  générale,  qu'il  tourne  et  retourne  en  tous 
sens  pour  bien  exposer  l'origine  et  le  développement  des 
maladies.  Puis  viennent  les  questions  de  thérapeutique. 
L'ouvrage  se  termine  par  des  monographies  plus  con- 
sidérables sur  la  lithiase  et  les  fièvres. 

Van  Helmont  qu'on  range  souvent  parmi  les  théoso- 
phes  et  les  kabbalistes,  près  de  Paracelse  ou  de  Cardan, 
s'en  distingue  pourtant  tout  à  fait.  On  l'a  mal  étudié.  Il 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  163 

prend  bien  àParacelse  l'idée  de  YArchée,  mais  c'est  pour 
en  faire  sa  propriété  distincte  de  son  prédécesseur;  et, 
presque  à  chaque  pas,  il  contredit  le  célèbre  charlatan.  Il 
se  rapproche  des  alchimistes  en  acceptant  les  trois  élé- 
ments :  le  soufre,  le  sel  elle  mercure,  mais  on  voit  qu'il 
fait  de  la  chimie  et  non  plus  de  l'alchimie.  Il  a  un  pro- 
cédé, ou  méthode  intellectuelle,  qui  le  rapproche  des 
kabbalistes,  mais  il  a  bien  soin  d'en  vouloir  élaguer  tout 
ce  qui  n'est  pas  naturel,  et  tout  ce  qui  sentirait  le  téné- 
breux. En  un  mot,  c'est  un  homme  qui  est  lui-môme, 
qui  semble  toucher  à  tout,  qui,  bien  évidemment,  est  au 
courant  de  toutes  les  idées,  môme  de  la  scolastique,  qui 
emprunte  à  toutes  quelque  chose,  mais  qui,  dans  le  fond, 
peste  lui-même  avec  une  tendance  prononcée  vers  la 
philosophie  chrétienne.  D'ailleurs,  il  est  d'une  piété  ar- 
dente, et  ne  s'en  cache  pas. 

Au  premier  abord,  on  est  étonné  de  son  langage  ar- 
dent et  coloré,  et  on  se  sent  pris  d'une  certaine  réserve 
en  lisant  que  c'est  dans  le  sommeil  que  sa  méthode  lui 
fut  révélée  et  qu'il  apprit  à  contempler  son  âme  :  «  Saltem 
«  magna  mox  quies  me  invasit  et  incidi  in  somnium  in- 
«  tellectuale,  satisque  memorabile.  Vidi  enim  animam 
umeam  satis  exiguam,  specie  humana,  sexus  lamen 
«  discremine  liberam,  Confestim  in  spectaculo  admiratus 
«  hœsi,  nesciens  quœnam  in  me  essetegoitas  ,  quœ  ani- 

*  mam  a  se  distinclam  cerneret,  intelligeretque  intel- 

•  lectum  extra  se.  »  Et  alors  il  voit  le  rôle  des  connais- 
sances sensibles  dont  l'acte  intellectuel  est  distinct  :  «  Sed 
«  notavi,[quod  cassa  jam  mentis  priori  majestate,  oborta 
«  esset  generatio  altéra.  In  qua,  anima  sensitiva,  men- 
»  lis  vicarium  ageret.  Quse  cum  cognitione  confusanea 

♦  determinationum ,  atque  disciplinarum  excitamento 

*  indigeret,  veri  intellectus  locum  jam  complet,  sibi  ar- 
«rogat  omnem  egoitatem.  Hinc  namque  dedici,  con- 


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104  HISTOIRE  DE  LK  MÉDECINE. 

«  tingere,  quod  ipsi  non  percipiamus,  nos  aliquid  intel- 
«  ligere ,  quandiu  principale  agens ,  hujus  miserœ, 
«  al  que  caducœ  intellectionis,  vimsuam  usquead  sensus 
«limites,  non  traduxit.  Quare  et  jam,  nec  reminisci- 
«  mur  nos  intelligere,  nisi  per  œconomiam  sensitivam, 
«  ejus  modi  actio  in  nos  propagetur.  »(Confessio  au- 
thoris,  4,  6.)  Au  lond,  c'est  la  théorie  arislolalicienne  et 
scolastique  du  rôle  de  la  sensibilité,  servante  de  l'in- 
telligence. 

On  a  voulu,  sur  une  lecture  certainement  superfi- 
cielle des  premiers  traités  de  son  œuvre ,  en  faire  un 
mystique  dévoyé,  analogue  à  Paracelse  et  Cardan,  mais 
on  s'est  trompé  du  tout  au  tout.  Ouvrons  son  traité  sur 
la  Recherche  des  sciences  (  Venalio  scientiarum)  :  c'est  là  qu'il 
a  le  mieux  expliqué  son  procédé  intellectuel.  Ce  qu'il 
blâme  surtout,  c'est  la  raison  discursive,  ou  syllogisti- 
que,  qui  fuit  la  contemplation  des  choses  :  «  Cœpi  crgo 
«  deinceps  contueri  ,  quod  meus  intellectus  plus  profi- 
«  ceret  per  figuras,  imagines,  et  phantasise  somniales, 
«  quam  per  rationis  discursus  »(§  40).  Il  faut  1  entendre 
raconter  toutes  ses  analyses  intellectuelles  :  il  est  pro- 
fond, il  étonne.  Il  nous  fait  assister  à  cette  transforma- 
tion si  mystérieuse  de  la  connaissance  sensible  en  con- 
naissance intellectuelle;  et  quand  il  dit  :  je  vois,  on 
croit  voir  avec  lui  :  «  Ego  vero,  eo  clarius  jam  cog'novi 
«  istam  transmutationem  intellectus,  fieri  debere,  eo 
«  quod  intellectus  in  se  sit  totus  purus,  simplex,  unicus 
•  et  indivisus  »  (§  46).  L'intelligence  se  dégage  de  toutes 
les  impuretés  sensibles,  et  tous  les  troubles  qui  viennent, 
soit  de  l'objet  qui  frappe,  soit  du  sujet  pensant;  et,  alors, 
voyant  les  essences  qui  sont  au  dedans  des  choses,  elle 
se  transforme  elle-même  en  ces  essences  :  «  Ut  pote 
a  anima,  in  illo  statu,  sic  apprehendit  interiorem  et  an- 
«  teriorem  rei  intelleclœ  essentiam,  quod  ipse  intellee- 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITION?.  165 

«  lus,  IransmigTando  sese  transformât  in  rem  intellec- 
«  tam  ;  bine  videlicet  sequitur  »  (§  48).  Et  c'est  en  se  con- 
cevant elle-même  qu'elle  conçoit  la  science  :  «  Quam 
«  ob  rem,  sive  intellectus  transformetur,  vcl  sive  seip- 
«  suni  transformet  in  simulacrum  rei  intellects,  sane 
«  divino  auxiho  opus  liabet,  et  quidem  singulari,  quia 
•  sallem  tune  anima  intuetur  suum  intellectum,  sub 
«  forma  accepta,  in  dicto  lumine  :  atque  in  isto  sui  spec- 
«taculo,  speculatur  seipsam  intellectualiter ,  afcsque 
«  reflexione  altcritatis  :  sic  que  concepit  rem  scibilem, 
u  una  eu  m  suoessc,  et  proprielalibus.  Eo  quod  hoc  cog- 
«  nitionis  lumen ,  non  sit  emanativum  extra  intellec- 
«  tum  :  sed  manct  reftexum,  super  intellectum,  in  omni 
«  veritate,  et  ccrlitudine  perfecto,  perfectiorem.  »(§  50.) 
Les  essences  soni  donc  comme  un  acte  môme  de  l'in- 
telligence, où  elles  reposent  pures,  et  sans  ombres  ;  et, 
c'est  en  se  regardant  que  l'intelligence  les  voit, 
comme  l'œil  se  voit  dans  un  miroir  :  «  Stant  nempe  in 
«  conceptu  inlellectuali,  essentiae  nudœ,  et  denudatœ  : 
«quas  ut  taies,  anima  in  illo  nunc  aspicit  in  speculo 
«  proprii  intellectus,  sicut  dum  oculus  seipsum  infe- 
ct tur  in  speculo,  in  radio  reflexo  sui  ipsius  »  (§  54).  C'est 
ainsi  que  l'intelligence  se  voyant  elle-même  en  voyant 
les  essences,  les  conçoit  dégagées  de  tout  accident  : 
«  Qua  propter  cum  objectum  proprium  intellectus,  sit 
«  ipsa  rerum  essentia,  ea  propter  accidentia,  velut  abs- 
«  tracta,  atque  discissa  a  rébus,  quibus  insunt,  debent 
«  concipi  ab  imaginatione,  idque  per  species,  et  ima- 
«  gines  :  neutiquam  vero  intellectum.  In  quo  alioqui  re- 
«  perio  omnia  accidentia,  connexa  simul  in  puncto,  sub 

essentia  rerum  intelleclarum.  Quippe  accidentia  pro- 
«  prie  non  sunt  essentia,  sedentium  a  quibus  depen- 
.«  dent.  »  (§  58.) 

Quiconque  a  lu  le  troisième  livre  du  De  Anima  d'Aris- 


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Î66  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

tote  trouvera  ici  plus  d'une  réminiscence,  et  cependant 
l'auteur  blâme  le  péripatéticien.  C'est  qu'en  effet,  Aris- 
tote  accepte  bien  la  même  doctrine,  mais  il  est  dans  un 
sens  encore  plus  platonicien  que  Van  Helmont  ;  car  son 
intellect  agrnt  qui,  comme  pour  Van  Helmont,  revêt 
lui-même  la  forme  des  essences  intelligibles,  est  une 
sorte  d'émanation  de  la  divinité,  et  semble  échapper  à 
la  personnalité  humaine  ;  tandis  que  pour  Van  Helmont, 
c'est  l'intelligence  propre  de  l'homme,  et  par  consé- 
quent, nous-mêmes,  non  la  divinité  qui  serait  en  nous, 
qui  conçoit  les  essences.  Il  est  vrai  qu'Aristote  n'a  peut- 
être  pas  absolument  dit  que  son  intellect-ag^ent  fût  une 
partie  de  la  divinité  :  mais  c'était  le  sens  dans  lequel  on 
l'entendait  avec  les  commentaires  d  Alexandre  d'Aphro 
dise  et  d'Averrhoès. 

Mais,  cela  suffit  à  l'entente  de  son  procédé  ;  venons  à 
ses  idées  sur  les  sciences  naturelles. 

Van  Helmont  récuse  les  quatre  causes  admises  depuis 
Arislote ,  et  surtout  depuis  Albert-le-Grand  ;  il  les  ré- 
duit à  deux  :  la  cause  matérielle  et  Yefpciente.  «  Qua 
«  propter  post  sedulam  omnium  rerum  invesligalionem, 
«  non  inveni  corporis  naturalis  ullam  dependentiam, 
«  nisi  duntaxat  ad  suas  causas ,  ad  materiam  et  efû- 
*  ciens,  internas  (qui  plcrumque  externa  quaîdam  exci- 
a  tans  associatur)  scilicet  »  (Naturalium,  §  11).  Cela 
suffit  à  tout  expliquer  :  a  Porro  cum  materia,  simul  et 
«  elTîciens,  sufficiantad  omne  productum,  sequitur,  om- 
«  nem  definitionem  naturalem,  non  ex  génère,  et  diffe- 
«  rentia  (mortalibus  plerumque  incogmita)  petendam  : 
«  sed  ex  ambarum  causarum  connexione,  eo  quod  ambae 
<«  simul,  totam.  rei  essentiam  concludant  »  (§  14).  N'est- 
ce  point  là  la  science  de  Descaries  et  de  nos  temps  mo- 
dernes qui  réduit  tous  les  principes  à  deux,  de  la  Mu- 
tière  et  des  foires  ! 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITION8.  167 

La  puissance  efficiente  est  pour  lui  \e  ferment  qui  gou- 
verne comme  un  monarque  tous  les  actes  des  êtres  vi- 
vants. Les  éléments  matériels  sont  les  principes  ex  quo 
dont  les  corps  vivants  sont  produits  ;  le  ferment  est  le 
principe  per  quod.  (Xaturalium,  §  23.)  Or,  ce  ferment 
est  un  être  formel  créé,  qui  n'est  ni  substance,  ni  acci- 
dent, mais  quelque  chose  de  particulier  comme  une  lu- 
mière, un  feu,  un  son,  un  supérieur  :  «  Est  autem  fer- 
«  mentum ,  sus  creatum  formate ,  quod  neque  substan- 
o  tia,  neque  accidens,  sed  neutrum ,  per  modum  lucis, 
o  ig-nis,  magnalis,  formarum,  etc..  conditum  a  mundi 
«  principium,  in  locis  suœ  monarchiœ,  est  succina  pre- 
«  paret,  excitet  et  procédât»  (§  24).  C'est  le  principe 
actif  de  la  vie  et  de  la  semence  :  o  Fermentum  igilur  prin- 
«  cipii  veri  naturam  tenet  a  causa  efficienti,  in  hoc  di- 
■  versi  :  quod  causa  efficiens ,  consideretur  tanquam 
«immediatum  principium  activum  in  re,  quod  est  se- 
o  men,  ac  vclul  principium  molivum  ad  generationem 
«  sive  initium  rei  constitutum.  Fermentum  vero,  semine 
«  sœpe  prius,  et  hoc  de  se  générât.  »  (§  28.) 

Ce  ferment  vital,  c'est  VaYthé  (de  âp/jj,  commande- 
ment, autorité,  principe),  principe  intérieur  de  mouve- 
ment et  de  génération.  «  Quidquid  ig-itur  in  mundum 
«  venit,  per  naturam,  necesse  est  habeat  suorum  mo- 
«  tuum  initium,  excilatorem,  et  directorem  internum 
«  g-enerativum  »  (Archeus  faber,  §  2).  C'est  une  sorte  de 
souffle  générateur  :  «  qua?  aura,  liect  in  aliquibus 
«  Ioculentior  sit  :  in  veg*etabilibus  tamen  succi  specie 
«  comprimitur,  ut  et  in  melallis  densissima  homog-e- 
«  neitate  inspissatur,sing"ulis  tamen  hoc  donum  obtig-it, 
«quod  Archeus  vocatur,  g^nerationem  et  seminam 
«  fœcundilatem  continens,  tanquam  causa  interna  I Ile 
•  inquam  faber  g-enerati  imaginem  habet,  ad  eujus 
«initium,  destinationem  verum  ag-endarum  componit.  » 


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168  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

(§  3.)  Et  encore  :  «  Constat  Archeus  vero,  ex  con- 
«nexione  vitalis  aurœ,  velut  materiœ,  cum  imagine 
«seminali  quac  est  interior  nucleus  spiritualis,  faecun- 
«  didatem  seminis  continens  est  autem  semen  visibile, 
«  hujus  tanquam  siliqua  »  (§4).  lin  peu  plus  loin, 
dans  un  autre  traité  intitulé  :  Imago  fermenit  imprégnât 
massam  seminc,  l'auteur  nous  montrera  que  ce  souffle 
vital  se  répand  dans  toute  la  semence  et  dans  tout  l'être, 
comme  l'action  du  ferment  purifie  toute  une  masse  de 
pâte. 

Sur  la  question  des  éléments,  Van  Ilelmont  réprouve 
l'ancienne  doctrine  :  l'air  n'est  pas  un  élément,  la  terre 
est  composée,  le  feu  n'est  pas  un  élément,  l'eau  seule 
peut  contenir  les  éléments,  mais  n'est  pas  élément.  II 
n'y  a  que  trois  éléments  comme  le  disent  les  alchi- 
mistes, le  soufre,  le  sel  et  le  mercure.  En  un  sens,  il 
pourrait  n'y  en  avoir  que  deux,  le  ciel  et  la  terre,  mais 
sur  la  terre,  il  y  en  a  trois  seulement  par  celte  raison 
capitale  déduite  de  l'expérience,  qu'ils  sont  indivi- 
sibles; manere  semper  indivisa  (Elemenla,  §  14).  On  croi- 
rait entendre  un  chimiste  moderne  donner  la  raison 
des  substances  élémentaires  ! 

Mais  ce  ne  sont  point  là  les  seuls  éléments  matériels. 
Il  y  a  les  gaz  et  les  blas.  Les  gaz  sont  le  fait  de  l'ébulli- 
tion  que  le  ferment  cause  dans  la  matière.  Le  gaz  de 
l'eau,  c'est  l'eau  se  mettant  en  vapeurs  :  mais  ces  va- 
peurs ne  sont  pas  tous  les  gaz ,  car  il  y  a  le  gaz  syl- 
vestre qui  sort  du  bois  et  qui  se  montre  dans  la  fermen- 
tation du  vin.  Ici,  d'un  trait  de  génie,  Van  Helmont 
fonde  toute  la  chimie  moderne,  montre  la  différence  de 
l'air  et  des  vapeurs,  et  fait  connaître  l'acide  carbo- 
nique. Les  blas  sont  des  mouvements  impétueux,  des 
tremblements  dans  la  terre,  des  éclats  du  tonnerre,  des 
mouvements  intérieurs  dans  les  corps  vivants,  des  éma- 


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ÉTUDR  SUR  NOS  TRADITIONS.  160 

nations  des  astres  ou  des  corps;  c'est  l'idée  de  l'élec- 
tricité que  Gilbert  a  lancée  en  rappelant  ï électron  des 
Grecs,  dont  on  s'est  occupé  sous  le  nom  d'aimant,  et 
qui  bientôt  va  paraître  comme  une  force  condensée 
dans  la  machine  électrique  de  Gœricke.  Le  blas  huma- 
num  va  bientôt  être  l'élément  nerveux,  l'esprit  vital  de 
Descartes,  le  courant  nerveux  des  physiologistes  du 
xvme  siècle,  et  aussi  le  magnétisme  animal  de  Mesmer. 

Mais  revenons  à  l'arche.  Dans  le  traité  Cuslos  errans, 
l'auteur  va  nous  montrer  ce  ferment  partout  présent 
dans  l'économie.  Si  nous  voulons  ensuite  connaître 
comment  cet  arché  s'entend  avec  l  ame  et  ce  qu'est 
l'âme,  il  nous  faudra  lire  les  traités  suivants  :  «  Sedes 
«animœ;  Jus  duum  viratus;  Mentis  complementum  ; 
«  Duum  viratus;  De  anima;  distinctio  mentis  ah  anima 
«  sensitiva;  De  animœ  nostrœ  immortalitale:  Nexus 
•  sensitivie  et  mentis.  »  Nous  verrons  alors  un  des  côtés  . 
malheureux  du  grand  homme.  Pour  lui,  l'arché  est 
comme  une  silique  qui  renferme  l'âme  sensitive  et  qui 
s'en  inspire,  et  l'àme  sensitive  renferme  l'âme  intelli- 
gente; de  sorte  que  toutes  les  actions  de  la  vie  et  du 
corps,  de  même  les  maladies,  dépendent  de  l'âme  sensi- 
tive, pendant  que  les  actions  de  l'esprit  dépendent  de 
l'âme  proprement  dite.  Il  y  a  donc  dans  l'homme  comme 
deux  commandements  et  comme  deux  êtres  accolés  : 
commencement  doctrinal  du  duo-dvnanisme  dans 
l'homme,  qui  s'accentuera  d'abord  dans  Descartes,  puis 
d'une  manière  confuse  dans  Stahl,  enfin  d'une  manière 
plus  nette,  et  trop  déplorable,  hélas  !  dans  ce  qu'on 
nomme  le  vitalisme  moderne  dont  Barthez  pourra  être 
considéré  comme  le  chef. 

Je  ne  puis  et  ne  veux  poursuivre  l'analyse  de  toute 
l'œuvre  de  Van  Helmont.  J'aurai  lieu  d'v  revenir  en 
parlant  plus  loin  de  la  pathologie,  et  puis  de  la  théra- 


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170  HISTOIRE  HE  LA  MEDECINE. 

politique  ;  et  je  dois  me  borner  iei  à  montrer  les  points 
supérieurs  de  sa  conception,  eeux  d'où  doivent  découler 
les  autres,  et  qui  éclairent  sa  doctrine  générale  dans  ee 
qu  elle  a  d'original  et  de  différent  de  ses  contemporains. 
J'en  ai  montré  suffisamment,  je  crois,  pour  bien  faire 
saisir  la  pensée  capitale  de  l'œuvre,  qui  est  de  sortir  de 
la  physique  et  de  la  chimie,  de  fonder  la  science  de  la 
vie  sur  la  connaissance  de  ses  mouvements  représentés 
dans  une  cause  spéciale,  Varché.  Aussi  est-ce  de  Van 
Helmont  qu'il  faut  dater  ce  qu'on  nomme  le  vitalisme 
moderne;  et  c'est  dans  le  moment  où  la  physique  et  la 
chimie  envahissaient  la  médecine  et  allaient  pour  tant 
de  temps  y  faire  de  si  grands  ravages,  que  se  préparait 
le  germe  de  la  doctrine  vitaliste  qui  doit  surnager  aux 
erreurs  de  l'iatro-chimie  et  de  l'ialro-mécanique.  Mal- 
heureusement, Van  Helmont  fondait,  en  môme  temps 
que  le  vitalisme,  les  principes  du  duo-dynamisme  qui 
devait  être  de  son  coté  si  dangereux,  que  nous  aurons 
lieu  d'étudier  plus  à  fond  dans  le  siècle  suivant,  et  qui 
n'est  peut-être  qu'un  mode  préparatoire  de  retour  à  une 
conception  plus  juste  de  la  nature  humaine.  Nous 
aurons,  d'ailleurs,  occasion  de  voir  un  peu  plus  loin, 
comment  le  vitalisme  inauguré  par  Van  Helmont,  rede- 
venait scolastiquc  en  pathologie  et  préparait  des  desti- 
nées nouvelles  à  la  thérapeutique. 

Van  Helmont  a  été,  en  somme,  le  plus  grand  des  ini- 
tiateurs scientifiques  des  temps  modernes.  Il  domine 
son  siècle  et  les  suivants  sans  avoir  été  bien  compris  de 
ses  contemporains;  et  malgré  quelques  erreurs  regret- 
tables qui  déparent  son  œuvre,  c'est  Un  des  plus  grands 
maîtres  de  notre  tradition  médicale. 

Descentes  est  né  en  Touraîne  dans  l'année  1596.  Il  fit 
ses  éludes  sous  la  direction  des  Jésuites  au  collég-e  dé 
la  Flèche;  et  après  quelques  années  passées  dans  la 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  Hl 

solitude  à  Paris,  il  s'engagea  au  service  de  la  Hollande, 
sous  Maurice  de  Nassau,  quitta  le  service  de  la  Hollande 
pour  celui  de  la  Bavière,  fit  ensuite  la  guerre  contre  les 
Hongrois,  puis  abandonna  le  service,  parcourut  l'Alle- 
magne <H  les  Pays-Bas,  et  revint  en  France  après  neuf 
ans  d'absence.  Mais  c'était  pour  recommencer  bientôt 
ses  pérégrinations.  Il  retourna  en  Hollande,  en  1630,  où 
il  demeura  jusqu'en  1649,  qu'il  en  partit  pour  aller  re- 
joindre la  reine  Christine  de  Suède  à  Stockolm,  où  il 
fonda  une  Académie  des  sciences,  et  où  il  mourut  quel- 
ques mois  après  en  1650.  C'est  dans  la  vie  de  garnison 
qu'il  commença  ses  études,  et  c'est  dons  son  exil  volon- 
taire en  Hollande  qu'il  écrivit  ses  principaux  ouvrages. 

Descartes  avait  étudié  la  scolaslique  et  le  péripaté- 
lisme  comme  tout  bon  humaniste  de  son  temps,  mais  il 
avait  aussi,  comme  tout  penseur  de  l'époque,  et  plus 
que  tout  autre,  ce  semble,  reçu  le  souffle  de  révolte 
contre  les  anciens  et  le  désir  de  changer  la  doctrine  des 
causes.  Il  voulut  donc  imaginer  le  monde  autrement 
qu'on  ne  le  voyait,  et  le  conçut  comme  composé  de  ma- 
tière en  mouvement.  Celte  matière  sur  laquelle  on  avait 
tant  raisonné  dans  les  siècles  précédents,  que  les  uns 
avaient  considérée  dans  son  essence  comme  un  pur  ré- 
ceptacle de  la  forme,  à  laquelle  d'autres  attribuaient 
une  existence  propre,  il  la  considéra  comme  n'ayant 
pour  propriété  principale  que  l'étendue,  et  il  lui  attri- 
bua d'avoir  été  mise  en  mouvement  primordialement 
par  une  seule  et  unique  impulsion  première,  de  sorte 
que  tous  les  phénomènes  ultérieurs  qui  s'étaient  pro- 
duits, se  produisaient  encore,  et  pourraient  se  produire 
â  l'infini,  n'étaient  que  les  résultats  de  lois  mathéma- 
tiques imposées  à  un  mouvement  qui  avait  d'abord  com- 
mencé comme  un  tourbillon.  Encore  bien  qu'il  ne 
Voulût  pas,  dans  les  premiers  moments,  admettre  la 


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\'2  PATHOGÉNIE  ET  THERAPEUTIQUE. 

théorie  atomistique,  il  s'y  trouvait  fatalement  conduit, 
et  il  dut  accepter  la  rénovation  de  l'atomisme  do  Démo- 
crite  et  d'Epicure  que  lui  montrait  Gassendi.  11  courut 
donc  toutes  les  choses  de  la  nature,  les  animaux  même, 
comme  des  machines  composées  de  substances  en  mou- 
vement, et  posa  que  la  science  devait  consister  unique- 
ment dans  la  connaissance  des  lois  mathématiques  sui- 
vies par  ces  machines.  L'homme  seul  lui  paraissait 
doué  d  une  àme,  et  d  une  Ame  uniquement  intelli- 
gente qui  était  en  rapport  avec  la  mécanique  vitale  du 
corps,  recevant  des  impressions  de  ce  corps  et  pouvant 
lui  commander  certains  mouvements.  Il  concevait  l'àme 
comme  logée  dans  un  organe  impair  du  cerveau,  la 
glande  pinéale,  pouvant  de  là  donner  le  mouvement 
en  mettant  le  cerveau  en  branle,  et  engendrant  dans 
les  ventricules  cérébraux  les  esprits  vitaux,  qui  de  là  se 
répandaient  dans  tout  l'organisme.  11  imaginait  que  ces 
esprits  vitaux  mettaienten  ébullitionle  sangetlesatomes 
matériels,  d'où  résultait  la  chaleur,  et  que  la  cause  de 
cette  ébullition  ou  fermentation,  était  une  sorte  de  ma- 
tière subtile  ou  èther,  qu'il  considérait  comme  devant 
être  le  substrat  uni  commun  de  toute  la  nature.  Il  est 
visible  que  Descartes  reçut  une  très-grande  influence 
des  idées  de  Van  Helmont;  la  matière  et  le  mouvement, 
c'est  la  matière  et  l'arché  ;  les  esprits  vitaux  sont  les 
blas,  produits  par  la  fermentation  ;  et  l'esprit  est  distinct 
du  mouvement  vital  comme  pour  le  médecin  braban- 
çon. Nous  avons,  d'ailleurs,  pu  voir  aussi  que  dans  la 
méthode,  il  y  a  quelque  chose  du  procédé  intuitif  de 
Van  Helmont.  Descartes  n'a  rien  dit  de  ses  inspira- 
tions, mais  on  les  devine.  D'après  lui,  l'union  de  l'àme 
et  du  corps  sur  laquelle  on  avait  tant  discuté,  n'était 
qu'une  sorte  d'accolement  non  point  substantiel  comme 
l'avaient  dit  Arislote  et  les  scolastiques,  non  point  d'un 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITION».  173 

moteur  à  un  mobile, comme  l'avait  enseigné  Platon, 
mais  d'occasion  ;  de  manière  que  l'àme  ne  mouvait  pas 
précisément  le  corps,  ni  le  corps  ne  mouvait  l  ame, 
mais  ce  qui  se  passait  dans  l'une  était  l'occasion  des 
mouvements  qu'exécutait  l'autre,  et  réciproquement; 
d'où  cette  grande  théorie  de  la  cause  occasionnelle  qui  est 
un  des  fonds  du  cartésianisme,  et  que  Geulinx  et  Malle- 
branche  soutinrent  ensuite,  sans  bien  se  rendre  compte 
que  l'occasion  prise  comme  cause  suppose  toujours  iné- 
vitablement une  action,  c'est-à-dire  une  transition  de 
moteur  à  mobile.  C'est  un  point  sur  lequel  nous  allons, 
d'ailleurs,  nous  expliquer  plus  longuement  à  la  fin  de 
ce  paragraphe. 

Le  cartésianisme  renversait  ainsi  toute  la  science 
basée  sur  l'union  substantielle  de  la  matière  première 
et  de  son  principe  actif  la  forme  ou  entéléchie  :  il  pous- 
sait les  savants  à  mettre  de  côté  toute  conception  méta- 
physique et  à  ne  plus  tenir  compte  que  des  mouvements 
de  la  nature  ou  de  la  vie  expliqués  par  des  lois  mathé- 
matiques, mécaniques,  physiques  ou  chimiques.  C'était, 
en  somme,  une  conception  moins  vitaliste  et  moins  mé- 
dicale que  celle  de  Yan  Helmont. 

Lcibnitz  manifeste  sous  une  troisième  et  puissante 
manière,  ce  que  la  pensée  philosophique  du  xvne  siècle 
a  produit.  Il  était  né  à  Leipzig1  en  1646;  il  y  fit  ses 
études  et  y  reçut  entre  autres  les  leçons  de  Thomasius 
très-versé  dans  la  scolastique.  Après  s'être  décidé  à 
entrer  dans  la  jurisprudence,  il  n'en  continua  pas 
moins  ses  études  sur  toutes  les  sciences  cultivées  de  son 
temps,  fit  un  voyage  à  Paris  où  il  connut  plus  particu- 
lièrement Huygens  qui  le  mit  au  courant  des  recherches 
mathématiques  et  physiques  de  l'époque;  fut  en  rela- 
tions pendant  plusieurs  années  avec  Francz-Mercure 
Van  Helmont,  fils  de  celui  dont  nous  parlions  plus  haut, 


1T4  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

voyagea  en  Angleterre  et  en  Hollande;  se  fixa  enfin  en 
Hanovre,  où  il  écrivit  tous  ses  ouvrages  et  où  il  mourut 
en  1716,  s  étant  permis,  d'ailleurs,  de  fréquents  voyages. 
Il  partage,  comme  on  le  sait,  avec  Newton,  l'honneu' 
de  la  découverte  du  calcul  infinitésimal,  mais  ce  n'est 
point  sous  ce  rapport,  ni  sous  celui  de  ses  idées  particu- 
lières que  nous  devons  le  considérer. 

Leibnitz  semble  avoir  donné  dans  le  cartésianisme,  et 
même  dans  le  petit  kabbalisme  des  Uose-Croix,  mais' il 
8*en  rôtira  très-vite.  Il  paraît  avoir  été  plus  éclectique 
que  beaucoup  d'autres  penseurs  de  sou  temps  avec  un 
fond  de  scolastique.  La  matière  telle  que  la  comprenait 
Descartes  ne  lui  parut  pas  être  l'exacte  représentation 
de  la  vérité  :  il  comprenait  que  des  lois  purement  ma- 
thématiques et  mécaniques  ne  pouvaient  expliquer  ce 
qui  lui  paraissait  être  partout  et  tout  à  la  fois  logique  et 
moral,  ou  dépendant,  comme  il  le  disait,  de  lois  éthico- 
hgiques;  et  en  somme,  la  métaphysique  gouverne  le 
monde.  Descartes  ne  voit  dans  la  nature  que  des  corps 
et  du  mouvement,  et  ce  sont  là,  suivant  Leibnitz,  de 
simples  phénomènes;  le  corps  n'est  qu'une  image  de  la 
substance,  le  mouvement  n'est  qu'une  image  de  l'ac- 
tion. Les  mathématiques  ne  rendent  compte  que  des 
lois  abstraites  de  la  possibilité  ;  elles  n'enseignent  rien 
de  réel  :  à  coté  d'elles  est  le  calcul  métaphysique  de  la 
contingence  et  de  la  finalité  qui  expliquent  seuls  la  réalisa- 
tion du  monde  intelligible.  Un  pas  de  plus,  et  son  dis- 
ciple Wolf  posera  la  réalité  dans  la  raison  suffisante,  qui 
n'est  qu'une  conséquence  de  ces  principes  et  qui  nous 
ramène  au  grand  argument  scolastique  des  convenientia. 
Cependant,  Leibnitz  revient  à  son  idée  que  la  matière 
ne  peut  être  conçue  que  comme  un  phénomène,  ses 
mouvements  également  ;  que  ce  sont  là  des  extensions 
d'une  cause  indivisible  comme  le  serail  un  point  mathé- 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  175 

matique  ;  et  que  c'est  à  ce  point  métaphysique,  véritable 
substance  première,  composé  de  matière  possible  et  de 
force,  qu'il  faut  rapporter  lotit  élément  concret  de  la 
nature;  c'est  là  ce  qu'il  nomme  une  monade.  Dans  cette 
conception,  l'âme  est  comme  un  point,  la  monade  de 
l'être  humain.  Reste,  il  est  vrai,  à  concevoir  l'union  et 
les  rapports  de  l'àme  et  du  corps,  de  l'esprit  et  de  la 
matière  :  Leibnitz  ne  les  peut  comprendre  que  comme 
l'effet  d'une  harmonie  préétablie  ;  et  c'est  ainsi  que  nos 
idées  intellectuelles  ne  viennent  pas  des  idées  sensibles, 
qu'elles  ne  sont  pas  des  effets  de  l'impression  comme  le 
dit  Locke,  mais  qu'elles  se  développent  dans  l  ame  par 
une  harmonie  préétablie  lorsque  les  sens  sont  impres- 
sionnés. Cette  théorie  rappelle  celle  de  la  cause  occa- 
sionnelle du  cartésianisme.  Sur  la  fin  de  ses  jours, 
Leibnitz  ne  s'y  tint  pas  et  proposa  de  revenir  à  la  doc- 
trine de  la  substance  telle  que  les  scolastiques  l'avaient 
professée.  «  Je  sais,  écrivait-il  à  Arnault,  que  j'avance 
un  grand  paradoxe  en  prétendant  réhabiliter  en  quel- 
que far;on  l'ancienne  philosophie,  et  de  rappeler  post 
limina  les  formes  substantielles  presque  bannies  ;  mais 
peut-être  qu'on  ne  me  condamnera  pas  légèrement, 
quand  on  saura  que  j'ai  assez  médité  sur  la  philosophie 
moderne,  que  j'ai  donné  bien  du  temps  aux  expériences 
de  physique  et  de  chimie,  et  aux  démonstrations  de  géo- 
métrie, et  quej'ai  été  longtemps  persuadé  de  la  vanité  de 
ces  êtresque  j'ai  été  enfin  obligé  de  reprendre  malgré  moi 
et  comme  par  force,  etc.  »  —  (Discours  de  métaphysique  à 
Arnault,  dans  les  Nouvelles  lettres  et  opuscules,  publié 
par  M.  Foucher  de  Careil;  Paris,  1857.)  De  même,  il 
soutenait  la  théorie  des  causes  finales  contre  le  carté- 
sianisme. (Ibid.) 

C'est  à  ces  trois  grands  philosophes,  Van  Helmont, 
Bescartes  et  Leibnitz  que  se  rattachent  les  trois  grandes 


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H1ST0IUE  DE  LA  MÉDECINE. 

écoles  médicales  issues  du  xvn*  siècle,  et  qui  se  prolon- 
geront dans  les  xvin*  et  xix*  siècles  :  Yiatro-chimie, 
ïiatro-mêcanique<  le  vitalisme  et  animisme. 

IV.  Ecole  iatro-chimiqub.  —  Sylvius  de  Le  Boê  ou 
Dubois  (Jacques),  né  en  1614,  mort  en  1672,  fut  le  prin- 
cipal fondateur  de  cette  école,  en  ce  sens  qu'il  fut  le 
premier  à  donner  tout  un  système  de  médecine  basé  sur 
la  chimie.  Il  faut  reconnaître  toutefois  que  les  adhé- 
sions de  Sennert,  de  Williset  d'autres  grands  médecins 
du  temps,  aux  explications  chimiques  favorisèrent  sin- 
gulièrement la  propagation  du  système. 

Sylvius  admettait,  comme  Paracelse  et  les  chimistes  du 
xvic  siècle,  les  trois  éléments  premiers  de  tout  corps,  le 
mercure,  le  soufre  et  le  sel;  mais  il  entendit  parler  des 
ferments  découverts  par  Van  Helmont  et  en  fît  la  base 
de  sa  conception  médicale.  Pour  lui  donc,  tous  les  phé- 
nomènes de  la  vie,  tant  à  l'état  de  santé  qu'à  l'état  de 
maladie,  pouvaient  s'expliquer  par  des  ferments  chimi- 
ques dispersés  dans  les  liquides  de  l'économie.  Le  sang- 
en  est  le  dépositaire  et  ils  s'y  contrebalancent  les  uns 
les'autres,  étant  alcalins,  sulfureux,  acides;  mais  les 
sécrétions  ont  pour  mission  de  les  séparer,  et  c'est  ainsi 
que  la  digestion  se  fait  par  les  ferments  de  la  salive,  de 
la  bile  et  du  sac  pancréatique.  Le  chyle  n'est  que  l'esprit 
volatil  des  aliments,  accompagné  d'une  huile  subtile  ou 
volatile  et  d'un  alcali  neutralisé  par  un  acide  affaibli. 
Tout  le  système  physiologique  est  sur  ce  modèle.  Pour 
les  maladies,  elles  viennent  des  àcretés  des  humeurs, 
alcalines  ou  acides,  de  diverses  espèces  :  les  causes  mor- 
bides ne  font  qu'accroître  l'alcalinité  ou  l'acidité  en  des 
sens  divers,  d'où  résultent  toutes  les  maladies.  La  thé- 
rapeutique n'a  dès  lors  pour  but  que  de  corriger  ces 
viciations  morbides,  de  corriger  des  àcretés  par  des 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  17? 

dulcifïants  ou  des  oléagineux,  des  acidités  par  des  alca- 
lins, ou  des  àcres-alcalins  par  des  acides  et  des  sels  vo- 
latils ;  les  purgatifs  expulsent  les  àcretés,  les  diaphoré- 
tiques  expulsent  ies  acides,  l'opium  et  les  narcotiques 
corrigent  les  acretés  de  la  bile,  etc. 

Il  est  inutile,  ce  semble,  d'entrer  dans  les  détails, 
nous  n'avons  besoin  que  de  saisir  l'ensemble  de  ces 
théories.  Du  reste,  Sylvius,  qui  était  né  à  Amsterdam  et 
qui  finit  par  y  retourner,  enseigna  avec  un  grand  suc- 
cès à  Leyde  et  y  lit  revivre  l'enseignement  clinique  au 
lit  du  malade,  à  l'hôpital»  L'immense  réputation  dont  il 
y  a  joui  aida  singulièrement  à  la  réputation  de  cette 
école  où  devait  bientôt  briller  Boerhaave. 

L'iatro-chimic  ainsi  lancée  eut  de  nombreux  adhérents 
et  aussi  de  nombreuses  variantes,  car  chacun  voulut 
l'interpréter  à  sa  manière.  Elle  se  propagea  en  Allema- 
gne et  en  Angleterre,  un  peu  plus  lentement  en  France 
où  l'école  cartésienne  lui  fit  subir  des  associations  avec 
l'iatro-mécanique,  moins  encore  en  Italie  et  pour  ainsi 
dire  à  peine  en  Espagne. 

Parmi  les  hommes  qui  se  sont  fait  un  nom  dans  celte 
école,  le  plus  célèbre  après  Sylvius  fut  Thomas  Willis, 
en  Angleterre,  né  en  1622,  mort  en  1675.  Son  système 
se  rapprochait  davantage  de  celui  de  Paracelse,  en  ce 
qu'il  admettait  les  trois  éléments  des  alchimistes  :  le  sel, 
le  soufre  et  le  mercure.  Mais  il  se  servuit  également  des 
ferments,  qu'il  considérait  comme  plus  généralement 
acides,  selon  les  idées  de  Van  Helmont,  ou  qu'il  déclarait 
malins,  les  faisant  venir  du  dehors  pour  expliquer  les 
maladies,  et  entre  autres  les  fièvres  rnaliynes,  fréquentes  à 
ce  moment.  11  admettait  aussi  des  esprits  vitaux  comme 
les  cartésiens,  et  les  considérait  comme  sécrétés  dans  le 
cerveau  par  une  sorte  de  distillation.  De  là  une  grande 
importance  attribuée  par  lui  au  système  nerveux.  La 

TOME  1XJMI.  —  SKPTKJjDRC  tSÏU.  12 


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178  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

thérapeutique  se  basait  sur  des  explications  analogues, 
mais  il  admettait  aussi  la  saignée  que  réprouvaient 
beaucoup  de  chimistes.  Il  eut  une  grande  influence  sur 
Sydenhum,  qui  partagea  quelques-unes  de  ses  idées. 

On  pourrait  citer  un  grand  nombre  d'adhérents  de 
celte  école  :  nous  nous  bornerons  aux  plus  marquants  : 

Guillaume  Croone,  médecin  à  Londres,  expliqua  les 
mouvements  des  muscles  par  l'effervescence  d'un  fluide 
nerveux:  premiers  débuts  du  nervosisme  que  nous  ver- 
rons se  développer  dans  le  siècle  suivant.  —  Martin 
Kerycr,  en  Allemagne,  prétendait  pouvoir  guérir  toutes 
les  mnladies  par  le  seul  usage  des  médicaments  chimi- 
ques. Otto  Tucheiiius,  en  Weslphalie,  lut  un  ardent  pro- 
pagateur et  fil  passer  ses  théories  en  Italie,  où  il  sé- 
journa longtemps.  —  A.  Porfius  fui  célèbre  à  Rome  el 
à  Naples,  —  L.  Tozzi  et  Musitanus,  à  Naples,  -  .A.  An- 
driùlli,  à  Vérone.      Ch.  Darbeyrac  hâta  de  concilier  les 
idées  de  Svlvius  avec  celles  de  Descartes.  —  F.  Cala» 
metta  fut  un  des  représentants  de  l'école  de  Sylvius  à 
Montpellier.  —  N.  de  Bli-jny  el  /.  Pascal,  à  Paris,  dé- 
veloppèrent la  doctrine  chimique,  et  le  premier  y  fonda 
une  académie  chimiatrique.   -  J.  Minât,  également  de 
Paris,  fut  un  des  meilleurs  écrivains  de  ce  système  qu'il 
appliqua  à  l'étude  des  lièvres. 

Cette  école  lut  combattue  par  les  autres  systèmes,  on 
le  comprend  ;  elle  fut  amalgamée  avec  l'ialro- mécanique 
par  dos  conciliateurs,  surtout  au  xvin*  siècle.  Son  plus 
grand  adversaire  fut  Robert  Boylc,  assez  partisan  de 
rialro-inéeaniquc,  et  qui  vint  spécialement  à  Paris  pour 
y  combattre  des  explications  chimiques. 

V.  Emu-:  i.viKo-MiocANiyi  E.  —  Le  développement  con- 
sidérable des  sciences  mathématiques  et  physiques  vers 
celle  époque  ne  pouvait  avoir  lieu  sans  tenter  les  méde- 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  179 

cins  de  s'en  servir  dans  leurs  explications  médicales  ; 
car  c'est  un  fait  à  ne  jamais  perdre  de  vue,  que  la  mé- 
decine a  toujours  retenti  des  systèmes  philosophiques 
et  scientifiques  en  vo^ue.  11  y  a,  dans  le  développement, 
général  des  sciences,  une  sorte  d'unité  à  laquelle  aucune 
ne  peut  échapper,  et,  du  moment  qu'un  progrès  s'est 
fait  dans  une  d'elles  par  une  méthode  ou  par  un  procédé 
quelconque,  il  va  de  soi  que  toutes  les  autres  appli- 
quent sur  leur  terrain  ce  qui  a  réussi  à  la  première  en 
avant  :  or,  Descartes  et  Pascal,  ensuite  Newton,  ont 
eu  trop  de  succès  dans  leurs  systématisations  philoso- 
phiques et  scientifiques,  pour  que  la  Médecine  ne  tentât 
pas  elle  aussi  d'expliquer  la  vie  et  les  maladies  par  la 
mécanique. 

Descartes  avait  donné  le  branle  aux  esprits,  en  éta- 
blissant que  l'âme  n'est  dans  l'homme  qu'un  moteur, 
que  même  les  animaux  ne  sont  que  des  machines,  et 
que  dans  tout  corps  vivant,  le  mécanisme  s'explique  par 
les  rouages. 

llorelli  semble  avoir  été  le  premier  à  faire  une  appli- 
cation sérieuse  des  mathématiques  et  de  la  mécanique  à 
la  médecine.  Né  h  Naples  en  1608,  il  vint  s'établir  à 
Pise  où  il  se  livra  aux  discussions  avec  ardeur,  moins 
pour  l'anatomie  elle-même  que  pour  s'expliquer  le  jeu 
mécanique  des  organes.  Le  premier,  du  reste,  il  con- 
nut mieux  que  tout  autre  les  fibres  musculaires  du 
cœur.  Après  un  séjour  à  Florence,  il  se  retira,  dans  les 
dernières  années  de  sa  vie,  à  Home,  où  il  mourut  à  l'âge 
de  soixante  et  onze  ans,  en  1679,  laissant  son  grand  ou- 
vrage qui  ne  parut  qu'une  et  deux  années  après  sa 
mort  :  De  motu  animalium,  pars  prima,  1680  ;  pars  altéra, 
1681.  Dans  la  première  partie,  iî  constate  le  raceourcis- 
sementdes  muscles  pendant  leur  contraction,  il  mesure 
leur  puissance  sur  leurs  points  d'insertion  et  sur  la  résis- 


180  HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE. 

tance  des  os,  il  les  compare  aux  (leviers  mécaniques.  Il 
en  fait  l'application  à  la  locomotion  et  au  vol  des  oi- 
seaux. Dans  la  seconde  partie,  il  examine  les  mouve- 
ments du  cœur,  du  poumon  et  de  la  respiration;  il  s'oc- 
cupe du  foie,  des  reins,  du  cerveau  et  de  la  nutrition. 

Beaucoup  de  médecins  italiens  donnèrent  dans  cette 
doctrine  et  la  développèrent  sur  des  points  divers,  sou- 
vent en  faisant  également  appel  à  la  chimie,  car  presque 
tous  admettaient  en  même  temps  des  esprits  vitaux  et  des 
ferments.  Mais  presque  tous  en  môme  temps  étaient 
plus  ou  moins  attachés  à  l'hippocralisme  ;  et  c'est  ainsi 
que  Lancisi,  Bellini ,  et  surtout  Baglivi  ont  été  non 
moins  hippocrato-galénistes  que  iatro-chimistes. 

Bellini,  né  en  16i3,  mort  en  1704,  fut  le  plus  brillant 
élève  de  Borelli  dont  il  suivit  les  leçons  à  Pise.  Ce  fut  lu 
qui  compara  les  sécrétions  à  des  liltrations,  et  qui,  par 
cela  même,  admettait  contrairement  à  la  vérité,  que  les 
liquides  sécrétés  sont  tout  préparés  dans  le  sang*.  Ce  futi 
lui  encore  qui  inventa  Y  obstruction  des  vaisseaux  pour 
expliquer  la  lièvre,  et  qui  soutenait  que  la  saignée  agit 
en  favorisant  la  circulation  et  rétablissant  l'élasticité  des 
vaisseaux.  11  eut  pour  disciple de  Sandri  qui  fut  pro- 
fesseur à  Padoue. 

Donzellini,  médecin  à  Venise,  fît  un  élégant  traité  sur 
l'application  des  mathématiques  à  la  médecine.  Guliel- 
mini  et  Lancisi  expliquaient  par  l'hydrostatique  les  phé- 
nomènes de  la  vie.  —  Dazzicaluve  de  Lucques  attribuait 
au  frottement  des  globules  du  sang  entre  eux,  la  cha- 
leur et  la  fermentation  du  sang.  —  Michelotti  tenta  de 
montrer  que  l'écoulement  des  liquides  est  en  raison  de 
la  densité  des  humeurs  et  du  diamètre  des  vaisseaux. 
—  Baglivi  par  son  traité  de  la  fibre  motrice  appartient 
aussi  à  ce  siècle,  mais  son  grand  travail  est  du  siècle 
suivant. 


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ÉTUDE  STTR  NOS  TRADITIONS.  181 

En  France,  Chirac,  contempteur  assez  éhonté  des  an- 
ciens, allia  l'iatro-mécanique  à  la  chimie;  il  eut  cepen- 
dant le  mérite  de  voir  l'inflammation  de  l'intestin  dans 
les  fièvres  graves.  —  CL  Perrault  donna  le  premier  une 
théorie  mécanique  de  la  phonation,  et  fut  suivi  par 
Dodart.  — Ce  ne  fut  guère  qu'au  xvmc  siècle  que  l'iatro- 
mécanique  se  répandit  en  France,  surtout  à  Mont- 
pellier. 

G.  Cole  tenta  d'allier  la  chimiatrie  à  l'iatro-méca- 
nique ;  partout  il  y  avait  une  tendance  au  syncrétisme. 
Il  étudia  la  circulation  et  expliqua  la  fièvre  par  une  ten- 
sion du  système  nerveux,  précédant  ainsi  avec  G, 
Croone  le  nervosisme  du  xvine  siècle. 

VJ.  Vitalisme  et  animisme.  —  Tout  en  acceptant  ce 
qu'apportaient  à  la  médecine  les  sciences  physiques, 
mathématiques,  mécaniques  et  chimiques,  des  médecins 
trouvî'ient  qu'on  faisait  trop  bon  marché  du  principe 
recteur  et  vivifiant  de  l'être.  Quelques  hommes  comme 
Pitcairn,  Cl.  Perrault  surtout,  relevaient  l'importance  de 
l'âme,  et  préparaient  ainsi  l'animisme  que  Stahl  allait 
même  illustrer.  En  parcourant  les  principaux  auteurs 
du  XV11"  siècle  ,  on  en  trouverait  un  certain  nom- 
bre dans  tous  les  camps,  émus  d'une  pensée  ana- 
logue, et  qui  ne  faisaient  que  préparer  les  esprits  à  la 
grande  réaction  vitaliste  du  xvine  siècle.  Van  Hel- 
mont,  Plempius,  Ettmuller,  Sylvius  même,  Riolan, 
et  beaucoup  d'autres  sont  dans  ce  sens. 

Ici  cependant,  après  Van  Helmont  que  nous  avons 
cité  pour  son  archée,  après  Cl.  Perrault  qui  écrivit  spé- 
cialement sur  l'âme,  nous  devons  citer  Glhson  qui  na- 
quit en  Ang-leterre  vers  1610,  prit  le  bonnet  de  docteur 
à  Cambridge  en  1635,  et  devint  président  du  collège 
royal  à  Londres,  où  il  mourut  en  1677.  Il  fut  surtout 


182  HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE. 

célèbre  pour  son  traité  sur  le  rachitisme,  et  pour  son 
anatomie  du  foie  :  il  l'est  non  moins  pour  son  Tractati/t> 
de  natura  substantiœ  energetica,  seu  de  vita  naturœ,  ejusquc 
tribus  primis  facultatibm,  Londini,  1672.  C'est  dans  ce 
livre  qu'il  établit  contrairement  au  cartésianisme,  que 
tout  corps  et  tout  être  qui  se  meut  par  soi-même  doit 
avoir  un  principe  intérieur,  une  force  propre  ou  fonda- 
mentale,  à  laquelle  en  est  jointe  une  seconde  énergé- 
tique qui  est  la  faculté  de  mouvement  et  de  communi- 
cation avec  l'intérieure;  une  enfin,  additionnelle  ou  de 
conscience,  qui  procure  les  qualités  accidentelles  de 
l'être.  C'est,  dit  Glisson,  un  grave  tort  d'admettre  avec 
les  cartésiens  que  tout  se  meut  du  dehors  :  ce  dehors  ne 
procure  que  l'occasion  des  désirs  et  des  mouvements; 
un  principe  intérieur  explique  seul  l'activité  propre  des 
êtres  et  des  corps.  Il  y  a  bien  des  esprits  vitaux  comme 
le  disent  les  cartésiens,  et  les  fibres  irritables  entrent  en 
action  sous  l'influence  de  l'innervation  qu'ils  reçoivent 
du  cerveau  ;  on  peut  dire  même  que  toutes  les  parties 
ont  une  sorte  d'irritabilité  vitale  et  animale  :  mais 
comme  le  mécanisme  d'une  machine  n'explique  que  le 
jeu  de  la  machine,  non  pas  son  action,  ainsi,  l'âme  seule 
peut  expliquer  la  vie. 

Il  y  a  dans  Glisson  beaucoup  de  réminiscences  scolas- 
tiques  présentées  sous  un  nouveau  jour,  qui  durent 
n'être  pas  comprises  de  son  temps,  et  sur  lesquelles  on 
ne  s'est  arrêté  que  beaucoup  plus  tard,  mais  qui  n'ai- 
dèrent pas  moins  sourdement  à  préparer  la  réaction 
vitaliste  dont  nous  parlerons  plus  tard. 

VII.  Mouvement  général  des  doctrines  a  la  pin  du 
siècle.  —  Si  nous  voulons  nous  rendre  compte  du 
mouvement  doctrinal  du  xvn"  siècle  dans  son  en- 
semble, ce  qu'il  avait  produit  et  à  quoi  il  allait  aboutir 


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ÉTUDE  SI  R  NOS  TRADITIONS.  V83 

dans  ce  moment  final  où  il  allait  transmettre  la  vie  à 
une  nouvelle  période  séculaire,  nous  devons  envisager 
le  triomphe  incomplet  du  bnco  cartésianisme. 

Pour  ce  qui  était  du  passé,  il  n'en  restait  pour  ainsi 
dire  plus  qu'une  ombre  et  un  souvenir,  mais  il  faut 
l'avouer  un  souvenir  vivaee  qui  faisait  jeter  des  cris  de 
regrets  à  Leibnitz,  qui  conseillait  Perrault,  que  forti- 
fiaient Van  Helmont  et  Glisson,  et  qui  allait  bientôt 
enfanter  l'animisme  de  Stahl,  et  le  nouveau  vitalisme. 
Mais,  il  faut  en  convenir,  cette  vieille  doctrine  des 
quatre  causes  (formelle,  matérielle,  efficiente,  et  finale), 
à  laquelle  avait  travaillé  toute  la  philosophie  grecque, 
qui  s'était  épurée  avec  la  philosophie  chrétienne,  et  qui 
s'était  enfin  formulée  dans  Albert-le-Grand  et  les  sco- 
lastiques,  cette  doctrine  était  h  terre,  et  ne  vivait  plus  que 
chez  quelques  théologiens.  La  science  nouvelle  faisait 
table  rase  de  celte  ancienne  métaphysique,  et  en  méde- 
cine la  doctrine  étiologique  de  Galien  était  elle-même 
surannée,  et  cédait  devant  les  théosophes  spéeificiens 
ou  devant  les  chimistes  et  les  mécaniciens. 

Ce  qui  dominait  c'était  ce  fond  de  la  pensée  carte* 
sienne  qu'il  n'y  a  dans  la  nature  que  de  la  matière  et 
du  mouvement,  et  que  toutes  les  causes  se  réduisent  aux 
conditions  extérieures  de  f  action.  Étudier  les  mouvements 
de  la  nature  et  de  la  vie  dans  leurs  successions,  dans 
leur  enchaînement,  trouver  les  règles,  ou  pour  employer 
le  langage  nouveau,  les  lois  de  ces  mouvements  dans 
leurs  moments  mathématiques  et  dans  leurs  conditions 
de  production,  devait  être  dorénavant  toute  la  science. 
Cette  doctrine  triomphait  à  la  fin  du  xvne  siècle,  elle 
devait  dominer  le  xvme  siècle  et  jusqu'à  nous;  non 
pas  il  est  vrai  d'un  triomphe  absolu,  et  sans  conteste, 
car  le  vitalisme  et  le  spéeificisme  étaient  attachés  à  ses 
flancs:  mais  d'un  triomphe  qu'acclamait  une  majorité 


184  HISTOIRE  DR  JA  MEDECINE. 

pou  tolérante,  car  malgré  ses  apparences  doucereuses, 
le  cartésianisme  fut  toujours  intolérant. 
•  Nous  devons  bien  voir  d'ailleurs  que  l'opposition 
contre  laquelle  luttait  et  lutte  encore  désespérément 
cette  doctrine,  avait  sa  raison  d'être  facile  à  justifier. 
On  ne  disconvient  pas  qu'il  y  avait  des  obscurités  dans 
l'ancienne  doctrine,  et  qu'on  n'y  avait  peut-être  pa« 
fait,  soit  à  propos  des  causes  efficientes,  soit  à  propos 
des  causes  matérielles,  une  part  assez  larg'e  au  méca- 
nisme du  mouvement.  La  théorie  de  la  cause  instru- 
mentale qui  ag-it  soit  dans  la  génération,  soit  dans  le 
développement  du  mouvement  était  dans  l'enfance;  on 
ne  comprenait  pas  bien  ce  qu'on  a  nommé  depuis  une 
fonction,  fonction  mathématique,  fonction  mécanique, 
fonction  chimique,  fonction  vitale.  11  y  a  eu  là  un  élé- 
ment de  progrès.  Mais  d'un  autre  côté,  la  fonction  ou 
les  conditions  extérieures  n'expliquent  qu'une  partie  des 
choses,  comme  le  disait  si  bien  Glisson,  et  c'était  un 
grave  tort  dans  la  doctrine  nouvelle  d'admettre  que 
tout  mouvement  est  absolument  communiqué  du 
dehors. 

Sans  doute,  que  tout  être,  tout  corps,  tout  org-ane, 
toute  entité  abstraite  même  a  sa  fonction,  et  que  cette 
fonction  s'exécute  en  de  certaines  conditions  extérieures  : 
mais  il  y  a  en  outre  les  conditions  propres  de  l'être  qui 
accomplit  le  mouvement,  et  ces  conditions  ne  résident 
pas  seulement  dans  le  mécanisme  de  cet  être.  Pour  que 
l'être  ait  une  fonction,  il  faut  qu'il  ait  l'être,  sa  vitalité 
particulière,  générique,  spécifique,  propre.  Tout  réduire 
dans  l'être  à  une  fonction  dépendant  d'un  mécanisme 
et  des  conditions  extérieures,  c'est  réellement  suppri- 
mer l'être,  c'est  dire  qu'il  n'existe  pas,  c'est  tout  réduire 
dans  la  nature  à  des  nœuds  d'activité  se  faisant  et  se 
défaisant  dans  des  tourbillons  incessamment  variables, 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  185 

sans  pouvoir  expliquer  comment  même  peuvent  se 
faire  et  se  défaire  ces  existences. 

Aujourd'hui  que  cette  doctrine  en  est  arrivée  là  à  ses 
dernières  conséquences  (1)  qu'on  n'entrevoyait  que  sous 
Descartes,  le  simple  bon  sens  est  révolté.  On  a  beau 
nous  dire  que  rien  ne  périt  de  la  matière  et  de  la  force, 
et  qu'il  suffit  de  connaître  les  conditions  vitales  d'un 
être  pour  expliquer  sa  vie  :  ce  sont  là  de  véritables 
enfantillages.  Et  quand  il  serait  vrai  que  la  matière  ne 
se  perd  pas;  ce  qui  d'ailleurs  est  purement  hypothéti- 
que, car  on  n'a  jamais  pesé  la  terre  à  deux  fois,  à  deux 
mille  ans  de  date  seulement!  Et  quand  il  serait  vrai  que 
les  forces  se  transmettent  les  unes  dans  les  autres  sans 
déperdition;  ce  qui  encore  est  hypothétique,  car  il  y  a 
une  foule  de  déperditions  partielles,  et  on  ne  peut  sou- 
tenir cette  thèse  que  grosso-modo  !  Mais  l'être  ne  peut  s'ex- 
pliquer sans  un  principe  intérieur  de  vitalité.  La  vie  ne 
procède  que  de  la  vie  ;  on  n'a  jamais  vu  des  conditions 
extérieures  matérielles  engendrer  une  vitalité;  et  toutes 
les  conditions  de  la  vie  sont  causes  conditionnelles,  non 
pas  causes  substantielles.  C'est  un  sophisme  révoltant 
de  dire  :  l'air  est  condition  de  la  vie,  donc  il  en  est  la 
cause  substantielle;  l'aliment  est  une  condition  de 
l'existence,  donc  c'est  l'o liment  qui  fait  l'existence.  Le 
bon  sens  veut  bien  qu'un  mouvement  soit  transmis, 
mais  il  exige  que  cette  transmission  se  fasse  à  quelqu'un 
ou  à  quelque  chose  ;  il  accepte  bien  qu'une  condition 
soit  nécessaire  à  un  acte,  mais  il  n'admet  jamais  que 
cette  condition  fasse  l'acte  parce  qu'elle  lui  est  néces- 
saire. 

Toutefois,  on  ne  peut  se  dissimuler  que  cette  idée  de 

(4)  Cf.  Buchner,  Force  et  matière;  Sluart-Mill  ;  Moleschott  ;  Taine, 
VlHtelligenc*. 


186  HISTOIRE  DE  LA  MKDECINE. 

la  fonction  des  êtres,  des  choses  el  des  organes,  idée  qui 
ne  s'est  dég*ag-ée  qu'avec  le  temps,  a  été  une  des  plus 
lumineuses  que  le  cartésianisme  ait  fournies.  On  en  a 
très-justement  tiré  ce  qu'il  y  a  de  bon  dans  l'ornant* 
cisme,  et  on  a  constitué  en  son  nom  une  somme  consi 
dérable d'études  très-utilcsen  médecine,  comme  nous  le 
montrerons  au  siècle  suivant.  Sous  l'erreur  cartésienne 
reposait  une  grande  vérité  qui  a  fait  son  chemin;  et  ici 
comme  dans  beaucoup  d'autres  cas  analogies,  le  faux 
s'est  trouvé  le  véhicule  du  vrai  :  la  théorie  de  la  fonc- 
tion s'est  dégagée  du  mécanicisme  matérialiste,  et  en 
poursuivant  la  théorie  des  conditions  d'existences,  on  a 
mieux  compris  le  rôle  des  causes  matérielles  et  effi- 
cientes. 

A  la  fin  du  xvn'  siècle,  on  voyait  plus  ou  moins  nette- 
ment, pas  aussi  clairement  qu'aujourd'hui  peut-être,  où 
aboutissait  le  cartésianisme  :  on  le  voyait  assez,  toute- 
fois, pour  réagûr  :  et  contre  lui  s'élevaient  tous  ceux  qui 
soutenaient  avec  raison  que  l'existence  nécessite  un 
principe  d'être.  De  là,  cette  réaction  des  animistes  ou 
des  vitalistes  dont  nous  verrons  les  efforts  dans  les  siè- 
cles suivants. 

Quant  au  baconisme  qui  supprimait  tonte  causalité, 
et  ne  voulait  plus  que  les  lois  déduites  de  l'observation 
et  de  l'expérience,  les  cartésiens  s'y  rattachaient  et  le 
faisaient  vivre  dans  la  limite  où  il  leur  était  favorable; 
beaucoup  d'observateurs  se  paraient  de  ses  apoplitheg1- 
mes  pour  se  débarrasser  des  ennuis  de  raisonner;  mais 
tout  homme  raisonnable  devait  en  rire. 

Cependant,  on  ne  peut  disconvenir  que  l'union  du 
baconisme  et  du  cartésianisme,  en  enlevant  toute  doc- 
trine sérieuse  des  causes,  n'ait  jeté  les  esprits  dans  un 
grand  trouble  et  n'ait  favorisé  dans  les  sciences  une 
sorte  d'éclectisme  sceptique  dans  lequel  on  n'accepte 


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ÉTUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION.  187 

plus  que  ce  qui  parle  aux  sens  ou  ce  qui  flatte  une  rai- 
son sans  boussole.  De  là  tant  de  confusions,  tant  de 
mélanges  clans  les  théories  ultérieures,  et  tout  à  la  fois 
d'intolérance  dans  les  esprits. 

F.  Frédault. 

—  La  suite  ou  prochain  numéro.  — 


PHYSIOLOGIE  EXPÉRIMENTALE 


ÉTUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION 

—  SU4TK  — 

IV 

Des  effets  de  l'abstinence  complète  sur  la  respiration. 

La  respiration  tend  graduellement  à  se  ralentir  à  me- 
sure que  l'inanitiation  fait  des  progrès.  Dès  le  troisième 
jour,  le  changement  est  sensible.  Si  un  animal  a  30  in- 
spirations par  minute  à  l'état  physiologique,  il  n'en  a 
plus  que  28  le  quatrième  jour  de  jeûne,  25  le  huitième 
jour;  et  ainsi  la  respiration  baisse  dans  la  proportion 
de  5  :  4.  Le  jour  de  la  mort,  à  mesure  que  le  refroidis- 
sement inanitial  fait  des  progrès,  elle  se  ralentit  au 
point  de  ne  plus  donner  que  10,  6,  4  inspirations  à  la 
minute.  Toutefois ,  nous  avons  souvent  remarqué 
qu'au  moment  de  la  mort ,  les  mouvements  respira- 
toires s'accéléraient,  devenaient  irréguliers,  inégaux, 
quoique  l'inspiration  et  l'expiration  eussent  encore  lieu, 
la  fonction  de  l'hématose  ne  paraissait  plus  s'exécuter. 

Il  était  intéressant  de  rechercher  quelles  modifications 
apportait  l'abstinence  d'aliments  dans  les  phénomènes 


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188  PHYSIOLOGIE  EXPERIMENTALE. 

chimiques  delà  respiration.  Scharling,  dans  un  remar- 
quable travail  {Recherches  sur  la  quantité  d'acide  carbo- 
nique expiré  par  l homme  dans  les  vingt-quatre  heures,  in 
Annales  de  chimie  et  de  physique,  3e  série,  t.  VIII,  1 843}, 
a  démontré  que  l'homme  adulte,  dans  sa  respiration, 
brûle  plus  de  carbone  lorsqu'il  a  mangé  que  quand  il 
est  soumis  à  l'abstinence.  MM.  Valentin  et  Vierordtont 
fait  sur  eux  les  mômes  expériences.  L'inanitiation,  en 
supprimant  le  renouvellement  des  matériaux  de  la  com- 
bustion, diminue  progressivement  la  proportion  d'acide 
carbonique  exhalé  par  le  poumon;  et  cette  diminution 
est  d'autant  plus  forte,  que  la  mort  est  plus  proche. 
MM.  Pettenhofer  et  Voit  ont  privé  d'aliments  un  chien 
de  33  kilogrammes  pendant  dix  jours;  il  perdit,  pen- 
dant ce  temps,  3  kilogrammes  de  son  poids.  Lorsqu'il 
était  a  l'état  normal,  il  exhalait  en  vingt-quatre  heures 
300  grammes  d'acide  carbonique;  pendant  son  jeûne 
forcé,  la  quantité  d'acide  expiré  fut  réduite  à  200  gram. 
On  lui  donna  alors  1  kilogr.  de  viande  et  350  grammes 
de  graisse  ;  dans  les  vingt-quatre  heures  suivantes,  il 
perdit  800  grammes  d'acide  carbonique  par  exhalation. 
L'homme  adulte  brûle,  en  moyenne,  225  grammes  de 
carbone  en  vingt-quatre  heures  à  l'état  d'alimentation 
ordinaire;  dans  l'inanition,  cette  quantité  est  réduite 
de  près  d'un  tiers. 

MM.  Regnault  et  Reizet  [Recherches  chimiques  sur  la  res- 
piration des  animaux  des  diverses  classes ,  in  Annales  de 
chimie  et  de  physique,  3"  série,  t.  VI,  1849)  ont  établi  les 
faits  suivants  : 

«  Quand  les  animaux  sont  à  l'inanition,  le  rapport 
entre  l'oxygène  contenu  dans  l'acide  carbonique  et  l'oxy- 
gène total  consommé  est  à  peu  près  le  même  que  celui 
qu'on  obtient  pour  le  même  animal  soumis  au  régime 
de  la  viande;  il  est  cependant,  en  général,  un  peu  plus 


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ÉTUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION.  189 

faible.  L'animal  à  l'inanition  ne  fournit  à  la  respiration 
que  sa  propre  substance,  qui  est  de  la  même  nature  que 
la  chair  qu'il  mange  lorsqu'il  e§t  soumis  au  régime  de 
la  viande.  Tous  les  animaux  à  sang-  chaud  présentent 
donc,  lorsqu'ils  sont  à  l'inanition,  la  respiration  des  ani- 
maux carnivores. 

«  Au  lieu  d'exhaler  de  l'azote,  comme  c'est  la  règle, 
les  animaux  inanitiés  en  absorbent  une  certaine  quan- 
tité, et  la  proportion  d'azote  absorbé  varie  entre  les 
mêmes  limites  que  celle  de  l'azote  exhalé  dans  le  cas  où 
ils  sont  soumis  à  leur  régime  habituel.  » 

Nous  devons  dire,  toutefois,  que  cette  absorption  de 
l'azote  n'a  pas  été  constatée  chez  tous  les  sujets  ;  quel- 
ques mammifères  paraissent  ne  pas  en  absorber. 

V 

Des  effets  de  l'abstinence  complète  sur  la  chaleur  animale. 

La  chaleur  animale,  résultat  des  diverses  oxydations 
qui  s'accomplissent  dans  l'organisme,  varie  d'une  ma- 
nière sensible,  mais  passagère,  chez  le  même  individu, 
selon  les  conditions  dans  lesquelles  il  se  trouve  placé. 
Ainsi,  elle  s'accroît  par  le  calorique  ambiant,  par  les 
mouvements,  les  exercices,  les  aliments,  etc.  Cependant, 
à  l'état  physiologique,  la  chaleur  animale  éprouve  cha- 
que jour  une  variation  régulière.  Elle  s'abaisse  chaque 
nuit  et  se  relève  pendant  le  jour,  et  cette  oscillation, 
régulière  et  quotidienne,  est  indépendante  de  la  tempé- 
rature et  de  la  saison.  Il  y  a  une  différence  d'un  degré 
entre  la  chaleur  de  midi  et  celle  de  minuit.  Boussin- 
gault  a  vérifié  le  fait  sur  les  oiseaux,  et  Scharling  sur 
('homme.  Cet  abaissement  de  température  coïncide 
avec  une  diminution  dans  la  quantité  d'acide  carbonique 
exhalé. 


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190  PHYSIOLOGIE  EXPÉRIMENTALE. 

Examinons  ce  qui  se  passe  dans  l'état  d'inanitiation. 
Chossat  a  jeté  une  vive  lumière  sur  ce  point  par  ses 
expériences  multipliée*  et  minutieuses.  Nous  avons 
vérifié  sur  nos  animaux  mammifères  les  résultats  que 
lui  avaient  fournis  les  oiseaux.  Nous  avons  vu  que  la 
chaleur  animale  à  midi  est  un  peu  plus  basse  qu'à 
l'état  d'alimentation  normale,  et  que  cet  abaissement 
de  température  tend  toujours  à  s'accroître  à  mesure 
que  la  diète  se  prolonge,  mais  en  restant  toujours  peu 
considérable,  car  c'est  à  peine  s'il  y  o  un  degré  de 
différence. 

Quant  au  refroidissement  de  la  nuit,  nous  le  trou- 
vons de  beaucoup  plus  marqué  que  celui  du  jour.  Au 
lieu  d'un  degré,  comme  dor.linaire,  l'oscillation  quoti- 
dienne a  une  amplitude  g'raduellement  croissante  a 
mesure  que  le  jeûne  se  prolong-e  :  elle  arrive  a  être 
trois,  quatre,  et  même  près  de  cinq  fois  aussi  grande 
qu'à  l'état  physiologique.  Ainsi,  on  voit  la  température 
de  la  nuit  être  successivement  de  i,  de  2,  puis  de  3  de- 
grés, et  même  davantage  au-dessous  de  celle  de  midi, 
pour  remonter  le  jour  au  point  où  elle  était  la  veille. 
Nous  devons  faire  la  remarque  que  le  dernier  jour  de 
l'inanitiation  n'est  pas  entré  en  ligne  de  compte;  nous 
en  parlerons  à  part. 

Les  heures  de  midi -et  de  minuit  sont  les  époques  du 
maximum  et  du  minimum  de  la  chaleur  animale;  mais 
la  réaction  diurne  n'attend  pas  ces  heures-là  pour  se 
développer.  Vers  le  jour,  la  chaleur  commence  à  re- 
monter progressivement,  et  vers  le  soir,  elle  s'abaisse 
par  degré;  plus  le  jeûne  se  prolonge,  plus  tôt  le  refroi- 
dissement commence  dans  l'après-midi,  et  plus  tard,  il 
se  continue  dans  la  matinée. 

Le  dernier  jour  de  l'inanitiation  doit  surtout  fixer 
notre  attention.  La  caloritlcation  diminue  rapidement. 


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ÉTUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION.  191 

Le  jour  de  la  mort,  le  refroidissement  est  à  peu  près 
d'un  degré  par  heure. 

L'abaissement  total  de  la  chaleur  depuis  le  premier 
jour  jusqu'à  la  mort  a  été  de  12  à  15  degrés,  et  la 
température  de  ranimai  au  moment  de  la  mort  a  été 
généralement  et  indifféremment  entre  18  et  28  degrés, 
rarement  au-dessus.  Il  est  à  remarquer  que  c'est  le 
degré  d'abaissement  auquel  parviennent  les  animaux 
qu'on  fait  périr  dans  les  mélanges  réfrigérants. 

En  résumé,  l'inanitialion  a  pour  efïel  d'accroître  pro- 
gressivement l'oscillation  quotidienne  de  la  chaleur, 
jusqu'à  ce  que  le  refroidissement  devienne  tel  que  la 
réaction  diurne  ascensionnelle  ne  puisse  plus  s'opérer. 
Alors  l'animal  périt. 

Quelques  exemples  que  nous  connaissons  prouvent 
que  ces  faits  s'appliquent  aussi  aux  hommes.  Les  mi- 
neurs du  Bois-Mouzil  souffrirent  cruellement  du  froid. 
Guislain  fail  remarquer  l'abaissement  de  la  chaleur 
animale  chez  les  fous  inanitiés.  Desbarreaux  note  que 
la  température  du  corps  de  G  ramé  était  descendue  à 
23  degrés.  Enfin,  de  Meersman,  dans  un  mémoire  sur 
la  fièvre  de  famine  qui  a  sévi  dans  la  Belgique  en  1847, 
dit  qu'aussitôt  que  les  froids  de  l'hiver  se  firent  sentir, 
les  malheureux  qui  n'avaient  qu'une  nourriture  insuffi- 
sante mouraient  presque  subitement  et  tombaient  de 
toutes  paris  et  en  si  grand  nombre  que  le  pays  s'en 
émut.  La  température  de  leur  corps  s'abaissait  jusqu'à 
25  et  même  20  degrés. 

VL 

Des  effets  de  l'abstinence  complète  sur  les  sécrétions. 

Dans  l'état  d'humiliation,  les  sécrétions  qui  ne  sont  pas 
nécessaires  à  la  vie  de  l'individu,  comme  le  lait,  les 


102  PHYSIOLOGIE  EXPÉRIMENTALE. 

menstrues,  le  sperme,  etc.,  se  suppriment.  Les  autres 
diminuent  d'activité. 

La  salive  est  en  moindre  quantité;  souvent  la  langue 
se  couvre  d'un  enduit  jaunâtre  et  devient  desséchée  ; 
quelquefois  elle  reste  nette  et  humectée  jusqu'à  la  fin. 
L'animal  laisse  parfois  à  l'agonie  une  bave  écumeuse. 
Quant  à  l'haleine,  elle  exhale  toujours  une  odeur  exces- 
sivement fétide. 

Les  sucs  gastrique  et  pancréatique  ne  sont  sécrétés 
que  dans  les  premiers  jours,  et  encore  en  proportion 
de  plus  en  plus  petite;  nous  savons  déjà  qu'ils  ne  le 
sont  plus  lorsque  la  privation  d'aliments  continue. 

La  bile  est  le  seul  produit  qui  soit  sécrété  avec  assez 
d'activité.  On  en  trouve  dans  la  cavité  stomacale  et  dans 
le  tube  intestinal  ;  la  diarrhée  qui  survient  le  jour  de 
la  mort  n'est  fournie  que  par  des  matières  bilieuses. 
L'estomac  contient  toujours  une  matière  d'un"  jaune 
verdàtre,  visqueuse,  que  l'on  rencontre  aussi  dans  toute 
la  longueur  des  intestins,  plus  ou  moins  modifiée,  et 
d'autant  plus  consistante  et  épaisse  qu'elle  se  rap- 
proche de  l'anus.  L'analyse  a  fait  reconnaître  dans  cette 
matière  prise  dans  l'intestin  une  certaine  quantité 
d'acide  cholalique,  de  la  taurine,  de  la  dislysine,  de 
l'albumine,  des  sels  et  de  l'eau.  La  vésicule  biliaire  est 
toujours  distendue  par  de  la  bile  jaune,  liquide.  Ces 
faits  prouvent  que  la  sécrétion  de  la  bile  ne  tarit  pas. 

MM.  Bidder  et  Schmidt  ont  constaté  que  dans  l'ina- 
nition la  quantité  des  matériaux  solides  de  la  bile  dimi- 
nuait assez  rapidement,  sans  cependant  être  complète- 
ment réduite  à  néant.  On  trouve  encore  des  proportions 
notables  d'acide  glycocholique,  d'acide  taurocholique, 
de  taurine,  de  cholestérine  dans  la  bile  des  animaux 
après  dix  à  douze  jours  de  jeune.  La  glucose  se  ren- 
contre dans  le  foie  à  toutes  les  périodes  de  l'inanitiation. 


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ÉTUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION.  195 

Le  premier  jour  d'abstinence,  l'excrétion  des  fèces 
se  fait  comme  à  l'état  normal.  Ces  fèces  sont  assez 
copieuses,  parce  qu  elles  contiennent  le  résidu  de  l'ali- 
mentation des  jours  précédents.  Les  jours  suivants  et 
jusqu'à  l'anté-pénultième,  elles  sont  en  petite  quantité, 
dures,  brunâtres.  L'avant-dernier  jour,  la  perte  devient 
presque  aussi  forte  que  le  premier,  car  l'animal  est 
pris  d'une  diarrhée  colliquative.  Rien,  sauf  l'âge,  n'a 
paru  avoir  sur  la  durée  de  la  vie  une  influence  compa- 
rable à  celle  de  la  quantité  de  fèces,  car  la  durée  de  la 
vie  est  en  raison  inverse  de  la  quotité  relative  des  excré- 
tions. 

Abondantes  le  premier  jour,  les  urines  deviennent  de 
plus  en  plus  rares;  elles  sont  limpides,  peu  colorées, 
peu  chargées  de  principes  constitutifs.  Nous  y  avons 
retrouvé  de  l'urée,  de  l'acide  urique,  des  phosphates, 
des  chlorures,  mais  en  petites  proportions.  Les  urines 
des  herbivores  deviennent  acides. 

Les  articulations  contiennent  encore  de  la  synovie;  les 
séreuses  ne  sont  pas  desséchées,  comme  on  l'a  dit;  nous 
les  avons  toujours  vues  lubréfîées  par  la  sérosité,  mais 
en  comparant  un  sujet  tué  à  l'état  normal  avec  un 
sujet  mort  d'inanition,  on  reconnaît  qu'il  y  a  chez  ce 
dernier  une  grande  diminution  dans  la  quantité  de 
liquide.  Toutefois,  et  cela  à  cause  de  l'altération  du 
sang,  on  constate  quelquefois  des  épanchements  sé- 
reux, soit  dans  le  péricarde,  soit  dans  l'abdomen,  soit 
dans  les  mailles  du  tissu  cellulaire  des  extrémités  infé- 
rieures. 

On  trouve  chez  les  inanitiés  les  sécrétions  de  la  peau 
profondément  modifiées.  La  perspiration  cutanée  n'est 
pas  appréciable  ;  la  peau  devient  sèche,  semblable  à  du 
parchemin  ;  elle  se  couvre  d'une  couche  de  poussière 
noirâtre,  exhalant  une  horrible  fétidité,  qui  s'accumule, 

TOME  IXXW.  —  SEPTEMBRE  lfyTO.  U> 


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194  MÉDECINE  PRATIQUE. 

se  concrète  et  ne  peut  pas  s'enlever;  malgré  les  lotions 
et  les  frictions.  Dans  ces  conditions,  la  peau  laisse  à  la 
main  qui  la  touche  une  impression  âcre,  mordicante  et 
l'imprègne  d'une  odeur  repoussante. 

Avec  l'altération  des  cellules  épidermiales  coïncide  la 
chute  des  poils;  tous  nos  animaux  en  ont  perdu  une 
quantité  considérable. 

Dr  Bourgeois. 

—  La  soile  au  prochain  numéro.  — 


MÉDECINE  PRATIQUE 


LEÇONS  CLINIQUES  DU  D'  JOUSSET. 

RÉDIGÉES  PAR  LE  Dr  JABLONSKI. 

DEUXIEME  LEÇON . 

—  SUITE  — 

Messieurs,  il  me  reste  donc  à  vous  parler  du  traite- 
ment de  la  phthisie  pulmonaire.  Mais  avant  d'aborder 
cette  question  intéressante,  il  importe  de  déterminer 
l'influence  du  climat,  du  régime  et  de  la  nourriture  sur 
le  développement  de  celte  maladie. 

L'étiologie  de  la  phthisie  a  subi  comme  les  autres 
branches  de  la  pathologie,  les  violences  de  l'esprit  de 
système  et  a  été  défigurée  par  la  manie  des  explications. 

Laënnec  ayant  observé  que  la  phthisie  était  relative» 
ment  rare  dans  quelques  localités  des  côtes  de  la  Bre- 
tagne, enseignait  que  les  tuberculeux  se  rencontrent 
en  petit  nombre  sur  les  bords  de  la  mer.  Il  en  avait 
conclu  à  l'efficacité  de  l'air  marin  comme  prophylac- 
tique de  la  phthisie;  il  mettait  du  goémon  dans  les 


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leçons  cliniques.  Km 

salles  des  phthisiques  et  conseillait  les  voyages  sur  mer 
comme  traitement  de  la  maladie. 

Voilà  le  système  et  maintenant  voici  la  vérité  :  les 
habitants  des  côtes  de  Normandie  sont  décimés  par  la 
phthisie  et  les  marins  succombent  en  grand  nombre  à 
cette  maladie. 

Un  grand  nombre  de  médecins  considèrent  la  cha- 
leur comme  une  condition  essentielle  à  la  prophylaxie 
de  la  phthisie,  et  ils  envoient  leurs  malades  dans  le 
midi  de  l'Europe  dont  certaines  régions  sont  infectées 
de  phthisiques,  tandis  que  la  Suède,  la  Laponie  et 
l'Islande  connaissent  à  peine  cette  maladie. 

Nous  ferons  ici  de  l'étiologie  positive,  c'est-à-dire  que 
nous  dirons  seulement  ce  qui  est  certain  sur  la  prophy- 
laxie, et  pour  ce  que  nous  ignorons  encore,  nous 
l'avouerons  simplement. 

La  phthisie  est  donc  inconnue  dans  l'extrême  Nord; 
on  dit  qu'elle  est  également  très-rare  chez  les  nègres 
du  centre  de  l'Afrique,  mais  ajoutons  que  les  rensei- 
gnements sur  cette  contrée  sont  très-peu  certains  et  que 
les  régions  de  l'Amérique  et  de  l'Océanie  situées  sous  la 
même  latitude  que  la  Nigritie  sont  très-fécondes  en 
phthisiques. 

En  résumé,  nous  ne  savons  qu'une  seule  chose  cer- 
taine au  sujet  des  influences  climatériques  sur  la  pro- 
duction de  la  phthisie,  c'est  que  dans  l'extrême  Nord 
cette  maladie  disparaît,  qu'elle  est  très- fréquente  dans 
la  région  moyenne  de  l'Europe,  qu'elle  diminue  beau- 
coup en  Afrique  et  qu'elle  est  très-commune  au  Brésil 
et  dans  les  îles  de  l'Océanie. 

L'influence  de  V altitude  doit  être  rapprochée  de  celle 
du  climat.  En  s'élevant  dans  les  régions  alpestres, 
quand  on  atteint  une  température  comparable  à  celle 
de  la  Laponie,  la  phthisie  disparaît  également  ;  elle 


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M  MÉDECINE  PRATIQUE. 

reparaît  et  devient  très-fréquente  dans  les  régions 
moyennes  des  pays  de  montagnes. 

Ajoutons  que  certaines  contrées  à  fièvres  intermittentes, 
mais  non  pas  toutes,  comptent  très-peu  de  tuberculeux. 

Le  régime,  la  manière  de  vivre  agissent  aussi  d'une 
façon  importante  sur  l'évolution  de  la  phthisie.  Le  sé- 
jour dans  les  grandes  villes,  l'habitation  dans  des 
appartements  obscurs,  humides,  exposés  au  nord,  sans 
soleil  et  sans  air,  les  excès  de  toute  nature,  les  chagrins, 
les  veilles,  enfin,  toutes  les  causes  débilitantes  con- 
duisent fatalement  à  la  phthisie  l'individu  prédisposé. 

La  nourriture  a  probablement  une  influence  tout 
autre  qu'on  ne  l'avait  supposé  jusqu'à  présent.  Il  est 
incontestable  pour  nous  que  ce  sont  les  populations 
qui  consomment  le  plus  de  viande  et  qui  boivent  le  plus 
d'alcool  qui  produisent  le  plus  de  phthisiques  ;  c'est  un 
fait  qu'on  constate  facilement  dans  les  grandes  villes  :  à 
Londres,  à  Paris,  à  Bruxelles,  à  Vienne,  et  chez  tous  les 
peuples  mangeurs  de  viande,  comme  les  Anglais,  les  ha- 
bitants de  certaines  contrées  de  la  France,  comme  la 
Bourgogne  et  la  Normandie.  C'est  aussi  ce  que  l'on 
remarque  dans  les  régiments  des  armées  de  terre  et  de 
mer,  et  dans  les  séminaires  où  beaucoup  déjeunes  gens 
sont  emportés  par  la  phthisie,  tandis  que  dans  les  cou- 
vents de  Dominicains  ou  de  Trappistes  où  les  moines 
suivent  un  régime  exclusivement  végétal,  la  phthisie 
est  relativement  rare.  Cette  rareté  de  la  phthisie  dans 
les  couvents  s'observe  même  à  Pans.  J'ajouterai  que  ce 
sont  les  paysans  les  plus  mal  nourris,  les  Bretons  et  les 
Limousins  qui  comptent  le  moins  de  phthisiques. 

On  a  remarqué  que  la  scrofule  surtout  et  quelquefois 
l'herpélisme  et  la  maladie  hémorrhoïdaire  engendrent 
la  phthisie.  Les  tubercules  pulmonaires  ne  se  déve- 
loppent point  ordinairement  à  la  suite  de  la  chlorose  et 


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LEÇONS  CLINIQUES.  19? 

de  la  cachexie  paludéenne.  On  ne  peut  donc  pas  dire 
d'une  manière  générale  que  la  phthisie  résulte  d'un 
affaiblissement,  d'un  appauvrissement  des  forces,  à 
moins  que  ce  ne  soit  dans  les  cas  assez  fréquents  où 
cette  maladie  survient  après  des  grossesses  répétées  ou 
un  allaitement  prolongé. 

Traitement  de  la  phthisie.  —  Etant  données  les  causes 
que  je  viens  d'énumérer  tout  à  l'heure,  je  prescris  de- 
puis quelques  années  le  régime  végétal  à  nos  phthi- 
siques  ou  plutôt  je  leur  défends  de  boire  du  vin  et  de 
manger  de  la  viande.  Je  leur  permets  les  bouillons  et 
les  potages  gras  parce  que  le  régime  exclusivement 
maigre  est  difficilement  supporté.  La  première  idée  de 
ce  nouveau  mode  du  traitement  m'a  été  donnée  par  le 
Dr  Brùnner.  Depuis  que  j'ai  commencé  à  le  mettre  en 
pratique,  j'ai  observé  les  résultats  suivants  :  chez  les 
individus  soumis  à  ce  régime  dès  le  début  de  la  phthisie, 
il  y  a  un  amendement  notable,  la  toux  disparaît  et  sou- 
vent aussi  les  autres  symptômes.  Dans  une  période 
plus  avancée,  c'est-à-dire  quand  la  phthisie  est  confir- 
mée, la  toux  et  la  dyspnée  diminuent  notablement  au 
bout  de  quelques  jours  ;  les  forces  et  l  embonpoint  repa- 
raissent, sinon  dès  le  début  du  traitement,  au  moins 
après  une  quinzaine  de  jours  de  ce  régime.  —  Quand  il 
y  a  un  notable  amendement  dans  tous  les  symptômes,  je 
permets  aux  malades  de  reprendre  peu  à  peu  leur  ma- 
nière de  vivre  habituelle.  Il  y  a  deux  autres  indications 
au  régime  maigre  :  la  diarrhée  et  l'affaiblissement 
extrême.  Lorsque  le  phthisique  est  arrivé  a  a  période 
de  cachexie,  il  est  à  peu  près  inutile  d'essayer  ce  mode 
de  traitement  qui  ne  peut  que  diminuer  les  forces  du 
malade  sans  diminuer  l'intensité  de  la  maladie. 

Le  traitement  médical  de  la  maladie  est  fort  insuffisant 


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196  MÉDECINE  PRATIQUE. 

et  cependant  il  mérite  d'être  étudié  avec  soin,  car  il  a 
Souvent  procuré  à  nos  malades  un  soulagement  notable. 

La  drosera  rotundifolia  employée  de  la  6e  dilution 
à  la  teinture  mère  fait  cesser  presque  constamment  les 
vomissements  alimentaires  des  phthisiques;  en  même 
temps  elle  modifie  la  toux  et  fait  disparaître  la  sensation 
de  chatouillement  du  larvnx. 

Quand  la  drosera  ne  réussit  pas  contre  les  vomisse- 
ments alimentaires,  nous  employons  le  tartarus  emeticus 
(tartre  stibié)  à  la  1"  trituration  à  la  dose  de  20  centi- 
grammes pour  200  grammes  d'eau.  Ce  médicament 
agit  aussi  sur  l'expectoration  et  la  diarrhée. 

Dans  la  diarrhée  j'emploie  souvent  arsenicum  (2*  ou 
3e  trituration)  à  la  dose  de  20  centigrammes.  Ce  médi- 
cament réussit  souvent  aussi  à  ralentir  la  marche  de  la 
phthisie;  il  est  indiqué  surtout  par  la  fièvre,  l'amai- 
grissement, la  dyspnée.  Les  eaux  arsenicales  comme 
celles  de  Mont-Dore,  de  la  Bourboule  ou  la  source  Domi- 
nique de  Vais  agissent  dans  le  même  sens.  S'il  y  a  des 
hémoptysies  je  prescris  le  mille folium  à  la  6e  ou  à  la  3* 
dilution,  et  ce  médicament  me  suffît  presque  toujours 
à  arrêter  le  crachement  de  sang. 

S'il  y  avait  un  point  de  côté  ou  une  pneumonie  par-, 
tielle,  je  prescrirais  la  bryonia  alba(i2')  ;  pour  combattre 
la  fièvre  je  donnerais  arsenicum,  china  ou  même  le  sul- 
fate de  quinine,  et  caetera. 

Je  n'en  finirais  pas  si  je  voulais  vous  donner  tous  les 
médicaments  que  l'on  peut  employer  pour  combattre 
les  accidents  multiples  qui  se  présentent  dans  le  cours 
d'une  phthisie. 

Je  dirai  seulement  que  les  trois  médicaments  prin- 
cipaux (non  pas  spécifiques)  de  la  maladie  sont  Y  arsenic, 
le  soufre  et  Y  iode. 

Nous  avons  déjà  pnrlé  de  l'arsenic.  Sulfur  est  surtout 


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LEÇONS  CLINIQUES.  199 

indiqué  par  une  petite  toux  sèche,  avec  quelques  petits 
crachements  de  sang*,  ou  au  contraire  par  une  petite 
toux  grasse  avec  fétidité,  goût  salé  ou  douceâtre  des 
crachats;  l'existence  d'affections  cutanées  ou  d'un  en- 
rouement persistant  précise  encore  son  emploi.  C'est  un 
médicament  qui  est  souvent  très-difficile  à  supporter  et 
qui  augmente  la  toux  et  les  crachements  de  sang.  Je  le 
prescris  d'ordinaire  à  la  30e  dilution. 

Les  eaux  sulfureuses  comme  les  Eaux-Bonnes,  les 
eaux  de  Cauterets,  celles  d'Amélie-Ies-Bains,  d'Alle- 
vard,  etc.,  présentent  un  plus  haut  degré  les  inconvé- 
nients du  sulfur,  elles  peuvent  amener  des  aggravations 
considérables  et  demandent  à  être  employées  avec  de 
grands  ménagements. 

lodium  présente  dans  ses  indications  une  toux  quin- 
teuse  comme  celle  de  la  coqueluche;  cette  toux  est  pré- 
cédée d'angoisses,  excitée  par  un  chatouillement  dans 
la  poitrine;  elle  a  lieu  principalement  le  matin.  L'exis- 
tence d'engorgements  ganglionnaires  est  un  bon  signe 
pour  l'emploi  de  iodium.  On  donnera  ce  médicament  de 
la  6*  à  la  3e  dilution. 

Les  autres  médicaments  employés  dans  la  phthisie 
sont  :  phosp/torus,  indiqué  surtout  par  la  laryngite, 
hepar  sulfuris,  silicca,  calcarea  carbonica,  stanwim,  kali 
carbonicum,  sepia,  lycnpodium,  phellandrhtm  aquaticum  et 
d'autres  encore.  J'ai  même  essayé  le  neo plasma  tubtr- 
culosum  (30*),  mais  sans  succès  apparent. 

A  l'appui  de  ce  que  je  viens  de  dire,  vous  me  permet- 
trez, Messieurs,  de  faire  passer  sous  vos  yeux  quelques- 
uns  de  nos  malades. 

Observation  I".  —  Un  jeune  homme  de  23  ans,  malade  depuis 
un  an  euviron,  se  présenta  pour  la  première  fois  à  notre  dis- 
pensaire au  mois  de  juillet  1868.  A  cette  époque,  il  avait  une  tout 
grasse  avec  expectoration  abondante  ;  il  se  plaignait  d'un  cbatouil- 


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200  MÉDECINE  PRATIQUE. 

lement  dans  la  gorge  et  vomissait  presque  tous  les  matins  ses  ali- 
ments. Il  était  amaigri,  débilité  ;  il  nous  dit  avoir  eu  deux  petites 
bémoptysies  au  début  de  sa  maladie.  L'auscultation  de  la  poitrine 
nous  donne  les  résultats  suivants  :  matité  au  sommet  gauche,  raies 
muqueux  et  souffle  caverneux  dans  la  même  région,  rien  au  som- 
met droit. 

Nous  le  mimes  d'emblée  au  régime  végétal  et  nous  lui  prescri- 
vîmes sulfur  (30).  Au  bout  de  quelques  jours  il  fut  pris  d'une  diar- 
rhée (probablement  occasionnée  par  le  régime)  que  nous  guérîmes 
avec  le  bismuth  métall.  à  la  2*  trituration.  Au  bout  d'un  mois 
les  forces  commencèrent  a  revenir  avec  l'embonpoint.  Bientôt  il 
constata,  à  sa  grande  satisfaction,  que  le  mieux  faisait  des  progrès 
sensibles.  Je  criis  devoir  le  maintenir  au  régime  végétal.  Depuis 
plus  de  dix-huit  mois  il  vaque  à  ses  occupations,  sa  santé  générale 
est  bonne,  il  revient  de  temps  en  temps  pour  un  peu  de  toux 
et  d'enrouement;  je  lui  donne  du  sulfur  (30)  et  il  s'en  trouve 
bien.  Toutefois  la  lésion  persiste  au  sommet  gauche. 

Observation  II.  —  Mme  L....,  Agée  de  21  ans,  est  malade 
depuis  l'automne  de  1867.  Elle  a  eu  plusieurs  petites  bémoptysies  ; 
—  toux  habituelle;  —  débilité  extrême;  amaigrissement  ;  lièvre  ;  sa 
toux  est  grasse;  elle  est  provoquée  par  un  picotement  dans  le 
larynx  et  s'accompagne  de  vomissements  alimentaires.  Ses  règles 
sont  faibles  ;  elle  a  de  la  leucorrhée.  L'auscultation  de  la  poitrine 
nous  fait  constater  des  râles  sous-crépitants  dans  tout  le  côté  gauche 
et  quelques  craquements  au  sommet  droit. 

Le  27  novembre  1868  ,  j'ordonne  le  kermès  à  la  2$  tritu- 
ration ;  quelques  jours  après  les  râles  se  sont  localisés  au  sommet 
gauche  où  l'on  entend  de  gros  râles  muqueux  en  avant  et  en  ar- 
rière. Je  prescris  le  régime  végétal  et  drosera  (3). 

Sous  l'influence  de  cette  médication,  le  mieux  survient  rapide- 
ment; la  gaieté  et  l'embonpoint  reparaissent;  mais  la  toux  persiste 
malgré  su Ifur  (30  et  200).  Le  millefolium  (6)  arrête  les  petites  hémor- 
rhagies  qui  surviennent  incidemment.  Au  bout  de  six  mois  envi- 
ron, M01-  L...  se  sentant  beaucoup  mieux  abandonne  à  peu  près 
complètement  son  régime,  et  bientôt  après  elle  éprouve  une  aggra- 
vation notable  dans  les  symptômes  de  sa  maladie.  On  lui  prescrit 
successivement  arsenicum  (6),  arséniate  d'antimoine  (2*  trit.)  ; 
et  pkoiphorus  (30  et  200).  —  Au  mois  de  janvier  1870  survint 
une  diarrhée  que  je  traitai  avec  tartarus  emeticus  (!'•  trit.)  et 


LEÇONS  CLINIQUES.  201 

bismuthum  (2*  trit.)  ;  et  enfin  une  nouvelle  bronchite  à  l'oc- 
casion de  laquelle  j'imposai  de  nouveau  a  la  malade  le  régime  mai- 
gre dont  elle  se  trouva  fort  bien.  Elle  est  en  ce  moment  à  la  cam- 
pagne où  elle  jouit  d'une  santé  excêssivement  bonne,  à  son  avis  ;  mais 
j'ai  eu  lieu  de  constater  tout  récemment  que  les  lésions  tuberculeuses 
persistent  aux  deux  sommets. 

Observation  III.  —  C...,  cordonnier,  âgé  de  42  ans,  est  malade 
depuis  la  fin  d'avril  i869.  Il  a  une  toux  spasmodique  avec  des 
efforts  de  vomissements ,  dyspnée ,  amaigrissement ,  perte  des 
forces. 

L'auscultation  nous  fait  entendre  des  craquements  au  sommet 
gauche  et  des  râles  muqueux  au  sommet  droit.  Le  malade  a  de  la 
fièvre.  Nous  prescrivons  le  régime  végétal  etdrosera  (3).  Au  bout  de 
quelques  jours  le  malade  est  pris  d'une  diarrhée  qui  guérit  par  le 
tartarus  émettais  (lre  trit.).  Après  quelques  jours  de  traitement, 
C...  tousse  moins,  les  forces  lui  reviennent,  le  pouls  tombe  à  72. 

Un  peu  plus  tard,  il  a  un  point  de  côté  qui  cède  à  brijonia  '12). 
Enfin  depuis  plusieurs  mois  qu'il  continue  son  régime  et  prend 
néopl.  tub.  (12  et  30),  son  état  général  s'est  amélioré  et  la  lésion  est 
restée  stationnaire. 

Observation  IV.  —  M,,e  B...,  âgée  de  17  ans,  est  venue  pour 
la  première  fois  à  notre  consultation  le  10  novembre  1868.  — 
Elle  tousse  depuis  dix-huit  mois  ;  sa  toux  est  sèche  et  s'accompagne 
de  dyspnée.  L'état  général  est  assez  bon.  Nous  constatons  à  la  per- 
cussion une  matité  relative  au  sommet  droit,  et  à  l'auscultation 
une  respiration  faible,  difficile  dans  le  même  point.  Nous  lui  pres- 
crivons le  régime  végétal  et  une  potion  avec  sut  fur  (30).  Au  bout  de 
deux  mois,  elle  ne  tousse  plus  ;  la  matité  du  sommet  droit  a  dis- 
paru ;  la  respiration  est  encore  obscure  à  ce  point.  Je  lui  fais  con- 
tinuer pendant  quelques  jours  encore  le  sulfur  et  le  régime. 

Elle  revient  au  bout  d'un  an  •  elle  avait  depuis  plusieurs  mois 
recommencé  à  manger  de  la  viande,  lorsqu'elle  fut  reprise  au  mois 
d'août  1869  d'une  toux  grasse  avec  les  mêmes  signes  physiques  «le 
percussion  et  d'auscultation  au  sommet  droit.  Je  la  remets  au  régime 
maigre  et  au  traitement  par  le  sulfur.  Au  bout  de  trois  mois,  elle 
était  de  nouveau  guérie.  Je  ne  l'ai  pas  revue  cette  année. 

Observation  V.  —  S....,  âgé  de  23  ans,  se  présente  au  dispen- 


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202  MEDECINE  PRATIQUE. 

saire  le  9  avril  1869.  Il  y  a  sept  mois  qu'il  est  malade.  A  cette 
époque,  il  a  eu  une  hémoptysie.  Depuis  ce  temps,  il  a  une  toux 
grasse,  accompagnée  d'expectoration  blanchâtre  et  épaisse  ;  le  pouls 
est  fréquent.  Je  constate  une  raatité  relative  au  sommet  gnuche;on 
entend  au  même  endroit  des  craquements  secs. 

Je  le  mets  au  régime  végétal  et  je  lui  prescris  le  sulfur  (30).  Huit 
jours  après,  il  a  moins  de  toux;  il  survient  un  point  de  coté  pour 
lequel  je  lui  donne  bryonia  (12).  Le  point  de  côté  disparait  ;  je 
prescris  de  nouveau  le  sulfur  (30).  Au  bout  de  quelques  semaines  le 
malade  se  trouve  beaucoup  mieux  et  il  reste  troi?  mois  sans  venir  à 
la  consultation. 

Au  mois  d'août,  il  revient  ine  consulter  pour  un  point  de  côté. 
J'ordonne  bryonia  (12),  puis  je  lui  prescris  arsenicutn  (G  et  3).  Il 
continue  encore  le  mémo  traitement  et  observe  le  régime  maigre. 
Son  état  général  est  bon,  mais  la  lésion  du  sommet  persiste. 

Observation  VI.  —  M"*  V...M  âgée  de  44  ans,  me  consulte,  au 
mois  de  mai  1868,  pour  une  toux  habituelle,  plus  forte  depuis  six 
semaines.  Cette  enfant,  non  encore  réglée,  est  maigre  et  pale;  sa 
toux  est  sèche  ;  on  trouve  une  matité  relative  et  une  obscurité  de  U 
respiration  au  sommet  droit. 

Je  lui  prescris  sulfur  (  i0)  et  le  régime  végétal.  Au  bout  d'un  mois, 
elle  tousse  moins  et  se  sont  plus  forte.  Après  quatre  mois  de  ce  trai- 
tement, elle  est  beaucoup  mieux  ;  la  matité  du  sommet  droit  n'est 
plus  appréciable;  toutefois,  la  respiration  reste  obscure  en  ce  point. 
Je  lui  permets  de  manger  un  peu  de  viande.  Au  mois  d'octobre  1808, 
la  menstruation  s'établit  sans  difficulté.  Au  mois  de  janvier  1809, 
elle  est  prise  de  nouveau  de  toux,  point  de  coté,  dyspnée  ;  je  l'aus- 
culte et  je  trouve  les  mêmes  lésions  que  j'avais  constatées  il  y  a 
huit  mois.  Je  prescris  le  sulfur  et  le  régime  végétal;  et,  deux  moti 
après,  la  toux  avait  disparu,  l'embonpoint  et  la  gaieté  étaient  re- 
venus. J'engageai  la  malade  à  continuer  son  régime  pendant  quel- 
que temps  encore.  J'aime  à  croire  que  le  mieux  a  persisté,  car  elle 
n'est  pas  revenue  à  ma  consultation  depuis  cette  époque. 

Observation  VII.  —  M.  H....,  âgé  de  46  ans,  vient  à  notre  con- 
sultation au  commencement  du  mois  de  mai  1870.  Cet  homme 
tousse  depuis  deux  ans;  il  a  beaucoup  maigri;  en  ce  moment  il  sê 
plaint  de  douleurs  dans  le  coté  gauche,  il  n'a  jamais  eu  d'hémo- 
ptysie. Je  l'ausculte  et  je  constate,  en  même  temps  que  de  la  matité, 


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LEÇONS  CLINIQUES.  203 

quelques  craquements  sous  la  clavicule  gauche.  Je  mets  ce  malade 
au  régime  maigre,  et  je  lui  ordonne  le  sulfur  (30).  Au  bout  de 
quinze  jours  il  se  trouve  beaucoup  mieux.  Au  bout  d'un  mois  il  ne 
tousse  plus.  Au  bout  de  deux  mois,  les  forces  qui  étaient  revenues 
commencent  à  diminuer.  Le  29  juillet ,  je  l'autorise  à  manger  de 
la  viande  trois  fois  par  semaine.  Depuis  ce  temps ,  il  continue  le 
sulfur,  les  forces  sont  revenues,  et  il  se  trouve  parfaitement  bien. 

Observation  VIII.  —  M.  D....,  Agé  de  30  ans,  m'a  consulté 
le  7  avril  1870,  pour  la  première  fois.  Il  a  eu,  il  y  a  deux  ans,  de 
petites  hémoptysies.  Depuis  huit  mois  il  tousse  beaucoup;  il  est 
amaigri,  a  perdu  ses  forces  ;  il  accuse  une  dyspnée  qui  le  fatigue 
beaucoup.  Je  constate  de  la  matité  et  quelques  craquements  au 
sommet  droit. 

Je  prescris  d'abord  le  sulfur  (30),  puis  la  bryonia  (12\  pour  un 
point  de  coté.  Le  13  mai ,  je  lui  ordonne  de  suivre  le  régime  mai- 
gre, et  au  bout  de  quinze  jours  il  tousse  beaucoup  moins,  et  ses 
forces  ont  augmenté.  Depuis  trois  mois  qu'il  suit  ce  régime  et  con- 
tinue à  prendre  sulfur,  il  ne  tousse  presque  pas,  ses  forces  sont  re- 
venues, et  il  a  repris  ses  occupations. 

Observation  IX.  —  B....,  garçon  de  magasin,  vint  pour  la  pre- 
mière fois  à  notre  Dispensaire,  dans  le  courant  de  l'année  1865.  11 
était  âgé  alors  de  26  ans  ;  il  se  plaignait  surtout  de  la  dyspnée,  d'un 
sentiment  de  gène  dans  le  côté  droit  ;  il  toussait  depuis  longtemps, 
mais  je  ne  constatai  rien  à  l'auscultation.  Il  avait  alors  une  pharyn- 
gite granuleuse  qui  fut  promptement  améliorée  par  nux  vomica  et 
sulfur. 

Il  revint  au  mois  de  septembre  1868,  très-amaigri ,  très-afFaibli. 
Sa  toux  était  grasse,  sans  quintes.  En  le  percutant ,  je  trouve  de  la 
matité  au  sommet  droit;  en  l'auscultant  je  constate  une  respiration 
souillante  au  même  point.  Je  lui  prescris  le  régime  maigre,  et  je  lui 
ordonne  une  potion  avec  sulfur  (30).  Je  continue  ce  traitement  pen- 
dant six  semaines,  après  lesquelles  il  se  trouve  beaucoup  j»'us  fort. 
Je  lui  donne  alors  bryonia  (12),  pour  un  point  de  côté,  puis  je  reviens 
ï<j  sulfur.  Au  bout  de  deux  mois  et  demi,  il  a  engraissé  de  5  livres; 
il  tousse  toujours  un  peu.  Je  suspens  pendant  quelque  temps  le 
sulfur,  et  je  le  remplace  par  iodium  (30),  puis  par  neoyl.  tute  (30). 
De  temps  en  temps  je  reviens  an  sulfur,  qui,  malgré  quelques  aggra- 
vations passagères,  lui  a  toujours  réussi.  Ce  malade  vient  une  fois 


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SÉMÉIOTIQUK. 

par  mois  au  Dispensaire;  son  état  de  santé  est  toujours  satisfaisant, 
et  il  se  considère  comme  guéri. 

J.  JABLON3KI. 


SÉMÉIOTIQUE 


BRUITS  1 NTRA-CA RDI AQU  ES  OU  BRUITS  MORBIDES  OU 
ANORMAUX  QUI  SE  DÉVELOPPENT  A  L'INTÉRIEUR  DU 
COEUR  ET  SURTOUT  A  SES  ORIFICES. 

—  Suite  — 

Bellingham  a  si  bien  résumé  les  conditions  de  la  pro- 
duction du  bruit  de  soufflet  du  cœur,  que  nous  ne  sau- 
rions mieux  faire  que  de  le  traduire  : 

«  Lorsque  le  bruit  de  soufflet  se  fait  entendre  dans  le 
cœur,  il  provient  soit  du  rétrécissement,  soit  de  tout 
autre  état  morbide  des  valvules  ou  des  orifices  du  cœur 
qui  gênent  le  passage  du  sang;  d'une  condition  des 
valvules  qui  les  empêche  de  clore  l'orifice,  et  permet  la 
régurgitation  ;  d'un  accroissement  dans  la  force  et  dans 
la  rapidité  du  mouvement  du  sang  au  travers  de  l'ori- 
fice de  l'aorte  ou  d'un  orifice  anormal,  comme  dans 
l'anévrysme  du  ventricule  gauche,  et  dans  les  malfor- 
mations congénitales  du  cœur;  de  quelque  altération 
soit  dans  la  qualité  du  sang,  soit  dans  sa  quantité;  de 
l'existence  soit  de  concrétions  fibrineuses  ou  autres 
dans  les  cavités  cardiaques,  qui  interrompent  le  jeu  des 
valvules  ou  produisent  de  la  gêne  aux  orifices;  soit  de 
productions  morbides  dans  la  cavité  thoracique  qui 
compriment  ou  déplacent  le  cœur,  soit  de  la  déforma- 
tion des  parties  osseuses  du  thorax  et  du  rétrécissement 
considérable  de  cette  cavité. 


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BRUITS  INTRA-C ARDrAQU ES .  £<55 

*  Toutes  les  fois  que  le  bruit  de  soufflet  est  entendu 
dans  les  artères ,  il  résulte  ou  de  la  rugosité  de  la 
membrane  interne  du  vaisseau,  ou  de  la  diminution  du 
calibre  de  l'artère  due  à  une  compression,  ou  d'une 
altération  du  sang1,  ou  d'un  sac  anévrysmal  provenant 
d'une  grosse  artère,  ou  d'une  communication  anor- 
male existant  entre  une  artère  principale  et  une  veine, 
ou  du  passage  du  sang*  d'une  artère  dans  une  veine  au 
moyen  d'un  sac  anévrysmal  placé  entre  ces  deux  vais- 
seaux. 

«Le  bruit  de  soufflet  est  donc  un  symptôme  dans  l'en- 
docardite lorsque  les  valvules  aortique  ou  mitrale  sont 
rigides,  épaisses  ou  indurées,  ou  lorsqu'elles  ou  les 
orifices  sont  devenus  le  siège  de  végétations. 

«Il  est  encore  un  symptôme  des  maladies  chroniques 
des  valvules  ou  des  orifices,  lorsqu'elles  sont  accompa- 
gnées de  rétrécissement  des  orifices,  de  dépôts  osseux 
ou  autres  sur  des  valvules,  ou  d'adhérences  que  ces  val- 
vules ont  contractées  soit  entre  elles  soit  avec  les 
parois. 

«  La  rupture  d'une  valve,  celle  d'un  cordag*e  tendi- 
neux, une  malformation  congénitale  des  valvules,  telle 
qu'un  étatcrihriformedela  membrane  qui  les  constitue, 
donnent  également  naissance  au  bruit  de  soufflet. 

•  On  peut  encore  entendre  le  bruit  de  soufflet,  lorsque 
les  orifices  du  côté  gauche  du  cœur  sont  dilatés  sans 
lésion  aucune  des  valvules,  ou  lorsqu'une  cause  quel- 
conque empêche  les  valvules  elles-mêmes  de  remplir 
parfaitement  leurs  fonctions. 

«  Le  bruit  de  soufflet  est  un  symptôme  de  l'anévrysme 
du  ventricule  gauche;  de  malformations  congénitales 
du  cœur  ;  de  productions  morbides  dans  la  cavité  thora- 
>:que;  de  l'anévrysme  de  toutes  les  grosses  artères;  de 
varices  anévrysmales  et  d'anévrysmes  variqueux  ;  de 


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206  séîfélOTIQTJB. 

maladies  de  la  membrane  interne  de  la  crosse  de 
l'aorte  et  de  l'anémie  générale. 

Le  murmure  cardiaque  est-il  toujours  un  signe 
de  rétrécissement? 

Non,  car  on  l'a  rencontré  dans  des  circonstances  où 
loin  d'être  rétrécis,  les  orifices  du  cœur  étaient  plus  ou 
moins  élargis  (1). 

Outre  les  cas  de  rétrécissement  des  orifices  du  cœur  et 
ceux  de  dilatation  dans  lesquels  un  murmure  peut  se 
produire,  on  peut  affirmer  qu'on  l  a  rencontré  dans  le 
gonflement  de  l'endocarde,  dans  certaines  hyperémies 
actives  et  circonscrites  aux  valvules  sygmoïdes,  élat 
qui,  en  augmentant  la  densité  de  leur  tissu,  peut  déter- 
miner, momentanément  du  moins,  les  phénomènes  du 
reflux  (2). 

Si  l'on  peut  croire  qu'il  y  ait  là,  à  la  rigueur,  un 
rétrécissement  en  sens  inverse  de  la  circulation,  on 
n'aura  pas  la  même  pensée  sur  les  cas  où  l'on  n'a 
trouvé,  pour  expliquer  le  murmure,  que  des  rugosités 
ou  des  irrégularités  des  surfaces  que  le  sang  avait  à 
traverser. 


Si  des  médecins  démérite,  si  des  hommes  convaincus, 
n'avaient  pas  posé  la  question  de  savoir  s'il  est  absolu- 
ment indispensable  que  les  orifices  cardio-valvulaires  et 

{[)  Buuiliaud.  —  Maladies  du  cœur,  I"  édit  ,  t.  I,  p.  479,  2*  édit.,  1. 1, 
p.  201.  —  Corrigan.  —  On  permanent  poteney  of  the  moulk  of  the  oorta. 

la  ttlO  EoiNBURGH  M  BD.  AND  SURG.  JOURNAL,  p.  215  à  215.  1832. 

(2)  Dr  Guyot.  —  De  l'insuffisance  des  valvules  sygmoïdes  aortiques.  Thèse 
de  Pari»,  n°  163.  Paris,  1834.  M.  Guyot  appuie  sa  proposition  sur  le 
témoignage  de  MM.  Dupuy,  Boulay  jeune  et  Andral,  qui  en  a  donné  une 
observation  dans  son  Précis  d'anat.  pathologique. 


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BRUITS  INTRA-CARDIAQUES.  207 

cardio-artériels  soient  altérés,  en  môme  temps  qu'ils 
sont  rétrécis,  pour  donner  naissance  à  la  production  de 
bruits  anormaux,  nous  n'entrerions  pas  ici  dans  d'autres 
développements  après  ce  que  nous  avons  dit. 

Mais  nous  croyons  utile  de  faire  connaître  à  nos  lec- 
teurs les  opinions  tranchées  qu'ont  émises  sur  ce  point 
d  etiologie  les  docteurs  Charcelay,  De  La  Harpe  et 
•  Forget. 

Nous  avons  produit  quelques  faits  contre  leur  rai- 
sonnement. Nous  en  fournirons  encore  d'autres  pour 
mieux  éclairer  laqueslion. 

Voici  comment  s'exprime  M.  Charcelay  : 

«  Après  avoir  établi  plusieurs  espèces  incontestables 
&' insuffisance  valvuiaire  aortique,  M.  Corrigan  en  admet 
une  dernière  que  l'on  pourrait  appeler  relative,  puisqu'il 
supposerait  les  valvules  devenir  insuffisantes,  sans  alté- 
ration proprement  dite  de  leur  tissu,  dans  le  cas  d'une 
dilatation  de  l'aorte  s'étendant  jusqu'à  son  orifice.  Cette 
variété,  purement  hypothétique,  a  été  niée  par  quel- 
ques-uns et  adoptée  par  d'autres.  Mais  il  est  ici  fort  im- 
portant de  faire  une  distinction  entre  ce  qui  existe  et  ce 
qui  peut  exister.  Eh  bien  !  cette  insuffisance  relative, 
que  l'on  conçoit  si  facilement  et  que  l'on  veut  admettre 
comme  possible,  n'a  point  été  observée  (1),  et,  sous  ce 
rapport,  on  peut  et  on  doit  la  nier;  s'il  nous  est  permis 
de  juger  des  faits  connus,  gardons-nous  bien  de  préjuger 
des  faits  supposés.  Au  reste,  en  consultant  l'observa- 
tion, voici  ce  qui  est  démontré  :  Dans  l'insuffisance 
proprement  dite  que  Ton  peut  appeler  vraie,  absolue  ou 
essentielle,  la  seule  que  l'on  doive  admettre,  il  existe  une 
altération  primitive  et  constante  du  tissu  des  valvules, 

(l)  Celle  insuffisance  a  été  démontrée,  non-seulement  pour  l'orifice 

de  l'aorte,  mais  encore  pour  les  orifices  auriculo-venlriculaires. 


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dilatation  consécutive  et  très-fréquente  de  l'aorte,  tandis 
que  dans  cette  espèce  particulière,  l'insuffisance  rela- 
tive, il  y  aurait  dilatation  primitive  et  constante  de 
l'aorte,  insuffisance  consécutive  de  ses  valvules  sans 
altération  aucune  de  leur  tissu.  On  voit  combien  ces 
dernières  conclusions  sont  contraires  aux  précédentes 
établies  par  la  nature  :  d'après  celles-ci  on  reconnaît 
clairement  que  dans  certains  cas  de  dilatation  générale 
et  considérable'  de  la  base  de  l'aorte,  si  les  valvules 
deviennent  insuffisantes,  c'est  par  suite  d'un  retrait 
organique.  On  ne  peut  donc  point  dire  qu'il  y  ait  jamais 
eu  insuffisance  simplement  relative.  Toujours  l'insuffi- 
sance a  été  absolue,  essentielle,  organique,  comme  la  lésion 
qui  la  constitue  :  Conséquemment,  qui  dit  insuffisance 
des  valvules  aorliques,  dit  altération  de  leur  tissu.  »  (i). 

M.  De  La  Harpe  tient  à  peu  près  le  même  langage. 
L'insuffisance  pure  et  simple  telle  que  l'admet  Corrigan 
lui  paraît  impossible.  «  Peut-elle  exister,  dit-il  (2),  par 
suite  de  la  dilatation  de  l'orifice  aortique  (3)  ?  cela  me 
paraît  fort  douteux.  Les  valvules  sont  les  cordes  flexi- 
bles d'un  arc;  si  l'arc  vient  à  s'ouvrir,  les  cordes  se 
tendront,  elles  ne  pourront  pas  plus  s'abaisser  que 
s'élever,  et  vous  aurez  rétrécissement  dans  l'un  et 
l'autre  de  leurs  mouvements  :  s'il  y  a  rétrécissement, 
le  bruit  du  soufflet  est  expliqué  parla  même.  Objectera- 
l-on  que  les  valvules  s  étendent  avec  les  arcs  qu'elles 
sous-tendent?  alors  il  n'y  aura  plus  d'insuffisance.  » 

({)  Cliarcclay.  —  Uecutil  d'observations  sur  f  insuffisance  des  calcules 
sygmoldes  aortiques.  Thèse  inaugurale  soutenue  à  la  Faculté  de  méde- 
cine de  Paris,  lo  17  août  1836,  pages  6  et  7. 

(î)  De  La  Harpe,  Archives,  1838,  t.  III,  p.  1. 

(3)  a  L'insuffisance  simple  de  ces  valvules  est  admise  et  a  été  obscr- 
,     vée  par  tous  les  médecins  qui  ont  traité  de  cette  affection.  »Beau,  Traité 
clin,  d'ausc.,  p.  43*. 


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BRUITS  INTRA-CAllfrlA  QU'ES.  209 

—  Forget  avait  cité  l'insuffisance  des  valvules  dans 
des  cas  où  il  n'avait  point  existé,  disait-il,  de  bruits 
anormaux  dans  le  cœur. 

Il  est  de  fait  qu'on  a  publié  dans  Y  Union  médicale 
(6  août  1867)  une  observation  d'insuffisance  des  val- 
vules auriculo-ventriculaircs  sans  modification  des  bruits 
du  cœur. 

Ces  orifices  étaient  tellement  dilatés,  le  droit  surtout, 
dit  l'auteur,  Georges  Dieulafoy,  que  l'oreillette  et  le  ven- 
tricule semblaient  ne  faire  qu'une  cavité,  sans  ligne  de 
démarcation.  L'orifice  tricuspide  mesurait  160  millim. 
au  lieu  de  103.  Il  n'existait  aucun  bruit  morbide. 

Quelle  preuve  Fjryet  donnai  (-il  à  l  appui  de  son 

opinion  ? 

Il  alléguait  la  dilatation  du  cœur  droit  qu'on  observe 
à  la  suite  de  certaines  affections  pulmonaires.  Il  n'existe 
point  alors,  disait-il,  de  bruit  anormal  dans  le  cœur, 
quoique  le  reflux  du  sang  veineux,  l'œdème,  la  cyanose, 
et  même  l'inspection  directe,  après  la  mort,  démontrent 
manifestement  l'existence  de  l'insuffisance  (la  Lancette 
française,  3°  série,  t.  I,  n°96.  Jeudi  16  et  samedi  18  août 
1849). 

On  a  répondu  à  Forget  dans  le  même  numéro  de  la 
Lancette  :  «  Une  des  choses  qui  semblent  le  mieux  prou- 
vées dans  l'histoire  des  maladies  du  cœur,  c'est  que 
l'insuffisance  des  valvules  aortiqucs  produit  un  bruit 
de  souffle  au  second  temps,  abstraction  faite  de  tout 
épaississement,  de  toute  rugosité  des  valvules.  » 

Répondons  à  notre  tour  à  Forget  d'une  manière  géné- 
rale en  faisant  intervenir  successivement  deux  ordres 
de  faits,  les  uns  expérimentaux,  les  autres  cliniques. 

TOME  XXXII.  —  SEPTEJIBllE  1870.  Il 


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210  séilélOTIQUE. 

1°  Faits  expérimentaux  : 


On  a  fait  naître  artificiellement  des  murmures  en 
comprimant  les  gros  vaisseaux  d'un  anon  au-dessus  des 
valvules  sigmoïdes  (i). 

Ces  faits  rendent  parfaitement  compte  des  bruits  anor- 
maux qui  se  produisent  dans  certains  cas  et  dans  cer- 
taines conditions  d'épanchements  péricardiaques  consi- 
dérables. 

On  a  produit  aussi,  dans  d'autres  conditions,  nous  l'avons  déjà 
vu,  des  bruits  anormaux  périsystoliques,  en  empêchant,  au  moyen 
d'un  crochet  h  dissection  et  d'une  alêne,  l'occlusion  des  valvules  de 
l'aorte  et  de  l'artère  pulmonaire,  sur  un  anon  de  six  semaines  (2). 

Rappelons  ici  les  expériences  faites  sur  des  chiens  par 
Hope,  et  par  MM.  A.  Dechambre  et  Vu  I  pi  an. 

—  Il  résulte  des  expériences  de  Hope  qu'un  murmure 
se  faisait  entendre,  lorsque  l'animal  avait  perdu  beau- 
coup de  sangs  il  devenait  d'autant  plus  perceptible, 
que  l'hémorrhag'ie  avait  été  plus  abondante.  (Diseases  of 
the  heart,  etc.,  1"  et  2°  édit.  p.  72;  3e  édit.,  p.  100.) 

il)  Charles  Williams.  —  Observation  III  de  sa  expérience  faite  avec 
le  concours  du  D'  Hope. 

(2)  Charles  Williams.  -  Observations  VI,  VII  et  VIII  de  sa  Deuxième 
expérience,  faite  avec  le  concours  du  IV  Hope.  Lorsqu'on  agissait  sur 
l'artère  pulmonaire  seule,  le  second  bruit  était  plus  faible  et  accompa- 
gné d'un  sifflement  (  hissing  murmur).  Lorsqu'on  agissait  en  môme 
temps  sur  les  valvules  de  l'artère  aorte,  lo  second  bruit  cessait  et  était 
remplacé  par  le  sifflement  (p.  301  de  la  4e  édit.  de  The  pathology  and 
diagnosis  of  discases  of  the  chest,  et  p.  33  de  la  3°  édit.  du  Trealise  on  the 
diseases  of  the  heart.  Ces  deux  auteurs  disent  que  la  pression  causait: 
a  whizzing  or  bcllows  murmur,  with  the  ist  sound.  —  C.  William. 
Obs.  V  de  sa  Deuxième  expérience,  faite  avec  le  concours  de  Hope, 
p.  303  de  la  4e  édition  de  The  pathology  and  diagnosis  of  diseases  of  the 
chest y  et  p.  31  de  la  3*  édition  du  Trealise  on  the  diseases  of  the  heart. 
Série  â,  n°  14.  —  Ces  deux  auteurs  disent  :  «  The  ist  sound  was  accom- 
panied  witli  a  bclluw»  muimur.  » 


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ËRUÎTS  1NTÎIA-0ARDI AQUES.  2 1 1 

Il  résulte  également  des  expériences  XI  et  XII  de 
MM.  A.  Dechambre  et  Vulpian  (I),  qu'il  s'est  produit 
d'abord  un  bruit  de  souffle  au  premier  temps  après  les 
premières  émissions  sanguines,  et  que  des  émissions 
sanguines  nouvelles  ont  fait  prendre  à  ce  souffle  un 
caractère  rude  et  râpeux. 

Les  deux  chiens  ayant  été  sacrifiés,  on  a  constaté  sur 
l'un  comme  sur  l'autre  l'intégrité  parfaite  du  péricarde, 
de  l'endocarde,  du  cœur  et  des  valvules. 

2*  Faits  cliniques. 

M.  Bouillaud  a  entendu  le  murmure  systolique  : 

1°  Chez  un  malade  qui  avait  perdu  beaucoup  de 
sang  et  dont  on  ne  pouvait  pas  compter  les  pulsations, 
[Maladies  du  cœur,  lre  édit.,  t.  I,  p.  180;  2"  édit.,  t.  I, 
p.  205); 

2°  Chez  un  autre  malade  devenu  anémique  à  la  suite 
de  la  fièvre  typhoïde.  Le  pouls  battait  chez  lui  160  fois 
par  minute.  {Maladies  du  cœur,  1"  édit.,  t.  I,  p.  181; 
2' édit.,  t.  I,p.  206). 

Hope  s'est  exprimé  de  la  manière  que  voici  : 

a  J'avais  découvert  sur  une  malade  un  murmure  siégeant  sur 
le  trajet  de  l'aorte  ascendante.  Ce  murmure  était  très-distinct  dans 
certains  ca$,  absolument  nul  dans  d'autres...  On  trouva,  à  Yautopsie, 
que  le  bord  antérieur  du  poumon  gauche,  complètement  induré  par 
une  infiltration  tuberculeuse,  comprimait  tellement  l'aorte  ascen- 
dante, qu'il  était  moulé  sur  elle,  sans  cependant  y  adhérer.  On  se 
souvint  alors  d'avoir  toujours  entendu  le  murmure  chaque  fois 
que  la  malade  était  couchée  sur  le  dos  ou  penchée  sur  le  côté  droit, 
tandis  qu'il  disparaissait  dès  qu'elle  se  penchait  à  gauche.  Nous  en 

(4)  Dechambre  et  Vulpian.  —  Note  sur  la  production  des  bruits  anor- 
maux du  cœury  dans  les  cas  d'anémie.  In  Gazette  hbbd.  de  m  éd.  et  de 
cm».,  i*  série,  t.  I,  n°  25,  p.  413  et  suiv.  Paris.  1804. 


«13  SÉMélOTIQUB. 

conclûmes  qu'il  fallait  attribuer  le  murmure  à  la  pression  du  pou- 
mon sur  l'aorte,  quand  la  position  du  corps  le  faisait  tomber  à 
droite.  »  (Diseases  of  the  heart,  etc.,  3°  édit.,  p.  301.) 

Puisqu'il  n'existait  pas  de  lésions  org-aniques  dans 
les  faits  expérimentaux  de  Hope,  de  Vulpian  et  de  De- 
chambre,  par  quel  mécanisme  faut-il  expliquer  le  mur- 
mure dans  les  grandes  pertes  de  sang1? 

Faut-il  le  rapporter  à  un  frottement  exagéré  du  li- 
quide contre  les  orifices  cardio-artériels  ayant  conservé 
leurs  dimensions  normales,  les  cavités  du  cœur  ayant 
aussi  conservé  leurs  dimensions,  ou  s'étant  agrandies; 
ou  bien  faut-il  le  rattacher  à  l'insuffisance  de  la  valvule 
tricuspide,  autre  rétrécissement  en  sens  inverse  de  la 
circulation,  comme  le  professe  M.  Parrot?  (1). 

Nous  discuterons  cette  question,  quand  nous  traite- 
rons des  murmures  en  particulier. 

Production  cartilagineuse  née  dans  te  péricarde  et  compri- 
mant l'artère  pulmonaire  à  son  origine. 

Elliotson  a  cité  à  la  page  10  de  ses  Lum'eijan  h  dures  (iu  8";  Lon- 
don,  1830)  l'exemple  de  deux  malades  chez  lesquels  on  avait  en- 
tendu constamment  un  bruit  de  soufflet  systolique,  isochrone  au 
pouls,  ayant  son  maximum  d'intensité  à  la  partie  inférieure  du 
sternum,  c'est-à-dire  à  la  région  du  ventricule  droit. 

Que  trouva-t-on  après  la  mort  f 

La  cavité  du  péricarde  abolie  par  une  adhérence  complète  de* 
deux  feuillets  du  péricarde  entre  eux.  Sur  quelques  points,  dit-il, 
la  membrane  était  cartilagineuse  et  dans  chaque  eus  une  masse  de 
cartilage  s'enfonçait  si  profondément  du  péricarde  dans  le  couir. 
qu'elle  rétrécissait  considérablement  le  ventricule  droit,  juste  à 

(I)  Parrol.  —  Etude  clinique  sur  le  sièye  et  le  mécanisme  des  murmure* 
cardiaques  dits  anémiques  Dans  Archives  uENka.  de  mèd.  Août  185o. 
6«  série,  t.  Mil,  p,  liU  à  159. 


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BRUITS  IN  T  R  A-C  A  RDI  AQ  V  ES .  213 

l'origine  de  l'artère  pulmonaire.  Dans  un  des  cas,  les  dimensions 
de  cette  artère  étaient  rédiûtes  à  celles  de  l'artère  brachiale. 

Graves  a  raconté  dans  sa  41e  leçon,  l'histoire  sui- 
vante d'un  péripneumonique  qu'il  avait  observé  avec 
Henry  Marsh  : 

On  avait  entendu  non-seulement  au  niveau  du  cœur,  mais  même 
sur  toute  la  région  antérieure  de  la  poitrine,  un  bruit  de  soufflet 
parfaitement  net  et  très-éclatant.  Ce  bruit  n'existait  ni  dans  les 
artères  sous-clavières,  ni  dans  Jes  carotides...  il  n'apparut  que  lors- 
qu'il y  eut  une  matité  absolue  et  une  absence  complète  du  mur- 
mure respiratoire  au  niveau  de  la  partie  inférieure  du  poumon;  le 
bruit  augmenta  en  intensité  à  mesure  que  l'inflammation  envahit 
la  partie  supérieure  du  poumon  droit...  pendant  plusieurs  jours,  il 
persista  dans  toute  son  intensité.  Mais  à  mesure  que  l'inflammation 
déclina,  le  bruit  de  soufflet  devint  graduellement  moins  éclatant  et 
moins  intense  et  dans  l'espace  de  quatre  jours  il  disparut  complète- 
ment. (Graves,  Clinical  Lectures,  etc.,  2°édit.  Dublin,  1864,  p.  473.) 

Graves  a  laissé  à  d'autres  le  soin  d'expliquer  ce  phé- 
nomène remarquable. 

Bellingham  l'a  rapporté  à  la  pression  subie  par  les 
branches  de  l'artère  pulmonaire.  (Diseases  of  ihe  heart, 
p.  138.) 

Ne  se  produisait-il  pas  plutôt  dans  le  cœwr,  et  n'était-il 
pas  renforcé  par  le  poumon  malade  ? 

«  La  disparition  du  souffle,  a  dit  M.  Jaccoud  (t.  II, 
p.  G4  de  la  2e  édition  de  sa  version  française  de  Graves), 
au  moment  même  où  i'hépatisation  entra  en  résolution, 
est  un  puissant  argument  en  faveur  de  cette  interpré- 
tation. 

M.  Aubnrtin  (1)  dit  avoir  vu  au  n*  23  .le  la  salle  Saint-Jean-de-Dieu 
un  jeune  phthisique  adressé  par  M.  Piorry.  On  entendait  chez  lui, 

(I)  Auburtin.  —  lleclierches  clin,  sur  les  mal.  du  cœur,  p.  180. 


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«14  SÉMÉIOTIQUE. 

à  gauche  et  en  arrière,  le  long  de  la  colonne  vertébrale,  un  souffle 
isochrone  à  chaque  systole  ventriculaire,  ayant  son  maximum  d'in- 
tensité au  niveau  des  cinquième  et  sixième  vertèbres  dorsales.  On 
rencontra,  après  la  mort,  une  masse  de  ganglions  tuberculisés  qui 
comprimaient  l'aorte  dans  le  point  même  où  on  avait  entendu  le 
bruit  de  souffle. 

Hydropèricarde  comprimant  ï origine  des  gros  vaisseaux. 

M.  A.  Raciborsky  (1)  faisait  remarquer  dès  4835  que 
la  compression  du  cœur  et  de  ses  orifices  par  un  épan- 
chement  abondant  du  péricarde  était  susceptible  de 
déterminer  un  bruit  de  souffle. 

Dans  un  cas  de  cette  nature,  a  dit  W.  H.  Walshe  (2), 
un  murmure  très-prononcé  lorsque  le  malade  est  cou- 
ché, disparaît  lorsqu'il  se  met  debout. 

Au  moment  où  je  rédige  cet  article  (25  juin  1866),  je  donne  des 
soins  à  une  sage-femme  de  la  province  qui  présente  de  la  matité 
dans  presque  toute  la  région  sous  claviculaire  gauche.  Cette  matité 
est  absolue  et  ne  diffère  point  de  celle  des  épanchements  plcuréti- 
ques  considérables;  elle  donne  aux  doigts  la  sensation  d'une  grande 
résistance.  Élle  commence  à  un  travers  de  doigt  au-dessous  de  la 
clavicule  et  on  la  suit  de  haut  en  bas  jusqu'au  rebord  des  côtes.  Elle 
s'étend  d'un  côté  a  l'autre  à  partir  du  bord  droit  du  sternum,  dans 
l'étendue  de  15  centimètres.  La  forme  de  cette  matité  est  presque 
arrondie.  On  ne  produit  sur  toute  sa  surface  aucune  résonnance 
pulmonaire,  on  n'y  entend  aucun  murmure  vésiculaire. 

Les  bruits  du  cœur  sont  bien  distincts  et  bien  nets  lorsque  la 
malade  est  assise;  chacun  d'eux  a  le  timbre  qui  lui  est  propre.  Le 
premier  est  plus  sourd  qu'auparavant,  lorsque  la  malade  est  couchée; 
il  est  masqué  par  un  bruit  de  souffle,  lorsque  je  fais  placer 
sous  son  siège  des  oreillers.  Dans  cette  situation  nouvelle,  le  liquide 
comprime  davantage  les  gros  vaisseaux  qui  sont  devenus  déclives 

(1)  A.  Raciborski.  Nouveau  manuel  complet  d'ausc.  et  de  perc,  p.  290. 
Paris,  1835. 

(4;  W.  H.  Walsho.  Diseatet  of  the  heart,  3«  édit.,  p.  88.  Londoo,  1862. 


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BRUITS  INTRÀ-CARDIÀQUE8.  215 

par  rapport  à  la  base  du  thorax.  De  là,  la  production  du  bruit  de 
souffle. 

Je  fais  asseoir  de  nouveau  la  malade,  et  ce  bruit  disparaît. 

Le  décubitus  sur  le  côté  gauche  fait  naître  la  résonnance  pulmo- 
naire sur  la  moitié  droite  du  sternum. 

On  entend  en  arrière,  dans  les  points  diamétralement  opposés  à 
ceux  de  la  matité,  la  résonnance  pulmonaire  et  les  bruits  respira- 
toires. Il  n'en  serait  pas  ainsi  s'il  existait  un  épanchement  pleuré- 
tique. 

Tout  le  côté  droit  est  le  siège  d'une  résonnance  tympanique  et 
d'une  respiration  exagérée. 

Donc,  un  épanchement  péricardique,  en  diminuant 
le  calibre  des  gros  vaisseaux,  peut  faire  naître,  dans 
des  conditions  déterminées,  un  bruit  de  souffle  systo- 
lique  dépendant  du  frottement  exagéré  du  sang*  à  l'en- 
droit rétréci. 

Le  Dr  Budd  a  signalé  un  bruit  de  soufflet  diastolique  rude  et  pro- 
longé ayant  son  maximum  d'intensité  au  niveau  du  cartilage  de 
la  quatrième  cote  gauche,  comme  ayant  existé  chez  un  malade  âgé 
de  36  ans,  qui  s'appelait  William  Thomas.  On  ne  trouva  chez  lui, 
après  la  mort,  qu'une  dilatation  du  cœur  portant  spécialement  sur 
le  ventricule  gauche  et  qu'une  déchirure  de  la  valvule  sigmoïde 
aortique  (1). 

M.  Goupil  dit  un  jour  à  la  Société  anatomique  : 

J'ai  entendu  un  bruit  de  souffle  doux  au  second  temps  dans  deux 
cas  d'insuffisance  aortique  coïncidant  avec  l'absence  d'une  valve 
sigmoïde.  Dans  ces  deux  cas  où  l'affection  était  congénitale,  les 
valves  existantes  étaient  souples,  saines,  mais  seulement  insuffi- 
santes . 

A  la  vérité,  des  observations  de  ce  genre  ne  sont  pas 
communes. 

ii)  Budd.  -  London  médical  Gazette,  t.  XXIX,  p.  523  el  suiv. 
(2)  Voyez  les  Bulletins  de  celte  société,  pour  l'année  4856;  3f  année, 
p.  126. 


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210  SÉMKIOTTQUE» 

M.  Jaccoud  a  cité  l'observation  suivante  (1)  pour 
prouver  que  les  lésions  organiques  ne  sont  pas  indis- 
pensables à  la  production  des  bruits  anormaux. 

Le  12  septembre  1861.  —  Un  jeune  homme  de  22  ans 
avait  eu  en  1850  une  scarlatine  grave,  et  en  1860  un  rhumatisme 
articulaire  aigu.  Lorsqu'il  entra  à  l'hôpital,  il  éprouvait  des  troubles 
très-prononcés  de  la  circulation  générale.  Toute  médication  fut  im- 
puissante à  atténuer  les  accidents.  Le  malade  mourut  le  5  octobre, 
à  la  suite  d'une  lente  asphyxie. 

♦ 

Que  trouva-t-on  à  l'autopsie? 

Le  cœur  volumineux  sans  hypertrophie  proportionnelle  ; 
La  capacité  du  ventricule  gauche  dépassant  de  moitié  les  dimen- 
sions normales; 
L'oreillette  correspondante  également  distendue  ; 
L'aorte  dilatée  dans  toute  l'étendue  de  son  trajet  intru-canliaque  ; 
Les  parois  du  cœur  droit  amincies; 

Les  valvules  sigmoïdes  de  l'aorte  et  ta  valvule  mitrale  insuffisantes  (2). 
(Le  liquide  coulait  abondamment  dans  le  ventricule  à  travers  les 
valvules  de  l'aorte  et  dans  l'oreillette  gauche  à  travers  les  valvules 
mitrales.) 

La  membrane  interne  du  ventricule  et  de  l'oreillette  gauche 
parfaitement  saine  ; 

Les  replis  valvulaires,  les  cercles  iibrcux  auxquels  ils  sont  atta- 
chés, la  surface  interne  de  l'aorte  nullement  altérés,  les  orifices  par- 
faitement libre?,  dilatés  proportionnellement  aux  cavités,  cette  dila- 
tation portant  principalement  sur  l'orifice  raitral  dont  la  circonfé- 
rence mesurait  122  millimétrés  (3). 

(1)  Voyez  cetle  observation  p.  236  et  suivantes,  de  sa  version  fran- 
çaise des  Leçons  de  clinique  médicale  do  Graves,  2récJit.,  t.  II.  —  Elle  a 
été  également  insérée  dans  la  Gazette  hebdomadaire  (p.  709  et  suiv.  du 
t.  VIII,  13  décembre  1861;,  et  dans  le  Moniteur  des  sciences  mèdic.  et 
pharmaceut.,  n°  154  du  t.  III  de  la  2e  série,  pour  l'année  1861,  et  dans 
le  n*  2  du  t.  IV,  pour  l'année  1832. 

(2)  Ce  fait  répond  au  doute  que  M.  Àndral  a  exprimé,  quand  il  a  dit 
(voyez  Laônnec.  t.  III,  p.  284)  :  a  Une  largeur  trop  grande  des  orifices 
artériels,  comme  cause  d'insuffisance,  me  parait  avoir  été,  jusqu'à  pré- 
sent (en  1837),  plutôt  supposée  que  réellement  observée.  » 

(3;  M.  Bouillaud  a  trouvé  sur  trois  sujets,  dont  le  cœur  était  à  l'état 


BRUfTS  INTRA-CARDIAQUE8 


217 


Qu  avait-on  entendu  pendant  la  vie  ? 

Dos  battements  du  cœur  éclatants  ;  deux  bruits  de  souffle  parfai- 
tement distincts  qui  différaient  non-seulement  par  leur  timbre  et 
leur  tonalité,  mais  encore  par  le  temps  qu'ils  occupaient  dans  la 
révolution  cardiaque. 

L'un  de  ces  souffles  avait  son  maximum  d'intensité  dans  le  sixième 
espace  intercostal,  au  niveau  même  delà  pointe  du  cœur.  Le  timbre 
étaient  rude,  presque  râpeux,  le  ton  en  était  très-élcvé,  il  masquait 
complètement  le  premier  bruit  normal;  c'est  au  moment  précis  où 
avait  lieu  le  choc  du  coMir  contre  la  paroi  thoracique,  qu'il  présen- 
tait son  intensité  la  plus  grande.  Au  niveau  de  la  base  du  cœur,  le 
premier  bruit  normal  était  altéré  par  la  propagation  du  souffle  de 
la  pointe. 

Le  second  bruit  était  remplacé  par  un  souffle  doux,  prolongé, 
dont  le  ton  était  moins  aigu  que  celui  du  précédent;  il  était  perçu 
soit  dans  le  troisième  espace  intercostal  gauche,  le  long  du  sternum, 
soit  dans  le  point  correspondant  du  côté  droit,  où  il  était  même  plus 
net  et  plus  fort. 

Il  n'existait  pas  de  souffle  dans  les  gros  vaisseaux  du  cou. 

Les  carotides  primitives  et  les  sous-clavières,  dans  leur  portion 
cervicale,  présentaient  un  thrill  (I)  manifeste  (2). 

Le  pouls  médiocrement  plein  était  tantôt  bondissant,  tantôt  petit 
sans  intermittence. 

M.  Jaccoud  fit  dépendre  le  premier  bruit  anormal  de 
l'insuffisance  mitrale,  et  le  second  bruit,  anormal  éga- 
lement, de  l'insuffisance  aortique. 

Il  n'existait  pas  d'altérations  valvulaires  dans  les 
faits  expérimentaux  que  nous  avons  fait  connaître,  de 

normal,  à  la  circonférence  do  l'orifice  auriculo-ventriculaire  droit,  un 
maximum  de  4  pouces  C 108  millimètres).  (Traité  clin,  des  mal.  du  cœur, 
édit.,  t.  I,  p.  58  ;  in-8.  Paris,  1835.) 

Le  maximum  de  l'orifice  auriculo-ventriculaire  gauche  était,  sur  trois 
sujets,  de  3  poucos  6  lignes  (ibid.,  p.  57). 

(1)  Ce  mot  est  la  traduction  de  bruissement,  de  frémissement  cataire. 

(2)  J'ai  déjà  signalé  cette  observation  à  l'occasion  d'une  réflexion  qu'a- 
vait faite  M.  Notta. 


218  SÉMÉIOTIQUE. 

Charles  Williams  et  de  Hope,  et  cependant,  il  se  produi- 
sait tantôt  du  sifflement  au  second  temps,  tantôt  du  sif- 
flement ou  des  bruits  de  souffle  au  premier  temps. 

Il  n'existait  pas  non  plus  d'altération  des  valvules 
auriculo-ventriculaires  dans  les  faits  expérimentaux  de 
MM.  Ghauveau  et  Faivre  que  nous  avons  cité:-,  et  cepen- 
dant il  se  produisait  un  bruit  de  souffle  fort  au  premier 
temps. 

Il  reste  à  expliquer  pourquoi  dans  l'observation  de 
M.  Dieulafoy,  dont  nous  avons  reproduit  les  points  affé- 
rents à  notre  sujet,  il  ne  se  produisait  aucun  bruit  anor- 
mal, bien  qu'elle  ait  beaucoup  d'analogie  avec  l'obser- 
vation de  M.  Jaccoud,  et  pourquoi  il  ne  s'est  pas  produit 
de  la  sibilalion  dans  l'observation  de  MM.  Pennock  et 
Moore  que  nous  allons  reproduire,  bien  qu'elle  res- 
semble beaucoup,  sous  les  autres  rapports,  aux  faits  de 
C.  Williams  et  Hope. 

Onzième  expérience. 

«  A  hook  was  passed  inlo  the  «  Un  crochet  ayant  été  introduit 

«  aorta  by  Or.  Moore,  and  one  of  dans  l'aorte  par  le  Dr  Moore,  il  par- 

«  the  semi-lunar  valves  elevatcd  ;  vint  à  saisir  et  à  soulever  une  des 

«  the  eyes  of  tbe  auscullator  werc  valvules  semi- lunaires.  Alors  la 

«  closed,  to  prevenl  the  possibility  personne  qui  auscultait  ayant  fer- 

«  of  bias  from  preconecived  opi-  mé  les  yeux,  pour  prévenir  toute 

«  nions.  While  in  this  position  ,  tendance  vers  une  opinion  pré- 

«  the  auscullator  announced  the  conçue,  annonça  que  le  second 

«absence  of  the  second  sound  ,  bruit  avait  disparu ,  et  qu'au  pre- 

«  and  the  a -cession  of  a  rough  mier  se  joignait  un  souffle;  rude, 

a  bollows  sound  in  the  firstsound.  Le  crochet  fut  retiré,  et  aussitôt 

«  The  hook  was  thon  wilhdrawn,  le  second  bruit  reparut.  Répétée 

■  and  the  second  sound  was  de-  deux  fois,  par  chaque  personne, 
«  clared  to  have  returned.  This  cette  expérience  donna  conslam- 
«  experiment  was  tried  twice  by  ment  le  même  résultat.  On  n'es- 
te each,  and  by  some  three  limes  saya  pas  d'introduire  le  crochet 
«in  succession,  and  the  resulls  dans  l'artère  pulmonaire,  parce 
•  were  uniforra.  No  hook  was  que,  vers  ce  moment  de  l'expé- 
«  passed  inlo  the  pulmonary  ar-  rience,  le  second  bruit  ne  s'y  fai- 

■  tery,  in  as  tnuch  as  no  sound  was  sait  plus  entendre.  »  (Relation  sur 
«  heard  over  it  at  this  time.  The  une  série  d'expériences  sur  les 


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DE  l'hERPRTJSME. 


219 


■  auricle  contractée]  while  in  tbe 
«  hand,  eroptied  of  blood.  »  {Expe- 
riment  xi,  p.  42  du  Report  ofexpe- 
rimtnts  on  tke  action  of  the  heart 
(extracted  from  the  Médical  Exa- 
miner, n°  44).  Jn  8.  Philadelphia, 
1839) 

—  La  suite  prochainement.  — 


vements  et  let  bruits  du  cœur.  Mé- 
n  oire  traduit  de  l'anglais  par  M.  E. 
Beaugrand,  p.  181,  du  journal  l'Ex- 
périence, pour  l'année  1842,  numéro 
du  22  septembre.) 


Dr  L.  MAILLIOT. 


BIBLIOGRAPHIE 

DE  L'HERPtèTISME 
Par  le  Dr  GIGOT-SUARD,  médecin  consultant  aux  Eaux  de  CautereU  (t). 

(  Suite  et  fin.) 

THÉRAPEUTIQUE. 

La  thérapeutique  découle  toujours  de  la  doctrine  pa- 
thologique, c'est  une  fatalité  à  laquelle  la  logique  nous 
condamne,  et  c'est  pour  cela  que  les  questions  de  doc- 
trines ont  une  importance  qui  retentit  à  coup  sûr  jusque 
dans  les  derniers  détails  de  la  pratique. 

M.  Gig,ot-Suard  appartient  au  physiologisme  mo- 
derne, il  croit  avoir  trouvé  dans  l'empoisonnement  du 
sang*  par  les  matières  excrémentitielles,  dans  l'uricé- 
mie l'explication  de  l'herpétisme.  Son  problème  théra- 
peutique se  réduira  en  ces  termes  :  trouver  une  médi- 
cation qui  empêche  la  formation  en  excès  de  l'acide 
urique  ou  de  ses  composés ,  et  qui  favorise  leur  excré- 
tion ;  et ,  résultat  inattendu ,  il  arrive  à  préconiser  le 
café  vert  et  le  colchique  comme  les  deux  médicaments 
héroïques  de  la  dartre ,  tandis  que  Y  arsenic  et  le  soufre 
sont  relégués  à  un  rang-  tout  à  fait  inférieur. 

(1)  Un  vol.  in-8  ;  chez  J.-B.  Baillière  et  fili. 


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220  BIBLIOGRAPHIE. 

Mais  reprenons  les  choses  un  peu  plus  en  détail,  car 
tout  ce  qui  touche  à  la  thérapeutique  est  important,  et 
j'espère  montrer  comment  le  principe  de  similitude 
pourra  utiliser  les  laborieuses  recherches  de  M.  Gigot- 
Suard. 

Nous  allqns  trouver  ici,  avec  tous  les  perfectionne- 
ments que  peut  apporter  la  chimie  moderne,  la  vérita- 
ble thérapeutique  traditionnelle.  Cette  thérapeutique  se 
réduit  à  une  théorie  bien  simple.  Une  matière  morbide, 
cause  de  la  maladie  ;  une  médication  qui  doit  détruire 
ou  éliminer  cette  matière  morbide.  Dans  le  cas  présent, 
l'acide  urique  et  ses  composés  retenus  dans  le  sang* 
constituent  la  matière  morbide,  cause  de  la  dartre.  Les 
àépurali/s,  c'est-à-dire  les  médicaments  qui  ont  la  pro- 
priété de  débarrasser  le  sang*  des  principes  excrémenti- 
tiels  en  excès  ,  voilà  le  second  terme,  c'est-à-dire  le  trai- 
tement de  la  dartre.  On  reconnaît  à  ces  traits  la  théra- 
peutique vtiologique  que  l'école  de  Galien  a  si  profondé- 
ment fixée  au  cœur  de  la  médecine  qu'à  l'exception  des 
disciples  de  Hahnemann,  aucun  médecin  n'a  pu  encore 
se  débarrasser  des  sophismes  qui  la  constituent. 

Et  cependant  M.  Gigot-Suard  cite  un  passage  de 
M.  Jeannel  qui  exprime  bien  ma  pensée,  et  que  nous 
lui  conseillons  de  méditer  : 

«  L  humorisme  considérait  les  médicaments  dépuratifs 
comme  propres  à  débarrasser  les  humeurs  des  éléments 
hétérogènes  et  nuisibles  qui  les  pouvaienteontenir...  On 
se  persuadait  que  ces  médicaments  avaient  le  pouvoir 
de  détruire  sur  place  les  éléments  hétérogènes,  ou  de 
les  entraîner  au  milieu  des  évacuations  qu'ils  provo- 
quent. » 

Un  peu  plus  loin,  le  même  auteur  rappelant  les  expli- 
cations physiologiques  qu'on  a  données  de  l'action  des 
dépuratifs  et  des  altérants,  ajoute  : 


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DB  l'hERPÉTISMB.  Sfil 

«  Nous  considérons  ces  phrases  scientifiquement  dé- 
duites comme  propres  à  enguirlander ,  au  goût  du 
temps  ,  l'abîme  qui  sépare  trop  souvent  ces  deux  ter- 
mes :  maladie...  remède.  »  (Nouveau  Dictionnaire  de 
médecine  et  de  chirurgie  pratiques,  t.  XI,  p.  183.  ) 

L'abîme  qui  sépare  la  maladie  du  remède  ne  peut  être 
franchi  que  sur  le  pont  de  la  matière  médicale  expéri- 
mentale et  la  loi  de  similitude.  Mais  revenons  à  M.  Gigot- 
Suard. 

Cet  auteur  croit  échapper  au  reproche  de  thérapeuti- 
que hypothétique  {ou  enguirlandante) ,  que  mérite  si 
bien  la  thérapeutique  étiologiquc,  parce  que  c'est  d'a- 
près l'expérimentation  qu'il  a  établi  ses  dépuratifs ,  il  se 
trompe,  comme  nous  allons  le  lui  montrer. 

M.  Gigot-Suard  a  démontré  par  des  expérimenta- 
tions sur  l'homme  que  le  silicate  de  soude,  le  colchique  et 
le  ca/é  vert  augmentaient  la  densité  des  urines  excrétées; 
que,  par  conséquent,  ces  médicaments  débarrassaient 
le  sang  des  principes  excrémentitiels  destinés  à  être  éli- 
minés par  les  urines.  Il  en  conclut  que  ces  substances 
sont  des  dépuratifs  et  constituent  les  véritables  médica- 
ments de  la  dartre.  La  clinique  a  aussi,  d'après  M.  Gigot- 
Suard,  confirmé  la  valeur  de  ces  médicaments  qui  ont 
guéri  un  certain  nombre  de  dartreux.  La  démonstra- 
tion expérimentale  semble  donc  complète,  et  M.  Gigot- 
Suard  aurait  trouvé  ce  que  personne  n'a  encore  trouvé 
depuis  Galien,  une  matière  morbifique  réelle,  et  un  dépu- 
ratifnon  hypothétique. 

Mais  tout  cela  n'est  qu'une  illusion,  puisque  la  base  du 
système  lui-même  est  faux  et  hypothétique.  La  dartre, 
nous  l'avons  déjà  démontré,  n'est  point  due  à  un  em- 
poisonnement du  [sang  par  les  produits  excrémentitiels. 
L'uricémie  (en  supposant  qu'elle  soit  constante  chez  les 
lartreux,  ce  que  je  n'accorde  pas),  loin  d'être  la  cause 


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222  bibliographie. 

de  la  maladie  n'est  qu'une  lésion.  Si  donc  la  matière 
morbifique  n'est  qu'une  matière  morbifiée ,  le  premier 
terme  de  la  thérapeutique  étiologique  nous  manque,  et 
le  second  n'a  plus  qu'un  sens  restreint,  puisqu'il  s'a- 
dresse à  une  partie  seulement  de  la  maladie. 

Et  si  encore  le  traitement  de  la  dartre  reposait  sur  l'ad- 
ministration des  silicates  alcalins ,  du  colchique  et  du 
café  vert!  Mais,  quoi  qu'en  dise  M.  Gigot-Suard,  le  sou- 
fre, l'arsenic,  la  canlharide,  le  manganèse,  la  sépia,  le 
graphite,  etc.,  etc.,  guérissent  un  grand  nombre  de 
dartres  au  moins  aussi  bien  que  le  silicate,  le  café  vert 
et  le  colchique.  La  théorie,  fausse  par  la  base,  pèche 
donc  aussi  par  les  conclusions.  Mais  nous  reviendrons 
sur  ce  point  et  sur  les  services  rendus  par  M.  Gigot- 
Suard  au  traitement  de  l'herpétisme,  après  avoir  rendu 
compte  de  ses  expériences  de  matière  médicale. 

MATIÈRE  MÉDICALE  EXPERIMENTALE. 

Jusqu'à  présent  nous  avons  accepté  les  données  expé- 
rimentales de  M.  Gigot-Suard.  Avec  la  signification  que 
ces  auteurs  leur  accordent  maintenant,  le  moment  est 
venu  de  discuter  les  bases  mêmes  sur  lesquelles  est  assis 
le  système  qui  explique  l'herpétisme  par  un  empoison- 
nement du  sang*. 

M.  Gigot-Suard  a  fait  prendre  de  Y  acide  urique  à  des 
chiens.  M.  le  Dr  Gigot-Suard,  le  lecteur  s'en  souvient, 
explique  la  dartre  par  la  rétention  dans  le  sang  des 
principes  excrémentitiels,  et  en  particulier  de  l'acide 
urique.  Pour  démontrer  cette  théorie,  notre  auteur  a 
fait  prendre  de  l'acide  urique  à  des  chiens  ;  il  a  produit 
une  uricémie  artificielle,  et,  au  moins  c'est  là  sa  croyance, 
produit  un  herpétisme  médicamenteux. 

Nous  trouvons  que  M.  Gigot-Suard  s'est  fait  coraplé- 


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DE  L'HRRPÉTISME.  223 

tement  illusion.  Ainsi,  sur  cinq  chiens  qui  ont  été  em- 
poisonnés par  l'acide  urique,  un  seul  a  produit,  à  l'au- 
topsie, une  desquamation  sans  caractère  (obs.  i,e);  la 
peau  des  quatre  autres  chiens  était  absolument  saine.  Il 
est  juste  de  dire  que,  pendant  la  vie,  le  chien  de  la 
3e  observation  a  présenté  des  rougeurs  par  plaques, 
et  celui  de  la  4e  une  éruption  prurigineuse  à  la  cuisse; 
que  tous  ont  été  pris  de  démangeaisons  plus  ou 
moins  marquées.  Mais  la  démangeaison  chez  les  chiens 
est  un  phénomène  extrêmement  fréquent.  Je  ne  pense 
pas  que  M.  Gigot- Suard  ait  eu  le  soin  de  faire  tuer 
toutes  les  puces  des  chiens  en  expérience,  eh  bien,  les 
chiens  qui  ont  des  puces  se  grattent  incessamment. 

Quelques  plaques  rouges  à  la  peau,  une  éruption  pru- 
rigineuse constituent-elles  la  dartre?  Mais  si  M.  Gigot- 
Suard  avait  l'ait  prendre  à  ses  chiens  du  soufre  ou  de 
l  arsenic,  il  aurait  produit  des  éruptions  cutanées  beau- 
coup plus  caractérisées  et  beaucoup  plus  constantes. 

L'empoisonnement  du  sang  par  l'acide  urique  ne 
produit  donc  pas  la  dartre,  et  le  système  de  M.  Gigot- 
Su  ard  s'écroule  par  sa  base. 

Du  reste  nous  voulons  faire  le  lecteur  juge  de  la 
question  et  nous  rapportons  la  première  expérimenta- 
tion qui  est  la  plus  complète. 

Expérience  I.  —  Chien  de  i  ans,  de  taille  moyenne. 

Acide  urique  à  la  dose  de  1  gramme  deux  fois  par  jour. 

Huitième  jour.  Aucun  symptôme  ne  s'est  encore  manifesté.  Santé 
excellente,  [/animal  prend  l'acide  urique  très- facilement  dans  du 
pain  ou  de  la  viande. 

Dixième  jour.  L'animal  parait  éprouver  des  démangeaisons  qui 
l'excitent  à  se  gratter  souvent. 

Treizième  jour.  Démangeaisons  très-vives.  L'animal  est  triste. 

Seizième  jour.  Les  démangeaisons  continuent.  L'œil  gauche  est 
le  siège  d'une  sécrétion  muco-purulente.  La  dose  d'acide  urique 
est  doublée. 


824  BIBLIOGRAPHIE. 

Dix-Neuvième  jour.  L'animal  est  encore  plus  triste;  il  semble 
souffrir;  il  mange  peu.  Les  démangeaisons  paraissent  moins  vives. 
Soif  intense. 

Vingtième  jour.  Il  n'y  a  plus  de  sécrétion  morbide  à  l'oeil  gauche. 
L'animal  ne  se  gratte  que  rarement;  il  refuse  presque  la  nour- 
riture. Pas  de  diarrhée. 

Vingt  deuxième  jour.  L'animal  se  gratte  davantage;  il  parait 
moins  souffrant  et  mange  mieux  ;  il  est  plus  gai. 

Vingt-quatrième  jour.  L'animal  est  redevenu  triste;  il  mange 
difficilement;  il  se  gratte  toujours.  M.  Fougera,  vétérinaire,  méfait 
remarquer  une  forte  injection  de  la  muqueuse  oeulo-palpébrale, 
sans  sécrétion,  et  une  injection  non  moins  prononcée  de  la  mu- 
queuse buccale,  surtout  de  la  gencive  supérieure,  où  la  congestion 
forme  un  liséré  rouge  violacé.  Pas  de  diarrhée. 

Vingt-huitième  jour.  Il  y  a  trois  jours  que  l'animal  tousse  beau- 
coup et  est  atteint  d'un  écoulement  muco-purulent  par  les  narines. 
La  muqueuse  oculo-palpébrale  et  la  gencive  supérieure  sont  tou- 
jours injectées.  L'animal  se  gratte  beaucoup;  il  est  triste  et  est 
devenu  méchant;  il  mange  peu  et  boit  beaucoup. 

Trente  et  unième  jour.  La  toux  et  l'écoulement  muco-purulent 
des  narines  continuent.  L'animal  est  triste,  méchant,  et  refuse  de 
manger.  Il  est  sacrifié,  et  l'autopsie  est  faite,  cinq  heures  aprJ's,  en 
présence  de  M.  le  Dr  Faucher,  médecin  de  l'hôpital  de  Levroux. 

Peau.  Lorsque  l'animal  est  dépouillé,  on  remarque  en  plusieurs 
endroits,  notamment  à  la  cuisse  droite,  un  épanchement  assez 
considérable  d'uni?  matière  alhumineuse,  gluante,  entre  la  peau  et 
les  muscles.  Cette  matière  n'a  pas  été  analysée.  Toute  la  face  pro- 
fonde de  la  peau  a  une  teinte  bleuâtre,  ardoisée;  les  follicules 
pileux  paraissent  augmentés  de  volume.  Le  pelage  de  l'animal  étant 
trcs-abomlant,  il  est  difficile  de  se  rendre  un  compte  bien  exact  de 
l'état  de  la  surface  externe  de  la  peau  ;  cependant  le  poil  s'enlève 
avec  facilité  dans  certains  endroits,  et  je  remarque  une  desquama- 
tion très-prononcée.  Il  n'y  a  aucune  autre  lésion. 

Sang.  Le  sérum  est  alcalin.  L'expérience  du  fil  indique  qu'il 
contient  une  surcharge  d'acide  urique. 

Ctrveau.  Sain  dans  toutes  ses  parties,  mais  assez  fortement 
injecté  à  sa  surface. 

Muqueuse  du  nez.  Violacée,  boursouflée  et  ramollie.  Elle  se  dé  • 
ehirc  facilement  par  la  pression,  et  laisse  écouler  un  liquide  sa- 
nieux  composé  de  sang,  de  mucus  et  de  pus. 


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DE  LHERPÉTI8ME.  225 

Muqueuse  hucco-plianjngienne.  Injectée  presque  partout,  mais 
surtout  à  la  gencive  supérieure,  où  le  liséré  violacé  remarqué  pen- 
dant la  vie  n'a  pas  disparu.  Les  papilles  de  la  langue  sont  très- 
développées. 

Voies  respiratoires.  La  muqueuse  du  larynx  est  légèrement  in- 
jectée au  niveau  des  cordes  vocales.  Celle  de  la  trachée  et  des 
bronches  l'est  beaucoup.  Le  poumon  gauche  est  fortement  hy- 
perémié;  le  droit  l'est  moins.  Placés  dans  l'eau,  l'un  et  l'autre  sur- 
nagent. 

Coeur.  Il  parait  sain. 

Œsophage.  Sain,  excepté  vers  le  pylore,  où  il  est  un  peu  injecté. 

Foie.  Injecté  à  sa  surface  et  surtout  sur  les  bords. 

Hâte.  Saine,  excepté  sur  un  de  ses  bords,  où  l'on  remarque  une 
injection  assez  prononcée. 

Estomac.  La  muqueuse  est  fortement  injectée  dans  la  grande 
courbure;  elle  n'est  ni  épaissie  ni  amincie;  Tépithélium  s'enlève 
diflicilement;  elle  présente  l'état  mamelonné  sur  plusieurs  points. 

Pancréas.  Injecté  dans  la  plus  grande  partie  de  son  étendue, 
surtout  à  la  surface. 

Intestin  grêle.  Consistance  normale  de  la  muqueuse.  Nous  remar- 
quons dans  certains  points  une  arborisation  vasculaire  assez  pro- 
noncée. Sur  d'autres,  c'est  un  pointillé  à  peine  visible,  ou  des 
plaques  rouges  semblables  à  des  ecchymoses.  Les  plaques  de  Peyer 
sont  augmentées  de  volume. 

Gros  intestin.  La  muqueuse  est  assez  fortement  injectée,  mais  de 
consistance  normale,  surtout  dans  le  rectum.  Les  glandes  sont  ma- 
nifestement hypertrophiées. 

Vessie.  Distendue  par  l'urine.  Elle  est  le  siège  d'une  congestion 
considérable  que  ni  le  lavage  ni  la  macération  ne  font  disparaître. 
Elle  n'est,  d'ailleurs,  ni  épaissie  ni  ramollie. 

Uretères.  Injection  très-prononcée  de  la  muqueuse. 

Reins.  Us  présentent  des  altérations  extrêmement  remarquables. 
Us  paraissent  plus  volumineux  et  moins  consistants  qu'à  l'état  nor- 
mal. Après  avoir  enlevé  la  capsule  fibreuse,  on  reconnaît  que  leur 
surface  extérieure,  d'un  rouge  violacé,  est  parsemée  de  corpuscules 
d'un  blanc  laiteux  ou  un  peu  jaunâtres ,  du  volume  d'une  tète 
d'épingle  à  un  grain  de  millet.  En  divisant  les  reins  de  leur  bord 
convexe  vers  leur  scissure,  nous  remarquons  que  la  substance  cor- 
ticale, d'une  couleur  plus  pale  que  celle  de  la  surface  extérieure,  est 

TOME  XXXII.  —  SEPTEMBRE  1870.  15 


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226  BIBLIOGRAPHIE. 

gonflée,  et  qu'elle  occupe  un  espace  plus  considérable  que  dans 
l'état  sain,  surtout  dans  ses  prolongements  entre  les  concs.  La  sub* 
stance  tubuleuse  a  une  couleur  rou^c  foncé.  La  substance  corticale 
présente  aussi  des  granulations  semblables  à  celles  de  la  surface 
extérieure,  et  surtout  des  lignes  irrégulières,  comme  floconneuses, 
qui  semblent  se  continuer  avec  les  stries  divergentes  des  cônes 
tubuleux.  Indépendamment  des  granulations,  j'ai  constaté  la  pré- 
sence de  points  blancs  au  sommet  «les  pyramides  et  de  stries  blanches 
le  long  des  tubes  urinifères.  A  l'examen  microscopique  et  chimique, 
j'ai  reconnu  que  ces  stries  et  ces  points  étaient  composés  d'urate  de 
soude. 

Articulations.  Les  grandes  et  les  petites  articulations  ont  été 
examinées  avec  soin.  La  synovie  paraissait  augmentée  dans  toutes; 
elle  était  alcaline.  Dans  les  petites  articulations  la  synoviale  était 
injectée.  La  couleur  bleuâtre  des  cartilages  nous  à  semblé  beau- 
coup plus  foncée  qu'à  l'état  normal,  surtout  aux  petites  articula- 
tions. 

Le  lecteur  n'a  sans  doute  pas  reconnu  la  description 
de  la  dartre  dans  l'histoire  de  ce  chien,  mais  s'il  veut 
prêter  quelque  attention  aux  symptômes  et  aux  lésions, 
je  crois  qu'il  y  trouvera  une  image  assez  nette  du  dia- 
bète ,  maladie  qui  est  habituellement  heureusement 
modifiée  par  l'administration  des  selsd'uré. 

Réservons  donc  la  physiologie  pour  nous  donner 
l'explication  et  le  mécanisme  des  symptômes  ;  n'oublions 
pas  que  la  maladie  est  un  état  dont  les  lois  de  la  santé 
ne  peuvent  nous  faire  connaître  la  nature.  Revenons  à 
ces  explications  chimiques,  physiques  et  physiologiques 
qui  forment  comme  un  cercle  fatal  flans  lequel  les  meil- 
leurs esprits  de  la  médecine  tournent  infructueusement 
d'Hippocrate  à  Virchow.  Sortons  courageusement  du 
domaine  des  hypothèses  stériles,  et  bâtissant  sur  le  ter- 
rain solide  de  l'essentialité  des  maladies,  élevons  une 
thérapeutique  qui  s'appuie  d'une  part  sur  la  connais- 
sance de  l'action  positive  des  médicaments  sur  l'homme 
sain,  d'autre  part  sur  la  connaissance  non  moins  posi- 


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VARIÉTÉS.  227 

tivc  des  symptômes  de  la  maladie,  et  par  conséquent 
qui  fonctionne  sans  avoir  besoin  d'aucune  hypothèse. 

Nous  ne  pouvons  terminer  cet  article  sans  remercier 
M.  Gigot-Suard  de  son  grand  et  consciencieux  travail 
sur  l'herpétisme.  Les  lecteurs  trouveront  dans  cet  ou- 
vrage des  renseignements  précieux  sur  l'histoire  de  la 
dartre  et  de  son  traitement. 

P.  Jousset. 


VARIÉTÉS 


LES  PETITES  MISÈRES  DE  QUELQUES  MÉDECINS 

CATHOLIQUES. 

X.  Elie  Beda.  des  Fougerais. 

«  Avant-hier  (i3  septembre  1659),  M.  d'Aguesseau 
mourut  à  Paris,  maître  des  requêtes,  du  vin  émétique 
de  Béda,  sieur  des  Fougerais,  imignisagyrtaezi  impuden- 
ihsimi  nebulonis.  »  Lettres  de  Gui  Patin  à  Belin.  De  Paris,  . 
ce  lundi,  15  de  septembre  1659,  édit.  de  J.-H.  Héveillé- 
Parise,  t.  I,  p.  245. 

«  Je  veux  vous  annoncer  une  réjouissance  pour  la 
papimanie,  laquelle  fait  ici  parler  bien  du  monde,  le 
personnage  étant  fort  connu.  Des  quatre  prétendus  ré- 
formés qui  nous  restoient  en  notre  Faculté,  le  nombre 
en  est  réduit  à  trois,  ayant  plu  à  Dieu  de  toucher  le 
cœur  (je  n'oserois  dire  l'âme,  car  je  doute  s'il  en  a  une) 
à  notre  maître  Elie  Béda,  dit  par  la  ville  et  soi-disant 
des  Fougerais,  comme  du  nom  de  quelque  seigneurie. 
Il  va  dorénavant  à  la  messe,  porte  le  chapelet,  fait  le 
bigot  comme  les  autres,  et  tout  cela  par  l'intervention 
du  père  de  Lingendes,  jésuite,  et  de  quelques  dames. 


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228  VARIÉTÉS. 

Ne  vous  étonnez  donc  plus  de  votre  M.  Meyssonier,  en 
voici  un  autre  qui  a  fait  comme  lui  ;  mais  celui-ci  est 
bien  plus  fin,  plus  rusé  et  plus  modéré  que  le  vôtre. 
Ceux  qui  l'ont  vu  à  la  messe  ne  doutent  pas  de  sa  con- 
version ;  mais  nous  autres  qui  le  connaissons  pour  ce 
qu'il  est,  c'est-à-dire  pour  un  dangereux  cancre  et 
grand  imposteur,  doutons  bien  fort  si  par  ci-devant 
ayant  été  grand  et  insigne  charlatan,  l'eau  bénite  qu'il 
prendra  le  pourra  changer  et  le  faire  meilleur,  plus 
sage,  plus  retenu  et  moins  charlatan  qu'il  n'étoit.  »  De 
Paris,  ce  8  de  mai  1648.  Lettres  à  Charles  Spon,  D.  M. 
à  Lyon,  p.  392-93. 

a  Béda  ne  se  pique  que  de  secrets  et  d'antimoine,  et 
dit  qu'il  a  guéri  la  vérole  à  tout  le  inonde.  »  Ce  29  de 
mai  1648,  p.  401. 

«  Le  sieur  Béda  des  Fougerais  n'est  point  mis  au 
rang*  des  honnêtes  gens;  il  est  chimiste,  empirique, 
et  fait  ce  qu'il  peut  pour  gagner  avec  effronterie,  im- 
pudence, sans  assaisonner  son  fait  de  nulle  prudence. 
Il  assure  de  guérir  tout  le  monde;  il  fait  rage  de  pro- 
mettre de  son  côté  et  d'en  savoir  bien  plus  que  tous  les 
autres  ;  que  tel  et  tel  ne  savent  que  saigner  et  purger, 
mais  que  lui  a  de  grands  secrets,  etc.  Sic  omnibus  et 
singulis  detrahendo  omnium  odio  dignus  venit.  Quand  il 
changea  de  religion,  en  cas  qu'il  en  ait  quelqu'une,  son 
père  même  dit  qu'il  ne  s'en  étonnoit  point,  qu'il  l'avoit 
reconnu  impie,  luxurieux  et  idolâtre  de  l'argent.  El  un 
ministre  dit  :  La  quille  nous  a  quittés,  nous  n'y  avons  rien 
perdu,  les  papistes  n'y  ont  rien  gagné,  car  c'est  un  fripon,  et 
véritablement  je  tiens  pour  très-vrai  ce  que  ce  ministre 
a  dit.  11  a  par  ci-devant  été  grand  donneur  d'antimoine, 
niais  il  en  a  été  si  mauvais  marchand  qu'il  s'en  est  re- 
tiré. Il  ne  laisse  pas  néanmoins  de  promettre  merveilles 
à  tous  ceux  qu'il  rencontre  disposés  et  capables  d'être 


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» 

J 


VARIKTKS.  229 

trompés  par  lui.  Qu;e  quidem  omnia  de  FJia  Beda  sttnt  ve- 
riss/ma.  Je  n'aime  ni  à  mentir  ni  à  médire;  aussi  n'est-ce 
point  par  principe  de  médisance  (!)  que  j'en  parle,  mais 
on  pure  vérité,  afin  que  vous  le  sachiez  et  que  vous  con- 
naissiez ce  personnage  qui  est  grand  valet  d'apothi- 
caires et  grand  cajoleur  de  belles  femmes,  desquelles  il 
a  quelquefois  été  fort  maltraité  :  utinam  sapiat  in  poste- 
rwn.  »  Août  1650,  t.  ÏI,  p.  39-40. 

«Les  chimistes  antimoniaux  de  la  cour  ont  ici  tué... 
une  ^â,n,  de  Gazeau,  fille  d'un  maître  des  comptes; 
elle  était  âgée  de  trente  ans  et  grosse.  L'antimoine  que 
lui  donna  des  Fougerais  la  fit  accoucher  d'un  enfant  de 

cinq  mois,  et  mourir  peu  d'heures  après  et  fœtum  

Depuis  huit  jours  on  m'a  envoyé  un  paquet  où  il  y  avoit 
une  épigramme  contre  l'antimoine,  et  contre  trois 
hommes  qui  en  abusent,  dont  les  deux  sont  de  notre 
Faculté,  le  troisième  n'en  est  point.  Je  m'étonne  com- 
ment on  n'y  a  pas  aussi  compris  le  sieur  Béda  des 
Fougerais,  qui  est,  lui  tout  seul,  presque  aussi  méchant 
que  les  trois  autres,  combien  que  Guénaut  soit  nequissi- 
mus.  Peut-être  que  le  poëte  l'a  épargné  à  dessein  (non 
pas  qu'il  s'amende,  car  il  est  méchant  perverti),  en  in- 
tention de  le  traiter  une  autre  fois  tout  seul  selon  son 
mérite.  »  De  Paris,  ce  6  de  décembre  1650,  p.  63-64. 

a  Je  viens  d'apprendre  que  Guénaut  brigue  la  place 
de  premier  médecin  chez  le  duc  et  la  duchesse  d'Or- 
léans       Voire  apostat  des  Fougerais  l' avoit  briguée, 

mais  l'autre  l'aura  plutôt;  il  est  de  meilleur  mise;  il 
n'est  pas  boiteux  des  deux  côtés  comme  des  Fougerais. 

«  On  commence  ici  à  vendre  et  à  faire  trafic  des  char- 
ges de  la  maison  de  la  reine  future.  Notre  maître  Béda, 
dit  des  Fougerais,  a  offert  dix  mille  écus  de  la  charge 
de  son  premier  médecin  ;  il  s'est  vanté  à  quelqu'un  qu'il 
a  parole  de  l'être,  et  qu'il  est  assuré  de  la  bonne  volonté 


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230  VARIÉTÉS. 

de  Son  Eminence  en  son  endroit.  »  De  Paris,  ee  ven- 
dredi 9  d'août  1655,  p.  163-164. 

«1/.  Alex,  Morus  (ministre  protestant)  est  guéri,  à  ce 
que  j'apprends  depuis  deux  heures  de  M.  du  Four  (par 
ci-devant  médecin  de  M.  de  Vendôme),  qui  l'a  traité  de 
cette  maladie  dernière,  savoir,  d'une  fluxion  sur  la  poi- 
trine avec  fièvre  continue,  assisté  des  bons  et  fidèles 
conseils  de  M.  Elic  Béda,  sieur  des  Fougerais,  vénérable 
et  détestable  charlatan,  s'il  en  fût  jamais;  mais  il  est 
homme  de  bien,  à  ce  qu'il  dit,  et  n'a  jamais  changé  de 
religion  que  pour  faire  fortune,  et  môme  avancer  ses 
enfants.  Ovirum  bonuml  »  De  Paris,  le  17  de  novembre 
1662,  p.  473. 

«  Nous  avons  ici,  malade,  un  méchant  fripon  de  notre 
métier,  qui  est  M.  Elie  Béda  des  Fougerais;  mais  je  ne 
puis  croire  qu'il  en  meure.  11  donne  souvent  de  l'anti- 
moine, mais  il  n'en  prendra  pas  pour  lui.  Il  semble  que 
Dieu  laisse  vivre  les  charlatans  plus  long-temps  que  les 
autres,  pour  voir  s'ils  s'amenderont;  néanmoins  il 
pourrait  bien  prendre  celui-ci  en  toute  assurance,  sans 
attendre  de  lui  aucune  conversion,  car  il  est  tout  à  fait 
hors  d'espoir  d'amendement.  Je  ne  crois  pas  qu'il  y  ait 
sur  la  terre  un  charlatan  plus  détermine  et  plus  perverti 
que  ce  malheureux  chimiste,  boiteux  des  deux  côtés, 
comme  Vulcain,  qui  tue  plus  de  monde  avec  son  anti- 
moine que  trois  hommes  de  bien  n'en  sauvent  avec  les 
remèdes  ordinaires.  Je  pense  que  si  cet  homme  croyoit 
qu'il  y  eût  au  monde  un  plus  grand  charlatan  que  lui, 
iltàcheroitde  le  faire  empoisonner.  Il  a  dans  sa  pochette 
de  la  poudre  blanche,  de  la  rouge  et  de  la  jaune.  Il 
guérit  toutes  sortes  de  maladies  et  se  fourre  partout. 
Ceux  qui  ne  le  connaissent  point  l'admirent;  les  autres 
le  détestent  et  s'en  moquent.  iMais  c^est  assez  parlé  de 
cet  homme  qui   n'en  vaut  pas  la  peine.»  Lettres  à 


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VARIÉT&8.  231 

M.  André  Falconet,  médecin  à  Lyon.  Do  Paris,  le 
22  septembre  1651,  p.  595. 

«M.  Elie  Béda  des  Fouirais,  noire  collègue,  mais 
grand  charlatan,  est  allé  aux  eaux  do  Bourbonnc  avec 
un  partisan,  nommé  Monerot,  tant  pour  soi  que  pour 
celui  qu'il  mène;  il  a  été  ici  trois  mois  malade  d'un  ab- 
cès près  des  reins,  qui  s'est  vidé  par  l'ouverture  qu'on 
en  a  faite,  unde  superest  ulcus  sinuosum^  fistulosum  et  co/i- 
cavum,  dont  on  présage  malheur  à  ce  médecin.  »  De 
Paris,  le  25  avril  1659,  t.  III,  p.  130. 

a  Notro  M.  Elie  Béda  des  Foulerais  est  allé  à  Bour- 
bon, et  je  crois  qu'il  est  présentement  avec  un  partisan 
nommé  Monerot.  Je  ne  sais  pas  comment  il  s'y  porte, 
ni  ce  que  lui  feront  les  eaux,  mais  il  est  malaisé  qu'il 
en  reçoive  grand  soulagement.  Il  a  été  homme  fort  dé- 
réglé toute  sa  vie;  il  buvait  beaucoup,  et  du  vin  tout 
pur;  son  mal  a  été  un  abcès  interne  entre  le  foie,  les 
reins  et  le  mésentère,  duquel  est  sorti  beaucoup  de  pus 
bien  puant,  et  qui  venoit  de  quelque  lieu  fort  profond  : 
superest  ulcus  hand  dubic  cavum,  sinuosum  et  fistulosum,  a 
quo  imminet  tabès.  Ce  seroit  grand  dommage  de  lui,  à  ce 
qu'il  dit,  d'autant  plus  qu'il  sait  beaucoup  de  secrets.» 
De  Paris,  le  13  mai  1659,  p.  134. 

«  Sed  qui  quicrunt  lucrum,  per  fraudes  et  imposturas,  per 
vias  obliquas  gradiuntury  tels  que  sont  Guénaut,  des  Fou- 
gérais.  »  De  Paris,  le  22  juin  1660,  p.  223-24. 

«  Ce  matin,  le  Mazarin  a  reçu  l'extrême-onction,  et 
delà  est  tombé  dans  une  grande  faiblesse;  il  a  repro- 
ché à  Valot  qu'il  est  cause  de  sa  mort.  Hier,  à  deux 
heures,  dans  le  bois  de  Vincennes,  quatre  de  ses  méde- 
cins, savoir:  Guénaut,  Valot,  Brayer  et  Béda  des  Fou- 
gerais  alterquoient  ensemble  et  ne  s'accordoient  pas  de 
l'espèce  de  la  maladie  dont  le  malade  mouroit  :  Brayer 
dit  que  la  rate  est  gâtée,  Guénaut  dit  que  c'est  le  foie, 


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I 


232  VARIÉTÉS. 

Valot  dit  que  c'est  le  poumon  et  qu'il  y  a  de  l'eau  dans 
la  poitrine,  des  Foug-erais  dit  que  c'est  un  abcès  du  mé- 
sentère, et  qu'il  a  vidé  du  pus,  qu'il  en  a  vu  dans  les 
selles,  et,  en  ce  cas-là,  il  a  vu  ce  que  pas  un  des  autres 
n'a  vu.  Ne  voilà  pas  d'habiles  gens  !  Ce  sont  les  four- 
'  beries  ordinaires  des  empiriques  et  des  médecins  de 
cour,  qu'on  fait  suppléer  à  l'ignorance.  Cependant  voilà 
où  sont  réduits  la  plupart  des  princes,  sic  merilo  ptec- 
tuntur.  » 

De  Paris,  le  7  mars  1661,  p.  338-39. 

a  On  a  joué  depuis  peu,  à  Versailles,  une  comédie  des 
médecins  de  la  cour,  où  ils  ont  été  traités  en  ridicule 
devant  le  roi,  qui  en  a  bien  ri.  On  y  met  en  premier  chef 
les  cinq  premiers  médecins,  et  par-dessus  le  marché 
notre  maître  Elie  Béda,  autrement  le  sieur  des  Foule- 
rais, qui  est  un  grand  homme  de  probité  et  fort  dig-ne 
de  louang-e,  si  l'on  croit  ce  qu'il  en  voudroit  persuader.  • 
De  Paris,  le  22  septembre  1665,  p.  555. 

a  On  joue  présentement,  à  l'hôtel  de  Bourg,og,no,  f  A- 
mour  malade  (f  Amour  médecin,  comédie-ballet,  donnée  en 
1665  par  Molière);  tout  Paris  y  va  en  foule  pour  voir 
représenter  les  médecins  de  la  cour,  et  principalement 
Esprit  et  Guénaut,  avec  des  masques  faits  tout  exprès; 
on  y  a  ajouté  des  Foug*erais,  etc.  Ainsi  on  se  moque  de 
ceux  qui  tuent  le  monde  impunémeut.  •  De  Paris ,  le 
25  septembre  1665,  p.  556. 

o  Nous  avons  ici  un  de  nos  collègues  fort  malade  de 
différents  symptômes  qui  le  menacent  de  mort.  Ce  se- 
rait pourtant  grand  dommage,  car  il  est  grand  servi- 
teur de  Dieu,  excepté  le  corps  et  l'àme.  C'est  notre 
maître,  le  vénérable  Elie  Béda,  autrement  nommé,  par 
son  nom  de  gpuerre,  le  sieur  des  Foug"erais.  »  De  Paris, 
le  19  août  1667,  p.  660. 

«  Je  vous  mandai  hier  (ce  25  août)  la  mort  du  sieur 


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VARIÉTÉS.  233 

des  Fougerais.  »  De  Paris,  le  26  août  1667,  page 
661  (1). 

XI.  Lazare  Mbyssoxier.  (1602-1672). 

«  J'ai  par  la  môme  voie  de  M.  Maillet  reçu  une  affiche 
d'un  médecin  de  Lyon,  nommé  Meyssonier  ;  j'ai  céans 
cette  affiche  il  y  a  longtemps,  et  il  y  a  encore  plus 
longtemps  que  je  connois  le  compagnon  :  vis  dicam 
verbo  ;  c'est  un  fou  glorieux  et  presque  maniaque.  11  a 
ici  demeuré  quelque  temps  ;  je  l'ai  vu  et  ai  lu  de  ses 
livres:  je  sais  bien  de  quel  bois  il  se  chauffe  à  Lyon. 
Ne  perdez  point  votre  temps  à  rien  lire  de  lui.  »  De 
Paris,  ce  17  de  décembre  1646.  Lettres  de  Gui  Patin 
à  Belin.  Ed.  J.-H.  Réveillé-Parise,  t.  I,  p.  132. 

«  Je  vous  prie  de  nie  mander  qui  est  M.  Meyssonier, 
médecin  de  Lyon,  qui  a  été  ici  quelque  temps  :  je  n'ai 
qu'un  petit  in-quarto  de  lui  de  Doctrina  febr'uim.  J'ap- 
prends qu'il  a  fait  quelque  autre  chose;  s'il  se  peut  re- 
couvrer facilement,  je  vous  en  prie,  combien  que  je 
n'ai  pas  fort  bonne  opinion  et  des  livres  et  de  l'auteur.  » 
De  Paris,  le  24  novembre  1642.  Lettres  de  Gui  Patin  à 
Charles  Spon,  D.  M.  à  Lyon,  p.  273. 

«  Pour  le  docteur  Meyssonier,  longtemps  il  y  a  que 
je  le  connois,  et  son  mérite  particulier  pour  la  recon- 
naissance duquel  je  lui  souhaite  de  bon  cœur  une  place 
aux  petites  maisons,  qu'il  mérite  fort  bien  ;  ou  bien, 
comme  disoit  cet  avocat  de  Nîmes,  d'un  mineur  débau- 

(I)  Sur  Elio  Beda  des  Foulerais,  Cfr.  II.  T.  Baron,  Quœ*t.  med.  ser. 
chronol.,  29,  30,  45  et  Compend.  med.  Paris.  Not.t  14;  —  Haller,  Bibl. 
med.  pr.,  II,  501,  512;  III ,  21.  -  M.  H.  Kûhnhollz,  Cours  dhist.  de  la 
mèd..  65  (Taschercau  cîlé).  —  M.  Maurice  Raynaud,  Les  Mèd.  au  temps 
de  Molière 7  in-12,  p.  135-39  (Cizcron-Rivnl  cité).  —  M.  Lud.  de  Parscval, 
La  Mèd.  et  les  Mèd.  dans  le  théâtre  de  Molière.  Etude  critique  dans  Beoue 
de  Marseille  et  de  Provence,  fondée  au  profit  des  pauvres  ;  in-8,  15e  année; 
mai-juin  1869,  p.  247-72,  298-3 ll.-Flourcns,  Circul.  du  san],  187. 


234  VARIÉTÉS. 

ché  qui  plaidoit  contre  son  tuteur  :  Je  demande  qu'il 
soit  fait  moine,  vu  qu'il  s'amendera  là  dedans  ou  qu'il 
n'amendera  jamais  ailleurs.  »»  De  Paris,  ce  19  novembre 
1643,  p.  30 i. 

a  Puisque  M.  Meyssonier  a  changé  de  casaque,  voilà 
les  affaires  de  la  religion  prétendue  réformée  en  mau- 
vais état,  et  le  parti  du  Pape  fortifié  ex  (an/a  accessione. 
J'ai  peur  qu'il  ne  fasse  bien  du  bruit;  mais  je  n'ai  pas 
peur  que  de  papiste  il  devienne  fou,  car  il  l'est  déjà,  et 
il  y  a  longtemps  que  je  le  tiens  pour  tel.  Quiconque  lira 
ses  écrits  ne  manquera  pas  de  le  deviner.  La  sainte 
bigotise  du  siècle  superstitieux  dans  lequel  nous  vivons 
a  fêlé  la  cervelle  de  beaucoup  d'autres  ;  mais  la  folie  de 
M.  Meyssonier  n'est  pas  de  cette  nature,  elle  ne  lui  est 
venue  que  de  la  bonne  opinion  qu'il  a  de  soi.  11  eût  pu 
enfin  quelque  jour  devenir  savant  s'il  n'eût  pensé  l'être 
déjà  ;  mais  ce  sien  malheur  est  commun  à  beaucoup 
d'autres.  Il  n'a  plus  qu'à  continuer,  il  fera  fortune, 
puisqu'il  s'est  avisé  de  ce  grand  secret  de  mettre  le 
Pape,  les  cardinaux  et  les  moines  de  son  côté  :  Bomanos 
rentm  dominos,  gentemque  togalam.»  A  Paris,  ce  21  octobre 
1664,  p.  338. 

«  Mais  à  propos  de  collègue,  que  fait  votre  M.  Meys- 
sonier? Est-il  grandement  catholique?  Renversera-t-il 
le  parti  de  la  prétendue  réformation?  Le  pauvre  homme 
n'avoit  que  faire  de  se  hâter  à  ce  changement,  on  le 
connaissoit  déjà  assez  bien  ;  qui  en  eût  douté  n'eût  eu 
qu'à  lire  ses  écrits,  qui  seront  toujours  le  portrait  de 
son  esprit.  »  De  Paris,  le  20  janvier  1645,  p.  349. 

«  Pour  votre  M.  Meyssonier,  je  sais  bien  qu'il  est  fou 
il  y  a  longtemps,  je  n'ai  point  besoin  de  nouvelle  preuve. 
Quand  il  parle  de  Rome,  c'est  qu'il  s'imagine  qu'on 
feroit  grand  état  de  lui  en  ce  pays-là.  Je  serois  d'avis 
qu'il  y  allât  lui-même  montrer  son  nez,  sa  femme  et 


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VARIÉTÉS.  235 

ses  livres.  Il  y  pourroit  paraître  comme  un  âne  entre 
des  singes,  car  ils  sont  bien  plus  fins  que  lui  dans  ces 
quartiers-là.  »  De  Paris,  le  2  juin  1645,  p.  357. 

«  J'ai  reçu  les  bouillons  printaniers  de  votre  M.  Meys- 
sonier.  Vous  êtes  beureux  d'avoir  un  fou  de  cette  na- 
ture; nous  en  avons  ici  trois  ou  quatre,  vario  insaniw 
génère  laborautes.  Mais  leur  folie  n'est  pas  si  gaillarde,  » 
De  Paris,  ce  29  de  mai  1648,  p.  401. 

«  Enfin,  j'ai  reçu  ce  matin  votre  lettre  du  24  no- 
vembre. La  femme  de  votre  Meyssonier  est  donc  morte 
avec  le  vin  émétique?  Ce  poison  donc  joue  des  siennes 
à  Lyon  tout  comme  à  Paris?  Quelques-uns  de  vos  doc- 
teurs en  ont  donné  à  leurs  femmes,  qui  n'en  prendront 
plus  jamais  :  elles  en  sont  toutes  mortes  par  la  grâce  de 
Dieu,  et  quelques-uns  d'iceux  en  ont  pris  de  plus  jeunes 
en  leur  place.  »  De  Paris,  ce  mardi  5  de  décembre 
1656.  t.  II,  p.  264. 

«  Je  vous  remercie  du  livre  de  M.  Meyssonier;  il  est 
attrayant,  et  d'un  sujet  fort  curieux  ;  je  le  lirai  tout  en- 
tier à  mon  premier  loisir.  »  De  Paris,  le  18  mars  1650. 
Lettres  à  M.  André  Falconet,  médecin  à  Lyon,  p.  547. 

«  Il  [Rigaut,  votre  libraire]  ne  m'a  pas  su  dire  si  le 
grand  in-folio  de  M.  Meyssonier  est  acbevé,  dont  il 
m'avoit  envoyé  lui-même,  il  y  a  quelques  mois,  la  pre- 
mière feuille.  »  De  Paris,  le  24  octobre  1651,  p.  597. 

«  J'ai  appris  la  querelle  que  Meyssonier  fait  à  votre 
collègue.  Je  m'étonne  fort  de  quoi  il  s'est  avisé,  de  faire 
parler  de  moi  par  son  avocat;  je  n'ai  nulle  intelligence 
avec  lui,  et  même,  ne  souhaitant  pas  son  commerce,  je 
n'ai  point  répondu  à  ses  deux  dernières  lettres,  vu 
qu'il  me  demandoit  une  chose  qui  n'étoit  ni  raisonnable 
ni  possible,  qui  est  tout  le  contraire  de  ce  qu'on  doit 
demander  à  un  ami,  au  dire  d'Aristote.  »  De  Paris,  le 
21  septembre  1655,  t.  III,  p.  53. 


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236  VARIÉTÉS. 

a  Je  viens  de  recevoir  un  petit  paquet  de  Keyssonier. 
Bon  Dieu,  quel  homme!  Il  est  aussi  fou  que  notre  Tard  y. 
J'ai  pitié  de  l'un  et  de  l'autre.  11  m'a  envoyé  sa  Méde- 
cine spirituelle,  où  je  n'entends  rien  :  ce  n'est  qu'un  pe- 
tit livret,  et  néanmoins  il  n'est  que  trop  long'.  Tout  cela 
n'est  que  du  fatras  d'un  esprit  malade  ou  inquiet.  Puis- 
qu'il est  si  dévot  et  qu'il  a  tant  soin  du  salut  de  son 
âme,  il  devroit  s'abstenir  de  faire  de  si  méchants  livres, 
et  au  lieu  de  cela  prier  Dieu  lorsqu'il  n'a  point  de  pra- 
tique qui  le  presse.  Tout  ce  qu'il  écrit  ne  vaut  pas  le 
port  de  sa  lettre.  •  P.  80. 

t  Je  viens  de  recevoir  votre  paquet  de  lettres,  ce  di- 
manche 20  juin.  J'ai  donné  à  Noël  Falconet  sa  part, 
avec  le  mémoire  de  la  lettre  pour  M.  le  Sanier  :  j'y  ai 
trouvé  la  lettre  de  M.  Meyssonier,  dont  je  vous  remer- 
cie, et  auquel,  pour  toute  réponse,  je  vous  prie  de  dire 
que  je  lui  rends  grâces  de  la  sienne;  que  je  n'ai  jamais 
vu  son  livre  dont  il  m'écrit,  intitulé  Y  Histoire  de  f  Uni- 
versité de  Lyon  ;  mais  je  vous  prie  de  me  l'acheter  et  de 
me  l'envoyer.  »  De  Paris,  le  22  juin  1660,  p.  223  (1). 

XII.  Jacques -Bénigne  Winslow  (1669-1760). 

«  M.  Winslow  était  né  dans  le  sein  du  luthéranisme, 
et  a  voit  été  soigneusement  instruit  des  principes  de  celte 
relig-ion,  par  son  Père  :  mais,  il  étoit  luthérien  de  bonne 
foi,  bien  éloigné  de  regarder  la  Religion  comme  une 
chose  indifférente,  il  ne  pensoit  pas  que  la  probité,  qui 
n'est  que  la  pratique  constante  de  l'équité  naturelle, 
pût  permettre  de  se  dispenser  du  devoir  le  plus  essen- 

(l;  Sur  Lazare  Mcyssotiier,  Cfr.  Mercklin  ,  Liudenius  renocatus.  — 
Mangol,  Supplèm.  an  grand  Dicl.de  Moreri,  143$.  II.  OS  (le  pèro  Colouia, 
jésuite,  ciléj.  —  Iluller,  Melb.  stud.  med.,  Jiibl.  bot.,  Bibl.  anal.,  Btbt. 
chir.,  Bill.  med.  pr.  -  G.  Matin»,  Conspect,  p.  4SI,  §Gi2.  —  Vigiliis  Von 
CreuUenfeld,  Bibl.  chir.\  Biogr.  mèd.,  18-24,  VI,  271.  —  J.-P.  Pointe, 
Loisirs  mèd.  et  littèr.,  424.  -  M.  E.  Littré,  Œuvres  d'Hippocrate,  IV,  45Î. 


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VA  RI  El  ÉS.  33T 

tiel  qu'elle  impose,  en  refusant  a  l'Être  Suprême  de  lui 
rendre  un  culte  et  un  hommage  publie,  et  reconnu  pour 
tel.  Nous  ne  pouvons  même  omettre  un  fait  qui  montre 
bien  avec  quelle  exactitude  il  suivoit  la  Religion  qu'il 
professoit  alors.  A  son  arrivée  en  Franco,  il  conçut  un 
violent  désir  de  voir  le  Roi  Louis  XIV,  qui  régnoit 
alors,  et  se  transporta  dans  cette  vue  à  Versailles,  avec 
deux  jeunes  Médecins  Allemands  luthériens,  comme 
lui.  Leur  curiosité  ne  put  être  satisfaite  qu'à  la  Messe 
du  Roi.  La  vue  de  ce  grand  Prince,  la  pompe  et  l'éclat 
qui  l'environnoient,  fit  oublier  à  ses  deux  Compagnons 
que  suivant  les  principes  de  leur  religion,  ils  ne  dévoient 
pas  rester  à  la  Chapelle  pendant  le  Canon  fie  la  Messe, 
M.  Winslow  seul  s'en  souvint  et  se  relira,  sacrifiant  à 
sa  délicatesse  la  plus  grande  partie  du  plaisir  qu'il  étoit 
venu  chercher.  Ue  retour  à  Paris,  il  y  rencontra 
M.  Worm,  son  compatriote,  fils  du  Président  de  Ripcon 
Jutland,  avec  lequel  il  eut  bientôt  fait  une  étroite  liai- 
son. Tous  deux,  également  persuades  de  la  vérité  de 
leur  religion,  entreprirent,  pour  se  fortifier  dans  leurs 
principes,  de  faire  entre  eux  des  Conférences  sur  les 
points  principaux  de  controverse;  et  il  fut  arrêté  que  ce 
seroit  M.  Winslow  qui  seroit  l'agresseur  dans  cette 
espèce  de  dispute. 

«  Les  Conférences  se  tinrent  effectivement  ;  mais  avec 
un  succès  bien  différent  de  celui  que  M.  Winslow  en 
avoit  espéré  ;  il  ne  les  avoit  entreprises  que  pour  se  for- 
tifier dans  le  luthéranisme,  et  elles  le  rendirent  Catho- 
lique. Un  jour  qu'il  étoit  allé  acheter  chez  M.  Desprez, 
libraire,  la  Physique  de  Rohault,  il  trouva  dans  le 
même  endroit  l'Exposition  de  la  Doctrine  de  l'Eglise  de 
l'Illustre  M.  Bossuci',  il  crut,  avec  raison,  y  trouver  des 
armes  pour  soutenir  le  combat  dans  lequel  il  s'étoit 
engagé.  M.  Desprez  lui  prêta  obligeamment  le  Livre. 


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238  VARIÉTÉS. 

M.  Winslowle  lut  avec  attention,  il  en  fit  de  môme  de 
tous  les  Ouvrages  du  sçavant  Prélat.  Il  se  présenta  à  la 
dispute,  muni  de  bonnes  objections,  auxquelles  cepen- 
dant il  croyoit  trouver  des  réponses  satisfaisantes  dans 
celles  de  son  adversaire  ;  il  en  arriva  tout  autrement,  et 
comme  les  deux  Acteurs  étoient  de  bonne  foi,  il  rédui- 
sit son  antagoniste  au  silence,  quoiqu'il  eût  puisé  dans 
les  meilleures  sources  celles  qu'il  employa.  Ce  succès 
inespéré  étonna  également  nos  deux  Controversistes; 
mais  M.  Winslow  en  fut  plus  qu'étonné,  il  en  fut 
ébranlé,  et  retourna  chez  lui  priant  Dieu  de  l'éclairer 
dans  une  occasion  si  importante.  Il  lui  vint  alors  dans 
la  pensée  de  conférer  avec  le  Prélat,  dont  les  seuls  écrits 
l'avoient  si  sensiblement  touché.  M.  Desprez  lui  rendit 
encore  ce  service;  un  Chanoine  de  Meaux,  auquel  il 
s'adressa,  le  présenta  au  sr;avant  Evêque,  qui  le  mena 
à  sa  maison  de  campagne  de  Germigny,  où  neuf  ans 
auparavant  il  avoit  déjà  converti  feu  M.  Saurin  de  cette 
Académie  [Royale  des  Sciences  de  Paris].  Après  plu- 
sieurs conférences  il  dissipa  tous  ses  doutes,  et  le  déter- 
mina à  faire  abjuration  entre  ses  mains  le  8  octobre 
1699.  [Bossuet]  étoit  digne  de  compter  au  nombre  de 
ses  pieuses  conquêtes  deux  Hommes,  qui  ont  fait  tant 
d'honneur  à  l'Académie  et  à  la  Nation. 

«  Dès  que  le  changement  de  religion  de  M.  Winslow 
fut  sçu  en  Dannemarck,  on  peut  juger  quel  orage  s'éleva 
contre  lui.  Les  reproches  les  plus  vifs  et  les  plus  amers, 
et  les  menaces  les  plus  fortes  ne  lui  furent  point  épar- 
gnées. Il  cessa  dès  ce  moment  de  recevoir  les  secours 
qu'on  lui  avoit  jusques-là  envoyés  de  Copenhague,  et  il 
se  trouva  dans  une  situation  fâcheuse,  dont  le  témoi- 
gnage de  sa  conscience  pouvoit  seul  adoucir  l'amer- 
tume. M.  Bossuet  fît  inutilement  agir  l'Ambassadeur 
de  France,  pour  engager  le  Roi  de  Dannemarck  à 


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VARIÉTÉS.  239 

appaiser  la  coïôre  de  ses  parents;  ils  furent  inexorables, 
et  M.  Winslow  ne  trouva  de  ressources  que  dans  sa 
parfaite  résignation  à  la  volonté  de  Dieu.  Il  était  ques- 
tion d'embrasser  un  état  ;  instruit,  comme  il  l'étoit,  il 
pouvoit  choisir  chez  les  Catholiques,  comme  chez  les 
Protestans  entre  la  Théologie  et  le  Médecine.  Il  fit 
môme  une  retraite  aux  P.  P.  de  l'Oratoire,  pour  de- 
mander à  Dieu  d'être  éclairé  sur  sa  vocation.  Le  Père 
Sainte-Palaye,  alors  supérieur,  examina  ses  talenspour 
l'un  et  pour  l'autre  état  (car  il  n'étoit  pas  question  de 
ses  mœurs  ni  de  sa  piélé),  et  après  un  mur  examen,  il 
crut  lui  devoir  conseiller  de  se  tourner  du  côté  de  la 
Médecine,  et  manda  à  M.  de  Meaux,  qu'il  croyoit 
M.  Winslow  plus  utile  en  habit  court  qu'en  habit  long. 

«  Dans  cette  circonstance,  on  lui  proposa  de  passer 
en  Hollande,  où  il  avait  des  amis,  et  où  la  Religion  ca- 
tholique est  tolérée,  ou  bien  d'aller  à  Florence  avec  une 
recommandation  auprès  du  Grand  Duc.  Il  avait  d'autant 
plus  lieu  d'espérer  la  protection  de  ce  Prince,  qu'il 
l'avoit  déjà  accordée  à  l'illustre  Stenon,  grand-oncle  de 
M.  Winslow,  qui  après  avoir  été  en  Dannemarck  l'oracle 
de  l'Anatomie,  avoit,  comme  son  petit-neveu,  tout 
abandonné  pour  rentrer  dans  le  sein  de  l'Eglise,  où  il 
parvint  à  l'Episcopat  et  à  la  dignité  de  Légat  Aposto- 
lique dans  le  Nord.  Mais  malgré  toutes  ces  convenances, 
M.  Bossuet,  qui  l'aimoit  comme  son  père,  et  qui  en 
avoit  en  effet  pour  lui  toute  la  tendresse,  osa  lui  con- 
seiller de  demeurer  en  France,  l'assurant  des  secours 
de  la  Providence  sur  lesquels,  en  effet,  personne  n'avoit 
plus  lieu  que  lui  de  compter. 

«  M.  Winslow,  déterminé  à  prendre  le  parti  de  la 
Médecine,  se  présenta  en  1702  à  la  Faculté.  M.  Bossuet 
lui  procura  dans  ce  corps  d'illustres  Protecteurs  en  la 
personne  de  M.  de  Tournefort  et  de  M.  Dodart.  Il  sou- 


240  VARIÉTÉS. 

tint,  en  1703,  une  Thèse  qu'il  dédia  à  ce  Prélat,  qui  tout 
infirme  qu'il  étoit  alors,  s'y  fît  porter  et  l'honora  de  sa 
présence.  Cette  Thèse,  dont  l'Auteur  étoit  M.  Vernage 
[François',  tendoit  à  prouver  que  les  graines  et  les  lé- 
gumes des  environs  de  Paris  étoient  une  nourriture 
aussi  saine  que  tout  autre  aliment.  G'étoit  adroitement 
faire  sa  Cour  au  religieux  Prélat,  que  de  détruire  le 
prétexte  si  souvent  allégué,  pour  se  dispenser  de  l'ab- 
stinence imposée  par  l'Eglise.  Il  revint  encore  sur  cette 
question  dans  cette  Thèse  qui  fut  soutenue  sous  sa  Pré- 
sidence en  1749  (1). 

Dans  la  situation  où  se  trouvoit  alors  M.  Winslow, 
privé  de  ses  biens,  de  ses  parens  et  de  sa  Patrie,  on  ne 
soupc;onneroit  pas  qu'il  eût  pu  avoir  de  nouveaux  mal- 
heurs à  redouter,  il  en  essuya  cependant  un  bien  sen- 
sible en  1704,  par  la  perle  qu'il  fit  de  M.  Bossuet;  à  la 
première  nouvelle  qu'il  reçut  du  danger  où  se  trouvoit 
l'illustre  Prélat,  sa  reconnaissance  le  fit  voler  à  Meaux; 
mais  il  le  trouva  à  toute  extrémité,  et  déjà  si  faible  qu'à 
peine  put-il  lui  donner  sa  bénédiction  qu'il  lui  demanda, 
et  mourut  presque  aussitôt  la  lui  avoir  donnée.  »  Éloge 
de  M.  Winslow,  en  tète  de  V Exposition  anatomique  delà 
structure  du  corps  humain,  par  M.  Winslow.  Nouv.  éd.- 
t.  I.  Paris,  1766.  12,  p.  xxii-xxvm  (2). 

Charles  Ravel. 

(1)  II.-T.  Baron,  Qtiœst.  Med.  set  .,  p.  71,  104;  Compend.  Med.  Par.  Abt.. 
p.  18;  Hallcr,  Bibl.  med.  />.,  IV,  300,  387. 

(2)  Cfr.  Anloinc  Portai,  Hist.  de  IWnat.,  IV.  .',08.  —  J.-A.  Hazon.  Abf. 
des  hom.  les  plus  tél.  de  In  F.  de  M.  en  l'Un,  de  l'aris,  204-205.  —  lîloy.  — 
Jourdan.-Dczcimoris.-LMrr  Médical,  mai  1870.  XXXI,  30-2-93. 

Jérôme  Bolscc  i.Moreri,  Uirt.,  11,  180,  et  Suppl.,  I,  148,  el  Jean-George 
Hlandraîa  (Mem.  p.  servir  à  l'Hisl.  de  la  F.  de  Al.  de  Mont  p. ,  par  J.  Astruc, 
345-348)  auraient  peut-être  quelque  droit  à  figurer  dans  la  galerie  des 
médecins  qui  curent  l'honneur  d  être  persécutes  à  cause  de  leur  atta- 
chement ou  de  leur  conversion  au  catholicisme. 


Le  Rédacteur  en  chef,  Jules  Davasse. 
Tari?.  -  Imprimerie  K.  I'areht,  rue  Monsieur- Ic-Prince  8i. 


■ 


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L'ART  MÉDICAL 

OCTOBRE  1870 


HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE 


ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS. 

—  SUITE  — 

§  3.  —  Anatouie.  —  Physiologie. 

Nous  avons  vu  ces  deux  sciences  s'isolant  et  s'accen- 
tuant  au  siècle  précédent,  sans  arriver  encore  à  une 
constitution  définitive.  L'anatomie  surtout  avait  brillé 
dans  le  xvi6  siècle  :  c'est  la  physiologie  qui  émerge  au 
xvne  et  semble  vouloir  rattraper  sa  compagne.  Mais 
elles  sont  encore  dans  la  période  de  formation  plu- 
tôt que  dans  celle  de  constitution.  Du  reste,  elles  de- 
meurent isolées  et  s'affirment  comme  deux  branches 
scientifiques  distinctes,  sans  bien  préciser  ce  qu'elles 
veulent  être,  car  les  anatomistes  et  leurs  traités  sont 
remplis  de  préoccupations  physiologiques,  tandis  que 
les  physiologistes  et  leurs  livres  font  appel  à  l'anatomie. 
C'est  qu'en  effet  l'idée  générale  de  la  science  de  l'homme 
n'est  pas  aussi  nettement  formulée  dans  les  esprits.  On 
entrevoit  seulement  comme  trois  courants  :  l'un  d'ana- 
tomie  ou  de  simple  dissection,  plus  du  domaine  de  la 
chirurgie  :  un  second  de  physiologie  expérimentale 
plutôt  du  domaine  de  la  médecine  ;  un  dernier  de 

TOME  XXXII.  -  OCTODKi:  !  H» 


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242  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

science  générale  qu'on  semble  vouloir  abandonner  à  la 
philosophie,  et  qu'on  laisserait  peut-être  échapper  du 
domaine  médical. 

Parmi  les  analomistes  et  physiologistes  du  xvnc  siècle, 
il  faut  citer  :  [Jarvcy,  Achillini.  Séverin,  Malpighi,  Biolan, 
Ruysch,  Verting,  Vïcusscns,  Habicot.  Pecquet,  Duvemey, 
Y  anal  va,  Bnrthoiin. 

Les  principaux  traités  sur  l  anatomie  son!  ceux  de 
Nicol.  Habicot  sur  la  Semaine  ou  Pratique  anatomique ; 
Paris,  1631.  —  Le  Theatrum  anatomicum  de  Baultin  ; 
Francfort,  1605.  —  Le  tome  III  de  Ars  medicina/is,  con- 
tenant 7  livres  sur  l'analoinic,  de  Yidiu.s  Vidiw;  Venise, 
1611.  —  De  Riolan  :  Anthropographia ;  Paris,  1618;  et 
Opéra  anatnmica,  1649.  -•  Syntayma  anatomicum,  de 
Wcsling;  Padoue,  1641.  —  Anatomia  de  Bartholin; 
Lyon,  1651,  et  un  grand  nombre  d'éditions.  —  Opéra 
anatnmica  de  Fabrizio  d'Acquapendente;  Padoue,  1625. 

On  vit  paraître  aussi  quelques  ouvrages  de  planches 
anatomiques,  comme  les  précédentes  que  Vésale  avait 
données.  Bauhin  en  publia  à  Bâle,  en  1610;  Caperio  à 
Vienne,  en  1627;  Baudan  à  Paris,  en  1678;  Bid/oo  à 
Amsterdam,  en  1685;  W.  Cowper  à  Oxford,  en  1697. 

Enfin,  il  faut  citer  le  de  Partibus  similaribm  liber 
singularis  de  G.  Hoffmann;  Francfort,  1667;  premier 
traité  d  analomie  générale  dans  les  temps  modernes,  et 
qui  reprenait  les  anciens  travaux  d  .Aristote. 

Pour  la  physiologie,  elle  repose  encore  tout  entière 
jans  les  livres  d'Institutions  médicales;  elle  n'apparaît 
distincte  et  isolée  que  dans  un  petit  nombre  d'ouvrages: 
—  Le  de  Natura  humana;  Viterbe,  1607,  par  Ilorst.  — 
Physiologica  medica,  d'après  Paracelse,  par  Zwinger; 
Bàle,  1610.  —  Physiologia  sive  cognilio  sanitatis  et  P/ty- 
siologia  naturatis,  par  Begius;  1634  et  1648.  —  Antbro- 
po/ogia,  par  Kyper;  Leyde,  1647.  —  Œconomia  corporis 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  243 

animalis,  deDeusinf/;  1660.  —  Il  y  en  a  d'autres  de 
lloboken,  de  Brœckhuysen,  de  liohn,  de  Craanen,  de 
Cockburn;  ce  sont  des  essais  qui  rappellent  ce  qu'on 
trouve  dans  les  lnstitutiones  medicœ. 

Etat  général  de  la  physiologie.  —  Si  nous  voulons 
nous  rendre  compte  de  l'état  général  de  cette  science, 
ouvrons  les  principaux  institulaires  où  elle  nous  appa- 
raît sous  sa  forme  la  plus  classique  et  la  plus  générale- 
ment connue;  Varandé,  Laz.  Bivière,  Plempius  et 
Ettmuller,  que  nous  avons  déjà  cités,  nous  suffiront 
comme  étant  les  principaux. 

Dans  Varandeus,  la  physiologia  est  très-réduite;  elle  ne 
contient  que  450  pagres  in-12.  Elle  comprend  sept  sec- 
tions :  i*  de  Elementis,  où  sont  traitées  les  questions 
étudiées  par  l'ancienne  philosophie  et  par  les  théories 
de  Paracelse;  2°  de  Temperamentis ;  3"  de  Parlibm,  selon 
Galien  ;  4°  de  Hwnoribus  ;  5°  de  Spiritibus  et  calidn  tnnato; 
6°  de  Facultatibus  et  funclionibus  ;  T  de  Prima  hom  'mis  con~ 
formatione  ou  de  la  génération.  Tout  cela  se  ressent  en- 
core du  xvie  siècle. 

Dans  Laz.  Rivière  et  dans  Plempius,  ce  sont  les 
mêmes  divisions,  la  même  entente  de  la  science.  Seule- 
ment, dans  Plempius,  nous  trouvons  un  traité  beau- 
coup  plus  vaste,  riche  de  science  ancienne  et  nouvelle, 
et  rempli  de  discussions  sérieuses.  La  physiologie  sco- 
lastique  se  trouve  là  aux  prises  avec  les  données  expé  - 
rimentales des  nouveaux  chimistes  et  des  réformateurs, 
et  l'auteur  enclin  à  la  conciliation,  maintient  cependant 
les  lignes  principales  des  anciennes  doctrines.  Sur  les 
éléments,  Plempius  accepte  quelque  chose  des  chimistes; 
sur  la  substance,  Tàme  et  les  facultés,  il  maintient 
nettement  et  avec  une  grande  autorité  de  science  et  de 
raison  les  doctrines  scolastiques.  Mais  sur  les  fonctions 


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244  HISTOIRE  DR  LA  MÉDECINE. 

particulières  des  organes,  il  laisse  là  franchement  Galien 
et  s'enrichit  admirablement  de  tout  ce  que  les  recherches 
expérimentales  ont  pu  fournir.  D'abord  adversaire  de 
Harvey,  il  s'était  ensuite  rendu  à  la  vérité.  Sur  la  cir- 
culation ,  sur  les  sécrétions  et  les  grandes  et  sur  les 
mouvements  organiques,  il  est  le  vrai  savant  de 
l'époque;  et  à  ce  titre  son  livre  non  assez  connu  est  un 
admirable  et  saisissant  tableau  des  immenses  progrès 
de  la  physiologie  au  xvne  siècle.  Quand  on  arrive  à  lui 
après  avoir  lu  Fernel,  Sennert,  Varandé  et  Laz.  Rivière, 
on  se  sent  porté  vers  un  autre  monde,  c'est  la  transition 
sur  le  terrain  moderne. 

Ettmuller,  de  la  fin  du  xvne  siècle,  nous  présente  le 
mouvement  des  idées  à  un  degré  bien  plus  avancé  en- 
core que  Plempius.  Chez  Plempius  la  transition  se  fait: 
cbez  Ettmuller  elle  est  faite.  Sa  physiologie  sort  tout  à 
fait  du  cadre  que  Fernel  avait  tracé  et  qui  avait  été  suivi 
par  tous  les  institutaires  :  nous  n'avons  plus  les  six  ou 
sept  sections  presque  toutes  pleines  de  discussions  ou 
de  science  générale.  Elle  se  présente  ici  dans  ving-t-six 
chapitres  dont  les  trois  premiers  sont  consacrés  à  un 
aperçu  de  l'histoire  de  la  médecine,  à  une  étude  des 
principes  naturels,  du  corps  humain  et  du  principe 
vital  ;  puis,  les  chapitres  suivants  abordent  successive- 
ment ce  qui  regarde  la  nutrition  et  l'accroissement,  la 
faim  et  la  soif,  la  mastication  et  la  déglutition  des  ali- 
ments, la  chylification  et  le  changement  du  chyle  en 
sang,  la  circulation  et  les  usages  des  principaux  or- 
ganes; puis  ce  qui  regarde  les  sens  et  le  mouvement 
des  parties;  enfin  la  génération.  Il  n'est  pas  nécessaire 
d'y  regarder  longtemps  pour  voir  combien  la  science  est 
modifiée  :  les  questions  générales  occupent  à  peine  deux 
chapitres,  le  second  et  le  troisième;  tout  le  reste  du 
traité  est,  pour  ainsi  parler,  la  science  des  organes  en 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  845 

fonction  ;  et  dans  cette  science  des  fonctions  orga- 
niques, en  laquelle  il  semble  que  la  science  va  se  con- 
centrer tout  entière,  on  entrevoit  comme  trois  sections 
principales  :  ce  qui  regarde  la  sanguification  par  la  di- 
gestion, la  respiration  et  les  sécrétions  ;  ce  qui  regarde 
les  relations  de  l'être  avec  l'extérieur  par  les  sens  et  les 
mouvements,  ce  qui  intéresse  la  formation  ou  généra- 
lion.  C'est  bien  là  dans  ses  linéaments  premiers  la 
constitution  de  la  science  moderne  :  les  questions  géné- 
rales de  la  science  de  l'homme  ne  seront  plus  qu'une 
sorte  d'introduction  à  la  physiologie,  ou  formeront  une 
physiologie  générale  un  peu  abandonnée  à  la  philoso- 
phie; et  la  physiologie  proprement  dite  se  constituera 
dans  l'étude  des  fonctions  de  sanguification,  de  rela- 
tions et  de  génération;  pendant  que  l'anatomie  s'adon- 
nera à  l'étude  des  parties  connues  par  la  dissection. 

Quant  à  la  synthèse  générale  de  la  science,  à  l'idée 
que  la  médecine  devait  se  faire  de  la  nature  de  l'homme, 
elle  résulte  du  mouvement  que  nous  venons  d'indiquer 
et  des  doctrines  médicales  dont  nous  avons  présenté  le 
tableau.  La  doctrine  de  la  substance  (matière  première 
et  principe  d'activité  ou  forme),  cette  antique  et  respec- 
tée conception  qui  avait  été  s'améliorant  et  s'affinant 
depuis  Platon  et  Aristote  jusqu'à  notre  xve  siècle,  n'était 
plus  généralement  comprise  :  elle  s'enfonçait  dans 
l'histoire,  noyée  dans  des  divagations  diverses  sur  la  mé- 
canique, les  forces,  les  atomes,  les  ferments,  les  élé- 
ments chimiques;  et  elle  est  demeurée  sous  ce  chaos  de 
ruines  jusqu'au  jour  que  j'espère  prochain,  qu'on  re- 
connaîtra qu'elle  seule  satisfait  à  la  raison  et  à  l'expé- 
rience. Beaucoup  de  médecins  admettaient  encore  l'âme 
et  voulaient  en  tenir  compte  :  les  uns  avec  le  cartésia- 
nisme lui  reconnaissaient  un  rôle  de  premier  moteur 
ou  seulement  de  puissance  intellectuelle;  d'autres  ad- 


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246  HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE. 

mettaient  outre  1  aine,  ou  sans  elle,  une  sorte  de  chaleur 
innée,  ou  un  cvo>pp.ov,  un  impetum  faciens,  à  la  façon 
d'Hippocrate;  d'autres  se  ralliaient  à  Yarchée  de  Para- 
celse  et  de  Van  Helmont,  à  la  puissance  énergétique  de 
Glisson  ;  on  parlait  de  la  flammula  cordis  (Holstius),  de 
Xigne  animalium  (Corringius),  de  la  lampe  de  vie  (Bur- 
gravc),  de  Y  esprit  implanté,  des  esprits  animaux,  des 
esprits  influents,  du  principe  vital.  Quant  aux  facultés  ou 
puissances  d'action,  au  nombre  de  cinq,  selon  Aristote, 
de  huit  résuméesen  une  selon  les  Stoïciens,  de  trois  selon 
Galien,  de  trois  aussi  selon  la  scolastique,  on  ne  savait 
plus  qu'en  penser,  et  leur  étude  tombait  devant  le  cri 
général  de  guerre  aux  causes  occultes. 

En  résumé,  on  commençait  a  ne  plus  voir  dans 
l'homme  que  des  organes  et  des  humeurs  en  mouve- 
ment selon  les  lois  physiques  et  chimiques  sous  la  haute 
direction  d'un  principe  vital,  ou  même  sans  elle.  On 
abandonnait  les  relations  de  la  physiologie  avec  la  phi- 
losophie pour  ne  s'occuper  que  du  progrès  par  l'obser- 
vation et  l'expérience.  Il  est  vrai  que  sur  ce  terrain  les 
découvertes  étaient  nombreuses  et  importantes. 

DÉCOUVERTES  PHYSIOLOGIQUES  DANS  CE  SIECLE.  —  NOUS 

les  rangerons  sous  les  six  chefs  suivants  :  circulation, 
respiration,  vaisseaux  lymphatiques  et  glandes,  sys- 
tème nerveux,  organes  des  sens  et  génération.  Nous  ne 
prétendons  d'ailleurs  que  signaler  les  principales. 

1°  Sur  la  circulation.  Dans  le  siècle  précédent,  Michel 
Servet  avait  d<:jà  découvert  la  petite  circulation,  Fabrice 
d'Acquapendente  avait  entrevu  la  grande  circulation  et 
décrit  les  valvules  des  veines.  Mais  cela  passait  incom- 
pris ou  à  l'état  de  vague  aperoeption.  Guillaume  Harvey 
eut  la  gloire  d'achever  et  de  parfaire  la  découverte.  Il 
était  né  en  1578  à  Folkstone,  dans  le  duché  de  Kent,  sur 


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KïTDE  StK  NOS  TRADITIONS.  247 

ce  rivage  qui  vit  du  souffle  français,  et  pcut-»Hre  sortait- 
il  d'une  ancienne  famille  française.  Après  avoir  fait  ses 
études  à  Canlerbury  et  à  Cambridge,  il  vint  en  France, 
passa  en  Italie,  à  Padoue,  où  il  suivit  les  anatoinistes 
italiens,  revint  dans  son  pays,  s'établit  à  Londres,  de- 
vin! médecin  du  roi  Jacques  I",  et  ensuite  de  son 
malheureux  fils  Charles  Pr,  auquel  il  resta  fidèle  pen- 
dant la  guerre  civile,  fut  ensuite  proscrit,  eut  sa  mai- 
son pillée  et  ses  papiers  brûlés,  et  alors  se  retira  dégoûté 
du  monde,  à  Lambette,  près  de  Richemond,  où  il  mou- 
rut en  1658,  âgé  de  80  ans.  Sa  première  œuvre,  où  il 
montra  la  circulation,  est  une  simple  dissertation  de 
72  pages  in~4°,  intitulée  :  Exercitatio  anatomica  de  motu 
cordis  et  sanguims  in  animalibus ,  Francf. ,  1628,  avec 
une  dédicace  à  l'infortuné  Charles  1er.  Avant  de  mourir 
il  donna  une  plus  ample  exposition  dans  un  in-12,  in- 
titulé :  Exercitationes  anatomicœ  très  de  motu  cordis  et 
sanguims  circulation;  Hott.,  1659.  Et  presque  en  même 
temps,  un  peu  avant,  il  donna  ses  Exercitationes  de  gène- 
ratione,  Londres,  1651,  où  il  posait  les  fondements  de 
tout  ce  qu'on  a  découvert  depuis  lui  sur  ce  sujet.  Ses 
travaux  sont  les  œuvres  d'un  homme  calme,  qui  pro- 
cède peu  à  peu  avec  patience;  son  style  est  celui  d'un 
lettré. 

Il  paraît  que  ce  fut  vers  1602  qu'il  commença  d'étu- 
dier avec  patience  le  grand  sujet  qui  devait  rencontrer 
tant  de  contradicteurs.  En  1615  il  vit  ce  qu'il  cherchait, 
car  il  cherchait  comment  le  sang  pouvait  se  distribuer 
aux  organes;  en  1629,  il  avait  bien  vu  le  mouvement 
du  cœur  et  du  sang,  et  il  l'enseignait,  mais  ce  n'est 
qu'après  avoir  vérifié  très-attentivement  ses  idées  qu'il 
les  communiqua  au  monde  savant  dans  sa  dissertation 
de  1628.  Il  établit  d'abord  que  le  pouls  n'est  pas  abso- 
lument sous  l'influence  de  la  respiration  comme  on  le 


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243  HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE. 

disait  depuis  Galien;  que  les  artères  ne  contiennent  ni 
de  l'air  ni  un  esprit  éthéré,  comme  on  l'a  dit,  mais  bien 
du  sang  qui  vient  du  cœur,  chassé  par  la  systole  dans 
l'aorte  ;  ce  sang*  qui  avait  été  chassé  du  ventricule  droit 
par  l'artère  pulmonaire  revient  bien  dans  l'oreillette 
gauche  par  les  veines  pulmonaires,  pour  passer  ensuite 
dans  le  ventricule  gauche  ;  que  le  cœur  droit  est  bien 
distinct  du  cœur  gauche,  et  que  les  deux  ventricules  se 
contractent  en  même  temps  ;  que  le  sang*  n'est  pas  seu- 
lement ballotté  dans  les  vaisseaux,  mais  qu'il  y  coule  ; 
que  lorsque  la  vie  s'éteint,  le  ventricule  gauche  s'arrête 
le  premier,  puis  l'oreillette  gauche,  puis  le  ventricule 
droit,  puis  l'oreillette  droite,  et  qu'ainsi  tout  le  sang  se 
trouve  conûné  dans  le  système  veineux  après  la  mort. 
Il  évaluait  la  quantité  de  sang  à  15  livres,  montrait  que 
le  cœur  bat  environ  mille  fois  par  heure,  et  que  pen- 
dant ce  temps  il  chasse  83  livres  de  sang  ;  qu'une  sem- 
blable quantité  ne  pourrait  être  fournie  par  le  foie  dans 
le  même  temps  si  le  sang  s'était  épuisé  dans  les  parties. 
Par  des  ligatures  placées  sur  les  vaisseaux,  il  montrait 
que  le  cours  sanguin  est  centripète  dans  les  veines, 
centrifuge  dans  les  artères.  Enfin  il  faisait  appel  à 
l'analogie,  et  comme  la  petite  circulation  pulmonaire 
était  connue,  il  établissait  sur  elle  la  grande  circulation. 

Cette  grande  découverte  ne  fut  pas  acceptée  sans 
lutte.  Parisani,  Primerose,  Plempius,  qui  ensuite  re- 
connut la  vérité,  et  surtout  Riolan  et  Gui  Patin,  de 
Paris,  l'attaquèrent  vivement.  Harvey  fut  défendu  par 
son  ami  Entt  :  il  répondit  à  Riolan  par  cette  disserta- 
tion :  Exercitationes  duse  anatomicœ  de  circulât ione  sangui- 
nis  ad  Joannem  Rialanum  filium;  Rotterd.,  i649.  La 
Faculté  de  Paris,  excitée  par  le  mordant  Gui  Patiny 
homme  d'esprit  railleur  et  haineux,  fut  violente  contre 
les  circulateurs,  entendant  par  là  confondre  les  parti- 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  249 

sans  de  la  circulation  avec  des  charlatans  de  carrefour. 
Il  fallut  que  Boileau  et  Molière  s'en  mêlassent  pour  que 
les  doctes  de  cette  Faculté  devinssent  plus  calmes. 
Enfin,  les  cartésiens  prêtèrent  leur  appui  à  la  décou- 
verte, et  la  vérité  l'emporta.  Werner  Rolfinck  à  Iéna, 
J.  W'aleus  en  Hollande,  Reghts  à  Utrech,  Plempius,  qui, 
dès  1652,  s'en  fit  aussi  le  défenseur  à  Louvain,  aidèrent 
à  sa  propagation. 

Bientôt,  d'autres  découvertes  vinrent  la  confirmer. 

—  En  1661,  Malpighi  démontra  par  le  microscope  le 
cours  du  sang*  dans  les  petits  vaisseaux.  En  1663, 
Stenon  fit  connaître  la  véritable  structure  du  cœur.  — 
En  1664,  Maurocordatus  fit  des  expériences  sur  le  par- 
cours du  sang*  à  travers  les  poumons.  —  En  1669.  Ri- 
chard Lower  donna  sur  le  cœur  un  ouvrage  classique. 

—  En  1681,  G.  Cole  fit  remarquer  que  le  système  arté- 
riel dans  son  ensemble  forme  un  cône  dont  la  base 
est  aux  extrémités  et  le  sommet  à  l'aorte.  —  En  1676, 
E.  Blancard,  de  Midlebourg-,  fit  connaître  les  anasto- 
moses des  artères  avec  les  veines.  —  En  1690,  Leu- 
toenhoëck  montra  par  le  microscope  les  globules  san- 
guins et  leurs  mouvements  dans  les  anastomoses  capil- 
laires. —  Ruisch  (Fred.)  décrivit  exactement  l'artère 
bronchiale  et  se  rendit  célèbre  par  ses  injections  qui 
montrèrent  toute  la  perméabilité  du  système  circula- 
toire. —  Enfin,  Vieussens,  à  la  fin  du  siècle,  donna  ses 
remarquables  travaux  sur  la  structure  et  les  mouve- 
vements  du  cœur,  sur  la  circulation  dans  les  capil- 
laires. 

Cette  grande  découverte,  à  elle  seule,  bouleversait 
toute  la  physiologie  de  Galien.  Avec  elle,  on  devait  en- 
tendre d'une  tout  autre  manière  le  jeu  de  la  respira- 
tion, du  foie,  des  reins,  des  grandes  diverses.  Le  rôle 
des  humeurs  dans  l'économie  ne  pouvait  être  le  même  : 


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250  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

la  bile  allait  être  reconnue  une  sécrétion,  le  phlegme 
était  un  sang*  blanc  allié  au  sang*  rouge,  mais  dans  des 
vaisseaux  distincts,  et  la  bile  noire  ne  devenait  plus 
qu'un  mythe.  On  comprend  dès  lors  combien  cette 
découverte  dut  aider  à  faire  oublier  des  anciens,  et  même 
à  les  faire  dédaigner  au  delà  de  ce  que  la  raison  eût  dû 
marquer. 

2°  Sur  les  poumons  et  la  respiration.  —  En  1624,  Jean 
Faber,  médecin  italien,  prouva  par  l'insufflation  que 
l'air  ne  passe  pas  des  poumons  dans  les  vaisseaux  ;  ce 
qui  servit  à  Harvey,  et  ce  qu'avait  déjà  soutenu  Van 
Helnonty  qui  disait  aussi  que  l'air  traverse  ces  organes 
comme  un  crible,  que  les  cellules  pulmonaires  sont 
douées  d'une  force  motrice,  bien  que  la  respiration  se 
fasse  surtout  par  les  muscles  du  bas-ventre. 

En  1654,  liathurst  et  Heurshaw,  médecins  anglais, 
examinèrent  à  la  suite  de  Van  Helmont,  les  principes 
constituants  de  l'air,  et  trouvèrent  que  l'oxygène  est  le 
principe  de  la  vie.  Robert  Hook  fît  voir  peu  après  que  les 
animaux  périssent  dans  l'air  qui  a  été  privé  de  son 
oxygène.  En  1661,  Malpighi  fit  connaître  ses  travaux  sur 
la  structure  des  poumons,  qu'il  annonçait  composés  de 
lobules  communiquant  entre  eux  et  avec  la  trachée- 
artère,  et  entourés  de  lacis  vasculaires.  En  1667,  J. 
Swammerdam  émit  sur  la  respiration  une  théorie  connue 
sous  le  nom  de  Cercle  cartésien,  parce  que  le  philosophe 
Descaries  l'avait  proposée  le  premier;  elle  consistait  à 
expliquer  que  l'air  pénètre  les  poumons,  parce  que  l'air 
se  raréfie  près  de  la  bouche  et  que  l'atmosphère  se  con- 
dense autour  de  la  poitrine,  dans  la  dilatation.  En  1668, 
J.  Mayow  compara  la  respiration  à  la  combustion,  dans 
laquelle  l'oxygène  est  la  flamme  de  la  vie  ;  seul,  il  se 
mêle  au  sang,  va  au  cœur  et  y  est  le  principe  de  fer- 
mentation ;  quand  il  pénètre  en  trop  grande  abondance, 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  251 

c'est  la  cause  de  la  fièvre.  En  1677,  Thomas  Willis 
admit  des  fibres  musculaires  et  une  contractilité  dans 
les  dernières  ramifications  bronchiques,  liorelli  donna  le 
véritable  mécanisme  de  la  respiration.  Bellini  considé- 
rait le  diaphragme  comme  l'agent  principal  de  la  respi- 
ration qui,  croyait-il,  a  pour  but  de  chasser  le  sang* 
dans  les  vaisseaux  capillaires. 

3°  Sur  les  vaisseaux  lymphatiques  et  les  glandes.  —  Era- 
sistrate  avait  déjà  vu  les  chylifères  :  Fallope  au 
xvi*  siècle,  avait  vu  les  lymphatiques  du  foie  :  Eustachi 
avait  décrit  le  canal  thoracique  :  cependant  le  système 
lymphatique  était  encore  inconnu.  C'est  ?»  Aselli  que 
revient  l'honneur  de  la  découverte  qu'il  publia  en  1627. 
En  1628,  S.  Paulîen  faisait  la  démonstration  publique 
à  Copenhague.  En  1634,  J.  Vestinq  en  donna  les  pre- 
mières figures.  Th.  Barlholin  et  Sylvius  de  Le  Boè\  assu- 
rèrent la  découverte.  En  1641,  M.  Hoffmann,  et  /.  G. 
Virsung,  disciple  de  Vesling,  découvrirent  le  canal  ex- 
créteur du  pancréas,  dont  Bartholin  découvrit  plus  tard 
le  véritable  usage.  En  1647,  J.  Pecquet,  et  de  son  côté 
Vesling,  firent  connaître  le  réservoir  commun  des  vais- 
seaux lactés  et  lymphatiques,  et  la  route  suivie  par  le 
chyle.  Olaus  Budbeck  en  1651,  et  Th.  Bartholin  en  J652, 
distinguèrent  nettement  les  vaisseaux  lactés  d'avec  les 
lymphatiques;  ils  s'en  disputèrent  vivement  la  décou- 
verte. /.  Biolan  attaqua  la  doctrine  de  Pecquet,  comme 
il  avait  attaqué  celle  de  Harvey.  Vers  la  môme  époque, 
parut  le  livre  de  Glisson  sur  la  structure  du  foie;  on  y 
trouve  une  exacte  description  des  lymphatiques  de  cet 
organe.  En  1651,  Th.  Warton  donna  son  célèbre  ou- 
vrage sur  l'adénographie.  G.  Nêedham  en  1655,  et 
S/enon  en  1660,  indiquèrent  le  canal  parotidien.  Stenon 
fit  de  remarquables  travaux  sur  les  glandes  salivaires  et 
la  glande  lacrymale  dont  il  indiqua  les  canaux  excré- 


252  HISTOIRE  DE  LA  ifEDECTNE. 

leurs.  Vers  \fâ9.Sicammer<tamei  Bhch  reconnurent  les 
valvules  des  vaisseaux  lactés.  En  1664.  Schneider  publia 
7  gros  volumes  sur  la  membrane  du  nez,  sur  le  mucus 
nasal,  que  l'on  croyait  autrefois  venir  du  cerveau,  et 
sur  les  altérations  anatomiques  du  coryza.  Peyer  en 
1681.  et  Bntnner  en  1687,  firent  connaître  les  glandes 
muqueuses  de  l'intestin.  Iiitinm  découvrit  en  1679  le 
canal  excréteur  des  grandes  sublinguales.  En  1691.  A. 
NucA  fit  paraître  un  ouvrage  classique  sur  les  lympha- 
tiques et  les  glandes.  A  la  fin  du  siècle,  Havers  étudia 
les  glandes  articulaires  :  Ducerney  examina  plus  atten- 
tivement la  différence  des  chylifères  et  des  lymphatiques. 
Pacchioni  découvrit  les  lymphatiques  de  la  dure-mère  : 
Valsa ha  vit  ceux  de  la  choroïde  et  du  nerf  optique  : 
Méry  apen;ut  en  1684  les  glandes  du  bulbe  de  l'urè- 
thre,  et  Couper  les  décrivit  en  1700. 

4*  Sur  le  système  nerveux,  —  J.  Casserius  fut  le  premier 
à  faire  progresser  l'anatomie  du  cerveau  :  il  distingua 
l'arachnoïde,  le  corps  calleux,  l'entonnoir  ou  vulva,  le 
cul-de-sac  des  ventricules  latéraux,  la  glande  pinéale, 
l'acqueduc  de  Sylvius,  les  couches  optiques.  J.  Vesliny 
admettait  que  les  esprits  vitaux  sont  sécrétés  dans  les 
plexus  choroïdes.  Descartes  plaçait  le  siège  de  l'àme  dans 
la  glande  pinéale.  Sylvius  de  Le  Boë  distingua  les  sinus 
de  la  dure-mère,  la  forme  des  ventricules  latéraux,  les 
tubercules  quadrijumeaux  et  leur  union  avec  la  glande 
pinéale.  Wepfer,  dans  ses  recherches  sur  l'apoplexie, 
fit  connaître  les  vaisseaux  du  cerveau.  Th.  Willis donna 
le  premier  et  le  plus  complet  des  traités  sur  le  système 
nerveux,  en  1664.  Il  localisa  les  fonctions  de  l'ame  dans 
chacune  des  parties  du  cerveau.  En  1665.  Blacks  et 
Swammerdam  distinguèrent  l'arachnoïde  indiquée  déjà 
par  Cassérius.  En  1669,  Burrhus  s'occupa  de  l'analyse 
chimique  de  la  substance  cérébrale.  Leuvenhoëck  vit  la 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  253 

vascularité  de  la  couche  corticale  des  circonvolutions. 
En  1684,  Vieussens  indiqua  les  nerfs  de  la  dure-mère  ; 
décrivit  les  sinus  elliptiques  de  la  selle  turcique,  du 
sphénoïde  et  du  sinus  caverneux;  fit  connaître  le  centre 
médullaire  du  cerveau  ,  la  voûte  et  ses  piliers  unis 
par  la  commissure  ,  la  grande  valvule  du  quatrième 
ventricule,  les  éminences  olivaires  et  pyramidales  de  la 
moelle  allongée,  le  ligament  dentelé  de  la  moelle  épi- 
nière;  il  donna  des  descriptions  précises  des  nerfs. 
Ridley  publia  en  1695  un  remarquable  ouvrage  sur  le 
cerveau  ;  il  y  accorde  à  la  dure-mère  des  nerfs  et  des 
libres;  de  là  la  théorie  des  mouvements  du  cerveau  dont 
Pacchioni  fut  l'inventeur,  et  qui  eut  un  grand  succès. 
En  1697,  Ruysch  donna  une  excellente  description  de 
l'arachnoïde  et  de  la  pie-mère. 

5°  Sur  les  organes  du  sens.  — -  Le  célèbre  mathémati- 
cien Kepler  indiqua  comment  !e  cristallin  réfracte  la  lu- 
mière, la  rétine  représente  les  images,  les  procès  ci- 
liaires  éloignent  ou  rapprochent  le  cristallin.  Mais  les 
observations  les  plus  importantes  sur  la  vision  furent 
faites  par  un  jésuite,  le  H.  P.  Scheiner,  qui  montra  les 
usages  de  la  rétine,  du  corps  vitré,  du  cristallin,  et  de  la 
pupille  ;  il  calcula  mathématiquement  le  cône  des 
rayons  lumineux.  Descartes  compara  l'œil  à  une  chambre 
noire.  Vers  1672,  Newton  découvrit  sa  théorie  de  la  lu- 
mière, qu'il  ne  publia  qu'en  1700.  Briggs  appliqua  à  la 
vision  la  théorie  des  couleurs.  F.  Ruysch  et  Leuvenhoèck 
firent  des  remarques  sur  la  structure  de  l'œil  :  le  pre- 
mier décrivit  la  choroïde;  Je  second  indiqua  les  fibres 
du  cristallin.  J.  Cassérius  fit  les  premières  découvertes 
sur  l'organe  de  l'ouïe,  il  décrivit  la  corde  et  la  mem- 
brane du  tympan,  les  deux  apophyses  du  marteau,  l'im- 
perforation  du  limaçon,  les  muscles  des  osselets. En  1640, 
Sylvius  de  Le  Boe  vit  le  prolongement  de  l'enclume. 


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254  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

En  16H,  Folius  décrivit  les  canaux  demi  circulaires,  le 
manche  du  marteau  et  les  branches  de  l'enclume.  CL 
Perrault  attribua  l'ouïe  à  la  vibration  de  l'atmosphère, 
perdue  seulement  par  la  lame  spirale  du  limaçon.  Dtt- 
verney,  en  1683,  publia  un  livre  classique  sur  ce  sujet, 
dans  le  même  temps  à  peu  près  que  Schelhammer  publia 
le  sien.  En  1689,  Rivinm,  vit  sur  la  membrane  du  tym- 
pan, la  fente  déjà  remarquée  par  Gloser, 

6*  Sur  la  génération.  —  Au  commencement  de  ce 
siècle,  Fyens  reproduisit  les  idées  d'Aristote.  En  1649, 
J.  Riolan  connut  la  texture  de  l'épididvme  et  du  corps 
d'Higrnore.  Faber  montra  que  l'enveloppe  calcaire  de 
l'œuf  est  la  dernière  chose  formée.  Harceg,  dans  son 
ouvrag-e  sur  la  génération,  paru  en  1651,  ûxa  cette  for- 
mule omne  vivmn  ex  ovo,  et  posa  les  fondements  du  sys- 
tème fie  l  évolution.  Dans  la  mèrne  année,  Higmore  dé- 
crivit les  courbures  des  vaisseaux  spermatiques  dans 
l'épididvme,  et  leur  réunion  dans  le  corps  qui  porte  son 
nom.  DeGraaf  décrivit  la  structure  de  la  prostate  et  des 
vésicules  séminales,  donna  le  nom  d'ovaire  aux  lestes  de 
la  femme,  fit  connaître  les  changements  de  ces  organes 
après  la  conception,  et  indiqua  la  descente  des  ovules 
dans  les  trompes.  Swammerdam  appuya  la  théorie  de 
l'évolution.  Malpighi  indiqua  en  1668  l'incubation  de 
l'œuf,  et  vit  la  cicatricule,  Xopunctum  saliens.  Redi  écrivit 
en  faveur  de  l'évolution  et  contre  la  g-énération  spon- 
tanée soutenue  par  le  P.  Jésuite  Buonnani.  Haboken,  en 
1675,  écrivit  sur  le  placenta  et  les  membranes  de  l'œuf. 
S  tenon  observa  l'incubation  de  l'œuf,  et  confirma  Mal- 
pighi. lîartholin  fit  en  1677  un  traité  sur  les  ovaires  ;  il 
réfuta  l'idée  d'un  liquide  séminal  chez  la  femme. En  1677, 
Leiwcn/iocc/c  vit  au  microscope  les  animalcules  sperma- 
tiques, qui  lui  avaient  été  indiqués  par  un  jeune  méde- 
cin de  Dantzig-,  Louis  de  Hommen  ;  de  là,  il  établit  la 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  255 

théorie  de  la  préexistence  des  germes.  En  1681,  des 
Noues  remarqua  les  glandes  qui  furent  plus  tard  con- 
nues sous  le  nom  d'œufs  de  Naboth.  La  fin  du  siècle  se 
termina  dans  une  grande  discussion  sur  la  théorie  de 
l'évolution» 

Ainsi,  l'anatomie  et  la  physiologie,  quoique  séparées 
comme  branches  scientifiques  distinctes,  tendaient  à  leur 
perfectionnement  dans  une  commune  voie,  sur  le  ter- 
rain de  l'expérimentation  ;  et  le  sentiment  général  était 
de  concentrer  l'étude  sur  l'analyse  des  parties,  cher- 
chant à  les  distinguer  pour  distinguer  les  fonctions  par- 
ticulières. Il  y  eut  là  d'ailleurs  un  groupe  d'hommes 
très-distingués,  à  la  tête  desquels  se  place  Harvey  par 
ses  deux  grandes  découvertes  :  la  circulation  du  sang  et 
l'ovulation.  Puis  on  a  pu  distinguer  Barlholin,  Duverney, 
Vieussens,  Aselli ,  Rivinus,  Malpighi,  Stenon,  Swam- 
merdam.  Ce  dernier  fut  l'inventeur  des  injections  à  la 
cire  que  Ruysch  perfectionna  avec  une  si  grande  habi- 
leté, et  marque  ainsi  un  dès  grands  pas  dans  les  progrès 
de  la  fine  anatomie.  Enfin,  Leuvenhoeck  résuma  l'in- 
troduction du  microscope  dans  les  études  naturelles  ;  sa 
découverte  des  globules  du  sang,  celle  qu'il  ne  fit  que  de 
seconde  main  des  zoospermes  ;  sa  découverte  des  roti- 
fères  qui  ouvrait  le  champ  de  la  connaissance  des  infu- 
soires,  constituent  aussi,  pour  la  science,  une  phase 
qu'on  ne  peut  oublier  et  qui  se  détache  en  traits  remar- 
quables dans  le  cours  de  notre  histoire. 

§  4.  —  Pathologie. 

Si  l'on  se  souvient  de  ce  qu'était  cette  partie  de  la  mé- 
decine dans  les  âges  précédents,  on  sait  qu'elle  consis- 
tait en  une  étude  générale  sur  les  causes  et  les  effets  ou 
symptômes  de  la  maladie,  puis  en  des  descriptions  par- 


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256  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

ticulières  des  affections  le  plus  souvent  classées  selon 
les  org-anes.  On  admettait  bien  la  distinction  des  mala- 
dies particulières,  au  xvie  siècle,  on  en  fît  même  des 
espèces  réelles ,  et  l'éclosion  de  maladies  nouvelles 
donna  une  grande  extension  à  ce  que  nous^  nommons 
nosologie  et  nosographie.  La  séméiotique  était  considérée 
comme  une  branche  distincte  de  la  pathologie. 

Au  xvne  siècle,  la  pathologie  reste  dans  ses  disposi- 
tions générales  ce  qu'elle  était  dans  le  siècle  précédent. 
Mais,  vers  la  fin  du  siècle,  avec  Ettmuller  qui  pour  le 
mouvement  coordinateur  des  idées  est  vraiment  à  la 
tête  de  son  temps,  on  entrevoit  une  systématisation  nou- 
velle. La  séméiotique  va  rentrer  dans  la  pathologie  : 
elle  formera  bien  une  branche  distincte,  mais  réunie 
dans  le  groupe  g'énérique.  La  nosographie  a  déjà  été 
de  fait  constituée  comme  distincte  précédemment.  Il 
restera  une  science  g-énérale  de  la  maladie  traitant  de 
sa  nature,  de  ses  différences,  de  ses  causes.  Enfin,  il  y  a 
une  branche  que  ne  voit  pas  Ettmuller,  etqui  cependant 
émerg-e,  c'est  l'anatomie  pathologique  ou  science  des 
lésions. 

Pour  mettre  de  l'ordre  dans  ce  que  nous  avons  à  dire 
ici,  donnons  aux  idées  la  classification  qu'elles  n'ont 
peut-être  pas  encore  reçue,  mais  sous  laquelle  elles  appa- 
raissent, nous  parlerons  ainsi  successivement  de  la  doc- 
trine pathologique ,  de  la  nosographie,  de  l'anatomie 
pathologique  et  de  la  séméiotique. 

• 

I.  Doctrine  de  la  nature  des  maladies.  —  Nous 
n'avons  vu  que  l'écorce  des  doctrines  médicales  du 
xvii*  siècle,  précédemment,  et  si  nous  ne  pénétrions  pas 
un  peu  plus  avant  dans  l'idée  qu  elles  se  faisaient  de  la 
maladie,  nous  ne  les  aurions  pas  fait  suffisamment  con- 
naître. Or,  il  est  d'autant  plus  important  de  pénétrer  ce 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  257 

sujet  qu'il  se  présente  au  xvnc  siècle  dans  une  phase 
vraiment  critique.  C'est  sur  ce  point  que  la  doctrine  ga- 
léniste  tient  encore;  on  peut  dire  que  c'est  le  seul  qui 
lui  reste  et  sur  lequel  elle  tient  jusqu'au  grand  échec 
qu  elle  reçut  au  xvme  siècle  lors  de  la  peste  de  Mar- 
seille, comme  nous  aurons  lieu  de  l'indiquer,  échec  qui 
précède  et  présag-c  la  chute  de  l'ancienne  Faculté  de 
Paris. 

Nos  modernes  savants  qui  font  fi  de  la  métaphysique, 
et  dans  leur  nombre,  les  médecins  en  particulier  qui 
oublient  en  même  temps  leurs  traditions,  méconnais- 
sent bien  singulièrement  la  base  de  toute  science.  Ils 
semblent  croire  que  lorsqu'on  pose  la  méditation  de  la 
nature  d'une  chose,  on  demande  la  recherche  subtile  de 
son  essence  ;  comme  s'il  n'était  pas  entendu  que  l'es- 
sence échappe  à  la  science,  et  qu'il  est  admis  dans  toute 
métaphysique  que  la  recherche  de  l'essence  d'une  ma- 
ladie serait  aussi  ridicule  que  la  recherche  de  l'essence 
du  fer  ou  de  l'essence  de  l'oxygène.  Poser  la  recherche 
de  la  nature  n'est  point  du  tout  poser  la  recherche  de 
l'essence  :  c'est  simplement  demander  d'une  chose  son 
genre,  son  espèce,  son  propre,  sa  différence,  et  ses  acci- 
dents ;  et  indiquer  ces  questions,  c'est  en  môme  temps 
poser  une  question  de  genèse,  c'est-à-dire  une  question 
étiologique  ou  de  cause;  car  la  nature  d'une  chose  c'est 
proprement  cette  chose  elle-même  dans  les  causes  de 
ses  manifestations  diverses.  Un  phénomène  n'est  rien 
pour  la  science  s'il  ne  lui  est  connu  dans  les  règles  comme 
on  disait  autrefois,  dans  les  lois  comme  on  dit  aujour- 
d'hui, de  ses  analogies,  de  ses  dissemblables  et  des 
causes  de  sa  genèse. 

Les  maladies  sont  des  phénomènes  de  la  vitalité  : 
nous  sommes  tous  d'accord  sur  ce  point,  car  ce  qui  ne 
vit  pas  n'est  pas  malade,  ne  peut  être  malade,  comme  le 

TOME  XXXII.  —  OCTOBRE  1870.  17 


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258  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

disait  si  bien  Aristoto.  Mais  ce  phénomène  quel  est-il  ? 
c'est-à-dire  :  à  quoi  ressemble-t-il,  et  de  quoi  diffère-t-il? 
C'est  demander  comment  il  se  produit  et  se  manifeste! 
En  vain  la  science  dira  futilement  et  sottement  qu'elle 
ne  veut  pas  faire  de  métaphysique  :  ou  elle  abordera 
ces  questions  et  alors  elle  fera  ce  qu'elle  prétend  ne 
pas  faire  ;  ou  elle  ne  les  abordera  pas  et  ello  ne  sera  pas 
la  science,  se  bornant  à  enregistrer  des  observations  et 
des  expériences. 

Donc,  le  galénisme  qui  se  croyait  héritier  de  l'hippo- 
cratisme,  et  qui,  de  fait,  avait  altéré  le  dogme  patholo- 
gique sur  deux  points  (en  confondant  la  cause  prochaine 
avec  la  maladie,  et  en  substituant  des  espèces  morbides 
artificielles  aux  espèces  naturelles),  comme  nous  l'avons 
vu  :  le  galénismo  avait  trouvé  devant  lui  la  scolastique 
qui  lui  disait  que  la  maladie  n'a  pas  de  substance  pro- 
pre (et  par  cela  même  qu  elle  ne  peut  avoir  de  cause  con- 
jointe); il  avait  trouvé  leclosion  des  maladies  nouvelles 
qui  lui  disait  de  bien  voir  en  quoi  consistait  une  espèce 
naturelle.  Mais  en  môme  temps  le  spécificisme  issu  de 
l'alliance  des  Arabes  et  de  la  kabbale  néoplatonicienne, 
admettant  les  espèces  naturelles,  les  substantialisait 
dans  des  causes  morbifiques  de  contagion. 

Fuschs  ({),  Ferneletles  scolastiques  avaient  bien  vu 

(I)  A  propos  de  Fuschs,  j«  regrette  do  n'avoir  pas  ou  sous  la  main  , 
en  corrigeant  lo  chapitro  précédent,  une  note  que  je  viens  do  retrou- 
ver. Plempius  lui  reprochait  bien  comme  je  l'ai  dit  d'avoir  fait  de  la 
maladio  une  substance;  mais  Plempius  me  parait  s'être  trompé.  Je 
retrouve  en  effet  qu'en  lisant  Fuschs,  j'ai  pris  celte  note  :  «  Lui  revient 
l'honneur  d'avoir  le  premier  attaqué  la  cause  continente.  Il  commença 
par  chicaner  Galien  pour  avoir  méconnu  la  distinction  de  la  maladie  et 
de  la  souffrance,  car  pour  lui  comme  pour  Platon  la  souffrance  est  une 
altération  du  mouvement  ou  do  la  matière;  nam  Hiftc;,  tel  IIxOîj**, 
Piatoneetiam  in  Timm  astipulente  est  moins  rei  dum  convertitur,  alteralur, 
movctur.  Ljitur  llxôj;  est  in  motione,  affectus  autem  est  permanent.  La 
maladie  au  contraire  a  une  essence,  c'est  une  altération  stable,  une 
dialhèic;  alteratio  stabilis,  alteratio  permanent,  Ji*6wi;.  Et  cette  essence, 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS. 


259 


la  difficulté,  et  Fernel,  dans  ses  Institutes,  l'avait  posée, 
touten  restant  galéniste.  Il  l'avait  mieux  résolue  dans  ses 
Dialogues  dont  nous  avons  cité  des  passages.  Le  difficile, 
dons  ce  moment  périlleux  de  la  tradition,  était  de  se  le- 
nir  là  pour  creuser  sur  le  vrai  terrain.  Evidemment  on 
n'était  pas  prêt,  et  il  fallait  encore  osciller  au  loin. 

Le  galénisme  avait  si  puissamment  infecté  les  esprits, 
qu'alors  même  qu'on  pensait  s'en  affranchir,  on  y  re- 
tombait, soit  par  l'iatro-mécanique,  soit  par  l'iatro-chi- 
mie.  Pensait-on  lui  échapper  mieux  encore,  on  tombait 
dans  le  spécificisme.  Van  Helmont,  seul,  suivait  la  voie 
vraie ,  ce  semble ,  mais  son  idéalisme  reposait  dans  la 
tête  d'épingle  de  son  archée,  et  d'ailleurs  on  ne  le  com- 
prenait pas. 

Il  avait  très-bien  saisi  que  la  maladie  n'a  pas  de  sub- 
stance propre  et  n'est  qu'une  forme  de  la  vie.  Aussi  en 
faisait-il  une  idée  de  Xarchèe.  Certes,  son  archeus  était  de 
trop,  parce  qu'enfin  l'homme  ne  se  compose  que  d'une 
âme  et  un  corps.  En  second  lieu,  tout  rapporter  à  l'ar- 
chée,  c'était  supprimer  le  corps  ou  s'entraîner,  comme  il 

celte  stabilité,  ce  n'est  point  la  cause  continente  qui  la  lui  donne,  car  la 
cause  morbide  étant  écartée,  la  maladie  continue  de  même;  de  sorte 
qu'il  faut  rejeter  la  cause  continente;  qua  propter  in  morbis  continentem 
tanquam  commentumquoddam  Acicennœ,  italorum,  arabium  medicorum,  et 
àGalini»  alienum,  imà  medicinœ  inutile,  hodie  etiam  constanter  rejicimus. 
(Instit.  med.,  lib.  III).  D'où  je  suis  disposé  à  conclure  que  Plempius 
s'est  trompé  sur  le  compto  de  Fuschs,  ne  l'a  pas  lu  ou  l'a  mal  lu;  que 
Fuschs  était  bien  dans  la  doctrine  scolastique  ;  et  enfin  que  Fuschs  s'est 
trompé  en  déclarant  que  la  cause  continente  est  d'Avicennes  et  non  de 
Galien.  Sur  ce  dernier  point,  j'observo  que  les  Arabos  ont  bien,  il  est 
vrai, nommé  la  cause  continente;  mais  c'était  là  pousser  le  galénisme  à  sa 
conséquence  logique,  car  la  cause  conjointe  ou  cause  prochaine  de  Galien 
est  le  germe  de  la  caute  continente^  laquello  est  le  germe  du  spécifi- 
cisme. C'est  parce  que  Galien  s'est  si  mal  tiré  de  la  doctrine  étiolo- 
gique,  ainsi  que  nous  l'avons  montré,  qu'il  est  le  patron  involontaire  do 
tant  d'erreurs,  et  que,  soit  par  l'iatro-chimie,  soit  par  l'iatro-mécanique, 
soit  môme  par  le  spécificisme,  soit  encore  par  l'organicisme,  on  le 
retrouve  partout. 


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260  PATHOGÉNIE  ET  THERAPEUTIQUE. 

y  a  été  conduit,  à  inventer  un  imbroglio  de  puissances 
concentriquement  placées  :  lame  contenant  l  ame  sen- 
silive,  qui  contient  l'archée,  qui  contient  Yaitra  vitalis. 
L'àme  et  le  corps  étant  substantiellement  unis,  la  vie 
est  un  acte  qui  résulte  de  cette  union  ,  et  il  suffisait  de 
dire  que,  comme  la  vie  a  sa  formule  d'expression  nor- 
male, elle  peut  avoir  des  formules  d'expression  mor- 
bide. La  maladie  devient  une  forme  de  la  vie,  et  tout  est 
posé.  Mais  suivons  Van-Helmont.  Il  voit  donc  que  la  vie 
est,  dans  son  ensemble,  une  sorte  de  manifestation, 
d'une  idée  que  possède  l'archée,  et  il  compare  cette  idée 
de  vie  à  une  aura  vitalis,  une  sorte  de  souffle,  ou  une 
émanation  d'oscillation  dont  on  peut  assez  bien  se  ren- 
dre compte,  parce  que  les  médecins  ont  nommé  Y  aura 
epileptica.  La  maladie  est  le  fait  d'un  aura  analogie.  Il 
s'en  explique  très-clairement  dans  le  petit  traité  Ignotm 
hospes  mordus,  où  il  compare  la  maladie  à  un  hôte  in- 
connu qui  nous  pénètre.  11  dit  :  «  Sequitur  bine  neces- 
a  sario,  quod  omnis  morbus  invenit  in  aura  vitœ  org*a- 
«  nica,  qua  proxime  atque  penitissime  ipsam  vitam 
«  adoritur,  ita  in  eadem  vitali  luce,  causam  efGeientem 
«  reperit.  Adeoque  sic  morbus  materia  et  efficiente  in- 
«  structus,  hospitaliter  circa  vitam.  Nec  refert  intérim 
«  sive  illa  morbi  conta<rio  sit  bausta  ex  causis  occasio- 
«  nalibus,  sive  demum  errore  vitœ,  intus  in  Archeo  g*e- 
«  nita.At  cum  ipsavita  sit  ens  luminare,  non  ag'it,  nisi 
«  per  organum  aurai  vitalis,  sive  per  archeum,  tanquam 
«  médium,  inter  lumen  vitœ,  fluens  a  parte  luminum, 
a  et  corpus  (g  9).  »  — ;  C'est  donc  comme  un  souffle  étran- 
ger qui  nous  impressionne,  une  sorte  d'imprégnation 
séminale,  un  mouvement  intérieur  que  nous  engen- 
drons au  contact  d'une  cause  morbide,  une  erreur  de  la 
vie  :  «  Non  ag'it  autem  bn?c  aura,  sive  archeus,  nisi  per 
«  modum  quo  omnis  spii  itus  seminalis  ag'it  in  massam 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  261 

a  sibi  substratam.  Id  est  nisi  per  impressam  notam, 
«  veJ  ideam  sigillarem,  quee  novit,  quid  et  quorum  sibi 
«  sit  agendum.  Ergo  omnis  et  quilibet  morbus  habet 
«  notam  sigillarem,  ac  velut  actum  seminalem,  quarum 
o  rerum  sibi  agendarum  {Ibid.,  §  10).  »  —  La  maladie 
est  ainsi  le  fait  d'un  trouble  de  notre  vitalité,  d'une  er- 
reur de  notre  direction,  et  elle  trouve  en  nous  ses  cau- 
ses d'action  dans  nos  puissances  et  dans  notre  matière 
qui  deviennent  ses  instruments  de  manifestation  :  «  Sub 
«  opus  (Archei)  scilicet  perturbatione  nascitur  idea,  in- 
«  formans  aliquam  partem  Archei.  Istudque  compositum 
o  ex  materia  Archei,  et  prœfata  idea  seminalis  tanquam 
«  efficiente  initio  est  vere  morbus  omnis  semina  (§  34).  » 
—  Enfin,  cette  maladie  devient  presque  quelque  chose 
de  réellement  subsistant  en  raison  de  l'archée  qui 
l'engendre,  encore  bien  qu'elle  ne  soit  qu'une  sorte 
d'idée  :  «  Itaque  pênes  morbus  estens  substantiale,  eau- 
«  sis  archealibus  tum  materialiter,  quam  effïcienter  ge- 
«  nitum  (§  73).  »  —  On  comprend,  dès  lors,  pourquoi  il 
ne  veut  plus  appeler  la  maladie  une  diathèse,  comme  on 
le  disait,  ni  une  qualité,  et  comment  c'est  pour  lui  une 
sorte  de  vice  :  «  Morbum  imprimis  non  appello  diathe- 
e  sin  ;  sed  ipsum  ens  prevaricans,  quod  ex  ipso  Archeo 
«  creditur  vitali.  Non  ergo  intueor  morbum  velut  ab- 
«  stractam  qualitatem.  Idque  mihi  sic  olim  induxi,  ut 
a  instar  vitœ,  sit  vitœ  ipsi  ens  vernaculum.  »  (Dans  le 
Prof/reditur  ad  morborum  cognitionem^  33.) 

La  production  de  la  maladie  devient  donc  pour  lui 
une  sorte  de  conception  séminale  :  a  Est  itaque  morbus 
a  ens  quoddam  natum,postquam  nocua  quœdam  potes- 
«  tas  peregrina  violaverit  vitale  initium  hujusque  vim 
«  pénétra verit ,  ac  penetrando  excitaverit  Archeum  ad 
«  indignationem,  furorcm,  metum,  etc.  Quarum  scilicet 
a  perturbationes,  anxietates,  ac  molesliœ  ideam  sibi  con- 


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2G2  HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE. 

a  sibilem,  imaginemque  imaginandn  dehitam  excilave- 
«  rit.  Prompte  scilicet  ista  imago  caditur,  exprimitur, 
•  sigillaturque  in  Archeo.  eoque  vestita;  mox  morbus 
n  in  scenam  intrat,  corpore  scilicet  archeali,  et  efû- 
«  ciente  idea  constitutus.  »  (Ortus  imagine  morbosœ,  %  2.) 
—  La  maiadie  peut,  sans  doute,  £tre  héréditaire,  comme 
est  le  cancer,  mais  l'idée  morbide  (la  forme  morbide), 
est  produite  vraiment  par  le  malade  le  plus  souvent  : 
«  Non  autem  insunt  et  dormiunt'  in  utero  ideœ  cancri; 
a  prout  alioquin  ideœ  faba?  in  germine  faba?.  Quia  morbi 
«  naturaliter  quidam  fiunt  ;  non  tamen  insunt.  Nisi 
«  fortassis  a  semine  generantis  connatœ,  ut  in  morbis 
«  hereditariis.  »  [De  ideis  morbosis,  §  31.)  Ce  qu'il  répète 
dans  cet  autre  passage  plus  net  encore  :  «  Morbus  qui- 
«  dem  omnis  fabricatur  quidem  ab  archeo  in  semetipso  : 
o  in  parte  autem  sui,  quia  sigillariter  constituitur,  etiam 
«  materialiler  ibidem,  tanquam  hospitio  proprio  ac  se- 
a  minario  constitit.  »  (Divisto  morborum,§  \.) 

Chaque  maladie  forme  donc  ainsi  une  essence,  une 
forme  mobide  essentielle,  distincte  de  ses  manifestations 
qui  n'en  sont  que  des  signes  et  des  symptômes,  comme  il 
le  montre  pour  le  cancer  :  «  Cancer  non  est  ulcus  quod 
«  cernunt  oculi,  nec  crustata  ejus  lividaque  labra,  quœ 
«  tangit  manus  :  non  denique  est  sub  nigricans,  putre- 
«  dine  olidus  ulceris  fondus,  aut  sanies  inde  instillans, 
«  quam  nares  oifaciunt  :  absque  his  namque,  jam  can- 
«  cer  erat  adhuc  sua  pelle  vestitus.  At,  hœc  sunt  effec- 
a  tus,  signa,  symptomata  cutis  cujus  sunt  fructus.  Enim- 
«  vero  cmn  enectus,  sive  productum  dicat  inseparabi- 
a  lem  respectum,  ad  causam  sui  producendum  :  ideo 
a  morbus  débet  esse  ens,  continens  causas  et  proprieta- 
a  tes  sua?  entitatis.  »  {De  ideis  morbosis,  §  35.)  —  D'où 
l'on  comprend  que  les  maladies  se  distinguent  les  unes 
des  autres  selon  la  forme  naturelle  sous  laquelle  elles 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  263 

se  présentent,  et  qu'il  y  en  a  autant  d'espèces  que  d'idées 
morbides  :  «  Sunt  itaque  imprimis  tôt  morborum  spe- 
«  cies,  quot  idearum  morbosarum,  nonenim  plures,  uti 
«  nec  pauciores  :  eo  quod  morbus  quilibet  suam  bauriat 
«  ab  idea  morbosa  quidditatis  entitatem.  »  (Dtvino  mor 
borum ,  §2.) 

-  Van-Helmont  explique  encore  comment  son  arebée 
conçoit  ainsi  des  formes  morbides,  parce  qu'elle  est 
dans  une  nature  de  péché,  et  que  c'est  des  passions  mo- 
rales que  naissent  les  passions  physiques.  Les  premiers 
paragraphes  de  son  Traité  Progreditur  ad  cognitionem 
morborum,  que  nous  allons  citer,  expliquent  toute  sa 
pensée  et  complètent,  pour  ainsi  dire,  sa  doctrine  : 
«  Morbus  quidem  a  peccato  incipit.  Non  enim  naturfle 
«  nostrœ  integritate,  puritate,  et  innocentiœ  vigore  mors 
o  erat  multoque  minus  morbus.  Mors  enim  comminata 
«  erat,  non  morbus,  nisi  quod  comiter  intelligcrentur 
o  ad  futura.  Erg-o  morbus  non  aliter  quam  ipsa  mors 
«  sui  natura  vitam  oppugnat,  ejusque  potestate,  quas 
«  ideo  vitales  dicimus  :  quod  illarum  deperditione,  lenta 
o  vel  subita  mors  adveniat  (§4).  —  Fide  credimus  mor- 
a  tem  ideirco  omnemque  inGrmitatem,  a  peccato  in- 
«  trasse  in  hominem  et  per  concupiscentiam  carnis  pec- 
«  cati  propageas  in  posteros  omnes.  Ideirco  neque  a 
«  gentilitio  morborum  ac  morlis  introitum  disci  po- 
«  tuisse  (§  5).  »  —  Utpote  rationabile  fuit  œgritudinem 
«  omnes  classas  radicatas  in  eadem  concupiscentia  car- 
«  nis,  per  quam  morbus  intravit.  Etenim,  uteoncupis- 
«  centia  in  conceptu  non  peccat  ante  consensum,  fin- 
«  gentem  plausibilitatis  ideam  :  ita  necesse  est  omnem 
«  morbum  in  carne  peccati  oriendum,  consistere  in  pe- 
a  regrina  imagine,  sive  idea  seminali  corruptœ  naturœ, 
«  \eg\  inquam  erat  consentaneum,  ut  ens  quod  sub  vo- 
«  luptate  concupiscibili  consensit  et  peccavit,  primario 


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204  HISTOIRE  DE  IA  MÉDECINE. 

«  quoque  morbis  plecteretur.  Ita  quidem  ut  nedum  ex- 
«  ternis  succumberet  violentis;  sedsuisexorbitationibus 
«  propriis,  vindicias  peccati  in  carne  experiretur.  Ut  sci- 
a  licet  ipse  archeus,  rcctor  carnis  peccati,  passionum 
a  suarum  eadem  libertate  erroneas  sibi  fabricet  imagi- 
«  nés  quœ  sibi  tanquam  veneno  forent.  Nimirum  ex 
a  concupiscibilis  voluptatibus,  passionibus  irascibilis, 
o  procellis,  item  turbulentes  etiam  spontaneis  subjectus 
«  staret  propriœ  ruinœ,  quam  sibi  cuderet.  Quœ  nimi- 
«  rum  imagines,  ut  entium  morbosorum  semina  pror- 
«  sus  deinceps  essent  intimo  vitae  thoro  nubiles  (§  6).— 
«  Durus  hic  sane  sermo  in  auribus  non  supra  nug-as  ca- 
«t  lores,  et  lutum  audire  assuetis  (§7).  —  Quapropter  si 
«  quis  miretur  tantam  Archei  ideati,  idearumquè  semi- 
«  nalium  eflficaciam,  ut  morbos  ipsam  pariant  mortem  : 
«  is  nondum  ag-noscit,  omnium  omnino  rerum  naturale 
«  initium  ea  parte  ideali  in  sencine  quo  vis  pendere 
.  (§  8).  . 

Cette  doctrine  de  Van-Helmont  était  bien  évidemment 
une  formule  (sauf  l'idée  de  l'archée)  de  la  scolastique, 
et  représentait  la  doctrine  de  YessentiaUtè  ou  des  essences 
formelles  des  maladies,  pendant  qu'à  côté  d'elles  le  spé- 
cifîcisme,  substantialisant  l'essence  morbide ,  donnait  à 
cette  essence  une  matière  propre,  en  l'incorporant  dans 
un  contagium  matériel  venu  du  dehors.  La  formule  de 
Yessentialilé  se  rattachait  manifestement  à  la  pensée 
d'Hippocrate,  tandis  que  celle  de  la  spécificité  reprenait 
l'ancienne  idée  de  comparer  la  maladie  à  un  empoison- 
nement. 

Sydenham  est  le  plus  grand  des  spécifîciens  au 
xviie  siècle.  En  lui  nous  trouvons  la  théorie  arrivée  à  sa 
plus  simple  expression,  parce  qu'il  brille  surtout  par 
l'observation,  et  qu'il  ne  prend  au  système  que  juste  ce 
qu'il  lui  faut  pour  avoir  un  guide  conducteur.  D'ailleurs, 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  265 

le  temps  des  premiers  spécificiens  était  passé  ;  on  vou- 
lait mettre  de  côté  la  recherche  de  la  nature  des  causes 
morbifiques  dont  l'examen  échappait  à  la  physique  et  à 
la  chimie  ;  on  préférait  se  contenter  de  poser  la  cause 
morbifique  comme  un  fait,  et  on  criait  :  n'allons  pas 
plus  loin  dans  la  recherche  des  causes.  Sydenham  était 
né  à  Winfort-Eagle  dans  le  comté  de  Dorset  en  Angle  • 
terre,  en  l'année  1624.  Il  étudia  d'abord  à  Oxford,  puis 
à  Cambridge,  et  vint  se  fixer  à  Londres,  où  il  mourut 
en  1689,  après  avoir  joui  d'une  immense  réputation 
cumme  praticien,  étant  d'ailleurs  un  observateur  de 
premier  mérite.  Il  faut  que  nous  l'écoutions  quelques 
instants,  pour  entendre  par  lui  toute  son  école. 

Il  commence  ainsi  son  Histoire  des  maladies  aif/uës 
(chap.  1er)  :  o  Quelque  contraires  que  soient  aux  corps 
humain  les  causes  de  maladies ,  il  me  semble  néan- 
moins qu'à  raisonner  juste,  la  maladie  n'est  autre  chose 
qu'un  effort  de  la  nature,  qui ,  pour  conserver  le  ma- 
lade, travaille  de  toutes  ses  forces  à  évacuer  la  matière 
morbifique.  Le  souverain  Maître  de  l'univers  ayant 
voulu  que  les  hommes  fussent  exposés  à  recevoir  diffé- 
rentes impressions  de  la  part  des  choses  extérieures,  ils 
se  soient  trouvés  par  cette  raison  nécessairement  sujets 
à  diverses  maladies  ,  lesquelles  viennent  en  partie  de 
certaines  particules  de  l'air  qui  ne  sont  point  analogues 
avec  nos  humeurs,  et  qui  s'insinuent  dans  le  corps,  et, 
se  mêlant  avec  le  sang*,  l'infectent  et  le  corrompent;  et 
en  partie  de  différentes  fermentations,  ou  même  de  dif- 
férentes pourritures  d'humeurs  qui  séjournent  trop 
longtemps  dans  le  corps,  parce  qu'à  raison  de  leur 
quantité  excessive,  ou  de  leur  qualité  particulière,  il 
n'a  pu  les  atténuer  ni  les  évacuer.  »  Et  un  peu  plus 
loin  :  «  Qu'est-ce  que  la  peste,  sinon  une  complication 
de  symptômes  dont  la  nature  se  sert  pour  chasser  au 


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266  HISTOIRE  DE  hk  MÉDECINE. 

dehors,  à  travers  les  émonctoires  de  la  peau,  et  sous  la 
forme  d'abcès  ou  d'autres  sortes  d'éruptions,  les  parti- 
cules contagieuses  qui  sont  entrées  avec  l'air  par  la 
respiration?  Qu'est-ce  que  la  g-outte,  sinon  un  moyen 
qu'emploie  la  nature  pour  purifier  le  sang  des  vieillards 
et  les  purger  à  fond,  comme  parle  Hippocrate?  On  peut 
dire  la  même  chose  de  la  plupart  des  autres  maladies, 
lorsqu'elles  sont  entièrement  déclarées.  »  Les  maladies 
sont  d'ailleurs  aiguës  ou  chroniques.  Aig-uës,  «  lorsqu'il 
y  a  besoin  du  secours  de  la  fièvre  pour  séparer  du  sang 
les  particules  qui  l'infectent  et  les  évacuer  par  les 
sueurs,  le  cours  de  ventre,  les  éruptions,  ou  par  d'au- 
tres voies.  Comme  tout  cola  s'opère  dans  la  masse  du 
sang"  et  par  un  mouvement  considérable  des  parties, 
les  pores  étant  d'ailleurs  ouverts  et  les  fibres  relâchées, 
il  arrive  nécessairement  de  là  que  la  nature  sauve  bien- 
tôt le  malade,  si  elle  produit  une  évacuation  critique  de 
la  matière  morbifique ,  ou  qu'elle  le  tue  bientôt  si  elle 
ne  produit  une  telle  évacuation.  »  Pour  les  maladies 
chroniques,  ce  sont  celles  où  «  dans  tous  les  cas  la  ma- 
tière morbifique  ne  parvient  point  du  tout  à  la  coction, 
ou  n'y  parvient  que  fort  tard.  »  Il  y  a  d'ailleurs  deux 
sortes  de  maladies  aiguës,  les  une  èpidèmiques,  les  au- 
tres intercurrentes  ou  sporadiques.  o  Les  unes  (èpidèmi- 
ques )  viennent  d'une  altération  secrète  et  inexplicable 
de  l'air,  qui  alors  infecte  le  corps  humain,  et  elles  ne 
dépendent  nullement  d'une  qualité  supérieure  du  sang* 
et  des  humeurs,  sinon  en  tant  que  la  contagion  de  l'air 
a  imprimé  cette  qualité  au  sang*  et  aux  humeurs.  Les 
autres  sortes  de  maladies  aig-uës  (intermittentes,  spora- 
diques) proviennent  d'une  indisposition  particulière  des 
divers  sujots.  » 

Présenté  sous  cette  forme,  le  spécificisme  avait  la 
grande  séduction  de  tenir  compte  des  causes  de  conta- 


ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  267 

gion  des  maladies,  de  se  rattacher  à  la  doctrine  hippo- 
cratique  des  crises  et  de  la  coclion ,  et  enfin  de  justifier 
les  espèces  morbides  nouvelles  qui  sévissaient  avec  tant 
de  rigueur.  Le  spécificisme  arrivait  ainsi  à  ce  qu'on 
pourrait  appeler  sa  période  classique ,  où  ses  théories 
se  mariaient  à  l'observation  des  faits  et  aux  enseigne- 
ments traditionnels.  Sydenham  et  ceux  qui  l'ont  suivi 
ont  été  d'excellents  nosographes,  distinguant  bien  les 
espèces  morbides  diverses  et  leurs  formes,  suivant  avec 
beaucoup  d'attention  tous  les  phénomènes  et  l'évolu- 
tion ,  et  on  lui  rapporte  très-justement  d'avoir  insisté 
sur  la  distinction  des  espèces  morbides,  comme  sur  un 
point  capital  de  la  pathologie. 

«  En  premier  lieu,  dit-il  dans  sa  Préface,  il  faut  ré- 
duire toutes  les  maladies  à  des  espèces  précises  et  déter- 
minées, avec  le  même  soin  et  la  môme  exactitude  que 
les  botanistes  ont  fait  dans  leurs  Traités  sur  les  plantes. 
Car  il  se  trouve  des  maladies  qui,  étant  du  même  genre 
et  du  même  nom,  et,  outre  cela,  semblables  en  quel- 
ques symptômes,  sont  néanmoins  d'une  nature  bien 
différente  et  demandent  aussi  un  traitement  différent. 

«  On  sait  que  le  chardon  est  commun  à  plusieurs  es- 
pèces de  plantes.  Ce  serait  néanmoins  être  un  botaniste 
peu  exact  que  de  donner  seulement  une  description  gé- 
nérale de  cette  plante  et  de  la  distinguer  par  là  des 
autres,  sans  s'embarrasser  de  marquer  les  signes  pro- 
pres et  particuliers  qui  en  caractérisent  et  distinguent 
chaque  espèce.  De  même  il  ne  suffit  pas  à  un  écrivain 
de  marquer  seulement  les  phénomènes  communs  d'une 
même  maladie  qui  a  plusieurs  espèces....  (§  VII). 

«  La  principale  raison,  à  mon  avis,  pour  laquelle  nous 
n'avons  pas  eu  jusqu'à  présent  une  histoire  plus  exacte 
des  maladies,  c'est  que  la  plupart  des  auteurs  ne  les  ont 
regardées  que  comme  des  productions  confuses  et  irre- 


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208  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

gulières  d  une  nature  affaiblie  et  déconcertée,  et  qu'ainsi 
on  aurait  cru  perdre  son  temps  et  sa  peine  en  travaillant 
à  les  décrire  exactement....  (§  XIII). 

«L'inimitable  Hippocrate,  après  avoir  établi,  comme 
un  solide  fondement  de  son  art,  cet  axiome  incontes- 
table, savoir  que  la  nature  guérit  les  maladies ,  a  exposé 
clairement  les  symptômes  de  cbaque  maladie,  sans  le 
secours  d'aucune  hypothèse  ni  d'aucun  système,  comme 
on  voit  dans  ses  livres  des  Maladies,  des  Affections,  etc.  Il 
a  donné  aussi  des  règles  fondées  sur  la  méthode  que 
suit  la  nature  dans  la  production  et  la  guérison  des 
maladies....  (§XV). 

o Toute  maladie  spécifique  est  une  affection  qui  pro- 
vient d  une  altération  spécifique  de  quelqu'une  des  li- 
queurs du  corps  animé....  (§  XVIII). 

«  Quiconque  examinera  attentivement  ,  trouvera 
d'aussi  fortes  raisons  pour  croire  que  cette  maladie 
est  un  Hre  spécifique  que  pour  croire  qu'une  plante 
est  une  substance  qui  naît,  fleurit  et  périt  toujours  de 
la  môme  manière,  et  qui,  dans  tout  le  reste,  éprouve 
ce  qui  est  conforme  à  sa  nature....  Je  conviens  néan- 
moins que,  au  lieu  que  les  espèces  des  animaux  el  des 
plantes  subsistent  chacune  par  elle-même,  à  l'exception 
d'un  très-petit  nombre,  les  espèces  morbides  dépen- 
dent au  contraire  des  humeurs  qui  les  produisent.  » 
(§  XIX). 

Mais  ce  n'est  point  assez  d'être  observateur  et  de  ré- 
sumer avec  un  esprit  de  classement  les  faits  d'observa- 
tion ;  et  c'était  cela  seul  qu'on  pouvait  trouver  en  effet 
dans  le  spécificisme  de  Sydenham ,  qui  est  le  spécifi- 
cisme  le  plus  classique  :  il  faut,  outre  l'observation  et 
les  lois  de  classement  ou  de  coordination  ,  trouver  la 
clef  de  ces  lois ,  c'est-à-dire  leur  raison  d'être,  c'est-à- 
dire  leur  métaphysique.  Or,  il  était  impossible  de  se 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  269 

dissimuler  combien  cette  théorie  était  peu  solidement 
étayée.  Déclarer  que  la  maladie  est  un  combat  de  la 
nature  contre  une  matière  morbifique  qui  vient  des 
particules  de  l'air,  puis  dire  que  cela  s'explique  parce 
que  le  souverain  Maître  a  voulu  que  les  humeurs  fus- 
sent sujettes  à  des  impressions  de  la  part  des  choses 
extérieures  :  c'est  fatalement  s'exposer  à  ce  qu'on  vous 
demande  si  c'est  la  matière  morbifique  qui  est  la  ma- 
ladie, ou  bien  l'impression  qu'elle  cause  ;  et  il  n'est 
point  facile  de  se  tirer  du  dilemme  qu'on  vous  pose. 
Dire  ensuite  que  ce  peuvent  être  aussi  différentes  pour- 
ritures retenues  intérieurement  et  non  rejetées  qui  sont 
la  cause  de  la  maladie,  c'est  faire  entendre  qu'on  ne 
comprend  pas  bien  soi-même  la  première  explication, 
et  c'est  en  introduire  une  nouvelle  non  moins  douteuse  ; 
car  cette  matière,  qu'on  dit  retenue ,  pourquoi  est-elle 
retenue?  Cette  rétention  d'une  matière  putride,  qui 
n'est  morbide  que  parce  qu'elle  est  retenue  ,  montre 
bien  que  ce  n'est  pas  la  matière  môme  qui  est  la  cause, 
mais  cette  rétention  qui  cause  cette  cause!  Et  enfin, 
après  avoir  si  vivement  invoqué  les  infections  de  l'air 
par  une  matière  putride,  déclarer,  comme  Sydenham  le 
fait  un  peu  plus  loin,  qu'il  n'a  jamais  pu  savoir  ce  qu'é- 
tait cette  cause  invoquée,  c'est  bien  se  moquer  de  la 
raison  !  Sydenham  avance  en  effet  l'inanité  de  ses  élu- 
cubrations  dans  ce  passage  :  «  Quoique  j'aie  observé 
avec  tout  le  soin  possible  les  différentes  constitutions 
des  années,  par  rapport  aux  qualités  manifestes  de  l'air, 
afin  de  pouvoir  découvrir  par  ce  moyen  les  causes  de 
cette  grande  variété  des  maladies  épidémiques ,  je  ne 
vois  pas  que  j'aie  jamais  rien  avancé  jusqu'ici  »  ;  et 
plus  loin  :  «  Il  y  a  diverses  constitutions  d'années  qui 
ne  viennent  ni  du  chaud,  ni  du  froid,  ni  du  sec,  ni  de 
l'humide,  mais  plutôt  d'une  altération  secrète  et  inexpli- 


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270  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

cable  qui  s'est  faite  dans  les  entrailles  de  la  terre.  » 
{Maladies  aiguës,  cap.  2,  §§  il  et  12). 

Personne  ne  nie  que  l'air  ne  puisse  être  corrompu 
par  des  matières  putrides  tenues  en  suspension,  et  qui 
puissent  être  causes  de  maladies.  Mais  il  y  a  loin  de  ce 
fait  à  la  théorie  spécificienne.  Pour  que  celle-ci  puisse 
s'établir  sur  cette  base,  il  lui  fallait  démontrer  qu'il  y  a 
autant  d'espèces  de  matières  putrides  qu'il  y  a  d'espèces 
de  maladies.  Autrement,  la  matière  putride  invoquée 
n'est  plus  qu'une  cause  d'impression,  comme  toute  au- 
tre cause,  le  froid  ou  le  chaud,  le  sec  ou  l'humide  ;  et 
alors  c'est  cette  impression  variable  chez  chaque  indi- 
vidu, qui  devient  la  vraie  cause  de  l'espèce  morbide. 
Alors,  nous  rentrons  dans  la  doctrine  des  formes  mor- 
bides, telle  qu'elle  a  été  comprise  par  la  scolastique,  par 
Fernel,  par  Van-Helmont,  et  aussi  par  l'antiquité  hip- 
pocratique. 

Ce  serait  un  grave  tort  de  croire  qu'on  n'était  pas  en 
état  de  comprendre  ces  difficultés  au  xvn*  siècle,  lors- 
que nous  voyons  que,  peu  après  Hippocrate,  les  dog- 
matistes  les  agitaient  déjà  contre  les  partisans  de  la 
théorie  du  poison  morbide.  Sydenham  ne  faisait,  avec 
tous  les  spécificiens  issus  de  l'Arabisme,  que  revenir  à 
cette  ancienne  théorie  qui  voulait  faire  de  la  maladie 
un  empoisonnement.  Gela  n'était  que  du  vieux  déjà  re- 
poussé et  battu. 

Aussi,  tout  en  admettant  les  très-habiles  observations 
des  spécificiens,  un  grand  nombre  degalénisles  ne  vou- 
laient point  de  leurs  théories  et  leur  disaient  que  l'al- 
tération de  l'air,  le  contage  de  Fracastor,  ou  toute  autre 
cause ,  ne  faisait  qu'altérer  la  constitution  organique, 
et  que  c'était  dans  cette  altération  que  résidait  la  ma- 
ladie. Delà,  les  nombreuses  adhésions  des  galénistea, 
soit  aux  théories  chimiques,  soit  aux  théories  mécani- 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  271 

ques,  qui  disaient  que  la  maladie  devait  être  une  fer- 
mentation ou  une  obstruction,  ou  toute  autre  chose  d'a- 
nalogue. 

Veut-on  se  rendre  compte  jusqu'à  quel  point  ce  galé- 
nisme,  qui  [confond  la  maladie  avec  la  lésion,  et  que 
nous  avons  déjà  expliqué ,  était  tenace  dans  les  esprits 
au  xvu8  siècle?  J  ouvre  Ettmuller,  très-conciliateur,  plu- 
tôt porté  vers  Van-Helmont,  et  j'y  trouve  d'abord  ce  pas- 
sage caractéristique  :  «Tout  le  corps  est  le  sujet  de  la 
santé  f  et  par  conséquent  celui  de  la  maladie.  »  Cette 
première  phrase  est  très-bien  :  on  croit  que  l'auteur  va 
entendre  son  sujet  à  la  façon  d'Hippocrate  et  de  Van» 
Helmont,  et  nous  dire  ensuite  que  la  maladie  est  bien 
une  sorte  dediathèse,  une  affection  de  tout  l'être;  mais 
point.  Il  continue  ainsi  :  o  Mais  diversement  suivant 
les  parties  :  les  parties  contenues,  savoir  le  sang*  et  les 
esprits  qui  touchent  le  plus  près  à  la  racine  de  la  vie, 
sont  le  sujet  principal.  Les  parties  solides  ou  conte- 
nantes sont  le  sujet  moins  principal.  La  vie  consiste 
radicalement  et  fondamentalement  dans  le  sang  et 
dans  les  esprits,  au  lieu  qu'elle  n'est  dans  les  parties 
solides  que  par  dénominations,  c'est-à-dire  que  celles-ci 
ne  sont  vivantes  qu'en  tant  qu'elles  sont  arrosées  du 
sang  et  des  esprits.  »  (Instituiez,  Pathologie,  ch.  1er,  §  3). 
Remarquons ,  en  passant ,  cette  distinction  des  parties 
contenues  et  des  parties  solides  qui  sera  le  point  de  dé- 
part de  la  grande  division  des  soiidistes  et  des  humoristes 
au  siècle  suivant.  Mais  remarquons  surtout  comment 
l'auteur  fait  de  l'altération  des  humeurs  et  des  esprits, 
qui  est  le  premier  effet  de  la  maladie,  la  cause  même  de 
la  maladie  ;  car  cette  altération  est  déjà  la  maladie;  c'est 
bien  l'effet  premier.  C'est  ce  que  Galien  appelait  la  cause 
conjointe,  et  c'est  ce  dont  on  fait  la  maladie!  Singulier 
cercle  vicieux  qui  en  effet  installe  comme  maladie  et 


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272  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

même  comme  sa  cause ,  ce  qui  n'est  qu'un  effet.  Et 
cependant,  c'est  ce  môme  Ettmuller  qui,  dans  Iechap.3 
des  mêmes ïnstit.  med.,  paihoL,  écrit  les  pages  dont  nous 
prenons  les  passages  suivants  : 

«  La  première  (des  causes)  est  l'esprit,  qui  est  l'auteur 
des  actions,  tant  dans  l'état  de  santé  que  dans  l'état  de 
maladie.  La  cause  efficiente  matérielle  est  quelque  ma- 
tière viciée  qui  irrite  l'esprit  et  le  pousse  au  mal  ;  c'est 
la  cause  occasionnelle  au  langage  de  Van-Helmont  (§  20). 

o  II  s'ensuit  qu'il  ne  faut  pas  chercher  la  cause  pro- 
chaine des  maladies  dans  une  grosse  masse  de  matière, 
ni  dans  une  abondance  de  diverses  humeurs,  mais  que 
les  fondements  des  grandes  maladies  sont,  pour  l'ordi- 
naire, très-petits,  et  que  les  causes  occasionnelles  ou 
matérielles  se  doivent  mesurer  par  leur  activité,  non 
par  leurs  volumes,  soit  qu  elles  agissent  en  fermentant 
les  humeurs,  soit  en  picotant  les  parties  solides  ner- 
veuses. L'abeille  avec  son  aiguillon,  le  scorpion  avec  le 
bout  de  sa  queue,  et  la  vipère  avec  sa  dent  percée,  ne 
mettent  presque  rien  dans  la  partie  blessée;  ce  rien, 
pourtant,  cause  des  symptômes  terribles.  Quelle  ma- 
tière porte  en  soi  l'odeur  du  musc,  pour  faire  rendre 
l'àme,  ou  peu  s'en  faut,  à  une  femme  hystérique?  Quelle 
quantité  de  matière  peut  communiquer  un  gant  qui  a 
servi  à  un  galeux  en  touchant  la  main  d'une  personne 
saine,  ou  une  femme  gâtée  en  embrassant  un  débau- 
ché?... p  g  22). 

a  On  doit,  à  ce  propos,  bien  distinguer  la  maladie 
d'avec  la  production  morbifique  survenue  à  l'occasion 
de  quelque  cause  matérielle  ou  du  trouble  des  esprits. 
Par  exemple,  le  calcul  n'est  pas  la  maladie,  mais  une 
production  morbifique,  et  la  disposition  des  sels  à  se 
coaguler  ensemble  est  la  véritable  maladie  qu'on  nomme 
lithiase.  L'enflure  des  pieds  des  cachectiques  n'est  pas, 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  273 

comme  on  dit,  une  maladie  d'intempérie  humide,  mais 
une  production  morbifïque  de  la  cachexie  causée  par  le 
vice  de  la  sanguification.  Dans  les  fièvres  quartes,  le 
scorbut  et  le  mal  hypochondriaque,  la  rate  est  souvent 
tuméfiée  et  squirrheuse,  et  on  a  coutume  de  la  regarder 
comme  la  cause  de  ces  maladies,  mais  c'est  plutôt  une 
production  morbifïque  qui  survient  à  ces  maladies  in- 
vétérées par  le  vice  des  digestions.  Le  chaud  et  le  froid 
de  tout  le  corps  dans  les  fièvres,  d'un  membre  particu- 
lier dans  l  érysipèle,  sont  de  véritables  productions 
morbifiques,  et  la  tumeur,  l'ardeur,  l'inflammation  et 
les  larmes  ne  sont  pas  la  maladie  qu'on  nomme  oph- 
thalmie,  mais  de  simples  productions  morbifiques  à 
l'occasion  d'un  grain  de  poudre  tombé  dans  l'œil...» 
(§  24.) 

«Au  reste,  toutes  les  causes  efficientes  matérielles  ci- 
dessus  exposées,  de  quelque  genre  qu'elles  soient,  sont 
presque  toutes  occasionnelles;  car  nous  avons  déjà  sup- 
posé que  la  cause  efficiente,  prochaine  et  formelle,  était 
l'esprit  influent  et  quelquefois  l'esprit  implanté.  C'est 
Y  impétueux  d'Hippocrate  qui  donne  la  première  fécon- 
dité à  l'œuf,  qui  se  montre  très-actif  dans  la  structure 
du  corps,  et  qui  est,  durant  la  vie,  le  principal  et  l'u- 
nique auteur  des  actions  tant  naturelles  que  contre  na- 
ture; car,  quoique  la  cause  occasionnelle  soit  encore 
dans  les  cadavres,  la  maladie  n'y  est  pourtant  plus,  ce 
qui  fait  connaître  que  la  maladie  et  la  mort  ne  dépen- 
dent pas  moins  des  esprits  ou  du  principe  moteur  que 
la  vie  et  la  santé...»  (§  29). 

«Quand  Van-Helmont  attache  principalement  sa  vue 
dans  toutes  les  maladies  sur  le  principe  vital,  qu'il  con- 
sidère comme  le  premier  auteur  de  la  santé  et  des  ma- 
ladies, duquel  tous  les  symptômes  dépendent,  soit 
immédiatement,  comme  les  actions  blessées,  soit  mé- 

TOMK  XXXII.  -  OCTOBRE  1870.  1« 


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274  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

diateinent,  comme  les  symptômes  des  excrétions  et  des 
qualités  changées,  cela  ne  se  doit  point  entendre  exclu- 
sivement comme  si  les  humeurs  contenues  et  les  par- 
ties contenantes  étaient  purement  passives,  mais  inclu- 
sivement, c'est-à-dire  que  les  esprits  sont  comme  le 
ressort  dans  l'automate  de  notre  corps,  qui  fait  ses 
opérations  conjointement  avec  les  parties  organiques 
qui  en  sont  les  roues,  et  avec  les  parties  liquides  qui  en 
sont  le  fondement...  »  (g  32). 

C'est  ainsi  que  la  conciliation  amène  une  confusion 
inévitable.  Ettmuller  part  de  la  théorie  de  VanHelmont, 
laquelle  fait  de  la  maladie  une  simple  idée,  une  simple 
forme,  comme  le  pouvaient  faire  les  scolastiques;  mais 
plus  il  va,  plus  il  s'éloigne  de  son  point  de  départ,  et  on 
le  voit  incliner  insensiblement  vers  le  galénisme,  pres- 
que jusqu'à  la  cause  conjointe.  Un  tour  desprit  déplus, 
et  il  ferait  de  la  cause  conjointe  une  cause  continente ce 
qui  le  ferait  verser  dans  le  spécificisme.  S'il  n'y  arrive 
lui-même,  un  de  ses  lecteurs  fera  le  pas  voulu,  et  c'est 
ainsi  que  toujours  le  mouvement  des  doctrines  s'écarte 
de  la  voie  droite.  Un  sophisme  de  mots  ou  un  jeu  d'es- 
prit suffisent  à  tout  perdre  ! 

Notre  conciliateur  déclare  ensuite,  au  chapitre  sui- 
vant, intitulé  :  Des  différentes  maladies,  «  qu'il  y  a  trois 
différences  essentielles  des  maladies,  savoir  :  maladies  des 
esprits,  maladies  des  humeurs  contenues,  maladies  des 
parties  solides  contenantes.  »  Le  voilà  dès  lors  rentré 
dans  le  galénisme,  et  la  connaissance  des  espèces  mor- 
bides lui  échappe  comme  elle  échappait  à  Galien,  bien 
qu'il  reconnaisse,  comme  Galien  le  reconnaissait,  que 
les  maladies  sont  divisées  en  espèces.  Aussi,  ces  galé- 
nisles  ne  pouvaient  comprendre  ces  maladies  naturel- 
lement distinctes,  telles  qu'on  les  observait  et  telles 
qu'elles  se  présentaient;  et  ce  fut  là  que  vint  se  briser 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  275 

l'ancienne  Faculté  de  Paris  lors  de  la  peste  de  Marseille 
dans  le  xvnie  siècle,  comme  nous  le  verrons  plus 
loin. 

II.  Nosoc.ràpuie.  —  Pendant  que  la  doctrine  patho- 
logique était  si  diversement  agitée,  les  observateurs  étu- 
diaient les  maladies  selon  leur  apparition  naturelle,  et 
aussi  la  plupart  étaient  plus  ou  moins  spécificiens,  de 
sorte  que,  encore  que  doctrinalement  le  spécificisme  fût 
une  théorie  fausse,  il  a  rendu  de  grands  services. 

Parmi  les  nosographes ,  nous  devons  citer  Carohts 
Pise,  surtout  Sydenham  et  Morton.  Morton  fut  le  rival  de 
Sydenham,  dont  il  blâmait  les  antiphlogistigues  pendant 
qu'il  vantait  le  quinquina.  Sa  pyrétologie  et  sa  descrip- 
tion du  rhumatisme  et  de  la  goutte  méritent  d'être  lues, 
mais  il  n'est  pas  à  la  hauteur  de  son  rival.  Sydenham, 
dont  nous  avons  parlé  plus  haut,  était,  en  somme,  un 
très-médiocre  théoricien,  comme  nous  l  avons  mon- 
tré; mais  il  fut,  en  revanche,  un  des  plus  habiles  obser- 
vateurs des  temps  modernes  ;  et  s'il  avait  su  joindre  la 
largeur  de  ses  doctrines  à  la  sagacité  de  ses  observa- 
tions, il  eût  été  digne  d'Hippocrate,  auquel  on  l'a  com- 
paré pour  ses  descriptions,  mais  dont  on  n'a  pu  vraiment 
le  rapprocher  qu'avec  une  grande  flatterie.  Son  spécifi- 
cisme  eût  fait  frémir  d'indignation  le  grand  maître  de 
Cos.  Ses  descriptions  des  maladies  aiguës,  ses  observa- 
tions des  maladies  régnantes,  et  en  particulier  de  l'in- 
fluence quellesexercentsur  les  maladies  intercurrentes, 
ses  descriptions  des  fièvres  éruptives,  en  particulier  de 
la  variole,  ses  études  sur  la  goutte  et  sur  la  dysenterie, 
sont  dignes  de  la  plus  grande  estime,  et  tout  médecin 
soucieux  de  son  art  devrait  les  avoir  lues. 

Parmi  les  divers  travaux  nosographiques  du  xvii'  siè- 
cle, il  faut  citer  les  suivants  : 


276  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

La  description  d  une  angine  gangreneuse  épidémique 
qui,  de  1610  à  1620,  sévit  à  Naples  et  en  Gastille.  Ses 
historiens  sont  F.  No/a,  I.  de  Villaréal,  P.  Casa/es, 
A .  de  Fontsecha,  Scombati,  et  plusieurs  autres. 

Le  purpura  fut  signalé  pour  la  première  fois  à  Leip- 
sick,  en  1650,  par  ,1.  Lanye.  Deux  ans  plus  lard,  il  fut 
le  sujet  d'une  thèse  de  J.  Hoppius. 

D.  Sennert  paraît  avoir,  le  premier,  observé  la  scar- 
latine, mais  il  la  prit  pour  une  forme  de  rougeole.  Elle 
sévit  en  Angleterre,  où  elle  reçut  son  nom  (scartett),  et 
où  Sydanham  et  Morton  la  décrivirent  comme  maladie 
distincte. 

Vers  1650,  on  parla  d  une  angine  croupale  ou  poly- 
peuse,  comme  on  l'appelait,  et  qui  régna  épidémique- 
ment  en  France  et  en  Angleterre.  Les  premières  obser- 
vations sont  consignéss  dans  Ch.  Bennet  (1656)  et  dans 
N.  Tulpius  (1685). 

Une  convulsion  céréale  régna,  en  1648,  dans  le  Vogt- 
land;  en  1650,  1674,  1675,  en  France  et  en  Angleterre. 
Th.  Willis  et  C.  Brunner  la  décrivirent. 

En  1665  et  1666,  des  fièvres  pétéchiales  régnèrent  en 
Angleterre  ;  on  en  retrouve  la  description  dans  Sy- 
denham  surtout,  et  dans  Morton. 

La  variole,  la  rougeole,  la  dysentérie,  les  fièvres  in- 
termittentes, l'apoplexie  épidémique  furent  observées 
par  Sydenham,  Morton  et  Diemerbroock. 

Le  rachitisme,  maladie  d'abord  signalée  en  Hollande, 
en  Angleterre  et  en  Suisse  par  Reusner,  en  1582,  fut 
ensuite  bien  décrite,  sous  le  nom  de  tabès  pictava,  par  de 
Boot,  en  1648,  puis  par  Glisson,  en  1682,  qui  lui  imposa 
son  nom  de  rachitisme.  Van-Helmont  la  rattacha  juste- 
ment à  une  question  d'allaitement. 

W.  Haefers  fit  mention  du  crétinisme  vers  1675. 

/.  Boniius  est  le  premier,  parmi  les  modernes,  qui  ait 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  277 

donné,  en  1658,  une  bonne  description  de  la  lèpre 
croûteuse,  telle  qu'elle  se  montre  aux  Indes -Orien- 
tales. 

J.  Floyer  donna  un  excellent  traité  sur  l'asthme  en 
1698.  —  Il  est  célèbre  pour  avoir  remis  les  bains  froids 
en  honneur  dans  son  pays. 

III-  Anatomie  pathologique.  —  Cette  branche  de  la 
science  pathologique  a  commencé  dans  ce  siècle  à  fixer 
l'attention  des  médecins,  et  on  rapporte  au  grand  ou- 
vrage de  T.  Bonet,  le  Sepulchretum  (1674),  le  point  de 
départ  de  tous  les  travaux  ultérieurs.  Pour  être  plus 
juste,  citons  les  autres  ouvrages  qui  ouvrirent  la  voie 
avant  lui,  ou  la  suivirent  dans  le  même  siècle. 

N.  Fonleyn,  Responsionwn  et  curationum  medicinalium, 
1637.  —  Observationum  analomicarum,  1654.  —  P.  Sai- 
mutz,  Observationum  medicarum,  1648.  —  Bartholin, 
tor  analom.,  1654.  —  D.  Panaroli,  latrologismum  pente- 
costœ,  1652.  —  D.  Horst,  De  cas.  observationum  epistola- 
ram  anatomicorum,  J656.  —  R.  Salzmann,  Varia  observata 
anatomica,  1669.  —  Wipfer,  Historia  apoplecticorum , 
1667.  —  B.  Verzascha,  Observationum  medicarum,  1677, 
—  Schrader,  Observât,  anatom.  medicor. ,  1674.  — 
E.  Blancard,  A  natomicapracticarationalis,  1688. — Welsch, 
Sylloge  curationum  et  observationum  medicinalium ,  1688; 
Concilium  medicinalium,  1698.  —  Il  faudrait  encore  citer 
les  ouvertures  cadavériques  de  Blasius,  les  travaux  sur 
le  coryza  de  Schneider,  et  beaucoup  d'autres  observa- 
teurs, tant  anatomistes  que  médecins. 

IV.  Séméiotique.  —  Cette  partie  de  la  médecine  fait 
peu  de  progrès.  On  en  élait  aux  travaux  précédents  de 
Lommius  et  de  Prosper  Alpin,  sur  lesquels  on  vivait. 
Cependant  on  eut  les  travaux  de  Bûcher,  de  A.  Constan- 


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278  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE 

tin,  de  de  Heredia ,  et  surtout  de  //.  Castro  (Syntaxis 
prœdictionum  medicarum,  Leyde,  1661. 

Le  travail  de  L.  Rivière,  dans  ses  Instihttioncs,  est 
aussi  fort  remarquable;  on  ne  le  cite  pas  en  général, 
soit  parce  qu'on  ne  le  lit  pas,  soit  parce  qu'on  n'y  fait 
pas  d' attention;  mais  il  suffit  de  le  parcourir  seulement 
pour  juger  combien  il  l'emporte  sur  beaucoup  de  pro- 
ductions de  ce  siècle,  et  il  peut  donner  une  bonne  idée 
de  ce  qu'était  alors  la  séméiotique  pour  les  meilleurs 
esprits.  Il  partage  le  livre  III  de  ses  Institutions  y  et  qui 
est  intitulé  Semeioticen  continent,  en  deux  sections  :  dans 
la  première,  il  traite  de  signis  diagnosticis;  dans  la  se- 
conde, de  signis  prognosticis.  Il  veut  étudier  séparément  les 
signesdiagnostiqueset  les  signes  pronostiques,  et  comme 
il  ne  s'aperçoit  pas  que  le  môme  phénomène  peut  être 
à  la  fois  l'un  et  l'autre,  il  croit  convenable  de  n'étudier 
que  certains  d  eux  dans  le  diagnostic  et  d'en  étudier 
d'autres  dans  le  pronostic.  Gomme  il  ne  remarque  pas 
non  plus  que  le  signe  n'est  qu'une  interprétation  d'un 
phénomène,  au  lieu  de  procéder  en  divisant  les  phéno- 
mènes, il  procède  en  divisant  les  signes;  de  sorte  que 
son  travail  se  rattache  à  la  médecine  pratique,  à  l'art 
de  tirer  les  signes,  plutôt  qu'à  la  symptomatologie, 
comme  d'autres  auteurs  l'ont  compris. 

On  va  mieux  nous  comprendre  en  parcourant  l'inti- 
tulé des  divers  chapitres.  La  section  de  signis  diagnosticis 
comprend  quinze  chapitres  :  «  1°  de  signis  biliosi  humo- 
«ris  in  corpore  prœdominantis;  2°  de  signis  humoris 
«pituitosi  in  corpore  prœdominantis;  3°  de  signis  san- 
«guinis  in  corpore  prœdominantis;  4°  de  signis  melan- 
«choliœ  in  corpore  prœdominantis;  o#  de  signis  partis 
«alïbclœ;  63  de  signis  partis  primario,  et  per  consen- 
ti sum  laborantis  ;  7°  de  signis  speciei  morbi  ;  8°  de  signis 
a  morbi  magni  et  gradivi ,  9°  de  signis  morbi  maligni  et 


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ÉTUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION.  270 

«benig-ni  ;  10° de  sig-nis  rnorbi  acuti,  vel  chronici  ;  i  l0  de 
«sig-nis  causarum  morbificarum  ,  ac  primo  de  sig-nis 
«bilis  prœlernaturalis  ;  12°  de  sig-nis  pituitœ  pnrtcr- 
«  nuturalis;  13°  de  sig-nis  feri  redundantis;  14°  de  sig-nis 
«flatuum;  15°  de  sig-nis  temporum  morborum.» —  La 
seconde  section  comprend  quatorze  chapitres  :  a  1°  de 
«sig«nismorbi  long-i  aut  brevis  futuri  ;  2°  de  sig-nis  morbi 
«salutaris  et  lethalis;  3°  de  modo  quo  fing-ilur  morbus 
«an  scilicet  per  crisin,  vel  paulatinam  solutionem; 
«  4°  de  tempore  quo  fing-itur  morbus,  ubi  dies  el  hora 
«futurœ  criseos  prœnuntiatùr;  5°  de  loco  per  quem  fu- 
«  tura  est  crisis,  ac  primum  de  sig-nis  futurœ  criseos  per 
«vomitum;  6°  de  sig-nis  futurae  criseos  per  alvi  fluxum; 
«7°  de  sig-nis  futurœ  criseos  per  sudores;  8°  de  sig-nis 
«  uturœ  criseos  per  urinas  ;  9°  de  sig-nis  futurœ  criseos 
«per  hœmorrhag-iam;  10°  de  signis  futurœ  criseos  per 
«menses  aut  hœmorrhoïdas  ;  H°  de  signis  futuri  abces- 
«susj  12°  de  sig-nis  eorum  quœ  superventurasunt  in  his 
«  qui  jam  œgrotant,  vel  in  morbos  prolabuntur  ac  pri- 
ée mum  de  sig-nis  futuri  delirii;  13°  de  sig-nis  futurœ 
«convulsionis;  14°  de  signis  futurœ  recidivœ.  » 

F.  Frédault. 

—  La  mite  an  prochain  numéro.  — 


PHYSIOLOGIE  EXPÉRIMENTALE. 


PHYSIOLOGIE  EXPÉRIMENTALE 


ÉTUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION 

—  SUITE  (I)  — 

VIL 

Des  effets  de  labstinence  complète  sur  la  nutrition 
et  sur  le  poids  du  corps. 

Nous  savons  déjà  que,  quand  le  corps  est  privé  d'ali- 
ments, l'absorption  interstitielle  acquiert  une  grande 
activité  :  elle  puise  sans  cesse  dans  toutes  les  parties 
de  l'organisme  une  certaine  quantité  d'éléments  pour 
produire  les  oxydations  nécessaires  à  la  vie  animale. 
Aussi  le  résultat  le  plus  constant  et  en  même  temps  le 
plus  importantde  l'inanitiation,  c'est  ladiminution  gra- 
duelle du  poids  du  corps.  L'animal  perd  tous  les  jours, 
et  cette  perte  est  d'autant  plus  forte  que  le  sujet  est  plus 
volumineux  et  que  les  excrétions  sont  en  plus  grande 
quantité. 

Toutefois,  tout  en  diminuant  de  poids  chaque  jour, 
le  corps  ne  perd  pas  d  une  manière  égale.  En  général, 
la  perte  la  plus  grande  a  été  au  début,  quelquefois  vers 
la  fin,  jamais  vers  le  milieu  de  l'expérience.  En  effet,  le 
premier  jour  de  l'abstinence,  l'animal  expulse  le  résidu 
des  aliments  des  jours  précédents,  et,  à  l'approche  de  la 
mort,  il  survient  une  abondante  diarrhée  hilieuse. 
Quand  on  fait  abstraction  du  premier  et  du  dernier 
jour,  on  trouve  que  les  pertes  quotidiennes  ne  diffèrent 
pas  beaucoup  d'un  jour  à  l'autre. 

Nous  donnons,  dans  le  tableau  suivant,  le  résultat  de 
nos  expériences  sur  la  diminution  du  poids  du  corps. 

(i)  Voir  VArt  médical,  n°*  d'août  et  de  septembre  !870. 


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ETUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION.  281 


TABLEAU  INDIQUANT  LA  PERTE  DE  POIDS  PAR  L'INANITION. 


POIDS  DU  CORPS 

I-BRTE  DE  POIDS 
INTÉGRALE 

DUREE 

de 

LA  VIB. 

Initial 

Final 

absolue 

propor- 
tionnelle 

■  i 

gr. 

gr. 

jour*. 

n. 

i 

1 

780 

1  OU 

49» 

0  38 

11 

n. 

4 

1  «1.»  - 

457 

0  34 

8 

» 

n. 

•J 
» 

A  iXt\ 
1 OOV 

500 

•  UHF 

0  40 

12 

» 

n. 

4 

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14 

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n. 

5 

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0  38 

11 

» 

n. 

0 

A».  MF 

1  I7*> 

0  40 

15 

Cochons  d'Inde 

n. 

1 

'.80 

310 

no 

0  35 

4 

n. 

2 

520 

342 

178 

0  34 

5 

» 

n. 

3 

055 

39(i 

459 

0  39 

7 

1 

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74 

14 

0  16 

4.5 

» 

n. 

-216 

150 

00 

0  47 

5 

a 

n. 

3 

1075 

485 

590 

0  44 

14 

» 

n. 

4 

\-m 

780 

4*5 

0  37 

9 

» 

n. 

ir»4o 

910 

630 

0  40 

14 

n. 

G 

1700 

S75 

825 

0  48 

17 

» 

n. 

7 

45110 

1545 

985 

0  38 

15 

10-2 

81 

41 

0  40 

3 

3.5 

n. 

3S0 

.95 

85 

0  44 

n. 

:î 

1000 

1180 

740 

0  37 

10 

n. 

4 

240» 

1464 

943 

0  42 

10 

n 

s 

49 10 

4960 

1950 

0  39 

15 

• 

n. 

G 

6K00 

3340 

3260 

0  49 

48 

n. 

7 

J  45-20 

til  10 

64H 

0  51 

30 

La  loi  générale  de  l'inanition  formulée  par  Chossat 
et  que  nos  recherches  confirment,  c'est  qu'il  existe  une 
limite  de  déperdition  au  delà  de  laquelle  la  vie  n'est 
plus  possible.  La  mort  arrive  quand  l'homme  ou  l'ani- 
mal a  perdu  les  0,4  de  son  poids  initial. 

Les  expériences  de  Chossat  ont  porté  sur  les  pigeons, 
poules,  cochons  d'Inde,  lapins;  les  nôtres  ont  eu  les 
lapins,  cochons  d'Inde,  chiens,  chats  pour  sujets.  Les 
résultats  ont  été  à  peu  de  chose  près  les  mêmes. 

Nous  avons  quelques  exemples  authentiques  d'indi- 
vidus qui  se  sont  laissés  mourir  de  faim.  On  remarque 
qu'A  la  mort  la  perle  intégrale  proportionnelle  est  la 
même  que  pour  les  animaux.  Granié,  qui  était  assez 


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282  PHYSIOLOGIE  EXPERIMENTALE. 

robuste  sans  être  d'une  grande  stature,  ne  pesait  plus 
que  20  kilogrammes  au  moment  de  sa  mort.  Graefe 
rapporte  l'observation  d'un  bomme  auquel  un  char- 
latan  fit  subir  un  traitement  par  la  faim  pour  le  g-uérir 
d'une  amaurose;  ce  malheureux  qui  ne  buvait  que  de 
l'eau  pure,  perdit  10  kilogrammes  les  huit  premiers 
jours,  5  kilogrammes  les  neuf  jours  suivants,  et  à  sa 
mort,  qui  arriva  au  quarante-septième  jour,  son  corps 
était  réduit  à  38  kilogrammes  de  65  qu'il  pesait  au 
début  du  traitement.  (Journal  der  Chirurgie  und  A ugm- 
heilkunde^  vol.  XXI.) 

Par  notre  tableau,  on  voit  que  la  perte  intégrale  pro- 
portionnelle n'est  pas  toujours  la  même.  Quelquefois, 
elle  n'est  que  de  0,2,  tandis  que  dans  certains  cas  elle 
s'élève  à  0,5  du  poids  initial.  C'est  que  plusieurs  in- 
fluences peuvent  modifier  la  loi  que  nous  venons  de  for- 
muler. Parmi  celles  qui  sont  plus  importantes,  nous 
citerons  le  poids  du  corps,  l'état  d'obésité  et  l'àg'e  des 
individus. 

Plus  les  animaux  sont  petits,  moins  de  temps  ils  ré- 
sistent à  l'inanition,  et  moins  ils  peuvent  perdre  de  leur 
poids. 

Dans  nos  autopsies,  nous  avons  remarqué  que  la 
graisse  avait  presque  entièrement  disparu.  Cette  sub- 
stance éprouve  donc  une  déperdition  proportionnelle- 
ment plus  forte  que  celle  qui  est  subie  par  les  autres 
parties  du  corps  :  aussi  la  perte  additionnelle  provenant 
du  tissu  adipeux  influe-t-elle  d'une  manière  sensible  sur 
la  valeur  de  la  perte  intégrale.  Chez  les  animaux  gras, 
la  perte  peut  s'élever  aux  0,5  de  leur  poids  initial  avant 
que  la  mort  survienne. 

L'àg'e  des  animaux  exerce  surtout  une  grande  in- 
fluence sur  la  manière  dont  ils  supportent  l'abstinence. 
Hippocrate  avait  dit  :  «  Les  vieillards  supportent  très-bien 


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ÉTUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION.  283 

l'abstinence;  l'homme  dans  1  ug*e  mur,  moins;  les  ado- 
lescents, mal  ;  les  enfants  moins  encore  que  les  autres.  » 
L'expérience  a  confirmé  cette  observation  du  père  de  la 
médecine.  Les  jeunes  animaux  sur  lesquels  nous  avons 
expérimenté  n'ont  perdu  que  les  0,2  de  leur  poids 
primitif.  C'est  aussi  à  ce  résultat  que  Ghossat  est  ar- 
rivé. 

Les  troubles  de  la  nutrition  se  révèlent  promptement. 
Quelques  jours  suffisent  pour  modifier  l'habitude  du 
corps  et  imprimer  de  profonds  changements  dans  la 
physionomie.  «Au  bout  de  quatre  jours,  dit  Savigny, 
nous  étions  devenus  méconnaissables;  nous  n'étions 
plus  que  les  ombres  de  nous-mêmes.  » 

Voici  les  signes  de  la  nutrition  en  souffrance.  Le 
teint  devient  terreux,  grisâtre,  la  peau  se  plisse,  se 
ride,  se  dessèche,  se  parcheminé;  l'amaigrissement  fait 
des  progrès,  les  membres  perdent  leur  grosseur  et  leur 
forme  arrondie,  les  muscles  se  dessinent,  les  saillies 
osseuses  et  les  dépressions  s'accentuent;  la  face  présente 
des  rides,  les  joues  se  creusent,  le  menton  devient 
pointu,  les  orbites  s'excavent,  l'œil  qui  conserve  son  vo- 
lume est  proéminent  et  brille  d'un  éclat  remarquable; 
la  cornée  se  couvre  de  mucus  desséché,  et  même  s'ulcère 
et 'peut  se  perforer;  le  ventre  est  aplati  ou  creusé  en 
carène. 

Les  plaies  des  animaux  inanitiés  ne  se  cicatrisent 
qu'imparfaitement,  la  formation  du  cal  et  la  consoli- 
dation des  fractures  sont  très-difficiles  et  môme  ne  se 
font  pas. 

VIII. 

Des  effets  de  l'abstinence  complète  sur  les  fonctions 
de  la  vie  de  relation. 

i°  Fonctions  musculaires.  —  Du  premier  jour  à  l'avant- 
dernier,  les  fonctions  musculaires  n'offrent  rien  de  par- 


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28 1  PHYSIOLOGIE  EXPÉRIMENTALE. 

ticulier  à  noter,  sinon  un  certain  degré  d'affaiblisse- 
ment. L'animal  exécute  tous  les  mouvements  qui  lui 
sont  propres:  il  marche,  s'agite,  saute  et  court,  fait  des 
efforts  pour  rompre  les  entraves  qui  le  retiennent.  Quel- 
ques animaux  que  nous  avons  laissés  en  liberté  dans  un 
appartement  allaient  et  venaient  par  moments,  mais  le 
plus  souvent  ils  restaient  dans  le  repos,  s'entassant  les 
uns  auprès  des  autres  pour  se  réchauffer.  Cependant, 
l  avant-dernier  jour,  à  mesure  que  le  refroidissement 
gagne,  les  forces  diminuent  rapidement,  I  animal  chan- 
celle, se  traîne  sur  le  ventre.  Nous  avons  vu  la  faiblesse 
commencer  par  le  train  postérieur.  Dans  le  dernier 
degré  de  l'affaiblissement,  l'animal  reste  étendu  et  de- 
meure dans  la  position  qu'on  lui  donne,  ne  pouvant 
plusse  remuer.  Enfin,  à  l'approche  de  la  mort,  sur- 
viennent quelquefois  des  convulsions,  des  spasmes  des 
paupières,  des  rigidités,  des  soubresauts  de  tendons. 

La  faiblesse  musculaire  paraît  liée  au  refroidisse- 
ment; elle  s'accroît  en  raison  directe  de  l'abaissement 
de  la  chaleur.  Cette  particularité  est  tellement  vraie, 
qu'en  soumettant  les  animaux  arrivés  au  point  de  mort 
imminente  à  une  température  de  35  degrés  dans  une 
étuve,  si  on  parvient  à  augmenter  le  degré  de  leur  cha- 
leur animale,  ils  reprennent  des  forces,  ouvrent  les 
yeux,  exécutent  quelques  mouvements  des  membres 
et,  au  bout  d'une  demi-heure,  on  les  voit  se  tenir  debout 
et  marcher  avec  assez  de  facilité.  Nous  avons  pu,  en 
continuant  le  réchauffement  artificiel,  ranimer  les  fonc- 
tions musculaires  et  la  vie  pendant  plus  de  quarante- 
huit  heures. 

2°  Fonctions  cérébrales.  —  Un  fait  de  haute  impor- 
tance, c'est  que  les  organes  nerveux  ne  perdent  presque 
rien  de  leur  masse  normale  par  l'inanition.  On  conçoit 
donc  que  le  résultat  du  défaut  d'alimentation  sera  de 


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ÉTUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION.  235 

rompre  l'équilibre  entre  l'action  du  cerveau  et  celle  des 
autres  organes.  Au  fur  et  à  mesure  que  la  masse  du 
sang*  et  le  poids  des  diverses  parties  du  corps  diminue- 
ront, le  système  nerveux  prendra  une  prédominance 
plus  grande. 

Dans  les  premiers  jours  de  jeûne,  les  animaux  sont 
assez  tranquilles,  quelquefois  sombres  et  mornes;  cet 
abattement  alterne  avec  de  l'agitation  qui  se  manifeste 
alors  par  de  courts  instants.  Mais,  dans  la  deuxième  pé- 
riode, nous  voyons  l'agitation  devenir  continuelle  et 
augmenter  jusqu'à  la  fureur.  L'animal  va  et  vient  dans 
sa  prison,  cherchant  à  rompre  les  entraves  qui  le  re- 
tiennent; son  aspect  est  menaçant  et  sa  gueule  entr  ou- 
verte laisse  apercevoir  une  langue  rouge  et  sèche  ; 
souvent  il  jette  des  cris,  surtout  au  lever  et  à  la  chute 
du  jour.  A  mesure  que  la  chaleur  animale  baisse,  une 
légère  stupeur  commence  à  engourdir  ces  êtres  et  elle 
s'accroît  d'autant  plus  que  le  refroidissement  fait  des 
progrès.  Ils  deviennent  hébétés,  regardent  avec  sur- 
prise, et,  si  on  les  met  en  liberté,  ils  ne  cherchent  pas  à 
fuir.  Enfin,  la  sensibilité  s'anéantit,  les  yeux  sont  fixes 
ou  fermés  et  l'animal  tombe  dans  une  léthargie  dont 
rien  ne  peut  le  retirer.  A  ce  point  de  mort  imminente, 
le  moindre  mouvement  que  l'on  imprime  à  l'inanitié 
peut  déterminer  une  syncope  mortelle.  L'animal  meurt 
quelquefois  dans  les  convulsions. 

Quelques  exemples  ont  montré  que  chez  les  hommes 
les  mêmes  symptômes  cérébraux  se  manifestaint.  Chez 
eux,  l'excitation  mentale  peut  être  portée  jusqu'à  la 
fureur  et  le  délire  le  plus  violent.  Sur  les  J50  naufra- 
gés de  la  Méduse,  la  moitié  voulait  briser  le  radeau,  et 
engagea  une  lutte  à  outrance  avec  les  autres.  L'absti- 
nence prolongée  cause  des  hallucinations;  on  sait  les 
choses  extravagantes  que  raconte  de  Savigny.  Enfin,  la 


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286  PHYSIOLOGIE  EXPERIMENTALE. 

méfiance,  l'égoïsme,  la  cruauté  sont  engendrés  par  la 
faim,  cette  mauvaise  conseillère.  Nous  ne  voulons  pas 
citer  les  faits  horribles  dont  parlent  les  historiens; 
cependant,  de  nos  jours,  nous  avons  appris  qu'en 
Algérie,  des  parents  avaient  tué  et  mangé  les  chairs  de 
leurs  enfants.  Arrêtons-nous  sur  le  bel  exemple  que 
fournirent  les  mineurs  du  Bois-Monzil.  Ils  étaient  entre 
eux  très-affectueux  :  «  Dès  le  premier  jour,  ils  s'étaient 
partagé  une  demi-livre  de  pain,  un  morceau  de  fro- 
mage et  deux  verres  de  vin  que  l'un  d  eux  avait  apportés 
dans  la  mine,  et  deux  autres  qui  avaient  mangé  avant 
d'entrer  ne  prirent  point  part  à  la  distribution,  disant 
quils  ne  voulaient  pas  mourir  plus  lard  que  les 
autres.  » 

Le  sommeil  est  rare  chez  les  inanitiés,  souvent  entre- 
coupé, plein  de  rêves  pénibles.  Le  négociant  que  nous 
avons  cité  note  qu'il  était  arrivé  au  septième  jour  sans 
avoir  pu  trouver  le  sommeil. 

CHAPITRE  IL 

DES  EFFETS  DE  L'ALIMENTATION  INSUFFISANTE  SUR 

LES  FONCTIONS. 

Après  avoir  étudié  les  modifications  que  l'abstinence 
complète  imprimait  aux  fonctions  et  à  la  composition 
des  liquides  organiques,  nous  avons  à  nous  occuper  de 
l'alimentation  insuffisante. 

Examinons  tout  d'abord  quand  et  comment  une  ali- 
mentation est  insuffisante. 

Elle  esl  insuffisante  quand  les  aliments  digérés  et 
utilisés  ne  sont  pas  proportionnels  à  la  dépense,  soit 
par  une  diminution  dans  leur  quantité,  soit  par  un  chan- 
gement dans  leur  nature,  soit  à  cause  de  certaines  condi- 


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ÉTUDE  SUR  LA.  MORT  PAR  INANITION.  2S7 

fions  particulières  (maladie,  convalescence,  âge,  sexe, 
climat,  etc.). 

Un  grand  nombre  de  physiologistes  ont  adopté  la 
théorie  chimique  de  l'alimentation.  Avec  MM.  Boussin- 
gault  et  Payen,  ils  admettent  que  l'alimentation  est 
complète  :  1°  quand  la  nourriture  assimilée  contient  une 
quantité  de  principes  azotés  capable  de  réparer  les  perles 
des  principes  également  azotés  qui  sont  éliminés  de 
l'organisme; 

2°  Quand  elle  renferme  le  carbone  nécessaire  pour 
remplacer  celui  qui  est  brillé  dans  la  respiration  ou 
rendu  avec  les  sécrétions. 

3°  Quand  elle  est  assez  chargée  de  fer  et  de  sels,  prin- 
cipalement de  chlorure  de  sodium  et  de  phosphates  al- 
calins, pour  restituer  à  l'économie  ceux  des  principes 
salins  qui  en  sont  continuellement  expulsés; 

4°  Quand  elle  contient  une  dose  suffisante  de  matières 
grasses  pour  suppléer  à  celles  qui  sont  entraînées  par 
les  sécrétions. 

L'homme  adulte  consomme,  en  général ,  dans  les 
vingt-quatre  heures,  en  carbone  et  en  azote,  par  la 
respiration  et  les  autres  excrétions  : 

Carbone       !  Aspiration   250  gr. 

uarbone...  j  Excr6Uons   60 

310  gr. 

Substances  azotées,  contenant  20  gr.  d'azote          130  gr. 

Il  faut  donc  que  les  aliments  pris  dans  les  vingt- 
quatre  heures  contiennent  310  grammes  de  carbone, 
plus  130  grammes  de  substances  azotées  renfermant 
20  grammes  de  carbone. 

Une  ration  normale  peut  être  ainsi  composée  : 

Subnaoce  aiotée.  Carboac 

Pain      1000  gr.      -      70  gr.        =        300  gr. 
Viande     280  =      00,26         =  31,46 

130/26  331,16 


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288  PHYSIOLOGIE  EXPERIMENTALE. 

Voici  la  ration  journalière  du  cavalier  français  : 

Matières  azoléw      Matières  dod  azotées 
sèches  séchr»-*. 

Viande  fraîche               125  gr.  70  » 

Pain  blanc,  de  soupe. .    516        )  ^ 
Pain  de  munition ... .    750  ) 

Lêgumiueux                 200  20  750 

1,591  gr.  154  745 

Boisson  :  quantité  variable  »  «t 

En  général,  l'homme  adulte  et  bien  portant  de  nos 
climats  consomme  de  2  kil.  500  gr.  à  3  kilog.  de  nour- 
riture solide  et  liquide  dans  les  vingt-quatre  heures.  La 
somme  de  toutes  les  évacuations  et  exhalations  est,  en 
moyenne,  égale  à  ce  chiffre. 

La  ration  alimentaire  est  donc  de  la  vingtième  à  la 
vingt- cinquième  partie  du  poids  du  corps. 

Il  est  également  intéressant  de  savoir  la  quantité  de 
lait  que  prend  l'enfant  nouveau-né.  M.  Bouchaud,  par 
des  pesées  faites  avant  et  après  chaque  tétée,  est  arrivé 
à  donner  les  chiffres  suivants  : 

Le  Ier  jour,  l'enfant  neprenl  presque  rien,  environ      30  gr. 

Le  2*  jour,  il  prend  un  peu  plus   150  « 

Le  3#  jour,  la  sécrétion  du  lait  s'opère,  il  prend.. .  400  « 
Les  4e  et  5e  jours,  le  lait  est  abond  int,  il  prend.. .     550  « 

Du  25"  jour  au  2«  mois,  il  prend   600  à  600  gr. 

Du  2«  au  4"  mois   649  à  72-4  « 

Au  5«  mois     808  à  896  « 

Au  7e  mois   1,000  gr. 

Nous  sommes  loin  d'admettre  comme  fondées  les 
théories  de  l'alimentation  données  par  les  chimistes. 
Nous  ne  regardons  pas  l'organisme  comme  une  machine 
qui  consomme  tant  par  jour  et  doit  avoir  tant  pour  son 
entretien.  Nous  traiterons  plus  tard  cette  question. 

Constatons  pour  le  moment  que  les  rations  d'entre- 
tien varient  de  beaucoup  d'un  individu  à  l'autre;  la 


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ÉTUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION.  289 

constitution,  la  taille,  l'âge ,  les  habitudes,  les  tra- 
vaux, etc.,  modifieront  la  quantité  d'aliments  néces- 
saire pour  chacun. 

Si  l'on  ne  donne  à  un  homme  en  santé  que  le  tiers 
de  la  quantité  d'aliments  qu'il  consomme  habituellement, 
ou  si  sa  ration  devient  de  plus  en  plus  petite,  il  ne  tarde 
pas  à  dépérir  et  à  mourir  d'inanition. 

L'alimentation  peut  être  insuffisante  par  la  qualité, 
la  nature  des  aliments.  Les  expériences  de  Magendie, 
Tiedemann  et  Gmelin,  Burdach,  ont  démontré  l'insuffi- 
sance des  aliments  non  azotés  pris  isolément ,  tels  que 
le  sucre,  la  gomme  arabique,  l'amidon  cuit,  le  beurre,  l'a- 
xonge.  Les  principes  immédiats  azotés,  pris  isolément  ou 
mélangés  artificiellement,  ne  peuvent  non  plus  entretenir 
la  nutrition.  Une  foule  d'exemples  et  l'histoire  des  fa- 
mines ont  prouvé  que  l'alimentation  herbacée  est  insuf- 
fisante pour  l'homme  ;  cette  insuffisance  ne  vient  pas  de 
la  composition  de  l'aliment,  mais  de  la  constitution  de 
nos  organes  digestifs,  qui  ne  peuvent  pas  utiliser  con- 
venablement ces  substances. 

Le  pain  uni  à  l'eau  peut  n'être  pas  insuffisant  pour 
l'homme  placé  dans  des  conditions  très -favorables; 
mais,  le  plus  souvent,  il  doit  être  considéré  comme  trop 
peu  nutritif.  Cet  infortuné  Starck,  qui  mourut  victime 
d'expériences  faites  sur  lui-même,  se  mit  pendant  qua- 
rante-cinq jours  au  pain  et  à  l'eau  ;  il  s'affaiblit  beau- 
coup et  perdit  4  kilogrammes.  En  général ,  une  seule 
et  même  substance  ne  peut  suffire  à  l'entretien  de  la  vie 
de  l'homme. 

L'eau  entrant  en  grande  proportion  dans  les  tissus,  il 
semble  qu'il  soit  très-important  d'en  réparer  les  pertes. 
Nous  savons  déjà  que  les  animaux  privés  d'aliments  en 
boivent  peu.  Cependant,  l'usage  modéré  de  ce  liquide 
est  très  -  avantageux ,  car,  dans  l'inanitiation ,  il  pro- 

TOMR  XXX11.  —  OCTOBRE  1870.  19 


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290  PHYSIOLOGIE  EXPÉRIMENTALE. 

longe  la  vie  de  plus  du  double  de  temps.  Les  pertes  en 
liquides  qui  s'opèrent  incessamment  par  les  diverses 
voies  d'excrétion  (urine,  évaporation  cutanée  et  pulmo- 
naire) expliquent  ce  résultat.  Cependant .  Chossat  a  vu 
que  Tinjection  d'eau,  hors  des  proportions  de  la  soif, 
tendait  ù  abréger  l'existence. 

L'absence  du  chlorure  de  sodium  peut  rendre  l'ali- 
mentation insuffisante;  il  doit  fournir  les  sels  de  soude 
nécessaires  à  l'entretien  de  la  vie  animale,  et,  de  plus, 
l'acide  chlorhydrique,  agent  principal  de  la  dissolu- 
tion des  substances  albumineuses,  fibrineuses,  gélati- 
neuses. Les  phosphates  alcalins  et  le  fer  sont  également 
indispensables. 

L'alimentation  peut  devenir  insuffisante  parce  qu'elle 
est  mal  réglée,  mal  utilisée.  Il  y  a  longtemps  qu'on  a 
dit  :  ce  n'est  pas  ce  qu'on  mange  qui  nourrit,  mais  ce 
qu'on  digère,  et  nous  ajouterons,  avec  M.  Bouchardat, 
ce  qu'on  utilise.  Voyez  ce  jeune  enfant  qu'on  gorge  de 
bouillie  indigeste  ou  de  viande,  alors  qu'il  n'a  pas  de 
dents;  voyez  ce  vieillard,  qui  ne  peut  pratiquer  qu'une 
mastication  incomplète,  et  auquel  on  donne  des  ali- 
ments durs  et  grossiers;  voyez  ce  glycosurique  qui  con- 
somme tant  chaque  jour.  Tous  ces  individus  n'ont 
qu'une  alimentation  insuffisante,  parce  qu'ils  ne  s'assi- 
milent pas  la  moitié  peut-être  de  ce  que  leur  estomac 
absorbe.  La  ration  normale  doit  être  réglée  d'après 
l'âge,  le  sexe,  la  constitution,  l'état  de  santé  ou  de  ma- 
ladie, les  travaux,  le  climat,  etc.  Ainsi,  dans  les  climats 
froids,  on  doit  faire  un  usage  plus  grand  de  la  viande 
et  des  alcooliques  que  dans  les  pays  chauds.  L'habitant 
des  campagnes,  quoiqu'il  se  livre  à  des  travaux  fati- 
gants, peut  se  contenter  d'une  nourriture  moins  azotée 
que  l'ouvrier  des  villes,  car  l'exercice  en  plein  air  lui 
fait  utiliser  infiniment  mieux  les  féculents. 


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ÉTUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION.  291 

Ces  préliminaires  posés,  voyons  les  effets  de  l'alimen- 
tation insuffisante  sur  l'économie  animale. 

L'homme  est  soumis  à  la  même  loi  générale  que  dans 
l'abstinence  complète  :  il  meurt  quand  le  poids  du  corps 
a  atteint  la  limite  de  déperdition  compatible  avec 
la  vie. 

Plusieurs  auteurs  avaient  déjà  fait  cet  intéressant 
rapprochement  entre  les  effets  de  l'alimentation  insuf- 
fisante et  ceux  de  l'abstinence  complète.  Chossat  l'a 
établi  expérimentalement,  et  nous-môme,  sur  plusieurs 
animaux,  nous  l'avons  vérifié.  Cependant,  nous  devons 
faire  observer  que  la  perte  intégrale  proportionnelle 
s'est  souvent  élevée  à  0,45  et  même  à  0,50,  surtout 
quand  le  déficit  d'aliments  n'était  pas  considérable,  et 
que  l'inanition  arrivait  lentement. 

Il  se  manifeste,  du  vivant  des  individus,  une  série  de 
phénomènes  qui  peuvent,  quant  à  leur  marche,  faire 
comparer  ces  deux  degrés  d'une  même  modification  aux 
différences  qui  séparent  les  affections  aiguës  des  affec- 
tions chroniques.  Dans  le  cas  de  privation  complète 
d'aliments,  les  progrès  du  mal  sont  rapides  et  offrent 
au  summum  certains  symptômes  qui  se  reproduisent 
plus  lentement,  plus  sourdement  dans  les  cas  d'alimen- 
tation insuffisante. 

A  mesure  que  l'insuffisance  d'aliments  se  prolonge, 
la  sécrétion  du  suc  gastrique  devient  de  plus  en  plus 
rare ,  de  sorte  que  les  aliments  sont  de  plus  en  plus 
difficilement  digérés  ;  l'estomac  oublie,  ou,  pour  mieux 
dire,  ne  trouve  plus  sa  puissance  d'élaboration.  L'ali- 
ment finit  par  être  comme  un  corps  étranger  qui  l'ir- 
rite, et  il  en  résulte  souvent  des  vomissements  de  ma- 
tières non  digérées  et  une  abondante  diarrhée. 

Les  sécrétions  diminuent  ;  les  urines  et  les  fèces  sont 
en  moindre  quantité,  cependant  en  abondance  relative- 


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292  PHYSIOLOGIE  EXPERIMENTALE. 

ment  plus  grande  que  celle  que  la  ration  alimentaire 
consommée  devrait  produire.  La  chaleur  animale  offre 
les  oscillations  que  nous  avons  remarquées  pour  l'absti- 
nence complète;  elle  baisse  chaque  nuit  plus  qu'à  l'état 
normal,  pour  remonter  pendant  le  jour.  Les  mouve- 
ments respiratoires  deviennent  plus  lents  à  mesure  que 
la  faiblesse  augmente.  La  circulation  suit  les  mêmes 
phases  que  la  respiration.  Le  pouls  baisse,  le  choc  du 
cœur  contre  les  parois  thoraciques  est  moins  fort.  Les 
fonctions  musculaires  et  cérébrales  s'affaiblissent  pro- 
gressivement, et  l'animal,  arrivé  au  marasme,  eng-ourdi 
par  le  refroidissement  inanitial,  meurt  quand  son  corps 
est  réduit  à  la  limite  de  déperdition. 

CHAPITRE  III. 

DES  EFFETS  DE  L'iNANITION  SUR  LES  ORGANES. 

Nous  arrivons  à  une  partie  importante  de  notre  tra- 
vail. Après  avoir  étudié  les  symptômes  qui  font  recon- 
naître l'inanition,  il  est  naturel  d'examiner  les  traces 
qu  elle  laisse  sur  le  cadavre. 

On  n'imaginerait  pas,  dit  Redi,  combien  les  parties 
intérieures  sont  belles  chez  les  animaux  qui  sont  morts 
de  faim.  Cette  observation  est  bien  vraie  ;  nous  n'avons 
pas  rencontré,  comme  effet  de  l'inanition,  de  lésions  dans 
les  organes,  ni  dans  l'estomac,  ni  dans  les  intestins,  de 
sorte  qu'il  n'est  pas  possible  d'admettre  Yhumorum  acri- 
monia  spontanea  de  Haller. 

Habitude  extérieure.  —  Chez  quelques  animaux  que 
nous  avons  ouverts  quarante-huit  heures  après  leur 
mort,  l'odeur  des  cadavres  était  excessivement  forte; 
les  muscles  déjà  ramollis  indiquaient  une  décomposition 
rapide  :  il  faut  noter  (pic  ces  autopsies  se  faisaient  en 
été. 


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ÉTUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION.  293 

L'émaciation  est  portée  au  plus  haut  degré  ;  les  reliefs 
musculaires  ont  disparu,  toutes  les  saillies  osseuses  se 
dessinent  parfaitement;  le  corps  ressemble  à  un  sque- 
lette, et  la  peau  de  l'abdomen  est,  pour  ainsi  dire,  collée  à 
la  colonne  vertébrale.  On  trouve  disséminées  sur  l'enve- 
loppe cutanée  des  taches  bleuâtres,  semblables  à  des 
ecchymoses;  les  extrémités  du  corps  offrent  une  teinte 
cyanosée ,  la  foce  toute  ridée  présente  un  aspect  très- 
prononcé  de  vieillesse.  La  peau  est  sèche ,  âcre  au  tou- 
cher, recouverte  d'une  espèce  d'enduit  pulvérulent  noi- 
râtre, qu'on  ne  peut  enlever  par  les  lotions  ou  frictions. 

Tissu  adipeux.  —  Le  tissu  cellulaire  est  réduit  aux 
plus  minces  proportions  ;  il  est  desséché,  condensé  ;  la 
graisse  a ,  en  général ,  à  peu  près  disparu  de  ses  aréo- 
les, car  on  n'en  trouve  plus  ni  dans  les  interstices  des 
muscles,  ni  dans  lesépiploons.  Chez  les  sujets  qui  étaient 
très-gras,  ou  chez  les  animaux  très-jeunes,  il  en  reste 
encore  en  quantité  appréciable  sous  la  peau.  La  perte  de 
la  graisse  a  été,  dans  les  expériences  de  Chossat,  des  neuf 
dixièmes  en  moyenne. 

Système  musculaire.  —  Tous  les  muscles  sont  décolo- 
rés, amincis  et  comme  atrophiés  ;  les  aponévroses  sont 
très-brillantes  et  comme  argentées.  La  perte  subie  par 
les  muscles  est  considérable  ;  elle  est  un  peu  supérieure 
à  la  perte  intégrale  proportionnelle  de  la  totalité  du 
corps  ;  nous  l'avons  trouvée  en  moyenne  de  0,45.  après 
dessiccation  à  l'étuve.  Un  fait  signalé  par  Col I art  de 
Martigny  et  Chossat,  c'est  que  la  déperdition  s'exerce 
plus  énergiquement  sur  les  muscles  qui  restent  dans  un 
repos  forcé  que  sur  ceux  dont  les  mouvements  entre- 
tiennent l'action  nutritive  ;  en  effet,  les  muscles  du 
tronc  sont  presque  membraneux,  l'atrophie  est  moins 
prononcée  dans  les  muscles  du  cou  et  des  membres. 

Appareil  vasculaire.  —  Cœur.  —  On  a  trouvé  rarement 


294  PHY8I0LOOIE  EXPÉRIMENTALE. 

un  épanchement  séreux  dans  le  péricarde.  Le  cœur  est 
toujours  diminué  de  volume,  les  parois  sont  amincies 
et  ne  contiennent  pas  de  graisse.  La  perte  intégrale  pro- 
portionnelle est  semblable  à  celle  des  autres  muscles.  Ce 
résultat  est  constant  et  d'une  haute  importance  pour  les 
conséquences  pratiques  qui  en  découlent  :  le  poids  du 
cœur  diminuant  graduellement  comme  celui  des  autres 
muscles,  l'état  des  muscles  pourra  donc  servir  de  crité- 
rium pour  juger  de  l'état  du  cœur.  Ainsi  atrophié,  ses 
proportions,  chez  l'adulte,  sont  celles  d'un  enfant  de 
8  à  10  ans.  De  sorte  qu'il  faudrait,  pour  que  la  vie  se 
continuât  chez  l'inanitié,  que  le  cœur  d'un  enfant  pût 
entretenir  la  circulation  dans  le  corps  de  l'adulte. 

Les  cavités  du  cœur  sont  remplies  d'un  sang  noir  for- 
mant un  caillot  mollasse;  quelquefois  on  trouve  des 
concrétions  fibrineuses  décolorées  assez  adhérentes  aux 
parois.  La  crosse  de  l'aorte,  les  veines  caves,  l'ar- 
tère pulmonaire  contiennent  une  petite  quantité  de 
sang. 

Le  système  de  la  veine-porte  en  est  quelquefois  gorgé. 
Nous  savons  que  le  sang  perd  les  0,06  de  son  poids 
normal. 

Système  lymphatique.  —  Les  ganglions  lymphatiques 
sont  très-dé veloppés,  quelquefois  injectés,  surtout  dans 
l'abdomen. 

Appareil  pulmonaire.  —  La  muqueuse  trachéale  est 
pâle  ;  la  plaie  faite  aux  anneaux  de  la  trachée  n'est  pas 
cicatrisée,  tandis  que  l'incision  faite  à  la  peau  l  est  tou- 
jours. Les  poumons  sont  peu  rosés,  crépitants,  n'offrant 
aucune  trace  d'engouement  à  leur  partie  postérieure  ou 
inférieure.  Chossat  n'a  pas  trouvé  plus  que  nous  de 
traces  d'altération  morbide.  Guislain  etFeschel  ont  quel- 
quefois constaté  la  gangrène  du  poumon  chez  les  fous 
inanitiés.  La  perte  intégrale  proportionnelle  a  été  de 


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ÉTUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION.  295 

0,22,  après  dessiccation  à  letuve  :  nouvelle  preuve  de 
l'heureuse  influence  de  l'exercice  d'un  organe. 

Appareil  digestif.  ~  La  voûte  palatine  est  cyanosée  ; 
les  dents  et  la  langue  sont  rarement  encroûtées  de  fuli- 
ginosités;  le  plus  souvent  la  langue  est  décolorée  et 
nette;  de  même  que  la  muqueuse  qui  tapisse  le  pha- 
rynx et  l'œsophage,  le  tube  œsophagien  est  rétréci. 
M.  Bouchaud  a  vu,  chez  Jes  enfants  nouveau-nés,  la 
mortification  du  rebord  gingival  inférieur  et  antérieur, 
avec  nécrose  de  l'os  sous-jacent. 

L'estomac  est  déplacé  par  suite  de  sa  diminution  de 
volume  ;  retiré  en  partie  des  lames  antérieures  du  grand 
épiploon,  il  est  un  peu  éloigné  des  vaisseaux  gastro- 
épiploïques,  droit  et  gauche,  qui  ceignent  sa  grande 
courbure.  Il  est  toujours  fortement  revenu  sur  lui- 
même,  au  point  même  qu'il  est  réduit  quelquefois  au 
volume  du  gros  intestin,  ainsi  que  l'ont  vu  Rolando  et 
•   Porto-Gallo  ;  nous  ne  l'avons  jamais  vu  aussi  rétracté. 

Ce  qui  frappe,  à  l'ouverture  de  ce  ventricule,  ce  sont 
les  nombreux  replis  qui  les  sillonnent.  Ces  replis  se  diri- 
gent transversalement  du  cardia  au  pylore  ;  très-nom- 
breux à  la  grande  courbure  ou  bord  inférieur,  on  les 
voit  diminuer  à  mesure  qu'on  se  rapproche  de  la  petite 
courbure,  où  l'on  n'en  trouve  plus.  Ces  replis  sont  dus 
au  raccourcissement  des  fibres  musculaires. 

On  trouve  toujours  dans  l'estomac  un  liquide  plus  ou 
moins  abondant,  plus  ou  moins  coloré,  variant  du  vert 
foncé  au  jaune  clair,  visqueux,  qui  n'est  autre  chose 
que  de  la  bile,  comme  l'analyse  nous  l'a  fait  voir. 

Chez  trois  chiens ,  nous  avons  trouvé  des  vers  lom- 
brics, ayant  3  ou  4  centimètres  de  largeur. 

La  membrane  muqueuse  ne  présente  dans  toute  son 
étendue  ni  rougeur,  ni  injection  ;  elle  est  blanche,  ex- 
sangue, légèrement  colorée  en  jaune  vers  le  pylore.  Elle 


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296  PHYSIOLOGIE  EXPÉRIMENTALE. 

a  sa  consistance  normale  vers  la  grande  courbure,  mais 
vers  le  cul-de-sac  des  oriûces  cardiaque  et  pylorique,  elle 
est  ramollie ,  épaissie ,  tout  en  conservant  sa  texture 
membraneuse.  Cet  état  n'est  pas  inflammatoire ,  car  il 
ne  s'accompagne  ni  de  routeur,  ni  d'injection.  Il  est  du 
à  l'imbibition  du  liquide  qui  baigne  l'estomac,  imbibi- 
tion  qui  altère  les  propriétés  du  tissu,  mais  n'en  opère 
point  la  dissolution.  Chossat  a  montré  que,  par  la  des- 
siccation à  l'étuve ,  la  membrane  muqueuse  laisse  éva- 
porer 33  0/0  d'eau,  et  qu'alors  on  la  trouve  d'un  poids 
moindre  qu'à  l'état  normal;  sa  perte  est  de  0,01.  Regar- 
dons donc  comme  bien  démontré,  par  une  foule  d'exem- 
ples sur  les  animaux  et  d'observations  recueillies  sur 
l'homme,  que  la  muqueuse  stomacale  ne  s'ulcère,  ne  se 
corrode,  ni  ne  s'enflamme  par  le  fait  d'inanition.  La 
perte  de  l'estomac  pris  dans  sa  totalité  est  de  0,33. 

Le  tube  intestinal  est  dans  toute  sa  longueur  d'un 
diamètre  moins  considérable  qu'à  l'état  normal  ;  il  est 
diminué  de  plus  d'un  quart  de  sa  circonférence.  Les 
tuniques  sont  amincies ,  transparentes.  On  trouve  de 
la  bile  plus  ou  moins  épaisse ,  plus  ou  moins  modifiée 
dans  les  intestins.  La  muqueuse  est  ridée,  blanchâtre, 
sans  arborisations,  ne  présentant  aucune  altération  pa- 
thologique. La  perte  du  canal  intestinal  est  de  0,42 
(Chossat).  Pour  des  tuniques  aussi  minces  que  celles  de 
l'intestin ,  une  perte  de  moitié  de  leur  poids  eût  été  de 
nature  à  entraîner  des  ruptures ,  mais  il  y  a  compensa- 
tion par  le  raccourcissement  dans  la  longueur  du  tube; 
il  est  diminué  d'un  quart  de  sa  longueur  première. 

Glandes  de  T appareil  digestif.  —  Ces  organes  paraissent 
réduits  à  leur  propre  parenchyme.  Le  foie  est  d'une  cou- 
leur rouge  tirant  sur  le  jaune  ;  il  contient  très-peu  de 
sang,  et  les  vaisseaux  qui  le  sillonnent  n'en  contiennent 
pas  davantage.  La  perte  de  poids  du  foie  est  de  plus  de 


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ÉTUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION.  297 

la  moitié  du  poids  initial;  elle  est  de  0,520.  La  vésicule 
est  distendue  par  une  grande  quantité  de  bile  jaunâtre, 
liquide. 

La  rate  ne  diminue  fortement  que  dans  les  derniers 
jours  de  la  vie;  elle  se  vide  de  sang*,  et  à  l'autopsie  on 
la  trouve  ratatinée,  d'une  teinte  pâle,  assez  consistante. 
Sa  perte  est  plus  considérable  que  celle  du  foie  :  elle  est 
de  0,70. 

Le  pancréas  est  remarquable  par  la  vacuité  de  ses 
vaisseaux  et  son  extrême  petitesse;  il  a  perdu  les  0,64 
de  son  poids  primitif. 

Ainsi ,  remarquons  que  les  organes  glanduleux,  an- 
nexes de  l'appareil  digestif,  ont  perdu  plus  que  la  moitié 
de  leur  poids.  Cette  atrophie  est  pathognomonique  de 
la  mort  par  la  faim. 

Appareil  gênito-urinaire.  —  Les  reins  sont  pâles,  exsan- 
gues ;  plus  de  tissu  adipeux  qui  les  environne;  leur  perte 
est  moindre  que  celle  des  org'anes  précédents;  elle  n'est 
que  de  0,37.  On  voit  qu'avec  les  poumons  ils  continuent 
leur  fonction.  La  vessie,  revenue  sur  elle-même,  ren- 
ferme un  peu  d'urine  d'une  couleur  jaune  pâle.  Les  vé- 
sicules séminales  ne  contiennent  jamais  de  sperme  ;  les 
testicules  sont  comme  atrophiés. 

Système  nerveux.  —  Le  cerveau  et  ses  enveloppes  pré- 
sentent quelquefois  les  signes  d'une  légère  congestion  ; 
les  veines  sont  pleines  de  sang1,  les  méninges  offrent  des 
réseaux  finement  injectés.  Point  d'épanchement  séreux 
ou  sanguin.  Dans  plusieurs  cas,  nous  n'avons  rien 
trouvé  d'anormal  dans  les  centres  nerveux.  Le  fait  di- 
gne de  remarque,  c'est  que  ces  org'anes ,  au  milieu  de 
la  ruine  de  tous  les  autres,  conservent  presque  intégra- 
lement la  totalité  de  leur  poids. 

Système  osseux.  —  Il  n'éprouve  qu'une  déperdition 
légère,  environ  0,16.  M.  Bouchaud  a  trouvé  chez  les 


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298  PÀTHOOÉNIE  ET  THERAPEUTIQUE. 

nouveau-nés  morts  d'inanition,  le  crâne  diminué  de 
volume  par  le  chevauchement  des  os.  L'occipital  est 
presque  toujours  au-dessous  des  pariétaux;  ceux-ci 
sont  généralement  l'un  au-dessous  de  l'autre,  et  les 
frontaux  au-dessous  des  pariétaux.  La  membrane 
fibreuse  s'est  rétractée,  et  le  périoste  externe,  la  dure- 
mère  se  conforment  à  cette  disposition  nouvelle  des  os. 

Yeux.  —  La  cornée  est  flasque,  opaque,  sans  ulcéra- 
tion chez  les  animaux.  Chez  l'homme,  l'ulcération  et 
la  perforation  ont  été  observées  plusieurs  fois.  Si  on 
pèse  les  yeux  immédiatement  après  la  mort ,  on  voit 
qu'ils  n'ont  pour  ainsi  dire  rien  perdu  de  leur  poids. 

TABLEAU  DE  LA  PERTE  DE  POIDS  DES  ORGANES 


D  APRKS  CHOS5AT. 


Parties  qui  perdent  plusque 

la  moyenne  de   0,400 

Graisse   0,933 

Sang   0.750 

Rate   0,714 

Pancréas   0,641 

Foie.....   0,520 

.Cœur...!   0,448 

Intestin   0,424 

Muscles  locomoteurs   0,423 


Parties  qui  perdent  moins 

que  la  moyenne  de   0,400 

Estomac   0,397 

Pharynx,  œsophage   0,342 

Peau  

Reins  

Poumons   0,222 

Système  osseux   0,167 

Yeux   0,100 

Système  nerveux   0,019 


0,333 
0,319 


TABLEAU  DU  POIDS  DES  ORGANES  INAN1TIÉS 
d'après  nos  bxpéribkces. 


-0 

n  O 

S  E 

*  B. 
O 

|  Coear. 

Foie. 

SB 

»> 

s 

1 
S 

T5 

3. 
«• 

m 

S? 

a 

«S 

3 

<* 

S' 

ff 

« 

Lapin.,  n. 

1 

1276 

8,05 

19 

0,13 

8,80 

.    •  • 

6,50 

0,38 

»  n. 

8 

2490 

14,10 

35.05 

0,24 

16, 

1,25 

18.30 

12.80 

0,46 

Cocbon  n. 

1 

480 

2,80 

6.70 

0,08 

3,50 

0,75 

•    •  • 

2.60 

0,35 

Cbat...  n. 

1 

86 

0,40 

3.40 

. .  • 

•     •  « 

•  •    •  • 

1.20 

9,16 

»  n. 

2 

216 

6,65 

2,20 

6,03 

1.40 

0.27 

»  n. 

3 

1075 

17. 

0,10 

7.05 

•    •  * 

•     •  • 

6.  . 

0,39 

»  n. 

7 

2530 

15. 

39.10 

0,22  17.60 

1.15 

20 

13. 

0,38 

Chien  .  n. 

3 

2205 

13,25 

33.75 

0,21  13.20 

1.65 

18.15 

11.90 

0,42 

»  n. 

5 

4900 

31 

75.  ! 

0,50  34. 
0,75 

3.20 

36.10 

25. 

0,39 

»  n. 

0 

6600 

45.30 

110 

5. 

•  . 

33.15 

0.45 

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ÉTUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION.  299 

Pour  servir  de  terme  de  comparaison ,  nous  avons 
fait  périr  par  strangulation  des  animaux  bien  portants 
et  autant  que  possible  de  même  poids  que  ceux  morts 
d'inanition.  Voici  les  résultats: 

TABLEAU  DU  POIDS  DES  ORGANES  A  L'ÉTAT  NORMAL. 


Lapin.  .  .  n.  1 

»  n.  2 

Chat.  .  .  .  n.  1 

»  n.  2 

Chien .  .  .  n.  1 

CHAPITRE  IV. 

Il  nous  reste  encore  deux  questions  intéressantes  à 
traiter  :  examiner  quelle  est  la  durée  de  la  vie  lorsqu'il 
y  a  abstinence  complète  ou  insuffisance  d'aliments; 
rechercher  la  cause  de  la  mort  par  inanition.  Nous 
étudierons  ensuite  le  réchauffement  artificiel  des  sujets 
inanitiés. 

1. 

De  la  durée  de  la  vie 

A.  Dans  ï  abstinence  complète.  —  La  durée  de  la  vie 
chez  les  animaux  qu'on  inanitie  est  loin  d'être  la  même  ; 
nous  en  avons  vu  mourir  le  troisième  jour,  et  d'autres 
ont  résisté  pendant  trente  jours,  sans  avoir  eu  ni  bois- 
son, ni  aliments  pendant  tout  ce  temps.  En  réunissant 
tous  nos  chiffres ,  nous  voyons  que  la  durée  moyenne 
de  la  vie  a  été  de  onze  jours. 

Depuis  Pline,  qui  a  dit  que  la  mort  par  la  faim  n'ar- 
rivait pas  fatalement  chez  l'homme  le  septième  jour, 
les  auteurs  ont  cité  un  grand  nombre  d'exemples  où 
la  vie  s'était  prolongée  bien  au  delà  de  ce  terme. 


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„2.  % 

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2 


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V 


1-220  14.80  41. 


0.30 


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0.90 


2540  25. 

60.50 

0,82 

19.20 

65. 

60  0,60 

2000  19.50 

52. 

0.65 

16.50 

8.80  H 

5200  55. 

425. 

2,25 

..... 

...  160 

8.90 
16. 

1.40 
..... 

... 


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300  PHYSIOLOGIE  EXPÉRIMENTALE. 

On  a  vu  des  enfants  nouveau-nés  mourir  après  trois 
jours  de  privation  d'aliments;  des  adultes  ont  survécu 
huit  jours,  dix  jours,  quinze  jours,  et  même  plus  de 
trente  jours. 

La  durée  de  la  vie  dépend  de  conditions  multiples  : 
elle  est  modifiée  par  l'âge,  par  l'état  de  la  nutrition  , 
par  le  repos  ou  l'exercice,  par  le  milieu  ambiant  (tem- 
pérature, atmosphère). 

C'est  l'âge  plus  qu'aucune  autre  condition  qui  influe 
sur  la  durée  de  la  vie.  Plus  les  animaux  sont  jeunes, 
plus  promptement  la  mort  arrive.  Dans  les  premiers 
jours  de  l'existence ,  la  privation  complète  d'aliments 
entraîne  la  mort  du  troisième  au  sixième  jour. 

Les  individus  chargés  d'embonpoint  endurent  plus 
longtemps  la  diète  complète,  car  alors  la  graisse  est  une 
réserve  qui  fournit  à  la  respiration.  Toutefois,  ce  serait 
une  erreur  de  croire  que  la  mort  ne  puisse  arriver 
avant  l'absorption  complète  de  la  graisse  :  chez  les  per- 
sonnes grasses,  le  sang  n'est  ni  abondant,  ni  riche, 
et  la  graisse  ne  fournit  pas  d'aliment  suffisant  à  la  nu- 
trition . 

Plus  la  perle  intégrale  a  été  forte,  plus  la  durée  de  la 
vie  a  dû  être  longue.  L'influence  de  la  perle  quotidienne 
proportionnelle  est  précisément  l'inverse  de  la  précé- 
dente, c'est-à-dire  que  plus  la  perte  quotidienne  s'est 
trouvée  grande,  moins  l'existence  s'est  prolongée,  et 
vice  versâ.  Ainsi,  tous  les  excitants  des  fonctions  vitales, 
les  mouvements,  un  air  vif  et  sec,  le  froid,  l'insomnie, 
l'état  de  santé  tendent  à  augmenter  la  perle  journalière, 
tandis  que  le  repos,  l'habitation  dans  un  lieu  bas  et 
humide,  le  sommeil,  l'état  maladif,  sont  des  conditions 
qui  font  plus  longtemps  supporter  l'abstinence. 

B.  Dotis  f alimentation  insuffisante.  —  L'eau  prise  en 
boisson  prolonge  de  beaucoup  la  durée  de  la  vie  chez 


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ÉTUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION.  301 

tous  les  êtres.  Granié  et  l'amaurotique,  qui  firent  usage 
d'eau  pendant  l'inanition,  résistèrent  l'un  pendant  65 
jours,  et  l'autre  pendant  47  jours.  La  femme  citée  par 
M.  Bouchaud  a  vécu  68  jours,  prenant  à  peine  quel- 
ques gorgées  de  boissons  alimentaires.  Par  nos  expé- 
riences sur  les  animaux ,  nous  pouvons  dire  qu'en  gé- 
néral la  vie  se  prolonge  du  double  chez  ceux  qui  pren- 
nent des  aliments  liquides.  Toutefois,  on  prévoit  que  la  vie 
se  prolongera  d'autant  plus  que  le  déficit  de  la  ration 
sera  moindre.  Enfin,  certains  états  morbides  (névroses), 
l'habitude  de  manger  peu  permettent  à  des  individus 
de  résister  longtemps  à  une  alimentation  insuffisante. 

Il  existe ,  dans  les  annales  de  la  science,  un  certain 
nombre  de  cas  d'abstinence  prolongée  dans  l'espèce  hu- 
maine. Haller  raconte  qu'une  jeune  fille  indigente,  et 
qui  ne  voulait  pas  avouer  sa  pauvreté,  se  priva  d'ali- 
ments pendant  78  jours,  se  bornant  à  sucer  du  jus  de 
citrons.  Il  cite  une  autre  femme  qui,  ne  prenant  que  de 
l'eau,  résista  quatre  mois  ;  une  nommée  Maria  Jeufels 
qui,  dans  les  mêmes  conditions,  vécut  un  an  ;  une  autre 
encore,  dont  l'existence  se  prolongea  pendant  trois  ans  ; 
enfin,  une  jeune  fille  qui  ne  mourut  qu'au  bout  de 
quatre  ans. 

Mackenzie  (Transactions  philosophiques)  rapporte  l'his- 
toire d'une  fille  qui,  depuis  dix-huit  ans,  avait  les  mâ- 
choires serrées  et  n'avait  rien  pris  depuis  quatre  ans. 
Une  Ecossaise  vécut  huit  ans  sans  rien  prendre,  sinon, 
en  quelques  occasions,  un  peu  d'eau. 

Fabrice  de  Hilden,  qui  paraît  avoir  pris  ses  précau- 
tions pour  ne  pas  être  dupe,  dit  qu'Eva  Flegen  n'avait 
bu,  ni  mangé,  pendant  seize  ans. 

En  admettantqu'ily  ait  eu,  dans  certaines  observations, 
de  la  supercherie,  on  ne  peut  se  refuser  à  croire  qu'il  y 
en  ait  d'authentiques.  «  En  1836,  écrit  P.  Bérard  dans 


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302  PHY3IOLOGIE  EXPÉRIMENTALE. 

son  Cours  de  physiologie,  M.  le  Dr  Lavig-ne  m'invitait  à 
aller  voir  à  Lagny  une  femme  de  52  ans  qui ,  après 
s'être  réduite,  pendant  i9  mois,  à  un  verre  de  lait  psr 
jour,  n'avait  pris,  depuis  5  mois,  ni  aliments,  ni  bois- 
sons. En  1839,  M.  Parisot  m'a  communiqué  l'observa- 
tion d'une  fille  de  Marcilly  (Haute-Marne)  qui ,  depuis 
6  ans,  n'avait  pris  aucune  nourriture  solide,  et  aucune 
boisson  depuis  5  ans.  En  1836,  M.  Plong-eau  m'a  écrit 
avoir  vu,  à  Ayvens  (Cantal),  une  femme  de  48  ans  qui, 
depuis  8  ans,  n'avait  pris  aucune  nourriture.  » 

J'ai  vu,  pour  ma  part,  trois  faits  semblables.  Chez 
une  fille  de  20  ans,  l'abstinence  a  été  de  15  mois,  chez 
une  autre  de  4  ans  ;  à  peine  si  elles  prenaient  100  gram- 
mes de  boisson  par  jour.  Encore  aujourd'hui,  à  Lin- 
celles  (Nord),  vit  une  fille  qui,  depuis  20  ans,  est  cou- 
chée emmaillotlée  dans  son  lit,  sans  mouvements,  nul- 
lement décharnée  ;  elle  prend  à  peine  60  grammes  par 
jour  d'eau,  de  lait  ou  de  jaune  d'œuf.  Elle  n'urine  que 
tous  les  huit  jours,  n'a  de  selle  que  tous  les  mois.  Ces 
trois  filles  étaient  hystériques. 

La  persistance  de  la  vie  ne  peut  s'expliquer,  dans  ces 
cas  extraordinaires,  que  par  l'extrême  lenteur  des  mé- 
tamorphoses vitales.  Les  observations  montrent  que  ces 
sujets  sont  des  femmes  hystériques  qui  restent  con- 
tinuellement couchées ,  sans  mouvements ,  sans  faire 
usagée  de  leurs  sens,  ne  fournissant  que  peu  d'excré- 
tions. 

DT  Bourgeois. 

—  La  suite  au  prochain  numéro.  — 


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HYGIKNE 


303 


HYGIÈNE 

IL  FAUT  ISOLER  LES  BLESSÉS. 

L'isolement  des  blessés  est  une  condition  d'une 
importance  capitale  pour  la  guérison.  Ce  fait  a  été 
démontré  depuis  bien  des  années  par  les  statistiques 
les  plus  incontestables,  et  il  serait  superflu  de  revenir 
aujourd'hui  sur  une  démonstration  qui  ne  trouve  plus 
de  contradicteur.  Tous  les  chirurgiens  enseignent  que 
les  grandes  opérations  réussissent  bien  plus  souvent  en 
ville  qu'à  l'hôpital,  et  tous,  quand  ils  le  peuvent, 
recherchent  cette  condition  de  l'isolement  quand  ils  ont 
à  pratiquer  une  opération  périlleuse,  comme  l'ova- 
riotomie,  par  exemple. 

Pourquoi  alors  réunir  des  masses  de  blessés  par  arme 
de  guerre  dans  le  même,  établissement  et  créer  l'encom- 
brement, quand  il  faudrait  isoler  les  malades?  Parce  que 
nos  chirurgiens  ne  peuvent  renoncer  au  préjugé  tra- 
ditionnel des  grandes  salles  d'hôpital,  des  grands 
services;  champ  aussi  fertile  en  décès  qu'en  beaux  tra- 
vaux chirurgicaux  et  en  grandes  statistiques. 

Qu'est-il  résulté  de  cette  pratique,  condamnée  par 
tous  les  maîtres  de  notre  époque? 

C'est  que,  dans  certaines  ambulances,  la  pourriture 
d'hôpital  s'est  développée  concurremment  à  la  diathèse 
purulente,  et  que  presque  tous  les  hommes  atteints  de 
blessures  graves  ou  soumis  à  de  grandes  opérations  ont 
succombé,  et  ont  succombé  malgré  le  talent  incontes- 
table des  chirurgiens  qui  les  ont  opérés,  et  les  soins 
assidus  et  intelligents  dont  ils  étaient  entourés 

On  a  objecté,  à  la  nécessité  d'isoler  les  blessés,  l'im- 


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304  HYGIÈNE. 

possibilité  ou  au  moins  la  difficulté  extrême  pour  les 
chirurgiens  de  pratiquer  de  grandes  opérations  sur  des 
malades  ainsi  disséminés  chez  les  habitants  et  dans 
les  petites  ambulances. 

A  cela ,  je  répondrai  d'abord  qu'il  vaudrait  cent  fois 
mieux  pour  un  blessé  être  privé  des  soins  d'un  grand 
chirurgien  que  de  prendre  la  diathèse  purulente  ou  la 
pourriture  d'hôpital  :  dans  le  premier  cas,  le  malade 
peut  encore  gaiérir  avec  des  soins  médicaux  et  les 
efforts  de  la  nature,  tandis  que,  dans  le  second,  la  mort 
est  presque  fatale. 

Mais  nous  ne  sommes  pas  réduits  à  cette  alternative; 
les  grandes  ambulances  peuvent  être  divisées  en  petites 
ambulances  de  deux  lits  au  plus,  larg-ement  espacées  et 
aérées.  La  moitié  seulement  de  ces  subdivisions  sera  oc- 
cupée, afin  que,  lorsqu'une  affection  contagieuse  s'est 
développée  dans  un  de  ces  compartiments,  on  puisse 
l'aérer  et  le  désinfecter  avant  d'y  mettre  d'autres 
blessés.  Cette  méthode,  appliquée  à  la  Maternité  de 
Houen,a  pour  ainsi  dire  fait  disparaître  la  fièvre  puer- 
pérale de  cet  hôpital,  or  la  fièvre  puerpérale  et  les  acci- 
dents des  opérés  et  des  blessés  sont  absolument  de 
même  nature. 

On  pourrait  ensuite  réserver  pour  les  ambulances 
desservies  par  les  chirurgiens  les  blessés  qui  doivent 
subir  de  grandes  opérations,  les  autres  seraient  distri- 
bués dans  les  petites  ambulances  et  chez  les  particu- 
liers. Cette  mesure  aurait  un  double  avantagée  :  mettre 
les  blessés  qui  n'ont  pas  d'opération  à  subir  dans  d'ex- 
cellentes conditions  de  guérison,  empêcher  l'encombre- 
ment des  ambulances  à  opération.  Les  opérés  en  voie  de 
guérison  pourraient  aussi  être  évacués  dans  les  ambu- 
lances particulières.  Ce  serait  une  excellente  mesure  qui 
amènerait  la  réussite  d'un  plus  grand  nombre  d'opéra- 


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ACADÉMIE  DE  MEDECINE.  305 

tions.  Nous  savons,  du  reste,  que  certains  chirurgiens 
ont  déjà  eu  recours  à  cette  pratique. 

Pourquoi  enfin  ne  pas  expérimenter  à  Paris  la  tente- 
hùpital,  qui,  d'après  des  statistiques  récentes,  a  donné 
de  si  beaux  résultats  pendant  la  guerre  de  la  Sécession? 
Ces  tentes  peuvent  être  chauffées,  et  par  conséquent 
servir  dans  la  mauvaise  saison.  L' aération  continue 
que  subissent  les  malades  dans  ces  tentes  remplace, 
paraît-il ,  l'isolement  que  nous  réclamons  pour  les 
blessés  et  les  opérés. 

Que  ceux  qui  dirigent  le  service  chirurgical  de  la 
guerre  se  rappellent  que  les  grandes  salles,  les  beaux 
services,  constituent  un  terrain  aussi  fécond  en  décès 
qu'en  grandes  opérations,  et  ils  se  hâteront  d'adopter  des 
mesures  qui  auront  pour  résultat  d'amoindrir  un  peu 
les  horreurs  de  la  guerre. 

Dr  P.  Jousset. 


ACADÉMIE  DE  MÉDECLXE 


LA  VARIOLE,  LES  REVACCINATIONS  MILITAIRES, 

LE  VACCIN  DILUÉ. 

Depuis  six  semaines,  l'épidémie  de  variole  a  beaucoup 
augmenté.  Cette  augmentation  pèse  entièrement  sur 
les  populations  réfugiées  à  Paris  et  sur  les  mobiles  de 
province  ;  ses  victimes  sont  exclusivement  des  personnes 
non  vaccinées  ou  non  revaccinées,  aussi  les  cas  sont- 
ils  très-graves  et  la  mortalité  considérable.  Le  bulletin 
de  la  semaine  dernière  nous  donnait  le  chiffre  de  461 
morts  ;  tandis  qu'il  y  a  quelques  mois,  alors  cependant 
que  la  population  était  très-eflVayée  de  la  petite  vérole, 

TOUB  XXXII. —OCTOBRE  1870.  -J) 


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30G  ACADÉMIE  DE  MÉDECINE. 

le  chiffre  do  la  mortalité  oscillait  autour  de  200  par 
semaine. 

L'Académie  de  médecine  a  compris  qu'en  face  de  cet 
ennemi  elle  avait  une  arme  efficace,  la  vaccine,  et  elle  a 
déployé  une  louable  activité  dans  l'œuvre  des  vaccina- 
tions cl  des  revaccinations.  Elle  s'est  adressée  directe- 
ment au  «rénéral  Troehu  pour  lever  les  obstacles  que 
suscitait  la  routine  de  l'administration  militaire,  et  le 
gouverneur  d  >  Paris  a  pris  les  mesures  nécessaires  pour 
que  tous  les  mobiles  fussent  revaccinés.  Il  ne  faut  pas, 
en  effet,  quand  on  a  l'occasion  dose  faire  tuer  glorieu- 
sement pour  la  patrie,  mourir  bêlement  de  la  petite  vé- 
role comme  une  vieille  femme. 

M.  DepauL  ayant  annoncé  (pie  la  vaccine  était  rare, 
M.  Davaine  a  proposé  de  diluer  le  vaccin.  On  se  rap- 
pelle que  ce!  observateur  a  démontré  que  le  sany  de  rate 
à  la  3'  dilution  était  encore  contagieux.  C'est  le  même 
ordre  d'idée  qui  l'a  conduit  à  diluer  le  vaccin. 

P.  Joi  sset. 

Dans  la  séance  ilti  21)  septembre  dernier,  notre  savant  collègue 
AI.  De-paul  a  annoncé  qu'il  est  difficile  de  se  procurer  actuellement 
du  vaccin  à  Paris.  U  existe,  à  ce  que  je  crois,  un  moyen  facile  de 
multiplier  une  quantité  donnée-  de  ce  virus  moyen  auquel  il  pa- 
raîtrait qu'on  n'a  pas  eu  recours  :  c'est  d'étendre  le  fluide  vaccinal 
d'une  certaine  quantité  d'eau.  Si  je  ne  me  trompe,  on  a  reconnu 
expérimentalement  que  le  vaccin  ne  perd  point  ses  propriétés  viru- 
lentes, m«me  lorsqu'il  est  étendu  de  150  parties  d'eau. 

Au  mois  d'avril  denier,  j'ai  été  amené  à  faire  usage  de  vaccin 
étendu  d'une  assez  içraud  '  proportion  d'eau;  voici  dans  quelles  cir- 
constances :  J'avais  réuni,  pour  les  revacciner,  un  certain  nombre 
de  personnes,  le  vaccin  devait  in'etrc  fourni  par  un  enfant  pris  dans 
un  bureau  île  nourrices;  mais  cet  enfant,  lorsqu'il  me  fut  amené, 
ayant  déjï  servi  à  des  vaccinations  successives  chez  plusieurs  méde- 
cins, ne  m'ollVit  plus  que  des  pustules  très-petites  et  totalement 
ëpui-é«y.  Fort  veiné  <le  devoir  r-nveyer  san-  les  revacciner  les  per- 


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ACADÉMIE  DE  MEDECINE 


:ï07 


sonnes  très-impatientes  de  l'être,  il  me  vint  dans  l'esprit  d'essayer 
de  gonller  par  endosmose,  avec  «le  l'eau,  les  lambeaux  affaissés  «les 
pustules,  et  d'en  extraire  ensuite  le  liquide  qui  serait  chargé  d'une 
certaine  quantité  de  vaccin.  Parce  procédé,  je  vaccinai  tout  mon 
monde  avec  l'intention  de  les  revacciner  une  autre  fois  «lans  «les 
meilleures  conditions;  mais  quelques  jours  après,  je  constatai  avec 
plaisir  qu'un  assez  grand  nombre  des  revaccinés  l'avaient  été  avec 
succès.  Je  regrette  de  n'avoir  pas  noté  quelle  en  a  été  la  propor- 
tion, mais  alors  je  n'avais  nullement  songé  à  livrer  ce  fait  à  la 
publicité. 

Parmi  les  individus  ainsi  vaccinés  se  trouvaient  deux  hommes, 
un  cuisinier  et  un  cocher,  «mi  ne  l'avaient  jamais  été.  Sur  six  pi- 
qûres qui  ont  été  faites  à  chacun,  l'un  eut  six  pustules,  l'autre 
cinq. 

Quelques  semaines  après,  le  18  mai  dernier,  me  retrouvant  dans 
des  conditions  semblables,  j'avais  en  outre  besoin  de  recueillir  «lu 
vaccin  dans  des  tubes  pour  m'en  servir  le  jour  même  ou  le  lende- 
main. Je  le  lis  par  le  même  procédé,  c'est-ù-tlire  en  plaçant  sur  la 
pustule  épuisée  une  coutte  d'eau  que  je  repris  dans  un  tube  après 
un  certain  temps,  et  après  fouillé  les  restes  de  la  pustule  avec 
la  lancette.  Quelle  a  été  la  portion  du  fluide  vaccinal  avec  celle  de 
l'eau?  C'est  ce  que  je  ne  puis  dire,  mais  elle  était  certainement  très- 
petite.  Ce  liquide  fut  inoculé  à  plusieurs  personnes  le  jour  même  et 
le  lendemain,  et  produisit  chez  un  certain  nombre  des  pustules  de 
bonne  vaccine. 

Je  ne  supposais  pas  que  ce  vaccin,  étendu  d'une  certaine  quantité 
d'eau,  put  conserver  longtemps  ses  propriétés.  Un  jeune  médecin 
distingué,  qui  habite  Offemont,  prés  de  Compiègne,  et  qui  porte 
les  mêmes  nom  et  prénom  que  l'un  de  nos  illustres  confrères,  le 
Dr  Marcellin  Bcrthelot,  m'ayant  assisté  dans  ces  vaccinations,  eut 
la  pensée  de  rechercher  pendant  combien  de  temps  le  vaccin  étendu 
d'eau  conservait  ses  propriétés.  Il  emporta  donc  à  la  campagne 
plusieurs  «les  tubes  remplis  d'un  mélange  «le  vaccin  et  «l'eau  re- 
cueillis le  18  mai,  puis  il  s'en  servit  pour  les  expériences  suivantes  : 

1"  expérience.  —  Ua  enfant  âgé  de  huit  mois,  qui  avait  été 
vacciné  deux  fois  déjà  sans  succès,  est  vacciné  de  nouveau  le  27  juin 
dernier  : 

1°  Au  bras  gauche,  avec  du  vaccin  frais  d'enfant  et  «le  bras  à 
bras  ; 


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308  ACADÉMIE  DE  MEDECINE. 

2»  Au  bras  droit,  avec  le  vaccin  mêlé  d'eau  et  conservé  depuis 
quarante  jours. 
Résultat.  —  Deux  pustules  de  chaque  côté. 

2e  expérience.  —  Un  enfant  âgé  de  cinq  ans,  non  vacciné,  est 
vacciné  le  2  juillet  : 

\*  Au  bras  gauche,  avec  du  vaccin  irais  d'enfant  et  de  bras  à 
bras; 

Au  bras  droit,  avec  le  vaccin  mêlé  d'eau  ot  conservé  depuis 
quarante-cinq  jours. 

Résultat.  —  Trois  pustules  à  gauche,  deux  à  droite. 

3e  expérience.  —  Un  enfant  non  vacciné  est  vacciné  le  12  juillet: 
1°  Au  bras  gauche,  avec  du  vaccin  frais  et  de  bras  à  bras  ; 
2°  Au  bras  droit,  avec  le  vaccin  mêlé  d'eau  et  conservé  depuis 
cinquante-cinq  jours. 
Résultat.  —  Trois  pistules  à  gauche,  deux  à  droite. 

4°  expérience.  —  La  même  expérience,  le  même  jour  et  avec  les 
mêmes  vaccins,  est  faite  sur  une  dame  âgée  de  trente-quatre  ans. 
Résultat.  —  Une  pustule  à  gauche,  deux  à  droite. 

On  voit  dans  ces  faits  que  le  virus-vaccin,  étendu  d'une  certaine 
quantité  d'eau,  n'avait  pas  perdu  ses  propriétés  après  cinquante- 
cinq  jours  de  conservation,  et  cela  pendant  la  saison  la  plus  chaude 
de  l'année.  Il  me  semble  donc  que  l'addition  d'une  certaine  quantité 
d'eau  au  liquide  vaccinal,  non-seulement  serait  sans  inconvénient 
dans  la  pratique  médicale,  mais  au  contraire  qu'elle  aurait  l'avan- 
tage, en  cas  de  besoin,  d'augmenter  de  beaucoup  la  quantité  dispo- 
nible de  ce  virus.  Il  est  encore  un  avantage  qu'elle,  peut  avoir ,  c'est 
de  rendre  trés-facile  l'introduction  du  vaccin  dans  des  tubes. 

J'eusse  voulu,  avant  de  publier  ces  faits,  multiplier  les  expériences, 
déterminer  quelle  est  la  quantité  relative  d'eau  qu'on  peut  mêler  au 
vaccin  sans  nuire  aux  vaccinations,  et  voir  quelle  est  la  durée  des 
piopriétés  vaccinales  en  rapport  avec  la  proportion  d'eau  ajoutée  ; 
mais  j'ai  pensé  que,  dans  les  conditions  où  nous  nous  trouvons,  la 
connaissance  de  ces  faits  pourrait  avoir  quelque  utilité;  elle  pourra 
d'ailleurs  provoquer  de  nouvelles  expériences  de  la  part  des  mé- 
decins mieux  placés  que  moi  pour  les  faire. 

[Bulletin  de  l'Académie  de  médecine.) 


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SOCIÉTÉ  DE  CHIRURGIE. 


300 


SOCIÉTÉ  DE  CHIRURGIE 

CIILORAL. 

MM.  Liégeois  et  Giraldès  ont  fait  connaître  un  phé- 
nomène assez  curieux  qui  se  produit  dans  les  rapports 
du  chloral  et  du  chloroforme  et  qui,  contrairement  à 
l'opinion  de  M.  0.  Liebreich,  semble prouver  que  l'ac- 
tion du  premier  de  ces  agents  ne  résulte  pas  de  sa 
transformation  en  chloroforme. 

Ayant  à  opérer  des  chancres  phagédéniques,  M.  Lié- 
geois administra  le  chloral,  mais,  comme  d'habitude,  il 
y  eut  sommeil  sans  anesthésie.  Pour  obtenir  celle-ci, 
M.  Liégeois  eut  alors  recours  au  chloroforme.  Or,  l'ac- 
tion de  ce  dernier  agent  resta  absolument  nulle  ou  se 
borna  a  une  excitation  qui  dura  assez  longtemps  sans 
être  suivie  d'insensibilité. 

De  son  côté,  M.  Giraldès  a  vu  se  produire  un  fait  non 
moins  singulier  et  d'un  ordre  différent.  Faisant  l'in- 
verse de  ce  qu'avait  fait  M.  Liégeois,  M.  Giraldès  a  voulu 
calmer,  avec  le  chloral,  des  enfants  que  le  chloroforme 
avait  excités  outre  mesure  sans  parvenir  à  les  endormir. 
Ce  chirurgien  leur  a  donné  une  potion  à  l'hydrate  de 
chloral  et  il  a  obtenu  ainsi  un  sommeil  paisible  qui  n'a 
pas  duré  moins  de  cinq  à  onze  heures  de  suite.  Aussi, 
depuis  cette  époque,  M.  Giraldès  ne  manque-t-il  jamais 
de  recourir  au  chloral,  soit  en  polion,  soit  en  lavement, 
lorsque  le  chloroforme  a  donné  lieu  à  desjihénomènes 
d'agitation  plus  ou  moins  persistante. 

A  propos  de  ces  remarques,  M.  Demarquny  a  dit  qu'il 
continuait  à  donner  à  ses  malades,  immédiatement 


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310  SOCIÉTÉ  DE  CHIRURGIE. 

après  l'opération,  cette  substance  aux  doses  successives 
de  2,  3,  4  et  o  grammes,  jusqu'à  production  de  sommeil. 
Il  a  pu  s'assurer  que  tous  les  sujets  ne  répondent  pas  de 
la  môme  manière  à  l'action  du  chloral.  Il  y  en  a  aux- 
quels le  chloral,  donné  immédiatement  après  l'opération, 
procure  un  sommeil  paisible  et  un  calme  profond  qui 
dure  toute  la  journée  elles  empêche  de  ressentir  la  dou- 
leur du  traumatisme.  D'autres  sont  réfractaires  à  l'ac- 
tion de  cette  substance  qui  est  parfois  rejetéc  par  le  vo- 
missement. M.  Demarquay  fait  prendre  habituellement 
la  dose  moyenne  de  2  grammes  de  chloral  dans  deux 
cuillerées  de  sirop  étendu  d'eau. 

Dans  la  séance  suivante,  la  société  s'est  encore  occu- 
pée du  chloral. 

M.  Demarquay  a  présenté  au  nom  de  l'un  de  nos  con- 
frères de  Bapaume  une  observation  intéressante  d'é- 
clampsie  puerpérale.  Une  jeune  femme  primipare  ayant 
été  prise  d  éclampsie  pendant  le  travail,  on  vit  chez  elle 
les  attaques  se  continuer  môme  après  la  délivrance,  et 
aucun  des  movens  ordinaires  n'avant  réussi  à  les  faire 
cesser,  on  s'adressa  au  chloral  qui  fut  administré  à  la 
dose  de  8  grammes  dans  une  potion  ;  4  grammes  fu- 
rent d'abord  pris  par  la  malade  et  n'amenèrent  aucune 
modification  appréciable  de  son  état;  on  continua  néan- 
moins l'administration  du  remède,  et,  lorsqu'on  fut  ar- 
rivé à  G  grammes,  la  malade  tomba  dans  un  profond  et 
paisible  sommeil,  qui  dura  douze  heures.  Après  son  ré- 
veil, elle  eut  encore  quelques  petites  attaques  qui  furent 
également  combattues  avec  succès  au  moyen  du  chloral, 
si  bien  que  la  malade  a  complètement  et  définitivement 
goiéri. 

M.  Verneuil  a  cru  devoir  ajouter  que,  pour  son  compte, 
il  connaissait  trois  cas  d'éclampsie  puerpérale  dans  les- 
quels le  chloral  avait  également  produit  la  goiérison. 


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S0C1ÉTK  liE  CHIRURGIE.  311 

Le  chloral  guérit  aussi  le  tétanos  traumatique,  ou  du 
moins  il  a  semblé  le  guérir  dans  une  circonstance  dont 
M.  Verneuil  a  rapporté  les  détails. 

Un  jeune  maçon  de  23  ans  avait  eu  le  doigt  mé- 
dius droit  pincé  par  une  porte;  il  continua  à  travailler; 
au  bout  de  quelques  jours,  peut-être  sous  l'influence 
qu'exerçait  sur  lui  un  logement  humide,  il  éprouva  gra- 
duellement des  symptômes  de  trismus,  puis  d'opistho- 
tonos  cervical.  Il  est  bon  de  noter  que  la  marche  de  la 
maladie  était  lente,  ce  que  n'a  pas  manqué  de  faire  re- 
marquer M.  Després,  toujours  sceptique  à  l'endroit  des 
cures  exceptionnelles.  Néanmoins,  aucun  des  traitements 
usités  n'ayant  modifié  cet  état,  et  les  contractures  se  gé- 
néralisant et  devenant  de  plus  en  plus  violentes,  l'idée 
vint  à  M.  Verneuil  d'essayer  le  chloral.  L'antagonisme 
entre  la  strychnine  et  le  chloral,  démontré  par  les  ex- 
périences sur  les  animaux,  lui  sembla  autoriser,  par 
une  induction  physiologique  légitime,  l'emploi  du  chlo- 
ral dans  le  tétanos.  Une  potion  contenant  4  grammes 
d'excellent  chloral  de  la  pharmacie  centrale  des  hôpi- 
taux fut  apportée  le  matin  à  la  visite.  M.  Verneuil  en  fit 
administrer  î  gramme  ;  au  bout  de  huit  ou  dix  minutes, 
le  malheureux  qui,  quelques  instants  auparavant,  pous- 
sait des  cris  aigus,  s'endormait  d'un  calme  et  profond 
sommeil  qui  dura  jusqu'à  quatre  heures  du  soir.  Avant  de 
quitter  l'hôpital,  après  la  visite  du  matin,  M.  Verneuil 
put  relever  la  tète  du  malade  et  introduire  un  doigt  dans 
la  bouche,  en  écartant  les  mâchoires.  M.  Verneuil  ne 
saurait  trop  se  louer  de  l'intelligence  et  du  zèle  avec  les- 
quels il  a  été  secondé  par  M.  Gustave  Richelot,  son  in- 
terne. Le  lendemain,  à  la  visite,  il  trouva  le  malade  dans 
un  état  d'amélioration  très-notable.  A  quatre  reprises 
différentes  et,  une  dernière  fois,  quinze  jours  avant  la 
guérison  définitive,  les  accidents  tétaniques  se  sont  re- 


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312  SOCIÉTÉ  DR  CHIRURGIE. 

produits,  sans  cause  connue,  avec  une  très-grande  in- 
tensité. Chaque  fois,  ils  ont  cédé,  avec  la  même  netteté 
et  la  même  rapidité  que  la  première  fois,  à  l'administra- 
tion du  chloral.  Il  n'est  survenu,  d'ailleurs,  pendant 
tout  le  cours  du  traitement,  aucun  accident  qui  soit  vé- 
ritablement imputable  au  chloral.  Quelques  douleurs 
épigastriques  s'étant  manifestées  vers  le  cinquième  ou 
sixième  jour,  ont  disparu  sous  l'influence  d'un  purgatif 
qui  a  fait  cesser  une  constipation  qui  durait  depuis  huit 
jours  et  occasionnait  probablement  les  douleurs. 

Pendant  toute  la  durée  du  traitement,  la  dose  du 
chloral  a  été,  par  jour,  de  3  grammes  au  minimum,  et 
de  12  grammes  au  maximum;  le  malade  en  a  pris,  en 
tout,  200  grammes,  dans  l'espace  de  28  jours,  sans  au- 
cune espèce  de  trouble  physiologique  appréciable.  L'ali- 
mentation n'a  pas  été  interrompue  un  seul  jour;  le  ma- 
lade prenait  chaque  jour,  en  aliments  liquides  ou  demi- 
solides,  l'équivalent  de  trois  portions.  Lag*uérison  a  élé 
complète  et  définitive  en  cinq  semaines,  au  bout  des- 
quelles le  jeune  homme  a  quitté  l'hôpital. 

Sans  prétendre  considérer  le  chloral  comme  le  remède 
spécifique  du  tétanos  traumatique,  M.  Verneuil  pense 
que  l'emploi  de  ce  médicament  contre  une  maladie  si 
grave  et  si  souvent  mortelle  mérite  d'être  pris  en  très- 
grande  considération  par  les  praticiens. 

Cette  opinion  a  été  partag-ée  et  soutenue  par  MM.  Dé- 
ni arquay  et  Larrey. 

{Bulletin  de  la  Société  de  chirurgie.) 


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VARIÉTÉS. 


313 


VARIÉTÉS 

PLUS  D'ENSEIGNEMENT  D'ÉTAT. 

La  séparation  de  l'Église  et  de  l'État  a  été  acclamée 
dans  toutes  les  réunions  publiques,  etdans  aucune  je  n'ai 
entendu  une  protestation  contre  cette  solution  d'un  des 
problèmes  les  plus  épineux  de  notre  temps.  L'opinion 
publique  semble  donc  se  faire,  au  moins  en  ce  moment, 
et  il  est  possible  que  la  prochaine  Constituante  consacre 
cet  état  nouveau,  et  qui  n'a  guère  été  largement  pra- 
tiqué que  dans  la  grande  république  américaine.  Je 
constate,  sans  me  prononcer  sur  le  fond  môme  de  cette 
question,  l'état  des  esprits  sur  l'opportunité  de  la  sépa- 
ration  de  l'Eglise  et  de  l'Etat,  et  je  veux  aujourd'hui 
même  en  dégager  un  corollaire  qui,  à  mes  yeux,  est 
d'une  importance  capitale  pour  l'avenir  de  la  liberté  en 
France.  C'est  la  séparation  de  f  enseignement  et  de  ÏEtat, 
la  suppression  de  l'Université  et  de  l'enseignement 
officiel. 

Si  l'Etat  renonce  à  s'immiscer  dans  les  questions  re- 
ligieuses, s'il  consent  à  être  non  pas  un  État  athée  (car 
ce  serait  encore  prendre  un  parli  dans  les  querelles 
religieuses),  mais  un  Etat  neutre  et  indifférent,  de  quel 
droit  prétendrait-il  nous  dispenser  l'enseignement,  qui 
ne  sera  jamais,  quoi  qu'on  fasse,  ni  oeutre,  ni  indif- 
férent? 

Je  sais  qu'un  certain  nombre  d'esprits  libéraux  ont 
la  prétention  de  résoudre  le  problème  de  l'enseigne- 
ment par  l'institution  de  ce  qu'ils  appellent  l'enseigne- 
ment laïque ,  enseignement  qui  serait  neutre ,  indiffé- 
rent, ou,  comme  le  disait  M.  Desmarets,  civil,  en  prenant 


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3  M  VAR1KIKS. 

ce  mot  clans  l'aoception  qu'il  a  dans  mariajc  civil  op- 
posé au  maria f/c  relitjicux. 

Mais  c'est  là  une  pure  illusion,  au  moins  pour  l'en- 
seignement primaire.  Si  vous  n'enseignez  aucune  reli- 
gion positive  a  l'enfant,  vous  faites  très-certainement 
une  œuvre  anti-religieuse  au  premier  chef,  et  tous  les 
hommes  qui  professent  une  religion  positive  vous  re- 
pousseront avec  horreur.  Quoi,  vous  voulez  expérimen- 
ter la  théorie  de  Jean-Jacques  Rousseau  et  attend  e  que 
l'homme  soit  majeur  pour  lui  parler  de  Dieu!  Mais  les 
passions  n'attendront  point  ce  moment  pour  lui  parler  et 
l'entraîner  dans  les  abîmes  du  matérialisme  et  du  posi- 
tivisme. J'ajoute  que  votre  enseignement  ne  sera  ni 
neutre,  ni  indifférent,  et  je  vous  défie  d'enseigner  une 
page  de  l'histoire  la  plus  élémentaire  sans  que  vos  opi- 
nions religieuses  ou  philosophiques  ne  déteignent  sur 
cette  page  et  ne  lui  donnent  une  signification  spéciale 
dirigée  contre  telle  ou  telle  croyance.  Puis  l'attitude, 
les  conversations,  les  pratiques  des  instituteurs,  que  je 
vous  défie  de  soustraire  complètement  à  l'œil  si  clair- 
voyant de  l'enfance,  constitueront  une  atmosphère  in- 
fecte dans  laquelle  viendront  sombrer  et  les  enseigne- 
ments de  l'Église  et  ceux  du  foyer  domestique.  D  >nc,  si 
vous  voulez  respecter  la  liberté  de  conscience  (et  je 
sais  que  vous  voulez  la  respecter),  supprimez  l'ensei- 
gnement par  l'Etat,  car  il  sera  toujours  oppressif  de 
cette  liberté.  S'il  appartient  à  une  religion  positive 
quelconque,  il  sera  repoussé  par  les  autres  religions 
positives  et  par  les  rationalistes;  s'il  est  laïque  et  indif- 
férent, il  sera  une  attaque  à  toutes  les  croyances  posi- 
tive et  par  conséquent  combattu  par  elles. 

L'enseignement  par  l'État  a  toujours  été  un  instru- 
ment de  despotisme;  aussi  les  gouvernements  qui  se 
sont  succédé  en  France  ont-ils  tout  fait  au  monde  pour 


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t 

VARIÉTÉS.  315 

conserver  le  monopole  universitaire.  Ils  croyaienl,  avec 
juste  raison,  que  celui  qui  dispose  de  l'enfance  dispose 
de  l'avenir.  C'est  pourquoi  aucun  d  eux  n'a  jamais  con- 
senti à  donner  la  liberté  de  l'enseignement;  ils  ne  nous 
ont  accordé  que  des  lambeaux  do  cette  liberté,  et 
leurs  concessions  ont  toujours  été  annulées  par  la  con- 
servation de  l'influence  jalouse,  tracassière  et  toute- 
puissante  des  universités  d'Etat. 

Sommes-nous  décidément  émancipés  ou  sommes-nous 
encore  en  tutelle?  Si  nous  sommes  émancipés,  nous  avons 
le  droit  et  le  devoir  de  faire  nos  affaires  nous-mêmes, 
sans  qu'un  pouvoir  incompétent  et  jaloux  vienne 
entraver  les  efforts  individuels  ou  collectifs  des  citoyens. 

Les  habitudes  monarchiques  sont  encore  tellement 
enracinées  dans  notre  société  que  nous  n'osons  rien 
faire  sans  l'État;  semblables  à  l'enfant  habitué  à  être 
tenu  en  lisière,  à  la  moindre  difficulté,  nous  nous  re- 
tournons  vers  l'Etat  et  nous  implorons  son  secours  et 
sa  protection.  Ce  sont  ces  habitudes  funestes,  ces  inca- 
pacités politiques,  qui  sont  les  plus  grands  ennemis  de 
la  République.  Fondons  la  République  sur  les  mœurs 
républicaines,  si  nous  voulons  qu'elle  s'implante  défi- 
nitivement dans  notre  pays.  Mais  si  nous  n'avons  ni  le 
courage  politique,  ni  l'initiative  individuelle  qui  con- 
viennent à  l'homme  libre;  si  la  République  n'est  pour 
nous  qu'une  forme  extérieure  et  une  lettre  morte,  notre 
société  française  restera  à  la  merci  du  premier  ambi- 
tieux ou  du  premier  intrigant  qui  aura  l'audace  de 
s'emparer  du  pouvoir. 

La  population  française  est  composée  de  catholiques, 
de  protestants  et  de  juifs.  Il  faut  ajouter  à  ces  trois  ca- 
tégories une  quatrième,  extrêmement  nombreuse  et 
composée  d'hommes  appartenant  aux  opinions  philoso- 
phiques les  plus  diverses  et  souvent  les  plus  opposées. 


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316  VARIÉTÉS. 

Pour  la  commodité  de  notre  exposition  nous  appelerons 
cette  quatrième  catégorie  les  rationalistes.  Donc,  rationa- 
listes, juifs,  protestants  et  catholiques,  représentent 
dans  la  société  française  quatre  grandes  écoles  qui  ont 
droit  à  J'enseig'nement,  et  qui  cependant  réclament,  au 
nom  de  la  liberté  de  conscience,  un  enseignement  qui  ne 
froisse  ni  leurs  croyances  religieuses  ni  leurs  croyances 
philosophiques.  C'est  là  le  problème  qu'il  s'agit  de  ré- 
soudre, et  nous  le  disons  de  suite,  il  n'y  a  qu'une  solu- 
tion possible,  la  cessation  de  renseignement  d'État. 

Nous  l'avons  déjà  dit,  Y  enseignement  laïque,  donné  par 
la  commune,  est  une  illusion  ou  un  piég*e.  Remarquons 
que  cette  expression  de  laïque  esi\o\  parfaitement  fausse, 
puisqu'un  laïque  peut  donner  un  enseignement  reli- 
gieux ;  il  faudrait  donc  chercher  un  autre  nom  qui  cor- 
respondît à  l'idée  d'enseignement  neutre,  d'enseigne- 
indifîérent,  d'enseignement  civil. 

Mais,  nous  l'affirmons  de  nouveau  ,  cet  enseigne- 
ment neutre  est  impossible,  puisque  l'absence  d'un 
enseignement  religieux  positif  est  déjà  de  la  propa- 
gande anti-religieuse,  et  que  d'ailleurs,  si  les  matières 
restreintes  de  l'enseignement  primaire  ne  peuvent  se 
soustraire  à  l'influence  religieuse  ou  philosophique, 
comment  espérera-t-on  donner  l'enseignement  secon- 
daire et  supérieur,  sans  prendre  parti  pour  ou  contre 
les  religions  révélées?  Comment  remuer  devant  la  jeu- 
nesse des  écoles  ces  vastes  et  sublimes  problèmes  de  la 
philosophie  et  de  l'histoire,  sans  prendre  parti  pour  ou 
contre  les  doctrines  qui  partagent  et  divisent  notre  so- 
ciété? Il  sera  impossible  de  trouver  des  professions  as- 
sez détachées  de  l  esiime  que  tout  honnête  homme  doit 
avoir  de  soi-même  pour  faire  cet  enseignement.  L'ensei- 
gnement neutre  et  indifférent  n'est  possible  que  par  des 
eunuques  et  des  impuissants. 


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VARIÉTÉS.  317 

Que  chacune  des  grandes  catégories  de  citoyens  qui 
composent  la  société  française  se  mette  donc  à  l'œu- 
vre et  fonde  des  écoles.  L'enseignement  primaire  et 
secondaire  aura  des  écoles  catholiques,  protestantes, 
Israélites  et  rationalistes.  L'enseignement  supérieur  sera 
donné  par  les  positivistes,  les  vitalistes  et  les  mille 
sectes  que  se  partagent  le  monde  des  sciences  physi- 
ques et  métaphysiques.  Chaque  école  aura  la  faculté  de 
dresser  des  chaires  et  d'avoir  des  élèves.  Les  pères  de 
famille,  seuls  juges  en  pareille  matière,  pourront  choi- 
sir les  écoles  primaires  et  secondaires  où  ils  voudront 
envoyer  leurs  enfants.  Les  élèves  des  écoles  supérieures 
iront,  eux  aussi,  à  l'école  de  leur  choix.  Et  une  concur- 
rence loyale,  une  émulation  légitime ,  auront  bientôt 
ramené  en  France  l'enseignement  supérieur  à  la  haute 
situation  dont  le  monopole  l'a  fait  déchoir  depuis  plu- 
sieurs années. 

Je  sais  que  cette  solution  ne  fait  l'affaire  ni  des  com- 
munistes, ni  des  autoritaires.  Ces  sectaires  regardent 
le  citoyen,  et  en  particulier  l'enfant,  comme  la  propriété 
de  l'État.  Ils  enseignent  que  le  père  de  famille  n'est 
qu'un  procréateur  qui  n'a  aucun  droit  sur  son  pro- 
duit, et  que  c'est  à  l'État  de  1  eduquer  à  sa  manière. 

Ce  système  constitue  la  plus  monstrueuse  tyrannie 
qu'on  puisse  concevoir  ;  il  a  pour  corollaire  la  religion 
ou  plutôt  l'irréligion  d'État.  Nous  protestons  contre  ces 
barbares  modernes,  au  nom  de  la  République  et  de  la 
liberté,  et  nous  les  combattrons  à  l'égal  des  Prussiens. 
Proudhon  àécrit  quelque  part  une  phrase  d'une  énergie 
sauvage,  mais  qui  peint  bien  le  droit  du  père  de  famille  : 
«Si  Je  prêtre  touche  à  mon  fils,  dit-il,  je  tuerai  le  prêtre.» 
Eh  bien,  tout  père  de  famille  appartenant  à  une  des 
religions  révélées  a  le  droit  de  dire  avec  la  même  vérité 
et  la  même  éloquence  :  Si  le  libre  penseur  touche  à  . 


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318  VARIÉTÉS. 

mon  fils,  je  tuerai  le  libre  penseur.  Oui.  le  droit  du  père 
de  famille,  sur  le  choix  de  l'éducation,  est  un  droit  im- 
prescriptible, et  la  société  qui  le  laisserait  péricliter  ne 
tarderait  pas  à  tomber  dans  la  barbarie. 

Mais,  mobjeclera-t-on,  l'Etat  seul  est  capable  de  dis- 
tribuer ce  pain  intellectuel  de  l'enseignement,  et  com- 
ment concilier,  avec  la  liberté  complète  que  vous  récla- 
mez, avec  tous  ces  efforts  non  disciplinés  des  individus 
ou  des  collections  de  citoyens,  f  enseignement  gratuit  et 
obligatoire  que  la  République  doit  à  la  nation  ? 

Rien  de  plus  simple. 

D'abord  l'enseignement  ne  peut  être  obligatoire  qu'à 
la  condition  expresse  que  le  père  de  famille  puisse  choi- 
sir l'éducateur.  Et  comment  choisira-t- il  l'éducateur  si 
l'Etat  est  le  grand ,  et  par  conséquent  à  peu  près  le 
seul  éducateur?  S'il  n'y  a  pas  des  écoles  catholiques, 
protestantes,  juives,  rationalistes?  Il  est  donc  néces- 
saire que  les  écoles  soient  fondées  par  l'initiative  indi- 
viduelle, de  manière  que  chaque  doctrine  ait  la  sienne. 
Très-bien,  me  direz  vous,  mais  comment,  dans  les  com- 
munes pauvres,  où  cependant  l'enseignement  est  si 
nécessaire,  la  commune  sufïira-t-elle  à  l'entretien  de 
ses  écoles? 

Cette  difficulté ,  insoluble  avec  le  monopole,  n'en  est 
plus  une  avec  la  liberté.  Dans  les  communes  protes- 
tantes, il  est  certain  que  les  habitants  auront  un  insti- 
tuteur protestant,  puisque  tous  ou  la  plupart  des  enfants 
sont  protestants.  Dans  les  pays  catholiques,  juifs  et  ra- 
tionalistes, vous  aurez  une  école  catholique,  juive  ou 
rationaliste.  Mais ,  objecterez-vous,  que  deviendra  la 
minorité  dans  ces  communes?  La  minorité  aura  deux 
ressources  parfaitement  suffisantes.  L'esprit  de  propa- 
gande et  l'amour  paternel.  Les  religions  et  les  philoso- 


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VARIÉTÉS.  319 

phies,  qui  sont  réellement  vivantes,  et  qui  ont  l'esprit 
du  prosélytisme,  élèveront  à  leur  IVnis,  et  sous  la  sau- 
vegarde de  la  liberté ,  des  écoles  rivales  là  où  leurs 
adhérents  sont  en  minorité.  Si,  enfin  ,  la  minorité  est 
trop  restreinte,  si  la  propagande  fait  défaut,  le  père 
de  famille  aura  le  devoir  de  sauvegarder  la  foi  reli- 
gieuse ou  philosophique  de  son  fils;  il  sera  certainement 
dans  une  position  difficile,  mais  non  pas  inextricable. 

Mais  il  est  un  cas  plus  grave,  qui  se  présentera  peut- 
être,  et  qu'il  faut  prévoir  :  c'est  celui  d'une  commune 
tellement  déshéritée  de  croyances ,  tellement  nidifie* 
rente  qu'elle  ne  fera  aucun  effort  pour  avoir  une  école 
quelconque;  eh  bien!  c'est  dans  ce  cas,  et  dans  ce  cas 
seulement,  que  l'Etat  aura  le  droit  d'intervenir,  de 
fonder  un  enseignement  dont  il  se  tirera  le  moins  mal 
possible.  Mais  chacun  sent  que  celte  situation  constituera 
un  fait  très-exceptionnel. 

Quant  à  la  gratuité  de  l'enseignement  primaire,  elle 
s'harmonise  très-bien  avec  la  liberté  complète  de  l'en- 
seignement et  n'a  nul  besoin ,  pour  fonctionner ,  de 
l'intervention  d'une  université  d'État. 

Dans  le  système  de  gratuité,  les  communes  seules,  ou 
aidées  par  l'Etat,  auront  à  constituer  la  somme  néces- 
saire au  fonctionnement  de  l'enseignement  primaire. 
Eh  bien!  cette  somme,  au  lieu  d  être  accordée  à  un  ins- 
tituteur d'Etat  (ce  que  vous  appelez  l'instituteur  laïque), 
sera  divisée  entre  tous  les  instituteurs,  en  proportion 
exacte  du  nombre  de  leurs  élèves.  L'instituteur  qui 
aura  100  élèves  touchera  une  indemnité  déterminée; 
celui  qui  n'en  aura  que  10  touchera  dix  fois  moins,  et 
celui  qui  en  aura  1,000  touchera  dix  fois  plus.  Cette 
répartition  sera  conforme  à  l'adage  si  vrai  :  «  A  chacun 
suivant  ses  œuvres  et  suivant  ses  capacités.  »  Celui  qui 
travaillera  beaucoup  et  qui  enseignera  bien,  aura  beau- 


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3*20  a  NOS  LECTEURS. 

coup  :  celui  qui  travaillera  peu  et  enseignera  mal,  rece- 
vra peu. 

Cette  solution  est  non-seulement  conforme  à  la  jus- 
tice et  respectueuse  de  la  liberté ,  elle  a  encore  1  im- 
mense avantage  de  ne  pas  créer  l'instituteur  d'État, 
c'est-à-dire  une  troupe  innombrable  de  fonctionnaires 
voués  fatalement  au  servilisme  administratif,  et  des- 
tinés par  avance  à  former  une  armée  formidable  à  la 
disposition  de  tous  les  despotismes.     Dr  P.  Jousset. 


A  NOS  LECTEURS. 

Ce  numéro  s'apprêtait  lorsque  les  malheurs  publics 
sont  venus.  Toule  la  presse  scientifique  a  été  suspendue; 
qui  pouvait  penser  à  autre  chose  qu'à  la  défense  dans 
ces  jours  lugubres? 

Cependant,  malgré  le  deuil  et  l'anxiété  où  nous  sommes 
encore,  nous  avons  cru  devoir  donner  le  bon  à  tirer  pour 
ces  feuilles  dont  l'imprimeur  demandait  à  être  déchargé. 

Nous  aviserons  aux  suites  de  cette  publication  quand 
les  dures  épreuves  que  nous  traversons,  et  dont  nous 
attendons  prochainement  la  fin,  seront  passées,  lorsque 
les  rédacteurs  aujourd'hui  dispersés  seront  réunis. 

Puisse  Dieu,  en  bénissant  nos  armes,  retremper  aussi 
notre  courage  civil,  et  nous  donner  l'intelligence  des 
solutions  que  nous  aurons  à  trouver!  Après  le  cataclysme, 
les  questions  se  présenteront  nombreuses  et  urgentes. 
La  réforme  de  renseignement  qui  a  préparé  le  désastre, 
la  répression  du  matérialisme  honteux  qui  nous  a  éner- 
vés, la  suppression  des  Académies,  la  question  hospita- 
lière, la  réforme  de  la  médecine  militaire,  appelleront 
notre  attention.  Que  ceux  qui  doivent  survivre  au  déluge 
de  barbares  s'apprêtent  à  tenir  avec  cœur,  haut  et  ferme, 
Je  drapeau  de  la  vérité  et  de  la  justice,  et  que  Dieu  pro- 
tège la  France  !  F.  Frédault. 

Paris,  ce  26  novembre  1870. 


Le  Rédacteur  en  chef,  Jules  Davasse. 


Parie.  —  Typ.  A.  Pa.rb.vt  roc  Monskur-Ic  Trincc,  3(. 


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L'ART  MÉDICAL 


NOVEMBRE  1870 


PATHOGÉME  ET  THÉRAPEUTIQUE 


DE  L'ACTION  DE  L'ARSENIC  SUR  LA  PEAU. 

L'action  de  l'arsenic  sur  la  peau  est  aussi  manifeste 
que  variée,  tant  au  point  de  vue  physiologique  que  dans 
les  applications  thérapeutiques.  II  faut  d'abord  l'étudier 
physiologiquement  pour  pouvoir  interpréter  les  faits  de 
guérison  par  ce  médicament  insigne.  De  la  physiologie 
découle  l'emploi  de  tout  agent  médicinal;  c'est  la  seule 
manière  d'étudier  les  médicaments,  et  c'est  là  ce  qui  fait 
précisément  la  force  et  la  valeur  de  la  méthode  hahne- 
mannienne. 

PREMIÈRE  PARTIE 

Action  physiologique. 

L'arsenic  révèle  son  action  élective  sur  la  peau  par 
des  accidents  multiples  :  prurit,  éruptions  de  toute  es- 
pèce, ulcérations,  gangrènes,  taches,  ecchymoses, 
œdèmes  généralisés  et  partiels,  desquamation,  chute 
des  cheveux  et  des  ongles;  phénomènes  physiologiques 
auxquels  nous  allons  consacrer  autant  de  chapitres  par- 
ticuliers. On  me  pardonnera  d'être  long  comme  détails, 
dans  notre  art,  on  ne  peut  démontrer  que  par  l'accu- 
mulation des  faits. 

TOME  XXXII.  —  NOVEMBRE  1370  îl 


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322 


pathogénie  et  therkpeutique 


CHAPITRE  PREMIER. 

PRURIT  ARSENICAL. 

Le  premier  lait  à  nia  connaissance  est  donne  par 
de  Haèn  {Ratio  medendi,  pars  ix,  cap.  6.  Paris,  1767,  : 
il  s'agit  d  une  femme  empoisonnée  par  mégarde  par  une 
petite  quantité  d'arsenic  :  au  bout  de  deux  mois,  il  sur- 
vient une  paralysie  généraledes  membres  avec  douleurs, 
desquamation  et  démangeaisons  générales  persistant 
pendant  plusieurs  mois. 

Détienne  a  cité  l'observation  d'un  pileur  d'arsenic  : 
éruption  pustuleuse  considérable  à  la  face,  vésicules 
aux  mains,  au  pouce  et  au  front  ;  guérison  en  quelques 
jours;  le  sixième  jour,  le  visage  était  encore  en  fort 
mauvais  état.  Quelques  jours  après,  le  malade  revient 
consulter  le  médecin  pour  une  démangeaison  générale. 
[Journal  de  médecine,  1759.) 

Est-ce  pour  ces  deux  faits  ou  autres  que  Caëls  a  dit 
dans  sa  description  générale  de  l'empoisonnement  par 
l'arsenic  :  Cutis  prurit  us  iru/ens?  [Ratio  occu  ne  ndi  morbis 
a  tnincralium  ahusu  produci  solitis.  Amstelodami,  1781.) 

On  lit  dans  la  thèse  de  Sulzer,  à  propos  des  expé- 
riences de  Bernhardt  sur  des  malades  atteints  de  liè- 
vres intermittentes  :  —  «  Plerique  borum  aliquot  dies 
«  pejus  se  babebant,  et  tune  cessabat  febris.  Aliqui  vomitu 
«corripiebantur,  quo  facto  febris  eos  reliquit.  Alii  duo 
«  prurit  il  in  intest  ino  recto  vexabantur  »  [Disserta  tio  inuuy. 
medica  de  arseniciusu  medico.  Ienœ,  1796). 

Habnemann,  dans  son  remarquable  traité  de  l'em- 
poisonnement par  l'arsenic  (1786),  ne  parle  des  déman- 
geaisons qu'à  propos  des  douleurs  brûlantes  liées  à  des 
contractures.  Dans  ses  observations  personnelles  consi- 


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»E  L'ACTION  DE  L'ARSENIC  SUR  LA  PEAU.  323 

gênées  plus  tard  dans  sa  Matière  médicale  pure  (1811), 
il  note  plusieurs  fois  les  démangeaisons  brûlantes, 
comme  il  confirme  l'action  physiologique  de  l'arsenic 
sur  les  ulcères,  où  il  développe  du  prurit  et  un  senti- 
ment de  brûlure,  fait  attesté  par  Heun  (Allg.  med.  An- 
nalen,  1805)  et  Hargens  (Journal de  Hufeland,  t.  IX).  Nous 
verrons  bientôt,  plus  bas,  avec  quel  luxe  d'observations 
il  a  établi  le  fait  de  prurit  arsenical  dans  ses  travaux 
postérieurs. 

Un  individu,  âgé  de  52  ans,  se  met  à  vomir  à  la  suite 
d'un  empoisonnement,  et  se  plaint  d'une  sensation  de 
brûlure  dans  tout  le  ventre.  Cette  sensation  persiste 
pendant  toute  une  semaine,  et  il  continue  à  vomir  acci- 
dentellement; en  même  temps  il  éprouvait  à  la  peau  une 
démangeaison  si  brûlante  qu'il  était  obligé  d'aller 
plonger  la  tête  et  les  bras  de  temps  à  autre  dans  un 
ruisseau  voisin.  La  semaine  suivante  il  fut  pris  de  para- 
lysie dans  les  deux  bras.  (Murray.  Journal  d'Edimbourg, 
t.  XVIII.) 

Roget,  cité  par  Ghristison  (a  Treatise  on  poisons.  Lon- 
don,  1845,  p.  312),  adonné  l'observation  d'une  jeune 
fille  empoisonnée  par  un  gros  d'arsenic.  —  Le  premier 
jour,  accidents  ordinaires;  mais  dès  le  second  jour, 
accidents  nerveux  multiformes.  Le  quatrième  jour,  dou- 
leurs dans  les  extrémités  avec  démangeaison  générale, 
symptômes  qui  persistèrent  jusqu'à  la  fin  du  sixième 
jour,  où  elle  fut  prise  de  convulsions  qui  se  répétèrent 
pendant  les  quinze  jours  suivants. 

Cinq  personnes  sont  empoisonnées  à  la  fois.  L'une 
d'elles  est  prise  d'une  attaque  d'épilepsie  le  premier  et 
le  second  jour.  Elle  soutirait  en  outre  de  tiraillements 
violents  dans  les  muscles  du  tronc,  et  aussi  de  chaleur 
et  de  démangeaisons  aux  pieds  et  aux  mains.  (Marshall, 
in  Chrislison,  p.  312.) 


321  PATHOGÉNIE  ET  THERAPEUTIQUE. 

On  lit  dans  la  description  générale  de  l'empoisonne- 
ment par  Klein ert  (Diss.  inaug.  medica  de  arsenico.  Lipsiae, 
1825)  :  Prurit um  et  torporem  in  apice  digitorum. 

Un  jeune  homme  de  17  ans  s'empoisonne  avec 
16  grammes  d'arsenic.  Le  premier  jour,  accidents  gastro- 
entériques  ;  le  second  jour,  prurit  de  lapeau,  accompagné 
de  ténesme  et  de  strangurie  ;  pas  d'éruptions.  Guérison 
consécutive.  (Skillmann.  American  Journal  of  the  med. 
science,  1836.) 

Orlîla  qui  rapporte  cette  observation  n'a  pas  manqué 
de  signaler  ce  symptôme  dans  sa  description  générale 
de  l'empoisonnement  par  l'arsenic,  ainsi  que  Devergie. 
—  Christison  et  Taylor  se  taisent  sur  ce  point  ;  d'après 
Tardieu,  dans  la  forme  lente  de  l'empoisonnement 
arsenical,  la  sensibilité  de  la  peau  est  souvent  surex- 
citée, surtout  vers  les  extrémités,  et  troublée  par  des 
démangeaisons  insupportables  et  par  de  brusques  sen- 
sations de  chaleur  et  de  froid.  (Etude  médico-légale  sur 
f  empoisonnement,  1865.) 

A  dose  médicinale  ou  moyenne,  on  retrouve  fréquem- 
ment le  même  symptôme.  Romberg  (Klinische  Wahrneà- 
mungen.  Berlin,  1851),  dans  quelques  observations  de 
psoriasis  traité  par  l'arsenic,  note  une  forte  démangeai- 
son de  la  peau,  même  aux  extrémités  où  l'éruption  ne 
s'étendait  pas.  Le  Dr  Bornique  (De  f  Emploi  de  r  ar- 
senic dans  les  maladies  de  la  peau.  Thèse  de  Strasbourg, 
1856)  a  observé  le  même  fait  sur  lui-même.  Dans  une 
communication  faite  à  la  Société  des  médecins  des  hôpi- 
taux de  Paris,  M.  Hardy  a  surtout  sig'nalé  les  déman- 
geaisons à  la  peau  et  la  céphalalgie  chez  les  malades  sou- 
mis à  la  liqueur  de  FowJer.  Babington  (1866),  qui  a 
essayé  l'arsenic  dans  la  chorée,  signale  aussi  le  prurit 
développé  sous  son  influence.  Au  commencement  même 
de  ce  siècle,  quelques  médecins  anglais  avaient  préco- 


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DE  L'ACTION  DE  l' ARSENIC  SUR  LA  PEAU.  325 

nisé  l'acide  arsénieux  dans  les  rhumatismes  chroni- 
ques ;  mais  d'autres  observateurs,  peu  contents  des 
résultats  par  eux  obtenus,  avaient  signalé  divers  acci- 
dents arsenicaux,  entre  autres  la  démangeaison  par 
tout  le  corps. 

Depuis  vingt-cinq  ans  l'attention  des  observateurs  a 
été  éveillée  sur  les  nombreux  accidents  causés  par  le 
séjour  dans  des  appartements  ornés  de  papiers  de  ten- 
ture au  vert  arsenical.  Grand  nombre  d'observations 
ont  déjà  été  publiés  à  ce  sujet,  surtout  en  Angleterre 
et  en  Allemagne.  Le  Dr  Bayes  ,  de  Londres  ,  a  cité 
récemment  un  fait  fort  curieux  (Cases  of  arsenical paper 
poisoning.  Monthly  hom.  review.  July,  1870)  :  Il  s'agit  de 
quatre  enfants  soumis  pendant  longtemps  à  l'influence 
de  ces  papiers  de  tenture.  Parmi  les  nombreux  sym- 
ptômes d'origine  arsenicale,  l'auteur  note  la  démangeai- 
son et  la  sensibilité  à  l'anus  et  dans  les  parties  géni- 
tales. Une  servante  de  la  maison  éprouvait  aussi  un 
prurit  brûlant  à  l'anus. 

Les  démangeaisons  ont  été  signalées  en  outre  depuis 
bien  longtemps  chez  les  ouvriers  exposés  aux  vapeurs 
des  minerais  arsenicaux  en  fusion  [cfr.  Henckel.  von  der 
Bergsucht  and  Hùttenkâre,  Freyberg,  1728;  Scheffler. 
Gesundheit  derBeryleute.  Ghemnitz,  1770.  Klinge,  Journal 
de  Hu/eland.  t.  XI  ;  Brokmann,  der  Mêlai lurgischenkrank- 
keiten  des  Oberharzes.  Osterrode,  1851  ;  Langendorff,  in 
Henke's  Zeitschrift,  1857  ;  Hesteven,  in  Taylor's  on  the 
poisons,  1859). 

Rien  n'est  plus  fréquent  en  outre  que  la  démangeaison 
des  yeux  chez  les  individus  soumis  à  un  traitement 
arsenical  et  aussi  dans  les  cas  d'empoisonnement.  Ce 
prurit  oculaire  est  en  général  lié  à  un  degré  plus  ou 
moins  considérable  de  conjonctivite  ;  il  peut  aussi  exister 
isolément;  c'est  le  prurit  des  paupières.  J'en  ai  cité  de 


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326  PÀTHOOÉNIE  ET  THÉRAPEUTIQUE. 

nombreux  exemples  dans  mes  Etudes  sur  quelques  sym- 
ptômes de  f  arsenic  (1862),  en  y  joignant  le  témoignage  des 
médecins  anglais,  Pereira,  Thomas  Hant  et  Begbie.  Il 
m'est  arrivé  nombre  de  fois  de  le  vérifier  pour  mon 
propre  compte. 

Il  est  inutile  d'ajouter  que  si  le  prurit  arsenical 
existe  souvent  isolément,  il  précède,  accompagne  et  suit 
habituellement  les  nombreuses  éruptions  dues  à  l'ar- 
senic, ainsi  que  les  œdèmes,  comme  nous  le  verrons  en 
son  lieu.  Il  en  est  de  môme  dans  les  applications  ex- 
ternes où  le  poison  détermine  des  lésions  graves  de  la 
peau. 

Nous  avons  vu  jusqu'ici  l'arsenic  se  montrer  prurito- 
gène,  soit  à  dose  toxique,  soit  à  dose  médicinale  habi- 
tuelle. Mais  peut-il  produire  le  même  accident  à  dose 
encore  plus  atténuée  ou  infinitésimale?  C'est  ce  que 
j  affirme,  et  pour  le  démontrer,  il  faut  d'abord  en 
revenir  à  Hahnemann,  ce  grand  scrutateur  des  actes 
physiologiques  des  médicaments. 

Dans  la  première  édition  de  sa  matière  médicale  pure, 
Hahnemann  n'avait  noté,  en  dehors  des  emprunts  faits 
à  divers  auteurs,  que  deux  fois  le  symptôme  prurit 
isolé  sans  spécifier  la  région  (§  199,  200);  de  plus  il 
l'avait  signalé  dans  le  cas  d'ulcère  (§  198)  et  accompa- 
gnant diverses  éruptions  (§  201,  202,  203);  mais  dans 
sa  dernière  pathogénésie  arsenicale,  publiée  dans  son 
traité  des  Maladies  chroniques,  le  symptôme  prurit  y 
figure  avec  luxe  dans  toutes  ses  variétés;  il  est  évident 
que  Hahnemann  l'a  décrit  d'après  des  observations 
plus  nombreuses  et  plus  complètes  :  prurit  de  la  tète 
(§  165,  167);  prurit  de  la  tête  accompagné  d'éruptions 
(§  168,  169,  171,  172);  prurit  des  yeux  et  autour 
(§  183,  186,  208);  prurit  dans  l'oreille  (245Ï;  à  la  face 
(278);  à  la  lèvre  supérieure  (294);  à  l'anus  (601.  602); 


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DR  LACTION  DE  L'ARSENIC  SUR  LA  PEAU.  327 

au  périnée  (611);  aux  parties  génitales  (635,  636,  637, 
638,  639);  au  cou  sous  le  menton  (785);  à  l'avant-bras 
près  du  poignet  (785);  au  creux  de  la  main  gauche 
;804);  doigt  médius  de  la  main  droite  (815);  aux  cuisses 
(839,  840,  841);  à  l'articulation  du  pied  (896);  au  gros 
orteil  droit  (901);  beaucoup  de  prurit  à  la  cuisse  droite 
et  aux  bras  (1032);  sensation  pruriteuse  presque  géné- 
rale (1033);  prurit  ardent  au  corps  (1034,  1085);  prurit 
accompagnant  éruptions  diverses  (1046,  1047,  1048, 
1051);  ardeur,  puis  prurit  autour  d'un  ulcère  (1066); 
prurit  et  transpiration  dans  le  dos  toute  la  nuit  (1185). 

Je  cite  avec  complaisance  Hahnemann,  parce  que 
mes  observations  personnelles  ont  complètement  con- 
firmé les  siennes.  J'ai  expérimenté  souvent  l'arsenic  à 
la  dose  de  2  à  6  gouttes  de  teinture  de  Fowler 
par  jour,  et  bien  plus  souvent  à  dose  infinitésimale 
jusqu'à  la  trentième  dilution.  Déjà,  en  1862  [Etudes  sur 
quelques  symptômes  de  f  arsenic),  je  m'exprimais  en  ces 
termes  à  ce  sujet  :  Dans  mes  nombreuses  expérimenta- 
tions sur  l'arsenic,  j'ai  pu  mo  convaincre  nombre  de 
fois  de  la  propriété  pruritogène  de  cet  agent.  Tantôt  ces 
démangeaisons  sont  générales,  tantôt,  et  c'est  le  cas  le 
plus  ordinaire,  elles  sont  locales;  on  les  rencontre  sou- 
vent aux  paupières,  avec  ou  sans  conjonctivite.  J'ai  vu 
souvent  aussi  les  démangeaisons  exister  aux  joues  et 
môme  y  précéder  de  quelques  jours  l'apparition  débou- 
tons papuleux  fugaces.  Quelquefois  on  voit  du  prurit  se 
développer  en  dehors  comme  en  dedans  du  nez,  tantôt 
seul,  tantôt  accompagné  de  coryza.  On  en  trouve  aussi 
au  cou,  aux  épaules  et  sur  le  dos  des  mains.  J'en  ai  vu 
aux  jambes,  et  deux  fois  seulement  j'ai  rencontré  des 
démangeaisons  générales  pendant  quatre  à  cinq  jours. 
On  trouvera  dans  le  mémoire  précité  grand  nombre  de 
faits  à  l'appui  à  partir  de  l'observation  LXXVI  jusqu'à 


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328  PATHOGÉNIE  ET  THÉRAPEUTIQUE. 

l'observation  CIX.  Depuis  lors,  j'ai  eu  l'occasion  de  vé- 
rifier nombre  de  fois  ce  point  de  pathogénésie.  Il  y  a 
quelques  années,  je  soignais  un  de  mes  amis  pour  une 
blépharite  légère.  Je  lui  donnai  pendant  dix  jours  deux 
doses  par  jour  d'arsenic  à  la  quatrième  trituration. 
Deux  jours  après  la  cessation  du  remède,  il  survint  une 
démangeaison  très-violente  sur  le  dos  de  la  première 
phalange  du  médius  pendant  trente-six  heures,  puis  la 
démangeaison  sauta  à  la  paume  de  la  main  du  même 
côté.  Le  malade  était  obligé  de  se  gratter;  il  n'y  eut  pas 
d'éruption  sur  les  parties  siège  du  prurit.  J'ai  vu  plus 
souvent  les  démangeaisons  se  développer  à  dose  inGni- 
tésimale  qu'à  dose  moyenne.  J'estime  que  c'est  là  un 
excellent  moyen  de  se  démontrer  à  soi-même  la  réalité 
d'action  des  doses  infinitésimales;  j'y  ajouterai  les  érup- 
tions cutanées  et  les  accidents  sur  les  yeux,  phénomènes 
fréquents  dans  la  pathogénésie  arsenicale.  Les  expé- 
riences de  Hahnemann  sur  l'arsenic  dans  son  traité  des 
maladies  chroniques  ont  été  faites  la  plupart  à  la  qua- 
trième dilution,  ainsi  que  me  l'a  affirmé  le  Dr  Jahr,  qui 
le  tient  du  maître.  Je  défie  tout  observateur  intelligent 
et  persévérant  de  ne  pas  arriver,  après  de  nombreux 
essais,  aux  mêmes  conclusions  sur  cette  question  si  con- 
testée des  doses  infinitésimales. 

Au  symptôme  démangeaison,  il  faut  rattacher  comme 
annexes  d'autres  symptômes  fréquemment  nolés  dans 
l'histoire  physiologique  de  l'arsenic  :  ce  sont  les  four- 
millements, le  chatouillement,  la  sensation  de  morsure 
et  de  rongement  et  surtout  les  douleurs  brûlantes.  Le 
fourmillement  appartient  principalement  à  la  paralysie 
arsenicale  comme  prodrome.  Les  douleurs  brûlantes 
sont  une  caractéristique  de  l'arsenic  de  premier  ordre  : 
elles  sont  plus  fréquentes  à  l'intérieur  que  sur  l'enve- 
loppe cutanée.  Elles  méritent  un  chapitre  à  part,  et  ne 


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DE  L'ACTION  DE  L'ARSENIC  SUR  LA  PEAU.  329 

peuvent  être  que  signalées  ici  en  passant,  comme  ac- 
compagnant souvent  la  démangeaison  arsenicale.  J'ai 
publié  dans  Y  Art  médical  (août  1869)  une  longue  obser- 
vation d'empoisonnement  chronique  par  l'arsenic  en  va- 
peur: je  la  reproduis  plus  bas  dans  ce  mémoire.  Outre 
le  fait  de  démangeaisons  et  d'éruptions,  c'est  un  fort 
bel  exemple  de  douleurs  br  ûlantes. 

En  résumé,  le  prurit  arsenical  peut  se  développer, 
quelle  que  soit  la  dose  du  poison  :  dose  toxique,  moyenne 
ou  infinitésimale,  omni  Josi.  C'est  un  symptôme  fréquent. 
Souvent  étendu  à  toute  la  peau,  plus  souvent  localisé, 
il  paraît  affecter  de  préférence  les  yeux,  la  région  ano- 
génitale  et  les  extrémités.  Il  peut  être  isolé,  mais  bien 
plus  souvent  il  devient  prodrome,  symptôme  ou  acci- 
dent consécutif  des  nombreuses  éruptions  arsenicales. 
Il  peut  apparaître  dans  les  premières  quarante-huit 
heures  de  l'administration  de  l'arsenic;  mais  à  dose 
toxique,  comme  les  autres  accidents  de  la  peau,  il  ap- 
partient de  préférence  à  la  période  prolongée  de  l'em- 
poisonnement ou  à  sa  forme  lente.  L'observation  de 
de  Haën  le  signale  à  plusieurs  mois  de  distance  du  mo- 
ment de  l'intoxication  :  c'est  là  un  des  mille  faits  parmi 
les  accidents  consécutifs  de  l'empoisonnement,  qui 
prouve  l'action  durable  et  profonde  de  l'arsenic  sur 
l'organisme.  Le  prurit  arsenical  se  développe,  quelle 
que  soit  la  voie  d'absorption  du  poison,  que  ce  soit  par 
les  intestins,  la  peau  ou  par  inhalation  pulmonaire  ;  il 
est  naturellement  plus  fréquent  dans  le  cas  d'applica- 
tion externe. 

CHAPITRE  II. 

HISTORIQUE  DES  ERUPTIONS  ARSENICALES. 

Les  anciens,  qui  employaient  l'arsenic  plus  souvent  à 
l'extérieur  qu'à  l'intérieur,  avaient  dû  nécessairement 


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330  PATHOGENIE  ET  THERAPEUTIQUE. 

constater  ses  propriétés  exanthématogèncs.  Il  est  per- 
mis de  le  conclure  d'après  Dioscoride  :  «  Vim  habet 
«  exedentem,  astringentem  et  crustas  inducentem  cum 
«  fervore  ac  violenta  morsu.  »  Qu'on  lise  la  première  obser- 
vation venue  d'empoisonnement  arsenical  dans  le  cas 
d'application  externe  contre  la  gale  ou  les  parasites  de 
la  tête,  il  en  existe  un  certain  nombre,  et  Ton  aura 
l'explication  de  la  phrase  si  concise  et  si  nette  du  père 
de  la  matière  médicale.  Celse  dit  la  môme  chose  sous 
une  autre  forme  en  classant  l'arsenic  parmi  les  médica- 
ments çnw  rodant,  exedunt,  adurant  et  crustas  ulceribus  ro- 
ducant  (1.  v).  II  en  est  de  même  de  Galien  :  facultatis  est 
cuusticx. 

J'ai  dit  quelquefois  qu'il  fallait  voir  dans  les  descrip- 
tions de  l'empoisonnement  en  général,  faites  par  les  an- 
ciens et  les  médecins  de  la  Renaissance,  l'histoire  môme 
de  l'empoisonnement  par  l'arsenic.  J'en  conclus  pour 
mon  compte  que  ce  mode  d'empoisonnement  a  toujours 
été  le  plus  fréquent,  comme  de  nos  jours,  quoique  l'ar- 
senic tende  à  se  laisser  détrôner  par  le  phosphore.  J'en 
conclus  aussi  que  les  anciens  ont  dû  connaître  les  érup- 
tions arsenicales,  témoin  ce  passage  de  Galien  :  «  Quum 
«  enim  homo  sua  natura  probis  humoribus,  ac  sanorum 
«  more  educatus  de  repente  moritur,  ut  assumpto  lelhali 
«  veneno  fit,  deinde  corpus  aut  livens,  aut  nigricans, 
«  aut  varium  est,  aut  diflïuens,  aut  putridinem  moles- 
«  tam  olet,  hune  venenum  sumpsisse  aiunt.  »  (De  locis 
affectis,  I.  vi.)  Je  citerai  surtout  la  description  de  l'em- 
poisonnement en  général  par  Aëtius,  au  v*  siècle; 
parmi  les  accidents,  le  médecin  grec  note  les  éruptions 
huileuses  :  eruptio  bullarum  (1). 

(!)  Cognoscerc  et  discernere  oportet  eos,  qui  taie  quippiam  sumpserunt, 
ex  signis  quos  coincidunt  et  conscquuntur.  Ubi  enim  in  akquo  placidx 
et  benc  composit/p  prius  mentis,  etbonos  itidœm  habitudinis,  accidente 


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DE  LACTION  DE  L'ARSENIC  SUR  LA  PEAU.  331 

Après  la  Renaissance  sont  arrivées  peu  à  peu  des  ob- 
servations détaillées.  Depuis  Forestus  et  Sennert ,  qui 
ont  les  premiers  donné  des  observations  d'empoisonne- 
ment avec  éruption,  il  en  a  paru  un  très-grand  nom- 
bre. Boerhaave  commence  à  signaler  les  éruptions  pro- 
fessionnelles, à  propos  d'accidents  arrivés  à  des  ouvriers 
fabriquant  le  cuivre  blanc  ou  tombac:  il  note  des  vési- 
cules jaunâtres  apparaissant  sur  la  poitrine  pendant 
quelques  jours.  Plus  tard  Baylies,  résumant  les  sym- 
ptômes de  l'empoisonnement  arsenical  d'après  divers 
auteurs,  indique  les  taches  qui  çà  et  là  apparaissent  sur 
la  peau  (Practical  Essais...  London,  1773). 

Ce  sont  surtout  les  observations  du  siècle  dernier  qui 
ont  commencé  à  fixer  l'attention  sur  ce  point;  Caels  en 
décrivant  l'empoisonnement  arsenical  parle  des  maculœ 
rubrœ,  et  Hahnemann  signale  les  éruptions  miliaires,  en 
mentionnant  diverses  observations  à  l'appui.  D'un 
autre  côté,  les  médecins  attachés  aux  mines  arsenicales 
de  la  Saxe  apportent  leur  contribution  à  l'histoire  des 
éruptions.  Henckel  (loc.  cit.)  parle  d'éruptions  miliaires, 
comme  précédant  et  amenant  la  phthisie  pulmonaire, 
si  fréquente.  Scheffler  note  parmi  les  nombreux  sym- 
ptômes arsenicaux  les  vésicules  et  les  ulcérations  de  la 
bouche  et  de  la  langue,  les  ulcérations  des  aisselles  et 
des  parties  génitales ,  et  môme  des  ulcérations  cancé- 
riformes  à  cette  région.  D'après  Kling-e,  les  ouvriers 

etiam  justa  eiborum  coucoctione,  statim  et  de  repente  varia?  accessioncs 
irruunt,  presortim  ab  accepto  statim  cibo  ac  potu;  veluti  accidat  tussis, 
aut  fortida  sanguinis  per  os  rejectio,  aut  molesta  et  œgra  lotii  excretio, 
aut  dolor  in  alto  nitens,  aut  ardor  immensus  ac  plus  quam  juvenilis, 
autsensu3  erosionis,  aut  stuporis  perculsio,  punctura,  itemquo  tremor, 
singultus,  contractio,  eruptio  bullarum,  livor,  tumor,  coarctatio,  qua- 
rumdam  partium  putrefactio,  vomitus  lbrlidus  et  plcnus,  manifesta  ali- 
cujuB  venenosa;  qualitatis  apparitio,  et  demonstratio  :  ex  his  omnibus 
si  quid  repente  ab  accepto  cibo  sano  homini  accidat,  voneno  infectum 
hune  ipsurn  existimare  debemus.  (L.  xm,c.  M.) 


332  PATHOGÉNIE  ET  THÉRAPEUTIQUE. 

qui  traitent  le  minerai  arsenifèro  sont  habituelle- 
ment atteints  d'ulcérations  aux  aisselles  et  entre  les 
cuisses. 

Depuis  le  siècle  dernier,  les  faits  se  sont  multipliés  ; 
ce  qui  n'a  pas  empêché  Harles,  qui  a  emprunté  la  plus 
grande  partie  de  sa  monographie  {de  Usu  arsemci;  Nu- 
remberg*, 1811)  à  Hahnemann,  denier  l'existence  de  ces 
éruptions,  soit  générales,  soit  locales,  parce  que  ni  lui 
ni  ses  amis  n'ont  vu  pareille  chose.  MM.  Trousseau  et 
Pidoux  se  sont  contentés  de  copier  Harles,  ajoutant 
avec  assurance  que  ces  symptômes  arsenicaux  ne  sont 
que  des  rêveries  d'homœopathes  hypochondriaques  ;  et 
c'est  ainsi  qu'on  écrit  l'histoire  des  médicaments.  Ce- 
pendant les  thérapeutisles  étrangers,  comme  Perrira, 
Hunt,  Werber,  Œsterlen,  etc.,  signalaient  ces  exem- 
thèmes  d'arsenic,  et  les  toxicologistes  contemporains, 
plus  à  môme  de  vérifier  les  faits,  les  mentionnaient 
dans  leurs  ouvrages.  Suivant  Ghristison,  on  a  remar- 
qué dans  l'empoisonnement  arsenical  diverses  érup- 
tions, surtout  chez  les  individus  qui  survivent  plusieurs 
jours  :  elles  sont  encore  plus  fréquentes  dans  les 
accidents  prolongés  de  l'intoxication;  elles  sont  de  dif- 
férentes natures,  pétéchiales,  morbilliformes,  miliaires, 
rouges  ou  vésiculeuses.  Le  médecin  anglais  cite  à  ce 
sujet  les  observations  de  Guilbert  et  de  Schlegel.  Or- 
fila  signale  une  éruption,  surtout  à  la  partie  antérieure  de 
la  poitrine,  de  boutons  miliaires  non  vésiculeux,  ou  de 
pustules  qui  ne  tardent  pas  à  brunir  ;  quelquefois  cette 
éruption  a  l'aspect  de  petites  ampoules,  semblables  à 
celles  que  produisent  les  piqûres  d'orties. 

Plus  tard  Taylor,  en  décrivant  l'empoisonnement 
chronique,  signale  l'irritation  de  la  peau  s' accompa- 
gnant d'éruption  vésiculaire  que  l'on  a  nommée  eczéma 
arsenical.  Quelquefois,  l'éruption  a  pris  la  forme  d'urti- 


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DE  LACTION  DE  L  ARSENIC  SUR  LA  PEAU.  3  <3 

caire  ou  de  scarlatine,  ce  qui  a  fait  prendre  1  empoi- 
sonnement pour  une  fièvre  éruptive. 

A  partir  de  1840,  la  question  des  éruptions  profes- 
sionnelles vient  à  Tordre  du  jour.  Le  médecin  allemand 
Bramer  (journal  de  Gasper)  affirme  que  chez  les  ou- 
vriers employés  dans  différents  arts  à  pulvériser,  tami- 
ser l'arsenic,  etc. ,  il  survient  une  éruption  de  vésicules 
de  la  grosseur  d'une  tête  d'épingle,  ou  d'un  pois,  comme 
dans  la  gale  ordinaire,  que  par  suite  de  la  démangeai- 
son et  de  l'action  de  gratter,  ces  vésicules  disparaissent 
pour  être  remplacées  par  une  croûte  mince. 

En  1845,  M.  Blaudet,  à  l'aide  de  quelques  faits,  ap- 
pelle l'attention  sur  les  éruptions,  dues  à  l'arsénite  de 
cuivre  chez  les  ouvriers  employés  à  la  fabrique  de 
tenture  {Journal  de  médecine  de  Beau).  Chevalier,  deux 
ans  après,  dans  les  Annales  d'hygiène,  confirme  ces 
éruptions  professionnelles,  montrant  que  les  accidents 
signalés  par  M.  Blaudet  ont  lieu  réellement,  mais  qu'ils 
ont  peut-être  été  exagérés.  Dix  ans  plus  tard,  M.  Follin 
publie,  dans  les  Archives  générales  de  médecine,  une  ob- 
servation très-détaillée  sur  divers  accidents  éruptifs 
observés  chez  un  ouvrier  préparant  du  vert  deschwin  - 
furt  (arsénite  de  cuivre).  Je  pris  alors  occasion  du 
travail  de  M.  Follin  pour  publier  dans  le  Moniteur  des 
hôpitaux  (22  décembre  1857)  un  long  article  sur  l'his- 
toire des  éruptions  arsenicales,  pour  démontrer  que  ces 
éruptions  professionnelles  appartenaient  à  l'histoire 
de  l'arsenic,  qu'il  existait  déjà  sur  cette  question  un 
grand  nombre  d'observations,  et  je  tâchai,  en  classant 
les  matériaux,  de  diviser  ces  éruptions  diverses,  en  érup- 
tions ecchymotiques,  papuleuses,  ortiées,  vésiculeuses, 
érysipélateuses,  pustuleuses,  en  ulcération  et  gan- 
grènes. 

Depuis  lors  les  éruptions  arsenicales  professionnelles, 


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334  PATHOGÉNIE  ET  THERAPEUTIQUE. 

dues  au  sel  cuprique,  oui  été  particulièrement  étu- 
diées par  MM.  Pietra  Santa,  Beaugrand,  Chevallier, 
Vernovis,  et  en  Angleterre  par  le  DrHassell  (1). 

Le  Dr  Bazin,  dans  ses  Leçons  sur  les  affections  cutanées 
artificielles  (1862),  analyse  longuement  les  travaux  des 
médecins  français;  il  y  ajoute  même  une  observation. 
En  môme  temps,  deux  médecins  allemands,  Langen- 
dorfl  etKlose,  confirment  les  dires  de  leurs  devanciers 
sur  les  différentes  éruptions  éprouvées  par  les  ouvriers 
employés  aux  mines  arsenicales  (2). 

Depuis  mon  Histoire  des  Eruptions  arsenicales,  je  suis 
revenu  plusieurs  fois  sur  celte  question  ;  en  1858,  dans 
un  Mémoire  sur  le  prurit  vulvaire  et  son  traitement  arseni- 
cal (Moniteur  des  hôpitaux)  ;  en  1862,  dans  mes  Etudes 
sur  quelques  symptômes  de  l  arsenic  (Gazette  médicale)  ;  en 
1864,  en  traitant  (id.)  de  faction  de  l'arsenic  sur  les  parties 
génitales  externes;  et  en  1869,  publiant  une  longue  ob- 
servation d'empoisonnement  par  les  vapeurs  d'arsenic 
(Art  médical).  Je  reviens  encore  sur  le  même  sujet  pour 
le  traiter  à  fond  et  plus  en  grand,  parce  que  depuis 

(1)  Petra  Santa.  Existc-t-il  une  affection  propre  aux  ouvriers  qui  ma- 
nient le  vert  de  Sehwrinfurt?  (Annales  d'hygiène,  1858).  —  Beaugrand. 
Des  différentes  sortes  d'accidents  causes  pur  les  verts  arseni*  aux  em- 
ployés dans  l'industrie  (Gazette  des  hôpitaux,  l«r  et  8  murs  18Î19).  — 
Chevallier.  Hecherches  sur  les  dangers  (pue  présentent  le  vert  de 
Sehwrinfurt,  le  vert  ursenical  et  l'arsénitc  de  cuivre  (Annales  d'hy- 
giènes  18S9).  —  Vernois.  Mémoires  sur  les  accidents  produits  par  les 
verts  arsenicaux  chez  les  ouvriers  fleuristes  et  les  apprôteurs  d'étoffes 
pour  fleurs  artificielles  en  particulier  (Annales  d'hygiène,  1859\  — 
Hassall.  Des  dangers  de  la  couleur  verte  dans  les  feuilles  et  fleurs  arti- 
ficielles {The  Lance t,  1860). 

(3)  Langendorff.  Ueber  die  gesundhrits  rùcksichten  tri  Aulage  und  l/nl«r- 
haltung  von  Hiïttemccrken  (Henke's  reitschrift,  18a").—  Klosc  (Handbuch 
der  Sanilats  polizei.  Lappcncheim,  1858). 

On  trouvera  dans  les  chapitres  suivants  d'autres  indications  bibliogra- 
phiques pour  l'histoire  des  éruptions  arsenicales.  Si  je  n'ai  pas  men- 
tionné M.  Tardieu,  il  n'en  a  pas  moins  traité  la  question  en  reproduisant 
sommairement  ce  que  j'avais  écrit  en  1857. 


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1>E  l/ ACTION  DE  I,' ARSENIC  SUR  LA  PEAU.  335 

1857,  les  faits  se  sont  considérablement  multipliés,  et 
que  de  nouvelles  recherches  auront  mis  à  même  de  re- 
cueillir un  plus  grand  nombre  de  matériaux.  Je  tiens 
à  compléter  et  à  agrandir  mes  travaux  précédents,  en 
traitant  aujourd'hui  de  l'action  de  l'arsenic  sur  la  peau. 
Telle  est  du  reste  l'importance  des  éruptions  arseni- 
cales en  médecine  légale,  que  plus  d'une  fois  elles  ont 
été  cause  d'erreur  de  diagnostic  et  que  des  médecins 
n'ont  vu  que  des  exanthèmes  là  où  il  y  avait  empoi- 
sonnement. 

CHAPITRE  III. 

KRYTHEME. 

Faut-il  voir  un  cas  d'érythème  dans  une  observation 
de  Wepfer,  où  il  s'agit  d'un  enfant  empoisonné  par  une 
servante  :  «  Puellus  post  meridiem  assumpta  pulticula 
«  valde  distuabat....  loto  corpore  rubicundus  evasit  et 
«  maduit....»  (Cicutœ  aquaticae  historia.  1679,  p.  275.) 

L'observation  suivante  de  Fr.  Hoffmann  est  bien 
plus  positive.  Il  s'agit  de  toute  une  famille  empoison- 
née par  l'arsenic,  père,  mère  et  deux  enfants:  «  Uxor 
«tandem  efflorescentiam,  purpurue  similem,  cum  in- 
osigni  ardore,  prurituque  junctam,  per  totum  corpus 
aexperta,  una  cum  marito  et  altero  infantuin,  ut  ut 
<*  longo  tempore  convaluerunt.  »  (Fr.  Ilottmanni  opéra, 
t.  III,  p.  172,  1748.) 

Empoisonnement  chez  une  jeune  lille  de  22  ans  (1). 
Au  bout  de  vingt-quatre  heures,  le  Df  Newman  la 
trouva  sans  connaissance,  toute  la  peau  couverte  de 
taches  rouges  (Horns,  Archiv.  1811).  .le  classe  cette 

(I)  Pour  abroger,  je  déclare  que  le  mot  empoisonnement,  dans  une 
observation,  se  rapporte  toujours  à  l'empoisonnement  interne.  Toutes  les 
fois  que  l'empoisonnement  a  eu  lieu  par  application  interne,  ou  inhala- 
tion pulmonaire,  j'ai  soin  de  l'indiquer. 


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336  PàTHOGÉNIE  ET  THERAPEUTIQUE. 

observation  parmi  les  erythèmes,  malgré  le  défaut  de 
description  détaillée.  On  verra  aussi  par  la  suite  un 
certain  nombre  d'observations,  incerta  sedis;  je  les  ai 
classées  comme  j'ai  pu;  classement  qui  ne  peut  avoir 
qu'une  valeur  relative. 

Trois  jeunes  filles  sont  empoisonnées  accidentelle- 
ment à  quatre  heures  du  soir.  Le  lendemain  à  neuf 
heures,  entre  autres  accidents,  leur  poitrine  et  leur 
nuque  étaient  couvertes  de  taches  pourprées.  (M.  Leod. 
Edin  b .  med.  journal,  1819.) 

Un  domestique,  âgé  de  22  ans,  meurt  en  huit  jours 
par  suite  d'empoisonnement.  A  l'autopsie,  qui  a  lieu  le 
jour  môme  de  sa  mort,  on  trouve  sur  le  côté  droit  du 
cou  une  tache  semée  de  rouge,  de  la  largeur  de  trois 
doigts.  (Schlegcl.  Henkes  Zeitschrift,  1821.) 

Une  petite  fille  âgée  de  7  ans  est  empoisonnée  ac- 
cidentellement, à  deux  heures  du  soir.  Accidents  de 
forme  commune;  administration  du  tritoxyde  de  fer  hy- 
draté. La  nuit  est  bonne,  ainsi  que  la  journée  suivante. 
Depuis  ce  temps,  ayant  mangé  plus  qu  elle  ne  devait 
faire,  elle  a  présenté  quelques  signes  d'irritation  intes- 
tinale :  soif,  nausées,  deux  ou  trois  vomissements, 
douleurs  de  ventre  et  une  éruption  de  petites  plaques 
rouges  qui  a  duré  trois  jours.  (Bineau  et  Majesté,  Jour- 
nal  des  connaiss.  méd.-c/i/rurg.,  novembre  1835.) 

Deux  petites  filles,  l'une  de  3  ans,  l'autre  de  5,  meu- 
rent empoisonnées  par  l'arsenic,  la  première  en  vingt- 
sept  heures,  la  seconde  en  quatre-vingt-cinq.  La  plus 
jeune  est  autopsiée  au  bout  de  quarante-huit  heures, 
l'autre  après  vingt-trois  heures.  C'était  au  mois  de 
janvier  :  absence  complète  de  lividités  cadavériques, 
mais  chez  toutes  deux  il  y  avait  une  rougeur  scarlati- 
neuse  à  la  partie  interne  des  cuisses.  (HafTler,  Schweize- 
mv/tz  Zvitachrift  von  Pommer.  1839.) 


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DE  L'ACTION  J)E  L  ARSENIC  SUR  LA  l'ISA U.  337 

Un  individu  qui  avait  des  dispositions  à  l'apoplexie  et 
qui  avait  pris,  par  ordre  de  médecin,  15  gouttes  de 
Fowler,  trois  lois  par  jour,  pendant  huit  mois  et  demi, 
finit  par  succomber  aux  accidents  de  l'empoisonnement 
chronique;  il  y  avait,  entre  autres,  érythème  ou  rougeur 
inflammatoire  de  la  figure  (Hooper,  Médical  Times,  1847). 

Sur  26  malades  traités  par  1  à  4  centigrammes  d'ar- 
senic par  jour,  pour  fièvres  intermittentes,  15  ont 
éprouvé  des  accidents  divers  ;  l'un  d'eux  eut  une  gas- 
tro-entérite très-grave  avec  érythème  général  (Cham- 
pouillon,  Gazette  des  hôpitaux,  1850). 

Marchand  dit  avoir  vu,  chez  un  malade  traité  par 
l'arsenic  pour  une  maladie  autre  qu'une  dermatose,  sur- 
venir un  érythème  très-aigu  des  deux  cuisses,  de  la 
diarrhée  et  des  papules.  Dans  un  second  mémoire,  il 
ajoute  avoir  observé  plusieurs  cas  dérythème  arsenical. 
J'ai  vu  également,  dit-il,  Yérythèmc  arsenical.  Dans  un 
cas,  sa  rougeur  avait  une  teinte  écarlate.  Il  y  eut  du 
malaise,  le  remède  fut  suspendu  et  l'érythème  disparut, 
sans  desquamation.  L'arsenic,  dans  ce  cas,  était  admi- 
nistré contre  une  bronchite  grave.  (Annales  méd.  de  la 
Flandre  occidentale.  1851  et  1854.) 

Dans  un  cas  d'éruption  miliaire  survenue  pendant  le 
traitement  arsenical  d'une  fièvre  intermittente,  du  sep- 
tième au  dixième  jour  du  traitement,  et  siégeant  au  cou 
et  aux  épaules,  il  y  avait  en  même  temps  des  plaques 
d'un  rouge  assez  vif,  de  4  centimètres  de  largeur. 
L'éruption  dura  six  à  sept  jours  environ.  (Sistach,  Ga- 
zette médicale,  1861.) 

En  expérimentant  l'arsenic  sur  lui-même,  pendant 
près  de  trois  mois,  et  s'élevant  progressivement  de 
5  milligrammes  à  plus  de  10  milligrammes  par  jour, 
le  Dr  Vaudey,  au  bout  de  deux  mois  et  demi,  note,  entre 
autres  accidents,  des  picotements  sur  toutes  les  parties 

TOMK  XXXII.  -    N'JVfcMBftK  KT  Oh.ZUURl  1870.  21 


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338  PATHOGÉNIE  ET  THERAPEUTIQUE. 

du  corps  avec  éry thème  (thèse  de  Strasbourg,  1870). 

Taylor  affirme,  dans  son  Traité  de  toxicologie,  que,  dans 
l'empoisonnement  arsenical  chronique,  il  y  a  quelquefois 
éruption  urticaire,  ou  scarlatineuse,  ce  qui,  dansquelques 
cas,  a  trompé  les  médecins  sur  la  cause  de  la  maladie. 

Dans  mes  expériments  physiologiques,  j'ai  vu  plus 
d'une  fois  apparaître  des  plaques  d  erythème  sur  des 
sujets  traités  à  dose  infinitésimale.  Catherine  J...  entre 
dans  mon  service,  à  l'IIôtel-Dieu,  en  1857.  C'est  une 
jeune  fille  âgée  de  20  ans,  que  la  misère,  plutôt  que  la 
maladie,  amène  à  l'hôpital.  Elle  ne  se  plaint  que  de  fa- 
tigue dans  les  jambes.  A  partir  du  27  octobre,  je  lui 
fais  prendre  trois  doses  par  jour  d'arséniate  de  fer  à  la 
quatrième  trituration.  Dès  les  premiers  jours,  il  lui  vient 
des  élancements  dans  les  tempes,  du  rhume  et  de  l'en- 
chifrènement,  larmoiement  des  yeux  avec  sensation  de 
brûlure.  Le  2  octobre,  démangeaison  sur  le  côté  gauche 
du  cou,  avec  un  peu  de  rougeur  ;  le  lendemain,  déman- 
geaison à  la  figure,  même  rougeur.  Le  5,  démangeaison 
générale,  plaques  d'un  rouge  diffus  sur  les  membres. 
Les  jours  suivants,  accidents  divers  de  vertige,  de 
troubles  de  la  vue,  persistance  des  démangeaisons.  Les 
accidents  cessent  avec  le  remède. 

Hahnemann  n'a  parlé  nulle  part,  pour  son  compte, 
de  ce  genre  d'éruption;  il  n'a  pas  môme  cité,  dans  ses 
dernières  pathogénésies}  de  faits  d'érythèmes  signalés 
par  d'autres  auteurs.  En  résumé,  il  existe  un  érythème 
d'origine  arsenicale.  11  appartient  aussi  bien  à  l'empoi- 
sonnement aigu  qu'A  l'empoisonnement  chronique.  Il  se 
rencontre  de  préférence  lorsqu'il  y  a  eu  ingestion  du 
poison  à  l'intérieur,  que  la  dose  aitété  toxique,  moyenne 
ou  infinitésimale.  On  l'a  constaté  surtout  pendant  la 
vie,  et  quelquefois  après  la  mort. 


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DE  l'àCTIO.N  DE  LARSEN1C  SUR  LA  PEAU.  339 

CHAPITRE  IV. 

ERYSIPÈLE. 

Deux  enfants  s'empoisonnent  en  avalant  chacun  une 
pincée  d'arsenic.  Les  accidents  de  fièvre  et  de  douleur 
persistent  quelques  jours.  Le  plus  jeune  g  uérit  le  pre- 
mier; l'aîné  eut  en  outre  le  visage  rouge  et  enflé,  mais 
cette  éruption  disparut  vite.  (Preussius,  Acia  naturx  eu- 
riosorum,  1715.) 

J'ai  vu,  dit  Belloc,  une  femme  âgée  de  56  ans,  qui  eut 
l'imprudence  de  se  laver  le  corps  avec  une  dissolution 
d'arseniepar  ébullition  dans  l'eau  commune,  pourguérir 
une  gale  dont  elle  était  attaquée.  Elle  enfla  de  tout  le 
corps,  autant  que  la  peau  peut  prêter  ;  elle  fut  couverte 
d'un  érysipèle  général  et  éprouva  pendant  plusieurs 
jours  un  feu  qui  la  dévorait.  Sagaie  se  dissipa,  à  la  vé- 
rité; mais  elle  traîna  une  vie  languissante  pendant  dix 
ans,  au  bout  desquels  elle  mourut,  ayant  toujours  con- 
servé un  tremblement  dans  tous  ses  membres.  {Cours de 
médecine  légale,  an  IX.) 

Girdlestone,  médecin  anglais,  qui  paraît  avoir  été  le 
premier,  dit  Rayer,  à  avoir  employé  l'arsenic  dans  les 
maladies  de  la  peau,  ce  qui  est  une  erreur  historique 
complète,  nous  fournit,  dans  ses  expériences  sur  la  lèpre, 
des  faits  physiologiques  intéressants.  Dans  un  premier 
cas,  après  trois  doses  de  8  gouttes  chacune  de  teinture 
de  Fowler,  en  vingt-quatre  heures,  le  corps  entier  du 
malade  devint  d'un  rouge  d'écrevisse,et  son  visage  offrit 
l'aspect  d'uneinflammationérysipélateusecommentuinte. 
Voici  un  autre  fait  de  Girdlestone  qui  se  rapporte  plutôt 
à  l'éry thème,  et  que  je  consigne  ici.  Un  malade,  qui 
avait  depuis  deux  ans  de  larges  plaques  de  lepra  nigri- 
cans  sur  les  joues,  prit  4  gouttes  de  solution  miné- 


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340  PATHOGÉNIE  ET  THERAPEUTIQUE. 

raie,  deux  fois  par  jour.  La  première  dose  produisit  une 
rougeur  d  ecrevisse  à  la  peau,  de  la  tension  dans  tout  le 
ventre  et  un  léguer  évanouissement.  Le  malade  fut  sou- 
lagé par  1  grain  de  calomel,  et  sa  lèpre  fut  guérie  par 
2  gouttes  de  solution,  prises  deux  fois  par  jour,  pen- 
dant six  semaines.  Après  une  légère  récidive,  il  reprit  le 
médicament  à  la  dose  de  4  gouttes,  qui  produisirent  les 
mêmes  effets  que  ceux  décrits  ci-dessus.  Enfin  le  malade 
parvint  à  se  guérir  de  nouveau,  en  prenant  la  solution  à 
la  dose  de  2  gouttes  et  sans  en  éprouver  d'accidents. 
(Edinb.  med.  Journal,  1806.) 

On  lit  dans  le  même  journal  (1808)  une  observation 
du  Dr  Kellic.  Il  s'agit  d'un  rhumatisme  articulaire  chro- 
nique, traité  pendant  trois  mois,  avec  trois  intermissions 
de  dix  jours,  par  la  teinture  de  Fowler,  donnée  progres- 
sivement de  5  à  10  gouttes  par  jour.  Pendant  chaque 
série  du  traitement,  à  trois  reprises  différentes,  il  sur- 
vint enflure  du  visage  et  des  paupières,  puis  érysipèle 
envahissant  toute  la  figure  et  se  terminant  par  desqua- 
mation, au  bout  d'un  septénaire,  et  cependant,  à  la 
dernière  série,  on  n'était  pas  allé  au  delà  de  7  gouttes 
de  solution. 

Renier  parle  d'une  femme  enceinte  qui  commit  l'im- 
prudence de  se  laver  avec  une  eau  arsenicale  pour  se 
débarrasser  de  vermine.  Il  survint  un  érysipèle  pustuleux 
sur  la  tête,  la  figure,  la  nuque,  le  dos,  les  épaules  et  la 
poitrine;  il  y  eut  même  menace  d'avortement.  {Lehrbuch 
der  Chemie,  Hllnest,  1812.) 

Le  Recueil  périodique  {{#  1 0)  contient  un  compte-  rend  u  de 
Broussais  sur  l'emploi  de  l'arsenic  dans  les  fièvres  intermit- 
tentes par  un  médecin  espagnol.  Depuis  un  an,  toutes  ces 
fièvres  étaient  traitées  avec  succès.  Le  médecin,  pour  la 
suppression  du  médicament,  ne  tenait  aucun  compte  du 
gonflement  érysipélateux  de  la  face  et  de  divers  autres 


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DR  l/ ACTION  DR  L  ARSENIC  SUR  LA  PRAT".  341 

accidents  qu'il  n'avait  jamais  vu  entraîner  de  suites  fâ- 
cheuses. Bouiller  (id.,  1813)  vit  un  de  ses  fébricitants 
être  pris  d'un  fort  érysipèlede  la  face,  après  la  première 
dose  d'arsenic.  Kleinert,  décrivant  l'empoisonnement 
aigu,  note  1  erysipèle  parmi  les  accidents  consécutifs  : 
«  Peculiarisspecieserysipclatisfaciem  obtinentis.  »  (Diss. 
de  arsenico,  Lipsiœ,  1825,  p.  7.) 

Un  individu  s'était  occupé  à  moudre  et  à  tamiser  de 
l'arsenic,  et,  quoiqu'il  eût  pris  la  précaution  de  se  couvrir 
d'un  linge  la  bouche  et  le  visage,  il  n'en  fut  pas  moins 
pris,  peu  de  temps  après  son  ouvrage,  des  accidents  les 
plus  sérieux.  Lecuir  chevelu  était  recouvert  d'un  grand 
nombre  de  pustules  dures  et  isolées;  toute  la  figure  et 
les  oreilles  étaient  extraordinairement  gonflées,  avec 
rougeur  érysipélateuse  et  grosses  bulles.  Mêmes  acci- 
dents, mais  à  un  degré  moindre,  aux  mains  et  sur  les 
parties  couvertes  du  corps,  le  scrotum  excepté,  qui  était 
fortement  pris,  très-enflé  et  couvert  de  grosses  bulles 
qui  ne  tardèrent  pas  à  crever  et  prirent  tout  à  fait  l'as- 
pect gangréneux.II  veut  en  outre  de  violentes  douleurs, 
du  délire,  de  l'insomnie,  convulsion  des  membres, trem- 
blement des  mains,  grande  anxiété,  langue  sèche, 
respiration  gênée,  parfois  vomissement  et  fièvre  violente. 
Le  malade  mit  quatre  semaines  à  se  rétablir.  Pendant 
la  convalescence,  il  perdit  ses  cheveux  en  quantité  con- 
sidérable et  conserva  longtemps  après  des  tiraillements 
douloureux  dans  les  membres  (florst.  med.  Zeitumj,  in 
Preussen,  1840). 

L'observation  suivante  se  rapporte  à  un  fait  d'empoi- 
sonnement chronique  par  le  séjour  dans  un  appartement 
peint  en  vert  arsenical. 

Observation  I.  —  Une  dame  âgée  de  75  ans  habitait  depuis  sept 
ans  une  chambre  peinte  en  vert  arsenical.  Bien  portante  aupara- 
vant, elle  fut  prise  un  an  après  d'une  lientérie  qui  résista  plusieurs 


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342  PATHOGÉNIR  ET  THÉRAPEUTIQUE. 

mois  à  une  foule  de  remède;».  A  la  fiu,  des  bains  chauds,  la  noix 
vomique  et  un  séjour  de  plusieurs  mois  à  Berlin  finirent  par  la  ré- 
tablir. L'automne  suivant  elle  est  prise  de  raucité  de  la  voix  avec 
toux  sèche  et  irritation  chronique  des  glandes  de  Meibomius  ;  la 
lientérie  revint  alors  pour  durer  jusqu'en  été,  époque  où  les  bains 
chauds  et  le  séjour  à  Lauchstadt  la  guérirent  de  nouveau.  L'hiver 
suivant,  nouvelle  tendance  à  la  diarrhée,  et  il  survint  au  printemps 
un  gonflement  érysipélateux  des  deux  jambes  sans  qu'il  y  eût  des 
varices,  et  en  même  temps  une  grande  faiblesse.  L'exanthème  était 
rouge  bleuâtre,  et  sur  certains  points  rouge  noirâtre  ;  il  y  avait  ça 
et  là  des  bulles  confluentcs  remplies  d'un  sérum  bleuâtre.  Le 
Dr  Basedow,  qui  est  l'auteur  de  cette  observation,  et  qui  le  premier 
a  appelé  l'attention  sur  cette  forme  d'emprisonnement  chronique, 
prit  d'abord  cette  maladie  pour  une  suite  de  lientérie  et  une  altéra- 
tion du  sang  ;  mais  il  changea  bientôt  d'avis,  ayant  vu  dans  un 
autre  cas  et  dans  les  mêmes  conditions  un  exanthème  ruhcoliforme 
confluent  d'un  rouge  bleuâtre  se  développer  sur  les  avant-bras  et 
sur  les  mains,  avec  névralgie  antibrachiale  et  anesthésie  des  doigts. 
(Basedow,  Preus.  ver.  Zehung,  1846.) 

Un  individu  s'empoisonne,  le  13  mai  1847,  avec  de  la 
mort  aux  rats.  Les  deux  ou  trois  premiers  jours,  acci- 
dents ordinaires  de  l'empoisonnement,  violents  et  tu- 
multueux. 

Le  10,  au  côté  gauche  de  la  figure,  région  paroti- 
dienne,  la  peau  est  enflammée,  rouge,  épaissie,  ferme 
et  douloureuse,  devenant  jaune  sous  l'impression  du 
doigt. 

Le  20,  vertiges  en  se  levant,  douleurs  du  gosier  à 
raison  d'ulcérations  existant  depuis  trois  jours.  La  rou- 
geur s'est  agrandie  et  couverte  de  nombreuses  vésicules 
remplies  d  une  sérosité  jaunâtre.  L'éruption  envahit  le 
pourtour  du  nez  et  de  la  bouche.  Le  lendemain,  elle 
couvre  tout  le  visage.  Le  23,  l  erysipèle  est  en  pleine 
voiededesquamation.  Le  25,  malgré  l'état  de  dessiccation 
et  la  chute  des  croûtes,  l'oreille  gauche  se  couvre  de 
nouvelles  vésicules.  Le  27,  guérison  complète  ;  plus  tard, 


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DE  L* ACTION  DE  i/aRSFNIC  SUR  LA  PEAU.  343 

accidents  anesthésiques  des  extrémités  inférieures.(Spen- 
gler.  HmkësZen.,  1848). 

Taylor  cite  une  observation  du  Dr  Stilli  [Amer.  med. 
Journal,  1848)  :  une  femme  frotta  la  tête  do  ses  enfants, 
affectés  de  porrigo,  avec  une  solution  alcoolique  d'une 
demi-once  d'arsenic;  la  figure  devint  rouge  et  enflée; 
l'un  des  enfants  mourut,  avec  diarrhée  et  paralysie  des 
extrémités  inférieures. 

Je  n'ai  jamais  vu,  pour  mon  compte,  survenir  de 
grands  érysipèles  ;  mais,  dans  mes  nombreux  expéri- 
ments  sur  l'arsenic,  à  dose  moyenne,  comme  à  dose 
infinitésimale.  J'ai  vu  plus  d'une  fois  l'érysipèle  partiel 
de  la  face,  surtout  borné  aux  paupières,  nouvelle  preuve 
de  l'électivité  manifeste  de  l'arsenic  sur  les  yeux.  Voici 
un  exemple  où  l'action  prolongée  de  l'arsenic  est  re- 
marquable : 

Observation  II.  —  Parpalay,  entre  à  l'Hôtel-Dieu  de  Clermont- 
Ferrand  le  10  septembre  1851.  Le  2i,  troisième  accès  d'une  fièvre 
tierce.  Traité  jusqu'au  8  octobre  par  la  solution  arsenicale  de  Fow- 
ler,  2  gouttes  par  jour  dans  une  potion.  La  fièvre  diminue  en 
intensité  à  chaque  accès  et  disparait  complètement  le  8  octobre. 
Mais  dans  les  premiers  jours  du  mois,  le  malade  se  plaint  de  brouil- 
lards dans  les  yeux,  de  larmoiement  et  de  démangeaisons  aux  pau- 
pières ;  en  même  temps  il  est  enchifrené. 

Les  5  et  0,  il  se  plaint  beaucoup  de  ses  yeux,  ils  lui  cuisent,  et  il 
ne  peut  pas  regarder,  à  ce  qu'il  dit.  Même  enchifrènement.  Les 
jours  suivants,  diminution  des  accidents.  Lo  12,  il  se  plaint  encore 
de  démangeaisons  aux  paupières.  Lo  18,  il  n'éprouve  plus  rien.  Le 
28,  l'éruption  prurigineuse  ou  eczémoïde  discrète  depuis  deux  jours 
sur  tout  le  côté  gauche  du  tronc  ;  il  existe  quelques  boutons  au 
bras.  Le  2  novembre,  cette  éruption  dure  encore  et  lui  cause  beau» 
coup  de  démangeaison.  Léger  érysipèle  autour  des  yeux  depuis 
hier.  Le  t,  l'érysipèle  disparait  ;  le  malade  n'en  avait  jamais  eu, 
l'eczéma  touche  à  ?a  fin.  Sorti  guéri  quelques  jours  après. 

Les  diverses  pathogénésies  de  l'école  homœopathique 


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I 


M  1  PATHOGKN1R  ET  THERAPEUTIQUE. 

i 
i 

ne  font  pas  mention  de  l'érysipèle  (Hahnemann,  Black, 
Jahr).  Il  est  inutile  d'ajouter  que  lérysipèle  s'est  souvent 
développé  dans  le  cas  d'application  de  pâte  arsenicale  ^ 
sur  le  cancer.  Il  se  produit  à  dose  médicinale  comme  à 
dose  toxique,  et  aussi  à  dose  infinitésimale,  d'après  mes 
expériments  personnels.  On  peut  aussi  considérer  l'em- 
poisonnement par  le  séjour  dans  les  appartements  à 
couleurs  ou  tentures  arsenicales  comme  opérant  à  dose 
infinitésimale,  témoin  l'observation  Basedow. 

CHAPITRE  V. 

URTICAIRE. 

Fowler  est,  à  ma  connaissance,  le  premier  qui  ait  si- 
gnalé l'urticaire  arsenicale.  C'est  en  traitant  une  série 
de  fièvres  intermittentes  par  la  solution  à  laquelle  il  a  •« 
attaché  son  nom,  qu'il  a  constaté  ceg'enre  d'exanthème. 
Chez  un  petit  nombre  de  malades,  le  remède  occasionna 
dumalaise.de  la  douleur  à  l'estomac  et  une  légère  érup- 
tion de  la  nature  de  l'urticaire. 

Dans  une  observation  de  Gendrin,  on  voit  après  un  em- 
poisonnement grave  survenir  au  bout  de  quarante-huit 
heures,  sur  le  cou  et  la  poitrine,  une  éruption  prurigi- 
neuse très-confluente,  ressemblant  à  l'urticaire.  L'exan- 
thème g'ag'na,  dans  la  journée,  jusqu'au  cuir  chevelu, 
la  partie  postérieure  du  cou  et  des  épaules,  et  disparut 
dans  la  nuit.  [Recueil périodique,  1823.) 

Le  Journal  de  chimie  médicale  (1846)  donne  l'observa- 
tion d  une  famille  entière  de  douze  individus,  empoi- 
sonnée par  l'arsenic.  Dès  le  second  jour,  apparaît  la  , 
conjonctivite  arsenicale  sur  plusieurs  d'entre  eux,  et, 
deux  jours  après,  une  éruption  ortiée  ou  miliaire. 

Un  homme  de  27  ans,  ivrog*ne  de  profession,  s'empoi- 
sonne le  15  avril  et  meurt  au  bout  de  huit  jours.  Le  18, 


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DR  L'ACTION  DE  i/ARSENIC  SUR  LA  PEAU.  345 

éruption  de  plilyctènes  autour  de  la  bouche.  Le  19,  pa- 
rotidite intense  du  côté  gauche  Le  21,  on  voit  apparaître, 
après  une  très-mauvaise  nuit,  une  forte  éruption  ortiée 
sur  tout  le  corps,  le  visage  excepté.  Le  lendemain, 
l'exanthème  avait  disparu.  (Kersten,  Deutsche  Klinik, 
1851.) 

Sur  108  fièvres  intermittentes  traitées  par  l'arsenic, 
36  malades  éprouvent  des  accidents  arsenicaux.  Zeroni 
note,  parmi  eux,  une  fois  l'urticaire  (id.,  1851).  Dans  le 
courant  d'un  traitement  arsenical  pour  un  prurit  vul- 
vaire,  M.  Marchand  a  vu  sur  venir  des  plaques  d'urticaire 
pendant  plusieurs  jours,  en  dehors  du  lieu  affecté  (/oc. 
cit.). 

Observation  III.  —  N...  travaille  depuis  un  mois  dans  les  ateliers 
de  la  fabrique  de  fuchsine.  Depuis  huit  jours,  il  souffre  d'une  cuis- 
son vive  aux  bourses  avec  œdème  des  mêmes  parties.  Les  pieds  et 
les  mains  sont  depuis  le  même  temps  le  siège  d'une  éruption  avec 
prurit  extrême.  Entré  à  l'Hôtel- Dieu  de  Lyon  le  3  mai. 

Actuellement  la  verge  et  les  bourses  sont  considérablement  œdé 
matiées,  les  mains  et  les  pieds  présentent  un  léger  œdème  et  une 
éruption  ortiée  qui  occasionnent  un  prurit  excessif.  (Charvet,  Etude 
sur  une  épidémie  qui  a  sévi  parmi  les  ouvriers  employés  à  la  fabrication 
de  la  fuchsine,  thèse  de  Paris,  1863.) 

Orfila  etTaylor  ont  signalé  l'éruption  urticaire.  Chris- 
tison  la  passe  sous  silence.  Voici  ce  que  je  disais  à  ce 
sujet,  il  y  a  bientôt  quinze  ans  :  C'est  une  des  formes 
d'exanthème  arsenical  les  plus  fréquentes.  J'ai  vu  sou- 
vent les  sujets  arsénicisés  accuser  des  boutons  appa- 
raissant à  la  figure,  au  col  et  sur  les  membres,  et 
disparaissant  dans  la  même  journée  :  Une  jeune  fille 
que  je  traitais,  il  y  a  quelques  jours,  par  Tarséniate  de 
fer,  m'a  offert,  pendant  deux  jours  consécutifs,  dans 
toute  la  longueur  des  quatre  membres,  une  fort  belle 
éruption  ortiée  confluente.  Les  boutons  étaient  blancs, 


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340  PATHOOÉNIE  ET  THÉRAPEUTIQUE. 

légèrement  rosés  et  uniformément  grands  comme  des 
lentilles;  ils  étaient  en  même  temps  accompagnés 
d'une  démangeaison  considérable.  (Moniteur  des  hôpitaux, 
1857.) 

Hahnemann  a  signalé  l'urticaire  dans  sa  pathogène- 
sie;  non-seulement  il  citeFowler,  mais  il  note  une  sorte 
d'éruption  cuisante,  incolore,  tout  autour  du  cou,  sur 
les  épaules  et  aux  côtés  (§  604).  Ailleurs,  Fr.  Hahne- 
mann, un  de  ses  coexpérimentateurs,  décrit  une  érup- 
tion serrée  de  petits  boutons  ayant  la  couleur  du  reste 
de  la  peau,  de  la  grosseur  d'une  lentille,  et  plus  petits, 
avec  douleur  cuisante,  qui  est  ordinairement  plus  forte 
la  nuit  que  1p  jour  (§  807).  Ces  éruptions,  où  l'on  recon- 
naît facilement  l'urticaire,  ont  été  obtenues  très  certai- 
nement à  doses  infinitésimales. 

Il  m'a  été  donné  de  voir  un  fort  bel  exemple  à'urticaria 
tuberosa  arsenicale.  Je  crois  ce  fait-là  unique  dans  la 
science.  J'ai  publié  cette  observation  intéressante,  en 
août  1869,  dans  l'Art  médical.  Je  la  reproduis  ici  en 
l'abrégeant  : 

* 

Observation  IV.  —  J'ai  reçu  tout  récemment,  aux  eaux  de 
Royat,  la  visite  d'un  ouvrier  qui  m'était  adressé  par  le  médecin 
de  la  Trappe  d'Aignebellc.  Le  révérend  père  trappiste  me  l'en- 
voyait, à  1'eflet  de  statuer  sur  sa  maladie  qu'il  croyait  d'origine  ar- 
senicale. J'ai  gardé  le  malade  trois  ou  quatre  jours  seulement,  je 
l'ai  longuement  interrogé  et  examiné  ;  il  m'a  offert  un  cas  très- 
curieux  d'intoxication  chronique  par  l'arseuic. 

Jacques  Hérard  est  employé  depuis  six  ans  dans  une  fonderie 
d'argent  du  département  de  l'Isère,  comme  concierge  et  employé 
au  laboratoire  d'essai.  Quand  on  découvre  les  creusets  au  point 
voulu  d<-  fusion  du  minerai,  il  s'en  échappe  des  vapeurs  blanches 
à  odeur  d'ail  qui  remplissent  le  laboratoire,  et  persistent  plus  ou 
moins  selon  la  force  de  tirage  des  cheminées  d'appel.  Il  en  est  de 
même  dans  les  hauts  fournaux.  Quand  le  tirage  est  faible  sous  l'in- 
fluence de  certains  vents,  surtout  celui  du  midi,  l'usine  entière. 


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DE  L'ACTION  DR  LARSEXIC  SUR  LA  PEAU.  317 

ainsi  que  la  loge  du  conc'-erge,  sont  remplies  de  ces  fumées  à  odeur 
d'ail  qui  donnent  mal  au  cœur  et  envie  de  vomir. 

C'est  à  ces  conditions  d'habitat  et  de  travail  que  Jacques  Hérard 
doit  les  divers  accidents  auxquels  il  est  sujet.  Pendant  les  trois  pre- 
mières années,  css  accidents  ne  se  sont  présentas  que  sous  la  forme 
de  coliques  avec  dévoiement  dysentérique...;  depuis  le  mois  de  sep- 
tembre 186G,  les  accidents  ont  changé  de  forme  :  ils  consistent  dans 
une  série  continuelle  d'éruptions  à  la  peau,  et  parfois  d'oppression 
sternale  et  de  gonflement  aux  bourses. 

Quand  Hérard  a  travaillé  fort  et  toute  la  journée  au  laboratoire, 
le  soir  il  a  le  cœur  malade,  grande  soif  et  pas  d'appétit.  Il  est  comme 
assommé,  pris  d'un  sommeil  à  dormir  debout,  ce  qui  est  pour  lui 
un  signe  avant-coureur  de  ses  éruptions  ;  en  même  temps  frissons 
passagers  de  quelques  minutes.  11  est  agité  toute  la  mut  et  en 
sueurs;  sommeil  interrompu,  rêvasseries.  Ces  éruptions  viennent 
surtout  la  nuit.  Il  commence  i  sentir  des  démangeaisons  en  diverses 
parîies  de  la  peau,  puis  le  tégument  gonfle  avec  une  sensation  de 
cuisson  brûlante  :  c'est  comme  si  on  lui  dirigeait  sur  la  peau  des 
vapeurs  d'eau  bouillante.  Ces  gonflements  de  la  peau  sont  des  éle- 
vures  à  dimension  et  épaisseur  variables;  ce  sont  tantôt  comme  des 
lentilles  ou  des  pièces  de  20  sous,  tantôt  comme  de  larges  plaques 
qui  ont  parfois  l'étendue  de  la  main  ;  ce  sont  de  véritables  bosses 
plus  ou  moins  étendues.  Il  lui  arrive  parfois  d'avoir  des  gonflements 
très -considérables  occupant  tout  le  gras  du  bras. 

J'ai  été  à  même  d'observer  pendant  deux  jours  ces  gonflements 
singuliers.  Le  premier  jour,  il  lui  était  survenu  pendant  la  nuit  au 
front  un  de  ces  gonflements;  je  le  vois  à  neuf  heures  du  matin; 
tout  le  front  est  gonflé,  dur,  d'un  rouge  luisant.  C'est  une  grosse 
bosse,  comme  provenant  d'une  forte  contusion ,  offrant  au  point 
culminant  une  véritable  papule  large  comme  une  pièce  de  20  sous, 
plus  rouge  que  le  tissu  rosé  ambiant.  Cette  papule  faisait  elle- 
même  une  légère  élevure  aplatie.  Le  lendemain,  tout  avait  dis- 
paru, mais  il  était  survenu  pendant  la  nuit  un  gonflement  considé- 
rable au  flanc  gauche,  grand  comme  la  paume  de  la  main,  à  rou- 
geur érythémateuse  tivs-vive  et  très-tranchée  sur  les  bords.  Ce 
gonflement  était  dur,  chaud  et  douloureux  au  toucher.  Hérard  di- 
sait que  ça  /"  brûlait.  En  plissant  la  peau,  on  sentait  le  derme  con- 
gestionné, épaissi  comme  dans  un  érysipèle.  Le  médecin  de  l'usine 
lui  a  dit  que  c'était  de  l'urticaire.  En  général,  d'après  Hérard,  ces 
éruptions  commencent  durant  la  nuit  pour  disparaître  insensible- 


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318  PATHOOÉXIE  FT  THKP.APKITIQÏE. 

nient  l'apr.'s  midi.  Ces  gonflements  sont  durs  et  mettent  plusieurs 
heures  à  sp  former.  Il  en  a  quelquefois  tout  le  corps  couvert.  Son- 
vent  ces  gonflements  se  portent  aux  yeux,  mais  sur  les  paupières 
seulement  ;  elles  deviennent  alors  gonflées,  luisantes,  bouchant  par- 
fois les  yeux  comme  dans  Y  œil  poché;  puis  le  gonflement  descend 
sur  les  joues  et  sur  les  lèvres.  11  n'y  a  jamais  eu  de  conjonctivite. 
Ces  gonflements  ont  lieu  partout,  excepté  au  sommet  du  cuir  che- 
velu et  aux  oreilles.  Le  premier  jour  de  leur  apparition,  en  sep- 
tembre 1866,  ils  ont  débuté  par  un  pied  et  au  talon.  Un  des  acci- 
dents des  plus  douloureux  pour  Hérard  est  parfois  le  gonflement 
énorme  des  bourses  avec  démangeaisons  et  cuissons  successives ,  ce 
qui  ne  dure  pas  au  delà  de  douze  ou  vingt  quatre  heures... 

Pour  plus  amples  renseignements,  je  me  suis  adressé  à  un  jeune 
médecin  de  la  localité,  le  Dr  Charvet ,  auteur  de  la  thèse  citée  plus 
haut,  et  voici  sa  réponse  :  -  J'ai  visité  avec  le  plus  grand  soin  cet 
homme,  et  j'ai  longuement  causé  avec  lui  des  causes  et  du  dévelop- 
pement de  sa  maladie.  Je  suis  arrivé  à  la  même  conclusion  que 
vous.  Il  me  semble  impossible  de  rapporter  à  une  autre  chose  qu'à 
un  empoisonnement  arsenical  les  phénomènes  morbides  si  singu- 
liers dans  leur  développement  et  leur  succession  que  ce  sujet  a  pré- 
sentés. Quant  à  la  présence  de  l'arsenic  dans  les  minerais  et  dans 
les  cendres  employées  à  l'usine,  elle  est  incontestable;  l'odeur 
alliacée  est  souvent  intense  et  se  fait  sentir  au  loin  dans  la  campa- 
gne. Depuis  son  retour  Hérard  a  repris  son  travail,  et  presque  im- 
médiatement de  nouvelles  plaques  ortiées  se  sont  montrées  au  front 
et  au  dos  de  la  main  gauche. 

J'ai  joint  à  cette  observation,  dans  1  Art  médical,  quel- 
ques autres  documents.  J'ai  soutenu  à  tort  que  Fowler 
n'était  pas  le  premier  à  avoir  signalé  l'urticaire,  m'ap- 
puyant  sur  une  observation  de  Fr.  Hoffmann  et  un  autre 
fait  publié  dans  le  Commercium  lift,  noricum.  Je  me  suis 
trompé  à  propos  de  ces  deux  observations;  la  première 
est  un  cas d'érythème,  l'autre  se  rapporte  à  une  éruption 
miliaire. 

Concluons  qu'il  existe  une  urticaire  arsenicale,  même 
sous  la  forme  rare  d  urticaria  tuberosa,  se  produisant  à 
toute  espèce  de  doses.  Elle  a  lieu  de  préférence  avec 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  349 


l'ingestion  interne  du  poison.  A  part  l'observation  de 
Charvet,  je  ne  vois  guère  qu'elle  ait  été  signalée  dans 
l'empoisonnement  externe. 

Imbert-Gourbeyre, 

Professeur  de  matière  médicale  à  l'Ecole  de 
médecine  de  Clennont-Ferrand. 


HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE 


ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS. 

—  8U1TB  — 

§  V. —  Thérapeutique. 

La  thérapeutique  comprend  trois  branches  bien  dis- 
tinctes qui  furent  reconnues  dès  les  temps  les  plus  an- 
ciens, qui  même  furent  plus  isolées  qu'elles  n'auraient 
du  l'être  :  la  diététique,  la  pharmaceutique ,  et  la  chi- 
rurgie. Nous  avons  vu  qu'en  Egypte  cette  distinction 
avait  donné  lieu  à  divers  ordres  de  médecins.  La  tradi- 
tion générale,  beaucoup  plus  sage,  voulait  qu'a  l'exemple 
d  Hippocrate  tout  médecin  fût'  maître  en  diététique,  en 
pharmaceutique  et  en  chirurgie  tout  à  la  fois.  C'est  la 
fureur  des  spécialités  qui  a  de  nouveau  séparé  la  chi- 
rurgie. 

I.  Diététique,  hygiène.  —  Le  sentiment  qu'on  retire 
de  la  lecture  de  tous  les  auteurs  des  xvie  et  xvn°  siècles, 
sur  ce  point,  c'est  que  l'hygiène  ùyutvu,  est  tout  à  la 
fois  l'art  d'user  des  choses  naturelles  en  état  de  santé 
et  en  état  de  maladie.  Les  définitions  qu'on  donne 
tournent  bien  toutes  autour  de  celle-ci,  que  l'hygiène 
est  l'art  de  conserver  la  santé.  Mais  quand  on  voit  que 


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350  HISTOIRE  DE  J.A  MÉDECINE. 

l'hygiène  doit  comporter  la  diététique  des  malades,  et 
que  les  principes  sont  les  mômes,  que  la  matière  de  la 
science  est  la  même,  on  arrive  à  ce  résultat  que  l'hy- 
giène est  pour  les  bien  portants  ce  que  la  diététique  est 
pour  les  malades,  et  qu'il  n'y  a  entre  elles  que  les  diffé- 
rences d'application  dépendant  du  sujet,  le  fond  de  la 
science  restant  le  même.  Eu  définitive,  la  science  diété- 
tique, ou  hygiénique,  est  bien  la  science  de  l'usage  des 
choses  naturelles  à  l'état  de  snnté  pour  s'y  conserver, 
à  l'état  de  maladie  pour  en  sortir. 

On  avait  eu  dans  le  xvi*  .sic 'le,  outre  la  partie  des 
Institutes  consacrée  à  l'hygiène,  quelques  traités  parti- 
culiers de  Pletius,  de  Pratis,  Elyot,  Pictorius,  Sylvius, 
Gordon,  Hantz,  Durante,  Liébault,  P.  Alpin,  et  celui  de 
Cornaro  dont  la  vogue  se  prolongea  dans  le  xvi*  et  le 
xvii*  siècle. 

Dans  le  xvn*  siècle,  il  en  parut  d'autres  ;  ceux  de  Du- 
chesne  (ou  Querceianm),  Guido  (ou  Vidius),  Lessius  (un 
des  plus  renommés),  Fonseca,  Pausa,  Deodatus,  Bontius, 
Lomnius  ,  Fabrice  de  Hiiden,  lliolau  (le  père),  Conring, 
Vogler,  Bontekofi,  etc.  Gr.  Tozzi  écrivit  spécialement  sur 
l'action  du  café  et  du  thé,  dont  l'usage  se  répandait.  Th. 
Tryon  prit  surtout  le  coté  moral  de  1  hygiène.  Bontius  en 
fît  l'histoire  chez  les  Egyptiens  et  les  Indiens.  Le  très- 
petit  livre  de  Samtcrius  {de  Medicina  slatica  aphorîsmi, 
Vienne,  1614)  eut  un  grand  nombre  d'éditions,  et  mon- 
tra 1  hygiène  basée  sur  la  perspiration  pulmonaire 
et  cutanée,  et  sur  une  étude  avec  la  balance;  l'auteur 
sétant  pesé  plusieurs  fois  par  jour  pendant  quarante 
années  de  sa  vie  et  en  toute  occasion  de  son  existence. 
Floyer,  le  même  qui  a  écrit  sur  l'asthme,  remit  en 
vigueur  les  immersions  et  les  bains  d'eau  froide,  pré- 
tendant que  c'était  depuis  qu'on  ne  baptisait  plus  les 
enfants  par  immersion  que  l'on  était  plus  sujet  aux 


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étude  sur  nos  traditions.  3b) 

rhumatismes  et  aux  fièvres.  Il  eut  une  influence  consi- 
dérable sur  le  régime  dans  son  pays,  et  c'est  depuis  lui 
que  les  Anglais  ont  pris  le  grand  usage  de  l'eau  froide 
que  nous  leur  connaissons,  et  qu'ils  ont  propagé  chez 
nous. 

II.  Thérapeutique  médicale.  —  Nous  avons  vu  com- 
ment; dans  le  siècle  précédent,  la  révolte  contre  le  ga- 
lénisme  s'était  étendu  jusque  dans  la  thérapeutique; 
comment  on  y  réprouvait  le  principe  contraria  contrariis 
curantur;  Paracelse  voulant  lui  substituer  cet  autre: 
Similia  similibus  curantur.  La  doctrine  que  les  maladies 
sont  des  essences  morbides  réelles,  et  que  les  médica- 
ments contiennent  des  essences  alexipharmaques  ou 
contre-poisons ,  se  répandait.  Avec  les  médicaments 
nouveaux,  on  ne  voyait  donc  qu'une  chose  :  trouver 
des  spécifiques  pour  chaque  maladie,  ou  des  contre- 
poisons généraux  capables  de  lutter  contre  plusieurs 
espèces  morbides;  ou  peut-être  même  trouver  un  spéci- 
fique universel,  une  panacée,  comme  le  voulaient  les  an- 
ciens. Mais  la  réalité  des  recherches  ne  répondait  pas  aux 
désirs etaux  illusions  do  la  théorie.  Le  mercure,  legayac, 
lipécacuanha,  le  quinquina,  l'or,  l'antimoine,  étaient  de 
précieuses  acquisitions,  mais  aucun  d'eux  n'était  une 
panacée,  et  le  nombre  des  spécifiques  était  toujours 
restreint.  La  théorie  des  signatures,  acceptée  par  toute 
l'école  Paracelsiste,  et  qui  avait  tant  enthousiasmé  J.-B. 
Porta,  fournissait  quelques  indications;  on  la  suivait 
pour  essayer  la  chelidoine  et  l'hépatique  dans  les  affec- 
tions du  foie,  la  pulmonaire  dans  les  affections  du  pou- 
mon, la  scrofulaire  dans  les  affections  des  glandes,  la 
digitale  dans  les  affections  du  cœur ,  etc.  Mais,  en 
somme,  la  satisfaction  qu'on  en  retirait  était  mé- 
diocre. 


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352  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

Pendant  ce  temps,  les  nouvelles  théories  patholo- 
giques, basées  sur  la  chimie  et  la  physique,  engageaient 
à  se  tourner  d'un  autre  côté  :  on  cherchait  des  acides 
pour  combattre  les  alcalis  du  sang  et  des  humeurs,  des 
alcalins  pour  combattre  les  acides;  des  désobstruants 
et  des  incisifs  pour  diluer  le  sang*  dans  les  vaisseaux, 
des  incrassants  pour  l'épaissir,  comme  les  résines  et  les 
baumes.  Il  y  avait  encore  des  galénistes  qui  parlaient  de 
desséchants,  d  humectants,  d  évacuants  antibilieux  ou 
du  phlegme  ;  et  plusieurs  voulaient  sans  cesse  évacuer 
Y  humeur  peccante.  On  n'a  qu  à  lire  la  Médecine  et  les  mé- 
decins au  temps  de  Molière,  par  M.  Regnault,  et  surtout 
le  journal  de  Danjeau  racontant  à  quel  régime  inouï  de 
purgalions  on  livrait  le  grand  roi  Louis  XIV,  pour  se 
rendre  compte  de  ce  qu'était  cette  thérapeutique.  Ajou- 
tons que  la  saignée,  très-remise  en  honneur,  et  sur  la- 
quelle on  avait  tant  discuté  dans  le  siècle  précédent, 
était  considérée  comme  le  premier  des  antiphlogùtiques  ; 
car  c'était  vers  cette  époque  que  le  mot  phlogislique, 
dérivé  des  alchimistes,  mis  en  honneur  par  Stahl,  était 
en  usage  pour  expliquer  et  personnifier  la  chaleur  pro- 
duite par  les  esprits  vitaux  dans  la  fièvre  et  les  maladies 
aiguës. 

La  doctrine  de  l'indication,  telle  que  l'avait  posée 
Hippocrate,  était  méconnue,  on  ne  l'entrevoyait  qu'à 
travers  les  fumées  de  théories  nouvelles  qui  l'altéraient, 
comme  l'avait  fait  Galien.  Sans  doute  on  se  rappelait 
bien  que  Y  indication  est  ce  qui  doit  être  fait  en  vue  du 
malade,  et  selon  l'action  de  l'agent  qu'on  peut  em- 
ployer. Mais,  du  moment  qu'on  entrait  dans  l'interpré- 
tation, on  ne  voyait  plus  les  choses  xara<puaw  (selon  la 
nature),  comme  le  demandait  Hippocrate,  mais  selon  la 
théoriequ'on  s'en  fuisail;  de  sorte  qu'au  lieu  de  voir  dans 
la  maladie  sa  distinction,  ses  localisations  et  ses  mou- 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  353 

vements,  on  retombait  dans  la  tradition  galénique,  con- 
sistant à  connaître  la  maladie  par  sa  cause  prochaine  ; 
et,  au  lieu  de  constater  simplement  la  puissance  des 
agents  médicinaux,  on  attribuait  aux  médicaments  des 
vertus  hypothétiques  de  salinité,  d'acidité,  d'humidité, 
de  sécheresse,  de  caloricité  ou  de  frigidité.  C'était  tou- 
jours la  théorie  de  la  cause  prochaine  qui  régnait.  L'un 
attribuait  la  maladie  à  une  acidité,  et  il  cherchait  un 
agent  contre  l'acide  ;  celui-ci  y  voyait  une  obstruction 
et  demandait  un  désobstruant;  cet  autre  voyait  dans  la 
maladie  un  empoisonnement  et  cherchait  un  contre- 
poison, ou  spécifique;  pour  celui-ci  c'était  une  humeur 
viciée  qui  n'était  pas  évacuée  naturellement,  et  il  vou- 
lait un  agent  purgatif,  diurétique  ou  sudorilique  pour 
évacuer  l'humeur  peccante. 

Prenons  de  cette  époque  un  des  hommes  les  plus 
versés  dans  l'antiquité,  et  qui  fut  aussi  un  grand  méde- 
cin, Sydenham,  qu'on  a  surnommé  l'Hippocrale  an- 
glais. Lorsqu'il  pose  les  premiers  principes,  c'est  une 
bouche  d'or  qui  s'ouvre,  et  nous  l'entendons  nous  dire  : 
«  Ce  grand  homme  (Hippocrate)  a  établi  comme  un 
solide  fondement  de  son  art,  cet  axiome  incontestable 
que  la  nature  guérit  les  maladies.  Aussi  ne  demande-t-il 
autre  chose,  sinon  de  secourir  la  nature  lorsqu'elle  tombe, 
de  la  retenir  lorsqu'elle  s  égare,  de  la  ramener  dans  le  cercle 
quelle  vient  d'abandonner  ;  tout  cela  en  se  servant  des 
moyens  qu'elle  emploie  elle-même  pour  guérir  les  ma- 
ladies; car  cet  excellent  génie  avait  bien  vu  que  la  na- 
ture seule  les  termine  et  peut  opérer  toutes  choses.  Pour 
cela  faire,  elle  n'a  besoin  que  d'être  aidée  d'un  petit 
nombre  de  remèdes  très-simples,  et  quelquefois  même, 
elle  n'a  besoin  d'aucun.  »  (Préface  du  Traité  des  maladies 
aiguës,  §  VII.)  Après  cela,  nous  pensons  bien  qu'il  va 
s'occuper  de  constater  les  phénomènes  et  les  mou- 

TOM  •   XXXII.  —  NuYEMBUE  tf  l>E<E.\JliltE   I STO.  J  i 


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354  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

vements  des  maladies  d'une  part,  et  d'autre  part  les  ac- 
tions naturelles  que  peuvent  produire  les  moyens  qu'il  a 
à  sa  disposition  :  mais  point,  et  il  retombe  vite  dans  le 
galénisme,  nous  disant,  quelques  alinéas  seulement  plus 
bas  :  «  L'ancienne  méthode  de  traiter  les  maladies  est 
fondée  sur  la  connaissance  des  causes  prochaines  et 
manifestes.  »  (Ibid.%  §  XVII.)  Et  nous  le  verrons  purger, 
saigner,  faire  suer  ses  malades  pour  évacuer  l'humeur 
peccante.  Heureusement  pour  lui,  et  c'est  par  là  qu'il 
reconquiert  son  juste  renom,  que  dans  beaucoup  de  cas, 
il  marche  en  mettant  sa  théorie  de  côté  et  en  se  deman- 
dant, non  s'il  va  évacuer  un  poison  morbide,  mais  si  sa 
purgation  aura  un  effet  naturellement  bon ,  à  telle  époque 
de  la  maladie,  et  telles  circonstances  étant  posées.  Mais 
c'est  que,  comme  nous  l'avons  déjà  fait  observer, 
Sydenham  était  un  théoricien  fort  médiocre,  tout  en 
étant  très  bon  médecin,  parce  qu'il  était  au  fond  plutôt 
hippocratiste  que  galéniste. 

Ainsi,  quoique  Galien  fût  très-conspué  au.  xvif  siècle, 
le  fond  de  la  thérapeutique  était  resté  galénique  sous 
des  explications  chimiques  et  mécaniques  nouvelles.  On 
cherchait  toujours  à  traiter  la  cause  prochaine  de  la 
maladie,  et  on  suivait  le  principe  :  contraria  contrariis 
curant  tir.  Ceux  qui  ne  s'y  rangeaient  point  étaient  des 
spécifîciens  cherchant  à  contre-carrer  ou  à  évacuer  le 
poison  morbide. 

Cependant,  les  élans  de  Paracelse  et  de  son  école 
contre  le  galénismc  ne  pouvaient  être  perdus,  et  Van 
Helmontest  celili  qui  les  recueillit  avec  le  plus  de  rai- 
son. Il  faut  que,  sur  ce  point  encore,  nous  revenions  à  ce 
grand  homme,  et  que  nous  complétions  ce  que  nous 
avions  à  dire  de  lui. 

Pour  lui,  comme  pour  Hippocrate,  c'est  la  nature 
-.c'est-à-dire  Tarché)  qui  guérit  les  maladies.  De  môme 


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étude  sur  nos  traditions.  355 

que  l'arché  engendre  des  idées  morbides  au  contact  des 
causes  extérieures  qui  nous  pénètrent,  cet  hospes  ignotus 
morbus,  de  même  il  revient  par  d'autres  influences  à  des 
idées  saines.  Il  y  a  des  auteurs  qui  ont  fait  dire  à  Van 
Helmont  que  le  médicament  calmait  les  fureurs  (i)  de 
l'arché  :  c'est  le  méconnaître  absolument  ;  c'est  certai- 
nement l  avoir  mal  lu.  Quand  la  maladie  est  engendrée, 
ce  n'est  pas  que  l'arché  entre  en  fureur,  mais  qu'il  con- 
çoit une  forme  morbide  ;  et,  de  même  quand  la  santé 
revient,  ce  n'est  pas  que  l'arché  se  calme,  mais  qu'il 
revient  à  concevoir  la  forme  normale  de  la  vie. 

Mais,  cela  bien  compris,  il  est  visible  que  pour  Van 
Helmont  il  ne  peut  plus  s'agir  ni  du  principe  des  con- 
traire» de  Galien,  ni  du  principe  des  semblables  de  Para- 
celse  ;  et  en  effet,  il  s'en  explique  très-nettement  dans 
son  petit  traité  intitulé  :  Natura  contrariurn  nescia. 
D'abord,  il  reproche  à  Galien  d'avoir  pris  et  posé  un 
principe  trop  facile  et  dès  lors  suspect.  Il  montre  com- 
bien de  faits  nient  que  le  contraire  soit  guéri  par  le 
contraire;  il  s'en  rit  même,  et  demande  ce  que  peut  être 
le  contraire  d'un  coup  de  poing  ou  d'une  rixe  et  rap- 
pelle que  Paracelse  s'est  justement  moqué  de  ce  prin- 
cipe. Mais  il  attribue  à  l'amour  du  paradoxe,  chez  le 
médecin  de  Bàle,  d'avoir  voulu  substituer  à  l'axiome 
des  contraires,  l'axiome  des  semblables.  Les  maladies 
comme  la  guérison  sont  le  fait  de  l'arché  ;  et  ces  mou- 
vements ne  sont  ni  des  effets  contraires  ni  des  effets 
semblables,  mais  des  actions  qui  dépendent  de  la  nature 
même  du  moteur,  selon  la  fin  qui  lui  a  été  faite  par  le 
Créateur.  «  Enim  vero  quidquid  in  natura,  aut  nasci- 
«  tur,  ût  ex  necessitate  seminum  efficientium.  Semina 

(i)  Van  Helmont  dit  :  Perturbations,  il  parle  bien  aussi  des  fureurs 
dans  plusieurs  endroits,  mais  on  voit  bien  que  c'es-t  pour  indiquer 
l'exultation  ,!«™*  1"  perturbation. 


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356  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

«  au  te  m  ipsa  nullalenus  operantur  ob  scopum  simili- 
ce  tudinis,  contrarietatis  (ut  alioquin  vulgx»  putatur)  sed 
«  duntaxat,  quia  sic  sunt  jussa  operari  a  reruin  Do- 
«  mino,  qui  solus  scientias,  fines,  seminibus  dédit, 
«  sibi  soli  cognitos  a  priori.  »  (§  16.)  C'est-à-dire  que, 
pour  lui,  l'action  intime  de  l'agent  vient  d'une  aplitude 
de  la  nature  créée;  que  l'action  produite  par  le  médica- 
ment et  qui  modifie  le  mouvement  de  l'arché  n'est  pas 
contraire,  mais  différente  (ce  qui  est  tout  autre  chose) 
de  l'action  produite  sur  ce  môme  arché  par  la  cause 
morbide  ;  qu'il  y  a  là  des  effets  prévus  par  celui  qui  les 
a  créés,  non  autre  chose.  En  un  mot,  pour  mieux  carac- 
tériser le  fond  de  sa  pensée,  il  veut  nous  dire  que  l'acte 
de  g-uérison  se  fait  en  vertu  d  une  prédisposition  cura- 
tive,  comme  l'acte  morbide  s'accomplit  en  vertu  d'une 
prédisposition  à  la  maladie.  «  Alioqui  semina  vadunt, 
«  et  quorsum  nesciunt  :  sese  dirigent  quidem  tan- 
«  quam  scientia  pollerent,  sed  lendunt  per  média  sibi 
«  concessa  ad  fines  sibi  ignotos.  Vocamus  namque 
«  impropriè  medicaminum  intentiones,  aut  naturœ 
«  scopos  :  non  quod  sibi  ab  initio  scoporum  prtefine- 
c  rint  :  verum  quod  ex  dono  creato,  nata  sint  sua  direc- 
«  tione  sponte  ac  naturaliter  defluere,  ad  ejusmodi 
a  fines,  Deo  cognitos.  »  (§  17.) 

Pour  lui,  le  principe  des  contraires  est  un  principe 
païen,  et  il  s'efforce  de  prouver  qu'il  n'y  a  rien  de  contraire 
dans  les  éléments  ;  que  le  froid  et  le  chaud  sont  par  nous 
dits  contraires,  mais  ne  sont  en  réalité  que  des  effets  dif- 
férents ;  que  ce  n'est  pas  par  contrariété  que  l'eau  éteint 
le  feu;  que  le  feu  n'est  pas  une  substance,  non  plus  que 
l'humide  et  le  sec;  que  tous  les  éléments  matériels  ou 
les  êtres  ne  sont  pas  contraires,  parce  qu  ils  peuvent  pro- 
duire des  effets  différents  ou  opposés.  L'analyse  ne 
suffît  point  à  rendre  son  argumentation,  il  faut  la  lire. 


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ÉTT'DE  SUR  NOS  TRADITIONS.  357 

Il  combat  également  ce  qu'il  nomme  le  paradoxe  de 
Paracelse  et  déclare  que  les  médicaments  ne  guérissent 
ni  par  les  contraires  ni  par  les  semblables,  mais  par 
appropriation  :  «  Quapropter  censeo  medicamen  pro- 
«  prie,  immédiate,  atqtie  efficienter,  consistere  in  com- 
te petenti,  sive  appropriatio,  per  quod  nempe  natura  a 
«  suo  casu  resurgit.  Sunt  rébus  si  quidem  natales  dotes, 
«  quœ  distant  a  simili.  Sunt  nempe  illae,  in  quibus 

*  Àrcheus  noster  suas  reperit  delicias.  »  (§  42.) 

Ce  qui  revient  à  dire  pratiquement  que  la  médecine 
n'a  qu'à  constater  par  expérience  les  effets  des  médica- 
ments pour  en  profiter,  en  notant  les  conditions  dans 
lesquelles  les  effets  se  produisent,  conditions  qui  de- 
viendront les  indications.  Certes,  il  y  a  peu  de  médecins 
chez  lesquels  la  théorie  ait  abouti  à  quelque  chose  de 
plus  sensé,  et  on  en  voudrait  beaucoup  à  notre  époque 
qui  fussent  dans  d'aussi  bonnes  traditions.  Nous  ver- 
rons d'ailleurs  plus  tard  comment  le  principe  de  Para- 
celse fut  repris  par  Hahnemann  sous  une  nouvelle 
forme. 

Mais,  avant  de  quitter  Van  Helmont,  notons  encore 
un  de  ses  traités,  intitulé  Butler,  dont  personne  ne  parle, 
et  qui  mérite  cependant  qu'on  s'y  arrête.  Il  a  son  im- 
portance dans  notre  tradition.  Les  premières  phrases 
résument  tout  ce  que  nous  avons  dit,  et  ce  ne  sera  peut- 
être  pas  trop  de  les  citer  :  «  Jam  preecedenti  tractatu 
«  demonstravi  satis  quod  morbus  non  existât  nisi  in 
«  vivis,  ac  nedum  proprium  sibi  subjectum  eleg^rit, 
a  corpus  vitale  :  quinetiam  quod  intrinsecum  vitœ  or- 
«  g»anum  ipsum  sit  faber  morbi,  efficiensque  internum. 
«  ïmo  demonstravi,  et  materiam,  spiritualemque  au- 

•  ream  ipsius  Archei,  nedum  esse  objectum,  in  quod 
«  primum  omnia  morborum  spécula  acuuntur  ;  verum 
■  etiam  esse  ipsam  materiam  ex  qua,  et  circa  quam, 


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358  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

«  illius  faber  œstuationes,  exundationes,  atque  exorbi- 
«  tationes  circa  propriam  perniciem  contingunt.  Illam 
a  nimium  esse  peccati  stultam  sobolem,  dum  se  bomo  a 
«  Deo  avertit,  non  nisi  deinceps  omnia  stolide  in  pro- 
«  prium  exitium  convertere.  »  Où  l'auteur  en  veut-il  ve- 
nir ?  C'est  d'étudier  les  actions  de  la  nature  sous  une 
nouvelle  forme,  et  de  montrer  plus  clairement  que  les 
maladies  et  leur  guérison  ne  dépendent  point,  comme  le 
disait  le  galénisme,  d  une  cause  conjointe  ;  car,  de  môme 
que  les  plus  petites  causes  peuvent  produire  de  grandes 
maladies,  de  môme  des  remèdes  en  très-minime  quan- 
tité peuvent  produire  la  guérison.  On  comprend,  selon 
lui,  que  la  bonté  de  fJieu  exigeait  que,  si  de  très- 
minimes  causes  pussent  rendre  malade,  de  minimes 
agents  pussent  aussi  procurer  la  guérison  ;  admirable 
argument  que  je  soumets  à  mon  tour  à  ceux  qui  veulent 
bien  raisonner. 

Cela  nous  mène  à  Butler,  un  Irlandais  qui  avait 
été  célèbre  sous  le  roi  anglais  Jacques,  et  qui  se  trou- 
vait détenu  dans  la  prison  de  Vilvorde.  Ce  Butler  pos- 
sédait une  petite  pierre,  lapillum^  qu'il  lui  suffisait 
de  tremper  dans  l'eau  ou  dans  l'huile  pendant  quelques 
instants  seulement  pour  faire  de  ces  deux  véhicules,  où 
l'agent  était  ainsi  dilué  à  dose  bien  infinitésimale,  de 
précieux  agents  de  guérison.  Van  Helmont  voit  ainsi 
guérir  d'abord  un  érysipèle,  puis  une  hémicranie  rebelle 
depuis  plusieurs  années.  Van  Helmont  s'en  étonne  ;  puis 
il  doute  et  craint  le  charlatanisme,  voyant  que  Butler, 
par  un  coup  de  tête,  se  refuse  de  soigner  le  vicomte  de 
Gand,  qui  était  goutteux.  Mais  un  obèse  d'Anvers  est 
guéri  en  quelques  semaines;  lui-même  Van  Helmont 
est  guéri  d'un  rhumatisme;  sa  femme  est  guérie  d'une 
douleur  rebelle  et  d'un  œdème  des  membres  inférieurs. 
Les  guérisons  se  multiplient,  et  notre  auteur  constate 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  359 

bien  qu'il  n'y  avait  rien  là  de  surnaturel,  ni  kabbalisme, 
ni  démonie,  ni  mysticisme,  mais  un  seul  fait  naturel. 
Le  remède  lui  demeura  inconnu.  Il  voulut  essayer  de 
le  préparer,  mais  il  n'y  peut  réussir.  11  se  rappelle 
que  les  maladies  pestilentielles  et  contagieuses  peuvent 
naître  d'une  parcelle  bien  minime  de  contage;  qu'il 
suffit  d  une  bien  minime  quantité  d'un  virus  rabique  ou 
du  venin  d'un  serpent  pour  ébranler  toute  une  consti- 
tution, ou  même  tuer  en  peu  d'instants  ,  et  il  s'explique 
qu'il  puisse  exister  des  remèdes  qui,  par  la  bonté  du 
Créateur,  soient  pour  le  bien  ce  que  ces  agents  sont 
pour  le  mal,  et  qui,  à  des  doses  excessivement  minimes, 
puissent  opérer  la  guérison.  Je  crois  bien,  pour  ma 
part,  qu'un  siècle  après.  Hahnemann  sut  lire  ce  petit 
traité  de  Van  Helmont,  si  intéressant  et  si  extraordi- 
naire. 

Revenons  h  la  thérapeutique  du  xvii*  siècle,  dont  nous 
n'avons  encore  fait  connaître  que  les  données  générales. 
Il  nous  reste  à  parler  des  grandes  querelles  sur  l'anti- 
moine, sur  l'infusion  et  la  transfusion,  et  sur  l'intro- 
duction des  médicaments  nouveaux. 

Nous  avons  dpjà  vu  comment,  au  siècle  précédent, 
était  née  la  querelle  de  l'antimoine,  qui  rappelle  ce  que 
nous  pouvons  voir  aujourd'hui  à  propos  de  l'homœopa- 
thie  :  mêmes  passions,  mêmes  préjugés,  mêmes  vio- 
lences, mêmes  iniquités.  1/antimoine  n'était  pas  seule- 
ment un  médicament  nouveau,  c'était  un  médicament 
chimique  :  à  ce  double  titre,  tout  ce  qu'il  y  avait  de 
galénistes  à  Paris  (et  ils  étaient  nombreux,  maîtres  de 
l'Université,  détenant  les  chaires  officielles,  maîtres  de 
la  Faculté  par  leurs  élèves,  en  relation  avec  les  théolo- 
ffiensl  était  un  ennemi.  Gomme  purgatif  et  vomitif, 
l'émétique  supplantait  l'ancien  ellébore  et  le  séné  des 
Arabes.  Gomme  préparation  chimique,  c'était  un  coin 


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300  HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE. 

enfoncé  dans  l'antique  monument  galénique  pour  ou- 
vrir la  porte  aux  chimistes  et  à  leurs  théories.  Donc, 
l'émétique  était  proscrit. 

Nous  avons  dit  comment  la  querelle  avait  été  as- 
soupie par  un  arrêt  du  Parlement  de  Paris  en  1566. 
Elle  se  réveilla  en  1603,  lorsque  Duchesne  (Quer- 
cetamis)  publia  son  livre  (de  Priscôrum  philosophorum 
verx  medicinx  natura),  où  il  vantait  le  remède  nouveau 
et  attaquait  avec  une  grande  vivacité  les  médecins 
qui  le  proscrivaient.  Hiolan,  un  des  plus  attaqués,  et 
de  caractère  peu  accommodant,  y  répondit  dans  son 
Apologia.  Alors,  la  querelle  devint  des  plus  vives,  et  de 
tous  côtés  parurent  des  libelles  pour  ou  contre;  de 
chaudes  disputes  s'engagèrent,  et  Duchesne  ne  fut  pas 
un  des  moins  ardents.  Cependant  les  Frères  de  la  Charité, 
qui  fondaient  un  hôpital  à  Paris,  propageaient  le  verre 
d'antimoine  sous  les  noms  de  moclrfique  et  de  macaroni. 
En  1606,  la  mort  de  Riolan  père  rend  un  instant  la 
tranquillité.  Mais,  en  1609,  Paulmier  vient  soutenir 
l'avis  de  Duchesne,  dans  son  Lapis  p/ii/osophicus ;  et  tous 
les  débats  recommencent.  La  Faculté  de  Paris  rend  un 
arrêt  contre  Paulmier,  qui  en  appelle  au  Parlement  où 
il  est  condamné  (1609).  Cependant  le  nombre  des  adhé- 
rents à  l'émétique  augmentait,  l'opinion  publique  se 
prononçait  en  leur  faveur,  et  la  Faculté  cède  en  inscri- 
vant la  formule  du  vin  émetique  dans  son  Codex  de  1638 
et  de  1645.  Le  célèbre  Gui  Patin,  esprit  inquiet  et  aigri, 
très  littéraire,  fort  ami  de  l'antiquité,  et  plein  de  verve 
railleuse  contre  la  cuisine  des  Arabes  (nom  qu'il  donnait 
aux  préparations  chimiques),  publie  le  Cursus  antimoniœ, 
sorte  de  martyrologie  de  t antimoine,  dans  lequel  il  attaque 
tous  ceux  qui  adhèrent  aux  nouveaux  médicaments. 
Les  libelles  recommencent  dans  tous  les  sens,  les  que- 
relles deviennent  ardentes,  et  enfin,  en  1666,  cent  ans 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  361 

après  le  premier  arrêt  que  suscita  cette  affaire,  le  Parle- 
ment intervient  encore,  consulte  la  Faculté,  dont  92 
docteurs  sur  102  se  prononcent  en  faveur  du  vin  émé- 
tique,  et  rend  un  arrêt  qui  autorise  l'usage  des  nouveaux 
médicaments.  Des  10  opposants,  Blondel,  le  plus  tenace, 
veut  encore  lutter  et  fait  appel  ;  mais  le  Parlement  rend 
un  second  arrêt  confîrmatif,  le  8  mai  1668.  Les  discus- 
sions continuèrent  bien  encore  pendant  quelque  temps, 
mais  les  nouveaux  médicaments  avaient  décidément 
conquis  droit  de  cité.  Dans  notre  xix*  siècle,  les  remèdes 
homœopathiques  devront-ils  lutter  aussi  longtemps 
pour  se  faire  admettre? 

En  1657,  Chr.  Wren,  de  Londres,  proposa  d'infuser 
les  médicaments  dans  les  veines  pour  obtenir  une  action 
plus  prompte  et  plus  décisive.  Cette  métbode,  prônée 
par  la  secte  des  Rose-Croix,  fut  essayée  la  même  année 
par  Clarke,  R.  Boy  le  et  Heushaw.  En  1665,  R.  Lower, 
qui  l'essaya  à  Oxford,  proposa  d'y  joindre  la  transfusion 
du  sang  dans  les  veines  des  malades  débilités,  song  pris 
d'abord  aux  animaux,  puis  emprunté  à  des  jeunes  gens. 
Denys,  professeur  à  Paris,  y  introduisit  cette  double 
métbode  l'année  suivante  (1666),  d'où  elle  passa  en 
Allemagne,  et  J.  Riva  l'introduisit  en  Italie.  De  tous 
côtés  on  essaya  la  transfusion  et  Vin  fusion,  et  les  débats 
s'ouvrirent. 

Pendant  ce  temps,  des  médicaments  nouveaux  af- 
fluaient, soit  par  suite  des  préparations  chimiques,  soit 
par  l'introduction  de  médicaments  étrangers  venus  des 
Indes. 

Paracelse  avait  vanté  l'opium  apporté  par  les  Arabes; 
on  en  Qt  une  sorte  d  alexipharmaque,  un  spécifique 
contre  la  fièvre.  La  chaux,  sous  forme  d'écaillés  d  huîtres 
ou  d'écrevisses,  avait  été  vantée  contre  la  gravelle  par 
Paracelse;  l'usage  s'en  répandit.  Les  préparations  acides 


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362  HISTOIRE  DE  LA  MKDECINB. 

et  alcalines  furent  partout  usitées.  Sydenham  introduisit 
la  corne  de  cerf  râpée  contre  la  dysenterie  ;  c'était  de  la 
chaux  sous  une  autre  forme.  Parmi  les  pharmacologues 
de  ce  temps,  les  plus  vantés  furent/?.  Boy/e,  à  Londres, 
et  Nicolas  Lemen/,  à  Paris,  dont  la  pharmacopée  eut 
un  immense  succès  à  la  fin  du  siècle,  et  dont  le  fils  con- 
tinua les  travaux  dans  le  siècle  suivant. 

Moïse  Charas  (1618-1689  ,  à  Paris,  remit  en  honneur 
l'usage  des  vipères  dans  la  thëriaque,  et  montra  que  le 
sous-carbonate  d'ammoniaque  caustique  est  le  contre- 
poison de  la  morsure  de  ces  animaux.  Sa  pharmacopée 
eut  aussi  un  grand  succès.  M.  le  Dr  Cap  l  a  justement 
réhabilité  dans  ses  Etudes  biographiques  (t.  1er). 

Le  quinquina  fut  introduit  en  Europe  par  1  Espagne, 
en  1640,  pour  de  là  se  répandre  en  France,  en  Belgique, 
en  Angleterre,  non  sans  lutte.  Ce  fut  la  comtesse  de 
Cinchon  ou  Cinchonas,  femme  du  vice-roi  du  Pérou,  qui 
le  fit  passer  à  la  cour  d'Espagne  comme  une  panacée  de 
la  fièvre  ;  d'où  le  nom  de  poudre  de  la  comtesse,  ou 
poudre  de  Cinchonas,  sous  lesquels  ce  médicament  fut 
connu.  Des  débats  très-vifs  s'engagèrent  sur  sa  valeur  : 
on  l'essaya  contre  la  fièvre,  contre  la  goutte  et  la  dysen- 
térie  (Sydenham),  contre  le  typhus,  la  variole,  la  mali- 
gnité des  maladies,  la  suppuration,  la  gangrène.  Ce 
fut  Ta/bot  qui  le  fit  décidément  entrer  dans  la  matière 
médicale,  mais  on  n'apprit  vraiment  à  s'en  bien  servir, 
contre  les  fièvres  d'accès,  qu'avec  Torti,  au  xvm*  siècle. 

L'ipéeacuanha  nous  fut  apporté  comme  remède  par 
Legras,  vers  1672,  et  fut  propagé  par  Helvètius.  Louis  XIV 
ayant  été  guéri  de  la  dysentérie  par  ce  remède,  l'acheta 
et  le  rendit  public.  On  s'en  servit  d'abord  contre  la  dy- 
sentérie et  les  diarrhées,  les  hémorrhagies;  puis  comme 
vomitif,  antispasmodique,  sudorilique,  contre  l'asthme, 
les  obstructions  du  bas-ventre,  la  phthisie.  —  L'arnica, 


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ÉTUDE  ST'R  NOS  TRADITIONS.  363 

remède  paracelsiste  nu  xvie  siècle,  se  propagea  contre 
les  suites  de  coups  et  chutes,  et  contre  la  colique  hé- 
morrhoïdale.  -  La  valériane,  tirée  de  l'oubli  au  xvie  siècle, 
fut  vantée  par  L.  Rhière,  Panaroli,  Wepfer.  —  La  bella- 
done, que  Conrad  Gessner  avait  essayé  contre  la  dysen- 
térie,  fut  vantée  au  xvii*  siècle,  dans  le  Hanovre,  contre 
la  rage  et  le  cancer.  —  Le  lichen  d'Islande  entra  dans 
la  matière  médicale  vers  1675.  —  A  la  fin  de  ce  siècle, 
en  Angleterre,  on  commença  à  essayer  et  vanter  la  di- 
gitale contre  la  scrofule. 

Les  principaux  traités  de  pharmacopée  ou  matière 
médicale  furent  ceux  de  Dubois  (Jacques  Sylvius),  Du- 
cheme  (Quercetanus),  Schrœder,  G  Hoffmann.  Sennert, 
M.  Charras,  Le f fore,  N.  Lemory  et  Ludovicus,  avec  com- 
mentaires de  Eltmuller.  A  la  fin  du  siècle,  en  4694, 
parurent  les  Eléments  de  botanique  de  Tourne  fort,  en  3  vol. 
C'était  le  début  d'une  autre  science  et  le  vrai  commen- 
cement des  classements  en  histoire  naturelle.  Bientôt 
allait  paraître  Linné  et  après  lui  Buflbn.  Tournefort  a 
la  gloire  de  leur  avoir  préparé  le  chemin. 

Si  on  veut  se  bien  rendre  compte  de  la  thérapeutique 
de  l'époque,  il  faut  ouvrir  un  de  ces  ouvrages  au  moins. 
Celui  de  Ludovicus  et  Ettmuller,  intitulé  ;  Du  bon  ckoix 
des  médicaments,  qui  fut  traduit  en  français,  à  Lyon, 
en  1710  (2  vol.),  va  me  servir  à  donner  une  idée  de 
l'état  de  la  science  au  xvu*  siècle ,  car  l'ouvrage  a  été 
composé  vers  le  milieu  du  siècle. 

Après  une  Introduction  sur  la  préparation  en  général, 
on  traite  des  médicaments  sous  les  titres  suivants  :  des 
purgatifs  ;  des  laxatifs  ;  des  vomitifs  ;  des  purgatifs  mi- 
néraux :  des  diaphorétiques  ;  des  diaphorétiques  végé- 
taux, minéraux  et  animaux  ;  des  diurétiques  lithontri- 
ptiqueset  autres,  tirés  des  végétaux,  de  sanimaux  et  des 
minéraux  ;  des  apéritifs,  incisifs,  détersifs  de  la  rate,  du 


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364  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

foie,  de  l'utérus,  de  l'estomac,  de  la  poitrine,  tirés  des 
végétaux,  des  animaux  et  des  minéraux;  des  résolutifs, 
carminatifs,  corroboratifs  ;  des  céphaliques  nervins  et 
antiépileptiques  ;  des  hypnotiques,  anodins,  épieéras- 
tiques,  narcotiques  ;  des  vulnéraires,  astrictifs,  détersifs 
el  autres,  topiques  externes.  Cette  table  donne  à  elle 
seule  une  idée  des  indications  générales  dont  on  prenait 
le  plus  de  souci  ;  car  c'est  une  règle  que  la  matière  mé- 
dicale est  toujours  disposée  de  manière  à  répondre  aux 
indications  de  la  doctrine  médicale  qui  s'en  sert,  de  sorte 
qu'on  peut  toujours  caractériser  une  doctrine  sur  la 
disposition  de  ses  agents. 

Chez  d'autres  auteurs,  on  trouve  des  médicaments 
arthritiques,  ophlhalmiques,  hystériques,  phlegmago- 
gues,  cholélagogues,  etc.  ;  ce  qui  montre  qu'on  les  dis- 
tinguait selon  l'usage  qu'on  en  faisait  pour  les  diverses 
parties  du  corps  ou  les  diverses  humeurs. 

Ludovicus  et  Ettmuller  inaugurent  plusieurs  idées 
qui  se  sont  propagées  depuis  et  ne  cessent  de  retentir 
jusqu'à  nous;  ils  s'élèvent  contre  les  médicaments  trop 
multipliés  des  Grecs  et  Arabes  ;  ils  demandent  qu'on 
élague  les  inutiles  et  qu'on  s'en  tienne  à  un  petit  nom- 
bre; une  centaine,  disent-ils,  suffit.  Ils  repoussent  sur- 
tout les  compositions  à  l'infini  d'un  même  médicament, 
ou  celles  dans  lesquelles  on  fait  entrer  un  grand  nombre 
d'agents  qui  le  plus  ordinairement  se  nuisent,  sont 
contraires  ou  inutiles.  Ils  veulent  réduire  le  nombre  de 
pilules,  de  rotules  ou  tablettes,  d'essen«es  de  toutes 
sortes,  d'électuaires  ou  bols  ;  ils  indiquent  que  de  sim- 
ples infusions  ou  décoctions  des  plantes  sont  préférables 
à  toutes  les  distillations  qui  s'altèrent;  ils  blâment  les 
magistères  ou  précipitations  de  résines  tirées  des  végé- 
taux, et  se  réduiraient  volontiers  à  la  térébenthine  ;  ils 
repoussent  la  multiplicité  des  b  zoards,  et  se  borneraient 


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Étude  sir  nos  traditions.  363 

au  bezoard  animal  fait  avec  les  vipères  ;  ils  s'élèvent 
contre  la  multiplicité  de  remèdes  étrangers,  demandant 
qu'on  se  serve  surtout  de  ceux  tirés  de  notre  sol,  plus 
simples,  moins  altérés  et  moins  chers.  C'est  là  le  début 
des  réformes  pharmaceutiques  qui  ont  mis  tant  de  temps 
à  se  faire  et  qui  aujourd'hui  même  ne  sont  pas  encore 
terminées.  Ils  repoussent  les  remèdes  tirés  du  paon,  du 
lion,  de  la  licorne,  des  excréments  de  plusieurs  animaux, 
des  menstrues,  etc.  Ils  veulent  qu'on  néglige  les  pierres 
précieuses,  le  saphir,  les  perles,  l'émeraude,  le  rubis,  se 
bornant  à  la  nacre,  aux  yeux  d  écrevisses,  à  la  corne  de 
cerf.  En  un  mot  :  simplification  de  la  matière  médicale. 

Parmi  les  médicaments,  nous  citerons  quelques  re- 
marques. On  réduirait  volontiers  les  purgatifs  au  jalap 
et  à  la  scammonée.  Les  antimoniaux  sont  acceptés, 
mais  on  les  réduit  à  un  petit  nombre,  au  tartrate  et  au 
régule.  L  or  ne  doit  être  employé  qu'en  poudre  ou  à 
l'état  de  chlorure  soluble.  Le  semen-contra  doit  suffire 
comme  anthelminlhique.  On  accepte  encore  les  médi- 
caments tirés  des  animaux  :  le  crapaud,  la  vipère,  la 
semence  de  grenouille,  l'araignée;  et  le  scorpion  pour- 
rait les  remplacer  tous.  Je  remarque  que  l'arsenic  n'est 
pas  indiqué.  Ualkaest ,  préparation  singulière  de  Van 
Helmont,  composée  d'un  tartrate  et  autres,  est  considé- 
rée comme  impossible  à  bien  préparer  et  comme  entrant 
dans  la  foule  des  remèdes  chimiques  trop  complexes. 
Le  mercure  est  surtout  conseillé  comme  purgatif  a  l'état 
de  mercure  doux  (calomel),  ou  bien  trituré  avec  du 
sucre  jusqu'à  faire  une  poudre  grise. 

L'auteur  qui  semblerait  avoir  le  mieux  rendu  tout  le 
fatras  de  la  pharmacopée  grecque,  arabe  et  alchimiste, 
et  contre  lequel  s'élèvent  incessamment  Ludovicus  et 
Ettmuller,  parait  avoir  été  Zuvclplier,  dont  je  n'ai  point 
eu  le  livre  entre  les  mains. 


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366  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

III.  Chihurgie.  —  Il  y  a  peu  de  chose  à  dire  de  la 
chirurgie  dans  ce  siècle;  elle  fut  assez  négligée,  surtout 
dans  la  première  moitié.  Et  plus  tard,  les  hommes  qui 
la  représentèrent  n'eurent  qu'un  nom  secondaire.  Ainsi, 
Habicot,  Bawister  qui  opérait  les  cataractes,  Th.  Bar- 
tholin,  Glandorp,  sont  peu  connus.  Frère  Jacques  ou 
Jacques  Beaulieu,  lelithotomiste,est  plus  renommé.  Il  y 
eut  des  accoucheurs,  comme  Mauriceau,  Molinetti;  on 
cite  encore  Thévenin,  Calfin.  et,  vers  la  fin  du  siècle 
pour  rejoindre  le  suivant,  Lamotte,  Belloste,  Saviard, 
Mareschal. 

—  Notons  en  passant  que  la  médecine  légale  fut  alors 
fondée  par  Zachias  et  Devaux. 

§  VI.  —  Les  Facultés  et  les  Académies. 

La  Faculté  de  Paris  était  encore  à  cette  époque,  de 
toutes  celles  qui  avaient  été  fondées  et  se  fondaient  en 
Europe,  la  plus  célèbre  et  qui  faisait  le  plus  autorité. 
C'est  alors  que Gabr.  Naudé donna  ce  fameux  discoui*scfe 
anliquitate  et  dignitate  scholœ  medicx  Parisiensis  panegyris, 
où  se  trouve  comme  un  résumé  historique  des  gloires  de 
cette  grande  institution,  lorsqu'on  retrouva  les  anciens 
registres  de  la  Faculté,  égarés  depuis  1472  jusqu'en  1650. 
C'est  cependant  un  triomphe  qui  n'est  pas  sans  ombre 
et  sans  nuages  ! 

Dès  le  début  du  xvne  siècle,  en  1602,  la  Faculté  est 
définitivement  obligée  de  reconnaître  l'introduction  des 
chirurgiens  dans  son  sein  :  nous  avons  vu  les  débats  de 
cette  lutle  au  siècle  précédent.  En  ce  point,  elle  cédait  à 
la  justice,  mais  elle  succombait  dans  ses  prétentions,  et 
cela  eût  dû  rendre  nos  doctissimi  plus  modérés.  Mais 
ce  ne  fut  pas  tout,  et,  pour  être  répétés,  les  enseigne- 
ments ne  sont  pa  •  toujours  profitables.  La  Faculté  lut- 


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É1TDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  367 

tait  contre  l'introduction  des  médicaments  chimiques  : 
nous  avons  vu  plus  haut  comment  elle  finit  par  céder. 
Elle  lutta  contre  la  circulation,  et  céda  également.  Elle 
fît  obstacle  à  l'introduction  du  quinquina,  de  l'ipéca- 
cuanha,  du  café,  du  thé  :  elle  céda  encore,  toujours 
après  des  luttes.  Enfin  se  présenta  devant  elle  l'affaire 
de  la  chambre  royale  qui  doit  nous  arrêter. 

Paris  s'était  considérablement  agrandi,  depuis  Fran- 
çois Ier,  par  une  affluence  d'étrangers.  On  y  accourait 
de  tous  les  points  de  l'Europe  pour  y  voir  et  surtout  s'y 
faire-  voir,  car  c'était  là  que  se  consacraient  toutes  les 
gloires,  toutes  les  réputations.  Parmi  ces  étrangers, 
beaucoup  de  médecins,  plus  ou  moins  reçus  dans  des 
universités  étrangères,  venaient  s'y  établir  à  côté  de 
beaucoup  de  médicastres  nationaux,  chacun  vantant  ses 
remèdes  :  bols  d'Arménie,  onguent  de  Naples,  rob  de 
Syrie,  etc.  Les  uns  étaient  fort  ignorants  et  séduisaient 
le  public,  d'autres  étaient  savants,  venaient  accroître 
leur  science  et  tenter  en  uième  temps  la  fortune.  De 
Montpellier  particulièrement,  qui  s'était  vite  ralliée  aux 
nouveautés,  venaient  bien  des  licenciés.  La  Faculté  de 
Paris  ne  voyait  pas  sans  aigreur  et  sans  jalousie  tous 
ces  nouveaux  venus  qui  échappaient  à  ses  règles,  à  ses 
sévérités,  il  faut  bien  le  dire,  et  qui  lui  prenaient  parfois 
le  plus  beau  de  sa  clientèle!  Dans  le  siècle  précédent,  on 
avait  lutté  pour  ne  pas  admettre  les  chirurgiens  dans  la 
Faculté  :  irait-on  maintenant  obliger  tout  le  inonde  à 
y  entrer?  La  Faculté  s'appuyait  sur  un  ancien  édit  du 
roi  Jean,  en  1352,  disant:  «  Nullus  audeat  practicare 
«  Parisiis,  vel  suburbis....  nisi  sit  approbatus  per  Ma- 
«  gistros  Medicinae  Pariensis,  »  édit  que  le  roi  Charles  VI 
aurait  étendu  à  tout  le  royaume,  assurait-on.  Mais  cet 
édit,  dont  l'original  était  perdu,  ne  se  retrouvait  qu'en 
copie  sur  les  registres  de  la  Faculté  :  cela  était  fort  dis- 


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368  HISTOIRE  DE  L\  MEDECIN  F.. 

cutable,  et  douteux  pour  beaucoup.  D'ailleurs,  ce  n'était 
qu'un  édit  qui  ne  pouvait  aller  contre,  les  franchises  des 
communes,  à  supposer  qu'on  pût  admettre  comme  va- 
lables des  registres  qui,  parlant  de  1352,  ne  dataient 
eux-mêmes  que  de  1395,  et  qui  restèrent  égarés  de  1472 
à  1630.  L'Université  avait  bien  droit  d'autorité  sur  son 
terrain,  mais  la  ville  dépendait  de  la  commune,  du 
prévôt  des  marchands  et  du  Chàtelet  ;  ceux  que  la  pré- 
vôté ou  la  police  autorisait  à  s'y  établir  étaient  bien 
libres!  Souvent  un  médecin  qui  voulait  faire  partie  de 
la  Faculté  se  soumettait.  Tel  fut  Hecquet,  à  la  fin  du 
siècle.  Né  à  Abbeville,  en  Picardie,  il  prit  ses  «rades  à 
Reims  et  alla  s'établir  dans  son  pays  natal.  Ayant  voulu 
venir  s'établir  à  Paris,  il  se  fixa  d'abord  à  Port-royal- 
des-Champs  pour  n'être  pas  inquiété,  puis  se  soumit 
aux  examens  de  la  Faculté  de  Paris.  Mais  tout  le  monde 
n'était  pas  de  caractère  si  conciliant.  Vallot  n'était  que 
docteur  de  Heims.  Gui  Patin  le  poursuivit  vainement 
de  ses  invectives  et  de  ses  chicanes,  et  même  censura 
tout  docteur  qui  irait  en  consultation  avec  lui.  Vallot 
n'en  persista  pas  moins  à  exercer  malgré  la  Faculté,  et 
n'en  devint  pas  moins  plus  tard  médecin  du  roi.  En 
1691,  un  médecin  sans  titre,  se  disant  à  la  fois  aussi 
chirurgien  et  pharmacien,  fut  nommé  médecin  de  la 
Pitié  à  la  recommandation  d'un  avocat  célèbre;  et,  pour 
lui  faire  plaee,  on  avait  exclu  le  D'  Pinot,  qui  était  at- 
taché à  l'hôpital  depuis  vingt-cinq  ans  :  il  fallut  présen- 
ter les  arrêts  et  règlements  ayant  force  de  loi  sous  la 
protection  du  Parlement,  et  qui  déclaraient  qu'on  ne 
pouvait  nommer  dans  les  hôpitaux  d'autres  médecins 
que  ceux  de  la  Faculté.  En  1695,  c'est  à  l'assemblée  du 
clergé  que  la  Faculté  s'adressa  pour  réprimer  un  grand 
nombre  de  moines  ecclésiastiques  qui  pratiquaient 
la  médecine  sans  titre.   Il   n'y  avait  donc  pas  de 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  369 

lois.  Cependant  il  y  avait  lutte  sourde,  elle  devait 
éclater. 

Un  certain  Th.  Renaudot,  docteur  de  Montpellier, 
homme  très-remuant  parmi  tous  ces  étrangers  remuants, 
s'était  fait  recommander  au  cardinal  de  Richelieu,  avait 
conquis  sa  confiance,  et  se  mit  à  fonder,  sous  la  haute 
protection  de  Son  Eminence,  la  Gazette  de  France,  pre- 
mier essai  de  journal  en  France.  On  avait  déjà  essayé 
semblable  chose  en  Italie,  et  ce  nom  de  gazette  était 
môme  le  nom  d'une  petite  monnaie  italienne,  prix  au- 
quel le  journal  se  vendait.  Th.  Renaudot  ne  s'en  tint 
pas  là.  Fort  de  ses  protections,  il  se  mit  à  donner  des 
consultations  gratuites,  les  établit  dans  une  maison  de 
la  Cité,  où  il  installa  en  même  temps  une  pharmacie 
pour  préparer  les  médicaments  chimiques,  et  même  une 
sorte  de  mont-de-piété  pour  être  utile  aux  ouvriers  ; 
car  ce  médecin  très-entreprenant  était  en  même  temps 
très-charitable,  et  il  consacrait  à  ces  fondations  de  bien- 
faisance ce  que  son  journal  lui  rapportait.  D'ailleurs 
peu  scrupuleux  sur  l'annonce,  il  vantait  dans  ce  journal 
ses  œuvres,  par  lui  les  répandait,  en  indiquait  l'adresse 
et  les  merveilleux  résultats.  Bientôt  il  devint  un  centre 
de  groupement,  et  plusieurs  médecins  de  la  ville,  tant 
de  Montpellier  que  d'autres  lieux,  tous  étrangers  à  la 
Faculté,  s'associèrent  sous  sa  direction  en  compagnie 
médicale.  La  Faculté  alors  intervint,  fit  condamner  Re- 
naudot par  le  Parlement  et  disperser  la  société.  Gui 
Patin  était  un  des  ardents  dans  cette  lutte.  Mais  Renau- 
dot était  tenace  dans  ses  entreprises  :  il  fit  jouer  des 
ressorts  et  des  protections,  se  fit  recommander  au  roi 
et  en  obtint  des  lettres  patentes,  en  date  du  1  i  avril  1673, 
qui  lui  permettaient  de  reconstituer  sa  compagnie  sous 
le  nom  de  Chambre  royale  de  médecine,  laquelle  était  au- 
torisée à  faire  passer  des  thèses  et  à  délivrer  des  di- 

loME  XXXII.  —  .NOVEMMlK  ET  DÉCEMliliE  l$7l'  1 1 


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370  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

plômes.  Le  coup  était  bien  fort,  la  Faculté  fut  aux 
champs,  et  à  son  tour  remua  ciel  et  terre  pour  écraser 
cette  rivale  naissante.  Elle  fit  d'abord  opposition  à  ce 
que  ces  lettres  patentes  fussent  enregistrées  ;  et,  comme 
aucun  ministre  ne  les  avait  contresignées,  elle  obtint 
de  Golbert  de  les  faire  annuler.  .Mais  la  Cliambre  royale  de 
médecine  tint  bon  quelques  années  ;  elle  ne  céda  pas 
devant  l'injonction  qui  lui  fut  faite  de  cesser  ses  séances, 
et  continua  son  existence  jusqu'en  1694,  époque  à  la- 
quelle la  Faculté  obtint  du  roi  un  décret  de  suppression. 
On  lit  alors  maintes  démarches,  on  se  récria  contre  les 
iniques  jalousies  de  la  Faculté;  mais  Renaudot  et  ses 
amis  durent  céder,  la  Faculté  triomphait.  Elle  n'en 
avait  pas  moins  une  certaine  et  noble  fierté  devant  la 
cour,  car  elle  avait  décidé  en  1648,  sous  le  décanat  de 
J.  Piètre,  qu'on  ne  nommerait  pour  doyen  ou  profes- 
seur aucun  docteur  attaché  à  la  famille  royale,  parce 
que  Yvelen,  professeur  de  deux  ans,  avait  été  obligé 
d'interrompre  sa  profession  pour  suivre  la  cour.  Il  est 
vrai  qu'il  fallut,  en  1694,  tout  le  crédit  de  Fagon  pour 
écraser  Renaudot  et  les  sociétés  provinciales,  comtne  on 
les  nommait,  et  la  Faculté  lui  en  fut  très-reconnais- 
sante. Nous  verrons  comment,  au  siècle  suivant,  la 
faveur  royale  cessa  de  soutenir  l'antique  école. 

La  tentative  de  Renaudot,  quoique  malheureuse,  n'en 
était  pas  moins  nécessaire,  et  on  peut  regretter  qu  elle 
n'ait  pas  abouti.  L'Université  de  Paris  était  à  un  mo- 
ment critique  où  il  lui  fallait  Tune  de  ces  deux  choses  : 
ou  se  transformer,  ou  accepter  une  concurrence.  Quand 
elle  s'était  fondée,  elle  avait  été  le  fait  d'un  mouvement 
progressiste  dans  l'instruction  :  peu  après,  elle  avait 
senti  la  nécessité  de  donner  des  digues  à  ce  mouvement 
et  l'avait  enserré  dans  les  examens  et  les  grades  ;  elle 
devenait  dès  lors  un  principe  conservateur.  Il  y  avait 


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Étude  sur  nos  traditions.  371 

certainement  là  une  conduite  fort  sage  par  un  côté,  car 
c'est  fort  légitimement  que  la  nature  humaine  est  ins- 
tinctivement poussée  à  prendre  des  précautions  pour 
conserver,  préserver  et  développer  ce  qu'elle  a  une  fois 
acquis.  Tout  homme  qui  nie  la  valeur  du  principe  de 
conservation  est  une  jeunesse  inconsidérée  ou  un  fou. 
Mais,  à  côté  de  ce  prineipe  capital,  il  en  est  un  autre  non 
moins  utile,  c'est  celui  du  progrès,  qu'il  ne  faut  pas  non 
plus  méconnaître  et  qui  consiste  dans  cette  sorte  d'af- 
franchissement et  de  liberté  par  laquelle  notre  sponta- 
néité de  sentiments  ou  d'esprit  s'élance  à  la  recherche 
des  choses  et  des  voies  nouvelles.  Or,  c'est  malheureu- 
sement un  fait  que  les  institutions  humaines,  fondées 
pour  conserver  ce  qui  est  une  fois  acquis,  deviennent 
ordinairement  des  obstacles  à  la  spontanéité  d'où  naît 
le  progrès,  et  qu'ainsi  le  principe  de  conservation  nuit 
au  principe  de  nouveauté  et  de  développement.  La 
vieille  Université  de  Paris  avait  bien  laissé  quelques 
moyens  d'échapper  à  une  conservation  trop  rigoureuse, 
et  c'est  ainsi  que  le  renouvellement  du  professorat  tous 
les  trois  ans  était  l'occasion  d'une  sorte  de  rajeunisse- 
ment. Mais  elle  était  formée  par  un  corps  de  docteurs, 
tous  issus  du  même  enseignement  et  des  mômes  doc- 
trines ;  corps  compact,  et  fatalement  intolérant  dans  la 
transmission  de  ses  traditions.  De  là  les  obstacles  que 
toutes  les  nouveautés  des  xv*,  xvi'  et  xvn*  siècles  avaient 
rencontrés  et  rencontraient.  La  nouvelle  chimie,  la  nou- 
velle physique,  les  nouvelles  mathématiques,  les  sciences 
naturelles,  la  philologie,  n'avaient  et  ne  pouvaient  avoir 
leur  place  dans  cet  ancien  corps  constitué  par  d'autres 
dogmes  scientifiques.  L'antique  Faculté  de  médecine  et 
celle  des  arts  ne  se  retrouvaient  plus  au  milieu  de  tous 
les  faits  nouveaux  et  devaient  fatalement  lutter  contre 
leur  introduction.  Il  n'y  avait  de  développement  possible 


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372  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

que  par  une  transformation  de  ces  anciennes  institu- 
tions, ou  par  la  libre  concurrence,  qui  l'eût  obligée  de 
se  métamorphoser  devant  des  institutions  rivales. 

François  1er  avait  eu  une  sorte  de  perception  de  ces  dif- 
ficultés au  siècle  précédent,  et  avait  fondé  le  Collège  de 
France  pour  les  savants  étrangers.  Mais  cette  institu- 
tion était  en  elle-même  trop  incomplète,  et  d'ailleurs, 
ne  pouvant  donner  des  grades,  elle  ne  pouvait  être  une 
rivale  pour  l'Université. 

C'est  ainsi  qu'au  xvn*  siècle  les  sciences  nouvelles 
furent  cultivées  par  des  hommes  qui  n'appartenaient 
pas  à  l'Université  ou  qui  ne  lui  appartenaient  que 
de  loin,  et  que  ces  savants  furent  conduits  à  se  réunir 
et  à  se  grouper  dans  des  conventicules  qu'on  nomma 
des  Académies.  A  Florence ,  VA  cademia  del  Cimento 
avait  donné  l'exemple,  que  le  cardinal  de  Richelieu 
imita  en  fondant  Y  Académie  française.  A  Paris,  Ro- 
bertson,  Pascal  et  ses  amis  fondèrent  Y  Académie  des 
sciences,  pendant  qu'à  Londres  se  faisait  la  Société  royale. 
Chez  Bourdelot  (l'abbé)  s'était  faite  Y  Académie  chimique, 
où  R.  Boyle  vint  de  Londres  pour  discuter  les  théories 
mécaniciennes.  Son  neveu,  fils  de  sa  sœur,  prit  son  nom, 
devint  docteur  de  la  Faculté,  à  laquelle  il  fit  don  de  la 
bibliothèque  de  son  oncle.  Chez  Clerselier,  membre  du 
Parlement,  se  tenait  Y  Académie  cartésienne,  où  le  père 
Mcrsenne  donna  des  conférences  pendant  plusieurs  an- 
nées, et  où  Rohault  lui  succéda.  Il  en  fut  de  même  pour 
Y  Académie  des  Inscriptions  et  Belles- Lettres.  Le  Jardin  des 
Plantes,  ou  Jardin  du  Roi,  fut  établi  en  1626,  sous 
Louis  XIII,  par  de  la  Brosse,  à  l'instar  de  celui  que 
Henri  IV  avait  établi  à  Montpellier  en  do36.  Fagon,  qui 
y  naquit,  y  succéda  à  son  oncle  maternel  de  la  Brosse. 
Sur  la  fin  du  siècle,  Duverney,  l  anatomiste,  et  Lémery, 
le  botaniste,  y  attiraient  un  grand  nombre  d'auditeurs. 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  373 

Ce  mouvement  de  Fondation  des  Académies  et  les  sociétés 
particulières  était  la  conséquence  inévitable  de  l'état 
de  l'Université,  où  il  n'y  avait  pas  de  place  pour  les 
sciences  nouvelles.  Mais,  chose  singulière,  ces  Acadé- 
mies devaient  être  elles-mêmes  un  obstacle,  après  avoir 
été  un  progrès.  Lorsque  Y  Académie  des  sciences  sortit  des 
conférences  particulières  de  Robert  val  et  s'installa  au 
Louvre,  on  lui  adjoignit  des  jeunes  gens  destinés  à  en 
être  la  partie  mobile  et  libérale  ;  à  la  fin  du  siècle, 
on  supprima  cette  fraction  qui,  d'ailleurs,  par  suite  du 
favoritismequilagangrenait,n'étaitqu'un  horsd'œuvre, 
et  la  société  devint  un  autre  corps  essentiellement  con- 
servateur. L'Académie  ne  se  recrutait  que  parmi  les  hom- 
mes qui  pensaient  comme  elle,  avaient  ses  théories,  ses 
idées,  pactisaient  avec  ses  passions,  en  un  mot,  étaient 
de  sa  coterie.  Cela  se  fit  peu  à  peu  et  par  le  cours  naturel 
des  choses.  Heureusement  qu'il  ne  lui  fut  pas  accordé  le 
droit  de  donner  des  diplômes;  car,  entre  ses  prétentions 
et  celles  de  l'Université,  toute  vérité  nouvelle  eût  été 
étranglée.  Et  cependant,  ces  hommes  qui  allaient  peu- 
pler les  Académies  et  s'y  confiner  en  nombre  restreint 
et  limité,  comme  pour  attester  qu'il  y  aurait  toujours 
quarante  savants  en  France  et  qu'il  n'y  aurait  jamais 
que  cela,  c'étaient  pour  la  plupart  des  savants  libres, 
des  praticiens  distingués  par  leur  propre  mérite,  qui 
s'étaient  élevés  tout  seuls,  en  dehors  de  l'Université,  qui 
avaient  fait  fructifier  leur  spontanéité.  Ils  constituaient 
la  science  extra-universitaire,  pendant  que  l'Univer- 
sité restait  la  partie  classique,  ils  faisaient  la  partie 
nouvelle,  avancée  ;  ils  étaient  les  pionniers  du  nouveau 
monde  savant.  Ils  en  eurent  bien  dans  les  premiers 
temps  la  généreuse  ardeur  ;  mais  on  a  toujours  raison 
de  craindre  ceux  qui  conquièrent  une  autorité.  Notons 
bien  ce  fait,  car  nous  aurons  à  faire  remarquer  corn- 


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374  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

ment  c'est  de  ce  foyer,  qui  s'était  établi  comme  une 
protestation  contre  l'ancienne  intolérance,  que  naquit 
l'intolérance  des  temps  nouveaux  ;  de  sorte  que  ce  qui 
fut  installé  comme  institution  do  progrès  est  devenu, 
par  la  force  des  choses,  une  institution  rétrograde. 

La  fondation  des  Académies  a  produit  en  outre  un  sin- 
gulier changement  dans  la  conduite  et  la  destinée  des 
sciences.  Dans  les  premiers  temps,  ces  sociétés  nouvelles 
extra-universitaires  furent  constituées  par  des  praticiens 
indépendants  et  un  petit  groupe  de  savants  amateurs  ; 
de  sorte  que  deux  sentiments  principaux  régnent  parmi 
eux,  les  excitent,  les  enflamment  :  la  curiosité  et  le  but 
pratique.  Robertval,  Mersen ne,  Pascal,  Gassendi,  étaient 
de  simples  curieux,  amateurs  de  la  science  et  des  choses 
de  l'esprit.  Mais  Auzout  était  un  ingénieur  astronome, 
Buot  était  un  ingénieur  géographe,  et  il  en  était  de 
même  de  Huyghens,  de  Mariotte  ;  Gureau  de  la  Chambre, 
Bourdelot  et  le  botaniste  Marchand,  Pecquet,  Duclos  le 
chimiste,  Cl.  Perrault,  son  collaborateur,  L.  Gayant, 
étaient  médecins  ;  Thevenot  était  un  voyageur,  l'abbé 
Gallois  un  professeur  de  littérature  au  Collège  royal. 
Lorsque  l'Académie  des  sciences  s'installa  le  26  dé- 
cembre 1666,  sous  la  protection  de  Colbert,  elle  comp- 
tait un  ensemble  assez  remarquable  de  quelques  ama- 
teurs et  de  beaucoup  de  praticiens  dans  des  genres 
divers,  et  quand  on  voit  les  premiers  plans  de  travaux 
à  instituer,  ceux  tracés  par  CI.  Perrault,  ceux  des  as- 
tronomes et  des  physiciens,  on  ne  peut  méconnaître 
que  la  science  pratique  était  le  but  des  préoccupations 
générales,  aussi  bien  chez  les  membres  réunis  que  chez 
le  grand  ministre  qui  les  avait  rassemblés. 

On  a  dit  que  cette  première  Académie  fut  tyrannisée 
par  Louis  XIV  et  les  gens  de  cour,  qu'on  leur  demanda 
d'abord  plus  de  renseignements  pour  les  travaux  et  l'ar- 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  375 

tillerie  du  grand  roi,  ou  pour  les  jeux  de  roulettes  des 
grands  seigneurs,  qu'on  fit  une  guerre  à  la  science 
pure  (i);  et  que  ce  fut  le  ministre  Pontchartrain  qui, 
en  plaçant  son  neveu  l'abbé  Bignon  à  la  tête  de  l'Aca- 
démie réformée  et  reconstituée  en  janvier  et  février  1699, 
fonda  vraiment  la  nouvelle  et  grande  Académie  des 
sciences.  Cette  appréciation  n'est  ni  juste,  ni  sage. 

Il  ne  faut  pas  contester  sans  doute  les  exigences  aux- 
quelles furent  soumis  les  membres  de  la  première  Aca- 
démie ;  mais  il  faut  avouer  que  toute  la  tradition  scien- 
tifique autorisait  l'opinion  du  grand  roi  en  soutenant  que 
les  sciences  peuvent  être  un  délassement  d'esprit  pour 
un  curieux  et  un  amateur,  mais  qu'elles  doivent  être 
surtout  utiles  par  leurs  applications  pratiques.  Je  re- 
marque d'ailleurs  que  la  seconde  Académie,  qui  fut 
inaugurée  dans  la  dernière  année  du  xvn"  siècle  et  prit 
fin  en  1793,  a  rendu  d'assez  grands  services  soit  à  la 
géographie,  soit  au  génie,  à  la  médecine  et  aux  grandes 
industries,  pour  qu'on  ne  lui  reporte  pas  de  justes 
hommages.  C'est  elle  qui  a  tiré  les  sciences  de  la  rou- 
tine où  les  enfermait  l'ancienne  Université,  et  assez 
d'hommes  pratiques  ont  fait  sa  gloire  pour  qu'on  ne  l'ac- 
cuse pas  du  crime  stupide  et  injuste  de  n'avoir  fait  que  de 
la  science  pure.  Les  querelles  dont  elle  a  retenti  dès  ses 
débuts,  entre  les  Cartésiens  et  les  Newtonniens,  entre  les 
Géomètres  et  les  Algébristes,  n'ont  pas  empêché  Clair- 
vaut,  Réaumur,  Maupertuis,  Jussieu,  de  faire  de  la 
très-bonne  et  excellente  science  pratique ,  utile  aux 
géographes  et  aux  ingénieurs,  aux  médecins  et  aux 
industriels. 

Je  remarque  toutefois  que,  dans  cette  nouvelle  phase, 
l'Académie  ne  sut  pas  rallier  la  médecine,  qui  y  fut  tou- 

(i)  Maury,  f  Ancienne  Académie  des  Sciences,  p.  39. 


370  HISTOIRE  DR  LA  MÉDECINE. 

jours  maigrement  représentée  et  y  tint  un  rôle  amoin- 
dri, pendant  que  beaucoup  de  savants,  purement  ama- 
teurs, comme  Fontenelle,  Dalembert  et  d'autres,  y 
occupèrent  le  premier  rang-  ;  de  sorte  qu'en  réalité,  ce  qui 
s'y  fit  de  bien  fut  fait,  malgré  le  courant  des  savants  à 
réputation  ;  que  plus  de  bien  s'y  serait  fait  si  des  profes- 
seurs n'avaient  souvent  tenu  la  place  des  hommes  pra- 
tiques ;  et  qu'enfin  on  y  glorifia  plutôt  le  savoir  du 
professeur  brillant  et  émérite  que  l'utile  connaissance 
du  savant  praticien.  C'est  sous  l'influence  de  cette  Aca- 
démie, dont  encore  une  fois  je  ne  méconnais  pas  les 
services,  tout  en  déplorant  son  esprit,  qu'on  prit  l'ha- 
bitude de  ne  plus  considérer  comme  savants  que  les 
membres  de  l'Académie,  ou  ses  aspirants,  ou  les  pro- 
fesseurs qui  y  étaient  rattachés  par  un  lien  quelconque  ; 
et  c'est  depuis  qu'on  a  exclu  du  monde  savant  les  mé- 
decins, les  ingénieurs,  les  pharmaciens,  les  géographes, 
les  jardiniers,  les  grands  industriels,  qu'il  fut  de  mode 
de  considérer  comme  de  simples  praticiens;  de  sorte 
que,  comme  nous  le  montrerons  au  siècle  suivant,  on 
en  arriva  môme  à  contester  que  la  médecine  pût  être 
une  science. 

Cette  révolution  dans  les  hommes  de  science  a  été  un 
des  désastres  les  plus  grands  que  la  société  ait  pu  subir, 
et  qui  l'a  atteinte  jusqu'aux  sources  vives  de  la  vitalité. 
Jl  en  est  résulté  deux  groupes  distincts  et  naturellement 
hostiles,  poursuivant  des  errements  ridicules  et  même 
coupables,  une  fois  que  leurs  habitudes  ont  été  établies  : 
d  une  part,  des  savants  occupant  les  Académies,  les 
institutions  officielles,  les  chaires  professorales,  faisant  et 
enseignant  une  science  qui  s'enorgueillissait  de  plus  en 
plus,  en  s'isolant  de  la  pratique  qu'elle  considérait  comme 
au-dessous  d'elle,  visant  cependant  à  l'influencer  et  à  la 
dominer,  et  la  fourvoyant  le  plus  souvent,  parce  qu'elle 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  377 

était  inapte  à  lui  donner  de  bons  conseils;  d'une  autre 
part,  des  hommes  qui  occupaient  des  professions  pour 
lesquelles  la  science  eût  été  une  nécessité  sesontdésha- 
bitués  d'apprendre,  à  force  d'entendre  dire  qu'on  n'avait 
pas  besoin  de  science  pour  être  bon  praticien  et  que  la 
science  était  au-dessus  d'eux,  dans  une  hauteur  lointaine 
dont  ils  n'étaient  pas  dignes.  Il  faut  rendre  justice  à 
l'ancienne  Faculté  de  médecine  qui,  par  ses  habitudes 
et  son  esprit,  lutta  tant  qu'elle  put  et  jusqu'à  sa  fin 
contre  cette  déplorable  scission,  et*  qui  ne  fut  vaincue 
que  par  l'échafaud.  Quand,  à  latin  du  xvin'  siècle  et  au 
commencement  du  nôtre,  l'esprit  académique  et  profes- 
soral s'empara  définitivement  de  la  science  et  de  l'en- 
seignement dans  notre  pays,  ce  fut  le  triomphe  du 
courant  qui  s'était  produit  à  la  fin  du  xvne  siècle.  En 
vain  beaucoup  d'hommes  pratiques  ont  montré  qu'ils 
n'étaient  devenus  si  forts  dans  leur  profession  que  par 
leur  grand  savoir;  en  vain  dans  toute  profession,  et 
particulièrement  en  médecine,  beaucoup  d'autres  ont 
non-seulement  fait  preuve  d'un  grand  savoir,  mais  ont 
fait  progresser  les  sciences  par  l'élévation  de  leurs  vues, 
la  profondeur  de  leurs  déductions  et  la  grandeur  de 
leurs  découvertes  :  les  académiciens  et  les  professeurs, 
maîtres  du  courant  scientifique,  au  nom  de  leurs  ma- 
thématiques, de  leur  physique  et  de  leur  chimie,  ont 
rejeté  loin  d'eux  tous  ces  praticiens  honorables  et  utiles; 
de  sorte  qu'en  définitive,  c'est  ce  qui  est  vaniteux  et  in- 
fécond qui  gouverne  la  science,  tandis  que  ce  qui  est 
utile  et  honorable  est  asservi. 

F.  Frédault. 

—  La  suite  au  prochain  numéro.  — 


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378 


CLINIQUE. 


CLINIQUE 

QUELQUES  CAS  DE  FIÈVRES  INTERMITTENTES  REBELLES 
AU  SULFATE  DE  QUININE. 

Nous  sommes  si  habitués  à  voir  le  sulfate  de  quinine 
triompher,  sinon  de  la  maladie  elle-même,  au  moins 
des  accès  qui  constituent  la  fièvre  intermittente,  qu'il 
est  toujours  intéressant  de  recueillir  les  faits  qui,  par  ex- 
ception, ont  résisté  à  l'antipériodique  par  excellence 
et  de  rechercher  les  caractères  de  ces  fièvres  rebelles  au 
sulfate  de  quinine. 

Dans  un  quartier  bouleversé  par  les  démolitions  et 
les  constructions  du  nouveau  Paris,  près  de  la  rue  de 
Rennes,  dans  un  hôtel  entouré  de  jardins,  habite  une 
nombreuse  famille;  c'est  là  que  j'ai  observé,  depuis  un 
an,  plusieurs  cas  de  fièvres  intermittentes  rebelles  au 
sulfate  de  quinine. 

Au  printemps  de  l'année  1869,  le  fils  aîné  de  cette  fa- 
mille, jeune  homme  de  16  ans,  d'une  bonne  santé  habi- 
tuelle, fut  pris  d'une  fièvre  intermittente  anomale,  à 
type  quotidien  redoublé,  présentant  un  premier  accès 
vers  cinq  heures  du  matin,  et  un  second  vers  deux  heures 
de  l'après-midi.  L'accès  débute  par  un  sentiment  de 
froid,  pâlissement  des  doigte  et  de  la  face,  puis  chaleur 
sans  sueur.  La  céphalalgie  est  continue,  mais  elle  aug- 
mente pendant  les  accès  et  s'accompagne  d'un  trouble 
notable  de  la  vue  ;  l'anorexie  est  à  peu  près  complète, 
la  diarrhée  survient  facilement  sous  l'influence  des 
doses  fortes  du  sulfate  de  quinine;  jamais  la  chaleur 
fébrile  ne  dépasse  37  degrés  ;  l'amaigrissement  et  la 
perte  des  forces  furent  le  résultat  très-prompt  de 
cet  état  de  fièvre  et  d'anorexie;  le  sommeil  était  bon. 


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FIÈVRES  INTERMITTENTES  AU  SULFATE  DE  QUININE.  379 

Les  urines,  examinées  à  cause  du  trouble  de  la  vue,  ne 
présentaient  pas  d'albumine. 

Le  sulfate  de  quinine,  à  la  dose  de  75  centigrammes 
et  d'un  gramme,  répété  plusieurs  fois,  le  quinquina 
à  dose  moindre,  l'arsenic  à  forte  dose,  la  noix  vomique 
à  la  12e  dilution,  le  diadema  et  la  tarentule  à  la  2'  tri- 
turation, le  plomb  et  peut  être  encore  quelques  autres 
médicaments  que  j'oublie,  furent  employés  inutilement. 
Au  bout  de  six  semaines  d'une  thérapeutique  infruc- 
tueuse et  qui  ne  parvint  pas  même  à  suspendre  les  ac- 
cès, j'envoyai  le  malade  à  Versailles.  La  ûèvre  cessa 
dès  le  second  jour;  il  revint  huit  jours  après,  et  fut  re- 
pris presque  aussitôt  de  ses  accès  qui  disparurent  défini- 
tivement pour  cette  année,  quand  il  partit  pour  l'Al- 
sace. 

Pendant  l'hiver  de  cette  année  1870,  le  même  jeune 
homme  fut  repris  de  la  même  fièvre  avec  les  mêmes 
caractères.  L'hydrothérapie  (douches  en  cercle)  employée 
dès  le  début,  ne  modifia  pas  les  accès,  et  détermina  au 
bout  de  dix  à  douze  jours  une  diarrhée  qui  nous  força 
de  renoncer  à  ce  moyen;  la  fièvre  persista  malgré  le 
froid  rigoureux  de  cet  hiver,  et  elle  ne  disparut  définiti- 
vement que  par  un  voyag-e  à  Metz,  où  le  jeune  homme 
resta  un  mois;  la  fièvre  cesta  complètement  le  second  jour 
après  son  départ  de  Paris;  il  est  revenu,  est  resté  plus 
d'un  mois  à  Paris,  et  n'a  pas  encore  été  repris  de  la 
fièvre. 

2"e  Observation.  La  sœur  du  malade  précédent, 
mademoiselle  Marie,  est  âg*ée  de  17  ans,  est  atteinte 
depuis  deux  ans  d'une  chlorose  dont  les  deux  symptômes 
principaux  sont  une  céphalalgie  habituelle  et  de  l'ano- 
rexie. Cette  demoiselle  eut  la  rougeole  vers  le  mois  de 
mars,  et  dans  la  convalescence  fut  prise  d'une  fièvre 
intermittente  très-analog-ue  à  celle  de  son  frère  :  deux 


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380  CLINIQUE. 

accès  par  jour,  marqués  par  du  frisson,  de  la  chaleur, 
de  la  fréquence  du  pouls,  de  la  céphalalgie,  du  trouble 
de  la  vue  et  une  perte  complète  d'appétit  ;  pas  de  sueurs. 
Cette  fièvre  résiste  à  des  doses  fortes  et  répétées  de 
sulfate  de  quinine,  au  quinquina,  à  la  noix  vomique, 
à  l'arsenic,  au  diadema.  Je  me  décidai  à  l'envoyer  à 
Metz,  où  elle  se  débarrassa  de  sa  fièvre,  mais  pas  subite- 
ment comme  son  frère;  la  Gèvre  diminua  graduelle- 
ment et  ne  disparut  qu'après  une  quinzaine  de  jours. 
La  céphalalgie  habituelle  à  laquelle  est  encore  sujette 
cette  jeune  fille,  ne  lui  permit  peut-être  pas  de  se  rendre 
compte  de  la  cessation  du  mouvement  fébrile  ;  car  les 
frissons  ayant  disparu  dès  les  premiers  jours,  il  est 
probable  que  le  mouvement  fébrile  ne  persista  pas  long- 
temps après  leur  disparition. 

Avant  de  rapporter  une  troisième  observation  de 
fièvre  intermittente  rebelle  au  sulfate  de  quinine,  je 
désire  présenter  quelques  réflexions  sur  les  deux  cas 
précédents. 

Le  type  quotidien  redoublé  est  excessivement  rare, 
j'en  ai  observé  quelques  cas  pendant  des  épidémies 
survenues  au  printemps,  mais  ces  cas  extrêmement 
bénins  cédaient  facilement  aux  médicaments  appro- 
priés. On  rencontre  encore  ce  type  quotidien  redoublé 
dans  des  cas  de  fièvre  intermittente  de  forme  com- 
mune, dont  le  retour  des  accès  a  été  modifié  par  l'ad- 
ministration prolongé  du  sulfate  de  quinine  et  du  quin- 
quina. Mais  il  y  a  loin  de  là  à  une  fièvre  intermittente 
qui  révête  de  prime  abord  le  type  quotidien  redoublé, 
qui  résiste  pendant  des  mois  aux  traitements  les  plus 
divers,  pour  guérir  très-rapidement  par  le  changement 
du  climat  ;  cette  fièvre  mérite  donc  bien  le  nom  de  fièvre 
intermittente  anomale  que  je  lui  ai  imposé. 

Ces  deux  cas  se  rapprochent  par  leur  aspect  de  la 


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FIÈVRES  INTERMITTENTES  AU  SULFATE  DE  QUININE.  381 

cachexie  intermittente  d emblée,  qu'on  observe  seulement 
dans  les  pays  marécageux,  mais  ils  en  diffèrent  par 
l'absence  du  gonflement  considérable  de  la  rate  qui 
forme  un  des  caractères  de  la  cacbexie,  et  qui  faisait 
presque  complètement  défaut. 

Sous  le  rapport  thérapeutique,  ces  deux  observations 
ne  sont  pas  moins  remarquables  que  sous  le  rapport 
pathologique;  le  sulfate  de  quinine  fut  administré  plu- 
sieurs fois  à  la  dose  considérable  d'un  gramme  aussi- 
tôt après  l'accès;  c'est  en  vain  que  je  pris  la  précaution 
de  faire  manger  le  malade  aussitôt  après  le  médica- 
ment, afin  d'en  favoriser  l'absorption;  c'est  tout  au  plus 
si  l'accès  du  lendemain  fut  modifié,  et  cependant  le 
sulfate  de  quinine  avait  produit  des  bourdonnements 
d'oreille  et  la  surdité  qui  prouvaient  sa  bonne  qualité,  sa 
dose  suffisante,  et  sa  parfaite  absorption. 

Des  pilules  à  base  de  quinium,  composées  par  un 
pharmacien  d'Aurillac,  et  qui  constituent  un  fébrifuge 
très -efficace,  furent  aussi  sans  etfet  contre  cette  fièvre. 
Enfin  les  médicaments  homœopalhiques  les  mieux  choisis 
échouèrent  pareillement,  et  cependant  il  ne  s'agissait 
point  ici  de  ces  maladies  incurables  et  au-dessus  des 
ressources  thérapeutiques,  puisqu'il  suffit,  pour  guérir 
une  maladie  en  apparence  si  rebelle  de  soustraire  pen- 
dant quelques  heures  le  malade  à  l'influence  du  milieu 
qui  avait  engendré  la  maladie,  d'où  je  conclus  que,  si 
la  thérapeutique  était  plus  perfectionnée,  elle  nous  au- 
rait fourni  une  substance  capable  de  guérir  ces  mala- 
des. 

3BB  Observation.  Mademoiselle  Elisabeth,  sœur  des 
malades  précédents  et  habitant  avec  eux,  est  une 
fillette  de  11  ans,  d  une  bonne  santé  habituelle;  elle 
eut  la  rougeole  cet  hiver  avec  ses  frères  et  sœurs,  et 
dans  la  convalescence  fut  prise  d  une  pneumonie  qui 


382  CLINIQUE. 

guérit  par  la  bryone,  le  septième  jour  de  la  maladie; 
c'est  dans  la  convalescence  de  cette  maladie  et  douze  à. 
quinze  jours  i  près  la  résolution  complète  de  la  pneu- 
monie qu'elle  fut  prise  d'une  Gèvre  intermittente  quoti- 
dienne avec  frissons  et  chaleur;  la  sueur  était  à  peine 
marquée. 

Le  sulfate  de  quinine  administré  à  la  dose  de  50  centi- 
grammes en  une  fois  après  l'accès  et  immédiatement 
avant  1ère  pas,  échoua  complètement;  cette  dose  répétée 
jusqu'à  quatre  fois  de  suite,  parvint  seulement  à  déran- 
ger l'heure  des  accès;  ils  venaient  primitivement  le 
matin,  ils  furent  relardés  à  une  heure  de  l'après-midi  et 
à  cinq  heures,  puis  revinrent  de  nouveau  le  matin  après 
avoir  manqué  le  soir. 

Je  prescrivis  ensuite  nux  vomica  12*  en  trois  prises 
après  l'accès.  Je  trouvai  ce  médicament  indiqué  par  le 
pàlissement  des  doigts,  la  couleur  violette  des  ongles 
au  début  de  l'accès;  il  n'y  avait  de  soif  marquée  à  aucun 
des  stades. 

La  noix  vomique  échoua  complètement,  quoiqu'elle  fût 
répétée  plusieurs  jours  de  suite.  Nous  commencions  à 
désespérer  et  je  craignais  d'être  obligé  d'employer  encore 
ici  le  changement  d'air  pour  guérir  cette  fièvre.  Mais, 
avant  d'arriver  à  ce  point  extrême,  je  prescrivis  arseni- 
cum  12e,  a  prendre  comme  nux  vomica,  c'est-à-dire  trois 
doses  de  deux  globules  à  prendre  d'heure  en  heure 
après  l'accès. 

L'accès  suivant  fut  considérablement  retardé  et  dimi- 
nué, l'arsenic  fut  répété  de  la  même  manière;  il  survint 
encore  un  tout  petit  accès,  et  l'arsenic,  continué  à  la  dose 
de  deux  globules  chaque  soir  pendant  quatre  jours, 
triompha  complètement  de  cette  fièvre. 

Ces  trois  observations  portent  avec  elles  plus  d'un  en- 
seignement; elles  feront  comprendre  aux  esprits  sérieux 


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ÉTUDE  SUR  LA  MORT  FAR  INANITION.  383 

combien  est  difficile  la  question  de  certitude  en  théra- 
peutique; ainsi  le  sulfate  de  quinine  qu'on  se  plaît  à 
citer  comme  un  exemple  de  la  puissance  de  la  thérapeu- 
tique, a  échoué  ici  quatre  fois  de  suite  et  sans  produire 
guère  plus  de  résultat  qu'un  médicament  homœopathi- 
que  mal  choisi.  D'une  autre  part,  voici  la  noix  vomi- 
que,  l'arsenic,  l'aranea  diadema,  qui  réussissent  si 
souvent  dans  le  traitement  des  lièvres  intermittentes, 
et  qui  échouent  comme  le  sulfate  de  quinine  dans  nos 
trois  premières  observations. 

Enfin  le  résultat  obtenu  par  l'arsenic  dans  notre  der- 
nière observation,  alors  que  le  sulfate  de  quinine  avait 
si  manifestement  échoué ,  n'est-il  pas  une  preuve  irré- 
fragable de  l'action  des  doses  infinitésimales  ? 

P.  Jousset. 


PHYSIOLOGIE  EXPÉRIMENTALE 


ÉTUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION 

—  SUITE  ET  FIX  (1).  — 
II. 

Quelle  est  la  cause  de  la  mort  par  inanition  ? 

Avec  Chossat,  nous  dirons  que  la  mort  est  amenée  par 
le  refroidissement.  Qu'arrive-t-il,  en  effet,  par  l'inanitia- 
tion?  L'animal  n'ayant  plus  ses  aliments  habituels 
pour  réparer  ses  pertes  continuelles,  les  organes  sont 
forcés  de  fournir  eux-mêmes  des  principes  nutritifs, 
tant  en  azote  qu'en  carbone  ;  cependant  les  matériaux 
ne  suffisent  pas  longtemps,  la  production  d'acide  car- 
Ci)  \ oit  l'Art  médical,  numéros  d'août,  septembre  et  octobre  1870. 


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384  PHYSIOLOGIE  EXPERIMENTALE. 

bonique  diminue,  les  oxydations  intimes  sont  moins 
nombreuses,  les  sources  de  cbaleur  diminuent  ;  et  Ton 
voit  que,  plus  l'animal  s'avance  vers  la  ruine,  plus  sa 
cbaleur  baisse,  plus  les  oscillations  du  refroidissement 
augmentent  d'amplitude.  Enfin,  le  dernier  jour,  la  tem- 
pérature tombe  rapidement,  et,  en  même  temps,  anéan- 
tissement des  forces  musculaires  et  cérébrales ,  ralen- 
tissement de  la  respiration  et  de  la  circulation,  puis  la 
mort  arrivant  lorsque  le  degré  de  cbaleur  animale  est 
entre  20  degrés  et  25  degrés. 

Or,  nous  savons  qu'à  l'autopsie  aucune  lésion  d'or- 
gane ne  peut  expliquer  la  mort.  Le  cœur,  il  est  vrai, 
est  atrophié,  la  masse  de  sang  diminuée,  mais  nous  ne 
trouvons  pas  là  la  cause  immédiate  de  la  mort,  car  elle 
n'a  lieu  ni  par  syncope,  ni  par  convulsions,  comme 
dans  les  pertes  de  sang,  et  d'ailleurs,  dans  certains 
cas,  la  vie  se  continue  lorsque  le  cœur  est  encore  plus 
réduit  de  volume.  Si  la  mort  arrive,  ce  n'est  pas  parce 
que  les  organes  ne  sont  plus  aptes  à  remplir  leurs  fonc- 
tions, mais  parce  que,  le  combustible  manquant,  il  n'y 
a  plus  une  production  assez  grande  de  calorique ,  et 
le  refroidissement  gagne  et  engourdit  les  organes. 
En  effet,  la  mort  survient  entre  20  et  25  degrés;  c'est 
aussi  à  ce  degré  d'abaissement  qu'arrive  la  mort  des 
animaux  que  l'on  fait  périr  dans  les  mélanges  réfrigé- 
rants. MM.  Lecomte  et  Demarquay  [Modifications  de  la 
chaleur  animale  sous  [influence  des  médicaments)  ont  prouvé 
qu'un  refroidissement  du  corps  au-dessous  de  3  degrés 
est  souvent  mortel,  qu'au-dessous  de  4  degrés  il  l'est 
toujours. 

Dans  l'inanition,  la  même  chose  n'a-t-elle  pas  lieu? 
La  température  animale  ne  baisse-t-elle  pas  progressi- 
vement, la  nuit,  de  1  degré,  puis  de  2  degrés,  puis  de 
3  degrés,  puis  de  4  degrés?  Alors  la  réaction  ne  peut 


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étude  sur  la  mort  par  inanition.  385 

plus  se  faire,  et  le  refroidissement  fait  des  progrès  ra- 
pides, et  la  vie  n'est  pins  possible.  Gomme  dernière 
preuve,  voyons  ce  qui  se  passe  dans  le  réchauffement 
artificiel.  L'animal  est  au  point  de  mort  imminente, 
g*lacé,  sans  pouls,  n'ayant  plus  qu'un  souffle  respira- 
toire; réehauflez-le  à  uneétuve  donnant  30  à  40  degrés  ; 
bientôt  il  se  ranime,  son  cœur  bat,  sa  respiration  re- 
prend, il  se  lève,  il  marche,  les  sécrétions  se  continuent. 
Si  l'on  maintient  ce  foyer  de  chaleur,  l'animal  reprend 
une  vie  nouvelle  qui  peut  se  maintenir  pendant  un  jour 
ou  deux  ;  c'est  alors,  mais  alors  seulement,  que,  le  sang* 
étant  encore  plus  consommé,  l'animal  s'éteint  dans  les 
convulsions  ou  une  syncope. 

Nous  devons  donc  conclure  que  l'animal  meurt  parce 
que  sa  température  éprouve  un  abaissement  plus  grand 
que  celui  des  jours  précédents.  Il  meurt  parce  qu'il  se 
refroidit,  et  non  pas  se  refroidit  parce  qu'il  meurt. 

III 

Du  réchauffement  artificiel. 

Il  ne  sera  pas  sans  intérêt  d'exposer  quelques  recher- 
ches que  nous  avons  faites  sur  la  vie  artificielle  des 
inaniliés. 

Nous  avons  montré  que  dans  l'inanition  la  mort  ar- 
rivait par  le  refroidissement  ;  il  résulte  de  là  que,  si  l'on 
soumet  un  animal  déjà  refroidi  et  près  d'expirer  à  un 
réchauffement  artificiel,  on  peut  retarder  l'époque  de  sa 
mort  et  changer  le  mécanisme  par  lequel  elle  arrive. 
L'expérience  l'a  prouvé. 

Pour  réchauffer  nos  sujets,  nous  les  avons  plonges 
dans  un  bain  à  38  degrés  centigrades  pendant  une 
demi-heure,  puis  nous  les  avons  soumis  à  la  chaleur  du 
foyer,  en  les  entourant  de  couvertures. 

TO.ME  XVMI.  —  N JYKMBIIE  fcl    DKOEHDKE   IK^I).  J  • 


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386  PHYSIOLOGIE  EXPERIMENTALE. 

Nous  les  prenions  lorsqu'ils  étaient  arrivés  au  point 
de  mort  imminente  :  l'animal  était  étendu  à  terre,  inca- 
pable d'exécuter  aucun  mouvement  musculaire,  dans 
un  état  de  stupeur  complète,  ne  percevant  seulement 
que  l'impression  de  l'attouchement  des  yeux  et  celle  du 
pincement  des  orteils;  les  yeux  à  demi  ouverts,  fixes, 
sans  clignotements;  la  respiration  à  peine  appréciable, 
ne  donnant  que  6  à  8  mouvements  à  la  minute,  le  cœur 
n'ayant  plus  que  de  rares  et  faibles  battements;  le 
corps  froid  et  la  chaleur  et  la  perte  de  poids  arrivées 
au  terme.  A  ce  point,  si  on  attendait  encore  quelques 
minutes,  l'animal  mourait  :  deux  sont  même  morts 
lorsqu'on  les  transportait  au  bain. 

Nos  expériences  ont  porté  sur  seize  sujets  :  six  lapins, 
cinq  chats  et  cinq  chiens. 

Au  bout  de  cinq  minutes  que  l'animal  était  dans  le 
bain,  on  le  voyait  se  ranimer  un  peu,  la  respiration  et 
les  battements  du  cœur  revenaient  plus  fréquents  et 
mieux  marqués;  il  y  avait  quelques  clignotements  des 
paupières.  Après  dix  ou  quinze  minutes,  les  mouvements 
commençaient  à  reparaître;  l'animal  essayait  de  relever 
la  tête,  remuait  les  pattes  et  regardait  autour  de  lui 
avec  étonnement  ;  la  sensibilité  était  alors  moins  obtuse. 
Enfin,  après  quinze  ou  trente  minutes,  la  vie  s'affer- 
missait, la  circulation  et  la  respiration  reprenaient  leur 
activité ,  les  forces  musculaires  et  cérébrales  étaient 
revenues;  de  sorte  que  l'animal,  retiré  du  bain,  pouvait 
se  tenir  sur  les  pattes  et  faire  quelques  pas,  quoique  en 
chancelant.  Nous  le  placions  près  d'un  foyer  ardent, 
essuyé  et  couvert,  et  il  se  ranimait  si  bien  qu'on  ne 
pouvait  plus  le  maintenir;  il  lui  fallait  marcher  dans 
l'appartement. 

Au  bout  d'une  heure,  les  sécrétions  paraissaient  se 
rétablir,  les  sujets  réchauffés  évacuaient  souvent  et 


ÉTUDE  SUR  LA  MORT  PAR  INANITION.  387 

avec  assez  d'abondance  de  l'urine  et  des  fèces  liquides 
d'une  couleur  noirâtre. 

Chez  six  de  nos  sujets,  trois  lapins,  deux  chiens  et  un 
chat,  nous  avons  continué  d'entretenir  la  chaleur  arti- 
ficielle, mais  sans  leur  donner  d'aliments.  Chose  surpre- 
nante! on  voyait  la  vie  redevenir  très-active;  les  sécré- 
tions surtout  étaient  fréquentes,  et  le  poid3  du  corps 
diminuait  deux  fois  plus  rapidement  que  dans  l'état 
d'inanitiation. 

Nous  avons  observé  que  la  chaleur  acquise  par  le 
réchauffement  est  une  chaleur  variable,  qui  n'offre 
point  la  quasi-flxité  de  la  chaleur  animale.  Le  sujet  alors 
est  comme  les  animaux  à  sang*  froid,  il  n'a  qu'une  cha- 
leur d'emprunt,  ne  faisant  que  traverser  le  corps  et 
subissant  toutes  les  variations  de  hausse  et  de  baisse  de 
la  source  qui  la  lui  fournit. 

De  ces  six  animaux,  l'un  est  mort  au  bout  de  six 
heures,  trois  autres  dans  les  premières  vingt-quatre 
heures  ;  des  deux  dernières,  l'un  a  vécu  moins,  l'autre 
plus  de  quarante-huit  heures.  Peu  à  peu  ils  se  sont 
affaiblis,  sont  tombés  dans  le  coma  et  se  sont  éteints, 
après  avoir  eu  plusieurs  accès  conyulsifs.  Leur  chaleur 
au  moment  de  la  mort  était  en  moyenne  de  35°. 

L'appétit  revient  bientôt  chez  les  animaux  réchauffés. 
Il  était  intéressant  de  savoir  si  à  ce  désir  de  nourriture 
se  trouvait  jointe  la  faculté  de  digérer.  Nous  avons  donné 
du  lait,  du  bouillon,  de  la  viande  et  du  pain  à  nos 
chiens  et  chats,  d'abord  en  petites  proportions,  puis  à 
doses  ordinaires.  Les  animaux  prennent  la  nourriture 
avec  plaisir  et  avidité,  et  la  digestion  s'opère,  mais  ce 
n'est  qu'avec  une  extrême  lenteur;  l'aliment  séjourne 
quelque  temps  dans  l'estomac  sans  éprouver  d'élabora- 
tion ;  toutefois  on  reconnaît  que  les  aliments  ing*érés  ont 
subi  l'action  dig'estive  à  la  coloration  jaunâtre  dés 


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33  S  PHYSIOLOGIE  EXPERIMENTALE. 

selles.  Une  condition  est  indispensable  à  la  digestion  : 
il  faut  que  la  chaleur  artificielle  soit  continuée  et  main- 
tenue; si  on  la  suspend,  plus  de  digestion  possible;  ce 
n'est  que  quand  ranimai,  ayant  pris  une  quantité  suffi- 
sante d'aliments,  l'a  digérée  et  se  Test  assimilée,  que  la 
chaleur  normale  revient  et  devient  fixe. 

Nous  avons  noté  dans  cette  vie  artificielle  une  grande 
activité  des  fonctions  de  sécrétion  ;  les  urines  et  les 
fèces  sont  évacuées  souvent  et  en  abondance.  Et  là 
même  est  le  plus  grand  obstacle  au  rétablissement  de 
l'animal  :  la  digestion  se  fait,  mais  le  corps  excrète,  il 
continue  à  diminuer,  la  perte  de  poids  s'accroît,  et  la 
mort  nous  devance. 

Trois  de  nos  animaux,  deux  chats  et  un  chien,  sont 
morts  au  bout  de  quarante-huit  heures  d'alimentation. 
Les  aliments  ingérés  n'ont  pu  être  assimilés,  la  diarrhée 
a  persisté,  le  sang"  s'est  usé  davantage,  et  la  mort  est 
survenue,  au  milieu  des  convulsions,  comme  dans  les 
hémorrhag'ies  où  la  vacuité  du  système  sanguin  amène 
la  cessation  de  l'action  du  cœur. 

Enfin,  si  nous  passons  à  notre  dernière  série  d'ani- 
maux, nous  voyons  qu'ils  ont  survécu  et  se  sont  réta- 
blis. Que  survenait-il  alors?  On  remarquait  que  chez 
ceux-là  les  pertes  quotidiennes  étaient  minimes;  et  plus 
minimes  elles  étaient,  plus  facilement  le  rétablissement 
s'accomplissait.  La  dig-estion  se  faisait  complètement  et 
l'assimilation  des  principes  nutritifs  avait  lieu  ;  loin  d'y 
avoir  perte  de  poids,  il  survenait  de  l'augmentation. 
Toutefois,  observons  que,  pour  obtenir  un  rétablissement 
prompt  et  sûr,  il  est  nécessaire  que  ranimai  ait  de 
suite  une  quantité  d'aliments  suffisante,  quelque  peu 
disposé  que  l'estomac  paraisse  d'abord  à  la  recevoir  ; 
sans  cela,  malgré  le  réchauffement,  le  poids  du  corps 
continuerait  à  baisser  et  l'animal  finirait  par  périr. 


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faTDE  SI  R  LA  MORT  PAR  INANITION. 


CONCLUSIONS. 

Des  faits  que  nous  avons  étudiés,  nous  pouvons  dé- 
duire les  conclusions  suivantes,  qui  caractérisent  la 
mort  par  inanition  : 

1°  Quand  le  corps  est  privé  d'aliments,  l'absorption 
interstitielle  devient  très -active.  Elle  puise  dans  les  tissus, 
principalement  dans  les  tissus  adipeux  et  musculaire, 
les  matériaux  nécessaires  pour  la  réparation  du  sang*  et 
la  production  de  la  chaleur  animale. 

2°  La  respiration  se  ralentit  à  mesure  que  l'inanition 
fait  des  progrès;  il  y  a  moins  d'acide  carbonique  exhalé, 
quelquefois  il  y  a  absorption  d'azote. 

3°  Les  battements  de  cœur  deviennent  plus  lents  ou 
plus  fréquents  et  petits;  le  choc  sur  les  parois  thora- 
ciques  est  moins  fort;  la  quantité  de  sang*  diminue;  la 
proportion  d'eau  et  de  matières  extractives  augmente  ; 
celle  des  globules  diminue. 

4°  L'oscillation  quotidienne  de  la  chaleur  animale  de- 
vient plus  forte  à  mesure  que  l'inanition  avance.  A  midi, 
la  température  est  d'un  degré  moindre  qu'à  l'état  nor- 
mal; le  soir,  elle  baisse  progressivement  de  1, 2, 3  degrés; 
le  jour  de  la  mort,  elle  descend  à  25  et  même  20  degrés 
centigrades. 

5°  Les  sécrétions  des  sucs  digestifs  diminuent  et  même 
se  suppriment,  excepté  celle  de  la  bile,  qui  conserve 
encore  une  certaine  activité  ;  les  sécrétions  des  urines  et 
des  fèces  continuent,  mais  en  bien  moindre  quantité. 
La  peau  se  couvre  d'un  enduit  pulvérulent,  noirâtre, 
exhalant  une  odeur  fétide. 

6°  Le  poids  du  corps  baisse  progressivement  par  une 
perte  quotidienne  assez  régulière.  A  la  mort,  le  corps  a 
perdu  les  0,4  de  son  poids.  Cette  perte  oscille  cependant 


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I 

390  ACADÉMIE  DE  MEDECINE. 

entre 0,3 et 0,5,  selon  les  conditions  d'âge  et  de  nutrition, 
d'exercice  ou  de  repos.  Ce  sont  les  tissus  adipeux  et 
musculaire,  puis  les  glandes  annexes  du  tube  digestif 
qui  éprouvent  les  plus  fortes  pertes. 

7°  A  l'autopsie,  on  trouve  ordinairement  les  organes 
sains.  On  remarque  l'état  squelettique,  la  teinte  cyanosée 
des  extrémités,  la  décoloration  des  tissus,  la  presque 
vacuité  du  système  sanguin,  la  diminution  de  plus  de 
moitié  du  volume  du  cœur,  du  foie,  de  la  rate,  du  pan- 
créas, le  rétrécissement  et  la  diminution  de  longueur  du 
tube  digestif. 

8°  La  durée  de  la  vie  dans  l'abstinence  complète  varie 
de  3  à  8  jours  chez  les  enfants,  et  de  8  à  40  jours  chez 
les  adultes  ou  les  vieillards.  L'usage  de  l'eau  en  boisson 
prolonge  la  vie  de  près  du  double  de  durée. 

98  C'est  le  refroidissement  du  corps  par  manque  de 
chaleur  animale  qui  amène  la  mort. 

10°  En  réchauffant  dans  un  bain  à  35  degrés  l'indi- 
vidu inanitié  et  près  de  mourir,  on  peut  le  ramener  à  la 
vie;  les  fonctions  reprennent  leur  activité,  et,  avec  une 
alimentation  progressivement  croissante,  la  nutrition  se 
rétablit. 

D'  Bourgeois. 


ACADÉMIE  DE  MÉDECINE 


LA  CLINIQUE  ET  LA  PHYSIOLOGIE  EXPÉRIMENTALE. 

Le  rapport  sur  l'arsenicate  d'antimoine  de  M.  le  Dr  Pa- 
pillaud  a  suscité  au  sein  de  l'Académie  de  médecine  une 
discussion  instructive  à  plusieurs  points  de  vue.  Nous 
laisserons  d'abord  la  parole  aux  membres  de  la  corpo- 


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LA  CLINIQUE  ET  LA  PHYSIOLOGIE  EXPERIMENTALE.  391 

ration  officielle,  afin  que  le  lecteur  puisse  prendre  une 
connaissance  exacte  de  la  discussion,  après  quoi,  en 
notre  qualité  de  critique,  nous  demanderons  la  parole 
à  notre  tour. 

M.  Sbb  admet,  avec  M.  Raynal,  <jue  l'action  tic  l'acide  arsénieux 
sur  la  respiration  et  ses  bons  effets  dans  l'asthme  ne  sauraient  être 
révoqués  en  doute. 

Quant  à  l'action  sédative  de  cet  argent  sur  le  cœur,  il  no  saurait 
partager  les  opinions  qui  ont  été  émises  à  ce  sujet.  L'arsenic  n'agit 
pas  directement  sur  l'organe  central  de  la  circulation  ;  en  tout  cas, 
s'il  avait  une  action  sur  le  cœur,  ce  ne  serait  pas  en  ralentissant, 
mais  plutôt  en  accélérant  les  mouvements  de  cet  organe. 

L'asenic  agit  non  sur  le  cœur,  mais  sur  les  capillaires  sanguins, 
dont  il  active  la  circulation.  Chose  singulière,  il  semble  exercer  une 
intluence  élective  sur  les  capillaires  de  la  partie  antérieure  et  supé- 
rieure du  corps,  particulièrement  sur  ceux  de  la  face  et  du  cer- 
veau, ce  qui  se  traduit,  entre  autres  signes,  par  la  coloration  rosée 
de  la  face  chez  les  individu*  qui  font  usage  des  préparations  arse- 
nicales. 

Cet  effet  résulte  de  la  paralysie  des  capillaires  sanguins,  comme  à 
la  suite  de  la  section  du  cordon  cervical  supérieur  du  grand  sym- 
pathique dans  la  fameuse  expérience  de  M.  Claude  Bernard  (1). 
Cette  paralysie  a  pour  effet  d'activer  la  fréquence  des  mouvements 
du  cœur,  ce  qui  contredit  absolument  l'opinion  de  la  prétendue 
action  sédative  de  l'arsenic  sur  le  cœur. 

Un  troisième  point  est  relatif  à  l'action  reconstituante  des  pré- 
parations arsenicales.  Suivant  M.  Sée,  l'arsenic  ne  serait  qu'un 
reconstituant  indirect.  11  n'agirait  pas  à  la  façon  «lu  fer,  qui  jouit  du 
privilège  d'augmenter  directement  le  nombre  des  globules  du  sang, 
ce  qui  a  lieu  généralement  d'une  manière  très-rapide  dans  la  chlo- 
rose et  la  chloro-anémie.  L'arsenic  n'est  pas  un  reconstituant  de  ce 
genre,  mais  il  diminue  la  dénutrition  ;  c'est  un  antidéperditeur,  pour 
employer  une  expression  de  M.  Gubler  (2).  Les  expériences  de  M.  le 
Dr  Lolliot  ont  mis  hors  de  doute  cette  action  antidénutritive  des 
préparations  arsenicales,  en  montrant  que  l'urée,  dernier  terme 

j* 

(1)  Claude  Bernard,  Leçons  sur  le  système  nerveux.  Paris,  1858. 

(2)  Gubler,  Commentaires  thérapeutiques  du  Codex.  Paris,  4868. 


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30?  ACADÉMIE  DP  MÉDECINE. 

des  déchets  de  l'organisme,  diminue  sensiblement  chez  les  individus 
qui  font  usage  de  ces  préparations. 

Cette  action  reconstituante  indirecte  est  complétée  par  l'activité 
que  l'arsenic  imprime  à  l'appétit  et  aux  fonctions  dhçestives.  A  ce 
dernier  point  de  vue,  les  effets  reconstituants  des  préparations  arse- 
nicales, d'indirects  qu'ils  étaient,  deviennent  plus  directs.  Dans  tout 
cela  on  ne  voit  pas  comment  l'arsenic  pourrait  calmer  les  palpi- 
tations, si  l'on  excepte  les  cas  où  elles  sont  produites  par  l'appau- 
vrissement du  sang. 

Cependant  il  existe  des  faits  qui  ne  permettent  pas  de  nier  les 
bons  résultats  de  l'emploi  de  l'arséniate  d'antimoine  contre  les 
maladies  du  cœur.  M.  Séc  croit  devoir  attribuer  ces  bons  effets,  non 
pas  à  l'élément  arsenic-,  mais  à  l'élément  antimoine  de  cette  prépa- 
ration complexe.  On  sait,  en  effet,  que  l'antimoine  exerce  une  action 
'  sédative  directe  extrêmement  prononcée  sur  le  cœur,  ainsi  que  l'ont 
montré  les  enseignements  et  la  pratique  de  l'école  rasorienne.  C'est 
do  cette  manière  que  l'on  peut  comprendre  les  faits  relatés  dans  le 
travail  de  M.  Papillaud. 

Ce  qui  peut  se  résumer  ainsi  :  premièrement,  l'ar- 
senic paralyse  les  vaso-moteurs  de  la  partie  antérieure 
et  supérieure  du  corps,  d'où  congestion  de  la  face  et  du 
cerveau;  secondement,  il  accélère  les  mouvements  du 
cœur;  troisièmement,  ce  n'est  pas  un  reconstituant  di- 
rect à  l'instar  du  fer ,  mais  un  médicament  d'épargne 
comme  le  démontre  la  diminution  de  l'urée.  Cependant 
c'est  un  reconstituant  indirect ,  puisqu'il  augmente 
l'appétit  et  active  la  digestion;  quatrièmement,  c'est 
l'antimoine  et  non  l'arsenic  qui  modifie  heureusement 
les  affections  du  cœur. 

Dans  la  séance  suivante,  M.  Sée  donne  un  développe 
ment  plus  complet  à  ses  idées.  Nous  rapportons  son  se- 
cond discours  parce  qu'il  contient  des  renseignements 
intéressants  sur  la  possibilité  de  la  guérison  des  mala- 
dies organiques  du  cœur  et  de  nouveaux  arguments 
pour  appuyer  la  manière  de  voir  de  M.  Sée  sur  l'action 
de  l'arsenic. 


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T  A  CLINIQFR  RT  LA  PHYSIOLOGIE  EXPERIMENTALE.  393 

M.  Sêe  présente  d'abord  une  analyse  rapide  des  observations 
publiées  dans  les  divers  mémoires  de  M.  le  Dr  Papillaud  rela- 
tivement à  l'emploi  de  l'arséniate  de  soude  dans  les  maladies  orga- 
niques du  c<eur.  Il  montre  que  la  plupart  de  ces  observations  ne 
sauraient  être  admises  comme  étant  réellement  des  cas  de  maladies 
organiques  du  cœur.  Cependant  il  en  est  dans  le  nombre  jusqu'à 
cinq  ou  six  qui  ont  été  prises  avec  quelque  soin,  et  dans  lesquelles 
la  certitude  du  diagnostic  semble  ne  pouvoir  être  révoquée  en  doute. 
Or,  dans  deux  cas  où  l'auteur  parait  avoir  eu  véritablement  affaire 
à  la  maladie  de  Corrigan  (insuffisance  aortique),  le  traitement  a 
échoué.  Il  y  a  eu  simplement  diminution  de  la  dyspnée,  symptôme 
d'ailleurs  moins  caractéristique  dans  la  maladie  de  Corrigan  que 
dana  les  autres  affections  organiques  du  cœur.  Dans  trois  autres  cas, 
une  fois  l'influence  du  médicament  s'est  bornée  à  transformer,  au 
bout  d'un  an,  un  bruit  de  souffle  râpeux  en  un  souffle  très-doux; 
deux  fois  la  maladie  du  cœur  semble  avoir  réel'ement  été  guérie. 
Du  moins,  chez  un  jeune  homme  de  vingt-deux  ans  présentant  un 
bruit  de  souffle  râpeux  indiquant  un  rétrécissement  de  l'orifice  aor- 
tique, et  qui  avait  été  traité  par  l'arséniate  d'antimoine,  l'auteur, 
qui  avait  perdu  le  sujet  de  vue,  l'ayant  retrouvé  au  bout  de  onze  ans, 
constata  que  le  bruit  du  souffle  avait  complètement  disparu. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  guérison,  que  l'on  pourrait  peut-être 
attribuer  a  la  nature  et  non  au  traitement,  le  fait  en  est  intéressant, 
en  ce  qu'il  montre  la  possibilité  de  la  guérison  des  maladies  orga- 
niques du  cœur,  du  moins  chez  les  enfants  et  les  jeunes  gens.  Ainsi 
que  l'a  fort  bien  dit  M.  Barth,  on  voit  des  enfants  qui,  à  la  suite 
d'un  rhumatisme  articulaire  aigu  compliqué  d'endocardite  ou  de 
péricardite,  présentent  des  bruits  de  souffle  caractéristiques  d'une 
maladie  organique  du  cœur  guéris  complètement  au  bout  d'un  cer- 
tain nombre  d'années. 

Toutefois  il  ne  faudrait  pas  croire  que  la  disparition  du  bruit  de 
souffle  est  un  signe  certain  de  la  guérison  de  la  maladie.  Il  y  a  des 
malades,  en  effet,  chez  lesquels  ce  symptôme  cesse,  on  ne  sait  ni 
pourquoi,  ni  comment,  sans  que  la  moindre  amélioration  se  mani- 
feste du  côté  de  la  dyspnée  et  de  l'œdème. 

La  plupart  des  autres  observations  relatées  dans  les  mémoires  de 
M.  Papillaud  se  rapportent  à  des  maladies  autres  que  des  affections 
organiques  du  cœur.  Elles  sont  englobées  sous  le  nom  de  palpi- 
tations. Plusieurs  se  rapportent  à  cet  état  complexe  que  Ton  a  dési- 
gné sous  le  nom  de  maladie  de  Batedow,  et  qui,  en  outre  des  palpi- 


394 


ACADEMIE  DE  MEDECINE. 


tations,  présente,  comme  on  sait,  etl'exophthalmie,  et  l'hypertrophie 
du  corps  thyroïde.  Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  voir  que  la  médication 
arsenicale  a  produit,  dans  cos  cas,  des  effets  véritablement  remar- 
quables. 

Une  action  du  médicament  qui  mérite  d'être  notée  en  première 
ligne,  parce  qu'on  la  retrouve  dans  toutes  les  maladies  qui  ont  été 
traitées  par  l'arsenic,  c'est  celle  qui  s'est  traduite  chez  les  malades 
de  M.  Papillaud  par  la  diminution  de  la  dyspnée  et  le  relèvement 
des  forces.  C'est  là,  en  quelque  sorte,  4a  caractéristique  de  l'action 
des  préparations  arsenicales.  En  dehors  de  cette  action,  il  est  néces- 
saire de  faire  des  réserves,  à  l'exemple  de  M.  Barth,  relativement  à 
l'influence  de  l'arséuiate  d'antimoine  sur  les  maladies  organiques 
du  cœur. 

M.  Sée  déclare  que,  pour  lui,  l'action  de  l'arsenic  sur  l'organe 
central  de  la  circulation  est  très-contestable.  A  cet  égard,  il  ne  sau- 
rait partager  l'opinion  émise  dans  la  dernière  séance  par  M.  Gubler, 
non  plus  que  certaines  autres  idées  professées  par  son  collègue  au 
triple  point  de  vue  de  l'action  physiologique  des  préparations  arse- 
nicales sur  la  nutritio  ,  la  respiration  et  la  circulation. 

1°  Effets  de  l'arsenic  sur  la  nutrition.  —  Avant  de  produire  ses 
effets  généraux,  l'arsenic  commence  à  agir  sur  le  tube  digestif  ;  il 
augmente  l'appétit  et  favorise  la  digestion,  principalement  la  diges- 
tion .stomacale,  ce  qui  a  conduit  un  certain  nombre  de  médecins  à  le 
prescrire  contre  les  dyspepsies  avec  inappétence  et  même  contre  les 
gastralgies.  Toutefois  il  existe  un  assez  grand  nombre  de  malades 
qui  ne  peuvent  supporter  l'arsenic  à  aucune  dose,  et  chez  lesquels 
quelques  gouttes  de  liqueur  de  Fowler  déterminent  du  dégoût,  de 
l'anorexie,  des  nausées,  des  vomissements  et  de  la  diarrhée.  Mais 
ceux  qui  tolèrent  le  médicament  voient  immédiatement  leurs  diges- 
tions devenir  plus  actives  et  leur  nutrition  s 'accroître . 

On  a  comparé  ces  effets  de  l'arsenic  à  ceux  des  toniques,  et  parti- 
culièrement des  ferrugineux.  On  a  dit  qu'il  augmente  le  nombre  des 
globules  du  sang. 

D'autres  médecins  ont  avancé  au  contraire  que  l'arsenic  produit 
des  effets  de  débilitation,  d'anémiation,  de  dissolution  du  sang. 

Il  n'en  est  rien.  L'arsenic  ne  détermine  la  difffuence  du  sang  que 
dans  les  cas  d'empoisonnement  chronique  à'arsenicisme. 

Il  n'augmente  pas  davantage  le  nombre  des  globules. 

Son  action  sur  le  sang  est  comparable  à  celle  que  M.  Claude  Ber- 


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LA  CLINIQUE  ET  LA  PHYSIOLOGIE  EXPERIMENTALE.  395 

nard  (1)  a  signalée  pour  le  gaz  oxydu  «le  carbone.  Ce  gaz,  mi3  en 
contât  avec  les  globules  du  sang,  a,  suivant  M.  Claude  Bernard,  la 
propriété  de  constituer  une  combinaison  intime  de  ces  globules  avec 
l'oxyde,  de  sorte  que  la  couleur  du  sang  des  animaux  empoisonnés 
par  l'oxyde  de  carbone  reste  rutilante;  leurs  muscles  conservent 
après  la  mort  une  coloration  d'un  rouge  très -vif,  phénomènes  que 
l'on  observe  également  chez  les  individus  qui  ont  succombé  à  l'as- 
phyxie par  la  vapeur  du  charbon. 

L'action  de  l'arsenic  sur  les  globules  du  sang  peut  se  comparer 
à  celle  de  l'oxyde  du  carbone.  Ils  fixent  l'arsenic,  mais  aussi 
l'oxygène;  le  sang  des  animaux  devient  plus  rouge  qu'à  l'état  nor- 
mal et  se  conserve  mieux. 

De  ce  fait  découle  une  conséquence  importante,  à  savoir: 
que  les  combinaisons  des  globules  du  sang  avec  l'oxygène 
étant  plus  durables  et  moins  souvent  renouvelées,  donnent  lieu 
à  des  produits  d'oxydation  moins  nombreux,  partant  à  une 
destruction  moins  rapide  de  la  matière  organique,  à  un  ralen- 
tissement du  mouvement  de  dénutrition,  d'où  résulte  une  économie 
réelle  pour  l'organisme.  Cette  action  est  rendue  manifeste  par 
l'examen  des  produits  d'oxydation  qui  sortent  de  l'organisme,  d'une 
part,  sous  forme  d'urée,  dernier  terme  des  déchets  des  matières 
albuminoïdes;  d'autre  part,  sous  forme  d'acide  carbonique,  produit 
ultime  de  la  combustion  des  matières  hydrocarbonées  de  la  sub- 
stance vivante.  Il  est  démontré  aujourd'hui,  par  l'analyse  chi- 
mique, que  ces  produits  diminuent  «le  quantité  sous  l'influence  de 
l'arsenic. 

Mais,  pour  que  les  résultats  de  l'analyse  ne  soient  pas  entachés 
d'erreur,  il  faut,  au  préalable,  ainsi  que  l'a  démontré,  en  1865, 
M.  Voit  (de  Munich),  commencer  par  équilibrer  le  budget  des 
recettes  et  des  dépenses  des  individus  que  l'on  soumet  à  ces  expé- 
riences. C'est  pour  ne  pas  avoir  pris  ces  précantions  que  certains 
observateurs  ont  avancé  que  l'arsenic  augmentait  la  proportion  des 
produits  d'oxydation.  Il  est  bien  démontré  aujourd'hui,  ainsi  qu'il 
résulte  de  la  thèse  de  M.  le  Dr  Lolliot,  que  l'administration  de 
l'arsenic  détermine  une  diminution  de  20,  30  et  iO  pour  100  de  la 
proportion  d'urée  contenue  dans  l'urine. 

Il  va  sans  dire  que  ces  résultats  n'ont  de  valeur  qu'à  la  condition 

il)  Claude  Bernard,  Leçons  sur  les  substances  toxiques  et  médicamen- 
teuses. 


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39fi 


ACADEMIE  DE  MÉDECINE. 


d'être  recueillis  sur  des  sujets  chez  lesquels  les  effets  primitifs  de 
l'arsenic  n'auront  produit  ni  augmentation,  ni  diminution  de  l'ap- 
pétit et  des  fonctions  digestives.  Il  est  facile  de  comprendre,  en  effet, 
que,  dans  le  premier  cas,  la  quantité  d'urée  serait  plus  ou  moins 
notablement  augmentée,  et  qu'elle  serait  diminuée  dans  le  second. 

Quand  l'appétit  n'a  été  ni  augmenté,  ni  diminué  par  l'adminis- 
tration de  l'arsenic,  on  est  dans  les  conditions  favorables  pour  obte- 
nir de  l'analyse  chimique  des  résultats  nets  et  précis.  La  diminution 
delà  proportion  de  l'urée  et  de  l'acide  carbonique,  que  l'on  observe 
dans  ces  conditions,  prouve  bien  que  l'asenic  a  pour  effet  d'enrayer 
le  mouvement  de  dénutrition.  Il  diminue  les  oxydations  organiques, 
et,  partant,  la  quantité  de  calorique  produit,  et  ces  effets  résultent 
de  l'épargne  de  la  combustion  des  matières  grasses  de  l'économie, 
ainsi  que  de  la  diminution  de  l'activité  îles  phénomènes  chimiques 
qui  se  passent  dans  le  tissu  musculaire.  L'arsenic  épargne  donc  pins 
particulièrement  la  graisse  et  les  muscles. 

C'est  en  vertu  de  cette  action  reconstituante  indirecte  que  l'arsenic 
a  pu  être  employé  avec  succès  dans  le  traitement  des  fièvres  inter- 
mittentes par  Boudin  {{),  et,  après  lui,  par  MM.  Fremy,  Moutard- 
Martin,  Isnard  (de  Marseille),  ainsi  que  par  un  grand  nombre  de 
médecins  militaires  (î\  L'arsenic  constitue  donc  un  fébrifuge,  mais 
un  fébrifuge  spécial  qui  réussit  surtout  dans  les  cachexies  paludéen- 
nes comme  moyen  indirect  de  reconstitution  organique. 

2°  L'action  favorable  de  l'arsenic  sur  la  respiration  est  mise  hors 
de  doute  par  les  observations  et  les  expériences  de  MM.  Bouley, 
Leblanc,  Raynal,  ainsi  que  par  les  habitudes  des  populations  de  la 
basse  Autriche,  sur  lesquelles  Tschudi  et  de  nombreux  médecins 
anglais  qui  ont  été  observer  sur  les  lieux  ces  populations  arseni- 
cophages  ont  donné  des  renseignements  précis  et  dignes  de  foi.  Ces 
observateurs  sont  unanimes  pour  proclamer  les  bons  effets  de  l'ar- 
senic sur  la  fonction  respiratoire. 

La  clinique  a  mis  en  relief  également  les  résultats  favorables  de 
l'emploi  de  l'arsenic  dans  la  plupart  des  affections  thoraciques,  dans 
lesquelles  la  dyspnée  est  le  symptôme  prédominant  dans  l'asthme, 
la  bronchite,  les  catarrhes  pulmonaires,  et  jusque  dans  la  phthisie. 
Cette  action  favorable  de  l'arsenic  dans  les  maladies  des  voies 
respiratoires  est  démontrée  par  les  travaux  du  D'Cahen,  repris  par 

(1)  Boudin,  Traité  de*  fièvres  intermittentes.  Paris,  4842. 

(2)  Voyez  Léon  Colin,  Traité  des  fitvres  intermittentes.  Pu  ris.  1870. 


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LA  CLINIQUE  ET  LA  PHYSIOLOGIE  EXPERIMENTALE.  397 

M.  Moutard-Martin,  et  par  ceux  des  médecins  des  thermes  du  Mont- 
Dore,  dont  les  eaux  sont  remarquables  par  la  proportion  d'arsenic 
qu'elles  contiennent. 

3"  En  ce  qui  concerne  les  ettets  des  préparations  arsenicales  sur 
la  circulation,  les  opinions  les  plus  discordantes  ont  été  émises  par 
les  auteurs  :  les  uns,  avec  Trousseau,  Orlila,  etc.,  déclarant  que 
l'arsenic  est  un  excitant  de  la  circulation;  les  autres,  au  contraire, 
proclamant  que  ce  médicament  jouit  de  propriétés  sédatives  et 
hyposthénisantes  sur  la  circulation,  et  qu'il  détermine  le  ralentis- 
sement du  pouls. 

Il  est  remarquable  que,  par  les  cliniciens,  les  praticiens  qui  ont  eu 
fréquemment  l'occasion  de  manier  la  médication  arsenicale,  comme 
les  médecins  militaires,  ceux  qui  s'occupent  spécialement  du  trai- 
tement des  maladies  de  la  peau,  pas  un  seul  n'a  signalé  le  fait  du 
ralentissement  du  pouls. 

M.  Sée  continue  à  penser,  malgré  les  critiques  de  M.  Gubler, 
que  l'arsenic  n'exerce  pas  d'influence  sur  le  centre  circulatoire,  mais 
qu'il  jouit  d'une  action  spéciale  élective  sur  les  capillaires,  surtout 
des  parties  supérieures  du  corps. 

Il  y  a  à  cela  deux  raisons  :  la  première,  c'est  que  les  capillaires 
des  parties  supérieures  du  corps,  particulièrement  de  la  face  et  du 
cerveau,  possèdent  une  structure  musculaire  plus  parfaite  que  ceux 
des  parties  inférieures  ;  iis  jouissent  de  plus  de  contractilité,  et  dès 
lors  il  n'est  pas  étonnant  qu'ils  répondent  d'une  manière  plus  spé- 
ciale à  l'action  de  l'arsenic 

Une  seconde  raison  de  cette  action  spéciale  de  l'arsenic  sur  les 
capillaires  des  parties  supérieures,  c'est  que  divers  médicaments 
peuvent  exercer  une  action  élective  sur  certains  nerfs,  et  même  des 
nerfs  vaso-moteurs.  De  même  qu'il  existe  des  substances,  comme, 
par  exemple,  la  fève  de  Calabar,  qui  exercent  une  action  élective 
sur  le  centre  vaso-moteur  de  la  moitié  inférieure  du  corps,  de 
même  il  peut  y  avoir  des  médicaments  qui  portent  plus  particu- 
lièrement leur  action  sur  le  centre  vaso-moteur  de  la  moitié  supé- 
rieure. Tout  le  monde  sait  que  le  curare,  la  digitaline,  ont  une  action 
spéciale  sur  le  nerf  pneumogastrique.  Pourquoi  l'arsenic  ne  pour- 
rait-il avoir  aussi  une  action  plus  marquée  sur  les  vaso-moteurs  des 
parties  supérieures  du  corps? 

En  résumé,  les  préparations  arsenicales  exercent,  suivant  M.  Sée, 
une  influence  remarquable  sur  trois  grandes  fonctions  de  l'orga- 
nisme, la  nutrition,  la  respiration  et  la  circulation.  L'arsenic  est  un 


398  ACADÉMIE  DE  MEDECINE. 

reconstituant  indirect  par  le  privilège  qu'il  a  d'enrayer  le  mouve- 
ment de  nutrition  organique.  A  ce  point  de  vue,  il  pourrait  être 
employé  utilement  contre  le  diabète,  mahdie  dans  laquelle  se  pro- 
duit une  déperdition  incessante  d'urée,  si  ce  médicament  n'était 
contre-indiqué,  parce  qu'il  a  pour  etlet  de  diminuer  la  chaleur  ani- 
male. —  L'arsenic  constitue  un  moyen  puissant  d'action  sur  les 
organes  respiratoires.  —  Enfin,  il  exerce  une  action  élective  sur  les 
artérioles,  surtout  des  parties  supérieures  du  corps.  A  cet  égard,  il 
peut  être  mis  rationnellement  en  usage  pour  combattre  certaines 
congestions. 

Remarquons  en  passant  qu'après  avoir  pris,  sans  en 
rien  dire,  à  la  pratique  homœopalhique  l'indication  de 
l'arsenic  dans  l'asthme,  les  maladies  du  cœur,  la  chlo- 
rure et  la  fièvre  intermittente,  l'école  officielle  tente 
aujourd'hui  de  prendre  à  la  même  école  l'indication  de 
l'arsenic  dans  le  traitement  du  diahète. 

M.  Hardy  répondit  immédiatement  à  M.  Sée  que  l'ar- 
senic ne  localise  pas  son  action  sur  la  partie  supérieure 
du  corps,  puisqu'il  peut  produire  la  paraplégie  et  un  af- 
faiblissement de  la  force  génésique  ;  que  l'arsenic  aug*- 
mente  la  sécrétion  urinaire  etcelledes larmes,  etqu'enfîn 
on  ne  peut  décider  encore  si  l'arsenic  est  un  excitant 
ou  hyposthénisant.  J'ajouterai  que  cette  dernière  ques- 
tion, bien  qu  elle  ait  préoccupé  au  plus  haut  point  l'Aca- 
démie de  médecine,  n'est  qu'une  véritable  niaiserie  galé- 
nique  pour  les  partisans  de  la  thérapeutique  expérimen- 
tale. Excitant,  hyposthénisant,  tonique,  sont  des  mots 
vides  de  sens  et  qui  n'avaient  de  valeur  que  sous  le  règne 
de  la  thérapeutique  hypothétique.  Mais  arrivons  main- 
tenant au  véritable  contradicteur  de  M.  Sée  :  M.  Gubler, 
qui  avait  protesté  immédiatement  contre  la  théorie  de 
M.  Sée,  a  développé  ses  idées  dans  un  discours  pro- 
noncé dans  la  séance  du  22  novembre. 

Il  se  manifeste,  surtout  depuis  quelque  temps,  messieurs,  une 
tendance  regrettable,  c'est  de  plier  les  faits  à  la  théorie  et  de  trans- 


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LA  CLINIQUE  ET  LA.  PHYSIOLOGIE  EXPERIMENTALE.  399 

former  la  sage  clinique  en  humble  servante  d'une  physiologie  aven- 
tureuse. J'ai  cru  qu'il  était  du  devoir  de  l'Académie  de  signaler  le 
danger,  et  j'ai,  pour  ainsi  dire  malgré  moi,  poussé  le  cri  d'alarme 
dans  l'avant-dernièrc  séance  (8  novembre  1870).  11  faut  maintenant 
le  justifier. 

Avant  de  descendre  sur  le  terrain  de  la  lutte,  je  tiens  à  faire  ces- 
cer  un  malentendu  qui  se  saurait  se  prolonger  sans  de  sérieux  in- 
convénients. Quelques  personnes  paraissent  croire  que  M.  le  profes- 
seur Séc,  armé  du  flambeau  d'une  science  nouvelle,  cherche  à  guider 
la  médecine  dans  des  sentiers  inexplorés,  tandis  que  ses  collègues, 
plongés  dans  l'obscurité,  enfoncés  dans  l'ornière  du  passé,  s'effor- 
ceraient d'y  retenir  la  génération  contemporaine. 

11  n'en  est  rien.  Dans  cette  enceinte  où  je  vois  tant  de  maîtres  à 
coté  de  mes  condisciples,  nous  avons  tous  à  peu  près  les  mêmes 
idées  sur  l'utilité  de  l'anatomie,  de  la  physiologie  et  des  autres 
sciences  fondamentales  ;  journellement  nous  faisons  de  ces  sciences 
des  applications  rationnelles  à  la  médecine  proprement  dite.  Tous 
nous  estimons  l'observation  au  lit  du  malade  et  l'expérimentation 
sur  les  animaux.  Le  moins  organicien  fait  de  l'anatomie  patholo- 
gique et  fonde  la  connaissance  d'un  agent  médicamenteux  sur  la 
modification  qu'il  imprime  à  nos  organes  et  à  leurs  fonctions.  Et, 
dans  ces  diverses  opérations,  chacun  de  nous  se  pique  de  rigueur 
scientifique. 

Ainsi  la  direction  est  commune,  et  si,  dans  notre  marche  vers  le 
progrès,  nous  arrivons  à  nous  échelonner,  du  moins  il  n'y  a  pas 
entre  nous  de  bien  grands  intervalles. 

M.  Gubler  consacre  ensuite  quelques  pagres  à  démon- 
trer que  les  opinions  professées  par  M.  Sée  ont,  pour  la 
plupart,  été  enseignées  au  public  par  lui  M.  Gubler,  en 
sorte  que  «  il  ne  peut  se  défendre  d'un  certain  mouve- 
ment de  vanité  et  qu'il  est  tenté  de  proclamer  M.  le  pro- 
fesseur Sée  le  plus  brillant  de  ses  élèves.  »  Cela  est  possi- 
ble, mais  importe  peu  à  l'histoire  de  l'action  de  l'arsenic, 
aussi  hàtons-nous  d'y  revenir.  M.  Gubler  continue 
ainsi  : 

A  la  suite  de  remarques  importantes  de  MM.  Bnuley  et  Haynal 
touchant  l'action  sédative  de  l  arsenic  sur  la  respiration  et  même  la 


400  ACADÉMIE  l'E  MEDECINE. 

circulation,  M.  S^c  est  intervenu,  on  s'en  souvient,  pour  exposer 
sa  manière  de  comprendre  l'action  physiologique  de  l'arsenic  et,  de 
par  sa  théorie,  déclarer  impossible  l'action  que  nos  collègues  avaient 
observée  du  coté  du  cœur. 

Obéissant  à  un  premier  mouvement,  je  me  suis  élevé  avec  une 
certaine  énergie  contre  ce  non  possumus  lancé  contre  de  bonnes  ob- 
servations au  nom  d'une  théorie  contestable.  La  doctrine  physiolo- 
gique de  l'arsenic,  vous  disais-je,  en  est  encore  à  la  période  cm* 
bryonnairc.  Los  conceptions  idéales  ne  manquent  pas,  mais  la  base 
expérimentale  n'est  pas  suffisamment  solide. 

Dans  la  dernière  séance.  M.  Sée  s'est  eflbrcé  de  réfuter  cette 
critique  sommaire  à  l'aide  d  une  exposition  nouvelle  et  plus  détaillée 
de  ses  idées.  Nous  allons  voir  s'il  y  u  réussi. 

J'examinerai  la  question  avec  une  liberté  d'esprit  d'autant  plus 
entière,  que  les  opinions  de  M.  Sée  sur  ce  point  particulier  sont, 
ainsi  que  je  le  faisais  pressentir,  presque  entièrement  semblables  à 
celles  que  je  professe  moi  même  depuis  longtemps.  Quelques  mots 
d'historique  serviront  d'introduction  nécessaire  à  cette  partie  de 
mon  argumentation. 

En  1865,  dans  un  article  (I)  qui  comprend  en  même  temps  que 
l'asthme  proprement  dit,  plusieurs  études  sur  les  dyspnées,  etc., 
M.  Sée  a  cru  devoir  donner  un  résumé  de  l'action  physiologique  et 
thérapeutique  de  chacun  des  médicaments  conseillés  aux  asthma- 
tiques. 

Dans  l'article  consacré  à  l'arsenic  (•£,),  nous  lisons  :  «  Le  poison 
pénètre  dans  le  sang,  se  combine  avec  les  éléments  histologiques  ou 
protéiques,  et  favorise  manifestement  les  oxydations;  en  voici  les 
preuves  :  l'urée,  qui  représente  les  produits  des  combustions  orga- 
niques, augmente  de  douze  à  vingt-huit  les  chlorures  et  (il  eût  fallu 
dire  et  les)  phosphates  terreux  de  l'urine  s'élèvent  jusqu'au  double 
de  la  proportion  normale.  Ces  résultats,  acquis  par  les  expériences 
de  Sabelin,  indiquent  l'exagération  du  mouvement  nutritif;  ce  qui  le 
prouve  mieux  encore,  c'est  que  l'acide  urique,  produit  incomplet 
d'oxydation,  diminue  en  raison  inverse  de  l'urée;  entin,  l'augmen- 
tation de  la  température  et  l'accélération  du  pouls  sont  des  témoi- 
gnages de  plus  de  l'activité  des  décompositions.  » 

Ainsi,  le  doute  n'était  pas  permis,  et  il  ne  fallait  pas  s'arrêter  à 

(l)  G.  Sée,  article  Asthmk  du  Nouveau  Dictionnaire  de  mèiecine  et  ds 
chirurgie  pratiques.  Paris,  iSf.S,  t.  III,  p.  583. 
(•2)  G.  Sée,  ibidem,  t.  III,  p.  744. 


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LA  CLINIQUE  ET  LA  PHYSIOLOGIE  EXPERIMENTALE.  401 

l'idée  que  l'arsenic  est  un  tonique  ou  bien  qu'il  afFaiblit  les  vaso- 
moteurs  et  autres  conceptions  fantaisistes  :  l'arsenic  n'était  autre 
chose  qu'un  moyen  d'activer  la  dénutrition,  ce  que  prouvait  sura- 
bondamment l'accroissement  de  l'urée,  etc. 

Mais  trois  années  ne  s'étaient  pas  écoulées  que  notre  savant  col- 
lègue faisait  publier  sur  le  sujet  par  un  de  ses  élèves,  M.  le  Dr  Lol- 
liot,  une  opinion  diamétralement  contraire. 

Dans  l'intervalle  avait  paru  mon  livre  (1),  mis  en  vente  dès  le 
2  ou  le  3  février  4868,  où  je  développais  précisément  la  manière  de 
voir  adoptée  plus  tard  par  notre  collègue. 

Un  instant  je  crus  pouvoir  me  flatter  d'avoir  contribué  à  cette 
conversion,  mais  cette  illusion  ne  fut  pas  de  longue  durée.  Rien, 
en  effet,  dans  la  thèse  de  M.  Lolliot,  soutenue  au  mois  de  juillet 
1808,  n'indique  que  l'auteur  ait  eu  connaissance  d'un  ouvrage  pu- 
blié près  de  six  mois  auparavant  par  un  membre  de  cette  Académie, 
et  auquel  un  certain  nombre  des  journaux  de  médecine  les  plus  ac- 
crédités de  Paris  et  de  la  province  avaient  fait  un  accueil  des  plus 
flatteurs.  C'est  probablement  à  l'absence  de  mon  nom  dans  une  mo- 
nographie, fort  estimable  d'ailleurs,  qu'est  due  la  croyance  presque 
générale  que  M.  le  professeur  Séc  est  l'auteur  de  l'opinion  qui  veut 
que  l'arsenic  entrave  le  mouvement  de  dénutrition  et  constitue  ce 
qu'on  a  nommé  un  antidéperditevr,  et  ce  que  notre  collègue  tient  à 
appeler  un  médicament  d'épargne.  Nous  reviendrons  tout  à  l'heure 
sur  ces  expressions. 

Mais  ce  n'est  pas  cet  oubli  que  je  reproche  à  l'auteur  de  la  thèse 
ni  au  maitre  qui  l'a  inspirée.  Je  ne  ferai  pas  non  plus  un  crime  à  ce 
dernier  d'avoir  abandonné  une  théorie  manifestement  en  opposition 
avec  les  faits  pour  en  adopter  une  que  je  crois  meilleure,  et  dont  il 
m'était  permis  de  revendiquer  la  paternité.  Non,  ce  que  je  prends 
la  liberté  de  blâmer,  c'est  la  désinvolture  un  peu  trop  leste  avec  la- 
quelle on  a  lâché  et  la  première  opinion  et  l'honorable  confrère  sur 
les  expériences  duquel  on  l'avait  édiliée. 

Dans  la  thèse  de  1868,  il  n'est  pas  un  instant  question  de  la  doc- 
trine de  la  dénutrition  exagérée  et  de  l'excès  d'urée.  Le  nom  de  Sa- 
belin  n'est  prononcé  nulle  part,  pas  même  dans  l'index  bibliogra- 
phique. Une  si  noire  ingratitude  m'afflige  sans  trop  me  surprendre  ; 
on  garde  involontairement  rancune  à  ceux  qui  ont  contribué  à  nous 
fourvoyer.  Mais  je  ne  fais  pas  de  la  psychologie,  et  je  me  hâte  de 

(1)  Gubler,  Commentaires  thérapeutiques  du  Codex.  Paris,  1868. 

TOME  XXXII.  —  NOVEMBRE  ET  DÉCEMBRE  1870.  -Jti 


402  ACADÉMIE  DE  MEDECINE. 

revenir  ù  l'action  physiologique  de  l'arsenic.  Voici  en  quelques  mots 
le  résumé  de  mon  opinion  sur  ce  médicament,  telle  qu'elle  se 
trouve  contenue  dans  mes  Commentairet  thérapeutiques  du  Codex  : 

L'arsenic  est  un  irritant  topique,  pouvant  produire  des  cschares 
par  un  mécanisme  tout  différent  des  caustiques  chimiques.  Il  frappe 
de  mort  le  tissu  qu'il  imprègne,  mais  il  ne  le  désorganise  pas  ;  c'est 
un  escharo tique  sphacéliant.  En  qualité  d'irritant,  il  peut  aiguiser 
l'appétit,  provoquer  des  hlépharites,  des  éruptions  cutanées,  etc. 

Une  fois  parvenu  dans  la  circulation,  ce  métalloïde  devient  un 
modérateur  de  la  combustion  respiratoire  par  un  mécanisme  encore 
difficile  à  pénétrer.  C'est  ainsi  qu'il  calme  les  mouvements  respira- 
toires et  Téréthisme  fébrile.  C'est  par  là  qu'il  ralentit  la  dénutrition, 
qu'il  fait  emmagasiner  de  la  graisse  et  qu'il  donne  l'apparence  de  la 
santé. 

Or,  M.  Sée  n'a  pas  trouvé  autre  chose  dans  l'action  générale  de 
l'arsenic.  Seulement,  au  lieu  de  s'étayer  des  faits  cliniques,  il  pré- 
fère invoquer  les  expériences  de  Brett-Schueider,  de  Schmidt,  de 
Sturzwagc,  confirmées  récemment  par  celles  de  MM.  Lolliot,  Théo- 
phile Anger  et  Bruley,  tendant  à  établir  la  diminution  de  l'urée  et 
de  l'acide  carbonique  sous  l'influence  de  l'arsenic. 

Je  suis  naturellement  tout  prêt  à  accepter  ces  résultats,  puisqu'ils 
confirment  l'opinion  que  je  m'étais  faite,  d'après  l'observation  thé- 
rapeutique chez  l'homme  ;  mais  je  ne  puis  leur  accorder  la  valeur 
absolue  si  véhémentement  sollicitée  pour  eux  par  notre  savant  con- 
tradicteur. 

On  a  vu,  en  effet,  dans  la  dernière  séance,  quel  amer  reproche 
M.  Sée  adressait  à  M.  Hardy,  pour  avoir  omis  la  recherche  quanti- 
tative de  l'urée  dans  ses  expériences  personnelles.  On  a  pu  remar- 
quer aussi  qu'une  telle  négligence  ne  soulevait  pas  la  même  indi- 
gnation chez  les  cliniciens  purs.  Aux  résultats  expérimentaux  sur 
lesquels  s'appuie  M.  Sée  plusieurs  objections  peuvent  être  oppo- 
sées. 

D'abord,  les  expériences  ne  sont  pas  encore  assez  nombreuses 
pour  mettre  hors  de  doute  les  résultats  qu'elles  prétendent  établir. 
M.  Sée  n'en  a  pas  fait  lui-même.  Quant  a  MM.  Lolliot.  Th.  Anger 
et  Bruley,  ils  ne  sont  parvenus  à  en  ajouter  chacun  qu'une  seule  à 
celles  tles  auteurs  allemands.  En  outre,  on  voudra  bien  m'accorder 
que  plusieurs  de  celles-ci  sont  neutralisées  par  les  expériences  con- 
tradictoires de  Sabelin. 

Eu  second  lieu,  quand  bien  même  le  fait  de  la  diminution  de 


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LA  CLINIQl  È  ET  LA  PHYSIOLOGIE  EXPERIMENTALE.  403 

l'urée  aurait  été  plus  souvent  vérifié,  il  ne  faudrait  pas  encore  se 
hâter  de  conclure.  La  quantité  d'urée  excrétée  n'exprime  pas  direc- 
tement et  nécessairement,  soit  l'état  de  la  dénutrition,  soit  celui  de 
la  combustion  respiratoire.  Le  rein  entre  pour  quelque  chose  dans 
le  phénomène  ;  suivant  sa  susceptibilité  physiologique  ou  morbide, 
il  sécrète  activement  ou  ralentit  son  travail,  malgré  des  variations 
de  doses  en  sens  inverses  de  la  part  de  l'urée  en  dissolution  dans  le 
sérum  sanguin. 

Il  se  peut  aussi  que  l'arsenic  s'oppose  à  la  sécrétion  de  l'urée, 
aussi  bien  que  l'iode  favorise  le  passage  du  fer  par  les  glandes  sali- 
vaires. 

D'un  autre  côté,  avec  une  dénutrition  active,  l'urée  peut  dimi- 
nuer, si  les  déchets  organiques  passent  sous  forme  d'acide  urique 
ou  de  matières  albuminoides.  Enfin,  avec  une  dénutrition  ralentie, 
la  proportion  d'urée  pourrait  augmenter,  si  une  combustion  plus 
complète  faisait  apparaître  sous  cette  forme  l'albuminose  urinairc 
et  l'acide  urique  normal.  Je  ne  viens  pas  soutenir  que  l'un  de  ces 
cas  se  réalise  avec  l'arsenic,  aucune  donnée  positive  ne  m'autorise- 
rait à  le  faire  :  je  veux  montrer  simplement  avec  quelle  réserve  il 
faut  tirer  les  conséquences  d'un  fait  expérimental,  alors  même  qu'il 
est  bien  constaté. 

Les  réserves  que  je  viens  de  faire  à  l'égard  de  la  proportion  d'u- 
rée, je  les  poserais  également  vis-à-vis  de  la  diminution  d'acide  car- 
bonique, laquelle  peut  coïncider  avec  une  somme  de  combustion 
normale,  si  l'action  de  l'oxygène  se  porte  principalement  sur  les 
matières  azotées,  et  avec  une  dénutrition  plus  active,  si  au  lieu  de 
la  graisse  ce  sont  les  tissus  albuminoides  qui  sont  ramenés  dans  la 
circulation  pour  y  être  brûlés. 

Un  point  sur  lequel  je  ne  puis  encore  partager  les  convictions  en- 
thousiastes de  M.  Sée,  est  celui  qui  se  rapporte  aux  effets  quasi- 
merveilleux  observés  en  Styrie  et  diverses  autres  provinces  de  l'Au- 
triche. Je  reconnais  bien  l'influence  favorable  exercée  par  l'arsenic 
sur  quelques  dyspnées  :  dans  certains  asthmes  chez  l'homme  et  dans 
la  pousse  des  cheveux  ;  mais  ce  que  je  me  refuse  à  admettre,  c'est 
que  la  puissance  du  moyen  soit  telle,  que  les  asthmatiques,  deve- 
nus si  légers  qu'ils  se  disent  volatiles,  se  fassent  ensuite  un  jeu  de 
gravir  les  pentes  les  plus  abruptes. 

Dans  la  mesure  où  je  l'admets,  cette  action  sur  la  respiration  me 
semble  comparable  à  celle  de  la  migraine  qui,  elle  aussi,  a  une  cer- 
taine période,  quand  elle  est  modérée  et  régulière,  s'accomprigno 


404  ACADÉMIE  DE  MEDECINE. 

d'une  facilité  de  respiration  et  d'un  calme  circulatoire  vraiment  sin- 
guliers. J'en  ai  fait  trop  souvent  l'expérience  sur  moi-même,  et  j'ai 
eu  l'occasion  de  vérifier  le  fait  chez  différentes  personnes  de  ma 
clientèle.  Et,  chose  remarquable,  une  sorte  de  migraine,  ainsi  que 
vous  le  disait  dernièrement  M.  Hardy  et  que  je  l'ai  constaté  de  mon 
côté,  est  parfois  l'un  des  premiers  symptômes  d'intolérance  dans  le 
cours  de  la  médication  arsenicale.  Ceci,  messieurs,  n'est  pas  une  ex- 
plication, puisque  le  mécanisme  de  la  migraine  nous  est  encore  à 
peu  près  inconnu,  et  que  des  phénomènes  semblables  peuvent  être 
produits  par  des  états  organiques  absolument  inverses.  J'ai  voulu 
seulement  faire  un  rapprochement  et  indiquer  une  voie  de  recher- 
ches. 

J'arrive  à  l'un  des  points  les  plus  importants  de  l'action  physiolo- 
gique de  l'arsenic. 

M.  Sée  a  cru  pouvoir  comparer  l'action  de  l'arsenic  sur  les  glo- 
bules à  celle  de  l'oxyde  de  carbone. 

«  De  même,  a-t-il  dit,  que  les  globules  intoxiqués  par  l'oxyde  de 
carbone  gardent  l'oxygène  et  restent  indéfiniment  rutilants,  de 
même,  au  contact  de  l'arsenic,  les  globules  sanguins  se  combinant 
avec  l'oxygène  d'une  manière  plus  stable  et  plus  chimique  {sic)  ne 
laissent  plis  échapper  ce  gaz.  C'est  ainsi  que  l'arsenic  devient  un 
médicament  d'épargne.  » 

On  aurait  pu  croire  que  cette  théorie  de  l'action  de  l'oxyde  de 
carbone  appartenait  à  notre  savant  contradicteur.  Mais  point  ;  c'é- 
tait, nous  disait-on,  celle  de  M.  Cl.  Bernard  que  personne  n'avait 
reconnue. 

M.  Bouley  a  déjà  signalé  cette  erreur  que  chacun  de  nous  avait 
remarquée.  Évidemment  M.  Sée  n'a  pas  bien  saisi  le  sens  de  ce  que 
l'illustre  physiologiste  a  écrit  sur  cette  question  assez  difficile  peut- 
être  à  exposer  en  termes  généraux ,  mais  moins  malaisée  à  com- 
prendre quand  on  s'en  réfère  aux  expériences. 

Or,  voici  ce  que  les  expériences  conçues  et  exécutées  par  M.  Cl. 
Bernard  nous  apprennent  : 

1°  Le  sang  au  contact  de  l'oxyde  de  carbone  devient  rutilant. 

3°  Cette  rutilanec  diffère  de  Tartérialisation  par  sa  permanence, 
puisqu'elle  se  prolonge  quelquefois  au  delà  de  trois  semaines.. 

3°  Le  gaz  oxyde  de  carbone  est  absorbé  par  le  sang. 

i°  Seulement  le  phénomène  est  masqué  par  l'exhalation  d'une 
quantité  sensiblement  équivalente  d'oxygène.  Ce  qui  fait  que  le 
volume  apparent  ne  change  pas. 


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LA  CLINIQUE  ET  LA  PHYSIOLOGIE  EXPÉRIMENTALE.  405 

S»  Mais  ultérieurement  le  sang  modifié  par  l'oxyde  de  carbone 
n'absorbe  plus  l'oxygène,  tandis  qu'il  n'en  est  pas  de  même  avec 
l'acide  carbonique  ou  l'azote. 

6'  Dès  lors  tout  échange  entre  le  sang  et  l'air  atmosphérique  se 
trouve  empêché. 

7*  Au  résumé ,  l'oxyde  de  carbone  empoisonne  d'abord  en  chassant 
r oxygène  des  globules  et  ensuite  en  l'empêchant  d'y  rentrer. 

C'est  tout  le  contraire  de  ce  que  croyait  M.  Sée.  Ainsi  s'écroule 
l'échafaudage  sur  lequel  il  avait  établi  l'action  physiologique  de 
l'arsenic. 

M.  Sée  se  défend  d'avoir  dit  ce  que  tous  nous  avions  cru  enten- 
dre. Il  a  voulu  faire  tme  comparaison  non  une  assimilation.  Voici 
quelle  serait  sa  nouvelle  formule  :  a  Tandis  que  l'oxyde  de  carbone 
chasse  l'oxygène  et  prend  sa  place  dans  le  globule,  l'arsenic,  au 
contraire,  force  l'oxygène  à  se  combiner  plus  intimement  avec  le 
corpuscule  sanguin  et  à  s'y  maintenir  indéfiniment.  »  Mais  alors 
comment  notre  collègue  a-t-il  pu  songer  à  comparer  des  phéno- 
mènes aussi  disparates,  et  comment  a-t-il  pu  croire  que  l'un  de  ces 
phénomènes  pourrait  servir  à  l'explication  de  l'autre.  Il  sera  diffi- 
cile que  M.  Sée  échappe  à  ce  dilemme  :  ou  bien  il  a  cru,  par  suite 
d'un  lapsus  mentis,  que  l'oxyde  de  carbone  fixait  l'oxygène  dans  le 
globule,  comme  il  suppose  que  fait  l'arsenic,  et  alors  la  comparaison 
était  admissible,  mais  elle  reposait  sur  une  erreur  matérielle;  ou 
bien  il  n'a  pas  méconnu  la  profonde  différence  qui  sépare  l'action 
constatée  de  l'oxyde  de  carbone  de  l'action  supposée  de  l'arsenic, 
et  alors  il  n'y  avait  pas  de  comparaison  possible  entre  les  deux 
agents  au  point  de  vue  de  leurs  effets  sur  les  globules  sanguins. 

Je  ne  vais  pas  au  delà  de  cette  conclusion  et  je  ne  m'inscris  pas 
en  faux  contre  l'opinion  exprimée  par  M.  Sée  dans  la  dernière  séance. 
Il  se  pourrait  qu'elle  fût  juste,  mais  je  n'ai  aucune  raison  de  le 
croire  ni  mon  savant  contradicteur  non  plus. 

Ce  n'est  pas  sans  dessein  que  je  spécifiais  tout  à  l'heure  en  disant 
«  l'opinion  de  la  dernière  séance,  »  car  un  élève  de  M.  Sée  nous  ap« 
prend  qu'il  a  professé  une  autre  théorie  d'après  laquelle  l'arsenic 
se  combinerait  avec  les  globules,  en  prenant  la  place  de  l'oxygène, 
et  les  rendrait  de  la  sorte  inaptes  à  oxyder  les  tissus,  dont  la  dénu- 
trition se  trouve  ainsi  ménagée  (1).  Voilà  ce  qui  serait  plus  orthodoxe  : 
cela  fait  regretter  que  le  maître  ne  s'en  soit  pas  tenu  à  sa  première 
manière. 

(I)  Lolliot,  thèse,  p.  52. 


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406  ACADÉMIE  DE  MEDECINE. 

C'est  ici  le  lieu  de  parler  de  la  classe  des  médicaments  d'épargne  à 
laquelle  M.  Sée  parait  vouloir  attacher  sou  nom,  et  de  l'expression 
d'antidéperditeurs  qu'il  m'attribue  à  tort. 

Si  j'avais  voulu  exprimer  le  fait  pur  et  simple  de  l'empêchement 
apporté  aux  fonctions  de  l'économie  par  certains  agents  thérapeu- 
tiques, je  n'aurais  eu  qu'à  ouvrir  un  de  nos  vieux  lexiques  et  j'y 
aurais  trouvé  le  mot  cohibent  dont  j'aurais  tiré  les  facultés  cohibentet 
ou  cohibitives.  J'emploie  quelquefois  le  mot  antidéperditeur  parce 
qu'il  a  cours  dans  la  science  ;  mais  l'occasion  d'en  faire  usage  se 
présente  moins  fréquemment  pour  moi  que  pour  d'autres,  attendu 
que  la  plupart  des  médicaments  qui  reçoivent  cette  épithète  et  qui 
rentrent  dans  les  médicaments  d'épargne ,  sont  désignés  dans  ma 
classification  sous  le  nom  de  dynamophores  ou  dynamisants, 

M.  Sée  préfère  se  servir  des  mots  médicaments  d'épargne,  dont  l'as- 
semblage est  un  peu  plus  euphonique  que  l'adjectif  antidéperditeur, 
mais  qui  n'a  pas  d'autre  mérite,  puisqu'il  se  borne  à  exprimer  le 
fait  brut  de  la  diminution  des  pertes  organiques.  On  a  cependant 
l'habitude  de  lui  faire  honneur  de  cette  appellation  comme  si  elle 
était  l'indice  d'une  manière  particulière  de  comprendre  les  phéno- 
mènes ou  du  moins  comme  si  elle  était  nouvelle.  Or,  il  n'en  est 
rien.  Le  mot  sparen,  appliqué  à  cette  classe  d'agents,  est  depuis 
longtemps  usité  en  Allemagne,  et  le  mot  épargner  en  est  la  traduc- 
tion littérale. 

Mais  je  préfère  spar  mittel  ou  moyen  d'épargne  à  médicaments  d'é- 
pargne, parce  que  cela  se  cromprend  mieux. 

Quant  à  l'origine  de  l'idée  que  ces  mots  représentent,  elle  remonte 
bien  haut  déjà. 

Wilh.  B'îckar,  qui  écrivait  on  18i9  son  ouvrage  si  intéressant  sur 
l'action  physiologique  de  certaines  substances  alimentaires  ou  mé- 
dicamenteuses, insiste  constamment  sur  l'arrêt  mauserstokuug  ou 
l'obstacle  mauserhemmung  qu'apportent  à  la  mue  organique  les 
agents  dits  actuellement  antidéperditeurs,  et  notamment  l'alcool. 
Mais  il  ne  se  flatte  pas  d'être  entré  le  premier  dans  cette  voie,  car 
il  expose  avec  complaisance  la  classification  de  Schultz  (1831)  qui 
repose  précisément  en  partie  sur  la  distinction  des  substances  en 
celles  qui  activent  la  dénutrition  et  celles  qui  la  retardent. 

Le  nom  et  la  chose  étaient  donc  parfaitement  connus  de  longue 
date,  et  M.  Sée  n'a  rien  a  jouté  à  ce  que  nous  savions. 

Lorsque  M.  Sée  avait  déclaré  impossible  le  ralentissement  des 
battements  du  cœur,  par  cette  raison  que  l'arsenic  produisant  la 


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LA  CLINIQUE  ET  LA  PHYSIOLOGIE  EXPERIMENTALE.  407 

dilatation  des  capillaires  de  la  face  et  de  l'encéphale  doit,  au  con- 
traire, augmonter  la  fréquence  du  pouls,  je  m'étais  récrié  contre 
cette  manière  de  jugera  priori  une  question  de  fait,  mais  je  n'avais 
pas  affirmé  contradictoirement  la  réalité  du  ralentissement,  ainsi 
que  me  l'a  fait  dire  mon  savant  contradicteur,  flans  son  dernier  dis- 
cours. Je  suis  resté,  à  cet  égard,  dans  une  prudente  réserve,  comme 
il  convient  de  faire,  quand  on  n'a  pas  suffisamment  observé.  Nous 
allons  maintenant  vider  cette  question. 

M.  Bouley  a  noté  la  sédatiou  circulatoire.  Voilà  un  fait  positif 
qui  emprunte  une  grande  valeur  à  l'autorité  scientifique  de  notre 
éminont  collègue.  Si  un  certain  nombre  d'autres  bons  observateurs 
l'avaient  également  vu,  il  faudrait  bien  admettre  le  phénomène  au 
nombre  des  effets  ordinaires  ou  possibles  du  médicament. 

D'autre  part,  si  l'arsenic  enraye  la  fièvre  intermittente,  on  m'ac- 
cordera qu'il  peut  exercer  une  action  sédative  sur  la  circulation. 
Or,  la  pratique  de  Boudin,  de  Sistach,  de  M.  Fremy  ne  laisse  aucun 
doute  sur  l'utilité  de  ce  moyen,  trop  vanté,  j'en  suis  convaincu,  par 
plusieurs  de  ses  parrains,  mais  auquel  on  ne  peut,  sans  injustice, 
dénier  toute  efficacité,  et  qui  possède  certainement  contre  la  fièvre 
une  autre  action  que  celle  de  tonifier  et  de  réconforter  l'économie. 
D'ailleurs  tous  ceux  qui  ont  expérimenté  l'arsenic  dans  la  tubercu- 
lose ont  yu  s'apaiser  la  fièvre  symptomatique,  pouls  et  chaleur 
compris. 

Je  vous  citerai  d'abord  mes  chers  maîtres  Trousseau  et  Pidoux, 
puis  mon  excellent  collègue  de  l'hôpital  Beauj on ,  M.  Moutard- 
Martin.  A  l'hôpital  Lariboisière,  M.  Hérard,  dont  la  compétence 
est  si  grande  dans  ce  qui  touche  aux  affections  pulmonaires,  a  con- 
staté les  mêmes  faits,  et  son  élève,  M.  Niederkomm,  a  donné  des 
relevés  précis,  accompagnés  de  tracés  graphiques  où  l'on  a  vu  se 
développer  parallèlement  les  courbes  de  la  température  et  du  pouls. 

A  vrai  dire,  les  cliniciens  auraient  été  fort  étonnés  qu'il  en  fût 
autrement. 

Il  y  plus,  un  auteur  anglais,  Hill  (1),  a  vu  des  palpitations  cardia- 
ques céder,  non  pas  aux  effets  chroniques  altérants,  mais  bien  a 
l'action  aigué,  aux  modifications  fonctionnelles,  engendrées  par 
l'arsenic.  Toutes  ces  observations  forment  déjà  un  ensemble  impo- 
sant, seulement  il  faudra  les  interpréter.  En  attendant,  remarquons 
que  tout  cela  s'est  produit  malgré  la  prétendue  dilatation  paraly- 
tique des  capillaires  de  la  tête. 

(t)  Cité  par  M.  Imbort-Oourbeyro. 


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403  ACADÉMIE  DE  MEDECINE. 

Permettez-moi  d'ajouter  qu'étant  admise  l'influence  sédative  de 
l'arsenic  sur  la  respiration ,  on  ne  comprendrait  guère  qu'elle  ne 
s'étendit  pas  à  la  circulation,  laquelle  marche  ordinairement  du 
même  pas  dans  les  conditions  hygiéniques  ou  morbides.  Car  il  y  a 
une  loi  plus  positive  que  celle  dont  on  nous  parlait  naguère,  c'est 
que  le  ralentissement  des  mouvemeuts  respiratoires  entraîne  un 
ralentissement  des  mouvements  du  cœur. 

Sans  se  laisser  embarrasser  par  ces  faits  et  ces  considérations, 
M.  Sée  ne  craint  pas  de  déclarer  que  l'abaissement  du  pouls  n'existe 
pas,  parce  qu'il  ne  peut  exister  coïncidemment  avec  la  paralysie 
vaso-motrice  du  train  antérieur.  A  cette  occasion,  il  invoque  la  belle 
loi  de  M.  Marey  sur  le  rapport  inverse  qui  existe  habituellement 
entre  la  tension  et  la  fréquence  du  pouls.  Cherchons  ce  que  vaut  ce 
raisonnement. 

D'abord,  sans  parler  des  cas  exceptionnels  où  l'influence  de  con- 
ditions ordinairement  subordonnées  se  montre  prédominante,  c'est 
une  diminution  générale  de  la  tension  vasculaire  qui  détermine  l'ac- 
célération du  pouls.  Une  diminution  locale  n'aurait  pas  ce  pouvoir, 
et  par  conséquent  l'influence  de  la  dilatation  des  capillaires  de  la 
tète  serait  probablement  insuffisante. 

Avant  d'aller  plus  loin,  je  voudrais  demander  un  renseignement 
à  M.  Sée  :  Est-ce  que  par  hasard  notre  collègue  aurait  fait  des  ex- 
périences pour  établir,  comme  il  l'indiquait,  l'existence  de  l'hy- 
perémie  de  l'encéphale  ? 

M.  Sée  avoue  qu'il  n'en  a  fait  aucune.  Tout  se  réduirait  donc  à 
la  dilatation  des  capillaires  de  la  face.  Mais  cette  paralysie  vaso- 
motrice  circonscrite  est-elle  du  moins  bien  constatée  ?  Je  crois  pou- 
voir affirmer  le  contraire.  M.  Sée  remarque  avec  tout  le  monde  que 
les  joues  sont  devenues  roses  chez  les  sujets  qui  ont  repris  une  santé 
plus  florissante  pendant  l'usage  de  l'arsenic.  Cela  lui  suffit.  Ainsi, 
messieurs,  quand  vous  rencontrerez  sur  votre  route  des  types  de 
santé  ;  quand  vous  verrez  dans  la  campagne  ces  gaillards  vigou- 
reux, aux  robustes  épaules  et  au  teint  fleuri,  plaignez-les  :  ils  sont 
sur  le  chemin  de  la  maladie,  car  ils  ont  déjà  une  paralysie  des  vais- 
seaux de  la  face.  Et,  pour  être  logique,  M.  Sée  vous  dira  qu'ils  doi- 
vent être  affectés  d'une  certaine  fréquence  du  pouls. 

Déjà  M.  Hardy  a  combattu  victorieusement  la  doctrine  de  notre 
collègue,  en  faisant  voir  que,  loin  de  borner  ses  elTcts  à  la  partie 
supérieure  du  corps,  l'arsenic  semble  au  contraire  appesantir  son 
action  sur  le  train  inférieur,  puisqu'il  cause  quelquefois  l'anaphro- 


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LA  CLINIQUE  ET  LA  PHYSIOLOGIE  EXPERIMENTALE.  409 

disie,  d'après  les  remarques  de  Rayer  et  de  M.  Charcot,  et  même 
des  paraplégies  semblables,  d'après  Christison,  parfois  identiques, 
selon  moi,  avec  les  paralysies  saturnines. 

Au  résumé,  la  paralysie  vaso-motrice  de  la  tète  invoquée  par 
M.  Sée  n'est  rien  moins  que  démontrée. 

L'auteur  de  la  théorie  a  bien  essayé  de  nous  prouver  que  la  chose 
était  possible,  ce  qui  n'était  pas  en  discussion  ;  personne,  en  effet, 
n'ignore  qu'il  existe  plusieurs  centres  d'innervation  sympathique, 
dont  les  deux  principaux  sont  au  cou  et  dans  la  région  lombaire. 
Les  recherches  récentes  de  MM.  Robin  et  Gimbert  sur  la  structure 
des  vaisseaux  de  la  face  sont  bien  connues  ;  et  chacun  sait  que  cer- 
tains médicaments  font  élection  sur  un  organe  ou  sur  un  appareil. 
Mais  tout  cela  ne  nous  apprend  rien  sur  la  question  de  savoir  si, 
dans  le  cas  particulier,  les  choses  se  passent  conformément  aux  vues 
de  notre  collègue. 

M.  Sée,  voulant  prouver  que  certaines  substances  bornent  leurs 
effets  à  l'un  des  deux  centres  du  système  nerveux  vaso-moteur, 
cite  la  fève  du  Calabar  comme  ne  faisant  sentir  son  influence  que 
sur  le  train  de  derrière.  On  ne  pouvait  pas  plus  mal  choisir  son 
exemple.  Notre  collègue  aura  été  frappé  sans  doute  de  l'intensité 
des  mouvements  péristaltiques  de  l'intestin  grêle  ;  mais  l'accroisse- 
ment de  motricité  atteint  à  peu  près  au  même  degré  tous  les  tissus 
contractiles  de  la  vie  organique,  et  même  de  la  vie  de  relation, 
d'après  les  intéressantes  expériences  de  MM.  Laborde  et  Leven. 
D'ailleurs  est-ce  que  tout  le  monde  ne  sait  pas  que  la  contraction 
de  la  pupille  est  l'effet  le  plus  apparent  de  l'csérine  ?  Or,  l'œil  n'ap- 
partient pas,  que  je  sache,  au  train  de  derrière,  à  moins  qu'on  n'ait 
affaire  à  cette  race  supérieure  dont  parle  Victor  Considérant,  qui 
porterait  une  queue  munie  d'un  œil  à  son  extrémité. 

En  définitive,  l'action  sédative  de  l'arsonic  sur  le  cœur  a  été  notée 
dans  une  foule  de  circonstances.  Il  est  difficile  de  la  mettre  en  doute; 
seulement  nous  aurons  à  rechercher  dans  l'avenir  par  quel  moyen, 
direct  ou  indirect,  le  médicament  amène  ce  résultat.  Au  lieu  d'ac- 
cepter les  observations ,  ou  bien  de  les  soumettre  au  contrôle  de  la 
critique,  que  fait  M.  Sée?  Il  les  nie,  parce  que  cela  contrarie  ses 
idées  sur  la  paralysie  arsenicale  du  vaso-moteur  de  la  partie  supé- 
rieure du  corps. 

Et  si  quelqu'un,  partant  d'une  autre  donnée,  venait  dire  à  notre 
savant  collègue  :  «  Toutes  les  fois  qu'un  médicament  produit  une 
modification  de  la  température,  on  verra  se  produire  dans  le  même 


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410  ACADÉMIE  DE  MEDECINE. 

sens  une  modification  de  l'excitabilité.  S'il  y  a  augmentation  de  la 
température,  l'excitabilité  sera  augmentée  ;  s'il  y  a  abaissement  de 
la  température,  l'excitabilité  sera  diminuée.  Or,  l'arsenic  produit 
un  abaissement  de  température,  il  produira  donc  en  même  temps 
une  diminution  de  l'excitabilité  des  nerfs  du  cœur  qui  battra  plus 
lentement,  s 

J'ai  cité  textuellement,  messieurs,  à  part,  le  mot  sulfate  de  quinine, 
que  j'ai  remplacé  par  celui  d'arsenic,  ce  qui  ne  ebange  rien  au  rai- 
sonnement, puisque  l'auteur  n'exige  qu'une  seule  condition  pour  le 
ralentissement  du  pouls  :  c'est  la  diminution  préalable  de  l'excita- 
bilité. Eh  bien  !  ce  raisonnement  a  été  fait  par  un  savant,  dont  mon 
habile  contradicteur  ne  contestera  assurément  ni  la  compétence  ni 
l'autorité.  Il  a  été  fait  par  M.  Sée  lui-même,  qui  probablement  ne 
s'en  souvient  plus  (1). 

Vous  le  voyez,  messieurs,  si  M.  Sée  a  des  raisons  de  penser  que 
l'arsenic  ne  doit  pas  ralentir  le  cœur,  nous  en  avons  de  meilleures 
pour  admettre  qu'il  le  ralentit.  C'est  à  l'observation  de  prononcer. 
Mais  l'observation  est  difficile;  il  est  plus  commode  de  faire  une 
supposition. 

Je  résume  cette  longue  discussion  dans  les  propositions  sui- 
vantes : 

A  part  son  action  irritante  et  escharotique-sphacéliantey  l'arsenic 
so  comporte  comme  s'il  diminuait  la  combustion  respiratoire  ou  ce 
que  j'appelle  Yhématocausie,  et  conséquemment  le  mouvement  de 
dénutrition. 

Plusieurs  expériences  proprement  dites,  effectuées  sur  l'homme 
et  les  animaux,  s'accordent  sur  ce  point  avec  l'observation  clinique. 
Elles  démontrent  une  diminution  de  l'acide  carbonique  exhalé  par 
les  poumons  et  de  l'urée  sécrétée  par  les  reins;  le  mécanisme  par 
lequel  se  produit  ce  ralentissement  des  oxydations  et  de  la  désassi- 
milation  est  encore  mal  connu. 

On  peut  invoquer  avec  quelque  vraisemblance  une  action  directe 
sur  le  sang  et  une  action  sur  le  système  nerveux  après  intussus- 
ception  du  métalloïde  agissant  par  une  action  de  présence  ou  pre- 
nant la  place  d'une  proportion  correspondante  de  phosphore;  mais 
rien  n'autorise  à  préciser  davantage  et  à  soutenir  que  l'arsenic  force 
l'oxygène  à  se  maintenir  plus  intimement  et  plus  longtemps  com- 
biné avec  la  substance  des  globules  sanguins. 

(I)  Voyez  Lolliot,  thèse,  p.  133. 


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LA  CLINIQUE  ET  LA  PHYSIOLOGIE  EXPERIMENTALE.  4U 

L'arsenic  est  donc  un  abincitant,  un  contre-stimulant,  un  anti- 
pyrétique, mais  non  pas  un  tonique.  Il  s'oppose  à  la  dépense,  mais 
il  n'apporte  pas  de  force.  C'est  un  antidéperditeur,  mais  non  pas  un 
dynamophore. 

En  empêchant  les  organismes  de  se  brûler  activement,  il  permet 
la  reconstitution  et  l'cmmagasinement  de  la  graisse,  d'où  l'air  de 
fraîcheur  et  de  santé,  l'embonpoint  de  ceux,  hommes  ou  bètes,  qui 
en  font  un  usage  modéré. 

Les  symptômes  de  l'arsenicisme  rappellent,  par  certains  côtés,  le 
syndrome  de  la  migraine,  et  spécialement  la  facilité  de  respiration 
qui  caractérise  les  accès  de  cette  maladie. 

Tout  porte  à  admettre  que  l'action  sédative  de  l'arsenic  se  fait 
sentir  en  même  temps  sur  le  centre  circulatoire.  Un  certain  nom- 
bre d'observations  en  font  foi.  Néanmoins,  des  faits  précis,  complétés 
par  les  moyens  d'investigation  modernes,  et  particulièrement  par 
les  recherches  sphygmographiques,  sont  nécessaires  à  la  démon- 
stration rigoureuse  de  ce  point  important. 

L'accroissement  momentané  de  l'appétit,  sous  l'influence  des 
préparations  arsenicales,  est  probablement  dû  à  l'excitation  directe 
de  la  muqueuse  digestive  et  à  la  diminution  du  mouvement  fébrile 
qui  entretenait  l'inappétence. 

L'ensemble  des  faits  thérapeutiques  confirme  ces  vues  physio- 
logiques et  s'explique  en  partie  par  elles  ;  mais  beaucoup  de  points 
restent  encore  obscurs  et  réclament  des  recherches  ultérieures, 
nombreuses  et  suivies. 

Il  est  impossible  d'établir  aujourd'hui  une  théorie  de  l'action 
physiologique  de  l'arsenic  répondant  à  toutes  les  exigences  des  faits 
connus,  et  les  faits  eux-mêmes  n'ont  pas  toujours  été  observés  avec 
assez  de  rigueur  pour  fournir  des  bases  certaines  à  l'édification 
d'une  doctrine  scientifique. 

Dans  ce  discours,  M.  Gabier  établit  contre  M,  Sée  : 
1°  que  les  explications  données  par  les  physiologistes 
sont  contradictoires  et  changeantes  ;  2°  qu'en  diminuant 
la  combustion  respiratoire  l'arsenic  retarde  la  dénutri- 
tion et  permet  à  l'organisme  l'emmagasinement  de  la 
graisse  ;  3°  enfin  dans  l'ordre  pathologique  et  l'ordre 
physiologique  il  conclut  des  faits  cliniques  que  l'arsenic 


412  ACADÉMIE  DE  MEDECINE. 

est  un  antipyrétique,  un  calmant  du  cœur,  un  contro- 
stimulant. 
M.  Sée  a  immédiatement  répliqué. 

D'abord,  sans  vouloir  discuter  la  priorité  des  idées  qu'il  a  émisses 
sur  l'action  physiologique  et  thérapeutique  des  médicaments,  M.  Sée 
fait  remarquer  à  M.  Gubler  qu'en  18G6,  à  l'époque  où  ils  étaient 
tous  les  deux  compétiteurs  pour  la  chaire  de  thérapeutique,  il  fit, 
dans  un  opuscule  d'une  vingtaine  de  pages,  l'exposé  complet  de  sa 
manière  de  voir  sur  l'action  de  tous  les  médicaments,  et  en  parti- 
culier de  l'arsenic.  A  cette  époque,  M.  Gubler  n'avait  encore  rien 
publié  de  sérieux  sur  la  thérapeutique  expérimentale,  pas  même  ses 
Commentaires  sur  le  Codex,  parus  seulement  en  1867.  Les  recherches 
de  M.  Sée  n'ont  donc  rien  de  commun  avec  les  idées  développées 
par  M.  Gubler  dans  ce  dernier  ouvrage. 

Relativement  à  l'influence  de  l'arsenic  sur  le  sang,  M.  Sée  n'a 
pas  prétendu  assimiler  l'action  de  l'arsenic  à  celle  de  l'oxyde  de 
carbone;  il  a  voulu  seulement  faire  une  comparaison  et  dire  que, 
sous  l'influence  de  l'arsenic,  l'hémoglobine  fixe  l'oxygène  aussi  inti- 
mement qu'elle  s'incorpore  l'oxyde  de  carbone  pour  former  avec 
lui  une  combinaison  stable,  ainsi  que  l'a  démontré  M.  Cl.  Bernard. 

Cette  action  de  l'arsenic  sur  le  sang  n'est  pas  une  hypothèse;  elle 
est  démontrée  par  les  expériences  qui  prouvent  que  l'arsenic  pré- 
serve les  globules  de  la  destruction  en  diminuant  la  combustion 
organique,  diminution  indiquée  par  la  moindre  proportion  d'urée 
et  d'acide  carbonique  éliminés  de  l'organisme.  La  diminution  de  la 
quantité  d'acide  carbonique  contenu  dans  le  sang  à  un  moment 
donné  et  l'excès  relatif  d'oxygène  expliquent  pourquoi  le  sang,,  dans 
ce  cas,  reste  rutilant. 

L'arsenic  a  donc  la  propriété  d'enrayer  la  destruction  des  glo- 
bules. Mais  il  n'en  est  pas  ainsi  lorsqu'on  force  la  dose  de  l'arsenic 
ou  que  l'on  prolonge  trop  la  durée  de  la  médication.  Quand  on 
arrive  à  Yarsenicisme,  les  résultats  sont  tout  à  fait  opposés  aux  pré- 
cédents; dans  ce  cas,  la  destruction  des  globules  est  accélérée;  on 
en  voit  diminuer  le  nombre,  de  même  que  l'on  voit  apparaître  alors 
des  phénomènes  de  paralysie,  au  heu  de  l'accroissement  de  la  force 
d'innervation  musculaire  que  nous  avions  noté  auparavant.  Il  im- 
porte de  ne  pas  confondre  des  résultats  opposés  qui  dépendent  de 
conditions  entièrement  différentes  de  l'expérimentation. 

M.  Sée  explique  comment  il  a  été  amené  à  modifier  des  opinions 


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LA  CLINIQUE  ET  LA  PHYâlULOOIK  EXPERIMENTALE.  413 

qu'il  avait  émises  dès  l'année  I86i  (1).  Il  n'avait  pas  encore  fait 
les  recherches  expérimentales  qui  lui  ont  démontré  l'erreur  dans 
laquelle  était  tombé  Sabelin  ;  Voit  n'avait  pas  encore  indiqué  la  pré- 
caution qu'il  y  avait  à  prendre,  pour  éviter  l'erreur,  d'établir  au 
préalable  le  bilan  des  recettes  et  des  dépenses  des  sujets  mis  en 
expérience.  Grâce  à  cette  précaution  indispensable,  l'analyse  chi- 
mique a  pu  établir  avec  une  entière  certitude  le  fait  important, 
non-seulement  de  la  diminution  absolue  de  l'urée,  mais  encore  de 
l'acide  carbonique,  sous  l'influence  de  l'arsenic.  On  en  a  conclu 
logiquement  que  cette  substance  met  obstacle  à  la  destruction  de  la 
molécule  organique. 

La  diminution  de  la  température  générale,  causée  par  l'emploi 
de  l'arsenic,  est  la  conséquence  forcée  de  la  diminution  de  la  désas- 
similation,  c'est-à-dire  des  combustions  organiques. 

On  a  discute  la  question  de  savoir  si  l'arsenic  est  un  excitant  ou 
un  hyposthénisant,  et  Ton  a  invoqué  les  faits  d'observation  clinique 
contre  les  faits  d'expérimentation.  En  vérité,  quand  on  voit  des  cli- 
niciens de  la  valeur  de  Trousseau  et  de  Graves  conclure  à  l'action 
excitante  de  l'arsenic  d'après  l'augmentation  de  la  coloration  de  la 
peau  du  visage,  tandis  que  le  thermomètre  placé  sous  l'aisselle  ou 
introduit  dans  le  rectum  montre  une  diminution  de  la  température 
normale,  on  se  demande  si  les  prétentions  de  la  clinique  à  l'infail- 
libilité sont  bien  fondées,  et  si,  dans  l'espèce,  l'analyse  chimique 
n'est  pas  plus  dans  le  vrai  en  expliquant  le  fait  de  la  diminution  de 
la  température  animale  par  la  diminution  des  combustions  orga- 
niques. 

En  ce  qui  concerne  l'influence  de  l'arsenic  sur  la  respiration, 
M.  Séc  n'a  pas  dit  que  cette  influence  se  traduit  par  une  diminution 
dans  le  nombre  des  respirations,  mais  bien  par  une  diminution  du 
besoin  de  respirer.  Chaque  fois  que  l'on  constate  une  diminution  de 
la  proportion  d'acide  carbonique  contenue  dans  le  sang,  ou  un  excès 
relatif  d'oxygène,  on  observe  parallèlement  une  diminution  du 
besoin  de  respirer.  La  vigueur  respiratoire  des  individus  qui  pren- 
nent de  l'arsenic  peut  aussi  s'expliquer  par  l'énergie  que  l'arsenic 
communique  aux  muscles  respiratoires  comme  aux  autres  muscles 
de  l'économie. 

On  peut  dire,  en  effet,  mais  seulement  d'une  manière  hypothé- 
tique, que  les  circulations  locales  dans  les  muscles  se  trouvent 

(1)  Article  Asthme  du  Nouveau  Dictionnaire  de  médecine  et  de  chirurgie 
pratiques» 


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1 1 1 


ACADEMIE  DE  MEDECINE. 


augmentées  par  l'influence  de  l'arsenic,  sans  produire  toutefois 
l'augmentation  des  produits  de  combustion  dont  l'accumulation  dé- 
termine la  sensation  de  fatigue  musculaire.  L'activité  imprimée  a  la 
circulation  musculaire  enlève  au  fur  et  à  mesure*  les  produits 
d'oxydation,  surtout  l'acide  lactique,  d'où  il  résulte  une  aptitude 
plus  grande  à  l'action  musculaire. 

M.  Sée  n'a  pas  dit  que  l'animation  de  la  face,  chez  les  individus 
soumis  à  la  médication  arsenicale,  dépendait  de  la  paralysie  des 
vaisseaux.  La  dilatation  des  vaisseaux  peut,  au  contraire,  ainsi  que 
l'ont  démontré  MM.  Legros  et  Onimus,  et  M.  Meuriot,  coexister 
avec  des  contractions  véritablement  actives. 

L'action  du  cœur  reste  en  dehors  de  l'influence  exercée  par  l'ar- 
senic sur  les  circulations  locales.  Les  observations  cliniques  qui 
constatent  le  ralentissement  de  la  circulation  cardiaque  chez  les 
individus  soumis  à  la  médication  arsenicale  sont  loin  d'être  pro- 
bantes, de  l'aveu  de  M.  Gublcr  lui-même,  et  l'on  ne  comprend  pas 
que,  si  ce  ralentissement  existait,  il  n'eût  pas  été  mis  déjà  tout  à  fait 
en  lumière  par  les  observateurs  en  si  grand  nombre  qui  se  soût 
occupés  de  la  question. 

Au  point  de  vue  physiologique  et  thérapeutique,  rien  n'est  moins 
démontré  que  ce  prétendu  ralentissement  des  mouvements  du  cœur; 
mais  il  résulte  des  expériences  entreprises  par  M.  Sée  sur  l'homme 
et  les  animaux  que  l'arsenic  diminue  l'impulsion  cardiaque  et  la  ten- 
sion artérielle  mesurées  avec  le  manomètre.  Or,  la  fièvre  n'est  pas 
seulement  indiquée  par  l'augmentation  des  battements  du  cœur  ou 
du  pouls,  mais  encore  par  la  diminution  de  la  tension  artérielle. 
L'arsenic  serait  donc  un  singulier  fébrifuge.  —  Son  action  princi- 
pale, c'est  l'arrêt  temporaire  des  combustions  organiques.  C'est  de 
cette  façon  que  ce  médicament  entraine  avec  lui  la  diminution  de  la 
calorification,  et  par  conséquent  de  la  fièvre.  A  cet  égard,  l'action 
de  l'arsenic  n'est  nullement  comparable  à  celle  du  sulfate  de  qui- 
nine, de  la  vératiine  ou  de  la  digitale.  C'est  en  mettant  obstacle  à 
l'activité  des  combustions  organiques  que  l'arsenic  diminue  et  éteint 
la  fièvre* 

Si  c'est  là  une  hypothèse  (et  tout  médecin  qui  prescrit  un  médi* 
cament  fait  une  hypothèse  plus  ou  moins  préconçue  sur  l'action  de 
ce  médicament),  M.  Sée  pense  que  cette  hypothèse,  induite  de» 
faits  de  physiologie  expérimentale,  a  contribué  à  répandre  la  lumière 
sur  des  faits  que  l'observation  cliuique  réduite  à  elle-même  avait  été 
jusqu'à  ce  jour  incapable  d'expliquer 


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LA  CLINIQUE  ET  LA  PHYSIOLOGIE  EXPÉRIMENTALE.  415 

Si  un  ostracisme  aussi  injuste  que  stupide  ne  fermait 
pas  les  portes  de  l'Académie  à  tous  les  disciples  de  Hah- 
nemann,  voici  ce  que  nous  aurions  répondu  à  nos  deux 
anciens  collègues  sur  cette  question  de  l'arsenic  : 

La  première  condition  pour  connaître  expérimentale- 
ment l'action  d'un  médicament,  c'est  de  séparer  sévè- 
rement les  actions  physiologiques  des  actions  thérapeu- 
tiques. En  effet,  l'expérience  démontre  que  les  deux 
actions  sont  habituellement  opposées  ou  au  moins  diffé- 
rentes. Le  fer  n'agit  pas  sur  l'homme  en  parfaite  santé 
comme  chez  la  femme  chlorotique.  Les  phénomènes 
physiologiques  produits  par  le  quinquina  chez  l'homme 
sain  ne  se  manifestent  point  ou  se  comportent  différem- 
ment chez  un  homme  atteint  de  la  fièvre  intermittente. 
Enfin  de  véritables  symptômes  d'asystolie  sont  produits 
chez  l'homme  en  santé  par  des  doses  toxiques  de  digitale, 
tandis  que  les  mêmes  symptômes  disparaissent  souvent 
sous  l'influence  de  ladigitale  chez  lesmaladesatteints  d'af- 
fection de  la  valvule  mitrale.  Secondement,  le  médecin 
doitdistingueravecsoin  dans  l'expérimentation  physiolo- 
gique d'un  médicament  les  symptômes  produits  par  les 
doses  petites,  par  les  doses  fortes  et  par  les  doses  toni- 
ques. Il  doit  étudier  encore  avec  grand  soin  et  distin- 
guer les  actions  aiguës  rapides  produites  par  un  petit 
nombre  de  doses  et  les  actions  chroniques  déterminées 
par  un  long  usage  du  médicament. 

C'est  surtout  en  étudiant  cette  dernière  catégorie 
d'action  que  le  thérapeutiste  observera  un  phénomène 
fort  curieux  et  qui  donne  l'explication  des  contradiction» 
apparentes  fournies  par  l'expérimentation  des  médica^ 
ments  sur  l'homme  sain  ;  je  veux  parler  des  effets  alter- 
nants et  habituellement  opposés  d'une  môme  substance. 
Ces  phénomènes  sont  pour  ainsi  dire  vulgaires  pour  le 
plus  obscur  des  élèves  de  Hdhncnlann,  et  par  contre 


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416  ACADÉMIE  DE  MEDECINE. 

sont  presque  complètement  ignorés  des  académiciens. 
Je  vais  citer  quelques-uns  de  ces  effets,  pour  faire  com- 
prendre toute  l'importance  de  leur  étude. 

L'opium  administré  en  une  fois,  à  dose  moyenne,  pro- 
duit le  sommeil  suivi  d'une  insomnie  rebelle.  Le  sulfate 
de  magnésie  administré  à  dose  suffisante,  donne  lieu  à 
des  selles  nombreuses  suivies  d'une  constipation  opi- 
niâtre. L'iodurc  de  potassium  donne  naissance  à  un  flux 
abondant  de  mucosités  par  la  membrane  de  Schneider, 
suivi  ensuite  d  une  sécheresse  considérable.  La  fréquence 
et  le  ralentissement  du  pouls  sont  des  effets  alternants 
de  la  digitale;  l'insomnie  et  le  sommeil,  des  effets  alter- 
nants du  café,  l'augmentation  ou  la  diminution  de 
l'acide  urique  dans  les  urines,  des  effets  alternants  du 
colchique,  etc.,  etc. 

Le  lecteur  a  déjà  saisi  toute  l'importance  de  ces 
efïets  alternants  et  comment  il  explique  les  contradic- 
tions des  expérimentateurs  qui  ont  soutenu  les  opi- 
nions les  plus  opposées  sur  l'action  du  même  médicament 
suivant  qu'ils  ont  observé  l'effet  primitif  ou  l'effet  se- 
condaire de  ce  médicament.  Enfin  j'ajouterai  que  le 
pire  obstacle  aux  progrès  de  la  thérapeutique  expéri- 
mentale, c'est  la  conservation  d'hypothèses  antiques  el 
solennelles  sur  l'action  des  médicaments.  Qu'est-ce  qu'un 
médicament  tonique,  excitant,  contre-stimulant  pour  un 
thérapeutiste  moderne?  Est  ce  que  la  connaissance  des 
efïets  alternants  des  médicaments  ne  montre  pas  que  la 
même  substance  peut  être  à  la  fois  stimulante  et  conlro- 
stimulante?  Et  que  deviennent  ces  expressions,  si  vous 
considérez  le  même  médicament  chez  l'homme  sain  et 
chez  l'homme  malade?  Le  fer,  ce  type  des  toniques  d'une 
thérapeutique  qui  ne  devrait  plus  être  que  de  l'histoire, 
est-il  un  tonique  pour  l'homme  en  santé,  auquel  il  oie 
l'appétit,  donne  de  la  somnolence  et  des  congestions? 


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LA  CLINIQUE  ET  FA  PHYSIOLOGIE  EXPERIMENTALE.  417 

l'est-il  pour  le  phthisique,  dont  il  accroît  la  fièvre  et  au- 
quel il  donne  la  diarrhée?  Il  l'est,  dites-vous  pour  la 
chlorotique.  Oui;  mais  c'est  parce  qu'il  la  guérit.  Ce  qui 
guérit  est  le  véritable  tonique,  et  une  saignée  bien 
placée  a  plus  d  une  fois  relevé  les  forces  d'un  malade. 
Au  point  de  vue  de  l'action  physiologique,  certains 
médicaments  pourraient  être  divisés  en  deux  classes, 
ceux  qui  excitent  la  vitalité  générale  ou  partielle  et 
ceux  qui  la  dépriment.  Mais  vouloir  appliquer  ces  no- 
tions peu  sévères  du  reste,  à  l'action  thérapeutique, 
c'est  vouloir  plonger  à  plaisir  la  science  dans  la  confu- 
sion et  la  (aire  repasser  sans  cesse  à  travers  les  théories 
anciennes  et  nouvelles  d  une  physiologie  fantaisiste.  Ce 
qui  est  nécessaire,  ce  qui  prime  de  beaucoup  ces  dis- 
tinctions de  substances  excitant  ou  déprimant  la  vita- 
lité, c'est  la  connaissance  exacte  et  positive  de  l'action 
des  médicaments,  non  sur  les  animaux,  mais  sur 
l'homme,  avec  la  distinction  bien  faite  des  symptômes 
primitifs  et  de  ceux  qui  ne  sont  que  l'effet  de  la  réaction 
de  l'organisme,  des  symptômes  secondaires.  Quand  un 
médicament  a  été  étudié  de  cette  manière,  on  peut  le 
placer  dans  la  matière  médicale  expérimentale,  sans 
craindre  de  voir  des  théories  nouvelles  en  physiologie 
venir  remettre  en  question  l'histoire  de  ce  médicament. 
Kt  si  l'on  demande  une  classification  des  médicaments, 
nous  répondrons  qu'une  classification  reposant  sur  leur 
action  physiologique  sera  probablement  toujours  en- 
tachée d'hypothèse,  qu'aujourd'hui  elle  est  certaine- 
ment impossible;  c'est  pourquoi  nous  préférons  les 
classer  en  trois  ordres:  médicaments  de  l'ordre  animal, 
végétal  et  minéral,  plaeant  ensuite  chaque  espèce  par 
ordre  alphabétique. 

Nous  ajouterons  enfin,  pour  ce  qui  concerne  l'arsenic, 
que  les  travaux  des  médecins  homœopathes  ont  poussé 

tomk  yxxii.  —  NovKSinnF.  1870.  27 


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418  A  NOS  LKCTEURS. 

très-loin  l'histoire  physiologique  et  pathologique  de  ce 
médicament,  et  qu'il  y  a  plus  de  cinquante  ans  qu'ils 
la  préconisent  avec  succès  contre  certaines  affections 
organiques  du  cœur,  quoiqu'ils  reconnaissent  qu'il  est 
beaucoup  plus  efficace,  ce  qui  n'étonnera  personne, 
dans  l'asthme  et  dans  la  chlorose.  D'où  il  semble  claire- 
ment résulter  que  si  au  lieu  de  proscrire  bêtement  des 
médecins  dont  la  science  et  l'honorabilité  sont  à  leur  ni- 
veau nos  académiciens  daignaient  s'associer  à  leurs  tra- 
vaux, ils  liraient  aujourd'hui  couramment  des  pages 
de  matière  médicale  qu'ils  peuvent  à  peine  épeler. 

P.  Jousset. 


A  NOS  LKCTEURS. 


De  lamentables  événements  ont  suspendu  la  publi- 
cation de  ce  journal.  Nous  avons  à  cœur  de  reprendre  le 
plus  tôt  possible,  avec  nos  fidèles  et  bienveillants  abon- 
nés, des  rapports  qui  datent  de  seize  années  consécu- 
tives. Deux  questions  étaient  à  résoudre  :  1°  la  dette 
contractée  avec  eux  pour  l'année  1870,  dunl  les  numéros 
de  novembre  et  décembre  n'avaient  pas  paru;  2"  la 
reprise  de  notre  publication. 

Le  comité  de  rédaction  a  décidé  la  première  question 
en  reconnaissant  la  nécessité  de  compléter  le  32e  volume 
parla  mise  au  jour  de  deux  numéros,  celui  de  novembre 
que  nous  envoyons  en  ce  moment,  et  celui  de  décembre 
1870  que  nous  ferons  paraître  à  la  fin  de  septembre. 

Il  ne  faut  pas  se  dissimuler  que  l'attention  générale 
est  bien  distraite  des  choses  de  science  par  les  événe- 


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A  NOS  LECTEURS.  41  f 

ments  politiques.  Plusieurs  de  nos  amis,  très-désireux  de 
voir  reparaître  Y  Art  médical,  nous  ont  cependant  donné 
toute  latitude  eu  égard  aux  circonstances.  Nous  avons  à 
cœur  de  composer  le  journal  surtout  d'articles  originaux 
et  mûrement  travaillés.  Qui  n'a  besoin  aujourd'hui  de 
se  recueillir  avant  de  se  remettre  au  travail  ?  La  rédac- 
tion a  donc  pensé  que  dans  l'impossibilité  d'obtenir 
rapidement  des  travaux  sérieux  et  en  nombre  suffisant, 
il  lui  fallait  un  certain  temps;  qu'enfin,  puisqu'une 
lacune  était  inévitable,  il  valait  mieux  reprendre  notre 
publication  à  son  point  de  départ  ordinaire,  c'est-à-dire 
au  mois  de  janvier.  A  cette  époque,  l'hôpital  Saint-Jac- 
ques, qui  va  s'ouvrir  à  la  fin  de  septembre  et  qui  aura 
déjà  fonctionné  depuis  trois  mois,  nous  fournira  des 
matériaux  intéressants  pour  la  ciinique;  et  d'ici  là  notre 
prochain  numéro ,  qui  arrivera  à  nos  lecteurs  le 
1er  octobre,  abrégera  ce  temps  de  silence  forcé  que  nous 
avons  subi,  que  nous  subirons  encore  un  peu,  mais 
dont  nous  pouvons  au  moins  fixer  le  terme. 

Que  nos  lecteurs  veuillent  donc  aussi  se  rappeler 
que  l'œuvre  de  l'hôpital,  interrompue  forcément  par 
le  siège  et  par  la  Commune,  est  reprise  avec  ardeur. 
Les  réfugiés  qui  ont  occupé  les  bâtiments  de  la  rue 
Saint-Jacques  sont  retournés  chez  eux,  les  dégâts  cau- 
sés par  les  obus  sont  réparés,  la  Commission  executive 
s'occupe  activement  de  compléter  notre  matériel,  et 
nous  pensons  pouvoir  prochainement  ouvrir  cette  école 
d'enseignement  et  de  propagande  homœopalhique. 
Nous  invitons  donc  les  personnes  qui  ont  bien  voulu 
s'associer  à  notre  œuvre  à  nous  faire  passer,  aussitôt 
que  possible,  le  montant  de  leur  souscription. 

Grâce  au  généreux  concours  de  ceux  qui  nous  vien- 
nent en  aide  et  qui  nons  conservent  toujours  leur  effi- 
cace assistance,  lecteurs,  collaborateurs,  souscripteurs, 


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420  NÉCROLOGIE. 

nos  deux  œuvres,  l'hôpital  et  le  journal  pourront  mar- 
cher de  pair  et  rendre  le  plus  de  services  possible  dans 
un  avenir  assuré  (i). 

A.  M. 

«juillet!  871. 


Nécrologie.  Depuis  plusieurs  moi?,  le  corps  médical  a  fait  de 
nouvelles  pertes. 

Le  Dr  Falret,  aliéniste  distingué,  continuateur  à.  la  Salpètrière 
de  l'enseignement  libre  de  Pinel  et  d'Esquirol,  représentait  ce  qu'on 
appelle  aujourd'hui  avec  dédain  la  médecine  «  mentale  et  psychologi- 
que »  en  l'opposant  avec  orgueil  à  ce  qu'on  nomme  la  médecine 
«  somaligue  »,  comme  s'il  y  avait  deux  portions  dans  l'homme,  des 
maladies  de  l'àme  et  des  maladies  du  corps.  Son  enseignement  et 
ses  ouvrages,  où  l'on  trouve  des  idées  justes  et  une  connaissance 
pratique  des  troubles  intellectuels,  manquait  d'une  hase  solide  et 
vraiment  médicale. 

Le  professeur  Longet,  de  la  Faculté  de  Paris  et  de  l'Académie 
des  sciences,  laisse  des  travaux,  que  tout  le  monde  connaît,  de  phy- 
siologie descriptive  et  même  expérimentale.  Malgré  toute  l'estime 
et  tout  le  respect  que  nous  ont  toujours  inspirés  les  sentiments,  le 
caractère,  la  science  du  professeur  Longet,  disons  cependant  que, 
faute,  d'une  doctrine  physiologique  sûre  et  élevée,  il  n'a  pu  retarder 
l'abaissement  progressif  de  la  physiologie,  son  morcellement  en 
connaissance  de  détails,  et  l'ignorance  volontaire  où  elle  se  com- 
plaît des  plus  belles  facultés  de  l'homme. 

M.  Liégeois,  chirurgien  des  hôpitaux  et  physiologiste  également, 
a  été  surpris  par  la  mort  au  moment  où  il  commençait  la  publication 
d'un  grand  ouvrage  de  physiologie.  A.  M. 

{{)  11  va  sons  dire  que  si  la  possibilité  de  reparaître  convenablement 
avant  le  terme  indique  plus  haut  ntus  était  donnée,  nous  en  prévien- 
drions nos  lecteurs  dans  le  numéro  de  décembre  qui  leur  est  encore  du 
et  qui  ne  tardera  pas  longtemps  à  paraître.  « 


le  rédacteur  en  chef  :  Jules  Davasse. 


far»  -  Imprirmie  k.  I  'amnt,  nu  Monsieur- le- 1  noce,  31. 


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L'ART  MÉDICAL 

DÉCEMBRE  1870 


HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE 

fcTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS. 

—  SUITE  — 
LA  MÉDECINE  AU  XVIIIe  SlÈCLB. 

Il  est  difficile  de  donner  du  xvme  siècle  une  idée  gé- 
nérale bien  nette,  parce  que  les  mouvements  les  plus 
contradictoires  s'y  produisent.  Comme  pour  la  philoso- 
phie, on  voit  en  médecine  l'idéalisme  et  le  sensualisme, 
le  spiritualisme  et  le  matérialisme,  le  mépris  de  l'auto- 
rité et  en  même  temps  un  retour  vers  les  anciens  ;  et 
tout  cela  se  choque,  se  môle ,  tentant  de  faire  autant 
d'écoles,  mais  plus  encore  représenté  par  des  indivi- 
dualités brillantes  que  par  des  groupes  puissants. 
Ainsi,  le  mécanicisme  introduit  dans  la  science  par  Des- 
cartes, va  donner  l'organicisrae,  doctrine  dans  laquelle, 
dédaignant  toute  autre  recherche  des  causes,  on  ne  veut 
s'occuper  que  de  l'explication  mécanique  des  phéno- 
mènes; et  dès  le  début  du  siècle,  cette  voie  est  suivie 
par  Baglivi,  Lancisi,  auxquels  succéderont  bientôt  Mor- 
gagni,  Senac,  Bordeu.  Mais  en  même  temps  paraît 
Boerhaave  qui  tente  d'unir  le  mécanicisme  à  la  chémiutric 
et  auquel  succédera  bientôt  l'école  humorale  de  de  Hacn, 
Caubius,  Stoll  et  d  autres.  En  même  temps  aussi,  Fred. 
Iloiïmann  prépare  la  doctrine  de  l'irritabilité  et  du 
spasme ,  à  laquelle  pourront  être  rattachés  bientôt 
Haller,  Cullen,  Brown,  Bichat,  doctrine  qui  représen- 

TOMI  XXXII.  •*  DÉCXMBRS  4870.  28 


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422  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

terait  une  sorte  de  vitalisme  sensualiste,  et  pourrait 
être  considérée  comme  allant  de  pair  avec  ce  qu'est  le 
sensualisme  en  philosophie.  En  môme  temps  aussi  pa- 
raît Stahl  qui,  successeur  de  ce  qu'ont  fait  dans  le  siècle 
précédent  Glisson  et  Cl.  Perrault,  porte  le  vitalisme  jus- 
qu'à l'animisme,  mais  en  préparant  le  duodynamisme 
dont  Barthez  s'emparera  quelques  années  plus  tard , 
croyant  représenter  le  pur  vitalisme.  En  même  temps 
encore  paraissent  les  historiens  qui  remuent  les  vieux 
livres,  rappellent  aux  grandes  études  de  l'antiquité,  et 
réagu^sent  contre  le  courant  qui  avait  frappé  de  mépris 
les  anciens.  Et  tout  cela  paraît  dès  le  début  du  siècle, 
pour  se  continuer  avec  des  fortunes  diverses,  avec  des 
interprétations  multiples,  selon  les  hommes  jusqu  au 
cataclysme  qui  va  terminer  le  siècle  ;  et  tout  cela  marche 
se  mêlant  ou  se  heurtant  avee  des  matérialistes  comme 
La  Mettrie,  avec  des  naturalistes,  des  philosophes,  des 
observateurs,  avec  des  expérimentateurs  comme  Haller 
ou  Spallanzani.  En  un  mot,  il  y  a  pour  ainsi  dire  de 
tout  dans  ce  siècle  singulier,  el  quand  on  veut  se  le  re- 
présenter dans  son  ensemble,  il  fait  plutôt  l'effet  d'une 
mêlée  que  d'un  mouvement  plus  ou  moins  bien  coor- 
donné. 

Cependant,  dans  ces  débats  qui  se  succèdent  si  ra- 
pides, dans  cette  étrange  mêlée,,  on  sent  le  détraque- 
ment général  auquel  tous  répondent,  et  on  perçoit 
comme  un  souffle  d  orage  qui  excite  ses  convulsions. 
C'est  incontestablement  une  période  extrême  de  tran- 
sition. Mais  à  côté  des  écroulements  qui  se  préparent 
apparaissent  des  lignes  nouvelles,  ou  tout  au  moins  on 
voit  que  dans  le  désastre  qui  s'apprête  tout  ne  sera  pas 
perdu;  et  si  le  matérialisme  s'accentue  plus  violemment 
qu'il  ne  l'avait  encore  fait,  d'un  autre  côté  le  spiritua- 
lisme sous  forme  de  vitalisme  suit  le  mouvement  qu'il 
avait  préparé  dans  le xvir*  siècle;  de  môme  silaphi- 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  423 

losophic  cinporlc  les  esprits  dans  tous  ses  égarements, 
on  voit  poindre  à  eôté  d'elle  le  retour  de  l'autorité  et  de 
l'expérience  pour  en  limiter  les  écarts. 

Nous  examinerons  plus  attentivement  et  plus  lon- 
guement encore  que  nous  l'avons  fait  pour  les  siècles 
précédents  la  question  des  doctrines;  et  aussi,  comme 
dans  les  chapitres  précédents,  nous  analyserons  ce  qui 
se  rapporte  à  la  physiologie,  à  la  pathologie,  à  la  théra- 
peutique, aux  institutions  et  facultés. 

Pour  prendre  une  première  idée  de  ce  siècle,  il  est 
peut  être  intéressant  de  se  représenter  dans  un  l  ibleau 
l'ensemble  des  principaux  noms  que  nous  aurons  à  rap- 
peler. Au  commencement  apparaissent  des  hommes 
qui  se  sont  montrés  dans  le  siècle  précédent,  achèvent 
leur  carrière  dès  les  débuts  de  celui-ci,  et  sont  comme 
les  transmetteurs  à  l'âge  nouveau  du  flambeau  allumé 
par  les  devanciers.  Dans  le  milieu  se  voient  ceux  qui 
sont  nés,  ont  vécu  et  sont  morts  dans  ce  siècle;  ils  lui 
appartiennent  tout  entiers;  à  la  On  se  montrent  ceux 
qui  doivent  inaugurer  notre  xixc  siècle,  et  dont  lïvîat 
apparaissait  déjà  à  la  lin  du  xvni".  Les  temps  s'en- 
chaînent de  telle  sorte  qu'il  y  a  presque  loujoui  s  un 
chaînon  à  moitié  dans  un  âge,  à  moitié  dans  i',a:!:  e.  cl 
ce  sont  quelquefois  les  plus  brillants  et  les  plus  utiles. 


B<-lltni  

.  .  .  .  17.1* 

Laucisri  

.  .  .  .    17 10 

Aiidry  

.  .  .  ■k;:;s-17-;-2 

.  .  .  .  1713 

1  Or,  s- 1736 

,  .  1715 

.  .  .  .  1710 

Rai}  m  p  fer  

.  .  .  .  1716 

lïrrqur't  

.  .  .  1001-1737 

.  .  .  .  17-21 

.  .  .  .    17  ^22 

.  .  .  .  17-2* 

Baglivi  

.  .  .  iooR-noo 

Boerhnnve.  .  .  . 

.  .  .  1608-1728 

• 

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HISTOIRE   DE  LA  MEDECINE. 


424 

J.-L.  Petit   1674-1750 

Gastaldy   1674-1747 

LaPeyronic   1678-1747 

Monro   1671-1767 

Junckor   1 680-1 759 

M  Alberti   1682-1757 

Morgagni   1682-1771 

Astruc   1684-1767 

Solano   1685-1738 

Garengeot   1688-1759 

De  Gorter   1689-1 7i7 

Huxham   1768 

Senac   1690-1770 

Morand   1697-1773 

Verlhol'   1699-1767 


Van  Swieten   1700-1772 

Sagar   1701-1783 

Darwin   1701-1784 

Levret   1703-177 

Lieutaud   1704-1780 

De  Haên   1704-1776 

Gaubius   1705-1780 

Sauvages   1706-1767 

Pringle   1707-1782 

Linnô   1707-1778 

Jîuffon   1707-1788 

Hazon   1708-1779 

Hallcr   1708-1777 

Lamettrio   1709-1751 

Fothergill   1712-1780 

Cullen   1712-1790 

Pott   1713-1788 

EJoy   1714-1788 

Daubenton   1716-1799 

Ch.  Bonnet   4720-1793 

Avenbrugger   1722-1798 

Bordeu   1722-1776 

Meckel   1724-1774 

Tenon   1724-1816 

Caldani   1725-1813 

Darcct   1725-1801 

Pouteaa   17 '5-1775 

Lorrv   1725-1778 

Morand   1726-178'* 

Hœdercr   1726-1763 

Macbridc   1726-1778 

Unzer   1727-1799 

Bordenave   1728-1782 

Black   1728-1799 

Baume   1728-1804 

J.  Hunt.  r   1728-1793 

Zirnmermann   1 728-1 795 


Tissot   1728-1771 

Smellie   172  -1778 

Spallanzani   1729-1799 

Schrœde.r   1729-1773 

Fontana   1730-1805 

Bclloc   1730-1807 

Darvin   1731-180:! 

Janin   1731-1799 

Sabalicr   1732-1811 

Gaertner   1732-1791 

Mesmer   1733-1814 

Quartn   1733-1814 

Barthez   1 734-1 806 

Borsieri   1735-1785 

Brown   1735-1788 

Lobs  te  in   1736-1784 

Lepecq  de  Ln  Clôture  .  1 736-1 W4 

Fowler   1736-1801 

Parmentier   1737-1813 

Galvani   1737-1738 

Plenck   1738-I8J7 

Callisen   1740-1824 

Murray   1740-1791 

Lassus   1741-1807 

Sauccrotte   1741-1X14 

Stoll   1742-1788 

Scheele   1742-1786 

Lnvoisier   1743-1794 

Chopart   17  43-1793 

Gruner   1744-1815 

Bosquillon   1744-1816 

Desault   1744-1793 

Cruishank   1745-1800 

J.-P.  Franck   1745-1821 

Baudclocquc   1746-1810 

Chaussicr   1744-1838 

Scarpa   1747-1  Mi 

Vicq  d'Azvr   1748-1794 

Lind   1748-1795 

Tbouret   1748-1810 

Swediaur   1748-1824 

Selle   1748-1800 

Gmelin   17J8-I804 

Berthollet   1748-1822 

Prochaska   1719-1820 

Petit-lladel   1749-1815 

Jenner   1749-1813 

Grimaud   1750-1789 

Blumenbach   17o2-f840 

Hahnemann   1755-1843 

Dumas   1765-1813 

Bicbat   1778-1801 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS. 


425 


§  I.  —  Doctrines  principales. 

Nous  avons  dit  qu'avec  ce  siècle,  les  doctrines  s'étaient 
singulièrement  multipliées  et  divisées.  De  là,  ajoute- 
rons-nous, la  difficulté  de  les  bien  coordonner,  et  une 
tendance  à  la  confusion  contre  laquelle  l'historien  ne 
lutte  pas  toujours  avec  succès.  S'il  s'agissait  d'un  âge 
très-ancien,  cette  difficulté  diminuerait  par  la  possibilité 
de  rapprocher  les  temps  et  de  passer  sous  silence  au 
besoin  les  hommes  secondaires;  mais  pour  un  siècle  si 
près  de  nous  qu'il  nous  touche,  on  sent  de  la  répugnance 
à  rapprocher  trop  près  l'un  de  l'autre,  dans  des  alinéas 
qui  se  suivent,  des  hommes  distants  de  près  d'un  siècle, 
comme  par  exemple  Lancisi  et  Bichat,  quelque  étroit 
rapport  qu'il  y  ait  d'ailleurs  entre  leurs  vues.  Pour 
parer  à  cette  double  nécessité,  de  bien  marquer  les 
écoles,  sans  trop  rapprocher  les  extrêmes  d'un  même 
siècle,  il  est  peut-être  utile  de  s'inspirer  tout  à  la  fois 
de  ce  double  besoin,  et  de  suivre  un  peu  la  marche  des 
années,  quitte  à  paraître  scinder  les  écoles  dont  nous 
aurons  d'ailleurs  le  soin  de  renouer  les  tronçons. 

Ainsi,  dès  le  début  du  siècle,  nous  apparaissent  trois 
hommes  qui  ont  quelque  analogie  et  peuvent  former  un 
groupe  distinct  :  Lancisi,  Hecquet,  Baglivi.  Je  les  nom- 
merais volontiers  les  précurseurs  de  l'organicisme. 

Après  eux,  Stahl,  Fr.  Hoffmann  et  Boerhaave  pa- 
raissent ensemble  sans  unité  doctrinale  ;  ils  ont  chacun 
une  formule  distincte;  mais  ils  marquent  très-bien  un 
groupe  historique. 

Manget,  Freind,  Astruc,  Hazon,  forment  aussi  dès  le 
début  du  xviii*  siècle,  quoiqu'à  quelques  années  d'in- 
tervalle, un  groupe  d'historiens  qui  engendre  l'école 
historique  d'où  est  née  l'école  de  la  tradition  ;  et  quoique 


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I 


426  HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE. 

Bordeu  et  surtout  Zimmermann  soient  bien  plus  jeunes, 
on  peut  les  leur  rattacher  sans  trop  forcer  la  marche 
des  temps. 

L'école  humorale  paraît  presque  dès  le  début  du 
xvnr  siècle  et  se  prolonge  jusque  vers  la  fin.  Cependant 
son  éclat  ne  vient  qu'après  Boerhaave,  et  vers  le  milieu 
du  siècle  ;  dès  lors  on  peut  lui  rattacher,  sans  trop  d'in- 
convénient, des  hommes  qui  se  tiennent  à  vingt  ou 
Ironie  ans  de  distance.  Gaubius  et  Sloll,  qui  sont  ses 
deux  principaux  maîtres,  et  avec  eux  Pringle,  ne  sont 
guère  plus  éloignés. 

Huiler  vient  alors  à  son  rang,  dans  le  milieu  du  siècle, 
et  à  propos  de  son  irritabilité,  le  nervosisme  de  ses  pré- 
curseurs, la  théorie  du  spasme  de  Cullen,  l'incitabi- 
iité  de  Brown,  ses  suivants,  forment  un  groupe  histo- 
rique et  doctrinal  nettement  défini  et  qui  suit  naturel- 
lement, dans  l'ordre  des  temps,  les  écoles  précédentes. 

Nous  nous  arrêtons  alors  à  l'école  naturaliste  qui  a 
eu  sans  doute  bien  des  devanciers,  dans  sa  spécialité, 
mais  qui,  avec  Bu  lion,  Ch.  Bonnet,  Linné,  Spallanzani, 
avec  ses  travaux  et  ses  discussions  sur  la  génération, 
attire  après  Hallcr  l'attention  des  médecins. 

L'organicisme  nous  était  apparu  dès  le  début  du  siècle 
avec  Lancisi.  Depuis,  nous  aurions  pu  relever,  en  pas- 
sant, Senne  et  Morgagni;  mais  nous  nous  sommes  ré- 
servé pour  les  rattacher  à  Bordeu,  le  grand  maître  qui 
émerge  après  1750. 

Le  matérialisme  est  un  des  mauvais  côtés  de  notre 
science,  qui  devait  profiter  de  l'organicisme;  ils'accentue 
effectivement  dans  la  seconde  moitié  du  siècle,  avec  La 
Met  trie  et  Cabanis. 

Alors  apparaît  le  vitalisme  avec  ses  modalités  di- 
verses sous  Carthez,  Darwin,  J.  Hunter,  Bichat.  Nous 
touchons  à  la  tin  du  siècle.  Un  peu  plus  et  nous  serions 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  427 

dans  le  xixe  siècle,  nous  pourrions  voir  l'alliance  du  vi- 
talisme  et  de  l'organieisme,  essayée  dans  Bichat,  prendra 
son  cours;  puis  le  souffle  traditionaliste  rappeler  aux 
principes,  et  ses  efforts  momentanément  arrêtés  par 
l'union  du  positivisme  français  au  matérialisme  alle- 
mand ;  mais  ce  serait  sortir  de  notre  chapitre  que  d'aller 
si  loin.  Cette  doctrine  avait  ses  racines  dans  l'animisme 
de  Stahl,  mais  elle  ne  s'accentue  que  vers  la  fin  du 
siècle. 

Cependant,  nous  avons  omis  de  dire  ce  qu'était  de- 
venue la  secte  de  la  Kabbale,  qui  nous  avait  occupés 
dans  les  siècles  précédents;  nous  aurions  pu  en  dire  un 
mot  à  propos  du  développement  de  la  pathologie  démo- 
niaque vers  le  temps  de  Fréd.  Hoffmann  ;  mais  tout  cela 
vient  si  bien  se  transformer  dans  le  Mesmérisme  un  peu 
avant  la  grande  Révolution  française,  que  ce  hors- 
d'œuvre  se  place  là  tout  naturellement. 

Nous  voilà  donc  à  la  fin  du  siècle  :  c'est  le  moment 
de  saluer  les 'derniers  institutaires  dont  nous  n'avions 
pas  parlé  depuis  le  siècle  précédent,  qui  ont  fait  peu  de 
choses  et  peu  de  bruit  dans  ce  xvmc,  mais  qui  viennent 
juste  au  moment  où  un  nouvel  âge  va  commencer, 
rappeler  les  traditions  classiques  de  nos  pères.  Petit- 
fiadel,  malgré  son  peu  de  renom,  nous  est  une  occasion 
de  rappeler  les  échos  des  anciens  enseignements,  et  il 
vient  avec  modestie,  en  1801,  montrer  à  la  génération 
qui  va  paraître,  le  faisceau  de  principes  qui  a  fait  la 
gloire  de  tant  et  tant  de  nos  grands  maîtres,  et  qui  doit 
demeurer  le  fondement  solide  de  notre  savoir. 

I.  Lancisi,  Hecquet  et  Baolivi.  —  Ces  trois  hommes 
sont  les  trois  initiateurs  de  l'organicisme  aux  débuts  du 
xvhi"  siècle,  sans  bien  se  rendre  compte  d'ailleurs  de  la 
voie  dans  laquelle  ils  entraient,  car  la  doctrine  n'était 


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4£8  HISTOIRE  DR  LA  MÉDECINS. 

pas  encore  formulée.  Ils  passaient  pour  iatro-mécani- 
ciens,  avec  un  reste  d'attache  à  l'hippocrato-galénisme. 
Nous  avons  vu  comment,  dans  le  galénisme,  on  admet- 
tait des  maladies  organiques,  c'est-à-dire  dépendant  plus 
particulièrement  du  jeu  vicieux  des  organes  ;  et  com- 
ment aussi  pour  Galien  la  maladie  était  une  lésion  des 
parties  du  corps  vivant.  Nous  avons  vu  que  cette  idée, 
remise  à  jour  par  Fernel,  malgré  son  penchant  pour  la 
scolastique,  avait  continué  d'être  caressée  par  beaucoup 
de  médecins,  et  combien  elle  était  vivace  dans  Ettmuller 
à  la  fin  du  xvn*  siècle;  les  iatro-mécaniciens  s'y  ral- 
liaient parce  qu'elle  autorisait  leurs  hypothèses.  C'est  là 
le  point  de  départ  de  ce  qu'on  nomme  l'organicisme  mo- 
derne. 

Lancisi  (1654-1720)  avait  été  chargé,  par  le  pape 
Clément  XI,  d'étudier  avec  soin  les  causes  des  morts 
subites  très-fréquentes  à  Rome  à  la  fin  de  1705  et  au 
commencement  de  1706.  Ce  fut  le  point  de  départ  de 
son  livre  qui  parut  en  février  1708.  Ce  n'est  pas  d'ail- 
leurs un  gros  ouvrage,  mais  un  petit  in- 12,  qu'on  nom- 
merait aujourd'hui  un  mémoire,  contenant  plusieurs 
observations  avec  autopsies.  La  première  partie  surtout 
doit  nous  intéresser  ;  c'est  là  que  l'auteur  qui  voit  sa 
question  plutôt  du  point  de  vue  physiologique  que  du 
point  de  vue  pathologique,  développe  ses  idées  sur  la 
vie  et  la  mort,  idées  que  fiichat  s'appropriera  moins  de 
cent  ans  plus  tard. 

Dès  le  premier  chapitre,  il  expose  que  la  vie  dépend 
d'un  mouvement  des  solides  unis  aux  liquides,  sous  la 
présidence  de  l'âme,  et  que  ce  mouvement  est  triple  :  le 
sang  mû  par  le  cœur,  l'air  mû  par  le  poumon,  et  le 
fluide  nerveux  mû  par  le  cerveau.  Voici  le  texte  :  Quod 
«  sane,  ut  assequamur,  memoria  repetendum  est,  ex 
«  anatomicis  et  chymicis,  vitam  in  perfectis  animalibus 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  4t9 

(ut  consulto  de  illorum  sensationibus  taceamus)  non 
«  uni  duntaxat,  sed  complexui  plurimorum  principio- 
a  rum,  ac  duorum  potissimum  deberi,  organicœ  nimi- 
«  rum  structurée  sol id arum  partium  majoris  usus,  si- 
«  mulque  congru®  mixturae,  fluiditati,  ac  moli  partium 
«  liquidarum  similis  usus,  quœ  tum  inlestino  nixu  tum 
«  etiam  externa  continentium  pressione  perenniter  ea 
«  methodo  agitantur  in  nobis,  ut,  anima  prœside  li- 
«  quidœ  cum  solidis  mutuo  sibi  opitulentur,  vicissim 
«  que  manus  prœbeant  ad  motum.  Scilicet  quemadmo- 
«  dum  ars,  naturae  operum  imitatrix,  ut  advertit  Hip- 
«  pocrates,  qui  primus  mechanicam  in  medicinam 
«  invexit,  quemadmodum  inquam  ars  hydraulicas  me- 
«  chanicas  compati navit,  quas  eadem  aqua  mota,  dum 
«  relabitur,  ad  cerlum  te  m  pu  s  movet,  iterumque  mo- 
a  vetur  :  ita  multiplici,  ac  nunquam  satis  admirando 
«  divino  artificio,  idem  sangiris,  chylo  renutritus,  qui 
«  in  jam  natis  ab  alterno  cordis,  puimonum,  ac  tho- 

•  racis  motu  pellitur,  et  quaqua  versum  per  arterias 
c  movetur,  cum  partim  iinmutatus  per  venas,  partim 
a  sub  fluidi  animali  crasi  per  nervos  recurrat,  ac  rela- 
«  batur  in  thoracem,  pulmones  et  cor,  hœc  rursusvis- 
«  cera  movet,  a  quibus  fuerat  dimotus,  eritque  in 

•  posterum  per  sing'ulas  œlates  movendus.  Simiiiter 
a  cerebrum  suis  cum  membranis,  quod  liquidum  ani- 
«  maie,  propriis  e  gland u lis  secretum,  pro  sua  parte  ad- 
«  movendum  cor,  et  thoracem  per  nervos  undatim  pel- 
«  lit,  accepto  vicissim  a  corde,  ac  thorace  sanguine  pro 
j  illius  viribus  movetur.  Vita  igitur  perfectorura  ani- 
«  malium  nihil  aliud  esse  videtur,  quod  continuus , 

•  prœside  ac  movente  anima,  fluxus  ac  refluxus,  plus, 
«  minusve  sensibilis  aeris,  sanguinis  et  liquidi  nervo- 
«  rum  per  organa,  et  ex  organis  majoris  usus,  satis 
«  probe  constituas,  et  mutuo,  atque  alterne  plus,  mi- 


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430  HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE. 

«  nusve  sensibiliter  agitatis,  et  agitantibus,  ad  quo- 
«  rum  deinde  motuum  conservationem  mira  profecto 
a  energia,  miroque  inter  se  ordine  concurrunt  innu- 
a  mera  alia  organa  sub  glandularum,  tubulorum  mus- 
u  culorumque  specie,  per  viscera,  artusque  dispersa; 
«  scilicet  ut  fluida  partim  renoventur,  partim  defœcen- 
tur,  ac  perficiantur.  » 

D'où  l'auteur  déduit,  au  chapitre  troisième,  que  la 
mort  est  le  fait  de  la  cessation  du  mouvement  de  l'air, 
du  sang*  et  du  fluide  nerveux  dans  et  par  les  organes  : 
«  Mors  in  hominibus,  qui  perfectorum  animalium  sunt 
«  omnium  opinione  perfectissimi,  quacumque  ex  causa, 
<(  et  quomodolibet  continuât,  est  vera  et  omnimodo 
«  cessatio  motus  a?ris,  sanguinis  et  fluidi  nervorum  in 
«  organis  et  per  organa  majoris  usus,  quce  naturales 
«  suas  motiones  vere,  ac  omnino  amiserunt.  » 

Et  en  résumé,  comme  l'auteur  va  le  montrer  au  cha- 
pitre cinquième,  la  vie  et  la  mort  dépendent  du  bon  ou 
du  mauvais  état  des  trois  principaux  organes  :  du  cer- 
veau, du  cœur  et  du  poumon  :  «  Et  quoniam  tria  sunt 
a  fluida,  totidem  que  solida  majoris  usu,  quae  vita  me- 
«  chanicam  potissimum  librant,  scilicet  ex  parte  soli- 
«  dorum,  primo  aer,  secundo  sanguis,  tertio  fluidum 
«  nervorum;  ex  parte  solidorum,  primo  aspera  arteria 
«  cum  pulmonibus,  cœterisque  partibus  respirations 
«  inservientibus  ;  secundo  cor  cum  appensis  sanguiferis 
a  vasis;  tertio  cerebrum  cum  nervis,  praeserlim  sphlan- 
«  chnicis  :  ea  propter  ab  horum  altero ,  pluribus,  aut 
«  omnibus,  seorsim  aut  simul,  modo  maxime,  et  con- 
o  stantissime  lœsis,  improvisa  mors  impendere  potest  : 
«  ut  enîm  singula  hœo,  intégra  cum  sunt,  in  vitœ  be- 
«  neficimus,  ita  si  vitientur,  in  malefîcium,  vicissim 
«  conspirant,  vivesque  consociant.  » 

L'importanco  de  ce  travail,  petit  par  son  volume, 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  431 

* 

était  considérable.  L'auteur  faisait  table  rase  de  la  chi- 
mie  en  réalité,  et  il  rappelait  qu'un  point  capital  en 
physiologie  et  en  médecine,  était  de  bien  étudier  le  mé- 
canisme des  phénomènes  ;  c'était  la  plus  belle  applica- 
tion que  le  cartésianisme  eût  encore  inspiré,  et  il  était 
un  appoint  considérable  au  mouvement  que  faisait  déjà 
l'analomie  pathologique,  laquelle  allait  avoir  bientôt 
Senac  et  Morgagni.  Cependant,  on  ne  peut  se  dissimuler 
que  là  se  dévoilaient,  pour  qui  les  voulait  voir,  tous  les 
vices  qui  devaient  si  sérieusement  entacher  la  doctrine. 
De  ce  qu'un  organe  accomplit  un  acte,  de  ce  qu'un  in- 
strument opère,  est-ce  à  dire  que  toute  l'action  soit  ex- 
pliquée par  l'organe  ou  l'instrument?  Non  certes;  car 
l'action  particulière  dépend  d'un  ensemble  qui  la  gou- 
verne ;  et  pénétrer  le  jeu  d'un  rouage  n'est  pas  com- 
prendre l'action  de  toute  la  machine.  Aussi  voyez  l'er- 
reur où  tombe  immédiatement  ce  grand  esprit  :  de  ce 
que  le  cerveau,  le  poumon  et  le  cœur  ne  peuvent  s'ar- 
rêter, sans  que  la  vie  s'éteigne,  il  en  déduit  que  la  vie 
dépend  de  leurs  fonctions!  Un  pivot  casse  dans  une  ma- 
chine, et  tout  s'arrête  :  voyez,  nous  dira-t-on,  c'était  là 
ce  qui  faisait  marcher  le  monstre  !  Nous  verrons  plus 
loin  comment  Bordeu  a  conduit  l'organicisme  dans  une 
voie  plus  juste,  sans  cependant  atteindre  la  vérité,  et 
nous  pourrons  voir  plus  tard  comment  au  xix°  siècle, 
sous  l'influence  de  Bichat  et  de  Laénnec,  l'organicisme 
est  décidément  tombé  dans  ces  erreurs  premières  et 
fatales. 

Lancisi,  qui  était  né  à  Rome  en  1654,  y  demeura  con- 
stamment, fut  premier  médecin  et  camérier  secret  du 
pape  Innocent  XI,  de  Clément  XI  et  d'Innocent  XII.  II 
acquit  une  réputation  considérable  par  sa  science,  son 
intelligence  et  son  art.  Malgré  une  pratique  extrêmement 
étendue,  il  ne  cessait  de  travailler,  de  lire  et  d'écrire, 


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432  HISTOIRE  DE  LA  MÉDECINE. 

comme  ont  fait  d'ailleurs  tous  les  hommes  qui  se  sont 
illustrés  dans  la  médecine;  car  parmi  nous,  on  périclite 
dès  qu'on  ne  travaille  plus,  et  il  est  de  précepte  que  le 
vrai  médecin  n'en  sait  jamais  assez.  Sans  doute  une 
grande  réputation  peut  être  acquise  à  un  homme  d'es- 
prit peu  pourvu  de  science  ;  mais  entre  confrères,  cela 
se  démêle  bien  vite ,  et  nous  ne  considérons  comme 
valeur  vraie  que  celle  qui  se  soutient  par  l'instruction 
et  qui  ne  cesse  de  croître  en  s'instruisant. 

Il  a  publié  un  grand  nombre  d'ouvrages  jusqu'à  sa 
mort,  en  1720,  à  l'âge  de  65  ans,  entre  autres  une 
Anatnmie,  une  Physiognomie,  les  Tables  dEustachi,  un 
livre  sur  les  Effluves  de*  marais,  et  beaucoup  de  disser- 
tations ou  de  lettres.  Son  œuvre  véritable  est  le  livre 
que  nous  avons  cité  [De  subitnneis  mortibus),  plusieurs  fois 
réimprimé.  Parti  des  idées  chémiatres,  il  arrivait  au 
solidisme,  comme  nous  venons  de  le  voir  :  c'était  l'idée 
qui  s  était  produite  du  temps  $ Ettmidler  et  qui  allait 
faire  son  chemin. 

Philippe  Hecquet  (1G6 1-1737)  fut  l'un  des  premiers 
à  bien  voir  la  réaction  contre  la  chémiatrie  et  h  s  y  en- 
gager franchement.  Il  était  d'Abbeville,  en  Picardie,  où 
il  reçut,  au  sein  de  sa  famille  excellente,  une  éducation 
chrétienne  à  laquelle  il  resta  constamment  fidèle.  Il  alla 
faire  ses  études  médicales  et  prendre  ses  grades  à  Reims 
et  s'établit  àAbbeville,  d'où  il  vint  bientôt  à  Paris  pour 
accroître  son  instruction.  Il  se  soumit  aux  exigences  de  la 
Faculté  en  en  suivant  les  leçons  et  en  y  prenant  de  nou- 
veau ses  grades,  lui  qui  était  déjà  maître.  En  1710,  il 
fut  nommé  médecin  de  la  Charité,  et  en  1712,  la  Fa- 
culté l'élut  pour  son  doyen.  Il  passa  les  dix  dernières 
années  de  sa  vie,  à  demi  paralysé,  chez  les  Carmélites 
du  faubourg  Saint-Jacques,  dont  il  était  le  médecin,  et 
chez  lesquelles  il  mourut  et  fut  enterré.  C'est  certaine- 


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ÉTUDE  SUR  N*0S  TRADITIONS.  433 

ment  un  des  hommes  qui  ont  le  plus  honoré  l'ancienne 
Faculté  par  son  grand  caractère,  l'élévation  de  ses* sen- 
timents tout  chrétiens,  et  la  vigueur  de  son  intelligence. 
11  était  fort  strict  sur  le  régime  et  en  donnait  lui-même 
l'exemple,  car  il  vécut  ses  trente  dernières  années  sans 
manger  de  viande,  et  presque  autant  sans  boire  de  vin. 
Du  reste  il  fut  très-dévoué  aux  malades,  mourut  pauvre 
après  avoir  donné  tout  ce  qu'il  avait  avant  d'entrer 
chez  les  Carmélites,  et  demeura  fort  estimé  et  regretté 
de  ses  confrères. 

Ses  livres,  aujourd'hui  oubliés,  et  qui  n'obtinrent  ja- 
mais une  excessive  vogue  populaire,  n'eurent  pas  moins 
une  grande  influence,  comme  cela  se  voit  d'habitude 
pour  les  hommes  vraiment  solides.  Il  soutint  que  la  di- 
gestion se  fait  par  la  trituration  ;  il  attaqua  vigoureuse- 
ment l'abus  des  purgations  pour  corriger  ou  évacuer 
de  prétendus  vices  des  humeurs,  et  s'éleva  avec  une 
extrême  vivacité  contre  ce  qu'il  nomme  les  briyandages 
de  la  médecine  et  de  la  chirurgie.  Il  vantait  beaucoup  l'usage 
de  l'opium,  des  calmants  et  des  narcotiques,  et  plus 
particulièrement  l'usage  de  la  saignée  et  de  l'eau;  de 
sorte  qu'il  prêta  par  là  à  la  critique  mordante  du  ro- 
mancier Lesage  qui  le  tourna  en  ridicule  dans  Git-Blas, 
sous  le  nom  du  Dr  Sangrado.  Son  système  médical  est 
plus  particulièrement  exposé  dans  son  livre  intitulé  :  /  a 
Médecine  théologique  ou  la  médecine  créée  telle  qu'elle  se  fait 
voir  ici  sortie  des  mains  de  la  nature ,  2  vol. ,  1731 ,  ouvrage 
qui  reparut  en  1738  sous  cet  autre  titre  :  la  Médecine 
naturelle  vue  dans  la  pathologie  vivante.  Sous  une  forme 
très-vive  et  où  le  raisonnement  n'est  pas  toujours 
exempt  d'exagération,  il  fait  du  sang  et  des  mouve- 
ments des  solides  la  cause  mécanique  des  maladies,  les 
rattachant  toutes  à  trop  ou  trop  peu  de  tension  des  or- 
ganes solides.  Il  s'est  ainsi  rapproché  de  l'ancienne  doc- 


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434  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

ti'iue  de  Thémison  et  a  préparé  la  voie  dans  le  même 
temps  que  Fr.  Hoffmann,  à  Cullen,  à  Brown  et  leur 
suite.  Ph.  Hecquet  s'est  beaucoup  nui  à  lui-même  et  à 
ses  idées  par  son  exaspération,  et  on  le  peut  dire,  ses 
violences  de  parole;  il  ne  s'est  pas  garé  du  côté  faible 
où  tombent  tous  les  caractères  entiers  qui,  crainte  de 
faiblesse,  manquent  de  souplesse.  Il  ne  suffît  pas  d'être 
fort,  il  faut  savoir  être  doux  ;  et  à  côté  des  principes 
auxquels  on  doit  tenir,  la  raideur  pousse  au  sophisme 
si  on  n'est  point  accessible  aux  corrections. 

Hecquet  eut  aussi  le  malheur  de  ne  pas  comprendre 
Y  inoculation  et  de  lui  être  hostile. 

Georges  Bagiici  (1008-1708)  eut  à  peine  le  temps  de 
paraître,  car  il  mourut  à  38  ans,  et  à  cet  âge  un  médecin 
n'est  encore  qu'un  jeune  homme.  Ayant  étudié  la  mé- 
decine à  iNaples  et  à  Padoue,  il  vint  de  bonne  heure  à 
home  où  il  suivit  Malpighi,  fut  rapidement  nommé  pro- 
fesseur à  la  Sapienee,  et  y  mourut  de  trop  de  travail.  Il 
a  laissé  deux  livres  qui  ont  eu  un  immense  retentisse- 
ment et  qui  ont  beaucoup  avancé  le  solidisme,  bien  que 
l'auteur  s'y  déclare  en  plusieurs  endroits  partisan  de 
la  chémiatrie.  Le  premier  en  date  est  le  De  Praxi  medicx, 
libri  quatuor;  Rome,  1096.  Le  second  est  le  Tractants  de 
fibra  motrice  et  morbosa  ;  Perusia,  1700.  Tous  deux  ont 
été  bien  des  fois  réimprimés,  et  M.  le  Dr  J.  Boucher  a 
donné  du  premier  une  traduction  française,  en  1851. 
L'auteur  avait  28  ans  quand  il  donna  cette  médecine 
pratique,  et  32  ans  quand  il  publia  le  Traité  sur  la  fibre 
motrice.  Ce  sont  des  œuvres  de  jeunesse  ;  leur  impor- 
tance exige  cependant  que  nous  nous  y  arrêtions,  parce 
que  les  idées  qu'ils  renferment  montrent  bien  ce  qu'é- 
tait l'élan  de  l'opinion  à  cette  époque  et  dont  Baglivi 
tressaillait,  comme  une  jeune  pousse  frémit  au  vent  qui 
s'élève.  Il  faut  s'attendre  à  y  trouver  des  contradictions 


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ÉTUDB  SUR  NOS  TRADITIONS.  435 

et  beaucoup  de  bonnes  intentions.  Le  mieux,  pour  en 
bien  marquer  l'esprit,  est  d'en  extraire  quelques  pas- 
sages. 

«  Ministre  de  la  nature  et  son  interprète,  quoi  qu'il 
veuille  faire  ou  quoi  qu'il  fasse,  le  médecin  doit  se  rap- 
peler que  le  seul  moyen  de  commander  à  la  nature,  c'est 
de  savoir  d'abord  lui  obéir  soi-même.  (De  la  Médecine 
pratique,  liv.  i,  cliap.  1.) 

«  Ce  n'est  point  le  langage  de  l'homme,  c'est  le  lan- 
gage de  la  nature  elle-même  que  parle  Hippocrate.  L'an- 
tiquité médicale  n'a  rien  produit  qu'on  puisse  comparer 
avec  cet  illustre  fondateur  de  la  science,  et  l'avenir  ne 
produira  rien  de  semblable  jusqu'à  ce  que  les  médecins, 
revenus  de  leurs  longues  erreurs  et  sortis  de  leur  pro- 
fond sommeil,  aient  pu  saisir  enfin  toute  la  distance  qui 
sépare  cette  mâle  et  historique  médecine  de  la  Grèce, 
des  romanesques  spéculations  modernes.  (Ibid.) 

«  Au  lieu  de  chercher  sans  cesse  à  séparer  les  anciens 
et  les  modernes,  essayons  plutôt,  s'il  est  posible,  de 
réunir  les  uns  et  les  autres  dans  une  alliance  éter- 
nelle. Quelle  folie  plus  grande,  en  effet,  que  de  vouloir 
toujours  les  mettre  en  désaccord  par  les  mots,  quand 
ils  sont  d'accord  pour  les  choses.  [Ibid.) 

«  S'il  y  a  quelque  chose  au  monde  qui  puisse  faire  perdre 
de  vue  à  l'esprit  la  connaissance  des  maladies,  c'est  avant 
tout  cette  rage  effrénée  de  spéculations  et  de  disputes 
que  les  médecins  arabes  et  tous  les  galénistes  des  siècles 
suivants  ont  portée  jusque  dans  la  pratique.  (Ibid,) 

a  Chaque  maladie  a  sa  nature  particulière  et  certaine 
à  l'abri  du  caprice  des  théories  ;  il  n'en  est  pas  une  qui 
n'ait,  de  la  même  façon,  son  mode  d'invasion,  ses  pro- 
grès, sa  période  d'état  et  ses  terminaisons  propres. 
(Chap.  2.) 

«  Tout  nous  échappe,  je  le  sais,  quand  il  Vagit  de  dé- 


436  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

terminer  la  nature  des  lésions  organiques  et  des  mala- 
dies ;  mais  il  y  a  une  chose  claire,  c'est  que  chacune 
d'elles  a  son  tyjie  particulier;  qu  elles  croissent  et  dé- 
croissent suivant  certaines  lois;  que  leurs  périodes  enfin 
sont  régulières  et  constantes.  (Iôid.) 

«  Prenons  les  Aphorismes  d'Hippocrate,  ses  Pronos- 
tics, ses  Prénotions  de  Cos  et  comparons  avec  les  obser- 
vations modernes,  nous  serons  bientôt  convaincus  que 
la  nature  des  maladies  est  restée  ce  qu  elle  était  dans 
les  temps  reculés  ;  leurs  marches,  leurs  périodes,  rien 
n'a  changé  depuis  lors,  (lbid.) 

«Tourner  en  dérision  les  beaux  travaux  d'autrui  et  les 
nobles  efforts  tentés  pour  faire  avancer  les  sciences,  c'est 
non  -seulement  une  chose  indigne  d'un  honnête  homme 
et  d'un  homme  docte,  mais  c'est  encore  un  dommage 
considérable  aussi  à  l'état  et  aux  progrès  des  sciences 
elles-mêmes...  Voyez  tous  ceux  qui  depuis  quarante 
ans  bientôt  ont  voulu  écrire  sur  ces  matières  :  la  plu- 
part d'entre  eux,  ayant  pour  ainsi  dire  uniquement 
consacré  leurs  efforts  à  inonder  de  sarcasmes  les  tradi- 
tions de  la  médecine  antique,  on  peut  à  peine  s'imaginer 
tout  ce  qu'il  est  résulté  de  maux  pour  la  médecine  et  les 
malades.  (Iôid.,  chap.  4.) 

Il  est  convaincu  que  «  presque  toutes  les  maladies  ont 
leur  source  dans  quelque  modification  des  fluides,  et 
par  conséquent  c'est  une  chose  toute  naturelle  si  des 
principes  théorico-philosophiques  sont  impuissants  à 
nous  éclairer  sur  la  cause  véritable  et  essentielle  des 
maladies.  »Et  il  écrit  quelques  lignes  plus  haut  :  «  Lais- 
sons les  chimistes  avec  leurs  grands  mots  de  fusion,  de 
sublimation,  de  précipitation,  vouloir  expliquer  la  na- 
ture et  chercher  ainsi  à  établir  une  philosophie  à  part  ; 
ce  n'est  pas  moins  une  chose  incontestable,  que  tous  ces 
phénomènes  doivent  se  rapporter  aux  lois  de  l'équi- 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  437 

libre,  à  celle  du  coin,  de  la  corde,  du  ressort  et  des 
autres  éléments  delà  mécanique.  »  (Gbap.  il.) 

Il  se  rattache  du  reste  au  Bacon isme  et  veut  que  la 
médecine  fasse  comme  l'astronomie;  car,  «  le  premier 
soin  des  astronomes  est  donc  de  se  procurer  une  masse 
de  faits  considérables,  et  ce  n  est  qu'ensuite  qu'ils  vont 
demander  aux  théories  quelque  raison  palpable  de  ces 
faits...  C'est  dans  la  voie  tracée  par  les  astronomes  que 
doivent  s'engager  les  médecins  s'ils  veulent  apprendre 
à  faire  la  théorie  des  maladies,  etc.  »  (Ghap.  il.)  Combien 
de  fois  depuis  n'a-t-on  pas  répété  cette  juvénilité!  Et 
cependant,  avec  un  petit  nombre  de  faits  bien  observés, 
un  esprit  supérieur  découvre  la  loi  qui  les  règle  ;  un  sot 
aura  beau  multiplier  ses  observations,  il  n'en  tirera 
rien. 

Plus  loin,  Baglivi  nous  réédite  cette  autre  niaiserie 
baconnienne  :  a  Pour  faire  l'histoire  d'une  maladie,  il 
n'est  besoin  d'aucune  science  étrangère,  ni  de  la  con- 
naissance des  livres  ;  c'est  ce  qu'on  appelle  une  science 
pare,  une  jHence  propre  ;  et  comme  elle  n'a  d'autres 
éléments  que  l'observation  et  les  renseignements  fournis 
par  le  malade,  tout  ce  qui  vient  du  dehors  ne  peut  ja- 
mais être  pour  elle  qu'une  source  de  confusion  et  de 
trouble,  la  triste  source  de  toutes  ces  erreurs  qu'on  nous 
a  si  souvent  rappelées.  Le  devoir  du  médecin  dans  cette 
k  première  partie  de  la  science  se  borne  à  jouer  le  rôle 
de  témoin  qui  raconte  mais  n'apprécie  pas.  »  (Lib.  n, 
chap.  1).  Le  jeune  homme  oublie  que  pour  observer  il 
faut  déjà  savoir,  et  que  toute  observation  est  une  appré- 
ciation dans  laquelle  on  dégage  ce  qu'il  faut  retenir  de 
ce  qu'il  faut  négliger. 

A  côté  de  ces  naïvetés,  le  maître  reparaît,  et  il  recon- 
naît par  exemple  la  nécessité  de  bien  distinguer  les  es- 
pèces morbides  qu'ailleurs  il  a  déclaré  iminutables  dans 

TOM1  XXXII.  —  DÉCEMBRE  4870.  S9 


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438  HISTOIRE  DE  LA  MEDECINE. 

leurs  types  :  «  Nous  parlions,  il  y  a  un  instant,  des  la- 
cunes qu'il  reste  à  combler  dans  la  médecine;  il  n'y  en 
a  guère,  je  crois,  de  plus  importantes  que  celles-ci  :  il 
faudrait  que  chaque  maladie  fût  divisée  en  autant  d'es- 
pèces qu'il  y  a  de  maladies  primaires  capables  de  les  en- 
tretenir, ou  de  causes  énergiques  et  constantes  capables 
de  leur  donner  naissance;  il  faudrait  encore  que  cha- 
cune de  ces  espèces  eût  ses  signes  caractéristiques,  son 
histoire  première,  sa  médication  propre  et  immuable; 
ce  serait  quelque  chose  comme  la  méthode  des  bota- 
nistes, qui  prennent  un  nom  de  plante,  le  chardon,  par 
exemple,  et  qui  en  font  une  dénomination  générique, 
réunissant  sous  ce  titre  plusieurs  espèces  de  chardon f 
décrivant  la  grandeur  de  chaque  espèce,  sa  Cgure ,  sa 
couleur,  sa  saveur,  etc.  »  (Lib.  n,  chap.  9.) 

Dans  la  question  des  causes,  il  revient  à  Galien  :  «  Si 
nous  voulons  procéder  avec  ordre,  il  faut  d'abord  accep- 
ter l'ancienne  division  des  causes  morbides  en  cause 
procatarctiçue,  cause  proégumène  ou  dispositive,  et  cause 
prochaine  y  c'est-à-dire  une  cause  dont  la  présence  en- 
traîne nécessairement  l'existence  de  la  maLaie,  et  dont 
l'extinction  entraîne  l'extinction  des  phénomènes  mor- 
bides. »  (Lib.  n,  chap.  20,  art.  2.) 

À  propos  de  l'indication  thérapeutique,  notons  celte 
pensée  qui  en  rappelle  une  semblable  de  Van  Helmont  : 
•  Nous  venons  de  voir  des  maladies  considérables  pro- 
duites par  une  très-faible  cause,  quelquefois  même  par 
des  causes  insaisissables  et  absolument  en  dehors  de 
l'organisme  ;  or,  d'un  autre  côté,  il  y  a  des  maladies 
tout  aussi  graves,  que  l'on  voit  guérir  en  un  instant 
sans  que  l'on  puisse  saisir  non  plus  la  moindre  évacua- 
tion, mais  qui  disparaissent  sur-le-champ  par  le  seul  fait 
d'un  changement  quelconque  dans  les  parties.  »  (Liv.  n, 
chap.  10.) 


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ÉTUDE  SUR  NOS  TRADITIONS.  439 

Enfin  dans  l'avant-dernier  chapitre,  il  se  déclare  so- 
lidiste  pour  les  maladies  chroniques  :  «  Quelle  est  la 
cause  de  ces  maladies?  Un  épaississement,  une  élabora- 
tion incomplète  des  humeurs,  et  la  plupart  du  temps, 
une  lésion  des  solides  organiques  bien  plutôt  que  des 
fluides.  »  (Liv.  n,  ch.  11.) 

Dans  son  livre  de  Fibra  motrice ,  le  solidisme  de- 
vient plus  manifeste.  Baglivi  établit  bien  qu'il  doit  y 
avoir  équilibre  entre  les  fluides  et  les  solides,  mais  ou 
définitive  c'est  de  la  fibre  motrice  du  cœur  et  des  vais- 
seaux que  procède  le  mouvement  du  sang*  et  des  li- 
quides, et  c'est  des  fibres  motrices  de  la  dure-mère  que 
procède  le  mouvement  du  fluide  nerveux  ;  ce  qu'il  faut 
voir  dans  l'état  de  maladie  comme  dans  l'état  de  sanlé, 
le  point  intéressant  de  la  vitalité,  c'est  1  état  de  la 
fibre.  «  Les  unes  sont  dures,  crispées,  tendues,  vi- 
vaces,  tenaces;  les  autres  paresseuses,  fragiles,  lan- 
guissantes, lâches  et  presque  mucilagineuses  ;  etc'cH 
de  là  le  résultent  les  biens  et  les  maux,  et  c'est  ce  qu'il 
faut  que  nous  recherchions  avec  soin  et  que  nous  gué- 
rissions, comme  étant  les  caractères  des  actes  vitaux  et 
naturels  dans  le  corps  humain.  •  (Lib.  i,  cap.  1.)  Ce 
livre,  plus  curieux  qu'utile  h  lire  aujourd'hui,  et  qui 
renferme  cependant  quelques  remarques très-judieieus  s. 
a  été,  avec  celui  de  Laneisi,  le  point  de  départ  du  retour 
au  solidisme  qui  est  devenu  lorganicisme. 

F.  FlUÎDAULT. 

—     suit  t  an  prochain  numéro.  — 


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440 


PATHOGÉiME  ET  THÉRAPEUTIQUE 


DE  L'ACTION  DE  L'ARSENIC  SUR  LA  PEAU. 

—  Suite  — 

CHAPITRE  VI. 

PAPULES. 

Une  femme  s'empoisonne  accidentellement.  Au  bout 
de  vingt-quatre  heures,  tout  son  corps  était  couvert 
d'une  éruption  rubéoliforme.  Elle  se  rétablit  en  six  jours. 
(Thomson,  Médical  essay  and  obs.,  1747,  t.  IV,  p.  41.) 
Déjà  au  chapitre  précédent  il  a  été  question  d'une  érup- 
tion rubéoliforme  partielle  dans  une  observation  de 
Basedow.  Caels  (1781)  indique,  dans  sa  description  gé- 
nérale de  l'empoisonnement,  les  macu/x  rubrx.  - 

Sept  ouvriers  s'étaient  servis  d'arsenic  par  erreur  au 
lieu  de  baryte  pour  rafraîchir  une  maison.  Tous  furent 
pris  de  fièvre  et  d'une  éruption  papuleuse  plus  ou  moins 
généralisée  qui  disparut  en  quelques  jours,  mais  laissa 
des  taches  rouges  pendant  longtemps.  (Ogston  et  Ryan, 
London  med.  Gaz.)  1851.) 

«  Une  seule  fois,  dit  Marchand,  j'ai  vu  survenir  des  pa- 
pules arsenicales.  Ces  papules,  que  j'ai  observées  aussi 
dans  le  traitement  d'autres  maladies,  ressemblent  à  des 
papules  de  prurigo,  mais  sont  plus  pointues.  Ce  qui  les 
distingue,  c'est  que  quelques  jours  après  leur  apparition 
il  y  a  une  desquamation  épidermique  qui  se  fait  non- 
seulement  sur  les  papules,  mais  aussi  sur  la  peau  qui 
les  environne.  L'épiderme  se  détache  par  plaques  irré- 
gulières  frangées,  d'un  centimètre  carré  ou  environ; 
les  bords  de  la  peau  sur  laquelle  s'opère  cette  desqua- 


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DE  i/ACTION  DR  L* ARSENIC  SUR  LA  PEAU.  441 

mat  ion,  sont  marqués  d'un  liséré  blanc,  qui  délimite 
une  surface  généralement  ronde,  mais  irrégulièrement, 
ressemblant  à  certains  pityriasis.  Si  on  cesse  la  médica- 
tion arsenicale,  tout  cela  disparaît  en  cinq  ou  huit  jours. 
J'ai  vu  ces  papules  sur  plusieurs  fiévreux.  M.  Marchand 
dit  encore  ailleurs  :  J'ai  parlé  dans  ce  mémoire  de  pa- 
pules arsenicales,  voici  ce  que  j'ai  observé  :  quatre  fois 
j'ai  vu  survenir  chez  des  sujets  qui  prenaient  de  l'arse- 
nic pour  des  fièvres  intermittentes,  des  éruptions  papu- 
leuses  dont  le  siège  était  variable.  Les  papules  étaient 
volumineuses,  causaient  peu  de  prurit  et  ne  s'accom- 
pagnaient pas  d'inflammation.  Elles  persistaient  tant 
qu'on  administrait  le  remède,  quelques-unes  seulement 
se  terminaient  par  desquamation.  Quand  l'arsenic  était 
suspendu,  elles  disparaissaient  et  Tépiderme  se  levait 
par  plaques  larges,  épaisses,  arrondies,  frangées.  Dans 
un  cas,  les  papules  se  montrèrent  dans  la  région  pal- 
maire, et  la  desquamation  qui  s'ensuivit  ressemblait,  à 
s'y  méprendre,  à  celle  qui  s'opère  quand  on  a  eu  dans 
cette  région  des  ampoules  causées  par  un  travail  manuel 
auquel  on  n'était  pas  habitué.  Les  papules  causent  peu 
de  prurit  et  la  desquamation  ne  s'accompagne  d'aucune 
sensation...  Les  éruptions  arsenicales  doivent  être  rares 
quand  on  traite  des  dermatoses.  S'il  s'agit  d'autres  ma- 
ladies, elles  doivent  être  plus  fréquentes,  du  moins 
d'après  ce  que  j'ai  observé.  Ces  éruptions  ne  doivent 
inspirer  aucune  inquiétude,  car  elles  disparaissent  aus- 
sitôt qu'on  suspend  la  médication.  > 

«  Sous  l'influence  de  la  médication  arsenicale  (dans  les 
affections  squameuses)»  dit  M.  Devergie,  il  peut  appa- 
raître une  éruption  secondaire  sur  les  taches  arseni- 
cales (i)  ou  sur  les  parties  de  la  peau  où  siège  encore  la 

(1)  Il  sera  question  do  ces  taches  arsenicales  dans  un  chapitre  subsé- 
quent. 


« 


I 


442  PÀTHOGENIB  ET  THÉRAPEUTIQUE. 

maladie  qui  est  en  traitement.  Elle  consiste  en  quelques 
boutons  rouges,  isolés,  papuleux,  de  la  grosseur  d'une 
lentille,  qui  se  multiplient  lentement.  Ce  phénomène, 
que  j'ai  signalé  le  premier,  est  commun  aussi  à  l'usage 
îles  pommades  au  goudron  et  aux  préparations  alcali- 
nes. »  [Traité  pratique  des  maladies  de  la  peau,  1834.) 

Hunt,  dans  les  dernières  éditions  de  son  ouvrage,  a 
parlé  aussi  d'une  éruption  papuleuse  légère,  lichen  arse- 
nh  alis,  qui  survient  quelquefois  pendant  le  traitement 
des  maladies  de  la  peau.  Dans  l'une  de  ses  observations, 
on  voit  survenir  une  éruption  papuleuse  très-éphémère 
nu  périnée,  aux  fesses  et  au  scrotum.  (Diseases  of  skin.) 

De  mon  côté,  j'ai  vu  souvent  ce  genre  d'éruptions 
avec  l'arsenic,  surtout  administré  à  dose  infinitésimale, 
et  j'ai  pu  obtenir,  dans  mes  expérimentations,  les  ré- 
sultats les  plus  tranchés.  J'ai  cité  plus  bas  trois  obser- 
vations. Voici  ce  que  je  disais  en  1857  à  ce  sujet  :  —  Ces 
papules,  que  quelques  auteurs  onteomparées  à  l'éruption 
morbilleuse,  ressemblent  bien  plutôt  à  ces  syphilidesdu 
visage  que  tout  le  monde  connaît;  elles  ont  cependant 
une  teinte  moins  cuivrée.  Leur  lieu  d'élection  se  trouve 
au  cou,  au  visage.  Je  les  ai  vues  aux  mains;  elles  sont 
en  général  peu  nomb  euscs  et  discrètes.  Je  les  ai  vues 
débuter  par  des  groupes  de  papules  rouges,  grosses 
comme  de  petites  tê\c>  d'épingle;  ces  papules  se  con- 
fondent plus  tard  pour  l'aire  des  papules  larges  comme 
une  lentille  et  plus.  Klics  n'ont  guère  plus  de  six  à  huit 
jours  de  durée  et  disparaissent  successivement  avec  une 
légère  desquamation  furfuracée. 

Obs.  V. — Bardèche,  22  ans,  maréchal  de  logis  au  3e  hussards,  entré 
le  10  mai  1835  ù  l'Ilôt»?!- Dieu  de  Clermont-Ferrand.  Psoriasis  gut- 
t  it  i  généralisé  depuis  neuf  mois. 

Traité  par  l'arséniate  de  fer,  quatrième  trituration,  depuis  le 
V>  mai  jusqu'au  18  juin,  trois  doses  par  jour.  Au  bout  de  quelques 


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DE  L*  ACTION  DE  L* ARSENIC  SUR  LA  PEAU.  443 

jours,  il  se  plaint  des  yeux,  larmoiement,  démangeaison,  etc.... 

8  juin .  Le  malade  se  plaint  de  sa  potion  qu'on  supprime;  il  ac- 
cuse de  la  fatigue  d'estomac,  de  l'oppression  pendant  la  nuit,  des 
douleurs  dans  tout  le  corps,  surtout  aux  deux  coudes  et  aux  deux 
jambes.  Il  est  survenu  par  tout  le  corps  une  éruption  de  papules  acu- 
minées  discrètes,  tout  à  fait  distinctes  des  plaques  de  psoriasis.  A  la 
fesse  gauche,  elles  sont  confluentes  et  y  forment  une  plaque  de  la 
largeur  de  7  à  8  centimètres.  Cette  plaque  s'agrandit  les  jours  sui- 
vants; les  papules  s'élargissent  et  se  confondent.  A  partir  du  43, 
elles  se  flétrissent  pour  disparaître  les  jours  suivants. 

Obs.  VI.  —  Fille  Bœuf,  17  ans,  entrée  à  l'Hôtel-Dieu  en  mars 
1855.  Anémie;  quelques  traces  de  chlorose.  Elle  a  été  traitée  par 
l'arséniate  de  fer  depuis  le  31  mars  jusqu'au  11  avril  inclusivement, 
à  la  dose  d'un  millième  par  jour,  à  prendre  en  quatre  fois,  dissous 
dans  une  potion . 

Pendant  les  dix  premiers  jours,  démangeaison  fréquente  à  la  fi- 
gure et  au  cou,  avec  apparition  de  très-petits  boutons  papuleux  et 
fugaces  ;  raideur  des  paupières,  démangeaisons  avec  sentiment  de 
graviers. 

10  avril.  Depuis  deux  jours,  papules  discrètes  très-marquées  à  la 
figure.  Sur  l'aile  gauche  du  nez,  il  existe  une  dizaine  de  boutons  pa- 
puleux. Le  11,  douleurs  notables  dans  les  jambe*.  Le  12,  il  existe 
une  douleur  très-vive  au  bras  et  an  poignet  droit,  ainsi  qu'à  la  jambe 
droite.  La  douleur  est  si  forte  au  bras  droit  que  la  malade  ne  peut 
pas  le  porter  à  la  tète.  L'apparition  de  ces  douleurs  me  fait  suppri- 
mer l'arséniate  de  fer.  Les  jours  suivants,  les  douleurs  continuent 
aussi  vives  dans  les  membres  inférieurs,  ainsi  qu'au  bras  droit  ;  la 
malade  se  lève,  mais  elle  reste  assise  pendant  la  journée,  à  cause  de 
ces  douleurs. 

Le  17.  Souffrance  vive  dans  la  main  droite  ;  le  pouce  est  tuméfié, 
très-douloureux  au  toucher,  couvert  d  une  large  plaque  rouge.  Elle 
ne  se  lève  pas  depuis  hier  et  pleure  à  raison  de  ses  douleurs  des 
membres;  impossibilité  de  mouvoir  les  jambes.  Cependant  l'érup- 
tion papuleuse  du  visage  a  continué  sa  marche  ascendante  depmis 
un  septénaire.  Le  visage  et  le  pourtour  des  oreilles  sont  couverts  de 
papules  rougeatres  nombreuses ,  dont  quelques-unes  sont  larges 
comme  une  pièce  de  1  franc,  ressemblant  à  une  véritable  éruption 
syphilitique.  Ajoutez  à  cela  une  blépharile  intense,  avec  tuméfac- 
tion des  paupières  et  larmoiement  consMérable. 


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444  PATHOGÉNIE  ET  THÉRAPEUTIQUE. 

Les  jours  suivants,  les  douleurs  des  membres  diminuent,  l'érup- 
tion de  la  face  se  flétrit,  et  la  malade  commence  à  se  lever  un  peu 
pendant  le  jour.  Le  28,  les  douleurs  ont  redoublé.  La  malade  a 
gémi  toute  la  journée  et  n'a  pu  se  lever.  Sortie  le  3  mai.  Les  dou- 
leurs ont  cessé,  mais  l'éruption  quoique  flétrie  est  encore  très-no- 
table. 

Cette  observation  est  un  fait  remarquable  de  rhuma- 
tisme arsenical  et  en  mâme  temps  d'éruption  papu- 
leuse.  Les  deux  symptômes,  ainsi  que  ceux  des  yeux, 
n'en  ont  pas  moins  continué  leur  marche  ascendante  et 
progressive,  malgré  la  cessation  du  remède. 

Voici  une  dernière  observation  d'éruption  papuleuse 
sous  l'influence  de  l'arsenic  donné  à  dose  médicinale 
habituelle  ou  moyenne. 

Obs.  VIL  —  Marie  Lassalas,  16  ans,  domestique,  entrée  le  10  oc- 
tobre 1854  à  l'Hôtel-Dieu.  Cette  jeune  fille,  fraiebe  et  bien  portante, 
offre  quelques  traces  légères  de  chlorose.  Dès  le  premier  jour  de  sou 
entrée,  elle  prend  4  gouttes  de  teinture  de  Fowler  dans  100  grammes 
de  véhicule,  en  quatre  doses  dans  la  journée. 

A  partir  du  10,  je  constate  les  symptômes  suivants  :  un  peu  •!*' 
larmoiement ,  enchifrènement  avec  voix  nasonnée,  coryza  fluuot 
très-notable  ;  a  eu  un  peu  d'épistaxis  pendant  la  nuit. 

17.  Fortement  enrhumée;  a  toussé  toute  la  nuit.  La  gorge  et  U-s 
amygdales  sont  rouges. 

20.  Il  est  survenu  dans  la  nuit  sur  tout  l'avant-bras  gauche  une 
éruption  continente  de  petits  boutons  rouges  papuleux,  gros  comme 
la  tète  d'une  épingle.  Il  y  a  deux  jours,  ces  boutons  étaient  sortis, 
puis  rentrés,  au  dire  de  la  malade. 

2 1 .  Même  éruption,  accompagnée  de  beaucoup  de  démangeaisons  ; 
même  enchifrènement  et  larmoiement. 

22.  L'éruption  du  bras  devient  encore  plus  considérable  ;  son  in- 
tensité me  fait  cesser  la  potion  de  Fowler. 

23.  L'avant-bras  est  tout  rouge,  couvert  de  papules  très-petites 
ettrès-confluentes,  c'est  comme  si  elle  avait  la  chair  de  poule. 

24.  Même  rougeur  de  l'avant-bras  avec  enflure  considérable  et 
douloureuse. 

2">.  Depuis  plusieurs  jours,  même  éruption  plus  discrète  aux  deux 


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DE  LACTION  DE  L'ARSENIC  SUR  LA  PEAU.  v-  445 

joues,  à  la  main  et  au  poignet  droit,  avec  démaugeaison  notable. 

Les  jours  suivants,  ces  divreses  éruptions  se  flétrissent  peu  à  peu. 
11  s'y  établit  une  desquamation  légère.  Le  coryza  a  persisté  tout  le 
temps.  Sortie  le  4  novembre,  sans  traces  d'éruption. 

Parmi  les  toxicolog-istes,  Cbristison  est  à  peu  près  le 
seul  qui  ait  parlé  des  papules  arsenicales,  en  notant  que 
l'éruption  peut  être  morbilliforme.  Hahnemann  et  Jahr 
n'ont  fait  que  répéter  l'observation  de  Thomson.  La  pa- 
thogénésie  anglaise  de  Black  parle  d'éruption  papuleuse 
aux  mains  ayant  duré  cinq  jours.  Ce  fait  est  emprunté 
à  Niedermeyer  cité  par  Wibruerr;  c'est  une  erreur;  il 
ne  s'agit  ici  que  d'une  éruption  miliuire.  En  somme,  la 
papule  arsenicale  a  surtout  été  signalée  et  étudiée  assez 
récemment.  Il  ressort  des  faits  qu'elle  se  produit  à  toute 
espèce  de  doses.  L'observation  déjà  citée  de  Thomson 
prouve  avec  quelle  rapidité  l'arsenic  peut  produire  à  la 
place  l'éruption  papuleuse.  Nous  verrons  reparaître  les 
papules  dans  les  éruptions  arsenicales  complexes,  en 
traitant  des  éruptions  professionnelles. 

CHAPITRE  VIL 

éruptions  vésiculeuses  (miliaire,  eczéma,  herpès ,  zona). 

On  lit  dans  le  Commercium  lût.  noricum  (1735)  une 
petite  observation  sans  nom  d'auteur,  où  il  est  question 
d'un  empoisonnement  chez  une  jeune  fille  de  20  ans. 
Dès  le  quatrième  jour,  il  y  eut  aggravation ,  fièvre, 
douleurs  à  la  tête  et  aux  membres,  puis  du  purpura  alba 
(nom  synonyme  d'éruption  miliaire);  l'éruption  fut  gé- 
nérale. Plus  tard,  paralysie  des  membres,  et  après  la 
desquamation  de  l'exanthème,  la  paralysie  se  convertit 
en  épilepsie  dont  souffrit  encore  long-temps  la  ma- 
lade. 


446  PATHOOÉNIB  ET  THERAPEUTIQUE. 

Obs.  VIII.  —  Il  y  a  environ  un  an  que  je  fua  mandé  pour  voir  un 

malade  dans  un  village  voisin.  C'était  un  homme  âgé  de  35  on  36  ans, 
qui  s'enivrait  tous  les  jours  de  vin  ou  de  liqueurs  spiritueuses.  On 
me  dit  qu'il  avait  été  attaqué  tout  à  coup  d'accidents  terribles,  et 
que  peut-être  serait-il  mort  lorsque  j'arriverais.  Je  fis  diligence  et 
effectivement  je  le  trouvai  presque  expirant. 

Il  avait  le  pouls  fréquent,  irrégulier,  faible  et  convulsif,  la  respi- 
ration laborieuse  et  entrecoupée  de  soupirs  ;  son  regard  était  fa- 
rouche ;  les  yeux,  qui  lui  sortaient  de  la  tète,  étaient  baignés  de  lar- 
mes si  acres,  qu'elles  avaient  enflammé,  corrodé  même  les  paupiè- 
res et  les  joues.  Les  muscles  du  visage  entraient  de  temps  en  temps 
en  convulsions  ;  la  voix  était  tremblante,  la  langue  sèche  et  les  lè- 
vres couvertes  de  petites  taches  noires.  Une  chaleur  brûlante  et  une 
soif  que  rien  ne  pouvait  calmer  dévoraient  ses  entrailles.  Le  ventre 
universellement  trés-tendu  et  douloureux,  laissait  involontairement 
échapper  des  matières  séreuses  et  si  caustiques,  que  le  malade  se 
plaignait,  lorsqu'elles  sortaient,  comme  si  un  fer  bridant  lui  brûlait 
l'anus.  Une  sueur  fétide  s'exhalait  de  tout  son  corps,  les  urines 
étaient  supprimées,  et  sa  raison  s'aliénait  de  temps  en  temps. 
Il  avait  avalé  2  gros  d'arsenic  blanc  dissous  dans  une  chopine 
d'eau  ;  il  me  dit  aussi  qu'il  en  avait  bien  vomi  la  moitié  sur-le- 
champ. 

L'huile,  les  bouillons  très-gras,  le  lait,  l'eau  de  graine  de  lin  fu- 
rent les  remèdes  que  je  mis  en  usage.  Il  en  prit  prodigieusement; 
cependant,  malgré  ces  secours,  le  mal  augmenta.  La  tète  se  perJit 
tout  à  fait;  les  mouvements  convulsifs  devinrent  universels;  les 
sueurs,  la  diarrhée  continuèrent;  le  ventre  se  gonfla  davantage;  de 
fréquentes  faiblesses  semblaient  annoncer  à  chaque  instant  la  mort 
du  malade  qui  paraissait  inévitable.  Mais  la  nature  préparait  dans 
ces  temps  orageux  une  crise  salutaire.  Après  que  ces  accidents  cu- 
rent continué  pendant  cinq  jours  avec  la  même  violence,  il  survint 
le  sixième  une  éruption  miliaire  univers.  Ile  et  abondante  qui  parut 
un  peu  le  calmer.  Le  pouls  devint  plus  régulier,  les  mouvements 
convulsifs  diminuèrent,  le  ventre  se  détendit,  la  langue  devint  moins 
aride,  la  transpiration  plus  libre  et  la  raison  moins  aliénée. 

Ou  me  manda  de  nouveau...  Je  prescrivis  une  potion  cordiale 
diuphorétique  tempérée.  Le  succès  fut  heureux;  le  malade  dormit 
un  peu,  l'éruption  et  les  sueurs  devinrent  plus  abondantes,  le  cours 
des  urines  se  rétablit.  Des  ulcères,  qui  vinrent  aux  deux  talons,  don- 
nèrent issue  à  des  matières  iehoreuses.  Le  ventre  continua  d'être  li- 


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DE  LACTION  DB  LARSEXIC  SUR  LA  PEAU.  447 

bre,  la  tête  se  remit  insensiblement.  L'éruption  se  renouvela  à  plu- 
sieurs reprises  pendant  quinze  jours,  et  cessa  enfin  pour  laisser  le 
corps  couvert  d'écaillés  farineuses.  Le  lait  que  le  malade  prit  en- 
suite avec  régime  acheva  de  le  guérir.  Il  ne  lui  est  resté  de  cet  ac- 
cident qu'un  tempérament  plus  faible  encore  qu'auparavant,  un 
tremblement  universel,  et  d'être  sujet  à  de  fréquentes  ophtbnlmies. 
(Guilbert.  Recueil  périodique,  1756.) 

J'ai  reproduit  en  entier  l'observation  de  Guilbert,  vu 
son  importance  historique  ;  elle  a  été  souvent  citée  et  a 
appelé  l'attention  sur  les  éruptions  miliaires  arsenicales, 
forme  éruptive  qui  traditionnellement  a  été  mise  davan- 
tage en  relief. 

Un  officier  de  cavalerie  fut  empoisonné  avec  de  l'ar- 
senic répandu  dans  une  soupe  d'épeautre;  il  guérit,  dit 
Bouteille,  par  les  secours  que  je  lui  administrai.  Mais 
pendant  sa  convalescence,  il  eut  au  visage,' sur  le  cou  et 
à  l'intérieur  de  favant-bras,  une  éruption  de  petites 
pustules  à  peu  près  semblables  aux  miliaires.  (Journal 
de  médecine*  1779.) 

Belloc  dit  que  l'éruption  miliaire  a  été  donnée  par 
Sallin  comme  particulière  à  l'arsenic.  Sallin  était  méde- 

- 

cin  du  roi  au  Chàtelet;  c'était  le  médecin  légiste  de 
l'époque;  il  lut  en  1778,  à  la  séance  publique  de  la  Fa- 
culté de  médecine,  un  long  mémoire  où,  parlant  des 
accidents  du  poison  ,  il  signale  une  éruption  à  la 
peau  (i). 

Un  homme  se  frotte  la  tète  avec  de  la  poudre  de  co- 
balt et  de  cévadille  pour  en  détruire  les  parasites.  Le 
lendemain,  la  téle  enfle;  puis  anasarque.  Parmi  les  ac- 
cidents notés,  éruption  miliaire  sur  les  mains;  il  en 
sortit  un  liquide  noir  et  brûlant.  Guérison  au  bout  de 

(I)  Cinq  ouvriers  s'empoisonnent  aveo  du  vin  mélangé  à  un  liniment 
arsenical.  Dès  le  second  jour,  il  survint  bientôt  une  démangeaison  in- 
commode qui  fut  suivie  de  l'éruption  de  petites  pustules  semblables  à 
celles  de  la  gale.  (Barrin.  Journal  de  médecine,  1783.) 


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448  PATHOGÈNIB  ET  THERAPEUTIQUE. 

quelques  jours.  (Nedermeyer,  Beitrage  zur  Nahtrgeschichte 
von  Moll;  Salzburg,  1787.) 

L'observation  suivante  de  Desgranges  a  été  souvent 
citée.  Il  s'agit  d'un  empoisonnement  externe  chez  une 
jeune  femme  de  chambre  qui  avait  eu  l'imprudence, 
pour  faire  passer  des  poux,  de  se  frotter  la  tête,  six  ou 
sept  jours  auparavant,  avec  de  la  pommade  chargée 
d'arsenic.  La  tête  était  très-saine  et  sans  entamure  quel- 
conque. Aussi  s'écoula-t-il  plusieurs  jours  avant  la  ma- 
nifestation des  funestes  effets  de  cette  application.  La 
malade  a  été  atteinte  des  douleurs  les  plus  cruelles, 
toute  la  tête  est  devenue  enflée,  les  oreilles,  doublées 
de  volume,  se  sont  couvertes  de  croûtes,  plusieurs 
places  à  la  tête  ont  participé  à  cet  état,  et  au  milieu  de 
ces  accidents  locaux  surviennent  les  accidents  généraux 
les  plus  graves.  Vers  le  huitième  ou  neuvième  jour, 
tout  le  corps  se  couvrit  d'une  éruption  considérable  de 
petits  boutons  ù  pointes  blanches  comme  du  millet,  sur- 
tout aux  mains  et  aux  pieds.  En  moins  de  quarante- 
huit  heures,  l'éruption  se  sécha  et  tomba  par  desqua- 
mation ;  tous  les  accidents  diminuèrent,  et  le  huitième 
jour,  à  partir  des  soins  médicaux,  la  malade  était  hors 
de  danger.  Dans  le  cours  de  la  convalescence,  les  che- 
veux sont  tombés.  {Recueil  périodique,  1799.) 

Un  père  frotte  la  tête  de  son  enfant  âgé  de  6  ans  avec 
de  l'huile  d'olive  chargée  d'arsenic;  c'était  pour  le  dé- 

■ 

barrasser  de  ses  poux.  L'opération  faite,  l'enfant  va  se 
coucher  joyeux  et  plein  de  santé.  Le  lendemain  matin, 
il  se  plaint  de  violente  céphalalgie;  les  vomissements 
sont  fréquents  et  tout  le  corps  est  enflé.  Le  Dr  Portulez, 
appelé  à  quatre  heures  du  soir,  trouve  l'enfant  agoni- 
sant ;  le  corps  était  extraordinairement  enflé  et  couvert 
de  vésicules  bleuâtres;  sueurs  froides,  légères  convul- 
sions à  la  figure;  impossibilité  d'avaler;  l'enfant  meurt 


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DE  L'ACTION  DE  L* ARSENIC  SUR  LA  PEAU.  4i9 

à  cinq  heures.  [Journal  de  médecine  de  Corvisart,  1803.) 

Thilenius  a  publié  dans  son  ouvrage  une  observation 
qui  a  les  plus  grands  rapports  avec  celle  de  Desgranges 
citée  plus  haut.  C'est  une  jeune  domestique  qui  se  lave 
la  tête  un  soir  avec  de  l'eau  de  cobalt  pour  paraître  plus 
belle  et  avoir  les  cheveux  lisses.  Le  lendemain  matin, 
elle  est  prise  de  bonne  heure  de  frissons  et  de  chaleur, 
et  obligée  de  garder  le  lit.  Quelques  heures  après,  érup- 
tion de  nombreuses  pustules  brûlantes  à  la  tête,  au  front 
et  au  cou.  Les  parents  crurent  que  c'était  la  rougeole; 
la  jeune  fille,  soit  ignorance,  soit  crainte  d'en  révéler  la 
cause,  supporta  cette  éruption  qui  envahit  le  visage  et 
la  poitrine  jusqu'au  neuvième  jour.  Thilenius  fut  alors 
appelé.  Le  visage  offrait  l'aspect  le  plus  horrible,  il  avait, 
doublé  de  diamètre  ;  on  voyait  à  peine  le  bout  du  nez, 
et  il  était  couvert  partout  de  croûtes  d'un  gris  noirâtre 
de  la  grandeur  d'un  pouce.  Les  deux  oreilles  et  les 
côtés  du  cou  étaient  presque  noirs  ;  un  liquide  fétide  en 
découlait;  tout  le  reste  du  corps,  de  la  tête  aux  pieds, 
était  criblé  de  millions  de  petites  pustules,  d'un  rouge 
.vif,  demi-transparentes  et  en  grande  partie  grisâtres  à 
leur  sommet.  On  n'aurait  pas  trouvé  sur  la  peau  une 
place  à  y  mettre  la  tête  d'une  épingle.  Pouls  extraordi- 
nairement  fréquent;  la  douleur  et  l'insomnie  avaient 
presque  déterminé  un  état  de  rage.  Application  de  di- 
vers remèdes;  l'enflure  tomba  au  bout  de  quatre  jours 
ainsi  que  les  croûtes.  Guérison  consécutive  sans  acci- 
dents ultérieurs.  (Medicin.  und  càirurg.  Remerkungen  ; 
Frankf.-um-Main,  1814,  p.  481.) 

Une  jeune  fille  s'empoisonne  volontairement  à  huit 
heures  du  soir.  Bientôt,  vomissements  violents  et  ré- 
pétés; le  lendemain  matin  à  quatre  heures  elle  se  trouve 
mieux  et  prend  du  café;  elle  éprouve  encore  des  dou- 
leurs d'entrailles  et  des  vertiges.  Deux  jours  après, 


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450  PATHOGÉNIE  ET  THÉRAPEUTIQUE. 

éruption  miliaire  à  la  peau,  surtout  au  ventre,  et  vési- 
cules sur  la  langue.  Rétablissement  en  quelques  jours. 
(Hohnbaum,  Hezkes  zeitchrift,  1821.) 

Le  Dr  Mitchell  a  publié  l'observation  d'un  individu 
qui  s'était  frotté  le  scrotum  et  les  aisselles  avec  du  savon 
noir  arsenical,  pour  détruire  des  poux  de  corps  ;  il  y 
eut  des  accidents  généraux  d'empoisonnement;  la  peau 
du  scrotum  se  dépouilla,  laissant  une  surface  enflée  et 
sanguinolente  [Médical  Times,  1853). 

Un  berger  avait  lavé  pendant  neuf  heures  de  suite 
ses  moutons  avec  une  solution  d'arsénite  de  potasse. 
Quatre  jours  après,  le  scrotum  était  couvert  d'un  eczéma 
rubrum  ;  il  y  avait  aussi  des  vésicules  sur  les  cuisses. 
{The  Lancet,  1857.) 

En  novembre  1857,  dit  Taylor,  je  fus  appelé  en  con- 
sultation auprès  d'un  malade  chez  lequel  une  fort  petite 
quantité  d'arsenic  administré  à  l'intérieur  avait  amené 
une  irritation  de  la  peau  avec  eczéma  généralisé.  La  dose 
n'avait  été  que  d'un  trentième  de  grain,  répétée  deux 
fois  par  jour;  il  n'avait  pris  en  tout  que  40  gouttes 
de  solution  de  Fowler,  c'est-à-dire  un  tiers  de  grain. 

On  peut  lire,  dans  mes  Études  sur  la  paralysie  arseni- 
cale^), la  longue  observation  de  mistr.  Wooler,  empoison- 
née par  son  mari  à  l'aide  de  lavements  répétés,  observa- 
tion publiée  parChrislison  [Edinb.  med.  Journal,  1856).  La 
maladie  arsenicale  fut  des  plus  graves  et  dura  depuis  le 
commencement  de  mai  jusqu'au  27  juin,  jour  du  décès. 
Le  13  juin,  la  face  et  les  bras  s'étaient  couverts  d'une 
éruption  qui  prit  graduellement  les  caractères  d'un 
eczéma. 

Le  Dr  Sistach  a  vu,  chez  trois  malades  traités  par 
l'arsenic  pour  fièvre  intermittente,  une  petite  éruption 

(1)  Gaxttti  médical*,  18*8. 


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- 


DE  L'ACTION  DE  L'ARSENIC  SUR  LA  PEAU.  451 

miliaire,  accompagnée  de  démangeaisons  plus  intenses 
la  nuit  que  le  jour  et  comparable  aux  piqûres  de  puces. 
L'éruption  s'est  montrée  du  septième  au  dixième  jour 
du  traitement  et  a  duré  de  cinq  à  huit  jours. 

Grave3  raconte,  dans  ses  Leçons  cliniques,  avoir  traité 
une  dame  pour  un  psoriasis  généralisé.  Arrivée  à  la  dose 
de  10  gouttes  de  liqueur  de  Fovvler  trois  fois  par  jour, 
elle  fut  prise  de  frissons,  de  phénomènes  fébriles,  et 
elle  eut  de  l'herpès  labialis. 

Kersten  a  vu  aussi  dans  un  cas  d'empoisonnement 
une  éruption  phlycténoïdo  autour  de  la  bouche  le  troi- 
sième jour;  plus  tard  il  y  eut  urticaire  par  tout  le 
corps. 

Dans  son  traité  sur  l'empoisonnement  (obs.  17) , 
Tardieu  cite  un  cas  d'intoxication  arsenicale  avec  mort 
au  bout  de  onze  jours;  les  troisième  et  quatrième  jours, 
il  y  eut  stomatite  et  inflammation  vésiculeuse  de  toute 
la  face  avec  démangeaison  vive. 

Grâces  aux  observations  de  Guilbert,  Sallin  et  Des- 
granges, les  éruptions  miliaires  ont  été  mentionnées 
plus  souvent  que  les  autres;  presque  tous  les  toxico- 
logistcs  en  ont  parlé. 

11  en  est  des  éruptions  vésiculeuses  comme  des  pré- 
cédentes :  elles  sont  positivement  arsenicales  et  se  ren- 
contrent dans  l'empoisonnement  interne  aussi  bien  que 
dans  l'externe,  apparaissant  dans  les  premiers  jours 
comme  plus  tard,  que  la  dose  ait  été  toxique  ou  médi- 
cinale. Ces  éruplions  se  produisent-elles  aussi  à  dose  infi- 
nitésimale? Déjà  le  fait  deTaylor  où  l'on  voit  un  eczéma 
généralisé  survenir  à  la  suite  de  doses  bien  minimes, 
est  un  commencement  de  démonstration;  mais  en  voici 
de  plus  concluantes  : 

H  ah  ne  man  n  a  noté  pour  son  compte,  par  conséquent 
à  dose  atténuée,  l'éruption  miliaire  (s.  818),  tout  en  ci- 


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452  PATHOOÉNIB  ET  THÉRAPEUTIQUE. 

tant  les  observations  de  Guilbert,  Hartmann  (1)  et  Des- 
granges.  On  pourrait,  à  la  rigueur,  y  rattacher  aussi 
les  symptômes  187,  188,  629,  816,  817,  où  le  g-enre 
d'éruption  est  mal  décrit.  Il  y  a  dix  ans,  j'ai  fait  à  ce 
sujet  des  expérimenls  avec  mes  élèves,  et  j'ai  obtenu  les 
plus  beaux  résultats.  Je  reproduis  ici  trois  observations 
importantes. 

Obs.  IX.  —  J'ai  commencé  à  prendre  de  l'arsenic  à  dose  minérale 
(un  cent-millionième  de  grain),  trois  fois  par  jour,  le  i,r  juillet 

Le  4  juillet,  mal  de  gorge  assez  fort.  M.  lmbert  constate  à  la 
base  de  chaque  pilier  une  aphttie  large  et  entourée  de  rougeur.  Il 
existe  aussi  de  la  rougeur  sur  le  pharynx.  Ce  mal  de  gorge  ne 
dure  que  quatre  ou  cinq  jours. 

Le  8  juillet,  et  ça  a  été  le  dernier  jour  de  l'expérimentation,  il  est 
survenu  sur  la  poitrine  une  éruption  qui  m'a  fait  horriblement 
souffrir.  Cette  éruption  a  commencé  par  de  petits  boutons  rouges 
qui  me  forçaient  à  me  gratter  jusqu'au  sang.  Le  9,  l'éruption  con- 
tinue toujours  ;  il  en  est  survenu  une  autre  sur  les  bras,  plus  dou- 
loureuse que  la  première,  ainsi  que  sur  le  dos  ;  les  bras  sont  cou- 
«•  verts  de  boutons.  Les  10  et  12  juillet,  les  élèves  de  mon  cours  ont 

contaté  avec  moi  l'étendue  de  l'éruption  papulo-vésicnleuse  dévelop- 
pée sur  M.  Tardieu.  Quoique  discrets,  les  boutons  couvraient  le 
tronc  et  les  membres  supérieurs.  La  nuit  du  samedi  au  dimanche 
13  juillet,  la  démangeaison  a  été  si  forte  que  mes  ongles  ne  me  suf- 
fisaient pas  à  me  soulager.  J'ai  été  obligé  de  me  lotionner  la  poi- 
trine et  les  bras  avec  du  vinaigre  pur  ;  les  jours  suivants,  l'éruption 
a  diminué  et  a  fini  par  disparaître.  (Tardieu,  élève  en  pharmacie.) 

Obs.  X. —  J'ai  commencé  le  -4  juillet  à  prendre  de  l'arsenic  à  dose 
minérale,  trois  fois  par  jour.  Aucun  symptôme  les  -4  et  5. 

Le  6  au  soir,  colique  vive  qui  m'oblige  à  prendre  une  potion 
éthérée  et  diacodée  ;  diarrhée  pendant  la  nuit,  quatre  selles.  Je  ne 
puis  m'expliquer  cette  diarrhée  autrement  que  par  l'arsenic. 

(!)  Au  symptôme  81 1,  on  lit  dans  la  dernière  pathogén/sie  de  Hahne- 
mann  :  éruption  d'une  miliuire  abondante,  rouge,  scorbutique  (Hart- 
mann, Dit*,  œthiops  antim.  et  arsenical is  ;  Halœ,  17îî9).  —  Je  n'ai  pas  pu 
me  procurer  otte  dissertution,  et  savoir  dans  quelle  circonstance  s'est 
produite  cette  éruption,  si  c'est  h  dose  toxique  ou  médicinale. 


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DE  L  ACTION  DE  l' ARSENIC  SUR  LA  PEAU.  453 

Le  7,  la  colique  a  disparu,  mais  il  reste  un  peu  Je  diarrhée  et  de 
douleur  avec  fatigue  et  brisement  des  membres. 

Le  8,  rien  ;  le  0.  démangeaisons  à  la  partie  interne  des  cuisses. 

Le  10,  les  démangeaisons  deviennent  plus  vives  et  se  localisent 
au  scrotum  du  côté  gauche,  ce  qui  attire  mon  attention.  En  m'exa- 
minant,  je  constate  une  rougeur  insolite  au  côté  gauche  seulement 
des  bourses  et  sur  la  partie  postérieure  de  la  verge  ;  la  chaleur  est 
très- vivo. 

La  nuit  du  10  au  11  est  très-pénible  ;  le  sentiment  de  cuisson  et 
de  démangeaison  est  tel  que  je  suis  forcé  de  m'appliquer  des  com- 
presses d'eau  froide  pendant  la  plus  grande  partie  de  la  nuit  ;  je  ne 
m'endors  un  peu  que  le  malin,  vers  quatre  heures. 

En  m'éveillant,  je  regarde  et  je  constate  l'éruption  de  vésicules 
très-petites,  occupant  toute  la  partie  rouge  du  scrotum.  Je  me  rends 
à  huit  heures  du  matin  chez  M.  Imbert  qui  me  conseille  de  cesser 
l'expérience  et  de  prendre  des  bains.  (M.  Tardit,  en  entrant  dans 
mon  cabinet,  paraissait  très-souffrant,  marchant  avec  difficulté.  Je 
constatai  en  effet  sur  lui  un  magnilique  exémasurle  côté  gauche  du 
scrotum.  Malgré  son  courage,  cet  intelligent  élève  était  très-ennuyé 
de  l'accident.) 

Les  jours  suivants,  l'eczéma  continua  sa  marche  ;  suintement 
léger,  puis  dessiccation.  Après  quatre  ou  cinq  jours,  la  démangeaison 
diminue  beaucoup,  et  tout  se  termine  au  bout  d'une  semaine.  (Tar- 
dit, élève  en  médecine.) 

Un  mois  auparavant,  M.  Tardit  avait  fait  une  autre 
expérience,  à  dose  infinitésimale  encore  plus  élevée. 
Voici  cette  observation  : 

Obs.  XL  —  Expérimentation  commencée  le  24  mai  ;  trois  doses 
par  jour  à  la  huitième  trituration  (un  dix  quadrillionième  de  grain). 

Le  26.  Après  la  première  dose,  céphalalgie  assez  vive  qui  va  en 
augmentant  d'intensité  toute  la  journée,  avec  un  sentiment  de 
construction  très-marquée  aux  tempes,  comme  si  j'étais  ivre. 

Le  27.  La  céphalalgie  cet  moins  vive,  mais  elle  persiste  toujours 
avec  les  mêmes  caractères  ;  elle  s'accompagne  aussi  de  raideur 
assez  marquée  dans  les  cuisses,  analogue  à  celle  qu'on  éprouve 
après  une  longue  marche.  Le  soir,  elle  gague  les  muscles  de  la  ré- 
gion postérieure  du  cou  ;  sentiment  de  fatigue  générale.  En  même 

TOME  XXXII.  —  DÉCEMBRE  1870.  30 


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454  PATHOGKME  KT  THKltAl'Kl JTIQCE. 

temps,  chaleur  incommode  dans  la  fosse  nasale  gauche,  accompagnée 
d'un  état  de  sécheresse  particulier  de  l'arrière -gorge. 

Le  29.  Je  constate  le  matin  une  éruption  de  petits  boutons  rou- 
ges, coniques,  très-rapproebés,  qui  occupent  toute  la  face  dorsale 
de  la  main  gauche,  puis  de  la  main  droite.  Elle  est  accompagnée 
de  quelques  démangeaisons  exagérées  par  les  frottements. 

Le  30.  L'éruption  plus  marquée  encore  s'étend  jusque  sur  les 
doigts  dont  elle  occupe  surtout  la  face  interne,  ainsi  que  la  face 
palmaire  de  la  main  ;  la  démangeaison  est  plus  vive  (1). 

Le  31.  L'éruption  commence  à  pâlir;  ce  jour-là,  M.  Imbert 
l'examine;  elle  présente  tous  les  caractères  d'une  miliaire  confluente. 
Le  soir,  je  cesse  l'expérimentation. 

Le -1  juin,  l'éruption  et  le  coryza  duraient  encore. 

J'ajouterai  comme  renseignements  que  je  n'ai  presque  jamais  mal 
à  la  tète.  D'un  autre  côté,  je  suis  très-sujet  au  coryza  et  aux  maux 
de  gorge,  ce  qui  diminue  d'autant  la  valeur  de  ces  symptômes;  les 
autres  me  semblent  tout  «à  fait  arsenicaux,  à  savoir  la  raideur  mus- 
laire,  la  perte  complète  d'appétit,  le  malaise  général  très-pénible  et 
l'éruption  miliaire.  (Tard i t.) 

Si  je  n'avais  pas  eu  déjà  une  foi  robuste  dans  la  réa- 
lité d'action  des  doses  infinitésimales,  ces  trois  expéri- 
ments  auraient  suffi  amplement  pour  me  la  donner. 
J'ai  publié  ces  observations  dans  mes  Éludes  sur  quelques 
symptômes  de  t  arsenic. 

Gomme  fait  curieux  d'action  palhogénitique,  il  faut 
citer  aussi  le  zona  arsenical.  Voici  les  faits  qui  le  dé- 
montrent. 

Hunt  donne  l'observation  d'un  individu  âg*é  de 
59  ans,  atteint  depuis  longues  années  de  prurigo  podich 
qui  lui  faisait  passer  de  cruelles  nuits  à  raison  des  dé- 
mangeaisons. Le  malade  est  mis  à  la  teinture  de  Fowler 

(1)  Cette  éruption  a  beaucoup  de  rapport  avec  le  symptôme  818,  le 
seul  où  lltihuemann  ait  décrit  positivement  l'éruption  miliaire  dans  ses 
expérimenta  pcrsonnncls:  au  milieu  d'un  prurit  brûlant,  semblable  à  celui 
des  piqûres  des  cousins ,  survint  une  éruption  aux  mains,  entre  les 
doigts,  cl  au  bas-ventre,  de  petits  boutons  pointus  et  blancs,  dont  le  som- 
mât contient  un  liquide. 


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DE  L'ACTION  DE  LARSENIC  SUR  LA  PEAU.  455 

à  la  dose  de  5  gouttes,  trois  fois  par  jour,  à  prendre 
immédiatement  après  les  repas.  Au  bout  d'un  mois,  il  y 
avait  amélioration  progressive;  les  démangeaisons  noc- 
turnes avaient  cessé  depuis  cinq  nuits,  lorsqu'il  survient 
un  spasme  sur  les  muscles  intercostaux  du  côté  gauche, 
suivi  d'une  éruption  pustuleuse  sur  l'endroit  douloureux 
qui  oblig*e  de  suspendre  l'arsenic.  Quoique  l'auteur 
parle  d'éruption  pustuleuse  et  non  vésiculeuse,  on  est 
naturellement  porté  à  voir  ici  une  attaque  de  zona.  L'é- 
ruption disparut  dans  un  septénaire.  Dans  un  autre 
cas  de  porrigo  decafvans,  traité  par  le  chlorure  d'arsenic, 
l'auteur  note  l'apparition  d'un  herpès  zoster. 

Hutchinson  [Med.  Times,  1838)  a  vu  si  fréquemment 
l'herpès  zoster  survenir  après  l'usage  interne  de  l'arse- 
nic, que  pour  lui  il  ne  peut  pas  être  question  ici  d'une 
simple  coïncidence.  Il  cite  sept  observations  de  psoriasis, 
d'eczéma,  etc.,  traités  arsenicalement,  dans  lesquelles  il 
a  vu  se  produire  le  zona,  tantôt  peu  de  jours  après, 
tantôt  après  un  traitement  de  plusieurs  mois.  Dans  tous 
ces  cas,  l'herpès  a  été  de  courte  durée. 

J'ajoute,  pour  la  g-ouverne  de  ceux  qui  seraient  tentés 
de  mettre  ces  faits  au  compte  des  rêveries  hornœopa- 
thiques,  que  les  deux  médecins  anglais  n'appartiennent 
nullement  à  l'école  hahnemannienne,  et  que  ce  sont  deux 
allopathes  fort  disting-ués. 

Imbert-Gourbeyre. 

—  La  suite  prochainement.  — 


456 


MÉDECINE  l'UATIQUE. 


MÉDECINE  PRATiOUE 


CAUSERIES  CLINIQUES 

TOME  II 

XI 

TRAITEMENT  DE  LA  DIPHTHERIE  (i). 
—  Suite  et  fin.  — 

XLIV.  Plumbum  et  plumbum  iodatum.  —  En  1869,  le 
Dr  Schuessler,  d'Oldenbourg*,  avait  recommandé  plum- 
bum contre  la  diphthérie,  recommandation  justifiée  par 
quelques  cures  (voy.  art.  XI,  §  xxx).  Mais  ce  remède  lui 
ayant  parfois  procuré  des  insuccès  et  ces  insuccès  seu- 
lement dans  les  cas  très-graves  de  la  forme  croupale,  il 
s'est  décidé  à  modifier  cette  année  (1870)  sa  prescrip- 
tion en  administrant  plumbum  iodatum  de  la  9*  à  la 
12e  dilution.  Depuis  lors,  écrit-il,  grâce  à  ce  double 
traitement»  il  n'a  pas  perdu  un  seul  malade  de  la  diph- 
thérie, bien  qu'il  en  ait  eu  à  soigner  une  centaine  en- 
viron, gravement  atteints  de  cette  maladie.  —  Attg. 
Hom.  zeit.y  t.  LXXX,  p.  145,  numéro  du  9  mai  1870. 

Le  Dr  Schuessler  ne  dit  pas  très-explicitement  s'il  em- 
ploie simultanément,  alternativement  ou  isolément  les 
deux  remèdes  précités.  Mais  il  est  à  présumer  que, 
ayant  vu  échouer  plumbum  seulement  dans  la  forme 
croupale,  il  n'administre  plus  que  plumbum  iodatum 
contre  le  croup. 

Notre  confrère  d'Oldenbourg  ne  relate  pas  un  seul 
des  cent  cas  de  diphthérie  qu'il  a  récemment  traités,  et 

(!)  Voir  l.  XXXI,  pages  44,  119,  186,  407. 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  457 

ne  dit  pas  à  quelles  formes  de  cette  maladie  ils  appar- 
tenaient. On  ne  peut  que  présumer,  je  le  répète,  qu'il  a 
donné  avec  succès  plumbum  iodatum  dans  le  croup. 

Cyanure  de  mercure,  —  Plus  haut  (§  xxxvi)  j'ai  déjà 
parlé  de  ce  médicament.  Mais  j'y  reviens,  pour  mieux 
préciser  son  indication,  et  cela,  à  propos  d'une  épidé- 
mie de  diphthérie  relatée  dans  Y  Art  médical  (XXXI, 
288-97).  Cette  épidémie,  qui  a  sévi  à  Saint-Romans  et  à 
Saint-Jean-en-Royan  (Isère),  a  été  fort  grave  puisque, 
dans  le  second  village,  il  y  a  eu  32  morts  sur  40  malades, 
dont  30  avaient  été  soignés  par  des  médecins  allo- 
pathes. 

A  Saint-Romans,  28  cas  ont  été  traités,  tous  avec  suc- 
cès par  l'homœopathie  :  14,  qui  le  furent  dès  le  début, 
revêtirent,  probablement  à  cause  de  cela,  la  forme  bé- 
nigne ou  la  forme  commune.  Parmi  les  14  autres,  il  y 
eut  1  cas  de  forme  putride  (p.  294),  1  cas  de  forme 
ataxique  et  12  cas  (p.  290-3),  chez  lesquels  coexistaient 
certains  caractères  de  la  forme  croupale  (aphonie,  siffle* 
ment  laryngo-trachéal,  accès  de  suffocation)  et  de  la 
forme  putride  (salivation  incessante,  diphthérie  des 
fosses  nasales).  Ces  derniers  traits  expliqueraient  la  gué- 
rison  de  ces  12  derniers  malades  par  le  cyanure  de  mer- 
curc,  qui  a  déjà  guéri  plusieurs  fois  la  forme  putride  et 
pas  encore,  d'après  les  observations  publiées,  la  forme 
franchement  croupale. 

Lesespèces  morbides,  étantseulementdes  modes  d'être 
de  l'homme  malade,  ne  sont  des  espèces  que  par  analogie; 
aussi  ne  sont-elles  pas  aussi  délimitées  et  distinctes  que 
les  espèces  zoologiques,  par  exemple.  De  môme  que  les 
espèces  morbides ,  les  formes  de  chaque  maladie  ne 
sont  pas  toujours  parfaitement  distinctes  entre  elles. 
Elles  revêtent  alors  un  caractère  mixle.  comme  chez  les 


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458  MÉDECINE  PRATIQUE. 

12  diphthériliques  précités.  Quand  on  veut  préciser  les 
indications  d'un  médicament,  il  faut  toujours  avoir  pré- 
sentes à  l'esprit  ces  considérations  nosologiques  ;  et  l'on 
se  rappellera  alo  s,  pour  l'appliquer,  l'axiome  deBuffon  : 
«  Distinguer  beaucoup,  c'est  savoir  beaucoup.  » 

Ajoutons,  pour  compléter  la  relation  de  l'épidémie  de 
Saint-Romans,  que  les  diphthériliques  avaient  été  vaine- 
ment traités  par  les  dilutions  de  spongia,  bromum  et  larla- 
rw.î,  avant  d'être  guéris  par  le  cyanure  de  mercure.  En  ré- 
sumé, ce  remède  aura,  dans  ce  village,  produit  la  cure  de  : 

14  cas  de  forme  bénigne  ou  commune  ; 
1       —  alaxique  ; 

1       —  putride  ; 

12       —  forme  mixte,  putride  et  croupale. 

Dans  le  cours  de  cette  épidémie  de  diphthérie,  on  eut 
lieu  de  remarquer  : 

1°  La  mortalité  considérable  des  malades  traités  par 
l'allopathie,  en  regard  des  succès  constants  de  l'homœo- 
pathie; 

2°  La  bénignité  très-marquée  des  cas  traités,  dès  le 
début,  par  l'homœopathie; 

3°  Le  retour  >u  la  recrudescence  des  symptômes  gra- 
ves, quand  on  suspendait  le  traitement  homœopathique 
avant  la  dispari  il  n  complète  de  la  maladie. 

C'est  là  un  tri;>!e  enseignement  que  n'oublieront  cer- 
tainement pas  les  médecins  dignes  de  ce  nom. 

XLVI.  Th><ja.  —  Le  Dr  Heinrich,  de  Naumburg,  a  vu 
thuja  30*  guérir  deux  cas  de  paralysie  consécutive  à  la 
diphthérie  :  une  paralysie  de  la  face  et  une  paralysie  de 
la  parole.  Chez  les  deux  malades,  on  n'avait  administré 
qu'une  seule  dose  de  ce  médicament ,  ce  qui  prouverait 
sa  grande  homœopalhicité  en  pareille  oceurence.  {A!hj. 
Ihm.  z'ihmj.  t.  I  p.  \?>\ 


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CAUSERIES  CLINigL'KS.  4  V 

Si,  en  même  temps  que  ces  deux  faits,  on  se  rappelle 
les  très  -  nombreuses  cures  de  névralgies  par  thuja  et 
particulièrement  le  cas  de  Bœnninghauscn,  guérissant 
avec  une  seule  dose  de  thuja  200e,  une  névralgie  de  la 
tête,  vainement  traitée  pendant  onze  an»  par  divers 
médecins  homœopathes,  on  sera  porté  à  prescrire  plus 
souvent  ce  remède  contre  les  affections  des  nerfs  sensi- 
tifs  et  moteurs  même. 

XLVII.  Strychnine.  —  Paralysie  diphthéritique  exis- 
tant depuis  cinq  semaines  chez  une  jeune  fille  et  occu- 
pant les  muscles  de  la  déglutition,  des  yeux,  des  cordes 
vocales  et  une  grande  partie  du  corps,  surtout  la  moitié 
supérieure;  voile  du  palais  pendant,  luette  déviée  à  gau- 
che; l'épiglotte  constamment  relevée;  anesthésie  de  la 
muqueuse  pharyngienne  ;  une  sonde  pénétrant  dans  la 
glotte  provoque  la  toux.  Les  muscles  réagissent  très- 
faiblement  sous  l'influence  des  courants  électriques. 
Pendant  dix  jours,  la  malade  fut  nourrie  à  l'aide  d'une 
sonde  œsophagienne,  et  chaque  jour  on  lui  fit  une  in- 
jection sous-cutanée  contenant  1/1  à  1/2  grain  de 
strychnine.  Au  bout  d'un  mois,  l'œsophage,  le  pharynx 
et  le  voile  du  palais  étaient  revenus  à  leur  état  normal, 
grâce  à  l'injection  sous-cutanée  de  27  centigrammes  de 
strychnine.  La  malade  pouvait  marcher,  étant  soutenue, 
mais  il  lui  était  encore  impossible  de  mouvoir  les  bras 
comme  à  l'état  normal.  21  centigrammes  de strychnin> \ 
administrés  de  la  même  manière,  achevèrent  de  la  -  i  - 
rir  complètement.  —  Dr  Leube,  d'Erlangen.  —  Ally. 
Hom.  zeit.,  t.  LXXXI.  Monatsblatt,  p.  9. 

XLVIII.  Belladona.  Chez  un  enfant  de  3  ans  et  demi, 
atteint  de  diphthérie  et  traité  d'abord  par  merc.  soîuh.  30e, 
ensuite  par  hnjonh  0°  et  ijwa  V  a!'  \        enfin  par  bro- 


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460  MÉDECINE  PRATIQUE. 

mum2\  il  survint  une  paralysie  de  la  6*  paire.  Celle-ci, 
après  l'insuccès  de  pliosphorus  30%  fut  guérie  par  ôella- 
dona  30* . 

Dr  Cliancerel,  Bulletin  hom.,  1864,  t.  V,  p.  449. 

J'ai  connu  une  dame  chez  laquelle  la  paralysie  du 
releveur  de  la  paupière  de  l'œil  gauche  fut  guérie  par 
belladona  100e,  après  quelques  symptômes  d'aggravation. 
Cette  paralysie,  qui  n'était  pas  de  nature  diphlhéritique, 
était  survenue,  je  crois,  après  un  refroidissement. 

XLIX.  Bhus  6e  et  3\ 
Nuxvomica  100e,  12'  et  3e. 
Lachesis  12e  et  4e. 

L'emploi  successif  de  ces  trois  remèdes  guérit  en  trois 
mois  une  paralysie  diphthéritique  du  voile  du  palais 
avec  nasonnement  et  une  paralysie  des  bras  et  des 
jambes. 

Dr  Ozanam,  Bulletin  hom.,  1860,  t.  1",  p.  269. 

L.  Phosphorus.  —  Le  18  avril  1870,  à  la  suite  d'une 
angine  peu  grave,  paraît-il,  un  jeune  homme  de  2o  ans 
est  atteint  d'une  paralysie  du  pharynx  :  il  avale  difficile- 
ment, parle  aussi  difficilement  et  seulement  du  nez  ;  il 
respire  du  nez. 

Le  5  mai,  je  lui  fais  prendre  phosphorus  3%  40  fois  en 
dix  jours  et,  après  trois  jours  d'intervalle,  arsenic  30* 
aussi  40  fois  en  dix  jours.  Deux  ou  trois  jours  seulement 
après  avoir  commencé  à  prendre  phosphorus,  la  déglu- 
tition et  la  parole  reviennent  à  l'état  normal, 

Le  8  juin,  apparaît  une  légère  paralysie  des  bras  et 
des  jambes,  contre  laquelle  je  prescris  inutilement  nux 
vomica  12%  puis  sulfure  de  carbone  6'. 

Le  30,  la  paralysie  ayant  augmnté,  je  prescris  phns- 
phorus  3e,  à  prendre  80  fuis  en  vingt  jours,  .le  n'ai  pas 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  461 

revu  le  malade,  et  je  n'ai  pas  encre  pu  savoir  s'il  avait 
été  guéri  par  ce  remède,  qui  avait  si  bien  réussi  au  dé- 
but contre  la  première  paralysie. 

LI.  Trachéotomie. — L'idée  de  supprimer  toute  médi- 
c  ilion  dans  le  croup  et,  par  conséquent,  d'opérer,  dès  le 
d 'but,  le  malade  vierge  de  tout  traitement,  celte  idée, 
qui  avait  passionné  le  chirurgien  Louis  et  rendu  Caron 
ridicule,  a  de  même  égaré  quelques  médecins  de  nos 
jours,  particulièrement  Trousseau  et  ses  élèves  (voy. 
Y  Art  médical,  IX,  12  et  387).  Mais  depuis  on  est  bien 
revenu  de  cet  engouement.  Il  s'agit  donc  de  rechercher 
les  indications  et  les  contre-indications  de  la  trachéoto- 
mie, qui  a  guéri,  tantôt  6  malades  sur  7,  tantôt  t  sur  6, 
d'autres  foisseulement3  sur 42  (hôpital  Sainte-Eugénie, 
18S9). 

Quelques  médecins  ont  conseillé  de  pratiquer  cette 
opération  à  la  première  période,  la  plupart  à  la  deuxième 
ou  troisième  période  de  la  maladie.  Mais,  comme  les 
praticiens  fixent  arbitrairement  et,  par  conséquent, 
d'une  façon  différente  le  début  de  chaque  période,  il  faut 
renoncer  à  cette  division  artificielle  pour  préciser  le  mo- 
ment opportun  d'opérer. 

La  trachéotomie  ne  doit  pas  être  dirigée  contre  la 
maladie,  mais  contre  un  accident  de  celte  maladie,  la 
suffocation.  Il  faut  donc  pratiquer  cette  opération,  quand 
les  accès  de  suffocation,  croissant  d'une  manière  inces- 
sante, ne  sont  nullement  modifiés  par  le  traitement  et 
font  prévoir  une  mort  prochaine. 

La  trachéotomie  répond  à  une  indication  positive,  à 
l'asphyxie  déterminée  par  un  obstacle  mécanique  au 
passage  de  l'air  à  travers  la  glotte  :  asphyxie  manifestée 
par  '!<  iix  signes  :  les  accès  de  suffocation  cl  le  sifilemeiil 
laryngo-lrachéal.  Quand  donc  les  accès  de  ^ulfoealion  se 


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402  MÉDECINE  PRATIQUE. 

rapprocheront  et  que  le  sifflement  laryngo -tracbéal  de- 
viendra plus  intense,  il  faudra,  si  les  premiers  signes  de 
l'asphyxie  apparaissent,  il  faudra  pratiquer  la  trachéo- 
tomie, quelle  que  soit  la  période  de  la  maladie. 

Cette  opération  est  contre-indiquée  dans  la  forme  pu- 
tride oudiphthérie  généralisée.  Elle  doit  être  tentée  ha- 
bituellement dans  la  forme  croupale,  quelquefois  dans 
la  forme  ataxique,  car  on  ne  sait  pas  toujours  si  l'as- 
phyxie tient  à  une  paralysie  ou  bien  à  un  obstacle  mé- 
canique. On  doit  tenter  cette  opération,  môme  à  la  der- 
nière extrémité,  chez  des  malades  que  l'on  ressuscite 
pour  ainsi  dire,  et  à  tout  âge,  quoique  les  succès  soient 
rares  chez  les  enfants  au-dessous  de  3  ans. 

Le  procédé  le  plus  simple  pour  pratiquer  la  trachéo- 
tomie, c'est  de  faire,  à  l'exemple  du  Dr  Du  Planty  (voy. 
Bulletin  hom.,  1869,  t.  XI,  p.  97),  la  ponction  de  la  tra- 
chée à  l'aide  d'un  trocart  de  forme  et  de  volume  appro- 
priés à  ce  but.  On  évite  ainsi  une  difficulté,  l'introduc- 
tion de  la  canule  qui  peut  s'égarer  dans  les  tissus.  A  ce 
trocart,  il  faudrait  adapter  une  double  canule  pour  évi- 
ter les  dangers  d'un  seul  tube  que  peuvent  encombrer 
les  fausses  membranes  et  les  autres  matières  expecto- 
rées. S  il  n'y  a  pas  une  double  canule,  on  est  obligé  de 
retirer  le  trocart  pour  le  nettoyer,  puis  de  le  réintro- 
duire fréquemment,  ce  qui  oflre  des  inconvénients  puur 
le  malade  et  pour  le  médecin. 

On  a  reproché  au  procédé  de  la  ponction  de  refouler 
la  trachée  et  par  conséquent  de  ne  point  perforer  rapi- 
dement la  paroi  antérieure,  qui  est  peu  résistante,  chez 
les  petits  enfants  surtout.  Dans  ce  cas,  on  fait  la  trachéo- 
tomie, suivant  la  méthode  ordinaire  ainsi  décrite  dans 
la  Médecine  pratique  du  Dr  Jousset,  I,  298. 

«  Une  incision,  partant  du  cartilage  cricoïde  et  arri- 
vant presque  au  bord  supérieur  du  sternum,  est  prali- 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  463 

quée  à  la  peau.  On  divise  successivement  les  tissus, 
couche  par  couche,  en  évitant  de  couper  les  vaisseaux, 
et  on  arrive  ainsi  sur  la  trachée.  S'il  survient  alors  une 
lïémorrhagie,  on  la  supprime  en  liant  ou  tordant  les 
petits  vaisseaux  divisés.  On  pénètre  dans  la  trachée 
avec  un  bistouri  pointu,  on  divise  deux  ou  trois  cerceaux 
cartilagineux,  on  remplace  le  bistouri  par  le  dilatateur 
qui  sert  à  introduire  la  double  canule  :  c'est  le  temps 
difficile  de  l'opération.  Pour  prévenir  cette  difficulté,  on 
pourrait  armer  la  canule  d'une  sonde  en  gomme  élas- 
tique dépassant  la  canule  et  facilitant,  dès  lors,  l'intro- 
duction de  celle-ci  dans  la  plaie  de  la  trachée. 

«La  canule,  munie  de  deux  oreilles  ou  d'un  rebord, 
est  fixée  à  l'aide  d'un  ruban  autour  du  cou  du  malade. 
Une  rondelle  de  caoutchouc,  passée  préalablement  sous 
les  oreilles  de  la  canule,'  protège  la  plaie  contre  le  con- 
tact métallique.  Immédiatement  après  l'opération,  des 
mucosités  et  du  sang*  s'échappent  de  la  canule,  puis, 
après  cet  orage,  la  respiration  devient  calme  et  sans 
bruit.  On  recouvre  alors  l'ouverture  d'une  gaze  claire 
et  on  entretient,  à  l'aide  d'un  vase  plein  d'eau  bouil- 
lante, une  légère  humidité  dans  l'atmosphère. 

«  La  canule  doit  être  nettovée,  en  retirant  la  canule 
intérieure,  toutes  les  Ibis  qu'il  se  produit  des  bruits  in- 
tenses pendant  la  respiration.  Si  les  accès  de  suffocation 
reparaissent,  il  faut  retirer  la  canule  tout  entière  et 
maintenir  la  plaie  béante  à  l'aide  du  dilatateur,  pour  fa- 
voriser l'expulsion  de  l'obstacle  qui  s'oppose  au  libre 
passage  de  l'air.  Autrement,  on  ne  retire  la  canule  pour 
faire  le  premier  pansement  que  le  troisième  jour  après 
l'opération. 

«  Il  faut  savoir  que  les  accès  de  suffocation  et  l'as- 
phyxie peuvent  revenir,  quoiqu'il  n'y  ait  pas  d'obstacle 
mécanique  au  pass.oge  de  l'air.  Dans  ce  cas,  il  survient 


464  MÉDECINE  PRATIQUE. 

soit  une  bronchite  pseudo-membraneuse,  soit  une  para- 
lysie du  diaphragme. 

«  On  retire  définitivement  la  canule  du  sixième  au 
dixième  jour.  On  commence  par  la  retirer  durant  quel- 
ques heures,  et  on  ne  l'enlève  définitivement  que  lors- 
que les  malades  respirent  suffisamment  par  le  larynx. 
Chez  quelques-uns  d'entre  eux,  l'obstruction  du  larynx 
persiste  pendant  quinze  jours,  trois  semaines  et  plus,  et 
par  conséquent  on  est  obligé,  dans  ces  cas,  de  laisser  la 
canule  pendant  tout  ce  temps.  » 

LU.  Je  vais  maintenant  récapituler  toutes  les  observa- 
tions cliniques  précitées,  et  les  répartir  dans  les  formes 
de  la  diphthérie  auxquelles  elles  appartiennent.  Le  lec- 
teur aura,  dès  lors,  sous  les  yeux,  un  tableau  synopti- 
que lui  montrant  les  remèdes  qui  ont  le  plus  souvent 
réussi  contre  telle  on  telle  forme. 

Forme  bénigne. 

2  cas  guéris  par  l'emploi  de  la  glace. 
!0         —  le  brome. 

4  —  bromure   de  potassium  de  0,25  à 

1  gramme. 

10  consécutifs  à  la  scarlatine,  cyanure  de  mercure  6e. 

Forme  commune. 
2  cas  guéris  par  l'insufflation  de  lïeur  de  soufre. 


2  —         le  copahu  et  le  cubèbe. 

3  —         bromure  de  potassium. 

7  —  brome. 

8  —  .  cyanure  de  mercure. 

Forme  putride. 


1  cas  guéri  par  l'emploi  de  la  ylme. 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  4ft3 

1  cas  guéri  par  lachesis,  après  l'insuccès  de  mercurius 


et  du  bromure  de  mercure, 
1         —        plumbum  30e. 

1  —        bromure  de  potassium,  75  centigram- 

mes. 

2  —        l'eau  bromèe. 

5         —        apis  3*  et  des  lotions  sur  les  fausses 

membranes  avec  de  l'eau  alcoolisée. 
5         —        cyanure  de  mercure  6e. 


12  cas  de  forme  mixte,  putride  et  croupale,  guéris  par 
le  cyanure  de  mercure  3*. 
1  cas  de  diphthérie  chronique  des  bronches  guéri  par 
bryonia  6e. 

Je  cite  brièvement  ci-après  quatre  cas  de  forme  pu- 
tride qui  ont  été  guéris,  chacun  à  l'aide  de  plusieurs 
remèdes  : 

1  guéri  par  merc.  iod.  3e  et  belladona  3.  alternés,  gar- 
garisme avec  l'eau  bromée  et  plus  tard  hali  chloricum  3e. 

Dr  Bayes,  Bulletin  hom.,  1861,  t.  II,  p.  611. 

1  guéri  par  nitri  acid.  1 r*  et  belladona  2e  alternés,  puis  par 
l'emploi  de  vin  de  Porto  et  d'eau-de-vie  contre  la  défail- 
lance et  le  refroidissement  général,  et  enfin  par  le  gar- 
garisme avec  chlorate  de  potasse  20  grains,  eau  8  on- 
ces, 

ld.,  id.,  p.  613. 

1  par  belladona  2"  décimale  et  merc.  solubilis  3e  tritur. 
décimale,  puis  par  arsenic  3*  et  mercurius  alternés. 

DrW.  Morgan,  Bulletin  hom.,  1861,  t.  II,  p.  181. 

1  par  belladona  2e,  dilution  décimale  et  mercur.  solubilis 
3*  trit.  déc,  et  toutes  les  trois  heures,  les  fausses  mem- 
branes touchées  avec  Vai  ide  chtor/iydrique  étendu  d'eau. 

Dans  ces  deux  derniers  cas,  les  malades  avaient  le 
cou  entouré  d'épongés  imbibées  d'eau  chaude. 

7</.,î</.,p.  317. 


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l'*>r>  MEDECINE  PRATIQUE. 

Forme  croupale. 

6  cas  traités  par  l'injection  d'eau  de  chaux  dans  les 
bronches,  1  guérison  et  5  morts. 

1  croup  d'emblée,  guéri  par  bryonia  3". 

2  cas  guéris  par  le  polysulfurede  potassium  ;  0,10  dans 
90  grammes  d'émulsion  d'amandes. 

72  cas  traités  par  l'eau  de  la  source  Adélaïde,  43  gué- 
risons  et  39  morts. 

13  cas  traités  par  le  brome,  6  guérisons  e^  7  morts. 

139  cas  traités  par  le  tartre  stiôié  à  doses  massives 
moyennes,  94  guérisons  et  45  morts. 

1  cas  traité  par  le  cyanure  de  mercure  3%  1  mort. 

12  cas  de  Corme  mixte,  putride  et  croupale,  guéris  par 
le  cijanure  de  mercure  3'. 

Forme  ataxique. 

1  cas  guéri  par  plumbum  30e. 

3  traités  par  le  cyanure  de  mercure  6«,  1  mort,  2  gué- 
risons. 

H  cas,  présentant  le  type  intermittent,  guéris  par  le 

sulfate  de  ijuiniw  à  dose  massive. 

Paralysies  dp  ht  hé  ri  tiques. 

2  cas  guéris  par  thuja  30e  :  une  paralysie  de  la  face 
et  une  paralysie  de  la  parole. 

1  cas  guéri  par  la  strychnine,  48  centigrammes  en 
injection  sous  cutanée  :  paralysie  des  muscles  de  la 
déglutition,  des  yeux,  des  cordes  vocales,  du  voile  du 
palais,  de  la  luette,  de  l'épiglotte  et  paralysie  incomplète 
des  quatre  membres. 

1  cas  guéri  par  belladona  30e  après  l'insuccès  de  phos- 
phorus  30e  :  paralysie  de  la  6°  paire. 

1  cas  guéri  en  trois  mois  par  l'emploi  successif  de  rhxa 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  467 

(>  cl  .y,  nue  oomka  101e,  12e  et  3%  toc/a*/*  12e  et  i°  :  pa- 
ralysie du  voile  du  palais  avec  nasonnement,  paralysie 
des  bras  et  des  jambes. 

1  cas  guéri  par  phosphorus  3'  :  paralysie  complète  de 
la  déglutition,  du  pharynx,  du  voile  du  palais. 

CONCLUSION. 

LUI.  En  voyant,  dans  le  tableau  synoptique  précé- 
dent, soit  le  même  remède  guérir  plusieurs  formes  de 
Jadiphthérie,  soit  la  même  forme  de  la  diphlhérie  gué- 
rie, tantôt  par  un  médicament,  tantôt  par  un  autre, 
le  lecteur  quelque  peu  sceptique  doit  être  porté  à  croire 
que  la  maladie  a  été,  en  pareil  cas,  guérie,  non  par  le 
traitement,  mais  malgré  celui-ci,  dès  lors  sans  action 
pour  le  bien  et  pour  le  mal. 

D'autre  part,  les  praticiens  les  plus  enthousiastes  de 
tel  ou  tel  remède  ne  peuvent  prouver  que  tous  les  cas 
heureux  traités  par  ce  médicament  out  été  guéris  grâce 
à  lui. 

Gomment  donc  concilier  ces  opinions  si  opposées  des 
médecins  enthousiastes  et  des  praticiens  sceptiques  ? 
En  rappelant  la  proposition  suivante  de  J-.l\  fessier  : 
«  Ne  sont  curables  par  un  traitement  que  les  maladies  of- 
frandes exemples  de  guérison  spontanée.»  A  titre  de 
corollaire,  on  peut  en  dire  autant  des  formes  de  chaque 
espèce  morbide. 

Puisque  l'organisme  vivant  aune  tendance  à  la  gué- 
rison qu'il  peut  quelquefois  réaliser  par  ses  propres 
forces,  on  peut  aider  celle-ci  par  un  médicament.  Ainsi 
s'expliquerait  la  cure  d'une  même  forme  de  la  diphlhérie 
guérie,  tantôt  par  un  remède,  tantôt  par  un  autre, 
agissant  dans  le  sens  de  la  nature  médiatrice.  —  Quo 
vergit  7iatura,  eo  ducendum. 


163  MÉDECINE  PRATIQUE. 

On  peut  encore  donner  une  autre  explication  de  pa- 
reilles cures,  explication  qu'admettront  certainement 
les  homœopathes.  Chaque  forme  pouvant  revêtir  diver- 
ses variétés  en  rapport  avec  les  idiosyncrasies  indivi- 
duelles, chacune  d'elles  réclame,  d'après  la  loi  des 
semblahles,  un  remède  différent. 

Un  remède  guérit-il  un  seul  cas  d'une  maladie,  on 
peut  douter  de  son  efficacité  et  croire  à  une  coïncidence 
heureuse. 

Mais,  si  un  médicament  réussit,  par  exemple,  dans 
plusieurs  cas  des  formes  graves  de  la  diplithérie,  qui  ne 
guérissent  toutes  seules  qu'exceptionnellement,  on  doit 
présumer,  suivant  une  lég-itime  probabilité,  que  la  gué- 
rison  est  due  à  ce  remède.  Il  sera  donc  indiqué  dès  lors 
dans  des  cas  analogues.  Aussi  peut-on  justement  pré- 
coniser le  brome,  le  cyanure  de  mercure,  le  tartre  stibic, 
Yapis,  qui  ont  guéri  assez  fréquemment  des  formes 
graves  de  la  diplithérie. 

En  résumé,  les  observations  publiées  jusqu'ici  nous 
autorisent  à  émettre  les  conclusions  suivantes  : 

Le  brome  est  indiqué,  quelquefois  dans  la  forme  pu- 
tride, habituellement  dans  les  formes  bénigne,  com- 
mune et  croupale.  Dans  cette  dernière  forme,  on  peut 
augmenter  l'efficacité  de  ce  remède  en  le  vaporisant  dans 
la  chambre  du  malade,  ou  bien  en  pratiquant  des  inha- 
lations directes.  Le  bromure  de  potassium  a  des  indications 
analogues  qu'on  n'a  pas  encore  pu  différencier.  (Yoy. 
S  XXXIX,  XL  et  XLI.1 

Le  cyanure  de  mercure  est  indiqué  surtout  dans  la 
forme  putride,  habituellement  dans  les  formes  bénigne 
et  commune,  rarement  dans  la  forme  ataxiqueet  même 
dans  les  cas  de  forme  croupale  présentant  simultané- 
ment quelques  symptômes  de  la  forme  putride.  (Voy. 
§  XXXVI  et  XLV.) 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  469 

Le  tartre  stibié,  à  doses  massives  moyennes  (5  à  50 
centigrammes  dans  125  grammes  d'eau,  serait  parfaite- 
ment indiqué  dans  la  forme  eroupale,  si  les  succès, 
publiés  par  les  médecins  allopathes  (94  guérisons  sur 
139cas),  ont  été  obtenus  chez  des  malades  véritablement 
atteints  du  croup  (Voy.  §  XLII). 

Deux  médecins  homœopathes  seulement  ont  signalé 
l'efficacité  de  ce  remède  contre  cette  maladie  :  le 
Dr  Ch.  J.  Peschier,  de  Genève,  avec  une  grande  incom- 
pétence nosologique  [Journal  de  la  Société  gallicane,  1850, 
t.  I,  p.  187),  et  le  Dr  Arnaud,  de  Paris,  avec  des  con- 
naissances pathologiques  plus  précises,  je  crois  [Bulletin 
hom.,  1868,  t.  IX,  page  17). 

Ce  dernier  prescrivait  contre  le  croup  Y  aconit  T  M, 
2  ou  3  gouttes  dans  125  grammes  d'eau,  et  le  tartre  stibié, 
5  centigrammes  dans  125  grammes  d'eau.  Ces  deux 
remèdes  donnés,  à  la  dose  d'une  cuillerée  à  café,  alter- 
nativement toutes  les  heures,  toutes  les  30,  15  et  môme 
toutes  les  10  minutes.  «  Dans  un  assez  grand  nombre  de 
cas  de  croup  » ,  le  Dr  Arnaud  a  vu  réussir  ce  traitement, 
qui  se  rapproche  beaucoup  de  celui  recommandé  par  les 
médecins  allopathes.  En  pareille  occurrence,  on  pourrait 
d'autant  mieux  l'employer  que  le  tartre  stibié,  en  provo- 
quant les  vomissements,  favorise  l'expulsion  des  fausses 
membranes. 

Le  sulfate  de  quinine,  à  doses  massives,  est  indiqué, 
dans  toutes  les  formes  et  surtout  dans  la  forme  ataxique, 
seulement  quand  il  y  a  des  accès  intermittents  (Voy, 
§  XLIII). 

Apis  mellifica  est  indiqué  dans  la  forme  putride  (Voy. 
§  XXXVII). 

Bryonia  alba  est  indiqué  dans  la  forme  putride,  variété 
chronique,  et  peut-être  dans  la  forme  commune  et  crou- 
pale  (Voy.  §  XXXVIII). 

TOUS  XXXII.  —  DÉCEMBRE  1870.  31 

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470  MÉDECINE  PRATIQUE. 

Plumbum  est  indiqué  quelquefois  dans  la  forme  pu- 
tride, mais  plus  souvent,  je  crois,  dans  la  forme  ataxique 
contre  les  paralysies  concomitantes  ou  consécutives 
(Voyez  §  XXX  et  XLIV). 

Aconit  est  indiqué  s'il  y  a  complication  d'une  forte 
fièvre,  surtout  chez  les  enfants.  Ce  remède  doit  être 
alterné  avec  un  autre  médicament  approprié  à  la 
diphthérie. 

On  a  recommandé  aussi  dans  cette  maladie  iodium, 
leUadona,  mercurius  vivas,  corrosivus  et  solubilis,  nilri 
acidum,  kali  nitricum^  kali  bicarbonicum,  kali  chloricum. 
Mais  on  ne  peut  pas  encore  préciser  les  indications  de 
ces  remèdes  contre  les  diverses  formes  de  la  diphthérie. 

D'après  le  Dr  de  Villers,  l'un  des  vulgarisateurs  du  cya- 
nure de  mercure,  ce  médicament  serait  indiqué  dans  la 
diphthérie  épidémique,  et  nitri  acidum  dans  la  diphthé- 
rie sporadique. 

L'expérience  clinique  a  démontré  l'efficacité  des  re- 
mèdes suivants  contre  les  paralysies  diphthéritiques  : 
strychnine,  nux  vomica,  thuja,  phosphorus,  belladona,  rhus, 
lâches  is. 

En  pareil  cas,  lapathogénésie  indiquerait  :  causticum, 
cocculus,  lycopodium,  plumbum,  siliceu,  stannum,  sulfur, 
zincum. 

Je  n'ai  pu  signaler  ici  que  les  indications  générales 
de  quelques  remèdes  contre  la  diphthérie  et  les  paraly- 
sies qui  l'accompagnent.  Les  praticiens  seront  guidés 
par  la  loi  des  semblables  pour  choisir,  parmi  ces  médi- 
caments, celui  qui  sera  le  plus  approprié  à  chaque  forme 
de  la  maladie,  à  chaque  variété  et,  en  un  mot,  à  chaque 
malade  en  particulier. 

Je  ne  veux  point  terminer  cette  monographie  sur  la 
diphthérie  sans  exposer,  pour  en  éclairer  1  etiologie  et 
la  diagnostic,  diverses  considérations  que  j'ai  emprun- 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  471 

lées  pour  la  plupart  à  quelques  membres  de  la  Société 
hornœopathique  de  France  (Voy.  Bulletin  nom.,  t.  XII, 
p.  394-529,  et  t.  XIII,  p.  9). 

LIV.  L'existence  du  génie  épidémique  ne  suffit  pas 
pour  garantir  le  diagnostic  et  constituer  un  critérium 
de  certitude  de  l'existence  d'une  espèce  morbide  quel- 
conque; sinon,  pendant  le  règne  du  choléra,  toutes  les 
affections  gastro-  intestinales  coexistantes  appartien- 
draient au  choléra,  et  pendant  le  règne  de  la  diphthérie, 
toutes  les  angines  pseudo-membraneuses  coexistantes 
appartiendraient  à  la  diphthérie. 

Cependant,  il  faut  le  remarquer,  l'influence  conta- 
gieuse ne  conclut  pas  toujours  à  la  reproduction  de  la 
même  espèce  morbide,  mais  elle  peut  déterminer  l'évo- 
lution d'une  espèce  voisine.  La  contagion,  comme  disait 
Trousseau,  s'opère  alors  par  transition  d'une  espèce  à 
l'autre  et  prépare  l'éclosion  d'une  prédisposition  noso- 
logiquetnent  voisine.  Aussi,  pendant  une  épidémie  de 
diphthérie,  celle-ci  peut  provoquer  chez  les  gens  prédis- 
posés l'éclosion  d'une  angine  simple  et  réciproquement. 
De  même,  pendant  une  épidémie  de  choléra,  celui-ci 
peut  provoquer  chez  les  gens  prédisposés,  l'éclosion 
de  la  diarrhée,  de  l'entérite,  et  réciproquement. 

Sous  l'influence  épidémique,  il  peut  encore  s'opérer 
des  transformations  d'une  maladie  dans  une  autre. 
Ainsi,  en  temps  d'épidémie,  la  fièvre  typhoïde  peut  se 
transformer  en  choléra.  La  diarrhée  est  alors  ['accident 
commun,  le  pont  qui  sert  de  passage  d'une  maladie  à 
l'autre. 

En  temps  d'épidémie  diphthéritique,  l'angine  pulta- 
cée,  l'angine  herpétique,  le  muguet  et  autres  affections 
pharyngiennes  à  fausses  membranes  peuvent  Se  trans- 
former en  diphthérie.  La  faus«e  momhraneest  ici  Yacci- 


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472  MÉDECINE  PRATIQUE. 

dent  commun,  le  pont  qui  sert  de  passage  d'une  maladie 
à  l'autre. 

Dan  s  la  doctrine  du  spécificisme  ou  desentités  morbides, 
cette  transformation  ne  serait  pas  explicable.  Mais  elle 
l'est  dans  la  doctrine  de  J.-P.  Tessier  qui  considère  les 
maladies  comme  des  espèces  par  analogie,  autrement 
dit  comme  des  manières  d'être  ,  des  états  de  l'être  vi- 
vant :  états  habituellement  irréductibles  et  pourtant 
exceptionnellement  transformables  l'un  dans  l'autre. 

Ces  contagions  d'une  éspèce  à  l'espèce  nosologique- 
ment  voisine,  ces  transformations  d'une  espèce  morbide 
dans  une  autre  ne  s'observent  que  rarement  et  presque 
uniquement  en  temps  d'épidémie.  Si  ces  sortes  de  con- 
tagions et  de  transformations  se  montraient  habituelle- 
ment, elles  rendraient  à  peu  près  impossible  la  classifi- 
cation nosologique  et  la  connaissance  de  la  contagiosité 
de  telle  ou  telle  maladie. 

Du  reste,  comme  pour  bien  confirmer  le  principe 
même  de  la  classification  nosologique  et  constituer  ainsi 
l'immutabilité  des  espèces  morbides  pour  base  scienti- 
fique de  la  pathologie,  on  voit  en  tout  temps,  mais  sur- 
tout pendant  une  épidémie,  une  maladie  interrompue 
chez  le  même  sujet  par  une  maladie  intercurrente,  et 
quand  celle-ci  est  terminée,  la  première  reprend  son 
cours  et  achève  son  évolution  naturelle. 

LV.  Plus  haut  (voy.  §  II-VII),  j'ai  cité  plusieurs  affec- 
tions pharyngiennes  dans  lesquelles  on  observe,  comme 
dansladiphthérie,  des  fausses  membranes  dans  la  gorge. 
A  ces  affections,  on  peut  encore  ajouter  l'angine  des 
fièvres  éruplives  et  typhoïdes,  le  phlegmon  des  amyg- 
dales, l'érysipèle  du  pharynx  et  les  angines  occasion- 
nées par  le  mercure,  les  caustiques  et  autres  agents 
toxiques. 


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CAUSERIES  CLINIQUES.  473 

Parmi  ces  angines  et  les  six  autres  citées  précédem  - 
ment  (voy.  §  2,)  il  n'en  est  que  deux,  je  le  répète,  qui 
peuvent  être  confondues,  non  avec  la  diphthérie  grave, 
mais  avec  la  diphthérie  bénigne  ;  ce  sont  les  angines 
herpétique  et  pultacée. 

«  Dans  l'angine  pultacée,  il  ya  deux  caractères  qui 
permettent  presque  toujours  d'établir  le  diagnostic  : 
c'est  le  défaut  d'adhérence  des  fausses  membranes  et 
leur  peu  de  durée.  L'angine  pultacée  dure  rarement 
plus  de  trois  jours  sur  la  même  amygdale,  et  si  elle  dure 
un  septénaire,  c'est  qu'habituellement  elle  atteint  succes- 
sivement les  deux  côtés  de  la  gorge  et  que  le  premier 
pris  est  déjà  guéri  quand  l'autre  présente  la  fausse 
membrane  dans  son  complet  développement.  Cette 
marche  n'est  pointcelle  de  l'angine  diphthéritique.  Dans 
cette  dernière,  la  fausse  membrane  persiste  ordinaire- 
ment un  septénaire,  et  souvent  davantage  ;  de  plus 
elle  ne  se  guérit  point  d'un  côté  pendant  qu  elle  envahit 
le  côté  opposé.  »  [Bulletin  liom.,  XII,  448;  voy.  plus  haut, 
§V.) 

L'angine  herpétique  est  en  quelque  sorte  une  variété 
de  la  fièvre  éphémère,  c'est-à-dire  que  le  mouvement 
fébrile  est  violent,  subit  et  précède  la  localisation  dans 
le  pharynx.  Elle  ne  présente  jamais  ces  fausses  mem- 
branes étendues,  qui,  passant  des  amygdales  à  la  luette 
et  au  pharynx,  tapissent  toute  l'arrière -gorge.  L'angine 
herpétique  débute  ordinairement  par  des  îlots  de  fausses 
membranes,  chose  rare  dans  la  diphthérie,  dont  les 
fausses  membranes  forment  des  plaques  plus  étendues. 
La  durée  et  l'adhérence  sont  souvent  pareilles  dans  les 
deux  maladies  (Voy.  plus  haut,  §  VIII). 

Dr  Gallavardin, 

de  Lyon. 


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M\  A  NOS  LECTEURS. 

I 

Nous  sommes  heureux  d'annoncer  à  nos  sympathiques  lecteurs 
que,  conformément  à  des  vœux  exprimés  de  divers  côtés,  le  Comité 
de  rédaction  a  pu  modifier  sa  première  décision.  Le  journal  pourra 
reparaître  au  4«r  octobre,  c'est-à-dire  un  mois  après  ce  dernier  nu- 
méro, destiné  à  compléter  l'année  1870  et  à  payer  intégralement 
notre  dette. 

Il  restera  sans  doute  une  lacune  de  neuf  mois,  et  l'année  1871  ne 
sera  représentée  dans  notre  collection,  de  deux  volumes  par  an,  que 
par  un  demi-volume  (trimestre  d'octobre,  novembre  et  décembre); 
mais  tout  le  monde  comprendra  que  notre  œuvre  porte  la  trace 
des  malheurs  publics,  auxquels  ni  homme,  ni  chose  n'a  échappé. 
Il  est  même  convenable  qu'il  en  soit  ainsi. 

En  janvier  1872  commencera,  comme  toutes  les  autres  années, 
un  nouveau  volume,  ainsi  qu'en  juillet,  ce  qui  reprendra  le  cour3 
ordinaire  de  notre  publication,  rqui,  nous  l'espérons  bien,  ne  sera 
plus  interrompue. 

Nous  comptons  plus  que  jamais  sur  l'appui  et  le?  encouragements 
de  tous  ceux  qui  nous  ont  aidés  et  soutenus  jusqu'ici.  Plus  les  temps 
sont  difficiles,  et  plus  nous  avons  besoin  du  concours  de  nos  amis, 
dans  une  œuvre  de  dévouement  qui  a  pour  but  la  défense  et  la  pro- 
pagation de  la  vérité  en  médecine ,  envers  et  contre  toutes  les  er- 
reurs, tous  les  préjugés,  toutes  les  passions  acharnés  contre  elle. 

H 

La  même  pensée  et  les  mêmes  vœux  s'appliquent  à  l'intéressante 
fondation  de  l'hôpital  homœopathique  [Manon  Saint-Jacques),  dont 
l'ouverture  a  été  malheureusement  retardée  par  des  événements 
aussi  terribles  qu'imprévus. 

La  Commission  administrative  de  cet  Établissement  en  a  décidé- 
ment fixé  l'ouverture  au  1er  octobre  prochain. 

Nous  n'avons  pas  besoin  de  recommander  cette  fondation  à  la 
bienveillance  de  tant  d'esprits  éclairés  et  généreux,  qui,  ayant 
éprouvé  les  bienfaits  de  l'homœopathie,  en  veulent  faire  profiter 
les  malades  pauvres,  et  qui,  de  plus,  désirent  enfin  voir  s'ouvrir  un 
enseignement  clinique  attendu  depuis  si  longtemps. 

Alph.  Milcent. 


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TABLE  DES  MATIÈRES.  475 


TABLE  DU  TOME  XXXII  DE  L'ART  MÉDICAL 


Académie  de  médecine. 

—  La  variole,  les  revaccina- 
tions militaires,  le  vaccin 
dilué,  par  le  D' P. Jousset.  305 

—  La  clinique  et  la  physio- 
gie  expérimentale,  à  propos 
de  l'arsenic,  par  le  Df  P. 
Jousskt  391 

anatomie  pathologique. 

—  L'embolie  ot  l'arlérite,  par 

le  Dr  P.  Jousset   60 

Arsenic  (Mémoire  sur  I')  dans 
les  névralgies,  par  le 
D' Imh^rt-Gourbeyre..  -20,106 

—  (Action  de  F.i  sur  la  peau, 
par  le  Dr  Lmbert-Gour- 
bkyre   322-440 

Artérite  et  embolie   60 

Bibliographie. 

De  l'herpétisme,du  D' Gigot- 
Suart,  médecin-consultant 
aux  eaux  de  Cauterets,  par 
le  Dr  P.  Jousset  127 

Blessés  (Il  faut  isoler  les).   .  303 

Bruits  inlra-cardiaques  ou 
bruils  morbides  ou  anor- 
maux qui  se  développent  à 
l'intérieur  du  cœur  et  sur- 
tout à  ses  orifices,  par  le 
Dr  Mailliot   44 

Bulletin. 

—  Enseignement  médical  ho- 
mœopathique  aux  Etats- 
Unis  (Journal  du  dispen- 
saire Hahnemann  do 
Bruxelles,  mars  1870).  .  70 

—Hôpital  homœopathique,2* 
liste  de  souscription.  ...  78 

—  De  la  Société  de  chirurgie.  309 

—  Nécrologie.  Lordat,  Caba- 
nis. 73 

Chloral  (Bulletin  de  laSociété 

de  chirurgie)  309 

Clinique. 

—  Quelques  cas  de  Bèvres 
intermittentes  rebelles  au 
sullate  de  quinine,  par  le 

Dr  P.  Jousskt  378 

—Cliniques  (L  6f»ns)  du  Dr  P. 


Jousset,  sur  la  phthisie  pul- 
monaire, rédigées  par  le 
Dr  J. Jablonski  37,  194 

Embolie  et  artérite   60 

Enseignement  médical  ho- 
moeopathique  aux  Etats- 
Unis;   70 

Eruptions  arsenicales  (Voy. 
Action  de  l'arsenic  sur  la 
Peau)  321 

Etude  sur  nos  traditions 
(Voy.  Histoire  de  la  méde- 
cine;, par  le  Dr  F.  Fué- 
dault.  .  .    5,  81,  161,  241,  349 

Etude  sur  la  mort  par  ina- 
nition, par  le  Dr  Bour- 
geois  95,  187,  280  383 

Herpétisme  (de  1').  Voy.  Bi- 
bliog  217 

Histoire  de  la  Médecine  sui  te), 
par  le  D»  F.  Frédault. 

—  De  la  mé  ocine  au  xvn* 
siècle   5 

—  Doctrines   rincipales.  .  81 

—  Hippocrat    -  galénistes 
conciliateur-  ,  historiens, 
institutaire  :    86 

—  Iatro-théonphie;  paraclé- 
lisme;  rose-croix   92 

—  Van  Helmont  ;  Descartes, 
Leibnitz   161 

—  Ecole  iatro-chimique.  .  .  170 

—  Ecole  iatro-mécanique.   .  1*78 

—  Vitalisme  et  animisme.  .  181 

—  Mouvement  général  des 
doctrines  à  la  ûn  du  siècle.  182 

—  Anatomie,  physiologie.  .  241 

—  Découvertes  physiologi- 
ques dans  ce  siècle  (xvii«j.  246 

—  Pathologie  255 

—  Nosographie  275 

—  Anatomie  pathologique.  .  277 

—  Thérapeutique  médicale..  349 

—  —       chirurgicale.  366 

—  La  médecine   au  xvni» 

siècle   421 

Hôpital  homœopathique,  2« 

liste  de  souscription.  ...  78 
Hygiène. 


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470 


TABLE  DES  MATIERES. 


—  Il  faut  isoler  les  blessés, 

par  le  D'  P.  Jousset.  ...  303 
Mkdecine  pratique. 

—  Leçons  cliniques  du  Dr 
Jousset  37,  194 

—  Fièvres  intermittentes  re- 
belles au  sulfate  de  qui- 
nine .  .   378 

—  Causeries  cliniques  :  trai- 
tement de  la  diphthérite, 

par  le  D'  Gallavardin  .  .  456 

Misères  (les  petites)  de  quel- 
ques médecinscatholiques. 
Voy.  Variétés   136,  227 

Monde  bomœopathique  (le). 
Voy.  Variétés  149 

Mort  par  inanition  (Etude  sur 
la)  187 

Nécrologie. 

Lordat,  Cabarus,  par  le  Dr 
Alph.  Milcent   73 

—  Palret,  Longet,  etc   420 

Névralgies  (Mémoire  sur  l'ar- 
senic dans  les).  .  .  .   20,  106 

Observations. 

—  Neuf  observations  de  né- 
vralgies produites  ou  gué- 
ries par  l'arsenic   23,  24, 

29,  31,  32,  34,  35,  36 

—  Neuf  observ.  de  phthisie. 

199  et  suiv. 

—  Deux  observ.  de  bruits 
intra-cardiaques.  .  .   120,  121 

—  Quatreobserv.  d'éruptions 
arsenicales.  ...    341  et  suiv. 

Pathogénie  et  thérapeutique. 

—  Mémoire  sur  l'arsenic  dans 
les  névralgies,  par  le  Dr  1m- 
bert-Goorbeyrb.  ...   20, 106 


33! 
%7f  194 


—  De  l'action  de  l'arsenic 
sur  la  peau,  par  le  D'  1m- 
ber t-Gou  bbeyre  

Pbthisie  pulmonaire  (Voy. 

Leçons  cliniques)  .  . 
Physiologie  expérimentale. 

—  Étude  sur  la  mort  par  ina- 
nition, par  le  Dr  Bourgeois.  95, 

187,  280,  383 
Revaccinations  militaires  (V. 

Acad.deMéd.)  305 

Séméiotiqub. 

—  Bruits  intra-cardiaques  ou 
bruits  morbides  ou  anor- 
maux qui  se  développent  à 
l'intérieur  du  cœur,  et  sur- 
tout à  ses  orifices,  par  le 
D'  L.  Maillot.  .  .   44,  419, 

Société  de  chirurgie. Chloral. 

(Voy.  Bulletin.)  

Vaccin  dilué  (Voy.  Acad.  de 

Méd.)  

Variole  (Voy.  Académie  de 

Méd.)  

Variétés. 

—  Les  petites  misères  de 
quelques  médecins  catho- 
liques, par  le  D«"  Ch.  Ra- 
vbl.  ..........    t«J6,  227 

—  Le  monde  homœopathique, 
par  le  Dr  Gallavardix  (de 
Lyon)  

—  IMus  d'enseignement  d'B- 
tat,  par  le  Dr  P.  Jousset.  . 

—  A  nos  lecteurs,  par  le 
Dr  F.  Frédault  

—  Avis  à  nos  lecteurs,  parle 

Dr  Milcent   320,  418-474 

Table  475 


309 
305 
305 


149 
313 
320 


E.  H. 


FIN  DR  LA  TABLE  DES  MATIÈRES  OU  TOME  TRENTE- DEUXIÉ UT. 


Le  Rédacteur  en  chef,  Jules  Davasse. 


Paris.  -  Tj  p.  Ai  Parent  rue  \fonsi.-ur-le  Prince,  3f. 


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